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Craindre

Définitions de « craindre »

Trésor de la Langue Française informatisé

CRAINDRE, verbe trans.

I.− [Le suj. désigne un être animé, gén. un être hum.] Avoir une réaction de retrait ou d'inquiétude à l'égard de quelqu'un ou de quelque chose qui est ou pourrait constituer une source de danger.
A.− [Le compl. d'obj. est un subst.]
1. [Le compl. d'obj. désigne un être animé]
a) [L'existence de l'être, désigné par le compl. d'obj., est effective ou supposée telle]
α) Éprouver un sentiment d'inquiétude à l'égard de quelqu'un qui paraît constituer une source de danger. Craindre les bêtes féroces, les gendarmes, ses rivaux. Synon. avoir peur de, redouter.Craignant l'ennemi (cf. ex. 4).Elle le craignait parce qu'il était méchant (Staël, Lettres jeun.,1788, p. 231):
1. Son établissement [du rossignol] près de nous montrait qu'il ne nous craignait guère, qu'il avait un sentiment de la sécurité profonde qu'il pouvait avoir à côté de deux ermites du travail... Michelet, L'Oiseau,1856, p. 264.
2. Gilbert ne craignait pas les gardes-chasse, mais il redoutait tout l'appareil de l'État inconnu, invisible, présent par les affiches, la conscription, les gendarmes, le percepteur (...), et par les nouvelles qui venaient jusqu'à la Vigie. R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 58.
[À la forme nég., par litote] Ne craindre personne pour/à qqc.S'estimer égal ou même supérieur à n'importe qui, en quelque chose. Il ne craint personne aux armes (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 193).Pour la jactance il craint personne (Céline, Mort à crédit,1936, p. 44).
Emploi pronom. réciproque. Nous nous sommes craints l'un l'autre (Balzac, Mém. jeunes mar.,1842, p. 351).Emploi pronom. réfl. Elle aime M. de Nemours, (...) elle le craint et se craint elle-même (A. France, Vie littér., t. 4, 1892, p. 297).
(Être) à craindre.Ces gens étaient à craindre, avec leur odieux journal (Sardou, Rabagas,1872, III, 2, p. 108).Soit qu'on jugeât ces pauvres hères moins à craindre que nous... (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 303).
Emploi factitif
Faire craindre qqn.[Le suj. de faire craindre désigne une caractéristique de la pers. qui constitue la cause de l'inquiétude] Sa dédaigneuse raillerie ne contribuait pas médiocrement à la faire craindre (Balzac, Langeais,1834, p. 259).
Se faire craindre (de qqn).Les classes supérieures de la société commencèrent à se préoccuper du sort du pauvre avant que celui-ci se fît craindre d'elles (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 286).
β) Spéc., RELIG. (lang. biblique). Craindre Dieu (Dieu terrible). Les habitants d'Orléans craignaient Dieu. En ce temps-là Dieu se faisait beaucoup craindre; il était presque aussi terrible qu'au temps des Philistins (A. France, J. d'Arc,t. 1, 1908, p. 135).
P. ext. Craindre Dieu (Dieu bon, mais constituant une autorité). Respecter, adorer. Il se trouva que le charpentier qui avait fait l'échelle, craignait Dieu (...) cet homme pieux établit sur la colonne un toit (A. France, Thaïs,1890, p. 276).
Loc. Ne craindre ni Dieu ni diable. Ne rien respecter, n'avoir aucun scrupule.
P. anal. [Le compl. d'obj. désigne une autorité hum.] Avoir des sentiments de respect mêlés d'inquiétude. Craindre ses chefs. Synon. révérer, vénérer.Maîtresse absolue de son terrain, vénérée et crainte (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 104).Le rédacteur judiciaire (...) est craint ou envié des policiers (Coston, A.B.C. journ.,1952, p. 115):
3. Puis il [l'enfant] avait encore hérité d'une voix Où le commandement se mêlait à la fête Cordiale qu'on a de craindre sa maman Verlaine, Poèmes divers,Retraite, 1896, p. 183.
b) [L'existence de l'être désigné par le compl. d'obj. est possible] Envisager avec inquiétude l'existence possible de quelqu'un qui paraît constituer une source de danger. Synon. redouter.Lui, ne craignait pas de rival, Quand il traversait mont ou val (Cros, Coffret santal,1973, p. 21).Aucun despote à craindre (Sully Prudh., Justice,1878, p. 68).Dans la confiance inconsciente que nul danger n'était proche, qu'aucun ennemi n'était à craindre (Pergaud, De Goupil,1910, p. 155).
Rare. [Le danger vise une pers. autre que celle qui ressent de l'inquiétude, cette pers. étant désignée par un compl. prép. pour; cf. I A 3 b] Je ne crains pour vous que les bandits sur la route, à cette heure (Montherl., Reine morte,1942, III, 6, p. 229).
2. [Le compl. d'obj. désigne une chose]
a) [L'existence de ce qui est source de danger est effective ou supposée telle] Éprouver de l'inquiétude à l'égard de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Synon. avoir peur de, redouter.
α) [Le compl. d'obj. désigne un objet matériel, un élément ou un phénomène naturel] Elles [les chiennes] aiment leur maître, elles craignent la cravache (Colette, Music-hall,1913, p. 177).Thomas, cette nuit, ne craint pas la mer. Il craint le vent (Queffélec, Recteur,1944, p. 113):
4. D'autre courage, point; craignant le tonnerre, craignant les ténèbres, craignant l'ennemi, et implacable pour qui lui faisait peur. Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 291.
Proverbe. Chat échaudé craint l'eau froide. La déclaration est un tant soit peu roide, Mais, bah! chat échaudé craint l'eau, fût-elle froide (Verlaine, Œuvres compl.,t. 1, Jadis, 1884, p. 320).
Fam. Se méfier de, éviter. Craindre le fromage. [A la forme nég., par litote] Ne pas craindre le vin. L'aimer, pouvoir en consommer une assez grande quantité. Aimez-vous la bière, monsieur Guitrel? − Je ne la crains point, monseigneur (A. France, Anneau améth.,1899, p. 325).
β) [Le compl. d'obj. désigne un fait, un événement, un élément de situation de la vie hum.] Craindre la maladie, la mort. Et je crains l'amitié de l'homme variable (Moréas, Iphigénie à Aulis,1903, p. 158).L'homme craint la vérité encore plus qu'il ne l'aime (Alain, Propos,1922, p. 407):
5. Tarkington ne craignait pas le danger : les obus font partie du travail de jour. Mais ses rhumatismes craignaient l'eau... Maurois, Les Silences du colonel Bramble,1918, p. 101.
b) [L'existence de ce qui est source de danger est possible] Envisager avec inquiétude l'existence possible, et/ou sentie comme imminente, de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Craindre l'accident fatal, une/la guerre, une/la tempête. Synon. appréhender, redouter.La mer devient houleuse... Je crains bien un orage (Chénier, Bucoliques,1794, p. 172).Il se faisait (...) de petites remontrances intérieures et il craignait les reproches de Marius (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 440).Il fallait craindre des complications (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 187):
6. ... les vivres enchérissaient. Le peuple craignait la famine; les aristocrates, disait-on, la souhaitaient, les accapareurs la préparaient. A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 66.
7. « Quand nous traverserons la clairière, se dit Alban, s'il passe un avion... » Et tout de suite il sursauta. Depuis quand avait-il de ces appréhensions? Était-ce son cœur mécontent qui lui faisait voir tout en trouble? Jamais, jamais, depuis trois mois, la pensée de pouvoir craindre un avion ne s'était présentée à lui... Montherlant, Le Songe,1922, p. 133.
[Le danger vise une pers. autre que celle qui éprouve l'inquiétude, cette pers. étant désignée par un compl. prép. pour; cf. I A 3 b] Elle avait craint pour lui les fatigues et les dangers de la guerre (Sand, Hist. vie,t. 1, 1855, p. 412).Quand il faisait de l'orage, [elle] craignait pour lui la foudre (Flaub., Trois contes,Cœur simple, 1877, p. 35).
[Avec un compl. prép. de désignant ce qui est à l'orig. du danger]
Craindre qqc. de la part de qqn.Je craignais de ta part des suppositions odieuses (Flaub., Corresp.,1846, p. 217).
Avoir (peu, ...) à craindre de qqn/qqc.Ceux qui ont tout à craindre de la vérité (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 280).Quand elle n'eut plus rien à craindre d'eux (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 168).
Emploi factitif. Faire craindre qqc. (à qqn).[Le suj. de faire craindre désigne ce qui constitue un signe de ce qui est considéré comme une source de danger] Porter à envisager avec inquiétude l'existence possible de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Sa réserve diplomatique [du billet] me fit craindre un refus du roi (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 569).Déclarations faisant craindre le pire (Beaufre, Dissuasion et stratég.,1964, p. 78).Ces crises gastro-intestinales (...) font craindre une défaillance surrénale aiguë (Quillet Méd.1965, p. 497).
3. Emploi abs. Éprouver un sentiment d'inquiétude déterminé par l'idée d'un danger existant ou possible.
a) [Sans compl. prép. pour] Quelque raison de craindre (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 6; cf. aussi ex. 9).Sans espérer ni craindre (Alain, Propos,1928, p. 784):
8. L'animal, sans doute, ne rumine pas l'idée de la mort. Il ne craint que contraint de craindre. Le péril disparu, la puissance du pressentiment funeste s'évanouit... Valéry, Variété III,1936, p. 189.
Arg. ,,Être recherché par la police`` (Le Breton 1960). ,,Depuis qu'il craint, Miton, qui est plutôt chaleureux, ne déplanque de sa piaule que la noïe`` (Le Breton1960).
b) [Avec compl. prép. pour désignant la pers. ou la chose menacée]
[Le compl. prép. pour désigne une pers.] Craindre pour ses enfants :
9. alain. − Il y a longtemps qu'elle me fait peur. élisabeth. − Pourquoi ne m'en as-tu rien dit? alain. − Je ne voulais pas attirer ton attention... Je craignais pour nous deux... Tu vois? J'avais raison de craindre... Mauriac, Les Mal Aimés,1945, II, 9, p. 214.
[Le compl. prép. pour désigne une chose, le plus souvent un fait, un événement, un élément de situation de la vie hum.] Craindre pour la raison de qqn, pour sa santé. Elle craignait pour l'avenir de ses enfants (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 113).J'avais craint pour les bâtiments du port (Larbaud, Journal,1932, p. 265).
B.− [Le compl. d'obj. est un énoncé verbal ou son substitut pronom.]
1. [Le suj. de l'énoncé verbal compl. est le même que celui de craindre] Craindre de + inf.
a) Éprouver un sentiment d'inquiétude à l'idée de faire ou de subir quelque chose. Craindre de se baisser, d'être seul. Il craignait de s'engager dans les montagnes (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 543).Craignant de partager sa chambre longtemps (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 330):
10. Il [le traducteur] doit toujours craindre, par une précision excessive, de limiter l'essor de l'imagination. L'âme humaine (et pourquoi craindre d'employer ce mot pour désigner ce faisceau d'émotions, de tendances, de susceptibilités dont le lien n'est peut-être que physiologique) reste de contours vaporeux, changeants, insaisissables... Gide, Journal,1942, p. 132.
[À la forme négative, p. litote] Oser, avoir l'audace de. Ne pas craindre d'affirmer, de choquer :
11. ... Faria, abbé, savant, homme d'église, n'avait pas craint de risquer la traversée du château d'If à l'île de Daume, (...); lui, Edmond le marin (...) hésiterait-il donc à faire une lieue en nageant? Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 190.
b) Envisager avec inquiétude qu'un fait jugé néfaste ait une existence effective. Craindre d'avoir été ridicule, de fondre en larmes, de tomber. Synon. appréhender de.Avec la hâte d'un voyageur pressé qui craint de manquer le train (Rolland, J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p. 1400).Craindre de limiter l'essor de l'imagination (cf. ex. 10):
12. Nous passâmes si près de ce bâtiment, que nous observâmes jusqu'à la physionomie des individus; elle n'exprima jamais la crainte, pas même l'étonnement : ils ne changèrent de route que lorsqu'à portée de pistolet de l'astrolabe, ils craignirent d'aborder cette frégate. Voyage de La Pérouse,t. 3, 1797, p. 3.
[Dans la lang. de la conversation, avec expr. hyperbolique; caractérisant les relations sociales] Craindre d'importuner. Je vous remercie, mon Père, mais je craindrais d'abuser... (Billy, Introïbo1939, p. 233)
2. [Le suj. de l'énoncé verbal compl. est différent de celui de craindre] Craindre que + subj.Envisager avec inquiétude qu'un fait jugé néfaste ait une existence effective. Sans craindre qu'il me trahisse (Staël, Lettres jeun.,1786, p. 120).Craindrai-je que l'univers connoisse mon péché, quand je n'ai pas craint que le Seigneur le connût (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p. 395) : Je crains toujours que tu ne sois pas heureux ici (Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 698):
13. On a pu craindre d'abord qu'elle [la Résistance] ne se survive artificiellement; on lui trouvait d'inquiétantes ressemblances avec le parti unique des dictatures. Cette inquiétude s'est dissipée à mesure que son rôle véritable se dégageait chaque jour plus clairement − son rôle qui est de susciter une nouvelle génération de grands parlementaires... Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 451.
Rem. 1. Emploi de la particule explétive ne et de la négation complète, dans la sub. régie par une forme de craindre. a) Après une forme affirmative non interr. de craindre, si ce que l'on craint consiste dans la réalisation d'un fait, la particule explétive ne est gén. empl. dans la sub., mais il arrive qu'elle soit omise, cette tendance apparaissant comme un peu plus fréq. dans les textes du xxes. que dans ceux du xixes. Je craignais qu'on ne se mît à rire (Senancour, Obermann, t. 1, 1840, p. 115). Les deux officiers craignaient que l'un des voyageurs aperçût l'iceberg (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 194). Après une forme négative non interr. de craindre, la particule explétive ne n'apparaît jamais dans la sub. : sans craindre qu'il me trahisse (cf. supra). Après une forme interr., la particule explétive ne est souvent omise dans la sub. Craindrai-je que l'univers connoisse mon péché (cf. supra); l'emploi de la particule est plus fréq. lorsque la forme de craindre est à la fois interr. et négative. Ne craignez-vous pas que la publication de la Vita ne réveille mainte haine (...)? (Montherl., Malatesta, 1946, IV, 9, p. 530). Ne craignez-vous point que Dieu se lasse (...)? (Bernanos, Dialog. Carm., 1948, p. 1593). b) Pour exprimer la négation dans la sub., on emploie la négation complète (ne... pas, etc.), qui s'oppose à la particule explétive ne. Je crains toujours que tu ne sois pas heureux ici (cf. supra). 2. On rencontre, exceptionnellement, ds la docum. craindre + compl. d'obj. subst. + adj. ou part. attribut du compl. d'obj., équivalant à craindre que + suj. + une forme de être + adj. ou part. attribut du suj. Je les [les hôtels] crains très tuberculisés (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1908, p. 414). Nous les [les origines d'un ouvrage] craignons humbles (Valéry, Variété I, 1924, p. 227).
3. Je le crains, nous le craignons (en incise, le représentant un énoncé verbal). Or, je le crains, l'auteur serait un professeur ennuyeux (Amiel, Journal,1866, p. 225).Une série de superbes fragments, les Illuminations, à tout jamais perdus, nous le craignons bien (Verlaine, Œuvres compl., t. 4, Poètes maud., 1884, p. 34).Ils cèdent, je le crains, à une sympathie personnelle (Mauriac, Journal 3,1940, p. 262).
[Avec omission de le] Ce qui me manque, je crains, c'est la patience (Delacroix, Journal,1822, p. 18).
II.− [Le suj. désigne une chose; le compl. d'obj. désigne un agent physique] Manifester de la sensibilité à quelque chose qui apparaît comme nocif. Le myrte craint les froids de l'hiver (Chénier, Bucoliques,1794, p. 246).Un taxi qui ne craint ni les caniveaux ni même les degrés des raidillons (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 112):
14. − L'ibex a peur du lion, la colombe redoute l'épervier, la prunelle craint le soleil, et je ne te vois encore qu'à travers les terreurs et les éblouissements... Gauthier, Le Roman de la momie,1858, p. 327.
Rem. Sur l'emballage de certaines marchandises sont inscrites des formules ell. comme craint l'humidité, la chaleur.
Arg. ,,Ça craint le soleil, c'est de la marchandise volée`` (Lacassagne, Arg. « milieu », 1928, p. 188)
P. anal. [Le suj. est une pers. envisagée comme qqc. de fragile] Une douceur sournoise d'être fragile qui craint les chocs (Zola, Bête hum.,1890, p. 243).Ses parents, qui, craignant le chaud... (Colette, Naiss. jour.,1928, p. 25).J'ai toujours craint l'air vif à l'aube, je ne saurais trop me défendre contre sa malignité, reprit-il après un long silence (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1528).
Rem. Le sujet désigne parfois, non la pers., mais une caractéristique de la pers. Ses rhumatismes craignaient l'eau (cf. ex. 5).
Prononc. et Orth. : [kʀ ε ̃:dR̥], (je) crains, (il) craint [kʀ ε ̃], (nous) craignons [kʀ ε ɳ ɔ ̃]. Homon. crin. Conjug. : [kʀ ε ̃], 1re, 2e, 3epers. du sing. du prés. de l'ind. (crains, craint). Impér. sing. (crains). Part. passé (craint, fém. crainte [kʀ ε ̃:t]). [kʀ ε ɳ-] : 1re, 2e, 3epers. du plur. du prés. de l'ind. (craignons, craignez, craignent). Tout l'imp. de l'ind. (craignais, etc.). Tout le passé simple de l'ind. (craignis, etc.). Subj. imp. (craignisse, etc.). Part. prés. (craignant). Impér. plur. (craignons, craignez). [kʀ ε ̃dR̥] : inf. (craindre). Fut. (craindrai, etc.). Cond. prés. (craindrais, etc.). Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. emploi abs. « avoir peur de » crement subj. prés. 2epers. du plur. (cf. introd. de l'éd. p. 76) (Passion, ms. Clermont, éd. D'A. S. Avalle, 403); ca 1050 suivi de que + subj. et ne discordantiel criem ind. prés. 1repers. du sing. (Alexis, éd. Chr. Storey, 60 : mult criem que ne t'em perde); ca 1100 trans. crendrez ind. fut. 2epers. du plur. (Roland, éd. J. Bédier, 791); 1120-50 suivi de que + subj. criem (Grand mal fit Adam, I, 129 ds T.-L.), en concurrence avec les formes pronom. jusqu'au xvies.; ca 1175 avec de + inf. crient (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 1512), en concurrence avec les formes pronom. jusqu'au xvies.; xiiecriendre (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, 48, 16); 2. ca 1120 « révérer, éprouver un grand respect pour (Dieu) » crendrez (St Brendan, éd. E.G.R. Waters, 477); ca 1275 creindre (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 11500); 3. ca 1530 ne pas craindre sa peine « ne pas ménager sa peine » (Marguerite de Navarre, Nativité, 9, éd. Schneegans ds IGLF); 4. 1580 « être sensible à l'action de, ne pas supporter » (B. Palissy, Discours admirables, éd. A. France, p. 413, ibid.). Issu du lat. class. trĕmĕre « trembler » d'où « trembler de peur devant quelque chose, redouter, craindre », altéré en gallo-roman sous une forme *cremere par croisement avec un rad. celtique *crit- postulé par le bret. kridien, le cymrique crit et le gaélique crith « frisson, tremblement » (cf. Henry (V.), p. 82; FEW t. 13, 2, p. 240 a; REW3, no8877). Pour les changements dans la conjugaison et en partic. le passage de cr(i)embre à criendre puis à craindre, v. Fouché Morphol., § 69. Fréq. abs. littér. Craindre : 9 834. Craint : 2 022. Craignant : 938. Fréq. rel. littér. Craindre : xixes. : a) 18 722, b) 13 789; xxes. : a) 11 047, b) 11 814. Craint : xixes. : a) 4 131, b) 2 564; xxes. : a) 2 381, b) 2 267. Craignant : xixes. : a) 1 455, b) 1 754; xxes. : a) 1 491, b) 910. Bbg. Aymeric (J.). Ind. après craindre, falloir, vouloir. Z.fr. Spr. Lit. 1889, t. 11, p. 269. − Gottsch. Redens. 1930, p. 10, 11, 221, 259. − Popinceanu (I.). Elemente nichtlateinischen Ursprungs im fr. und rumänischen Wortschatz. In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 420. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 387-388.

Wiktionnaire

Verbe - français

craindre \kʁɛ̃dʁ\ transitif ou intransitif 3e groupe (voir la conjugaison)

  1. Envisager par la pensée quelqu’un ou quelque chose comme devant être nuisible, dangereux.
    • Ces personnes ont craint, en pénétrant trop avant dans le système de l'homme, de voir disparaître ses plus brillantes attributions. — (Journal de médecine, chirurgie, pharmacie, etc, V. 35, 1816, page 376)
    • Une accusation de complot contre la vie de Napoléon III fut abandonnée par prudence ; l’idée était dans l’air, on craignait d’évoquer l’événement. — (Louise Michel, La Commune, Paris : P.-V. Stock, 1898, page 22)
    • Nous ne prenions jamais une auto dans que je dise au chauffeur : « Pas trop vite hein, vieux, madame a peur. » Mais il savait bien que c’était moi qui « craignais », comme on dit en Avignon, et il riait de bon cœur. — (Léon Daudet, Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux/Vingt-neuf mois d’exil, Grasset, réédition Le Livre de Poche, page 462)
    • Stendhal dit quelque part que le soldat ne craint pas la mort, parce qu'il espère bien l'éviter par son industrie ; cela s’appliquait tout à fait à ce genre de guerre que nous faisions. — (Alain, Souvenirs de guerre, Hartmann, 1937, page 102)
    • Jim et Jimmy, qui devaient débuter le surlendemain à Genève, avaient craint qu'on ne les empêchât de partir. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Ahmed Abdou s'effrayait aussitôt, et craignait que la graine dure et traîtresse, cachée sous les fibres, ne blessât la fillette. — (Out-el-Kouloub, « Zariffa », dans Trois Contes de l’Amour et de la Mort, 1940)
    • Ne craindre ni Dieu ni diable, se dit d’un homme qu’aucune crainte n’arrête.
    • Je ne crains pas de le dire, de l’assurer, etc., Je n’hésite pas à le dire, à l’assurer, etc., parce que j’en ai la certitude.
  2. Respecter, révérer.
    • Craindre Dieu.
    • Craindre son père, sa mère.
  3. Être susceptible de subir certaines choses qui peuvent atteindre, endommager ou détruire.
    • Ces arbres ne craignent pas le froid.
    • Cette couleur craint le soleil.
    • Ce vase de terre ne craint pas le feu.
  4. (Intransitif) (Populaire) Présenter un risque, être dangereux, en parlant d'une personne ou d'une situation.
    • Des grosses bêtes
      Des choses pas sympa
      Des gros trucs cracras qui craignent grouillent et qu’ont les crocs

      — (Stupeflip, Les Monstres sur l’album Stupeflip, 2003)
    • Il craint.
    • Ça craint.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CRAINDRE. (Il se conjugue comme CONTRAINDRE.) v. tr.
Envisager par la pensée quelqu'un ou quelque chose comme devant être nuisible, dangereux. Craindre le péril, la mort, la douleur, les maladies, la pauvreté, etc. Craindre le tonnerre. C'est un homme qui ne craint rien. Je crains qu'il ne vienne. Je crains qu'il ne vienne pas. Il est à craindre que cette entreprise n'échoue. Il craint d'être découvert. Il craint d'être importun. Je ne vous crains pas. Je ne crains pas ses menaces. C'est un homme craint de tous. Absolument, Je crains pour vous. Fam., Ne craindre ni Dieu ni diable, se dit d'un Homme qu'aucune crainte n'arrête. Je ne crains pas de le dire, de l'assurer, etc., Je n'hésite pas à le dire, à l'assurer, etc., parce que j'en ai la certitude. Il se prend aussi pour Respecter, révérer. Craindre Dieu. C'est un homme craignant Dieu. Craindre son père, sa mère. Il se dit également de Certaines choses par rapport a celles qui leur sont contraires, qui peuvent les endommager, les détruire. Ces arbres ne craignent pas le froid. Cette couleur craint le soleil. Ce vase de terre ne craint pas le feu.

Littré (1872-1877)

CRAINDRE (krin-dr'), je crains, tu crains, il craint, nous craignons, vous craignez, ils craignent ; je craignais ; je craignis ; je craindrai ; je craindrais ; crains, qu'il craigne, craignons, craignez ; que je craigne, que nous craignions, que vous craigniez ; que je craignisse ; craignant ; craint, crainte v. a.
  • 1Éprouver le sentiment qui fait reculer, hésiter devant quelque chose qui menace. Qui ne craint pas la mort ne craint pas les menaces, Corneille, Cid, II, 1. Qui peut tout doit tout craindre, Corneille, Cinna, IV, 3. Il ne faut craindre rien quand on a tout à craindre, Corneille, Héracl. I, 5. Les rois craignent surtout le reproche et la plainte, Racine, Esth. III, 1. Je le craindrais bientôt s'il ne me craignait plus, Racine, Brit. I, 1. Comme il les craint sans cesse, ils le craignent toujours, Racine, Baj. I, 1. Nous [Phéniciens] avions tout à craindre de sa sagesse [de Sésostris], Fénelon, Tél. III. C'était une de ses maximes, qu'il fallait craindre les ennemis de loin pour ne les plus craindre de près et se réjouir à leur approche, Bossuet, Louis de Bourbon. Mentor, qui craignait les maux avant qu'ils arrivassent, ne savait plus ce que c'était que de les craindre dès qu'ils étaient arrivés, Fénelon, Tél. II. Et dans l'état où j'entre, à te parler sans feinte, Elle a lieu de me craindre, et je crains cette crainte, Corneille, Rod. I, 5. Prince, je crains le crime et non point le trépas, Lamotte, Inès de Castro, III, 6.

    Absolument. Espérer, c'est se flatter de la jouissance d'un bien ; craindre, c'est se voir menacé d'un mal, Condillac, Traité sens. part. I, ch. 3, § 8.

    Craindre pour quelqu'un, pour quelque chose, craindre qu'il ne lui arrive quelque mal, quelque dommage. Il [Thalès] avait coutume de dire que la preuve d'un bon gouvernement était d'engager les sujets non à craindre le prince, mais à craindre pour lui, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. II, p. 616, dans POUGENS.

    Se faire craindre, inspirer la crainte. Ils se sont fait longtemps craindre. Quand on cherche si fort les moyens de se faire craindre, on trouve toujours auparavant ceux de se faire haïr, Montesquieu, Lett. pers. 141.

  • 2Révérer, respecter. Craindre son père. Je crains Dieu, cher Abner, Racine, Athal. I, 1. La gloire des méchants en un moment s'éteint ; L'affreux tombeau pour jamais les dévore ; Il n'en est pas ainsi de celui qui te craint : Il renaîtra, mon Dieu, plus brillant que l'aurore, Racine, Esth. II, 9. Crains Dieu, et garde ses commandements, car c'est là tout l'homme, Bossuet, Duch. d'Orl. Souvenez-vous que ceux qui craignent les dieux n'ont rien à craindre des hommes, Fénelon, Tél. XI. Il faut que les sujets espèrent en Dieu et que les souverains le craignent, D'Alembert, Éloges, Bossuet.

    Familièrement. Ne craindre ni Dieu ni diable, se dit d'un homme méchant et capable de tout.

    Par extension. Ce cheval craint l'éperon, il obéit à l'éperon.

  • 3En parlant des choses inanimées, éprouver du dommage ne pas résister. Ces plantes craignent la gelée Arbres qui ne craignent pas l'hiver.
  • 4 V. n. Craindre avec de et l'infinitif, hésiter, ne pas oser. Ne craignons pas de parler en cette circonstance. On ne voit dans ses jugements [du juge qui veut s'agrandir] qu'une justice imparfaite, semblable, je ne craindrai pas de le dire, à la justice de Pilate…, Bossuet, le Tellier. Sans cesse on prend le masque, et quittant la nature, On craint de se montrer sous sa propre figure, Boileau, Épît. X. Sur les pas d'un banni craignez-vous de marcher ? Racine, Phèd. V, 1. Des soupirs qui craignaient de se voir repoussés, Racine, Androm. III, 6. Le cardinal de Richelieu était mort peu regretté de son maître, qui craignit de lui devoir trop, Bossuet, le Tellier. Viens régner avec nous si tu crains de servir, Voltaire, Fanat. I, 4.

    Avec le subjonctif accompagné de la particule ne. Craignez-vous qu'il ne vienne ? Je crains qu'en l'apprenant son cœur ne s'effarouche, Corneille, Nicom. I, 5. Je n'ai jamais importuné Votre Majesté pour lui demander du bien ; je crains que je ne l'importune en lui disant qu'elle m'en a fait, Fléchier, dans GIRAULT-DUVIVIER. Je crains presque, je crains qu'un songe ne m'abuse, Racine, Phèd. II, 2. Quoi ! Craignez-vous déjà qu'ils ne soient écoutés ? Racine, ib. IV, 4. Tout m'est suspect : je crains que tout ne soit séduit ; Je crains Néron, je crains le malheur qui me suit, Racine, Brit. V, 1. Tant qu'il vivra, craignez que je ne lui pardonne, Racine, Andr. IV, 3. Ah ! courez et craignez que je ne vous rappelle, Racine, ib. IV, 3. On craint qu'il n'essuyât les larmes de sa mère, Racine, Andr. I, 4.

    Sans la particule ne. Il nous fallait, pour vous, craindre votre clémence, Et que le sentiment d'un cœur trop généreux, Usant mal de vos droits, vous rendît malheureux, Corneille, Pomp. III, 2. Il craint qu'un indiscret la vienne révéler, Corneille, Théod. V, 1. Mais je crains qu'elle [la patience] échappe et que, s'il continue, Je ne m'obstine plus à tant de retenue, Corneille, Nicom. I, 2. Avec juste raison je crains qu'entre nous deux L'égalité rompue en rompe les doux nœuds, Et que ce jour fatal à l'heur de notre vie Jette sur l'un de nous trop de honte ou d'envie, Corneille, Rod. I, 5. Et le plus grand des maux toutefois que je crains, C'est que mon triste sort me livre entre ses mains, Corneille, ib. I, 7. Vous craignez que ma foi vous l'ose reprocher, Corneille, ib. I, 5. Vous l'accusiez pourtant, quand votre âme alarmée Craignait qu'en expirant ce fils vous eût nommée, Corneille, ib. V, 4. Seigneur, je crains pour vous qu'un Romain vous écoute, Corneille, Nicom. I, 2. Je craindrais que peut-être à quelques yeux suspects tu me fisses connaître, Molière, Fâcheux, III, 1. Mais hélas ! je crains bien que j'y perde mes soins, Molière, D. Garcie, II, 6. …Oui, mais qui rit d'autrui Doit craindre qu'à son tour on rie aussi de lui, Molière, Éc. des femmes, I, 1. Les soins d'un amour extrême Devroient moins vous alarmer ; Vous craignez trop qu'on vous aime ; Ne craignez-vous point d'aimer ? Quinault, Proserpine, I, 3. Et craignant qu'on me fasse un crime de mes pleurs, Campistron, Andronic, V, 10. Craignant surtout qu'à rougir on l'expose, Voltaire, Zaïre, IV, 2.

    Bien que la particule ne soit réellement explétive, cependant l'usage en a consacré l'emploi ; et la supprimer est une licence qui n'est permise qu'à la poésie ; elle l'est aussi quand la construction est interrogative ou implique un sens négatif : Peut-on craindre que des choses si généralement détestées fassent quelque impression dans les esprits ? Molière, Préf. du Tart. On peut prendre du profit, sans craindre qu'il soit usuraire, Pascal, Prov. 8. Je crains peu qu'un grand roi puisse en être jaloux, Créb. Électre, II, 4.

    Ne pas craindre, suivi de que, veut le subjonctif, mais sans la particule ne. Je ne crains pas qu'il fasse cette faute. Ne craignez pas que, prêt à vous désobéir, Il apprenne avec moi, seigneur, à vous trahir, Créb. Xerx. III, 5. Je ne crains pas qu'on soupçonne de partialité sur cet article un homme que l'on n'a pas accusé jusqu'ici d'être fort doucereux, ID. Préf. d'Idom.

    Si ne pas craindre est dit interrogativement, le que suivant est suivi de ne : ne craignez-vous pas qu'il ne vienne ? Cependant on peut dire aussi sans ne : ne craignez-vous pas qu'il vienne ?

    Craindre, suivi d'un verbe qu'accompagne la négation, exprime la crainte que la chose ne se fasse pas, et par conséquent le désir qu'elle se fasse. Je crains de ne pas le voir. Je craignais qu'il ne vînt pas.

  • 5Se craindre, avoir crainte de soi-même, v. réfl. Il se craint soi-même. Il se craignait trop peu, ce qui est le caractère de ceux qui n'ont pas le soin de leur réputation, Retz, Mém. liv. II, p. 133, dans POUGENS.

    PROVERBE

    Un bon vaisseau ne craint que la terre et le feu, c'est-à-dire les seuls dangers qu'il court sont la côte où il peut échouer et le feu qui le peut embraser.

REMARQUE

1. Craindre, suivi d'un verbe à l'infinitif, exige la préposition de : je ne crains pas de me tromper, si je parle ainsi ; et non : je ne crains pas me tromper.

2. La construction de craindre, suivi de que et d'un verbe, est le subjonctif ; il faut donc se garder d'imiter ces phrases de Fénelon : Je crains bien que tous ces petits sophistes grecs achèveront de corrompre les mœurs romaines, Fénelon, Dial. des morts, n° 37. Je craignais que les Grecs nous communiqueraient bien plus leurs arts que leur sagesse, Fénelon, ib. Ne craignais-tu pas que Pythias ne reviendrait point et que tu payerais pour lui ? Fénelon, ib. n° 21. C'est un archaïsme.

SYNONYME

CRAINDRE, APPRÉHENDER, AVOIR PEUR, REDOUTER. Redouter se distingue des trois autres en ce qu'il exprime la crainte de quelque chose de supérieur, de terrible, à quoi on ne peut résister Appréhender se distingue de craindre et avoir peur, en ce que, conformément à son étymologie, il indique une vue de l'esprit, une attention portée sur l'avenir, sur la possibilité ; ce qu'on appréhende apparaît moins comme probable que comme possible. Au contraire, ce qu'on craint apparaît non-seulement comme possible, mais aussi comme probable. Enfin, avoir peur désigne un état de l'âme où devant le péril le courage fait défaut ; on peut craindre le danger et pourtant y faire tête ; mais si on a peur du danger, il est le plus fort et nous emporte. Je redoute l'orage veut dire que je le regarde comme formidable ; j'appréhende l'orage, qu'il me paraît possible ; je crains l'orage, que les effets m'en semblent dangereux pour moi ; j'ai peur de l'orage, qu'il m'ôte tout courage.

HISTORIQUE

XIe s. Je me crendreie que vous vous meslissiez [faire mêlée, combattre], Ch. de Rol. XVIII. Seürs est Charles, que nul homme [il] ne crent, ib. X.

XIIe s. Franc, dit Rollant, bone gent honorée, Sur toutes autres cremue et redoutée, Ronc. p. 48. [Je] creim que occis soit ainz que soions là, ib. p. 95. Las ! je cren mout qu'il n'i ait encombrer, ib. p. 165. Mais cil qui faillir crient Est si destrois, quant secours ne lui vient, Couci, XX. Que povre sont li autre chevalier, Si crement la demorance [de rester à la croisade], Quesnes, Romancero, p. 101. Car mult cremi de sei, quant le respuns oï ; Mult nota les paroles que li quens respundi, Th. le mart. 52. Car plus criement assez le terrien seignur Que il ne funt Jesu le puissant createur, ib. 28. Li sire est la meie salut ; cui crenderai je ? Liber psalm. p. 31. E crendrunt les genz le tuen num, ib. p. 146. Uns hom astoit en la terre Us, ki out num Job, simples et droituriers, cremmanz Deu e repairans ensus del mal, Job, 442.

XIIIe s. Et li autre remestrent [restèrent] moult à malaise dedens Constantinople, come cil qui cremoient à perdre toute la terre, Villehardouin, CL. Li diex d'amors onc ne cremut, Ne por fortune ne se mut, la Rose, 6913. Forment se fist la serve et douter et cremir, Berte, LXIII. Si te criement li paien tuit, à pou que chascuns ne s'en fuit, Ren. 11269.

XVe s. Un moult haut prince cremu et renommé, Froissart, II, II, 53. Ja pour mesdit, barat ne jenglerie, Ne cesserai de vous craindre et amer De plus en plus, chiere dame sans per, Deschamps, Poésies mss. f° 141, dans LACURNE. Le peuple doit chascun jour labourer Pour les estas des nobles soutenir, Et si les doit honourer et cremir, Deschamps, Gouvern. des rois. Moins se soucyer et moins se travailler et entreprendre moins de choses, plus craindre à offenser Dieu, Commines, VI, 13.

XVIe s. Reprenez donc vos forces et couraiges, et ne craignez des François les oultraiges, Marot, J. V, 16. Je ne crains à vous donner de la peine, Marguerite de Navarre, Lett. 119. Je ne crains vous recommander ung si homme de bien, Marguerite de Navarre, ib. 120. Ma povre sœur faict un si très grant duel, que je crains bien sa santé, Marguerite de Navarre, ib. 133. Je n'entends point parler de la dicte commission, qui me faict craindre qu'il y ait quelque empeschement, Marguerite de Navarre, ib. 151. Le gentilhomme craignant sa vie s'il offensoit son maistre, et la damoiselle, son honneur, Marguerite de Navarre, Nouv. XL. Le pape, se craignant qu'on luy teinst propos qui…, Montaigne, I, 41. Ses adversaires craignoient de le piquer, Montaigne, I, 41. Ne craindre point à mourir, Montaigne, I, 69. Si est-il à craindre que la honte les desespere, Montaigne, I, 56. Ils craignoient à m'accoster, Montaigne, I, 194. Craignants qu'ils ne vinssent à…, Montaigne, I, 233. Les medecins ne craignent de s'en servir à toute sorte d'usage, Montaigne, I, 240. Chascun craint à estre espié et contreroollé, Montaigne, I, 332. Je ne veulx ny me craindre, ny me sauver à demy, Montaigne, III, 9. Je crains que c'est un traistre, Montaigne, III, 310. Bien crains je que nous lui aurons très fort hasté sa ruine par notre contagion, et que nous lui aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts, Montaigne, IV, 17. Les tyrans qui sont contrains, faisans mal à tous, se craindre de tous, La Boétie, 49. Quand la maison voisine ard, on doit bien craindre la sienne, Yver, p. 526. Et craignoient les mariniers que leur vaisscau ne peust pas resister à la violence des vagues.I ls craignoient de rencontrer des hommes, et si avoient peur de n'en rencontrer point pour la grande faulte et necessité qu'ilz avoient de vivres, Amyot, Marius, 65. Le commun populaire craint ordinairement ceulx qui le mesprisent, et avance ceulx qui le craignent, Amyot, Nicias, 3. Il y en a qui disent que tous les princes le haïssent, et mesmes qu'il a à se craindre du ciel, D'Aubigné, Faen. III, 20. Le duc d'Albe se craignant de la Bourgongne, quoi que les Suisses fussent obligez à la garantir, despescha quelques troupes legeres, D'Aubigné, Hist. I, 339. Estrange est son plumage, et je crains à loger, Pour n'estre point deceu, un si jeune estranger, Ronsard, 814. Il ne craint ni les rez ni les tondus [il ne craint personne], Cotgrave

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CRAINDRE. Ajoutez :
6Conjecturer, juger, en craignant. La voie que vous avez prise et que vous craignez n'être pas la meilleure, ne le sera pas toujours sans doute, Rousseau, Lett. à l'abbé M. 9 février 1770.
7Se craindre, être craint, en parlant de choses. Qu'il [Charles - Quint] était instruit de tout ce qui se disait et se craignait, et qu'il ne négligerait rien pour avoir partout des gens qui lui donnassent avis de tout, Hist. du concile de Trente, trad. de le Courayer, t. I, p. 670.

REMARQUE

1. Ajoutez : Cependant Corneille a dit craindre à : Si du sang d'une fille il craint à se rougir, Théod. Mais Corneille a corrigé plus tard craindre à en : craindre de.

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Étymologie de « craindre »

Saintong. crainre ; provenç. cremer ; du latin tremere, trembler et aussi craindre. L'articulation tr s'est changée facilement en cr ; ce qu'il faut admettre, bien qu'on n'en ait pas d'exemples, l'étymologie étant d'ailleurs appuyée par le sens et par la forme eindre qui répond à emere, comme dans empreindre d'imprimere. Craindre répond à trémere avec l'accent sur tré, comme geindre à gémere ; cremir répond à une conjugaison changée, tremire, comme gémir à gemire ; non pas tremiscere ou gemiscere qui auraient donné cremoistre, gemoistre ou gemaistre, comme dans les formations de ce genre.

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Du gallo-roman *crĕmĕre, altération du latin trĕmĕre, d'après le gaulois *critô « frémir » (cf. gallois cryd (« frissons »), ysgryd (« avoir des frissons »), irlandais crith « trembler, avoir des frissons »). Il aboutit régulièrement à criembre en ancien français (vers 880, Cantilène de sainte Eulalie), puis il est refait en craindre, d'après les verbes en -aindre (fraindre, plaindre, etc.).
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Phonétique du mot « craindre »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
craindre krɛ̃dr

Fréquence d'apparition du mot « craindre » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « craindre »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « craindre »

  • Si tout est incertain, pourquoi craindre quelque chose ?
    Solon
  • Si je n'espère rien, rien ne me fera craindre.
    Philippe Desportes — Amours d'Hippolyte
  • Las de se faire aimer, il veut se faire craindre.
    Jean Racine — Britannicus, I, 1, Agrippine
  • Quand je pourrais me faire craindre, j'aimerais encore mieux me faire aimer.
    Michel Eyquem de Montaigne — Essais, II, 8
  • Qui peut tout doit tout craindre.
    Pierre Corneille — Cinna
  • Il vaut mieux se faire aimer que se faire craindre.
    Pythagore
  • Redouter l'ironie, c'est craindre la raison.
    Sacha Guitry — In l'Esprit de Guitry Gallimard
  • L'uniformité fait craindre l'ennui.
    Théodore Leclercq — La manie des proverbes
  • Qui ne craint point la mort ne craint point les menaces.
    Pierre Corneille — Le Cid, II, 1, le comte
  • C'est cette force qui maintient en tout temps l'opinion juste et légitime sur ce qu'il faut craindre et ne pas craindre que j'appelle et définis courage.
    Platon — La République, 430b (traduction Chambry)
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Traductions du mot « craindre »

Langue Traduction
Anglais to fear
Espagnol temer
Italien temere
Allemand fürchten
Chinois 害怕
Arabe للخوف
Portugais temer
Russe бояться
Japonais 怖がる
Basque beldurra izateko
Corse à teme
Source : Google Translate API

Synonymes de « craindre »

Source : synonymes de craindre sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « craindre »

Combien de points fait le mot craindre au Scrabble ?

Nombre de points du mot craindre au scrabble : 11 points

Craindre

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