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Regretter

Définitions de « regretter »

Trésor de la Langue Française informatisé

REGRETTER, verbe trans.

I. − Éprouver un sentiment plus ou moins pénible au sujet d'une action passée ou rêvée.
A. −
1. Qqn regrette qqc.Éprouver de la peine, du déplaisir à la pensée ou au souvenir d'une perte, d'une absence d'un bien, ou au souvenir d'un mal. Synon. littér. pleurer; anton. espérer.Regretter le passé, son enfance, sa jeunesse, le temps passé, le temps perdu, une occasion manquée. Un de ces taudis qui, sitôt entré, vous font regretter la rue, quelle qu'elle soit, que l'on vient de quitter (Vercel,Cap. Conan, 1934, p. 124):
1. Hélas! naître pour vivre en désirant la mort! Grandir en regrettant l'enfance où le cœur dort, Vieillir en regrettant la jeunesse ravie, Mourir en regrettant la vieillesse et la vie! Hugo,Feuilles automne, 1831, p. 756.
Loc. verb., au fig., vieilli. Regretter les oignons d'Égypte. V. oignon B 2 c.
Empl. abs. Que voulez-vous, Monsieur, quand on a travaillé toute sa vie, il vient un moment où on s'aperçoit qu'on aurait pu faire autre chose, et, alors, on regrette, oh! oui, on regrette! (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Bois, 1886, p. 557).
2. Qqn regrette qqn
a) Éprouver de la peine, être affligé de ne plus être en présence de ou en relation avec quelqu'un de vivant. Synon. pleurer (sur).Nous avons bien souvent pensé à vous après votre départ de Rome, nous vous avons bien des fois regretté dans nos soirées de l'hiver dernier (Delécluze,Journal, 1825, p. 243):
2. Il regrettait, dans son petit souvenir encore vague, il regrettait les petits camarades du sentier de hêtres, et les cajoleries de ses grands-parents, et les chansons de sa vieille grand'mère. Là-bas, tout le monde s'occupait de lui, tandis qu'ici il était presque toujours tout seul. Loti,Mon frère Yves, 1883, p. 232.
Empl. pronom. réfl. Rendez-moi ma lettre. Depuis que je l'ai perdue, je ne suis plus moi-même, je me regrette et j'ai hâte de retourner à ma réalité (L. de Vilmorin,Lettre ds taxi, 1958, p. 98).
b) Éprouver du chagrin d'être séparé d'une personne défunte. Être regretté des siens, de tous. Nous allions même souvent chez le menuisier pour lire l'épitaphe (...) « Ici, repose Joséphine (...) Malaudain (...) décédée à l'âge de soixante-deux ans, regrettée de sa famille (...) » (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Surprise, 1882, p. 15).
[P. méton. du subst.] Regretter l'absence, la disparition, la perte de qqn. Je regrettais la mort de cette fille comme on regrette la destruction totale d'une belle œuvre (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 11).
B. − Qqn regrette qqc., qqn regrette de + inf.
1.
a) Éprouver de la contrariété, du mécontentement envers soi-même d'avoir fait ou de n'avoir pas fait dans le passé quelque chose, une action dont le résultat a un aspect négatif. Synon. s'en vouloir de, se repentir de, se mordre* les doigts, les poings, les pouces de (au fig., fam.).Regretter une démarche, une imprudence; regretter amèrement, vivement, sincèrement qqc. Elle lui tendit la main. − Je vous remercie. Je savais bien que je n'aurais pas à regretter la confiance que j'avais mise en vous (A. France,Lys rouge, 1894, p. 348).Oh, j'ai tort de raconter tout ça... Je sens que je le regretterai... Mais je suis si fatigué ce soir... Je ne peux pas me retenir (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922, p. 715).
Regretter de + inf.Regretter d'avoir manqué une occasion. Je regrette presque de lui avoir dit ce que je pense: lui, au moins, il travaille et il croit (Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p. 40).
[À la forme nég., pour exprimer une satisfaction] Ne rien regretter. Rien n'est charmant comme ces courses du matin au printemps, et je ne regrette pas de me lever de bonne heure pour me donner ce plaisir (E. de Guérin,Journal, 1835, p. 66).S'il abandonnait certaines de ses marottes d'écolier, il ne regrettait rien de ses actions et préférait son douloureux apprentissage au confortable reniement d'un Hogg (Maurois,Ariel, 1923, p. 207).
b) Subir les conséquences néfastes de. Synon. s'en repentir, le payer cher*, s'en souvenir, payer les pots* cassés (fam.; v. pot1).
Expressions
Vous le regretterez! [En phrase exclam., pour dissuader qqn d'accomplir un acte, le menacer d'une déception, de conséquences fâcheuses; en partic. comme menace de vengeance (synon. vous me le paierez cher*)] Antoine: (...) En attendant, si je me permets de vous donner un conseil, c'est de prendre ce que Mademoiselle Lili vous offre. Carlos: Jamais de la vie! Antoine: Vous avez tort: vous le regretterez! (Bourdet,Sexe faible, 1931, III, p. 419).
Vous ne le regretterez pas(!), Vous n'aurez pas à le regretter, à regretter de + inf. [Pour exhorter qqn à faire qqc., le décider à accomplir une action enrichissante, bénéfique] Synon. vous ne serez pas déçu.Antoine, à Carlos qui remonte. [Après lui avoir passé la bague au doigt] Vous ne le regretterez pas, vous verrez, Monsieur Carlos (Bourdet,Sexe faible, 1931, p. 473).
N'avoir rien à regretter, ne rien regretter. N'avoir rien perdu dans une entreprise, dans un achat; n'avoir rien à se reprocher:
3. Ne t'inquiète point pour mon corps. J'ai la jambe morte et le bras mort et me voici comme un vieil arbre. (...) − Tu ne regrettes rien, géomètre? − Que regretterais-je? J'ai le souvenir d'un bras valide et d'une jambe valide. Mais toute la vie est naissance. Et l'on s'adopte tel que l'on est. Saint-Exup.,Citad., 1944, p. 782.
Ne pas regretter (son argent, sa peine, son temps). Avoir le sentiment de ne pas avoir perdu. Suis resté au balcon et n'ai pas trop regretté mon temps à regarder jouer Andromaque, car MlleRachel a été fort bonne (Barb. d'Aurev.,Memor. 2, 1839, p. 399).On entre, mais on paie. Du reste, on ne regrette pas son argent. Cette abside, comme celles de Flandre, est un musée, et un musée varié (Hugo,Rhin, 1842, p. 368):
4. ... la fatigue de ces visites [d'appartements] fait que toutes les pièces se brouillent dans ma tête. Je ne regrette pas ma peine, cependant; il est toujours curieux de pénétrer dans des maisons qu'on ne connaît pas... Green,Journal, 1937, p. 106.
c) Désavouer, être mécontent d'une action, d'une conduite passées, moralement répréhensibles, ou que la conscience désapprouve. Synon. se repentir de, avoir des remords de.Regretter une faute, sa faute, son erreur, ses fautes, ses péchés, son geste, des paroles; regretter vivement, sincèrement qqc. Le jeune homme s'était approché, regrettant sa brutalité (Zola,M. Férat, 1868, p. 237).Si je t'ai dit tout à l'heure cette phrase, que je regrette puisqu'elle t'a fait de la peine, c'était par pure taquinerie, sans y attacher aucune importance (Romains,Hommes bonne vol., 1939, p. 136).
2.
a) Désapprouver, considérer comme fâcheux, contrariant, un fait qui s'oppose à la réalisation d'une attente, d'un désir, d'un souhait, d'un projet, ou un événement néfaste qui aurait pu ne pas avoir lieu. Synon. être contrarié de, fâché de, mécontent de, déçu de; déplorer.Regretter la perte, la suppression, l'absence, le manque de qqc., une décision. Nous avons bien regretté le contretemps qui nous a privés de toi (Mallarmé,Corresp., 1866, p. 222).Je travaillerai pour que vous n'ayez pas à regretter mon élection [à l'Académie Goncourt] (Renard,Journal, 1907, p. 1141).
Regretter de + inf.Regretter d'être..., de ne pas être..., d'avoir..., de n'avoir pas... Le préfet (...) va poser une première pierre à Corte; je m'imagine que ce doit être une cérémonie bien imposante, et je regrette fort de n'y pas assister (Mérimée,Colomba, 1840, p. 108).
Regretter que + subj. (quand le suj. du verbe est différent).Regretter que qqn soit parti, absent. M. Méline encore a fort bien parlé de la loi. Je regrette seulement pour lui qu'il dépense tant d'efforts pour en maintenir la violation quand c'est un juif qui est en cause (Clemenceau,Iniquité, 1899, p. 220).
Loc. Il est à regretter que. Synon. il est regrettable, fâcheux que, c'est dommage que.Brichot aurait pu constituer aisément la matière d'un fort volume. Il est à regretter qu'il n'en ait pas publié, car ces articles si nourris sont maintenant difficiles à retrouver (Proust,Temps retr., 1922, p. 792).
b) En partic. Éprouver de la contrariété, de la peine à l'idée d'une action imaginaire, irréalisable, inexistante ou non réalisée dans le passé. L'homme qui s'exprime avec tristesse sur son isolement et semble regretter un bonheur rêvé et irréalisable, inspirera toujours une vive sympathie à une femme (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 1, 1859, p. 605).En proie aux affres de l'épuisement nerveux, cette pénible rançon des bienfaits du monde moderne, nous nous prenons à regretter les âges lointains de l'énergie sauvage ou de la foi profonde (Bourget,Essais psychol., 1883, p. 114).
Regretter de + inf. passé à la forme nég.Il semble que son traitement donne des résultats et j'ai constaté une amélioration relativement grande. Que j'ai de fois regretté de n'être pas médecin moi-même et de ne pouvoir l'être! (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1901, p. 388).
II. − Éprouver du déplaisir et exprimer des excuses, dans des formules de politesse.
A. −
1. Exprimer à quelqu'un son déplaisir, formuler des excuses pour une action, une situation dont on endosse la responsabilité, ou pour annoncer un refus à une offre. Synon. s'excuser, demander pardon, présenter ses excuses (v. excuse), prier qqn de l'excuser*, être désolé de, fâché de, navré de, au désespoir de (littér.), au regret de.Je regrette de vous avoir fait attendre; je regrette de vous avoir manqué; je regrette de ne pas pouvoir vous recevoir, vous aider. Au milieu, une table éclairée par une lampe de roulis. C'était petit, mais propre. « Je regrette de n'avoir pas mieux à vous offrir » (Verne,Tour monde, 1873, p. 112).Je regrette de vous déranger de si bonne heure, Francine, dit-elle, et un jeudi encore! Il y a tant d'ouvrage! Nous aurons la lessive demain (Bernanos,Joie, 1929, p. 539).
[Dans une formule excusant une prétérition présentée comme obligée] Ceux qui me liront avec soin, tout en regrettant peut-être que les choses ne soient pas plus simples (Lebesgue,Intégr. et rech. fonctions primit., 1904, p. vi).
2. Formuler des excuses, exprimer du remords, du repentir pour un acte moralement répréhensible. Synon. être désolé, navré, peiné de, demander pardon pour.Regretter d'avoir été trop vif, de s'être emporté. Madame Fernande, je regrette de vous avoir injuriée, pardonnez-moi, j'ai mes nerfs (Bernanos,Joie, 1929, p. 619).
B. − Souvent en empl. abs.
1.
a) [Pour contredire qqn, le contester, s'opposer] Le Président: Toi, cesse de regarder cet oiseau, tu m'agaces! Agathe: Je regrette. C'est la seule chose au monde qui m'intéresse (Giraudoux,Électre, 1937, ii, 7, p. 184).
b) [Pour introduire des raisons servant d'excuses] Synon. pardon, nos regrets, mille regrets, mille excuses.C'est ainsi? C'est une plaisanterie? Excusez-moi, je regrette, mais je vais dans cinq minutes au recrutement (Montherl.,Exil, 1929, i, 4, p. 41).Je regrette de vous irriter, mais je ne peux pas partir cette nuit (Bosco,Mas Théot., 1945, p. 255).
2. [Pour exprimer un refus, pour s'excuser de ne pouvoir répondre à une offre, à une demande] « Nous dînons ensemble, je suppose? » Le ton n'admettait guère de réplique, mais il y eut une espèce de retrait du jeune homme qui répondit, les yeux lointains: « Je regrette, je suis pris » (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 200).
[Renforçant une nég.] Hélène: L'affaire du mont Ida... (...). Vous n'avez pas de nouveaux détails? Calchas: Non... je regrette... (Meilhac, Halévy,Belle Hélène, 1865, i, 5, p. 175).
Prononc. et Orth.: [ʀ əgʀete], [-gʀ ε-], (il) regrette [-gʀ εt]. Ac. 1694: regreter; dep. 1718: -gretter. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 « se livrer à des lamentations au sujet d'(un mort, etc.) » (Alexis, éd. Chr. Storey, 130: La bone medre s'em prist a dementer E sun ker filz suvent a regreter); b) α) ca 1200 « ressentir de façon plus ou moins pénible la perte ou l'absence de quelque chose ou de quelqu'un » (Bueve de Hantone, I, 725 ds T.-L.); β) 1694 regreter son argent (Ac.); 2. a) 1534 regretter que « être mécontent de ce que » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, chap. 48, p. 276); b) 1563 estre à regretter « être regrettable » (B. Palissy, Recepte veritable ds Œuvres, éd. A. France, p. 27); 3. a) 1668 regretter qqc. « donner quelque chose à regret » (La Fontaine, Fables, VI, 6 ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 2, p. 20); b) α) 1718 « être mécontent d'(avoir fait ou de n'avoir pas fait) » (Ac.: je regrette de ne luy avoir pas donné ce conseil); β) 1918 vous ne le regretterez pas (Proust, J. filles en fleurs, p. 577); 1920 tu le regretteras (Id., Guermantes 1, p. 180); 4. 1864 « se montrer fâché auprès de quelqu'un (d'une action, d'une situation dont on est responsable) » (Goncourt, R. Mauperin, p. 254). Étymol. discutée, v. FEW t. 16, p. 53b-54a et P. Skårup ds St. neophilol. t. 37, 1965, pp. 45-50 et t. 41, 1969, p. 25-30. On a voulu y voir une orig. lat. (la dernière hyp. étant celle de H. Meier ds Arch. St. n. Spr. t. 117, 1965-66, p. 266-269, qui propose un lat. *requĭrĭtāre, dér. à itératif double de quĕrι ̄ « se plaindre »), mais les étymons lat. présentant de graves difficultés, il vaut mieux accepter un étymon germ. pourvu du préf. re- prob. tiré p. anal. d'autres nombreux verbes de la vie affective et intellectuelle (repentir, remembrer, recorder, etc.). Wartburg propose l'a. scand. grāta « pleurer » (apparenté aux got. gretan « id. » et m. h. all. grāzen « id. ») dont le résultat regreter au lieu de regrater (forme rarement att., en a. fr.: ca 1180 « se livrer à des lamentations » Guillaume de Berneville, Gilles, 3562 ds T.-L.) fait difficulté; Wartburg l'explique comme acheter* en face de achater. Pour aboutir à regreter, Skårup propose de partir d'un a. b. frq. *greotan « pleurer » (d'apr. l'ags. gréotan « pleurer » et l'a. sax. griotan/greotan « id. »). Fréq. abs. littér.: 4 879. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 741, b) 7 803; xxes.: a) 6 749, b) 6 754.
DÉR.
Regretteur, -euse, subst.,rare. Personne qui regrette quelque chose (supra I A 1). Regretteurs du temps passé. Bien qu'étant, avec la généralité des gens ordinaires, louangeur des temps passés et regretteur des premières années de ma vie, je n'ai pu m'empêcher, altesse, d'aujourd'hui envier en quelque sorte mon bonheur actuel (Verlaine, Œuvres posth., t. 3, Prose, 1896, p. 109). [ʀ əgʀ εtœ:ʀ], fém. [-ø:z]. 1reattest. 1866 (Champfleury ds Figaro, 16 févr. d'apr. Littré); de regretter, suff. -eur2*.
BBG.Bréal (M.). Regret et regretter. B. Soc. Ling. 1903-1905, t. 13, pp. 147-148. − Klein (H.-W.). Regretter et déplorer. Classe de fr. 1954, t. 5, pp. 220-221. − Lyne (A. A.). A Lexicometric approach to the description of a language variety. Thèse, Sheffield, 1981, pp. 341-342.

Wiktionnaire

Verbe - français

regretter \ʁə.ɡʁe.te\ ou \ʁə.ɡʁɛ.te\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Avoir du chagrin de l’absence, de la perte, de la mort de quelqu’un.
    • Il s’est fait regretter universellement.
    • Il a été regretté par tous les gens de bien.
    • On le regrettera.
    • Regretter la perte de ses amis.
    • La conduite de ce ministre fait regretter son prédécesseur.
  2. Avoir du déplaisir de la perte, de la privation de quelque chose.
    • Regretter son argent.
    • Regretter le temps passé, le temps perdu.
    • Regretter son temps, sa peine.
    • Regretter une occasion qu’on a laissé échapper.
    • Il est mort sans regretter la vie.
    • Je regrette ce tableau qu’il n’a tenu qu’à moi d’acheter.
    • Quand son père la retira de pension, on ne fut point fâché de la voir partir. La supérieure trouvait même qu'elle était devenue, dans les derniers temps, peu révérencieuse envers la communauté...Emma, rentrée chez elle, se plut d'abord au commandement des domestiques, prit ensuite la campagne en dégoût et regretta son couvent. — (Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857)
  3. Éprouver un repentir, un sentiment de regret, un déplaisir de quelque chose.
    • Regretter ses fautes.
    • Je regrette de lui avoir parlé trop durement.
    • Je regrette qu’il soit parti si tôt.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

REGRETTER. v. tr.
Avoir du chagrin de l'absence, de la perte, de la mort de quelqu'un. Il s'est fait regretter universellement. Il a été regretté par tous les gens de bien. On le regrettera. Regretter la perte de ses amis. La conduite de ce ministre fait regretter son prédécesseur. Il signifie aussi Avoir du déplaisir de la perte, de la privation de quelque chose. Regretter son argent. Regretter le temps passé, le temps perdu. Regretter son temps, sa peine. Regretter une occasion qu'on a laissé échapper. Il est mort sans regretter la vie. Je regrette ce tableau qu'il n'a tenu qu'à moi d'acheter. Il signifie encore Éprouver un repentir, un déplaisir de quelque chose. Regretter ses fautes. Je regrette de lui avoir parlé trop durement. Je regrette qu'il soit parti si tôt. Le participe passé

REGRETTÉ s'emploie substantivement. Le regretté Un tel se dit d'un Défunt.

Littré (1872-1877)

REGRETTER (re-grè-té) v. a.
  • 1Être fâché de ne plus avoir ce qu'on a eu. Il regretta l'occasion qu'il avait laissée fuir. Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette, La Fontaine, Fabl. II, 7. Un jour les peines et les soucis cruels qui environnent les rois vous feront regretter sur le trône la vie pastorale, Fénelon, Tél. II. On dit qu'elle [Mme de Pompadour] est morte avec une fermeté digne de vos éloges ; toutes les paysannes meurent ainsi ; mais à la cour la chose est plus rare, on y regrette plus la vie, et je ne sais pas trop bien pourquoi, Voltaire, Lett. d'Alemb. 8 mai 1764. Quelqu'un demandait au philosophe Fontenelle âgé de quatre-vingt-quinze ans, quelles étaient les vingt années de sa vie qu'il regrettait le plus ; il répondit qu'il regrettait peu de chose, que néanmoins l'âge où il avait été le plus heureux était de cinquante-cinq ans à soixante et quinze ans, Buffon, Suppl. à l'hist. nat. Œuv. t. XI, p. 146. Et tandis que le vice, amoureux des ténèbres, Ferme les yeux au jour et regrette la nuit, Lamartine, Harm. II, 6.
  • 2Être affligé de la mort, de la perte, de l'absence de quel qu'un. Vous ne seriez pas fâché d'être pris [M. de Montausier prisonnier], si vous saviez combien vous êtes plaint ; il y a, sans mentir, moins de plaisir d'être à Paris, que d'y être regretté comme vous êtes, Voiture, Lett. 141. On perd quelquefois des personnes qu'on regrette plus qu'on n'en est affligé, et d'autres dont on est affligé, et qu'on ne regrette guère, La Rochefoucauld, Max. 355. Ruyter est mort, je laisse aux Hollandais le soin de le regretter, Sévigné, 286. Enfin je vous ai regrettée, et je vous regrette encore tous les jours ; je ne m'accoutume point à ne plus voir ni rencontrer ma chère fille, après une si aimable et si longue habitude, Sévigné, 504. Afin que nous la vissions honorée au-dessus de toutes les femmes de son siècle, pour avoir été chérie, estimée, et trop tôt, hélas ! regrettée par le plus grand de tous les hommes [Louis XIV], Bossuet, Mar.-Thér. Regretter ce que l'on aime est un bien en comparaison de vivre avec ce que l'on hait, La Bruyère, IV. Les vrais philosophes doivent regretter Mme de Pompadour ; elle pensait comme il faut ; personne ne le sait mieux que moi, Voltaire, Lett. Damilaville, 23 avril 1764. Il [M. de Melun] est plus regretté qu'il n'était aimé ; c'était un homme qui avait peu d'agrément, mais beaucoup de vertu, et qu'on était forcé d'estimer, Voltaire, Lett. Mme de Bernières, juill. 1722.

    Absolument. Venez, venez, dit-il à l'amour qui regrette, Au génie opprimé sous un ingrat oubli, Lamartine, Harm. I, 11.

  • 3Être fâché d'avoir fait ou de n'avoir pas fait quelque chose. Je regrette de m'être mis en colère. Le renard seul regretta son suffrage [donné au singe pour être roi], Sans toutefois montrer son sentiment, La Fontaine, Fabl. VI, 6.
  • 4Éprouver un déplaisir quelconque. Regrettant un hymen tout prêt à s'achever, Racine, Andr. III, 1. Quelle gloire pour un roi, de régner encore après sa mort sur les cœurs de ses sujets ! d'être sûr que, dans tous les temps à venir, les peuples, ou regretteront de n'avoir pas vécu sous son règne, ou se féliciteront d'avoir un roi qui lui ressemble ! Massillon, Pet. carême, Grand. de J. C. En jouissant de ce que nous avons [feux d'artifices], je regrette un peu ce que nous n'avons pas [amélioration de Paris], Voltaire, Lett. au pr. roy. de Pr. sept. 1739. Ces recherches annoncent une étendue de connaissances qu'on est étonné que M. le comte de Tressan ait eu le temps d'acquérir, et montrent une sagacité qu'on regrette de n'avoir pas été plus constamment employée, Condorcet, Tressan.

    Regretter son argent, être fâché d'avoir fait une dépense. En vérité, je crains que vous ne regrettiez bientôt votre argent, Picard, Petite ville, II, 7.

    Regretter son lit, être fâché de s'être levé, ou de ne s'être pas couché. Brontin en est ému [d'un bruit redoutable] ; le sacristain pâlit ; Le perruquier commence à regretter son lit, Boileau, Lutr. III.

  • 5Se regretter, v. réfl. Éprouver du regret au sujet de soi-même, au sujet de ce qu'on a perdu. Que voulez-vous savoir de moi, lui dit-elle un jour qu'il insistait pour lui parler ? je me regrette, et voilà tout ; j'avais quelque orgueil de mon talent, Staël, Corinne, XV, 2.

REMARQUE

Regretter se dit avec de et l'infinitif ; avec que et le subjonctif : Je regrette qu'il ne soit point ici.

HISTORIQUE

XIe s. Sovent [ils] regretent Olivier et Roland, Ch. de Rol. CXIV. Tel as occis dont al cuer me regrette, ib. CXX.

XIIIe s. Oriolans, en haut solier, Souspirant prist à lermoier, Et regrate son dru Helier, Romancero, p. 42. La mort me fait regreter et complaindre Vostre clair vis, bele, et vostre cors gent, Anonyme, dans Couci. Fu l'amirans Balans huciés et regretés [appelé au secours] : Sire, c'or venès tost et si nous secourés, Fierabr. 152, 12. Et quant li rois vit qu'il ardoit tout et que morir li convenoit, si comencha à plaindre soy meyme et à regretter, et disoit ensi…, Chr. de Rains, p. 80. Mais riens n'i vaut à regreter, la Rose, 13130.

XIVe s. Poingdestre feri le suppliant de son coustel sur la teste, en disant qu'il le tueroit ; et lors ledit exposant commença à regreter [invoquer] nostre dame de Montfort, Du Cange, regreta.

XVIe s. Je regrette de tout mon cueur que n'est icy Picrochole, Rabelais, Garg. I, 50. Ces affaires leur firent bien sentir et regretter la perte qu'ilz avoient faitte en luy, Amyot, Péric. 75. Il dit qu'il ne regrettoit point sa mort [de mourir], Amyot, Arist. 41. Regrettans leur misere et malheur, de ce qu'il leur falloit ainsi pauvrement mourir, Amyot, Crassus, 48. Le repentir ne touche pas proprement les choses qui ne sont pas en notre force ; ouy bien le regretter, Montaigne, III, 268.

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Étymologie de « regretter »

Regret ; wallon, rigreté ; génev. regretter une chose à quelqu'un, la lui envier ; prov. regretar, dans Gir. de Ross. p. 294.

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(Siècle à préciser) Anciennement regreter, regrater ; préfixe re- + ancien scandinave gráta (« pleurer, se lamenter, déplorer »), influencé phonétiquement par le vieil anglais grētan de même sens, plutôt que du vieux bas francique *greotan.
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Phonétique du mot « regretter »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
regretter rǝgrete

Fréquence d'apparition du mot « regretter » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « regretter »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « regretter »

  • Il ne faut jamais regretter, il faut prévoir.
    Wail Bouabid
  • Il est aussi absurde de regretter le passé que d’organiser l’avenir.
    Roman Polanski — Roman
  • Mieux vaut regretter d'avoir agi que de ne pas avoir agi du tout.
    Anonyme
  • Quand le malheur vous tombe sur la tête, il est trop tard pour regretter.
    Proverbe chinois
  • On regrette toujours pour rien, étant donné qu'on ne peut regretter qu'après.
    Réjean Ducharme — L'Avalée des avalés
  • Combien je regrette Mon bras si dodu Ma jambe bien faite Et le temps perdu !
    Pierre Jean de Béranger — Chansons
  • Celui qui porte aide aux méchants finit par le regretter.
    Phèdre
  • Je regretterais le Kakuta qu’on voyait par moment, un sens du ballon assez atypique. Par contre, le Kakuta qu’on ai souvent eu sur le terrain (3 fois sur 4), j’avoue ne pas le regretter. Je suis quand même content pour lui qu’il aille à Lens, c’est apparemment le club cher à son cœur. Par respect pour le public Lensois, j’espère qu’il sera Kakuta et non pas Kakakuta (elle est facile celle-là, j’avoue et je n’en suis pas fier).
    Le 11 Amiénois — Amiens SC : Allez-vous regretter Gaël Kakuta ?
  • On ne peut regretter que ce qu'on se rappelle.
    Marcel Proust — Albertine disparue
  • Il est plus facile d'être généreux que de ne pas le regretter.
    Jules Renard
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Traductions du mot « regretter »

Langue Traduction
Anglais to regret
Espagnol lamentar
Italien rimpiangere
Allemand bereuen
Chinois 后悔
Arabe ليندم
Portugais lamentar
Russe сожалеть
Japonais 後悔する
Basque damutu
Corse à rimpruverà
Source : Google Translate API

Synonymes de « regretter »

Source : synonymes de regretter sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « regretter »

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