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Gueux

Variantes Singulier Pluriel
Masculin gueux
Féminin gueuse gueuses

Définitions de « gueux »

Trésor de la Langue Française informatisé

GUEUX, GUEUSE, subst.

A. − Celui, celle qui est réduit(e) par la plus extrême pauvreté à mendier pour subsister. Synon. clochard, indigent, mendiant, miséreux, nécessiteux, va-nu-pieds.Un gueux en guenilles; mener une vie de gueux. Tôt ou tard la banqueroute nous pend au nez, et nous crèverons tous sur la paille comme des gueux (Flaub., Corresp.,1852, p. 159).Roi des poëtes en guenilles, O gueux, maître François Villon (Richepin, Chans. gueux,1876, p. 205).Un monde de gueux et de gueuses hébétés d'oisiveté, et déformés par la satisfaction régulière et naïve de leurs vices pauvres (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 131).V. affilé ex. 3:
1. Les gueux, les gueux, Sont les gens heureux; Ils s'aiment entre eux. Vivent les gueux! Béranger, Chans., t. 1, 1829, p. 57.
P. compar. Fier comme un gueux. Tel guerrier se présentait, fier comme un gueux, mais le maintien sérieux, les traits fins, la draperie annonçaient l'aristocrate (Psichari, Voy. centur.,1914, p. 38).Pauvre comme un gueux. Satan était riche, et saint Michel était pauvre comme un gueux (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Lég. Mt St Michel, 1882, p. 1253).
Expr. vieillies
Gueux fieffé. Mendiant qui se tient toujours à la même place qu'il défend et s'attribue comme un fief (cf. Ac. 1798-1878). P. ext. [avec valeur intensive] Coquin. Ne vous fiez pas à lui c'est un gueux fieffé (Ac.1932).V. infra C.
Gueux revêtu. Gueux enrichi et devenu arrogant (cf. Ac. 1798-1878).
Herbe aux gueux. Clématite des bois. La clématite des haies, vigne blanche. On la nomme encore herbe aux gueux parce que les mendiants s'en servaient pour se créer des plaies et exciter la commisération (Dorvault, Officine,1844, p. 204).
Velours de gueux. Toile de chanvre contenant une trame de coton grossier et imitant le velouté. Veste de velours de gueux (Balzac, Œuvres div., t. 1, Mém. Samson, 1830, p. 541).
HIST., au plur.
[Moy. Âge] Corporation supposée des gueux de Paris dont le quartier général était la Cour des Miracles. Le roi des gueux. Vive Clopin, roi de Thune! Vivent les gueux de Paris! (Hugo, Esmer.,1836, p. 137).
[Au xvies.] Huguenots des Flandres ligués contre Philippe II et qui, s'honorant d'une qualification injurieuse, portaient comme signes de ralliement l'écuelle et la besace (cf. Littré). L'association des gueux, pour s'opposer à l'établissement de l'inquisition, soulève les Pays-Bas (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 4, 1831, p. 287).Voir Sardou, Patrie! 1869, I, tabl. 1, 3, p. 31.
Emploi adj. Ces gens là sont si gueux qu'ils n'ont pas de pain (Ac. 1798-1878). Ce quartier gueux et noir, mal peuplé, mal pavé, mal bâti, qui dort à l'ombre du Panthéon (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 222).
Proverbial et fam. Être gueux comme un rat (d'église), comme un peintre. Ainsi, tu vas rester gueux comme un rat, père Ubu? (Jarry, Ubu,1895, I, 1, p. 36).
B. − Celui, celle que la pauvreté contraint à ne pas maintenir un train de vie correspondant à sa condition sociale, à ses désirs. Ainsi furent donnés l'amour du Beau et la Puissance poétique au fils d'un sombre gueux, carrier de son état (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 97).
Emploi adj. C'est un gentilhomme fort gueux. Faites les prix pour moi, en pensant que je suis devenu plus gueux qu'en aucun temps (Balzac, Corresp.,1839, p. 643).T'ai-je jamais caché que, dans ma vieille bicoque à poivrières, je n'étais pas moins gueux qu'un croquant? (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 82).V. bouquer ex. 1.
Au fig. Ne me juge pas d'après mes lettres, cher ami. Les tiennes sont si pleines, si riches, si affectueuses, que je me sens, à côté, tout gueux (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1922, p. 492).
[S'appliquant à des inanimés] Avoir un équipage fort gueux (Ac. 1798-1878). ARCHIT. Corniche gueuse. ,,Corniche dépourvue d'ornements`` (Ac. 1798-1932).
C. − P. ext. Personne de mauvaise apparence, à la conduite vile, méprisable. Synon. coquin, filou, fripon, misérable.Traiter (qqn) de gueux, de vieille gueuse. Chez les nécessiteux, un garçon qui force les parents à écorner le capital devient un mauvais sujet, un gueux, un drôle! (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Oncle Jules, 1883, p. 414) :
2. ... il s'apostrophait grossièrement, il se traitait de cochon, de triple gueux, de foutue bête et de paillasse. Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 380.
Fam. [Avec une nuance amicale] Tu sais bien que non, petite gueuse, que je t'aime bien mieux qu'elle! (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 197).
[En appos., avec un subst. désignant une pers. ou une chose dont on a à se plaindre] Gueux de.Ces gueux de riches. Gueux de fanal, sors donc... sors donc... Ah! enfin le voilà... Est-il rouge ce matin! (Sue, Atar Gull,1831, p. 8).Son mobilier était saisi!... − Rapport aux frais. − Ces gueux d'huissiers! (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 197) :
3. −Eh ben allons-y; un' deuss' troiss'! Pas gymnastique et en avant! ah! gueux de sort, en voilà une partie de plaisir! et ils prirent le pas de course. Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., III, p. 124.
Subst. fém. Femme de mauvaise vie. Synon. catin, prostituée, ribaude.S'amouracher d'une gueuse :
4. Après dîner, la princesse nous disait : « Oui, j'aurais voulu avoir un tempérament de gueuse, faire mille coquineries... mais je vous promets que ce n'est pas du tout ma nature! ». Goncourt, Journal,1872, p. 860.
Courir la gueuse. Fréquenter les prostituées. Avoir une femme à lui, ça lui semble plus mâle que de courir la gueuse; c'est plus commode aussi (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 350).Rarement au plur. Courir les gueuses. Sait-on pourquoi et comment sa brute de mari (...) après avoir été assez rustre pour la rendre sept fois mère, l'a lâchée tout à coup pour courir les gueuses? (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Inutile beauté, 1890, p. 1161).
La Gueuse ou la gueuse (vieilli). La République française pour ses adversaires royalistes. Je ne suis pas tendre pour la gueuse. Mais il faut reconnaître que la République est quelque fois bonne fille (A. France, M. Bergeret,1901, p. 150).Si elle [la République] n'est pas renversée, dans un mouvement de mépris et d'horreur, cette Gueuse, elle fera sans doute mieux une autre fois. (L. Daudet, Police pol.,1934, p. 168).
D. − Objets d'apparence pauvre ou de bas prix.
1. Subst. masc. Chaufferette en terre percée de trous et portée sur les genoux pour se réchauffer. La bonne chaufferette classique, le pot, le gueux où brûle un morceau de tourbe et qu'abrite une boîte ouverte d'un côté et percée en dessus à coups de tarière (Du Camp, Hollande,1859, p. 30).
Rem. Var. fém. de même sens (infra étymol. B 2 c).
2. Subst. fém.
a) Étoffe de laine fabriquée en Flandre (cf. Littré, Lar. 19e-Lar. encyclop., Quillet 1965). Synon. picote.
b) Dentelle légère et aérée (cf. Mots rares 1965).
REM. 1.
Gueusement, adv.,rare. À la façon d'un gueux, très pauvrement. Cette manière de ne rien faire, combien le paie-t-on? − Cent guinées par an (...). C'est de quoi vivre. − Gueusement (Hugo, Homme qui rit, t. 2, 1869, p. 21).
2.
Gueusette, subst. fém.Petite gueuse. [La gouvernante du Maire :] je l'aime tout plein la gueusette [la petite Bohémienne de dix ans] (Richepin, Miarka,1883, p. 115).
3.
Gueux-gueux, subst. masc. avec valeur hypocoristique.Gros farceur! gros gueux-gueux! (Labiche, Chap. paille Ital.,1851, IV, 8, p. 99).
Prononc. et Orth. : [gø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. 1694-1932. Homon. gueuse (fonte). Étymol. et Hist. A. Subst. masc. 1. mil. xves. « compagnon, coquin » (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 46098 : un rouge gueux); 2. a) 1458 « personne qui vit d'aumônes, et réduite à mendier pour vivre » (A. Greban, Le Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 7488); b) 1545 « personne pauvre » (Le Mirouer des enfans ingratz ds Esn.); c) 1654 « personne qui n'a pas de quoi vivre selon son état, ses désirs » (Guez de Balzac, De la Gloire ds Littré); 3. mil. xves. terme de dédain « être vil » (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 17677); 4. 1830 « pot de terre servant de chaufferette » (Balzac, Œuvres div., t. 2, p. 187). B. Subst. fém. 1. a) ca 1454 la gueue « femme de mauvaise vie » (Philippe Bouton, Les Gouges, 69 ds Romania t. 47, p. 172); b) 1808 courir la gueuse (Hautel); 2. a) 1669 « sorte de dentelle » (Widerhold Fr.-all.); b) 1723 « petite étoffe qui se fabrique en Flandre » (Savary); c) 1851 « pot de terre servant de chaufferette » (Land.). C. Adj. 1. ca 1615 « vil, ignoble, méprisable » (Hardy, La Belle Égyptienne ds Théâtre, éd. Stengel, t. 5, p. 969 : cette gueuse de vie); 2. a) av. 1648 « qui n'a pas de quoi vivre selon son état » (Voiture ds Trév. 1704); b) 1654 « pauvre » (Cyrano de Bergerac, Lettres Diverses, p. 49 ds Œuvres diverses, éd. F. Lachèvre, p. 49 : gueux comme des Diogènes). Prob. empr. au m. néerl. guit « coquin, fripon », qui donne régulièrement gueu en fr. (cf. m. fr. gueu, gueue, gueuesse et gueuer ds FEW t. 16, pp. 98a-99a). Le fém. gueuse a été refait sur le masc. gueu(x) d'apr. le modèle des mots en -eux, -euse*. Les sens B 2 viennent de ce que ceux qui gén. font usage de ces objets ou tissus sont des personnes de misérable condition (des gueux). Le nom de gueuse fut donné par les femmes aux misérables garnitures en dentelle, à la suite de l'édit de Richelieu (1644) contre les passements (cf. J. Quicherat, Hist. du cost. en France, Paris, 1875, p. 502). Fréq. abs. littér. : 930. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 812, b) 3 191; xxes. : a) 1 986, b) 357. Bbg. Barb. Misc. 1 1925-28, p. 19. - Quem. DDL t. 3, 11, 18. - Sain. Arg. 1972 [1907], p. 5, 35, 201, 270, 272, 317. - Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 341, 344, 398; t. 2 1972 [1925], p. 228; t. 3 1972 [1930], p. 105, 201.

Wiktionnaire

Nom commun 2 - français

gueux \ɡø\ masculin

  1. (Zoologie) (Désuet) Espèce d’oiseau de mer.

Nom commun 1 - français

gueux \ɡø\ masculin (pour une femme, on dit : gueuse) singulier et pluriel identiques

  1. (Vieilli) ou (Ironique) Celui qui fait métier de demander l’aumône, mendiant.
    • Mener une vie de gueux.
  2. (Vieilli) ou (Ironique) Indigent, nécessiteux, qui s’attire le mépris.
    • On a beau leur venir en aide, ces gens-là sont toujours gueux.
  3. (Par extension) (Vieilli) Coquin, fripon.
    • Ce Pinacle était le plus grand gueux du pays ; il avait même eu, l’année précédente, une mauvaise affaire avec M. Goulden, qui lui réclamait le prix d’une montre qu’il s’était chargé de remettre à M. Anstett, le curé de Homert, et dont il avait mis l’argent en poche, disant me l’avoir payée à moi. — (Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, J. Hetzel, 1864)
    • J’ai perdu!... toujours à cause de ce gueux d’article. — (Eugène Labiche, L'Article 960 ou la Donation, scène 10, 1839)
  4. (Au féminin) Femme de mauvaise vie.
    • Courir la gueuse.
  5. (Vieilli) Celui qui est dans la gêne, dont les ressources sont au-dessous de son état.
    • Diogène là-bas est aussi riche qu’eux [ceux qui entassent], Et l’avare ici-haut, comme lui, vit en gueux. — (Jean de la Fontaine, Fabl. IV, 20.)
  6. Personne qui a le caractère mesquin.
    • Non de ces gueux d’avis dont les prétentions Ne parlent que de vingt ou trente millions. — (Molière, Fâcheux, III, 3.)
  7. (Dédain) Personne qui a mauvaise apparence ou mauvaise conduite.
    • Les petits gueux [des enfants en haillons] quittèrent aussitôt le jeu en laissant à terre leurs palets, et tout ce qui avait servi à leur divertissement. — (Voltaire, Candide, ch. 10.)
    • Et voilà que je me rappelle les cortèges de gueux qu'on menait en musique, le 1er mai, à Tempelhof, jurer fidélité au Führer. Avec quelle joie, avec quelle foi elles clamaient le Horst-Wessel-Lied, l'hymne hitlérien, ces gueules blêmes. — (Xavier de Hauteclocque, La tragédie brune, Nouvelle revue critique, 1934, p.16)

Adjectif - français

gueux \ɡø\

  1. (Vieilli) ou (Ironique) Qui est indigent, nécessiteux.
    • C’est une famille fort gueuse.
  2. (Figuré) (Architecture) Trop dénué d’ornements.
    • Cette corniche est gueuse.
  3. (Vieilli) Qui n’a pas de quoi vivre selon son état, selon ses désirs.
    • C’est un hobereau fort gueux.
    • (Proverbial) Un avare est toujours gueux, un avare se refuse jusqu’au nécessaire.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

GUEUX, EUSE. n.
Indigent, nécessiteux, qui mendie de façon à s'attirer le mépris. On a beau leur venir en aide, ces gens-là sont toujours gueux. Mener une vie de gueux. Un gueux de profession. Par extension, il signifie Coquin, fripon. Ne vous fiez pas à lui, c'est un gueux fieffé. Dans cet emploi, GUEUSE se dit d'une Femme de mauvaise vie. Courir la gueuse.

GUEUX s'emploie aussi comme adjectif et signifie Qui est indigent, nécessiteux. C'est une famille fort gueuse. Fig., en termes d'Architecture, Cette corniche est gueuse, Elle est trop dénuée d'ornements. Il se dit, particulièrement, d'une Personne qui n'a pas de quoi vivre selon son état, selon ses désirs. C'est un hobereau fort gueux. Prov., Un avare est toujours gueux, Un avare se refuse jusqu'au nécessaire.

Littré (1872-1877)

GUEUX (gheù, gheû z', l'x se lie : un gheû-z impudent. Du temps de Chifflet, Gramm. p. 218, il ne se liait pas : un gheû impudent) adj.
  • 1Qui est necessiteux, réduit à mendier (ce qui se dit avec un sens de dédain plutôt que de pitié). Figurez-vous l'orgueilleux Diogène qui foulait aux pieds l'orgueil de Platon, les presbytériens d'Écosse ne ressemblent pas mal à ce fier et gueux raisonneur, Voltaire, Dict. phil. Presbytériens.

    Familièrement. Être gueux comme un rat, comme un rat d'église, comme un peintre, c'est-à-dire être fort pauvre. Chartier [l'éditeur d'Hippocrate et de Galien] est plus gueux qu'un pauvre peintre, dix mille écus ne payeront pas ses dettes, Patin, Lett. t. II, p. 85. Tous ces blondins sont agréables… la plupart sont gueux comme des rats, Molière, l'Av. III, 8.

  • 2Qui n'a pas de quoi vivre selon son état ou ses désirs. Mais il aime sa fille et voudra s'informer ; S'il apprend qu'il est gueux ? Hauteroche, Bourg. de qual. IV, 5. Il est gueux, archigueux, Th. Corneille, Comt. d'Orgueil, II, 1. Choisir un gendre gueux… ? - Taisez-vous, s'il n'a rien, Sachez que c'est par là qu'il faut qu'on le révère, Molière, Tart. II, 2. Quoique ses parents ne soient point gueux, Sévigné, 148. [Ces fous] Qui, toujours assignant et toujours assignés, Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnés, Boileau, Épît. II. Riche, gueux, triste ou gai, je veux faire des vers, Boileau, Sat. VII. C'est un duc assez malhonnête homme et fort gueux, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 14 juillet 1669. Il s'offre deux partis, vous les chassez tous deux : Le premier est trop riche et le second trop gueux, Regnard, Distrait, I, 1. Grâce à moi [muse] qu'il rendit moins folle, D'être gueux il se consolait, Béranger, Épitaphe.

    PROVERBE

    Un avare est toujours gueux, un avare se refuse le nécessaire.
  • 3Il se dit des choses qui attestent la gueuserie. Un équipage gueux.

    Fig. Terme d'architecture. Corniche gueuse, corniche dénuée d'ornements.

  • 4 S. m. Celui qui fait métier de demander l'aumône. Mener une vie de gueux. Il rencontra un gueux couvert de pustules, les yeux morts, le bout du nez rongé…, Voltaire, Candide, 3. Sages et fous, gueux et monarques, Apprenez un fait tout nouveau, Béranger, Parq.

    Il est jaloux comme un gueux de sa besace, il est très jaloux.

    Fig. C'est un gueux revêtu, se dit d'un homme de rien qui a fait fortune, et qui en est devenu arrogant.

    Fig. [Boileau] N'est qu'un gueux revêtu des dépouilles d'Horace, Boileau, Sat. IX.

    Gueux fieffé, mendiant qui se tenait toujours à la même place.

    Gueux de l'ostière, mendiant qui allait de porte en porte.

    Au fémin. Une gueuse, une mendiante. Vieilli en cet emploi.

  • 5Celui qui est dans la gêne, dont les ressources sont au-dessous de son état. C'étaient des gueux adorés des souverains et des peuples, que les consuls et les dictateurs de ce temps-là, Guez de Balzac, De la gloire. Diogène là-bas est aussi riche qu'eux [ceux qui entassent], Et l'avare ici-haut, comme lui, vit en gueux, La Fontaine, Fabl. IV, 20. Un gueux qui, quand il vint, n'avait pas de souliers, Et dont l'habit entier valait bien six deniers, Molière, Tart. I, 1. Et tout gueux, quel qu'il soit, ne peut être qu'un sot, Th. Corneille, D. César d'Avalos, I, 3. Mon maître ? fi donc ! voilà un plaisant gueux pour une fille comme Angélique ! Lesage, Crispin riv. de son maître, sc. 2. Je n'ai pas voulu te parler au logis, de peur que mon gueux de mari ne nous écoutât, Brueys, Avoc. Pat. I, 2. Des gueux chantons la louange ; Que de gueux hommes de bien ! Béranger, Gueux.

    Ce qui a le caractère mesquin. Non de ces gueux d'avis dont les prétentions Ne parlent que de vingt ou trente millions, Molière, Fâcheux, III, 3.

  • 6 Terme de dédain qu'on applique à des gens de mauvaise apparence ou de mauvaise conduite. Je veux le faire, moi, mourir sous le bâton, Ou le gueux dès ce soir quittera ma maison, Destouches, Glor. III, 8. Mandrin, suivi de cinquante gueux, met une ville entière à contribution ; dès qu'il est entré par une porte, on dit à l'autre qu'il vient avec quatre mille combattants et du canon, Voltaire, Dict. phil. Population. Les petits gueux [des enfants en haillons] quittèrent aussitôt le jeu en laissant à terre leurs palets, et tout ce qui avait servi à leur divertissement, Voltaire, Candide, ch. 10.

    Il se dit au féminin dans le même sens. N'est-ce pas là cette gueuse que vous chassâtes hier ? Brueys, Grondeur, II, 16. C'est du fond d'un vieux carrosse traîné par deux chevaux étiques, que cette gueuse de marquise m'a fait insulter par des laquais tout déguenillés, Dancourt, Chev. à la mode, I, 1.

    Particulièrement. Coquin, fripon. Méfiez-vous de cet homme, c'est un gueux.

    Au féminin. Très familièrement, une coquine, une femme qui vit mal. Monsieur, défiez-vous des gueuses de Paris, Hauteroche, Espr. foll. I, 1. La querelle [du fils aîné du comte d'Auvergne et du chevalier de Quélus] était venue pour du cabaret et des gueuses, Saint-Simon, 43, 259.

  • 7Gueux de, dans le langage populaire, s'emploie comme diable de. Une gueuse de souris qui m'empêche de dormir. Je souffre toujours de mon gueux de rhumatisme.
  • 8 S. m. pl. Les gueux, nom que prirent au seizième siècle les huguenots des Flandres, à l'occasion du discours peu mesuré de Marguerite de Parme, gouvernante des Pays-Bas, qui avait dit en parlant des seigneurs calvinistes que c'était des gueux qu'elle ne redoutait pas.

    Gueux de mer, s'est dit des marins hollandais qui armèrent à la Brielle, en 1572, pour faire la course contre les Espagnols.

    Gueux des bois, s'est dit, à la même époque, des paysans armés qui commencèrent à faire la guerre en partisans, pour fonder l'indépendance des Provinces-Unies.

  • 9 S. m. Espèce d'oiseau de mer.

HISTORIQUE

XVe s. Le duc, trois gueux pour sa cuisine, chascun compté par quatre mois, et doit le gueux en la cuisine commander, ordonner et estre obei, De la Marche, État de la maison de Charles le Hardy, t. II, p. 520, édit. PETITOT.

XVIe s. Les gueux ont leurs magnificences et leurs voluptez, comme les riches, Montaigne, IV, 258. Et avons fait cognoistre que nous ne sommes pas des gueux, comme l'on disoit, et que nous avons plus de moyen et de force en main pour faire service au roy en son besoin que n'ont avec toute leur suitte et praticques ceux qui nous veulent exterminer, Condé, Mémoires, p. 679.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GUEUX. Ajoutez :
10Sorte de chaufferette. On a retrouvé une de ces chaufferettes en terre rouge dite gueux, et l'on suppose que la pauvre vieille s'était endormie dans son fauteuil ayant sous les pieds ce gueux qui a mis le feu à ses vêtements, le Droit, 10 nov. 1871.

HISTORIQUE

XVe s. Ajoutez : S'ele est fine [une dame], soyez songneux Que de ses fins tours vous gardez ; Car souvent les plus rouges gueux [les compagnons les plus roués] Y sont surprins, bien l'entendez, Chansons du XVe siècle, publiées par G. Paris, p. 129.

XVIe s. Ajoutez : Une gueue qui avoit servi les confreres de hurlep [un mauvais lieu], Œuvres facétieuses de Noël Du Fail, Paris, 1874, t. II, p. 282.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

GUEUX, (les) Hist. mod. sobriquet qui fut donné aux confédérés des Pays-Bas en 1566 ; la duchesse de Parme ayant reçû l’ordre de Philippe II. roi d’Espagne d’introduire dans les Pays-Bas de nouvelles taxes, le concile de Trente & l’inquisition, les états de Brabant s’y opposerent vivement, & plusieurs seigneurs du pays se liguerent ensemble pour la conservation de leurs droits & de leurs franchises ; alors le comte de Barlemont, qui haïssoit ceux qui étoient entrés dans cette confédération, dit à la duchesse de Parme, gouvernante, qu’il ne falloit pas s’en mettre en peine, & que ce n’étoit que des gueux. Le prince d’orange, Guillaume de Nassau, surnommé le texiturne, & Bréderode, chefs de ces prétendus gueux, furent effectivement chassés d’Anvers l’année suivante ; mais ils équiperent des vaisseaux, firent des courses sur la côte, se rendirent maîtres d’Enckhuysen, puis de la Brille, & s’y établirent en 1572 malgré tous les efforts du duc d’Albe. Tel fut le commencement de la république de Hollande, qui d’un pays stérile & méprisé, devint une puissance respectable. (D. J.)

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Étymologie de « gueux »

(Adjectif, nom commun 1) On note, au XVe siècle l’emploi au sens de « cuisinier » : Le duc, trois gueux pour sa cuisine, chacun compté par quatre mois, et doit le gueux en la cuisine commander, ordonner et estre obei, ce qui en ferait une variante de queux, coquin.
Diez objecte que, si gueux représente queux, queux, qui représente coquus, n’a l’x qu’à titre de nominatif, que ces sortes d’s ne comptent pas dans la dérivation, et qu’ainsi gueux n’aurait pu donner gueuser, gueuserie. Mais ces mots ne sont pas anciens et ils ont été formés en un temps où l’s de gueux valait une lettre radicale. On l'a donné issu du néerlandais guit (« copain », « coquin ») ; il se pourrait en effet que cette dénomination fût indépendante du mot français ; cependant Schiller les appelle die Geusen, ce qui semble appuyer fortement l’étymologie française.
Le nom fut jeté aux pétitionnaires du compromis des nobles qui, à Bruxelles, au XVIe siècle, lancèrent une pétition contre les excès de la répression visant les protestants et les tenants des vieilles franchises des Pays-Bas espagnols. D'où que le mot fut pris comme une injure que les pétitionnaires assumèrent en organisant un banquet des gueux où ils parurent déguisés en pauvres avec la devise « gueux jusqu’à la besace », voulant dire qu’ils acceptaient d'être dépouillés de leurs biens plutôt que de se dédire.
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L'exemple du XVe siècle prouve que gueux a signifié cuisinier et est une autre forme de queux (voy. ce mot). On peut aussi citer à l'appui ce passage de Voltaire : L'Europe fut inondée de ces dignités héréditaires, de maréchaux, de grands veneurs, de chambellans d'une province ; il n'y eut pas jusqu'à la grande maîtrise des gueux de Champagne qui fut une prérogative de famille, Mœurs, 70. Ce mot a passé, par dénigrement, des marmitons aux mendiants, aux mauvais sujets. Diez objecte que, si gueux représente queux, queux, qui représente coquus, n'a l's ou x qu'à titre de nominatif, que ces sortes d's ne comptent pas dans la dérivation, et qu'ainsi gueux n'aurait pu donner gueuser, gueuserie. Mais ces mots ne sont pas anciens et ils ont été formés en un temps où l's de gueux valait une lettre radicale. On a donné une origine hollandaise (guit, coquin) à la dénomination des gueux de Hollande ; il se pourrait en effet que cette dénomination fût indépendante du mot français ; cependant Schiller les appelle die Geusen, ce qui semble appuyer fortement l'étymologie française.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : M. G. Paris, dans la note qui accompagne le passage cité ci-dessus des Chansons du XVe siècle, dit que gueux, au sens de cuisinier, cité dans l'historique comme d'Olivier de la Marche est certainement une faute de lecture pour queux. Cela paraît vraisemblable ; cependant il faudrait que le texte d'Olivier de la Marche fût vérifié sur les manuscrits. En attendant, écoutons M. G. Paris : il écarte de l'étymologie queux, et rapproche gueux de gayeux, employé avec le même sens dans le jargon de Villon ; l'étymologie de gueux ou gayeux est ignorée. Mais il reste toujours probable que gueux est une altération de queux, auquel un sens péjoratif aura été donné ; le féminin ancien gueue (et non gueuse), paraît plutôt se rapporter à queux, qui vient de coquus, qu'à gueux, qui viendrait on ne sait d'où.

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Phonétique du mot « gueux »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
gueux

Fréquence d'apparition du mot « gueux » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Citations contenant le mot « gueux »

  • Je préfère peindre des yeux humains plutôt que des cathédrales - l’âme d’un être humain - même les yeux d’un pitoyable gueux ou d’une fille du trottoir sont plus intéressants à mes yeux.
    Gustave Courbet
  • Le mot de peuple est un des plus beaux mots de la langue française. Il dit le manque et l’entêtement, la noblesse des gueux sous l’incurie des nobles.
    Christian Bobin — L’inespérée
  • Les femmes choisiront toujours pour mari le plus riche de leurs prétendants, et elles ont raison, car l'amour est un enfant gâté, et le gueux ne saurait satisfaire ses fantaisies.
    Pamphile Lemay — Picounoc le maudit
  • Je suis triste pour Albert! Barman s'il vous plait, une gueuse lambic, et une bellevue.
    ladepeche.fr — La gueuze lambic - ladepeche.fr
  • Rien ne peuple comme les gueux.
    Denis Diderot
  • La consolation du vieillard que l'on croit faits pour les grands du monde et pour les riches, sont plutôt le partage des gueux, qui en savourent la douceur avec plus de licence, plus de goût et plus de tranquillité qu'eux.
    Alain-René Lesage — Guzman d'Alfarache
  • Tous les gueux se réconcilient à la gamelle.
    Denis Diderot — Le neveu de Rameau
  • Un riche avare est plus pauvre qu’un gueux.
    Proverbe russe
  • - L'Action française qui depuis 1879 veut "renverser la gueuse" (La République) pour rétablir une monarchie bourgeoise. Antisémite, elle est néanmoins en perte de vitesse.
    France - Monde | Pourquoi, à Paris, on ne manifestait plus place de la Concorde depuis 1934
  • Nous voilà revenir au Moyen-Age, aux temps des gueux ! Mais sans la Ballade des pendus ....
    ladepeche.fr — Toulouse : inanimée après une tentative de suicide, elle est cambriolée par un individu qui ne contacte pas les secours - ladepeche.fr
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Traductions du mot « gueux »

Langue Traduction
Anglais beggar
Espagnol mendigo
Italien mendicante
Allemand bettler
Chinois 乞丐
Arabe شحاذ
Portugais mendigo
Russe нищий
Japonais 乞食
Basque eskale
Corse mandatura
Source : Google Translate API

Synonymes de « gueux »

Source : synonymes de gueux sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « gueux »

Combien de points fait le mot gueux au Scrabble ?

Nombre de points du mot gueux au scrabble : 13 points

Gueux

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