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Cœur

Variantes Singulier Pluriel
Masculin cœur cœurs

Définitions de « cœur »

Trésor de la Langue Française informatisé

CŒUR, subst. masc.

... le mot « cœur » (...) le mot charnel et sensible, le mot rond dans lequel il y a du sang (A. de Noailles, La Nouvelle espérance,1903, p. 148).
I.− [Le cœur dans sa réalité physique]
A.− [Le cœur comme organe interne]
1. Usuel
a) [Chez l'homme et les animaux supérieurs] Viscère rouge en forme de cône renversé, situé dans le médiastin, essentiellement constitué d'un muscle (myocarde) doublé de deux tuniques (péricarde, endocarde), divisé intérieurement en deux parties distinctes qui présentent chacune deux cavités communicantes (oreillette en haut, ventricule en bas) − agent principal de la circulation sanguine doué d'un réseau nerveux autonome qui assure son fonctionnement automatique, mais placé sous l'influence du système nerveux central. Comme ce roi brûlant, le cœur, siège au milieu des poumons qui l'enveloppent recevant tout le sang en lui et le renvoyant par ses portes (Claudel, Tête d'or,2eversion, 1901, p. 235).Ce panier des côtes qui porte le cœur comme un beau fruit sur des feuillages (Giono, Regain,1930, p. 133).Mon cœur au chaud, ce lapin, derrière sa petite grille des côtes, agité, blotti, stupide (Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 48):
1. La circulation : c'est une faculté qui n'a d'existence que dans certains animaux, (...) s'exécute dans un système d'organes particulier qui y est propre. Ce système d'organes se compose essentiellement de deux sortes de vaisseaux; savoir : d'artères et de veines; et presque toujours, en outre, d'un muscle creux et charnu qui occupe à peu près le centre du système, qui en devient bientôt l'agent principal, et qu'on nomme le cœur. La fonction qu'exécute le système d'organes dont il s'agit, consiste à faire partir le fluide essentiel de l'animal, qui doit ici porter le nom de sang, d'un point à peu près central où se trouve le cœur lorsqu'il existe, pour l'envoyer de là, par les artères, dans toutes les parties du corps, d'où revenant au même point par les veines, il est ensuite renvoyé de nouveau dans toutes ces parties. Lamarck, Philos. zool.,t. 2, 1809, pp. 155-156.
2. Description morphologique du cœur d'un mouton. C'est un organe rouge et conique dont la base, tournée vers l'avant du corps (vers la tête) est à l'origine de gros vaisseaux sanguins (...). Deux oreillettes, droite et gauche, de consistance légèrement flasque, occupent la base du cœur. Un sillon transversal, très visible sur la face dorsale et parcouru par d'importants vaisseaux nourriciers du cœur, sépare les oreillettes des ventricules; ceux-ci, fermes et ventrus, vont en s'amincissant jusqu'à la pointe du cœur. H. Camefort, A. Gama, Sc. nat.,1960, p. 183.
3. Harvey avait bien montré que le cœur était une pompe aspirante et foulante, et qu'il utilisait, comme les pompes industrielles, des tuyaux et des scupapes. Mais le système circulatoire ne s'en trouvait pas entièrement déshumanisé. Il suffit de regarder une artère pour voir qu'elle n'est pas assimilable à un tuyau de pompe, puisqu'elle participe du miracle protoplasmique, vit, se reproduit, se répare, etc. (...). Nous ne savons pas encore si le cœur naturel contient ou non quelque élément miraculeux, car nous ne possédons pas la description complète de ce cœur. Mais nous savons que le cœur fabriqué en usine est une pure machine matérielle. Or, il se substitue parfaitement au cœur naturel. Même si ce dernier contenait encore « autre chose », la partie remplacée provisoirement par le cœur artificiel se trouve définitivement déshumanisée... A. David, La Cybernétique et l'humain,1965, pp. 28-29.
SYNT. a) Cœur + adj. Cœur addisonien. Cœur très petit, symptôme de l'insuffisance surrénale (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970). Cœur alcoolique, cœur amyloïde. Cœur dont le myocarde a subi une dégénérescence amyloïde (ibid.). Cœur anémique, cœur artificiel. ,,Oxygénateur pourvu d'une pompe aspirante et d'une pompe foulante qui remplacent temporairement le cœur`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Cœur basedowien. Synon. de cardio-thyréose. Cœur droit. Moitié latérale droite du cœur, recevant le sang non oxygéné et l'expulsant dans les poumons. Cœur droit ou veineux (...) cœur gauche ou artériel (G. Gérard, Manuel d'anat. hum., 1912, p. 228). Cœur fibreux, cœur forcé. Cœur insuffisant à la suite d'un effort trop violent et prolongé. Le cœur forcé, l'asystolie aiguë des coureurs, des cyclistes, des surmenés (Macaigne, Précis d'hygiène, 1911, p. 197). Cœur gauche. Moitié latérale gauche du cœur, recevant le sang oxygéné et l'expulsant dans tout l'organisme (cf. G. Gérard, loc. cit.). Cœur instable ou irritable, malade, mobile, cœur myxœdémateux. Troubles cardiaques d'origine hypothyroïdienne (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970 et Garnier-Del. 1972). Cœur pulmonaire. Troubles cardiaques liés à une affection pulmonaire (ibid.; d'apr. Eyraud ds Vie lang., 1969, no205, pp. 197-205 : la correction de cette expr. est contestable). Cœur rhumatismal, sénile, triangulaire. Loc. adj. (Chirurgie/opération/opérer) à cœur ouvert. Par ouverture du cœur, après déviation de la circulation sanguine dans un cœur-poumon artificiel; p. anal. à cœur fermé. b) Adj. + cœur. Gros cœur (synon. cardiomégalie). c) Cœur + subst. Cœur-poumon (artificiel). Appareil qui assure provisoirement la circulation et la réoxygénation du sang en dehors de l'organisme (d'apr. Rob. Suppl. 1970, Méd. Biol. t. 1 1970 et Garnier-Del. 1972). Cœur + à + subst. Cœur à sinus pulmonaire. Cœur à oreillette gauche « double » (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970). Cœur + de + subst. Cœur d'athlète, de soldat (Strong ds Nouv. Traité Méd., fasc. 3, 1920-24, p. 468). Cœur des gibbeux. Cœur + en + subst. Cœur en ballon de rugby, en goutte, en sabot. Subst. + de/du cœur. Battements, maladie, maux de cœur; bruits, dilatation, enveloppes, greffe, lésions, palpitations, piliers, pulsations, rythme du cœur Loc. subst. À la place du cœur. d) Verbe + cœur. Affluer, refluer au cœur.
Rem. Dans l'expr. cœurs lymphatiques, cœurs désigne p. anal. des organes contractiles faisant circuler la lymphe chez les Amphibiens. Canaux lymphatiques des Batraciens s'ouvrent (...) par quatre cœurs lymphatiques (E. Perrier, Traité de zool., t. 3, 1899-1925, p. 2796).
En partic.
ALIM. Abat rouge consommé en ragoût. Elle fricassait un cœur de bœuf (Zola, L'Assommoir,1877, p. 752).
PHILOS. Agent principal et symbole de vie. Vie du cœur, tant que mon cœur battra. [Tant que je vivrai.] Le cœur, ce fruit rouge de ma vie, où la vie est le plus joyeuse, le plus intense, le plus active (Jouhandeau, M. Godeau intime,1926, p. 236):
4. Le cœur et le poumon forment en effet avec le cerveau, suivant l'ingénieuse expression de Bordeu, le trépied de la vie; et aucun de ces viscères ne peut être altéré d'une manière un peu forte ou étendue sans qu'il n'y ait danger de mort. R.-T.-H. Laennec, De l'Auscultation médiate,t. 1, 1819, p. 1.
5. ... au-dessus du bruit des autres organes, il était surtout assourdi par son cœur, qui sonnait des volées de cloche dans chacun de ses membres, jusqu'au bout de ses doigts. S'il posait le coude sur une table, son cœur battait dans son coude; s'il appuyait sa nuque à un dossier de fauteuil, son cœur battait dans sa nuque; s'il s'asseyait, s'il se couchait, son cœur battait dans ses cuisses, dans ses flancs, dans son ventre; et toujours, et toujours, ce bourdon ronflait, lui mesurait la vie avec le grincement d'une horloge qui se déroule. Zola, La Joie de vivre,1884, pp. 997-998.
6. Ô cœur instantané, Tu vis, tu meurs, Ô cœur momentané, Lourd de rumeurs. Péguy, Quatrains,1914, pp. 555-557.
7. J'ai eu (...) l'impression qu'à travers moi l'humanité entière passe comme sur une grand'route. Elle est tout moi, et moi tout elle. J'existais le jour où pour la première fois elle a levé les yeux vers les nuages, je serai en elle jusqu'à la fin, s'il y a une fin. Je ne puis mourir. Son cœur est le mien, et ce cœur ne fait que commencer à battre. Ce que j'appelle vivre n'est pas autre chose que la conscience que l'humanité a d'elle-même. Green, Journal,1938, pp. 152-153.
b) P. anal.
[P. anal. de forme et (parfois) de couleur] Ce qui présente ou évoque la forme plus ou moins stylisée (en pointe vers le bas, en double hémicycle vers le haut) et (parfois) la couleur rouge d'un cœur. En forme de cœur. Ayant, sous la lèvre d'en bas, un rond de peinture rouge qui leur fait comme l'exagération de ce qu'on appelle chez nous ,,la bouche en cœur`` (Loti, Japoneries d'automne, 1889, p. 46); sa petite bouche en cœur, une bouche farce, qui a toujours l'air de siffler (Gyp, Souvenirs d'une petite fille,1927, p. 165).Un cœur avec des ailes et à la voix d'amour : le rouge-gorge frêle (Jammes, Les Géorgiques chrétiennes,1912, p. 75).
Rem. Pour les emplois de l'expr. bouche en cœur où l'accent est mis sur l'intention d'amabilité (et non sur l'anal. de forme ou de couleur), v. bouche I D 2.
Spécialement
BOT., HORTIC. [À propos de feuilles, fleurs, fruits, légumes rappelant la forme d'un cœur] Ses lilas (...) les petits cœurs verts et frais de leurs feuilles (Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 135).Feuilles (...) ovoïdes, en cœur à la base (L. Plantefol, Cours de bot. et de biol. végétale,t. 2, 1931, p. 281).Cœur-de-bœuf. Variété de chou cabus. Chou cœur de bœuf gros (...) chou de printemps par excellence (...) gros, rustique, pomme serrée (A. Gressent, Le Potager moderne,1863, p. 300).Cœur-de-bœuf ou cœur de pigeon. Bigarreau gros-cœuret. (...) caressé en forme de cerise cœur-de-bœuf le contour des lèvres (Giono, Bonheur fou,1957, p. 32).Cœur-de-Jeannette ou cœur-de-Marie. Variété de dicentre (Fumariacées) cultivée pour la valeur ornementale de ses fleurs en cœur rose vif, disposées en grappe sur une longue tige recourbée. Ces fleurs de parterre (...) les cœurs de Marie qui semblent démodées et qui sont plus fraîches que la rosée, encore, et plus éclatantes que l'arc-en-ciel (Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 140).Des cœurs-de-Jeannette et des pavots (Colette, Sido,1929, p. 149).
Rem. Pour cœur des Indes, v. cardiosperme s.v. cardi (a) (o)-.
CH. DE FER. Pointe-de-cœur ou cœur. Pièce en angle aigu utilisée dans les changements de voie. Comprendre l'aiguille et le cœur dans la courbe (Ch. Bricka, Cours de ch. de fer,t. 1, 1894, p. 385).
CONCHYLIOLOGIE. Coquillage en forme de cœur. Les cœurs, les vénus, les mactres (Cuvier, Leçons d'anat. comp., t. 4, 1805, p. 427; cf. aussi t. 2, p. 594).
HABILL. Bottes à cœur. Bottes avec des échancrures en cœur. Le costume d'un petit-maître de l'Empire (...) un jabot très-roide, des bottes à cœur (G. Sand, Le Péché de Monsieur Antoine,1847, p. 137).Gilet à cœur. Trottant en gilet à cœur, en claque et en escarpins de bal (P. Arène, Jean des Figues,1870, p. 132).Corsage, décolleté en cœur. Corsage à basque ronde (...) ouvert en cœur (Mallarmé, La dernière mode, 1874, p. 711); p. ell. Une vieille femme (...) dans une robe feuille morte, montrant par un cœur très évasé un grand morceau de vieille peau (E. et J. de Goncourt, Journal,1870, p. 693).
HÉRALD. Meuble en forme de cœur. Ses armes parlantes [de Jacques Cœur], des cœurs comme ceux d'un dix de cœur (Stendhal, Mémoires d'un touriste,t. 1, 1838, p. 355).
JEUX (cartes). L'une des quatre couleurs, représentée par un cœur de forme stylisée et de couleur rouge. As de cœur (cf. as ex. 1); dame/roi/valet de cœur; à tout cœur :
8. Il jette une carte sur le tapis. Panisse la regarde, regarde César, puis se lève brusquement, plein de fureur. Panisse. − Est-ce que tu me prends pour un imbécile? Tu as dit : « Il nous fend le cœur » pour lui faire comprendre que je coupe à cœur. Et alors il joue cœur, parbleu! Pagnol, Marius,1931, III, 1ertabl., 1, p. 158.
Rem. Se dit aussi des cartes qui portent cette couleur. Probabilité de tirer 3 cœurs en tirant successivement 3 cartes d'un jeu de 52 cartes (G. Cullmann, M. Denis-Papin, A. Kaufmann, Éléments de calcul informationnel, 1960, p. 26).
Arg. Valet de cœur. Amoureux :
9. Quand je t'aimais le mieux, sans m'en dire les causes Brusquement ton amour de moi s'est écarté. Où s'en est-il allé? Partout un peu, je pense; Car, faisant triompher l'une et l'autre couleur, Ton amour inconstant flotte sans préférence Du brun valet de pique au blond valet de cœur. Te voilà maintenant heureuse : ton caprice Règne sur une cour de galants jouvenceaux, ... Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 281.
ORNEMENTATION (sans valeur symbolique marquée). Une ogive en cœur échancrée à la base comme celles de la mosquée de Cordoue (T. Gautier, Italia,voyage en Italie, 1852, p. 97).Les volets, percés de trèfles et de cœurs (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 14).
[P. anal. de forme et de lieu] Ce qui présente ou évoque la forme et la position du cœur. Comme la fusée à mi-route des étoiles, épanouit son cœur brûlant et retombe en gerbe de feu (Barrès, Mes cahiers,t. 4, 1904-1906, p. 231).
Spéc., BOT., HORTIC. Partie plus ou moins arrondie et centrale d'une fleur, d'un fruit, d'un légume, rappelant la forme et la position du cœur. Cœur d'artichaut*, de laitue, de palmier*. Ce qu'il y avait de meilleur à manger (...) le cœur de sa salade (G. Sand, La Petite Fadette,1849, p. 41).Une rose énorme, largement ouverte, versant de son cœur pourpré où dormaient des scarabées, une odeur suave (Moselly, Terres lorraines,1907, p. 159):
10. Ne savez-vous pas que les sympathies ont leur secret qu'il faut respecter, au lieu de les traiter comme les enfants font des tulipes encore à demi-fermées, qui en ouvrent de force les pétales pour regarder plus avant, et ne trouvent au cœur qu'un peu de vide et de poussière? Toulet, Les Tendres ménages,1904, p. 179.
Rem. Dans cet emploi ambivalent, l'anal. de forme est moins nette que supra et l'anal. de lieu l'emporte, mais celle-ci est encore plus évidente en I B.
[P. anal. de fonction]
Personne qui joue un rôle capital dans une activité quelconque. Être le cœur d'une entreprise. Être son organe d'animation :
11. ... ce n'est pas sur du bois seulement que le Rédempteur est étendu et crucifié, c'est sur l'univers dont il forme désormais le nœud, le centre, la raison d'être, le cœur, le pivot, la pièce essentielle, et vitale, cet organe par qui il respire et communique dans toutes ses parties. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 156.
Chose qui remplit une fonction essentielle dans un mécanisme. Frapper au cœur :
12. Cœur hypertrophique d'un réseau de veines et d'artères ramassées, elle [la gare Saint Lazare] distribue un trafic dense et bref, que la mer voisine tranche et borne. A. Arnoux, Paris-sur-Seine,1939, p. 151.
2. Dans qq. loc. figées. [Chez l'homme uniquement]
a) Complexe organique interne, de nature indifférenciée, auquel se rattache parfois une impression de malaise. Le barbouillage de cœur (...) tous les malaises physiques et moraux d'une physionomie de femme (E. et J. de Goncourt, Journal,1890, p. 1157).Le cœur brouillé de fatigue physique et de dégoût moral (De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 218).
Au fig. Atteinte sournoise d'anxiété (...) qu'elle nommait (...) son mal de cœur moral (Colette, Chéri,1920, p. 178):
13. Le luxe de Passavant l'a dégoûté; son élégance, ses manières aimables, sa condescendance, l'affectation de sa supériorité. Oui, ça lui a levé le cœur. Et j'ajoute que je comprends ça... au fond, il est à faire vomir, ... Gide, Les Faux-monnayeurs,1925, p. 1228.
b) [Sans doute p. réf. au cardia] (Quasi-) synon. estomac :
14. ... la vue de la viande déposée sur la table, lui souleva le cœur; il prescrivit qu'on la fît disparaître, commanda des œufs à la coque, tenta d'avaler des mouillettes, (...) manquant d'air, il se leva, mais les mouillettes avaient gonflé, et remontaient lentement dans le gosier qu'elles obstruaient. Jamais il ne s'était senti aussi inquiet, aussi délabré, aussi mal à l'aise; (...) il fut s'étendre sur le canapé du salon, mais alors un tangage de navire en marche le berça et le mal de cœur s'accrut; ... Huysmans, À rebours,1884, pp. 218-219.
SYNT. Avoir le cœur barbouillé/noyé/soulevé; avoir le cœur bien accroché; avoir le cœur sur les lèvres; retourner le cœur; avoir/faire mal au cœur. Jeter/mettre du cœur sur le carreau (arg.). Vomir.
Rem. Dans qq. expr. vieillies, cœur tend à être employé comme (quasi-) synon. de appétit. Avoir le cœur bon. Avoir de l'appétit. N'être pas malade de cœur. Garder de l'appétit. Cf. aussi : Attaqu[er] de grand cœur une fort alléchante collation (Milosz, L'Amoureuse initiation, 1910, p. 29); Réveillonn[er] de bon cœur et de bel appétit (G. Guèvremont, Le Survenant, 1945, p. 108).
c) P. euphémisme, rare, littér. (Quasi-)synon. entrailles, ventre.Comme la femme qui dans son cœur éprouve la commotion de l'enfant mâle (Claudel, La Ville,2eversion, 1901, p. 453).
B.− P. méton. Poitrine, qui abrite le cœur (et, secondairement, les autres organes internes primordiaux); en partic. l'endroit de la poitrine où les battements du cœur sont perceptibles :
15. ... Edmond, penché sur son ami, la main appliquée à son cœur, sentit successivement ce cœur se refroidir et ce cœur éteindre son battement de plus en plus sourd et profond. Enfin, rien ne survécut; le dernier frémissement du cœur cessa, la face devint livide, les yeux restèrent ouverts, mais le regard se ternit. A. Dumas, Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 241.
C.− P. métaph. ou au fig. [P. réf. plus ou moins nette à la position quasi-médiane du cœur dans la poitrine] Le cœur de qqc., au cœur de qqc. (Quasi-)synon. centre, milieu ou dedans, intérieur, profondeur.
1. [En parlant de choses situées dans l'espace] ... chassés du cœur de l'empire aux extrémités, rejetés des frontières au centre (Chateaubriand, Ét. hist.,1831, p. 199).N'être jamais que des faubourgs, quand on vise au cœur de la place, fréquenter toute sa vie la Cour sans en avoir jamais pu être par le dedans (Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 9,1851-62, p. 164).... s'enfermait « au cœur des bois » (...) restait bien profondément gardé par leur épaisse poitrine (J. de La Varende, Nez-de-cuir, gentilhomme d'amour,1936, p. 85).
SYNT. (Au/en plein) cœur de la forêt/de l'obscurité, des ténèbres; atteindre/s'enfoncer/pénétrer au cœur de (...).
Spécialement
BOT., CHARPENT., MENUIS. Partie centrale d'un tronc d'arbre, caractérisée par sa dureté et sa couleur foncée. (Quasi-)synon. bois parfait, duramen p. oppos. à aubier :
16. Duraminisation. Cœur et aubier. (...). Dans les couches extérieures du tronc, le bois qui vient d'être formé depuis quelques années conserve une couleur claire; ses cellules ont leurs parois purement cellulosiques et sont gorgées d'eau (...). Mais, pendant que des couches nouvelles se forment vers l'extérieur, les couches plus internes subissent peu à peu de profondes modifications. Elles perdent d'abord une partie de l'eau libre qu'elles contenaient. Puis leurs parois se durcissent, s'incrustent de lignine; (...). On distingue alors souvent sur la section transversale une zone interne, colorée, appelée bois parfait, ou cœur de l'arbre, en opposition avec une zone externe, plus claire, l'aubier. J. Campredon, Le Bois,1948, p. 12.
SYNT. Cœur étoilé, excentré, mort, noir, renfermé, rouge; cœur de chêne.
GASTR. Fromage très crémeux. Cœur de Brayon ou cœur normand. Petits cœurs à la crème (...) « Bon fromage à la cré, fromage à la cré, bon fromage! » (Proust, La Prisonnière,1922, p. 128).Les fromages dits frais (suisses, cœurs à la crème, etc.) (...) préparés avec du lait caillé auquel on ajoute de la crème (R. Lalanne, L'Alim. hum.,1942p. 77).
Expr. À cœur. Dans toute l'épaisseur. Camembert fait à cœur (d'apr. Rob. Suppl. 1970).
Rem. À cœur s'emploie aussi à propos d'autres produits alim. Poissons (...) congelés à cœur (A. Boyer, Les Pêches mar., 1967, p. 64), et même à propos de produits non alim. dans des domaines techn. très variés. [Pour le forgeage des fleurets en acier au carbone] chauffer lentement et bien à cœur jusqu'au rouge cerise (J. Cahen, E. Bruet, Carrières, plâtrières, ardoisières, 1926, p. 95). Les panneaux de bois, contreplaqués (...) imprégnés « à cœur » (Catal. d'instruments de lab. (Jouan), 1933, p. 4).
HÉRALD. Milieu de l'écu. (Quasi-)synon. abîme.D'or, à la croix de sable (...) chargée en cœur d'une fleur de lys d'or (Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 33).
PHYS. Partie du réacteur nucléaire qui renferme le combustible. Le cœur du réacteur (...) un cylindre de trois mètres de hauteur (...) les éléments de combustible (...) pastilles d'oxyde d'uranium enrichi (...) logées dans d'étroits cylindres de zirconium (...) Le tout (...) situé dans un caisson cylindrique (Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 211).
Rem. 1. ,,Terme familier`` selon Charles 1960. 2. Certains aut. appellent cœur la partie centrale de divers phénomènes phys. Le « cœur » d'un atome (Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain, 1955, p. 36).
TECHNOL., vx. Cœur de cheminée. Partie centrale de la cheminée. Être noir comme le cœur de la cheminée.
Rem. Attesté ds Ac. 1798-1878, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Quillet 1965.
2. [En parlant de choses situées dans un espace de temps] Cœur de l'été/de l'hiver/du mois. Les paysages tahitiens, éclairés par la lune, au cœur de la nuit, dans le grand silence de deux heures du matin (Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 196).
3. [En parlant d'une réalité abstr.] Au cœur de la vie humaine, dans les mystères de la volonté charnelle, en ce donjon fermé d'où la raison reine et captive traite avec les puissances mutines de la nature (M. Blondel, L'Action,1893, p. 178).Bondi dans le cœur du sujet sitôt le préambule achevé (Du Bos, Journal,1927, p. 176).
SYNT. (Entrer... au) cœur des choses, du débat, d'un problème, de la question.
Expr. Le cœur du cœur. Le fin fond. Le cœur du cœur de l'espérance humaine : ce pardon indéfiniment renouvelé, cette rémission des péchés (Mauriac, Mémoires intérieurs,1959, p. 120).
II.− [Le cœur comme foyer ou réceptacle de la vie intérieure] ,,Qui ne sait qu'une physiologie peu exercée a donné au cœur un rôle, peu défini, mais excessif, comme organe de toute notre vie intime?`` (Théol. cath.t. 3, 11911).
A.− [P. réf. à l'automatisme cardiaque; le cœur comme organe ou lieu d'une saisie plus ou moins automatique]
1. Gén. dans des loc. figées. Mémoire mécanique. Apprendre/connaître/réciter/savoir par cœur (qqc.). Mécaniquement, littéralement :
17. Un escalier de vingt-cinq marches conduit à l'étage; très-élevé, très-roide, sans rampe, il est tellement étroit, si endommagé, si singulièrement construit, que j'ai dû positivement l'apprendre par cœur afin de pouvoir, la nuit, l'escalier sans danger. Je pourrais t'indiquer de mémoire les deux marches qui manquent; ... Fromentin, Un Été dans le Sahara,1857, p. 116.
P. anal. et plaisant., fam. Dîner par cœur. Se passer de dîner (cf. Zola, L'Assommoir, 1877, p. 756 et Verlaine, Correspondance, t. 2, 1869-96, p. 100).
Rem. D'apr. Littré ,,cette locution paraît s'être dite d'abord de celui qui, au lieu de dîner, parlait, racontait, récitait, et de la sorte se passait de manger``.
2. Mémoire affective :
18. Dans toute âme qui de bonne heure a vécu, le passé a déposé ses débris en sépultures successives que le gazon de la surface peut faire oublier; mais, dès qu'on se replonge en son cœur et qu'on en scrute les âges, on est effrayé de ce qu'il contient et de ce qu'il conserve; il y a en nous des mondes! Ces souvenirs, du moins, que je me surprends ainsi à poursuivre jusqu'en leur tendre badinage, ne sont-ils pas trop coupables dans un homme de renoncement, ... Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 33.
19. ... le cœur de l'homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux des beaux jours. La douleur, les haines, les regrets éternels, tout cela est trop lourd, tout cela tombe au fond... On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qu'il aimait tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois. Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 317.
20. ... ces anciens sentiments si personnels à moi, que j'ai eus, me semblent, ce qui est la manie de tous les collectionneurs, très précieux. Je m'ouvre à moi-même mon cœur comme une espèce de vitrine, je regarde un à un tant d'amours que les autres n'auront pas connus. Et de cette collection à laquelle je suis maintenant plus attaché encore qu'aux autres, je me dis, un peu comme Mazarin pour ses livres, mais, du reste, sans angoisse aucune, que ce sera bien embêtant de quitter tout cela. Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 703.
SYNT. Remonter au cœur; emporter, garder, graver qqn/qqc. dans son cœur.
3. Mode de connaissance intuitif, gén. opposé à l'intelligence rationnelle, discursive. L'instinct, l'intelligence du cœur; c'est mon cœur qui me le dit :
21. Il faut d'abord chercher la vérité avec son cœur, et non avec son esprit. Les hommes sentent tous de la même manière, et ils raisonnent différemment, parce que les principes de la vérité sont dans la nature, et que les conséquences qu'ils en tirent sont dans leurs intérêts. C'est donc avec un cœur simple qu'on doit chercher la vérité; car un cœur simple n'a jamais feint d'entendre ce qu'il n'entendait pas, et de croire ce qu'il ne croyait pas. (...). Bernardin de Saint-Pierre, La Chaumière indienne,1791, p. 103.
22. Combien j'ai de choses à vous dire! Vous les devinez, vous les sentez, ma chère amie, parce que votre cœur est si pénétrant! On n'a jamais dit, je crois, un cœur pénétrant; mais l'esprit qui conçoit rapidement et le cœur qui sent, devine avec une grande promptitude, ne peuvent-ils pas mériter la même épithète; n'est-ce pas une véritable pénétration, que cette vivacité de votre ame qui vous fait concevoir tout ce qui se passe dans la mienne, vous met, en quelque sorte, à ma place, et vous fait saisir les plus légères nuances du sentiment qui m'affecte. Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1558.
23. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. Saint-Exupéry, Le Petit Prince,1943, p. 474.
Expr. Connaître qqn ou qqc. par (le) cœur. Connaître avec l'infaillibilité de l'instinct intuitif, à fond, parfaitement. ... possible que tu me connaisses par cœur. Mais tu ne me regardes pas (Cocteau, Les Parents terribles,1938, I, 4, p. 203).En avoir le cœur net (de qqc.). Vérifier si ce dont on a l'intuition correspond bien à la réalité, à la vérité :
24. ... une idée l'occupait, et, pour en avoir le cœur net, elle demanda : − Depuis quand êtes-vous là? A. France, La Révolte des anges,1914, p. 104.
[P. allus. littér. (à Vauvenargues, Réflexions et maximes, 1746, p. 127)] Les grandes pensées viennent du cœur :
25. Je n'emploie pas volontiers ce mot « cœur ». Il le faut bien pourtant, afin de donner à entendre que le cerveau a partie liée avec le reste de l'organisme, et qu'il peut sans doute raisonner fort bien dans l'abstrait, mais que tout raisonnement abstrait omet le plus vital de notre être. (...) Le sublime est irraisonnable; mais déclarer que « les grandes pensées viennent du cœur » revient simplement à dire avec Montaigne : « Rien de noble ne se fait sans hasard », et que l'homme n'obtient pas grand'chose de soi par le simple raisonnement. Gide, Journal,1929, p. 917.
Spéc. en matière de foi :
26. Vous plaignez l'aveugle qui n'a jamais vu les rayons du jour, le sourd qui n'a jamais entendu les accords de la nature, le muet qui n'a jamais pu rendre la voix de son âme, et, sous un faux prétexte de pudeur, vous ne voulez pas plaindre cette cécité du cœur, cette surdité de l'âme, ce mutisme de la conscience qui rendent folle la malheureuse affligée et qui la font malgré elle incapable de voir le bien, d'entendre le Seigneur et de parler la langue pure de l'amour et de la foi. A. Dumas Fils, La Dame aux camélias,1848, p. 23.
27. Nous trouverons donc en nous deux ordres de réponses à la sensation (...) que nous donnent la vue du ciel et l'imagination de l'univers. Les unes seront spontanées, et les autres élaborées. (...). On les distingue souvent en attribuant les unes au cœur, les autres à l'esprit. Ces termes sont assez commodes. Le cœur finit presque toujours, dans sa lutte contre la figure effrayante du monde, par susciter, à force de désir, l'idée de quelque être assez puissant pour contenir, pour avoir construit, ou pour émettre, ce monstre d'étendue et de rayonnements qui nous produit, ... Valéry, VariétéI, 1924, pp. 160-161.
Rem. Dans le passage célèbre de Chateaubriand (Essai sur les Révolutions, 1797, p. XI : Je n'ai point cédé, j'en conviens, à de grandes lumières surnaturelles; ma conviction est sortie du cœur : j'ai pleuré et j'ai cru), l'intuition se nuance d'affectivité.
[P. allus. littér. (à Pascal, Pensées, 1669, section IV, *277 et 278, p. 201 du t. 13 des Œuvres de B. Pascal, par L. Brunschvicg, Paris, Hachette, 1904)] Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point − C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison; Voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison :
28. ... le cœur se trouve ici promu à la qualité d'organe de la vérité ou plus exactement pour appréhender la vérité, (...). Plus profondément l'appréhension par le cœur est aux yeux de Pascal fait primitif parce qu'acte unique de l'être, je veux dire non divisible en moments distincts et comme soustrait au temps (...). Nous sommes ici en présence entre cœur et raison (et nous savons que le Pascal des Pensées − mû ici par la logique souterraine de ses tendances − en arrive toujours davantage à entendre par raison : raisonnement) d'une distinction (...) qui nous donne l'impression que traduit de façon parfaite l'image où Bergson, voulant exprimer les relations de la pensée discursive à l'acte intuitif, disait : « L'intuition est la pièce d'or dont le raisonnement n'a jamais fini de rendre la monnaie ». (...). Cet aspect de la notion de cœur est très voisin de l'intuition bergsonienne : j'irai jusqu'à dire que, dans le langage d'aujourd'hui, en traduisant là le mot de cœur par celui d'intuition on ne commettrait sans doute nul contresens. Le problème (...) c'est le passage de cet aspect-là à celui du fragment « La foi c'est Dieu sensible au cœur ». Et entre les deux se trouverait le fragment que j'ai rapproché d'Hamlet « que le cœur humain est creux et plein d'ordure ». Notons qu'ici Pascal dit « le cœur humain » et que dans le premier cas il s'agit plutôt du cœur de l'intellect, ... Du Bos, Journal,1923, pp. 354-355.
29. Depuis plus d'un demi-siècle, ce cœur, qui déjà se contractait au collège lorsqu'il fallait aller au tableau, n'a cessé de se serrer et de se dilater, jouet de toutes les passions, livré à Dieu, livré aux créatures... Charnel, et voilà le mystère : un organe comme tous les autres organes, et pourtant quand on dit : le cœur, quand Pascal parle du « Dieu sensible au cœur », ou « le cœur a ses raisons », sans doute s'agit-il pour lui d'abord d'un certain mode de connaissance intuitive. Tout de même, il y a là beaucoup plus qu'une image, beaucoup plus qu'un symbole. C'est toujours notre passion, la plus haute ou la pire, qui précipite ou ralentit ses battements. Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 466.
Rem. Pour ces passages, certains auteurs donnent abusivement à cœur le sens de affectivité, amour. Dans la lang. cour., la phrase célèbre Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point est souvent employée, familièrement, à propos d'inclination amoureuse (cf. R. Martin du Gard, Les Thibault, La Belle saison, 1923, p. 851).
B.− [P. réf. à l'intériorité et à l'activité de l'organe en tant que facteur central de la vie hum. individuelle] Le cœur comme foyer ou réceptacle de la vie intérieure profonde, de la personnalité morale d'un individu.
1. En gén. Le fond secret d'un être, dans son unité et sa vérité primitives, cachées sous les apparences ou se révélant dans un élan de spontanéité, de sincérité; ensemble des sentiments et idées intimes commandant le comportement d'un individu. Son cœur (...) un logis qui n'a pas d'escalier (Musset, Namouna,1832, p. 398).Le cœur (...) vase sacré tout rempli de secrets (Vigny, Le Journal d'un poète,1835, p. 1022):
30. ... tu ne m'ouvres que la tête : c'est le cœur, c'est l'âme, c'est l'intime, ce qui fait ta vie, que je croyais voir. Tu ne me montres que ta façon de penser; tu me fais monter, et moi je voulais descendre, te connaître à fond dans tes goûts, tes humeurs, tes principes, en un mot, faire un tour dans les coins et recoins de toi-même. E. de Guérin, Journal,1835, p. 83.
31. L'esprit seul est vie, et le corps se résorbe en lui. En l'homme, il est un lieu qui est celui de l'unité, un centre de la créature, que Troxler appelle le gemüt, − disons le cœur. Le cœur est l'unité du corps et de l'esprit, comme de l'âme et du sôma. Le cœur est l'être même de l'homme..., sa vraie individualité, le centre vivant de son existence, le monde de tous les mondes en lui, l'homme en soi. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, pp. 92-93.
32. ... le sang Alibert, si vigoureux, n'a d'élans que secrets, animé qu'il est par un cœur difficile à entendre. Ce cœur peut battre fort (car cela arrive aussi) mais toujours régulièrement, et le bruit en est étouffé par une volonté plus lourde, souveraine du cœur. Ils ont un sentiment très grand de l'honneur du visage; et, pour eux, n'y laisser rien paraître de l'âme, est un souci si naturel qu'ils en gardent ce pli de gravité par où seulement ils vous livrent le signe de leur vie intérieure. Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 340.
P. anal. :
33. C'est un aquarium qui montre à nu, le mieux, Dans son eau compliquée, entre des murs de verre, Le cœur de l'eau, scruté par l'angoisse des yeux. Là, vraiment net et sûr, le cœur de l'eau s'avère! Or, dans ce trouble glauque, on trouve un peu de soi, Un peu du cœur humain qui se tient clos et coi, Impénétrable cœur plein de choses confuses Qui dans des murs de verre aussi semblent recluses, Ô cœur mystérieux comme un aquarium! Rêves en léthargie, embryons de pensées Trempant dans une eau morte, aux pâleurs nuancées, Qui se peuple comme un beau songe d'opium : ... Rodenbach, Le Règne du silence,1891, pp. 68-70.
SYNT. Cœur + adj. Cœur débordant (de), fermé, profond, sincère. Subst. + du cœur. Connaissance, cri [N'accus[er] juste leurs sentiments que dans les mots imprévus... le cri du cœur (Stendhal, De l'Amour, 1822, p. 62)], écho, effusion, élan, élancement, épanchement, langage, langue, mouvement(s), ouverture, replis, secrets, voix du cœur. Cœur + verbe. Déborder, s'épancher, s'ouvrir. Verbe + le/son cœur. Connaître le cœur humain, épancher, fermer, fouiller, montrer (le fond de), ouvrir [Ouvrir mon cœur... dire la vérité (E. et J. de Goncourt, Journal, 1863, p. 1258)], répandre, soulager, verser, vider [Vidait son cœur et se livrait ... à des aveux (Cocteau, Les Enfants terribles, 1929, 2epart., chap. 3, p. 146)] son cœur. Verbe + dans le/son cœur. Lire, renfermer, trouver dans le/son cœur. Verbe + du cœur. Jaillir, monter, sortir, venir du cœur.
Loc. Cœur-à-cœur. Relation d'intimité entre deux êtres qui échangent en toute confiance leurs pensées les plus profondes. Volupté de ce cœur-à-cœur... une de ces heures d'intimité... joie de pouvoir laisser crever et couler sa pauvre âme boursouflée de lyrismes (R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 22).Contemplation immédiate du vivant principe... Cœur-à-cœur aussi étroit que possible avec « l'être » même du Verbe incarné (Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France,1921, p. 647).À cœur ouvert. S'ouvrant à fond... parlait à cœur ouvert et librement (E. et J. de Goncourt, Journal,1862, p. 1181).Un ami avec lequel je suis intime à peine une fois par an, dans une de ces causeries à cœur ouvert où l'on se dit tout (Renard, Journal,1900, p. 612). P. anal. et plaisant. Quand j'ai dîné... besoin de causer à cœur déboutonné (E. Augier, Philiberte,1853, II, p. 154).Au/du fond du cœur. Au/du plus profond du cœur, au plus secret/dans le secret du cœur. Selon son cœur. En accord avec sa nature profonde. Tort de demander aux choses d'être selon son cœur, rencontre d'autant plus rare que le cœur est plus curieusement raffiné (P. Bourget, Essais de psychol. contemp.,1883, p. 9).Avoir le cœur sur les lèvres. S'exprimer spontanément. Les gens francs et sincères qui ont le cœur sur les lèvres (Mérimée, Théâtre de Clara Gazul,1825, p. 52).Parler d'abondance de cœur (p. réf. à l'Évangile de St Mathieu, XII, 33 : c'est du trop-plein du cœur que la bouche parle). ... tant besoin de m'attendrir sur moi et sur les autres qu'il m'était tout à fait aisé de parler de choses tristes et touchantes... d'abondance de cœur (Gobineau, Nouvelles asiatiques,La Guerre des Turcomans, 1876, p. 211).Il y a loin du cœur aux lèvres (Sue, Les Mystères de Paris,t. 1, 1842-43, p. 223).
Rem. Dans tous ces syntagmes et loc. prédomine l'image d'ouverture ou de fermeture, d'expansion ou d'introversion.
Spéc. en matière de création artistique. La personnalité morale la plus intime comme objet d'étude ou instrument d'expression caractérisé par son naturel et sa simplicité, opposé à la recherche de la composition et du style, et plus généralement à l'artifice. Les inspirations du cœur. L'art ne fait que des vers; le cœur seul est poète (Chénier, Élégies,1794, p. 175).Ah! frappe-toi le cœur, c'est là qu'est le génie (Musset, Premières poésies,À mon ami Édouard B. ds Œuvres complètes, Paris, éd. du Seuil, 1832, p. 90).Mon cœur mis à nu (Œuvre en prose de Baudelaire, 1867) :
34. ... il n'y a (...) rien de plus faible que de mettre en art ses sentiments personnels. Suis cet axiome pas à pas, ligne par ligne. Qu'il soit toujours inébranlable en ta conviction, en disséquant chaque fibre humaine et en cherchant chaque synonyme de mot, et tu verras! tu verras comme ton horizon s'agrandira, comme ton instrument ronflera et quelle sérénité t'emplira! Refoulé à l'horizon, ton cœur t'éclairera du fond au lieu de t'éblouir sur le premier plan. Toi disséminée en tous, tes personnages vivront et au lieu d'une éternelle personnalité déclamatoire, (...) on verra dans tes œuvres des foules humaines. Flaubert, Correspondance,1852, pp. 378-379.
35. ... il n'y a rien chez Chausson d'antérieur au cœur, mais c'est que le cœur, tantôt fleur et tantôt fruit, fleurit et fructifie naturellement : ceci se devrait rattacher à la différence (...) entre les deux mots : effusion et épanchement : effusion appartenant à Franck, étant comme une aspiration lumineuse, une montée de rayons vers l'au-delà; épanchement étant ce surplus, ce luxe qui choit du cœur à la façon d'une larme comblée. Ce que Duhamel appelle le règne du cœur... Du Bos, Journal,1924, p. 226.
Rem. Chez les aut. les plus romantiques, cœur dans cet emploi tend à restreindre son accept. au sens de sentiment, sentimentalité (cf. II D) :
36. Les poëtes cherchent le génie bien loin, tandis qu'il est dans le cœur, et que quelques notes bien simples, touchées pieusement et par hasard sur cet instrument monté par Dieu même, suffisent pour faire pleurer tout un siècle, et pour devenir aussi populaires que l'amour et aussi sympathiques que le sentiment. Le sublime lasse, le beau trompe, le pathétique seul est infaillible dans l'art. Celui qui sait attendrir sait tout. Il y a plus de génie dans une larme que dans tous les musées et dans toutes les bibliothèques de l'univers. Lamartine, Les Confidences,Graziella, 1849, p. 201.
2. En partic. (avec une nuance de jugement moral)
a) Conscience morale (naturelle ou religieuse), ensemble des vertus et/ou des vices qui caractérisent tel individu. Regarder dans un noble cœur comme dans une onde pure, et voir jusqu'au fond... un enchantement (Amiel, Journal intime,1866, p. 458).Mon cœur... comme du linge raide et lessivé, empilé droit sur des rayons d'armoire, rigidement classé dans les chambres de Dieu (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 332):
37. À mesure que Sixte avançait dans le manuscrit, il lui semblait qu'un peu de sa personne intime se souillait, se corrompait, se gangrenait, tant il y retrouvait des choses de lui-même, mais un « lui-même » cousu, par quel mystère? aux sentiments qu'il détestait le plus au monde. Car dans ce philosophe illustre les saintes virginités de la conscience demeuraient intactes, et, derrière le hardi nihiliste d'esprit, un noble cœur d'homme naïf se dissimulait toujours. P. Bourget, Le Disciple,1889, p. 213.
38. ... il y a une hiérarchie entre les âmes. Et d'abord il y a des pensées viles − pour les cœurs mauvais. Et puis il y a des pensées belles, mais faciles, il y a de pauvres, de misérables satisfactions spirituelles pour ces cœurs qui ignorent profondément le mal, mais ne se nourrissent que de vertus ordinaires. Mais quels sont ceux-ci qui s'avancent, portant leurs cœurs au-devant d'eux, comme des flambeaux? Ce sont les héroïques, les affamés de la vertu, les assoiffés de la justice. Psichari, Le Voyage du centurion,1914, pp. 187-188.
SYNT. Cœur + adj. Cœur candide, contrit, flétri, innocent, naïf, noir, pur, simple, soulagé, tranquille. Subst. + de/du cœur. Droiture, humilité, paix, pureté, simplicité, sincérité de/du cœur.
[P. allus. littér.]
[Au Livre de Jérémie, XVII, 10] Moi, Yahvé, je scrute le cœur, je sonde les reins, pour donner à chacun selon sa conduite. Sonder les reins et les cœurs. Ne... pas croire qu'un Dieu pourrait sonder les cœurs et les reins et délimiter ce qui nous vient de la nature et ce qui nous vient de la liberté (Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 197).
[À l'Évangile de St Mathieu, V, 8] Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu. Ce que savent désigner des cœurs purs, des âmes livrées, parce qu'elles sont incultes, à la contemplation et à son lent enrichissement (Colette, Paysages et portraits,1954, p. 216).
Racine, Phèdre, 1677, IV, 2] Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur. Le soleil d'un jour de juillet... pas plus pur dans un ciel sans tache, que son noble cœur dans son sein chéri (Musset, La Quenouille de Barberine,1840, I, 3, p. 294).
[P. allus. hist. (à Émile Ollivier, à propos de la déclaration de guerre à l'Allemagne en 1870)] D'un cœur léger. La conscience tranquille. ... ne croirai jamais qu'un révolutionnaire puisse d'un cœur léger ouvrir aux autres, les portes de la mort (Guéhenno, Journal d'une « Révolution », 1938, p. 202).
P. méton.
[Avec une valeur symbolique] Partie médiane de la poitrine, en relation avec un geste de la main exprimant la sincérité. ... posa la main sur son cœur pour donner sa parole sacrée (Zola, L'Assommoir,1877, p. 786).La main sur le cœur. La main sur la conscience, en toute franchise (cf. Frapié, La Maternelle, 1904, p. 263).
Personne considérée sous le rapport de sa conscience morale, de ses vertus et/ou de ses vices. Un cœur simple (conte de Flaubert, 1877). Incomplète foi... de ceux que l'épreuve terrasse. Les cœurs simples et purs... heureux sous ma loi (Dierx, Poèmes et poésies,1864, p. 111).
b) (Qualité morale du) caractère. Un cœur à l'antique (Renard, Journal,1892, p. 132):
39. ... tout devrait élever l'âme de l'homme qui, dès le jeune âge, possède de tels privilèges, lui imprimer ce haut respect de lui-même dont la moindre conséquence est une noblesse de cœur en harmonie avec la noblesse du nom. Cela est vrai pour quelques familles. Ça et là, dans le faubourg Saint-Germain, se rencontrent de beaux caractères, ... Balzac, La Duchesse de Langeais,1834, p. 220.
SYNT. Cœur + adj. Cœur bien né, fier, haut placé, honnête, loyal, noble. Subst. + de cœur. Homme de cœur. Homme d'honneur. [L'homme de cœur et de conscience (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 166)]. Verbe + du cœur. Avoir du cœur [... ont du cœur, de la fidélité (Stendhal, Le Rouge et le noir, 1830, p. 371)].
Rem. hist. Le cœur était autrefois considéré comme l'organe noble par excellence. La tradition de garder en relique le cœur de certains hauts personnages s'est longtemps conservée. Le corps de Chopin... enterré, son cœur excepté, qu'on envoya à Varsovie, où il est resté depuis dans l'église à la Sainte-Croix. Beau symbole qui convient à ce cœur fidèle (G. de Pourtalès, Chopin, ou le Poète, 1927, p. 245; cf. aussi Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, pp. 97-98).
P. méton. Personne considérée sous le rapport de (la qualité de) son caractère. Les cœurs de ce pays-là (...) les Italiens (...) bonnes gens (Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 2).Un homme loyal et bon, un noble cœur (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 301).
C.− [Le cœur comme foyer ou réceptacle du dynamisme moral, de certaines tendances volitives] « L'humanité est autant caractérisée par l'énergie que par la tendresse, comme l'atteste familièrement l'heureuse ambiguïté du mot cœur » (A. Comte, Système de pol. positive,1824, I, 266 ds Foulq.-St-Jean 1962).
1. Vieilli. Courage, vaillance, force d'âme :
40. ... si tu pleures toujours, je te croirai sans courage et sans caractère : je n'aime pas les lâches; une impératrice doit avoir du cœur. Napoléon Ier, Lettres à Joséphine,1807, p. 128.
P. anal. [En parlant d'animaux, notamment de chevaux] Les chevaux (...) d'un sang ardent, d'un cœur égal. Bien faits pour chevaucher de compagnie, fringants, rapides et sans peur (Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 226).Le cœur (...) l'émulation ardente, le désir incoercible de primer, je ne sais quelle étincelle qui couve en certains animaux (Pesquidoux, Le Livre de raison,1928, p. 205).
SYNT. Cœur + adj. Cœur défaillant, intrépide, lâche, solide, vaillant. Cœur + subst. (Avoir un) cœur de fer, de lièvre [... aisé d'avoir du courage avec des gens à cœurs de lièvre (Mérimée, La Jacquerie, 1828, p. 69)], de lion [Bravoure de la jeune fille (...) dans l'étroite cage de sa maigre poitrine un vrai cœur de lion ou de héros antique (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 322)], de poule, de poulet [Un vrai canari, d'habit et de caractère... tu as un cœur de poulet (Mérimée, Carmen, 1847, p. 44)]. Cœur + verbe. Défaillir. Verbe + cœur. Perdre cœur [Ne jamais lâcher (...) la seule honte (...) perdre cœur (Pourrat, Gaspard des montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 289)]. Verbe + le cœur. Faire défaillir, ranimer, remettre, remonter le cœur.
Loc. Le cœur me manque (Bloy, Journal, 1901, p. 46). [Gén. avec une nuance péj.] Avoir le cœur de. [Il] a eu le cœur de se mettre à plat ventre devant ceux qui pouvaient le servir, et la finesse d'être insolent avec ceux dont il n'avait plus besoin (Balzac, La Maison Nucingen,1838, p. 593).Fam. Avoir/donner/mettre/remettre le/du cœur au ventre. Cherchait à lui mettre le cœur au ventre et lui disait chemin faisant : « Allegramente! » (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 180).Si tu as des c au c. (...) si tu as du cœur au ventre (Barrès, Mes cahiers,t. 5, 1906-07, p. 30).Arg. Être en cœur. Nous sommes en cœur et eux en peur (G. d'Esparbès, Le Roi,1901, p. 166).
Devises. À cœur vaillant, rien d'impossible. Devise de Jacques Cœur. Maison de Jacques Cœur (...) À vaillans cœurs rien impossible (Michelet, Journal,1835, p. 214).Haut les cœurs! Les élèves de l'école des garçons, qui viennent braire un chœur imbécile : « Sursum corda! Sursum corda! Haut les cœurs! Que cette devise soit notre cri de ralliement » (Colette, Claudine à l'école,1900, p. 303).
P. allus. littér. P. Corneille, Le Cid, 1636, I, 5] Rodrigue, as-tu du cœur? Ah! France! As-tu du cœur? (...) As-tu des dents pour mordre? (Quinet, Napoléon,1836, p. 282).
Rem. De nos jours, cette allus. se fait surtout dans une intention plais., ironique.
P. méton. Personne considérée sous le rapport de sa vaillance. Richard Ier, Cœur-de-Lion (roi d'Angleterre, 1157-99) :
41. ... une poitrine large... annonce, avec un grand poumon, un cœur plus énergique, et par conséquent... une circulation plus rapide et plus forte; de là cette expression commune en parlant des héros : un grand cœur. Stendhal, Hist. de la peinture en Italie,t. 2, 1817, p. 40.
Rem. gén. (sur II C 1). Dans cette accept., cœur a donné lieu au dér. cœuru, e, adj. [En parlant d'une pers.] Vx., dial. Qui a du cœur, de la vaillance. Les lois (...) des mots appliqués par de malheureux scribes de quat'sous, qui ne tiennent pas devant des gens cœurus et décidés (J. de La Varende, La Dernière fête, 1953, p. 35); cf. aussi Guérin 1892 pour ce même sens, mais J. de La Varende emploie cœuru en d'autres accept., notamment à propos de bois. S'il y reste de l'aubier, cette matière épidermique et molle qui finit par pourrir, la partie cœurue se conserve assez forte pour garder sa puissance (La Normandie en fleurs, 1950, p. 149).
2. Disposition (ou manque de disposition) à souhaiter, faire telle chose. Désir, vœu du cœur :
42. Nous ne faisons pour ainsi dire jamais tout ce que nous voulons comme nous le voulons; des résistances imprévues, des frottements, des heurts usent, entament et dévient la volonté. On se connaît bien en général, mais à chaque instant on s'ignore; et c'est ce moment qui décide des actes. Nos désirs souvent nous cachent nos vrais désirs. Il y a deux cœurs dans le cœur humain; et l'un ne sait pas les pensées de l'autre. Mais par le seul fait qu'une décision est prise et qu'un effort est tenté, la situation intérieure a changé; l'hôte voilé en nous se découvre; ... M. Blondel, L'Action,1893, p. 170.
Locutions
Le cœur y est/n'y est pas :
43. ... le presque-rien est absolument tout; les bonnes œuvres, sans lui, ne sont qu'une mimique de singe et une façade dépourvue d'intériorité, et nous disons, faute de mieux, que « le cœur n'y est pas ». Si le cœur y est, rien n'y est... et tout y est! Le cœur qui n'est rien, qui est tout, qui est à la lettre, le tout-et-rien du bienfait. (...) la distance est infiniment infinie, à bienfait équivalent, entre une bienfaisance sans bienveillance, où « le cœur » n'est pas, et une bienfaisance bien intentionnée dont toute l'âme et toute la réalité résident dans un insaisissable bon vouloir. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, pp. 66-67.
Si le cœur vous en dit. Si vous êtes disposé à telle chose. Pour peu que le cœur en dise au ministère, je suis aussi disposé à le quitter, qu'il est disposé à la malveillance pour moi (Chateaubriand, Correspondance gén.,t. 2, 1789-1824, p. 173).Avoir/n'avoir pas le cœur à qqc./à l'ouvrage. Être/n'être pas disposé à telle chose. Tu as le cœur à rire, moi je l'ai à pleurer (Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 131).Pourquoi n'aurais-je plus de cœur à l'ouvrage (Bernanos, L'Imposture,1927, p. 449).Accepter/consentir/faire qqc./rire/souhaiter... de bon cœur/ de mauvais cœur. Accepter, etc. de bon/mauvais gré. Puisque vous êtes de bon cœur et de bonne volonté (G. Sand, Monsieur Sylvestre,1866, p. 97).Faire contre mauvaise fortune bon cœur (S. de Beauvoir, Les Mandarins, 1954, p. 438).
[Avec une valeur intensive] Avoir/prendre (qqc.) à cœur. Y prendre beaucoup d'intérêt. Trouver une personne très respectable, très dévouée, qui prît la chose plus à cœur (Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 983).Avoir à cœur de. Être bien décidé à. J'ai à cœur de faire un ouvrage aussi parfait (Balzac, Correspondance,1834, p. 526).Tenir au cœur (de qqn). S'y attacher par une forte adhésion intime. Tout ce qui me tient à cœur et m'importe (Gide, Journal,1943, p. 182).Faire qqc. avec cœur/de tout son cœur Mettre du cœur à l'ouvrage/à qqc. Y mettre beaucoup d'ardeur. Il y mettait tout son cœur (E. et J. de Goncourt, Journal,1894, p. 681).
Rem. Pour l'expr. à contre-cœur, v. contre-cœur*.
D.− [Le cœur comme foyer ou réceptacle de la vie affective]
1. Centre de résonance de la sensibilité aux phénomènes extérieurs, de la disposition à y répondre par des émotions diverses (joie, peine, colère, etc.) :
44. Tous ces hommes de fer, tous ces preux invincibles portaient dans leur poitrine un cœur tendre et naïf comme celui des enfans. On ne leur avait point encore appris à flétrir l'innocence naturelle de leurs sentimens, ou à en rougir. Ils n'avaient point encore desséché et glacé dans leurs âmes la source des émotions simples, pures et fortes, de cette rosée divine qui féconde et embellit la vie. Montalembert, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie,1836, p. 72.
45. ... le cœur humain est le jouet de tout, et l'on ne saurait prévoir quelle circonstance frivole cause ses joies et ses douleurs. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 102.
46. Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur? Ô bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits! Pour un cœur qui s'ennuie Ô le chant de la pluie! (...). C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon cœur a tant de peine! Verlaine, Romances sans paroles,1874, p. 14.
47. Le goût de l'héroïque et du passionnel Qui flotte autour des corps, des sons, des foules vives, Touche avec la brûlure et la saveur du sel Mon cœur tumultueux et mon âme excessive... La nature, le bois, les houles de la rue M'emplissent de leurs cris et de leurs mouvements; Je suis comme une voile où la brise se rue. Ah! vivre ainsi les jours qui mènent au tombeau, Avoir le cœur gonflé comme le fruit qu'on presse Et qui laisse couler son arome et son eau; Loger l'espoir fécond et la claire allégresse! A. de Noailles, Le Cœur innombrable,1901, pp. 19-20.
Rem. Dans certains ex., cœur prend une valeur péj. et se rapproche plutôt du sens de sensiblerie :
48. Il voyait l'art allemand tout nu. Tous, − les grands et les sots, − étalaient leurs âmes avec une complaisance attendrie. L'émotion débordait, la noblesse morale ruisselait, le cœur se fondait en effusions éperdues; les écluses étaient lâchées à la redoutable sensibilité germanique; elle diluait l'énergie des plus forts, elle noyait les faibles sous ses nappes grisâtres : c'était une inondation; la pensée allemande dormait au fond. R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 388.
SYNT. Cœur + adj. Cœur affligé, agité, amer, aride, attendri, avide, battant, blessé, bondissant, bouleversé, brisé, broyé, chaviré, content, crevé, crispé, déchiré, désolé, dévoré, ému, froid, gai, glacé, gonflé, gros [Comme le cœur dont on dit qu'il est trop gros lorsque l'excès du chagrin semble engager celui qui souffre à le fuir (J. Bousquet, Traduit du silence, 1935-36, p. 76)], inondé, joyeux, lassé, léger, lourd [Le cœur n'est jamais si lourd que quand il est vide (Lamartine, Les Confidences, 1849, p. 376)], malheureux, meurtri, navré, noyé, oppressé, palpitant, rempli, saignant, serré [Si triste que fût notre cœur serré et ficelé de soucis (Barrès, Mes cahiers, t. 2, 1898-1902, p. 8)], souffrant, touché, tremblant, triste, troublé [Le cœur troublé de sensations extraordinaires, l'âme émue (Maupassant, Contes et nouvelles, t. 2, Menuet, 1882, p. 1251)], ulcéré. Adj. + cœur. Misérable, pauvre cœur. Subst. + de + cœur. Déchirement, pincement, serrement de cœur. Subst. + du cœur. Amertume, fibres, plaies, plaisir, tumulte du cœur. L'eau/ la pluie du cœur. Les larmes (cf. Lamartine, Les Confidences, Graziella, 1849, p. 253; Montherlant, Le Maître de Santiago, 1947, II, 3, p. 642). Cœur + verbe. Bondir, se briser, se déchirer, se dilater, éclater, s'élancer, s'émouvoir, s'épanouir, être en proie à, se fendre, se fondre, se glacer, se gonfler, palpiter, saigner, sauter, sentir, se serrer, tressaillir. Verbe + le/son cœur. Agiter, apaiser, arracher, attendrir, avoir/serrer/tenir (...) dans un étau, blesser, briser, broyer, crever, déchirer, dessécher, dévorer, dilater, échauffer, écraser, émouvoir, emplir, envahir, épanouir, étouffer, étreindre, faire battre/bondir/palpiter/saigner/souffrir/tressaillir, fendre, glacer, gonfler, habiter, inonder, mordre, navrer, noyer, occuper, percer, pincer, réchauffer [Réchauffa le cœur de la foule et la mit en meilleure disposition pour écouter le discours (Aymé, Le Nain, 1934, p. 241)], réjouir, remplir, remuer, ronger, sentir battre, serrer, tordre, torturer, toucher, transpercer, traverser le/son cœur. Verbe + au cœur. Aller [Choses désuètes, froides, un peu scolaires, incapables d'aller au cœur, et surtout aux nerfs du public (H. Ghéon, Promenades avec Mozart, 1932, p. 328)], faire chaud/froid/mal, inspirer, parler au cœur. Verbe + dans le/son cœur. Couler, enfoncer/ plonger un poignard, s'enfoncer, entrer, éveiller, mettre, naître, nourrir, se passer, pénétrer, retentir dans le/son cœur. Verbe + sur le cœur. Avoir qqc./un poids, en avoir gros/lourd [Tapait les pieds d'un air rageur... devait en avoir gros sur le cœur (Zola, Son Excellence E. Rougon, 1876, p. 247)], garder qqc., peser (lourd), rester [Qu'elle est juste l'expression populaire « des paroles qui restent sur le cœur »! Celles-là faisaient un bloc dans ma poitrine (Bernanos, Journal d'un curé de campagne, 1936, p. 1085)] sur le cœur.
Loc. a) Princ. subst. Le cœur en fête (L. de Vilmorin, Le Retour d'Érica, 1946, p. 107). (Avec) l'angoisse/ un coup (de couteau)/le désespoir/l'espérance/la joie/la rage au/dans le cœur [La mort au cœur (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 4, Les Exploits de Rocambole,1859, p. 87)].De gaieté de cœur [De gaieté de cœur et par plaisir (Barrès, Les Déracinés,1897, p. 483)].b) Princ. verbales. Le cœur me fend (E. Rostand, Cyrano de Bergerac, 1898, I, 4, p. 49). À cœur fendre. S'en donner (etc.) à cœur joie [S'en donnait à cœur joie... y mettait toute la sauce (Céline, Mort à crédit,1936, p. 518)].
Rem. Dans les nombreux syntagmes ou loc. auxquels cœur se prête en cette accept., on remarquera l'abondance des images évoquant des réalités très concr. (poids, volume, agitation, blessure, chaud ou froid, etc.) et rappelant les liens étroits du phys. et du moral.
Proverbe. Cœur qui soupire n'a pas ce qu'il désire.
P. allus. littér. [aux Psaumes, 104. 15] Le vin qui réjouit le cœur de l'homme (Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels,Les Demoiselles de Bienfilâtre, 1883, p. 7);cf. aussi Huysmans, L'Oblat, t. 2, 1903, p. 108.
2. Centre général de résonance ou de rayonnement des sentiments. Affections, besoins, sentiments du cœur. Localis[er] (...) l'intelligence dans la tête (...) le sentiment dans le cœur (Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 392):
49. Le cœur n'est qu'un morceau de chair bleuâtre qui ressent vivement les mouvements de reflux imprimés au sang par les idées dans le cerveau, mais je le crois impuissant à créer des sentiments, comme c'est assez sa réputation. Vigny, Le Journal d'un poète,1843, p. 1198.
Absol. (p. ell.). Le cœur. L'affectivité, le sentiment, la sentimentalité. Anachronisme qui empêche si souvent le calendrier des faits de coïncider avec celui des sentiments (...) intermittences du cœur (Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 756).Barrès qui fait appel au cœur, aux ressources du sentiment (Massis, Jugements,1923, p. 208):
50. Ce qu'on appelle le cœur est donc la solidarité affective, cette puissance qui fond plusieurs existences en une seule, une extension de notre sensibilité, telle qu'elle souffre ou jouit par une surface infiniment plus grande que celle de notre simple individu; plus brièvement, c'est l'identification morale de plusieurs existences par la sympathie instinctive, par conséquent une augmentation d'être pour chacune d'elles, mais un accroissement corrélatif de dépendance. Le cœur nous dilate, nous étend, nous épanche au dehors, précisément au rebours de l'égoïsme qui nous rétrécit et nous contracte. Amiel, Journal intime,1866, p. 44.
[P. allus. littér. (à La Rochefoucauld, Réflexions ou sentences et maximes morales, 1664, verset 102)] L'esprit est toujours la dupe du cœur (cf. Sénac de Meilhan, L'Émigré, 1797, p. 1671; Gide, La Symphonie pastorale, 1919, p. 916 qui utilisent cette formule avec la var. souvent).
3. Siège des sentiments liés à des situations particulières.
a) [Dans les rapports familiers, amicaux] La servante au grand cœur (Baudelaire, Les Fleurs du Mal,1857-61, p. 174):
51. On me demande des conformités qui ne sont pas en mon pouvoir, des expansions que j'accorderai par égard et jamais par nature, et des expressions d'une tendresse résidant dans ma raison et sans doute aussi dans mon cœur, mais non pas sensiblement et à précipiter les pulsations. Serais-je entendu si je m'exposais en cette manière? Ceux qui aiment avec le cœur peuvent-ils se rendre à la vérité d'une affection rationnelle? M. de Guérin, Correspondance,1835, p. 222.
52. Mes parents, ma sœur, je les aimais : ce mot couvrait tout. Les nuances de mes sentiments, leurs fluctuations, n'avaient pas droit à l'existence. Zaza était ma meilleure amie : il n'y avait rien de plus à dire. Dans un cœur bien ordonné, l'amitié occupe un rang honorable, mais elle n'a ni l'éclat du mystérieux amour, ni la dignité sacrée des tendresses filiales. Je ne mettais pas en question cette hiérarchie. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 94.
P. anal. (à propos d'un animal, d'un végétal ou d'une chose). Mon pauvre Childebrand à l'amitié si franche, Le meilleur cœur de chat et l'âme la plus blanche (T. Gautier, Albertus,1833, p. 130).Beau livre que l'on pourrait écrire sur « le cœur des plantes », où l'on montrerait l'exemple touchant de celles chez qui cet organe hypertrophié empêcha sans doute de se développer le cerveau, qui (...) préfèrèrent aux joies de l'invention celle très pure de conserver leurs enfants tout près d'elles (Gide, Feuillets,1889-1939, p. 808).
[Avec une valeur allégorique] :
53. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte; En vain il [le pélican] a des mers fouillé la profondeur : L'océan était vide, et la plage déserte; Pour toute nourriture il apporte son cœur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre, Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur, (...) Poète, c'est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps; Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Musset, La Nuit de mai,1835, p. 67.
SYNT. Cœur maternel, paternel; cœur de mère; ami de cœur. (Ne pas) porter qqn dans son cœur. Éprouver ou non de l'amitié pour lui (cf. Genevoix, Raboliot, 1925, p. 213).
P. méton.
[Avec une valeur symbolique] Partie médiane de la poitrine, en relation avec un mouvement exprimant l'affection. Étendit les bras, (...) sentit battre contre son cœur un cœur qui l'aimait (R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 327).
SYNT. Cœur contre/sur cœur; appuyer/presser/serrer qqn contre/ sur son cœur.
Personne qui inspire ou éprouve de l'affection. Quel homme tendre c'était que cet archevêque, quel cœur sensible et fertile en ménagements! (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 28).Elle qui avait connu dans ses langes ce pauvre agneau, ce petit cœur joli (Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 104).
b) [Dans les rapports amoureux (gén. p. oppos. à la sensualité, à la sexualité)] La pire de toutes les mésalliances est celle du cœur (Chamfort, Maximes et pensées,1794, p. 65).Le labyrinthe du cœur féminin : si compliqué et si plein de routes enchevêtrées (Theuriet, La Maison des deux barbeaux,1879, p. 128):
54. Je l'aime beaucoup mieux quand je ne la vois pas que quand je la vois. En absence, mon imagination retranche ce qui la choque, ajoute quelque chose de ce qui manque, suppose ce qui lui convient. Je l'ai pensé souvent : le sentiment de l'amour n'a rien de commun avec l'objet qu'on aime. C'est un besoin du cœur qui revient périodiquement à des époques plus éloignées que les besoins des sens, mais de la même manière; et comme l'attrait des sexes fait qu'on cherche une femme dont on puisse jouir, n'importe laquelle, le besoin du cœur cherche à se placer sur un objet qui l'attire ou par de la douceur, ou par de la beauté, ou par telle autre qualité qui devient le prétexte que le cœur allègue à l'imagination pour justifier son choix. Constant, Journaux intimes,1803, p. 33.
55. J'éprouve pour toi un mélange d'amitié, d'attrait, d'estime, d'attendrissement de cœur et d'entraînement de sens qui fait un tout complexe, dont je ne sais pas le nom mais qui me paraît solide. (...). Les sens, un jour, vous mènent ailleurs; le caprice s'éprend à des chatoiements nouveaux. Qu'est-ce que cela fait? Si je t'avais aimée dans le temps comme tu le voulais alors, je ne t'aimerais plus autant maintenant. Les affections qui suintent goutte à goutte de votre cœur finissent par y faire des stalactites. Cela vaut mieux que les grands torrents qui l'emportent. Flaubert, Correspondance,1852, p. 347.
56. ... je sentais grandir en moi une étrange et poignante émotion, un attendrissement infini, quelque chose comme un besoin d'ouvrir mes bras pour étreindre, et d'ouvrir mon cœur pour aimer, de me donner, de donner mes pensées, mon corps, ma vie, tout mon être à quelqu'un! Ma compagne murmura, comme dans un songe : « Où sommes-nous? Où allons-nous? Il me semble que je quitte la terre? Comme c'est doux! Oh! si vous m'aimiez... un peu!!! » Mon cœur se mit à battre. Je ne pus rien répondre; il me sembla que je l'aimais. Je n'avais plus aucun désir violent. J'étais bien ainsi, à côté d'elle, et cela me suffisait. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Lettre trouvée sur un noyé, 1884, p. 906.
57. La plénitude de cet amour le confondait. Il ne savait trop quel chemin prendre pour faire monter vers Dieu sa gratitude ni quel sens exact donner au terme : bénédiction. Tout cela palpitait entre ciel et terre. La douceur de certains mots lui était littéralement intolérable : celui de « petite Anne », celui de « fiancée ». Ils produisaient un arrêt du cœur réel, senti, d'une ou deux secondes. Dans sa poitrine, en attente et ne servant à rien, une sorte de velours intérieur trop chaud, s'étalait, contre lequel battait ce cœur. Il pensait aux vieilles images : feu, blessure, tant raillées; c'était bien cela cependant. Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 111.
58. Notre amitié était une chose extrêmement bien. Mais le cœur infecte tout. Sur le plan de l'amitié, ou sur le plan de la sensualité, les choses sont saines, les plaies, s'il s'en forme, sont nettes. Arrive le cœur, et la plaie gagne, tout se prend. Combien de fois ai-je remarqué cela! − Ce que vous dites est absurde. Le cœur n'infecte rien; au contraire, il purifie tout. C'est trop idiot, à la fin! Et ce serait le « plan de la sensualité » qui serait pur! Je vous apporterais une grande passion physique, vous me la pardonneriez... être provocante, vous faire comprendre que je cherche seulement le plaisir, vous me mépriseriez peut-être, mais vous accepteriez. Mais vous offrir de l'amour, quelle gêne! quel ennui! Si on nous fichait un peu la paix avec l'amour! Montherlant, Les Jeunes filles,1936, p. 969.
SYNT. Cœur + adj. Cœur aimant, ardent, brûlant, changeant, embrasé, enflammé, épris, éteint, fidèle, inaccessible, inoccupé, jeune (Hugo, Hernani, 1830, III, 1, p. 57), libre, occupé, passionné, percé, solitaire, tendre, trahi, transpercé, vide, vieux, volage. Cœur de + subst. Cœur de femme. Subst. + au cœur. L'amour au cœur. Subst. + de cœur. Affaire, amant, amour [mieux qu'un amour de tête, et pas tout-à-fait un amour de cœur (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. 2, 1851-62, p. 337)], coup (E. et J. de Goncourt, Journal, 1859, p. 647), jeunesse, peine (s) [Les peines de cœur et les infortunes idéales (Vigny, Chatterton, 1835, p. 238)], solitude, tendresse de cœur. Arg. Valet de cœur (cf. I A 1b p. anal. de forme et de couleur, spéc., jeux). Subst. + du cœur. Blessure, courrier, entraînements, faiblesses, presse [Jusqu'au moment du moins où elle devint ma maîtresse et où je compris que la presse du cœur, qui enseignait à parler de l'amour, n'apprenait pas à le faire (Camus, La Chute, 1956, p. 1524)], trouble, vide du cœur. Subst. + des cœurs. Bourreau des cœurs [Beau mâle, bourreau des cœurs (Zola, Travail, t. 1, 1901, p. 39)]. P. anal. Un beau casse-cœurs (Colette, La Jumelle noire, 1938, p. 80). Cœur + verbe. Aimer, s'amollir. Verbe + le/son cœur. Amollir, brûler, se disputer, donner, enflammer, gagner, offrir, partager, posséder, prendre, ravir, refuser, toucher, troubler le/son cœur. Verbe + avec/dans/de son cœur. Aimer avec/dans/de (tout) son cœur (Montherlant, Pitié pour les femmes, 1936, p. 1134). Verbe + du cœur. S'emparer du cœur, trouver le chemin du cœur.
Rem. Dans cette accept., les images évoquées par les assoc. syntagmatiques de cœur sont surtout celles de la conquête, de la combustion, de la blessure (cf. ex. 57).
Proverbe. Loin des yeux, loin du cœur (except. Loin des yeux, près du cœur ds Flaubert, Correspondance, 1879, p. 240).
[En réf. à la représentation iconographique stylisée du cœur symbolisant l'amour sentimental] Un cœur en or. ... peint un cœur enflammé pour dire l'amour, un cœur flétri pour dire le chagrin (Destutt de TracyÉléments d'idéologie,Grammaire, 1803, p. 308).Un nom de femme, Iris de carrefour, que surmontait un cœur percé d'une flèche semblable à une arête de poisson (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 304).
P. méton.
[Avec une valeur symbolique] Partie médiane de la poitrine en relation avec un geste exprimant l'amour sentimental. Appuyant sa main sur son cœur avec le geste passionné d'un jeune premier; je l'aime! (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 384).Presser Anne sur mon cœur, sur ma poitrine (Giraudoux, Simon le Pathétique,1926, p. 169).
Personne qui inspire ou éprouve de l'amour sentimental. Ses triomphes féminins et cette longue brochette de cœurs ardents (Miomandre, Écrits sur de l'eau,1908, p. 56).Le tout de cette vie (...) trouver une compagnie, un beau cœur aimant près de qui demeurer toujours (Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 50).
SYNT. Cœur + de + subst. Cœur d'artichaut*. Verbe + un/les cœur(s). Conquérir, gagner les cœurs; n'être qu'un (seul) cœur.
Loc. Une chaumière et un/deux cœur(s) (cf. bonheur ex. 21).Gentil/joli comme un cœur. Gentil/joli comme un amour. Dire qu'il est gentil comme un cœur (...) qu'il avait de beaux yeux (Musset, Namouna,1832, p. 398).Jolie comme un cœur (...) ma mignonne (A. France, Nos enfants,1887, p. 23).P. anal. Des vers jolis, jolis comme des cœurs (Renard, Journal,1897, p. 397).(Sans doute par contraction de joli comme un cœur, péj.) faire le joli cœur. Jouer les galants :
59. ... ils faisaient les jolis cœurs; les épaules rondes, l'air vaurien, ils répondaient par d'égrillards sourires au sourire amusé des filles plantées debout au seuil des maisons... Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, 2epart., X, p. 211.
Rem. Except. employé adjectivement :
60. ... dans le genre brun, tout rasé, avec yeux de velours, épaules larges, et pas soupçon de hanches, on ne peut rêver rien de plus joli cœur que Jacques Lamberdesc, ... Aragon, Les Beaux Quartiers,1936, p. 35.
[P. allus. littér. (à Racine, Phèdre, 1677, II, 5)] Charmant, jeune et traînant tous les cœurs après soi (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 192);cf. aussi Sartre, Les Mots, 1964, p. 155.
En interj. Terme d'affection (utilisé dans les rapports familiaux, amicaux ou amoureux). Les mots mon cœur, mon bijou, mon petit chou, ma reine, tous les diminutifs amoureux de 1770 (Balzac, La Vieille fille,1836, p. 261).Mon amour, mon inquiétude, mon cher cœur (Michelet, Journal,1857, p. 337).Mon petit cœur, mon cœur, ma petite chérie (Géraldy, Toi et moi,1913, p. 32).
c) [Dans les rapports soc., humanitaires] Bonté, humanité, reconnaissance (...) tous les sentiments qui épanouissent le cœur (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 377):
61. Il faudrait guérir l'âme. Le pauvre suppose qu'en liant le riche par telle loi, tout est fini, que le monde ira bien. Le riche croit qu'en ramenant le pauvre à telle forme religieuse, morte depuis deux siècles, il raffermit la société... Beaux topiques! Ils imaginent apparemment que ces formules, politiques ou religieuses, ont une certaine force cabalistique pour lier le monde, comme si leur puissance n'était pas dans l'accord qu'elles trouvent ou ne trouvent pas dans le cœur! Le mal est dans le cœur. Que le remède soit aussi dans le cœur! Laissez là vos vieilles recettes. Il faut que le cœur s'ouvre, et les bras... Eh! ce sont vos frères, après tout. L'avez-vous oublié? ... Michelet, Le Peuple,1846, p. 175.
62. Un groupe n'est pas seulement une autorité morale qui régente la vie de ses membres, c'est aussi une source de vie sui generis. De lui se dégage une chaleur qui échauffe ou ranime les cœurs, qui les ouvre à la sympathie, qui fait fondre les égoïsmes. Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. XXX.
63. Il est à Bar-Le-Duc un fameux monument que les auteurs anciens appelaient « le mausolée du cœur ». C'est un squelette à demi décharné, cependant droit et irréductible, la tête levée, ses orbites vides tournées vers son cœur de vermeil qu'il tend à bout de bras, vers le ciel, dans un élan d'invincible volonté. Voilà l'idée qu'il faudrait qu'un architecte sût traduire en monument pour l'ossuaire de Douaumont. (...). C'est devant cette image posée dans ce lieu même des grandes souffrances, devant cette immortelle affirmation d'espoir et de vouloir, devant cet appel des morts qui nous tendent, à nous et au juge suprême, leur cœur à vérifier, que nous comprendrons le mieux comment toute haute vie, toute pensée, tout art, toute nation surgissent d'une profondeur de sacrifice. Barrès, Mes cahiers,t. 13, 1920-22, pp. 248-249.
SYNT. Cœur + adj. Cœur compatissant, délicat, dévoué, dur, endurci, généreux, ingrat, reconnaissant, sec [Le cœur sec comme un caillou (Flaubert, Correspondance, 1870, p. 154)], sensible. Adj. + cœur. Bon [Joue[r] la comédie « du bon cœur » (...) guigne[r] le « bon effet » de sa générosité (Frapié, La Maternelle, 1904, p. 221)], brave, excellent, grand [Dans sa poitrine un grand cœur généreux, avide de faire le bien (R. Rolland, Jean-Christophe, La Nouvelle journée, 1912, p. 1491)], mauvais, meilleur cœur. Cœur de + subst. Cœur d'airain [D'une voix qui eût amolli un cœur d'airain (Sandeau, Melle de La Seiglière, 1848, p. 139)], de bronze, de glace, de granit, de marbre, d'or [Tu es un brave garçon, tu as un cœur d'or (Balzac, Pierre Grassou, 1840, p. 442)], de pierre (Karr, Sous les tilleuls, 1832, p. 140), de roche (Sue, Atar Gull, 1831, p. 7), de tigre, de vipère. Subst. + de/du cœur. Bonté, délicatesse, dureté, générosité, qualités, sécheresse de cœur; éducation du cœur. Verbe + le/son cœur. Écouter, endurcir, sécher le/son cœur. Verbe + le/du cœur. Avoir du/n'avoir pas de cœur [Jouer cœur est simple. Il faut en avoir, voilà tout (...) Votre cœur se cache par crainte du ridicule (...) Montrez votre cœur et vous gagnerez (Cocteau, Poésie critique 2, Monologues, 1960, p. 45)], manquer de cœur.
Loc. À votre bon cœur (formule pour solliciter la générosité de quelqu'un). (Donner/offrir/remercier...) de bon/de grand/de mauvais/de tout cœur. Verre d'eau donné de bon cœur (...) rendu au centuple (Claudel, Un poète regarde la Croix,1938, p. 267).Compatis de tout cœur aux difficultés que vous éprouvez (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Les Maîtres, 1937, p. 68).Mauvaise tête et bon cœur (Sardou, Rabagas,1872, IV, 5, p. 177).Avoir le cœur sur la main. Être enclin à une grande générosité. Désir sentimental d'une vie simple, le cœur sur la main, au milieu d'une bonté universelle (Zola, Nana,1880, p. 1367).J'ons le quieur sur la main et la main partout (Colette, La Naissance du jour,1928, p. 58).Être plein de cœur/ sans cœur. Un misérable sans cœur ni âme (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 479).
P. méton. Personne considérée sous le rapport de sa générosité, de son altruisme. Ce cœur d'acier trempé (...) brigand par amour de l'humanité (About, Le Roi des montagnes,1857, p. 210).Des êtres ruisselants de vertu et qui ont le cœur sur la main? Les « cœurs sur la main » n'ont pas d'histoire (Mauriac, Thérèse Desqueyroux,1927, p. 170).Des riens de rien, des sans-cœur qui se fichaient de moi au lieu de m'aider (Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1519).
d) [Dans les rapports entre l'homme et Dieu (très gén. parlant)]
[En parlant de l'homme priant, s'adressant à Dieu] Prier de tout son cœur. Notre cœur humain (...) étroit palais pour un hôte divin (M. de Guérin, Poésies,1839, p. 69):
64. Ceux-là seuls veillent, ô mon Dieu, qui pensent à vous et qui vous aiment (...). Mais l'homme est-il fait pour jouir ici-bas d'une telle félicité? S'il en était capable, il aurait sa perfection. L'oubli des choses de la terre, et l'intention aux choses du ciel; l'exemption de toute ardeur, de tout souci, de tout trouble et de tout effort; la plénitude de la vie, sans aucune agitation; les délices du sentiment, sans le travail de la pensée; les ravissements de l'extase, sans les apprêts de la méditation; en un mot, la spiritualité pure, au sein du monde et parmi le tumulte des sens : ce n'est que le bonheur d'une minute, d'un instant; mais cet instant de piété répand de la suavité sur nos mois et sur nos années. La religion est la poésie du cœur; elle a des enchantements utiles à nos mœurs; elle nous donne et le bonheur et la vertu. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 112.
65. Le cœur, comme la raison, poursuit l'infini, et la seule différence qu'il y ait dans ces poursuites, c'est que tantôt le cœur cherche l'infini sans savoir s'il le cherche, et que tantôt il se rend compte de la fin dernière du besoin d'aimer qui le tourmente. Cousin, Du Vrai, du beau et du bien,1836, p. 109.
66. L'esprit de l'homme est une image abrégée, mais fidèle et complète de l'infini. Quand un de ses foyers de vie s'éteint, il s'en rallume un autre plus brillant; c'est que ce principe appartient à Dieu seul. Lélia n'est pas foudroyée parce qu'un homme l'a maudite. Il lui reste son propre cœur et ce cœur renferme le sentiment de la divinité, l'intuition et l'amour de la perfection! Depuis quand perd-on la vue du soleil, parce qu'un des atomes que son rayon avait embrasés est rentré dans l'ombre? G. Sand, Lélia,1839, p. 397.
Spéc., RELIG. CATH.
[En parlant de Jésus-Christ considéré comme aimant l'homme] Cœur sacré/Sacré(-)Cœur (de Jésus) :
67. Dimanche 14 juillet. Fête du Sacré-Cœur. − Vue claire de ce qui fait pour plusieurs la difficulté; c'est qu'on matérialise trop cette admirable dévotion. On attribue trop au cœur matériel, au symbole ce qui ne doit être attribué qu'au cœur spirituel, à l'amour. Sans doute le cœur de chair est adorable, comme le corps de Notre-Seigneur « propter unionem divinam ». Mais il ne s'ensuit pas que ce cœur de chair soit le cœur spirituel, l'amour même, et le principe de l'amour, la source de l'amour. Il en est le symbole, adorable, aimable, comme le cœur d'un Dieu fait homme, comme le cœur d'un père. Dupanloup, Journal intime,1872, pp. 327-328.
68. ... l'école de Paray elle-même hésite parfois entre la dévotion au cœur-amour et la dévotion au cœur-personne. C'est ainsi, remarque le P. Lebrun, que les premiers théologiens jésuites, « qui traitent de la dévotion au Sacré-Cœur, en étendent l'objet » aussi loin (que le P. Eudes) ... D'après le P. de Galiffet, l'élément spirituel qui, avec le cœur de chair de l'Homme-Dieu, constitue l'objet de la dévotion au Sacré-Cœur, ce n'est pas uniquement son amour, mais encore son âme sainte, avec les dons et les grâces qu'elle renferme, les vertus et les affections dont elle est le siège et le principe. Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 3, 1921, p. 654.
[En réf. avec la représentation iconographique de ce cœur (enflammé, couronné d'épines, transpercé, etc.)]
Des crucifix (...) des cœurs percés de glaives, flambant par le haut et saignant par le bas (Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 27).Image du Sacré-Cœur (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 279).
P. méton. Lieu de culte ou congrégation vouée au Sacré-Cœur. La basilique du Sacré-Cœur (...) œuvre de vanité plus que de foi (Bloy, Journal,1904, p. 234).Blanche, écœurante comme un fromage, l'énorme provocation du Sacré-Cœur de Montmartre (Aragon, Les Beaux Quartiers,1936, p. 339).Les dames du Sacré-Cœur (Gyp, Souvenirs d'une petite fille,1928, p. 154).L'ordre des prêtres du Sacré-Cœur (Billy, Introïbo,1939, p. 165).
[En parlant de la Vierge Marie considérée comme médiatrice aimante et souffrante] Cœur de Marie :
69. Longtemps, il avait gardé au mur de sa cellule une gravure coloriée du Sacré-Cœur de Marie. La Vierge, souriant d'une façon sereine, écartait son corsage, montrait dans sa poitrine un trou rouge, où son cœur brûlait, traversé d'une épée, couronné de roses blanches. Cette épée le désespérait (...). Il l'effaça, il ne garda que le cœur couronné et flambant, arraché à demi de cette chair exquise pour s'offrir à lui. Ce fut alors qu'il se sentit aimé. Marie lui donnait son cœur, son cœur vivant, tel qu'il battait dans son sein, avec l'égouttement rose de son sang. Il n'y avait plus là une image de passion dévote, mais une matérialité, un prodige de tendresse, ... Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1292.
Prononc. et Orth. : [kœ:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. chœur. Étymol. et Hist. I. Organe central de la circulation. A. Ca 1050 « siège de la vie » (Alexis, éd. Ch. Storey, 445 : Ço'st granz merveile que li mens quors tant duret); 1130-40 (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 62 : Ele ama Deu et Deu l'ama, Trestot son cuer li adona). B. Ca 1100 au propre (Roland, éd. J. Bédier, 2965 : [Li emperere ad fait] tuz les quers en paile recuillir). C. Ca 1100 p. ext. « la poitrine » (ibid., 3448 : L'escut li freint, cuntre le coer li quasset). D. 1195-1200 « siège des sensations physiques » (Renart, éd. Martin, branche 11, 565 : il avoit a son cuer grant fein); ca 1200 « estomac » (ibid., branche 9, 1724 : A pou que li cuers ne me faut); xiiies. « région épigastrique » (J. Le Marchand, Mir. N.-D. de Chartres, 5 ds T.-L. : a vomir les convenoit Du mal qui au cuer leur venoit); 1508 dire tout ce qu'on a sur le cœur (Eloy d'Amerval, Livre de la Deablerie, 147b ds IGLF); 1633 coucher du cœur sur le carreau « vomir [jeu de mots tiré des cartes] » (Comédie des Proverbes, acte II, scène 2, Anc. Théâtre fr., t. 9, p. 42). E. Fin xiies. « partie centrale » (Mort Aymeri de Narbonne, 607 ds T.-L. : El cuer de France). F. 1340 « objet en forme de cœur » (v. Gay). G. 1585 « as de cœur » (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, t. 2, p. 202 ds IGLF). H. 1600 « sorte de cerise » (Ol. de Serres, Théâtre d'Agric., VI, 26 ds Hug.). II. Centre de la vie intérieure. A. Siège des émotions, de l'affectivité. Ca 1050 (Alexis, 464 : Ne puis tant faire que mes quors s'en sazit); ca 1100 (Roland, 317 : Tro avez tendre coer); 1ertiers xiiies. (Lancelot du Lac, éd. O. Sommer, t. 5, partie 3, p. 353 : il navoit oi noveles ... qui tant li feissent mal au cuer); 1167-70 p. méton. cœur désigne la personne chérie (G. d'Arras, Ille et Galeron, 4160 ds T.-L.). B. Siège du désir, de la volonté. Ca 1050 (Alexis, 166 : Quant tut sun quor en ad si afermét); ca 1162 de son cuer « de toute son ardeur, très sincèrement » (Flore et Blancheflor, 1925 ds T.-L.); début xives. avoir au cuer de (faire qqc.) (Ovide moralisé, éd. C. de Boer, livre V, 460); 1579 de gayeté de cœur (H. Estienne, Precellence du lang. fr., 359 ds IGLF); 1585 du meilleur de mon cœur (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, t. 2, p. 275). C. Siège du sentiment moral, du courage. Ca 1100 (Roland, 1107 : mal seit del coer ki el piz se cuardet); ca 1220 son cuer reprendre « reprendre courage » (G. de Coincy, Mir., éd. Koenig, I Mir 18, 326); 1508 à cœur vaillant, rien impossible (E. D'Amerval, loc. cit., 138b). D. Siège de l'intelligence. 1130-40 « discernement » (Wace, Ste Marguerite, 431 : Lors cuers, lor sens, fais oscurer); ca 1190 « savoir intuitif » (M. de France, Lais, Guigemar, 547, éd. J. Rychner : Mis quors me dit que jeo vus pert); ca 1220 les ielz dou cuer (G. de Coincy, Mir., éd. Koenig, II Ch 9,3792); cf. au xviies. le cœur en tant que siège de la grâce, permettant la communication avec Dieu (Pascal, Pensées, section IV, 278 et 277, éd. Brunschvicg, t. 13, p. 201 : C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison; le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point; section XII, 793, t. 14, p. 232 : aux yeux du cœur et qui voient la sagesse). E. Siège du souvenir, de la mémoire. Ca 1190 (M. de France, Fables, 70, 61 ds T.-L. : Senz quer fu e senz remembrance); ca 1200 retenir par cuer (Poème moral, éd. Bayot, 1036); ca 1220 savoir par cuer (G. de Coincy, Mir., éd. Koenig, I Mir 11, 757); 1690 (Fur. : On dit aussi, qu'on fait dîner quelqu'un par cœur quand on ne luy a point donné à dîner); 1694 p. ext. de savoir par cœur : apprendre une chose par cœur (Ac.), v. aussi Tobler, Sitzung der philosophisch-historischen Classe vom 27. October 1904, Berlin, p. 1274, 1275. Du lat. class. cǒr (peut-être par l'intermédiaire d'une forme *cǒre, Fouché, p. 656, Bl.-W.1-5) qui, dans la conception antique, est à la fois le siège de la vie et des fonctions vitales, et celui des passions et des émotions, des pensées et de l'intelligence, de la mémoire et de la volonté (cf. gr. κ α ρ δ ι ̓ α « cœur » et aussi « entrée de l'estomac », « siège des passions et des facultés de l'âme »; v. aussi K. Weinberg ds Arch. St. n. Spr., t. 203, 1966-67, pp. 1-31); pour par cœur, v. Bambeck, Lat. rom. Wortstudien, no126. Fréq. abs. littér. : 56 064. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 99 094, b) 84 140; xxes. : a) 80 349, b) 60 462. Bbg. Bergmann (K.). Herz/cœur. Zeitschrift für Deutschkunde. 1935, t. 49, pp. 73-78. − Bruyndonckx (J.M.). Les Emplois du mot cœur d'après quatre aut. du xvies. Louvain, 1967. − Flasche (H.). Der Begriff cœur bei Guez de Balzac. Rom. Jahrb. 1949, t. 2, pp. 224-254; [Cœur]. Philosophia. 1951, t. 8, pp. 31-50. − Goug. Mots t. 1, 1962, pp. 116-117; p. 260. − Lommatzsch (E.). Arch. St. n. Spr. 1912, t. 28, pp. 252-257. − Moles (E.). Pascal's theory of the heart. Mod. Lang. Notes. 1969, t. 84, no4, pp. 548-564. − Schittenhelm. Zur stilistischen Verwendung des Wortes cuer in der altfranzösischen Dichtung. In : [Mél. Ewert (A.)]. Oxford, 1961, p. 179. − Tabachovitz (A.). Vivre − cœur. Vox. rom. 1959, t. 18, pp. 49-93. − Weinberg (K.). Zum Wandel des Sinnbezirks von Herz und Instinkt unter dem Einfluß Descartes. Arch. St. n. Spr. 1966, t. 203, pp. 1-31.

Wiktionnaire

Nom commun - français

cœur \kœʁ\ masculin

  1. (Anatomie) Organe musculaire, creux et pulsatile assurant la circulation sanguine dans le corps humain ou animal.
    • Après irrigation de l’organisme, le sang revient au cœur par les veines, puis il est envoyé aux poumons. Le compartiment droit du cœur est de taille inférieure à celle du compartiment gauche parce que le travail qu’il fournit pour envoyer le sang dans les poumons est moins important que pour l’envoyer dans tout l’organisme. À chaque battement de cœur, les muscles se détendent, ce qui permet le retour du sang dans le cœur. Puis les muscles se contractent de nouveau pour envoyer le sang dans toutes les parties du corps et le circuit reprend. — (Bill Forse, Christian Meyer, et al., Que faire sans vétérinaire ?, Cirad / CTA / Kathala, 2002, page 41)
    • Le crapaud a la vie très dure. Il survit plusieurs heures à la décapitation, plusieurs jours à l’avulsion du cœur, quarante jours à l’ablation des poumons, plusieurs semaines à l’amputation du museau en arrière des yeux. — (Jean Rostand, La Vie des crapauds, 1933)
    • Son grand succès était la célèbre « Chanson du Cœur » qui m’émouvait au plus haut point. Il y est question d’un fils acoquiné avec une gourgandine qui lui demande « le cœur de sa mère pour son chien » ; ayant tué sa mère et rapportant son cœur saignant, le fils tombe ; on entend alors le cœur lui dire : « T’es-tu fait mal, mon enfant ? ». — (Michel Leiris, L’âge d’homme, 1939, collection Folio, page 92)
    • La respiration demeure calme, le cœur est encore bon, mais le sang lui dégouline du crâne sur le nez, dans les yeux, poisse la chemise. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
  2. (En particulier) Organe considéré comme susceptible de mouvements causés par les passions.
    • Le cœur en émoi, secouée de pressentiments inquiets, Zaheira se vêtit et gagna le village voisin sur un âne. — (Out-el-Kouloub, Zaheira, dans « Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • Son cœur ne se serrait pas, n’était pas plus ou moins flétri ; non, sa nature fraîche et fleurie se pétrifiait par la lente action d’une douleur intolérable parce qu’elle était sans but. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • Rien n'est plus malaisé que l’exploitation méthodique d’un évènement du cœur, rien ne s’amortit plus vite que les ondes d’un coup de foudre. — (Paul Nizan, La Conspiration, 1938, page 44)
    • Me Demange achève sa plaidoirie, dont la péroraison très sobre, très courte, mais puissante par la chaleur de l’accent et de l’élévation de la pensée, touche visiblement le cœur des juges : […]. — (Maurice Paléologue, Journal de l’Affaire Dreyfus 1894-1899 : L'affaire Dreyfus et le Quai d’Orsay, Paris : Librairie Plon, 1955, page 260)
  3. (Par extension) Être aimant et aimé.
    • Depuis longtemps il cherchait en vain un cœur capable de l’aimer pour lui-même, et s’affligeait de ne pouvoir le trouver. — (Marie-Jeanne Riccoboni, Histoire d’Ernestine, 1762, édition Œuvres complètes de Mme Riccoboni, tome I, Foucault, 1818)
    • Un jour, alors qu'il est parti, pauvre cœur aux yeux soulignés par des cernes mauvâtres, au dos de plus en plus voûté, à la pâleur carcérale, je décide, prise d'un besoin pressant, de me lever. — (Ananda Devi, Manger l'autre, Editions Grasset, 2018)
  4. (Par métonymie) Partie de la poitrine où les battements du cœur se font sentir.
    • Il le pressa, il le serra tendrement contre son cœur. - Mettre la main sur son cœur.
  5. (Par extension) (Familier) Estomac.
    • Mal de cœur. - Il a mal au cœur. - Il a le cœur barbouillé. - Cela lui fait mal au cœur. - Il est sujet à des maux de cœur. - Cela lui fait soulever le cœur.
  6. (Figuré) Organe considéré comme le siège de la sensibilité morale, des sentiments et des passions.
    • Bois-Guilbert, répondit la juive, tu ne connais pas le cœur des femmes […] — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • C'est à l'idéologie, […] qui, […] , veut sur ses bases fonder la législation des peuples, au lieu d'approprier les lois à la connaissance du cœur humain et aux leçons de l'histoire, qu'il faut attribuer tous les malheurs qu'a éprouvés notre belle France. — (Procès du général Malet, dans Causes célèbres du XIXe siècle: rédigées par une société d'avocats et de publicistes, Paris : H. Langlois fils & Cie, 1827 & Paris : P. Pourrat frères et Bazouge-Pigoreau, 1834, volume 2, page 70)
    • J’ai la passion de la philosophie et de la science qui vont cherchant l’inconnu du cœur de l’homme et le pourquoi des lois de la vie. — (Octave Mirbeau, Contes cruels : La Chanson de Carmen (1882))
    1. (En particulier) Quant à la tendresse, l’amour et l’affection.
      • C’est qu’à son insu, par la force des sympathies cachées qui existent entre tous les êtres dans la grande famille humaine, son cœur avait rencontré le cœur qu’il cherchait. — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858)
      • Julie avait deviné que madame de Sérizy était la femme qui lui avait enlevé le cœur de son mari. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
      • J’ai pitié du pauvre cœur qui a si peu longtemps ce qu’il a ; j’ai pitié des hommes qui ont un cœur pour ne plus aimer. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    2. (En particulier) Quant aux qualités morales liées à la compassion, vertu, générosité.
      • C'est la pauvreté d'esprit qui purifie le cœur des ordures dont les richesses l’ont souillé. — (Instruction chrétienne sur les huit Béatitudes par demandes et réponses, Paris : chez Witte & chez Henry, 1732, page 286)
      • Admirons deux fois l’homme chez qui le cœur et le caractère égalent en perfection le talent. — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
      • À la vue de traitements aussi atroces que l’on fait éprouver aux chevaux de course, le cœur de tout homme sensé se révolte. — (Jean Déhès, Essai sur l’amélioration des races chevalines de la France, École impériale vétérinaire de Toulouse, Thèse de médecine vétérinaire, 1868)
      • […] le respect de la personne humaine, la fidélité sexuelle et le dévouement pour les faibles constituent les éléments de moralité dont sont fiers tous les hommes d’un cœur élevé — c’est même très souvent à cela que l’on réduit la morale. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chap. VII, La Morale des producteurs, 1908, page 340)
  7. (Par extension) (Vieilli) Courage ; fermeté d’âme ; constance.
    • Rodrigue, as-tu du cœur ? — (Corneille, Le Cid)
    • Loin du danger, il ne rêve qu’exploits héroïques, entreprises surhumaines et gigantesques ; mais, quand vient le péril, son imagination trop vive lui représente la douleur des blessures, le visage camard de la mort, et le cœur lui manque […] — (Théophile Gautier, Le Capitaine Fracasse, vol. 1, Charpentier, 1871, page 270)
    • Geneviève braverait le courroux de son père, l’opinion du monde et ses mépris, mais devant ce ton glacé de Lafcadio, le cœur lui manque. — (André Gide, Les Caves du Vatican, 1914)
    • Les Spartiates étaient petits en nombre, grands de cœur, ambitieux et violents ; de fausses lois n’en aurait tiré que de pâles coquins ; Lycurgue en fit d’héroïques brigands. — (Louis Thomas, Arthur de Gobineau, inventeur du racisme (1816-1882), Paris : Mercure de France, 1941, page 99)
  8. (Par extension) Personnage qui possède ces qualités de courage, de vaillance, etc.
    • Ne crains pas, Wilfrid, dit-il, de t’adresser à Richard Plantagenet, puisque tu le vois dans la compagnie de tant de vrais et vaillants cœurs anglais […] — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
  9. (Figuré) Centre de l’affectivité par opposition à la raison, à l’esprit.
    • Essayez de vous rappeler la dernière fois que vous avez regardé avec le cœur. N'étiez-vous pas plus ouvert, plus disponible à l'émerveillement? L'expérience vous a sans doute rendu plus compréhensif et compatissant. — (Christine Michaud et Thomas De Koninck, Le Petit Prince est toujours vivant, Gallimard/Édito, 2020, page 186)
    • Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. — (Blaise Pascal, Pensées, Section IV Des moyens de croire, n˚ 277)
    • Pendant plusieurs mois je regrette d’avoir accepté ce poste – une décision caractérisée par la raison, plus que par le cœur. — (Margaux, 28 ans, « Conseillère d’orientation, j’ai réalisé que je m’étais trompée de voie », Le Monde. Mis en ligne le 16 décembre 2019)
  10. Pensée intime, dispositions de l’âme.
    • Nul homme n’aurait eu l’œil assez perspicace pour sonder la profondeur de ces deux cœurs féminins : l’un jeune et généreux, l’autre sensible et fier […] — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • Le langage du cœur. - Son cœur a parlé. - Son cœur démentait sa bouche.
    • Quand il vous offre ses services, on sent que cela sort du cœur, vient du cœur, part du cœur.
  11. (Familier) Sujet des affections de quelqu’un.
    • Ça va comme tu veux, mon cœur ?
    • — Ah ! vous êtes bon, m’écriai-je.
      — C’est toi qui es bon, un bon garçon, un brave petit cœur. Vois-tu, il y a des moments dans la vie où l’on est disposé à reconnaître ces choses-là et à se laisser attendrir.
      — (Hector Malot, Sans famille, 1878)
  12. Ce qui rappelle la forme de l’organe.
    • Une croix d’or surmontée d’un cœur. - Une feuille en cœur, des pétales en cœur, etc.
  13. (Régionalisme) Bigarreau.
    • C’était des cœurs à chair épaisse, trop sucrée, du prime-fruit, de la friandise pour enfants […] Cette année, les arbres en ruisselaient, piaillant de merles et de pies. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 10)
  14. (Cartes à jouer) Une des quatre enseignes d’un jeu de cartes français ou germanique, ainsi nommée parce que les cartes de cette couleur sont marquées de cœurs rouges stylisés ().
    • Si, à la seconde levée, A avait joué son 7 de cœur au lieu de son roi d’atout, cette manière inattendue de jouer aurait dû mettre votre défiance en éveil, […]. — (« Les jeux de cartes », dans la Grande encyclopédie méthodique, universelle, illustrée des jeux et des divertissements de l'esprit et du corps, Librairie illustrée, 1888, page 545)
    • Cette fois, le gentilhomme n’avait pas tourné un roi, mais le sept de trèfle. J’avais deux cœurs et trois atouts : le roi et l’as de cœur, l’as, le dix, et le neuf de trèfle. — (Gaston Leroux, L’Homme qui a vu le diable, 1908)
  15. (Par analogie) Milieu de quelque chose, particulièrement d’un état ou d’une ville, centre, parfois symbolique, d’un objet, d’un endroit.
    • Ce jeune gentilhomme, […] jetant un regard assez dédaigneux sur les nombreuses hôtelleries qui étalaient à sa droite et à sa gauche leurs pittoresques enseignes, laissa pénétrer son cheval tout fumant jusqu’au cœur de la ville […] — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, C. Lévy, 1886)
    • Aux aventureux, l'Islande offre aussi l’attrait de l’inconnu. Le cœur de l’île, inhabité et inhabitable, est encore une terre incognito. — (Jules Leclercq, La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le mont Hékla, Paris : E. Plon & Cie, 1883, page 3)
    • La commune de La Chapelle-Heulin se situe au cœur du vignoble nantais, au sud-est du département de la Loire-Atlantique. — (‎Petit Futé Loire-Atlantique 2015, page 180)
    • Cette pomme, cette poire est gâtée dans le cœur. - Le cœur de cet ananas est gâté. - Le cœur d’une laitue. - Les cœurs de céleri sont tendres.
  16. (Par extension) (France) Zone centrale d’un parc naturel, bénéficiant d’une protection renforcée.
    • Au sein du Parc national des Calanques, le maintien de la chasse est autorisé même en cœur de parc. Seule une partie du cœur a été désignée en tant que zone de tranquillité de la faune sauvage (environ 51 % de la surface du cœur du parc, soit 42 km²). — (Jean-Noël Cardoux et Alain Péréa, Restaurer l’équilibre agro-sylvo-cynégétique pour une pleine maîtrise des populations de grand gibier et de leurs dégâts à l’échelle nationale, mars 2019 → lire en ligne)
  17. (Par extension) (Héraldique) Centre de l’écu. Voir en cœur.
    • Abîme ou Cœur. Nom du centre de l’écu (I, 2, A). — (Johannes Baptist Rietstap, Armorial général : précédé d’un Dictionnaire des termes du blason, tome 1 (A–K), G. B. van Goor Zonen, Gouda, 1884)
    • Courtenay-ArrablayOrléanais (Ét. vers 1540). D’or à trois tourt. de gu., brisé d’un croiss. d’azur en cœur. — (Johannes Baptist Rietstap, Armorial général : précédé d’un Dictionnaire des termes du blason, tome 2 (L–Z), G. B. van Goor Zonen, Gouda, 1887)
    • Gironné de gueules et d’argent de douze pièces, à la porte de fort d’or brochant en cœur, qui est de la commune d’Eix de la Meuse → voir illustration « porte en cœur »
  18. (Héraldique) Meuble représentant un cœur stylisé (cardioïde) dans les armoiries. À rapprocher de cœur vendéen.
    • D’azur à une étoile d’argent accompagnée de trois cœurs d’or, qui est de la commune de Condat-sur-Gavaneix de Corrèze → voir illustration « armoiries avec 3 cœurs »
  19. (Foresterie, Menuiserie) Partie centrale du corps ligneux des arbres.
    • Le même jour, j’ai fait deux autres cylindres, l’un de cœur et l’autre d’aubier de chêne […] — (Œuvres complètes de Buffon, mises en ordre par Lacépède, tome 4, 1818, page 270)
    • Du cœur de chêne, de poirier, de cormier, etc. - Une table faite de cœur de noyer.
  20. (Technologie des réacteurs nucléaires) Partie d’un réacteur nucléaire à fission dans laquelle est placé le combustible nucléaire et qui est agencée de manière à permettre une réaction de fission en chaîne.
  21. (Technologie des réacteurs nucléaires) Quantité de combustible nucléaire située dans cette partie du réacteur.
  22. (Électronique) Cœur de processeur.
    • Processeur multi-cœur : processeur contenant plusieurs cœurs qui fonctionnent en parallèle.
  23. (Chemin de fer) Partie d’un aiguillage où se croisent deux rails.
  24. (Par extension) (Horlogerie) Dispositif en forme de cœur, inventé en 1862 par le Suisse Adolphe Nicole et permettant aux chronographes de remettre rapidement l’aiguille à zéro d’une seule pression.
    • J'ai indiqué que, dans le chronographe, le cœur était l'organe capital. C'est, en effet, lui qui est chargé de ramener à zéro les aiguilles et de reconduire d'un bond la rattrapante sous sa compagne. — (Le Cosmos; revue des sciences et de leurs applications, du 3 octobre 1912, page 386)
  25. Jeu de cartes dans lequel les cartes se jouent par couleur. La dame de pique permet de briser le cœur, et cette couleur peut alors être jouée.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CŒUR. n. m.
T. d'Anatomie. Viscère musculaire qui est le principal organe de la circulation du sang et qui est situé dans la poitrine. Sa forme est à peu près celle d'un cône renversé, légèrement aplati de deux côtés, arrondi vers la pointe et ovoïde au sommet. Le mouvement du cœur. Le battement, les battements du cœur. Les pulsations du cœur. La contraction, la dilatation du cœur. Avoir des palpitations de cœur. Les maladies du cœur. Une maladie de cœur. Il fut blessé, frappé au cœur. Son cœur ne battait plus que faiblement. Son cœur avait cessé de battre. Le cœur d'un animal. Un cœur de bœuf. Tant que le cœur me battra, Tant que je vivrai. Il se dit, dans un sens particulier, du Cœur considéré comme susceptible de mouvements causés par les passions. Le cœur lui bat, lui bat violemment. Son cœur palpite. Son cœur tressaillait d'aise, de joie. La joie dilate le cœur, le chagrin le resserre. Épanouissement de cœur. Serrement de cœur. Il désigne quelquefois par extension la Partie de la poitrine où les battements du cœur se font sentir. Il le pressa, il le serra tendrement contre son cœur. Mettre la main sur son cœur. Il se dit souvent au figuré du Cœur regardé comme l'organe de la sensibilité morale, le siège des sentiments et des passions. Avoir le cœur navré, oppressé, serré de douleur, de tristesse. Son cœur était enflammé de colère. Avoir la rage, le désespoir dans le cœur. Avoir gros cœur. Le cœur plein d'amertume, d'indignation. Il a le cœur gros. Cela le touche au cœur. Amollir, attendrir, toucher le cœur de quelqu'un. Le cœur lui saigne. Cela me fait saigner le cœur, me fait crever le cœur. Cela me perce, me déchire, me fait fendre le cœur, me fend le cœur. Le calme rentra dans mon cœur. Mon cœur s'ouvrit à l'espérance. Il gardait cela dans son cœur. Cela est gravé dans mon cœur. Les plaisirs du cœur. Les peines du cœur. Les plaies du cœur. Avoir un poids sur le cœur. Cela va au cœur, Cela touche, émeut. Ses paroles m'allaient au cœur. Fam., De gaieté de cœur. Voyez GAIETÉ. Se ronger le cœur, et, par abréviation, S'affliger, se chagriner, se tourmenter. Avoir quelque chose sur le cœur, En avoir du ressentiment. Cela lui pèse sur le cœur, Cela lui cause du chagrin, du ressentiment. Décharger son cœur, Découvrir, déclarer avec franchise les sujets de douleur, d'inquiétude, de plainte ou de ressentiment que l'on a. Ma patience est à bout, il faut que je décharge mon cœur. Prov., Je veux en avoir le cœur net, Je veux savoir ce qu'il en est, je veux me délivrer de mes doutes sur ce fait. Je lui demanderai la cause de son refroidissement, pour en avoir le cœur net. Il désigne plus particulièrement cette Faculté de l'âme qui nous rend capables d'affection, d'amitié, d'amour, de zèle, etc. Régner sur les cœurs. Se concilier tous les cœurs. Il sut gagner tous les cœurs. Il a le cœur des peuples, des soldats. Tous les cœurs volent au-devant de lui. Élever son cœur à Dieu, lui offrir son cœur. Attaché de cœur à la cause des anciens rois. J'ai fait cela de cœur et d'âme, du meilleur de mon cœur. Acceptez cela; c'est de bon cœur que je vous l'offre. Il a mis là tout son cœur. Il s'y est mis de tout cœur. Je l'aime de tout mon cœur. Le cœur d'un ami, d'un père, d'un époux, d'une mère, etc. Un cœur de père. Nos cœurs ne tardèrent pas à s'entendre. Un ami qui nous parle du cœur. Obtenir, posséder le cœur d'une personne. Donner son cœur. Disposer de son cœur. Donner son cœur et sa main. Faire don de son cœur. La paix du cœur. Un cœur fidèle. Un cœur embrasé d'amour, brûlant d'amour. Un cœur prompt à s'enflammer. Avoir le cœur tendre. Il sut trouver le chemin de mon cœur. L'union des cœurs. Fig. et fam., Son cœur commence à parler, son cœur a parlé, se dit d'une Jeune personne qui éprouve les premiers sentiments de tendresse, de préférence pour quelqu'un. Prov., Loin des yeux, loin du cœur, Ordinairement l'absence détruit ou refroidit les affections. L'ami de cœur. Ils sont amis de cœur. L'ami, l'amie du cœur, Celui, celle que l'on aime le plus tendrement. Fam., Affaire de cœur, Commerce de galanterie. Fig., Ces deux personnes ne sont qu'un cœur et qu'une âme, Elles s'entraiment beaucoup. Mon cœur, mon petit cœur, mon cher cœur, Expressions de tendresse dont on se sert en parlant à une personne que l'on aime; ou, par badinage, en parlant à une personne avec qui l'on vit familièrement. Avoir à cœur de... Avoir un vif désir, une ferme intention de... J'ai à cœur de vous prouver ma reconnaissance. J'ai à cœur d'accomplir ma tâche jusqu'au bout. Prendre une chose à cœur, S'en affecter, y être vivement sensible. Vous prenez cela trop à cœur. On dit de même Cette affaire lui tient au cœur, Il s'y intéresse fort, ou Il y est très sensible. Fam., Avoir cœur, Avoir le cœur au métier, Travailler avec zèle, avec ardeur; affectionner ce qu'on fait, ce qu'on doit faire. On dit de même Avoir cœur ou avoir le cœur à l'ouvrage. De bon cœur, de grand cœur, de tout son cœur, Volontiers, avec plaisir. À contre-cœur, Avec répugnance, malgré soi. Fam., Si le cœur vous en dit, Si vous êtes d'humeur à faire cela. Le cœur vous en dit-il? Fig. et fam., Prendre son cœur à deux mains, Faire un grand effort sur soi-même. Il se dit aussi en parlant des Inclinations de l'âme. C'est un bon cœur. C'est un mauvais cœur. Avoir bon cœur. Avoir mauvais cœur. Il a le cœur droit. Il a le cœur franc. Il a le cœur bien placé. Cœur généreux. Cœur dissimulé. Il a le cœur gâté, corrompu. Cœur excellent. Cœur dur. Cœur compatissant. Cœur sensible. La pureté du cœur. Vous connaissez la droiture de son cœur. Être doux et humble de cœur. Il le promit dans toute la sincérité de son cœur. L'impulsion du cœur. Régler les mouvements de son cœur. Fig. et fam., C'est un cœur d'or, C'est un excellent cœur. Prov., Mauvaise tête et bon cœur, Les gens étourdis et inconsidérés ont parfois de bonnes intentions, un bon cœur. Fig., Être tout cœur, Être très généreux, plein d'affection, de dévouement. On dit dans le même sens Il est plein de cœur. Il a un grand cœur, et même par ellipse C'est un grand cœur, C'est un homme capable des sentiments les plus élevés. Fig., N'avoir point de cœur, Être dépourvu de toute sensibilité, n'avoir aucune noblesse, aucune générosité dans les sentiments. On dit aussi dans le même sens C'est un sans-cœur. Cet homme a le cœur endurci, c'est un cœur endurci, Il est tellement opiniâtre qu'on ne peut le fléchir; et, en termes de Dévotion, Il est extrêmement obstiné dans le mal, dans le péché. Fig., Avoir le cœur ou un cœur de roche, un cœur de marbre, un cœur de pierre, un cœur d'airain, etc., Avoir un cœur dur, insensible. Avoir un cœur de tigre, Être d'une extrême cruauté. Il se dit aussi par opposition à l'Esprit, dans les divers sens figurés qui précèdent. Ce sermon plaît à l'esprit et ne touche point le cœur. Former l'esprit et le cœur des enfants. Son esprit égara son cœur. Il se dit aussi, soit absolument, soit avec un adjectif, en parlant du Courage, de la fermeté d'âme, de la constance. Il a du cœur. Il n'a point de cœur. Perdre cœur. Reprendre cœur. C'est un homme de peu de cœur, sans cœur. Ils se comportèrent en gens de cœur. Cela lui a élevé, haussé le cœur; lui a abattu, abaissé le cœur; lui a rendu le cœur. Le cœur lui manque. Le cœur lui revient. Fig., Un cœur de lion, Un grand courage, et familièrement, Un cœur de poule, Une extrême poltronnerie. Fig. et fam., Mettre, remettre le cœur au ventre à quelqu'un, Lui donner, lui redonner du courage. Il était consterné, mais ce succès lui remit le cœur au ventre. Fig. et fam., Faire contre mauvaise fortune, contre fortune bon cœur. Voyez BON. Il désigne encore la Pensée intime, les dispositions secrètes de l'âme. Dieu sonde les cœurs. Dieu connaît les cœurs, voit le fond des cœurs. Vous lisez dans mon cœur. Il pénètre dans les replis les plus cachés du cœur. Au fond du cœur. Descendre dans son cœur, au fond de son cœur. Connaître tous les secrets du cœur humain. Le langage du cœur. Son cœur a parlé. Son cœur démentait sa bouche. Quand il vous offre ses services, on sent que cela sort du cœur, vient du cœur, part du cœur. Se parler cœur à cœur, Se parler avec la plus grande franchise, sans aucune réserve. Fig., Avoir le cœur sur les lèvres, Être franc et sincère. Avoir le cœur sur la main, Être très cordial, très accueillant, très généreux. Ouvrir son cœur à quelqu'un, Lui confier ses plus secrets sentiments. Ouvrez-moi votre cœur. Puisque vous prenez tant d'intérêt à ce qui me touche, il faut que je vous ouvre mon cœur. Parler à cœur ouvert, Parler avec une entière franchise, sans aucun déguisement. Parler d'abondance de cœur, Parler avec épanchement, avec une pleine confiance. Il se prend abusivement pour l'Estomac. Mal de cœur. Il a mal au cœur. Il a le cœur barbouillé. Cela lui fait mal au cœur. Il est sujet à des maux de cœur. Cela lui fait soulever le cœur. Fig. et fam., Cela lui fait mal au cœur, il en a mal au cœur, Il ne voit cela qu'avec déplaisir, il en est choqué. Cela me fait grand mal au cœur. Pensez-vous qu'il n'ait pas bien mal au cœur de voir... Fig. et fam., Si le cœur vous en dit, Si vous en avez envie. Faire une chose de bon cœur, à contre-cœur, La faire avec plaisir ou malgré soi. Prov., S'en donner à cœur joie, En jouir pleinement et abondamment, s'en rassasier. Il se dit aussi de Certains bijoux, ornements, etc., qui ont à peu près la forme d'un cœur. Une croix d'or surmontée d'un cœur. On dit dans un sens analogue, en termes de Botanique, Une feuille en cœur, des pétales en cœur, etc. Fam., Faire la bouche en cœur, Donner à sa bouche une forme mignarde, affectée. Il signifie figurément Faire l'aimable avec excès. Il se dit particulièrement d'Une des quatre couleurs du jeu de cartes, dont les points sont figurés par des cœurs. Roi de cœur. Dix de cœur. Il a trois cœurs dans son jeu. Il désigne encore, par analogie, le Milieu de quelque chose, particulièrement d'un État ou d'une ville. Le cœur de la ville. Le cœur du royaume. Il est logé au cœur de la ville. L'ennemi était au cœur du royaume. Au cœur de l'hiver, au cœur de l'été, Au plus fort de l'été, au plus fort de l'hiver, par le plus grand chaud, par le plus grand froid. On dit de même figurément Être au cœur du sujet, au cœur d'une question. Il désigne également la Partie centrale du tronc d'un arbre. Du cœur de chêne. Du cœur de poirier. Une table faite de cœur de noyer. Cœur de cormier. Il se dit aussi du Milieu d'un fruit, particulièrement d'une pomme et d'une poire. Cette pomme, cette poire est gâtée dans le cœur. Le cœur de cet ananas est gâté. On dit dans un sens analogue Le cœur d'une laitue.

PAR CŒUR, loc. adv. De mémoire. Apprendre une chose par cœur. Savoir des vers, un discours, etc., par cœur. Réciter par cœur. Fig. et fam., Savoir un homme par cœur, Connaître parfaitement son caractère, ses habitudes. Fig. et fam., Dîner par cœur, Se passer de dîner. S'il ne vient à l'heure, il dînera par cœur.

Littré (1872-1877)

CŒUR (keur) s. m.

Résumé

  • 1° Organe qui meut le sang.
  • 2° la poitrine.
  • 3° l'ensemble des facultés affectives et des sentiments moraux.
  • 4° mémoire des sentiments.
  • 5° sens moral, conscience.
  • 6° tempérament moral.
  • 7° la pensée intime, les dispositions secrètes.
  • 8° l'affection, la tendresse, l'amour.
  • 9° la personne elle-même qui éprouve ces divers sentiments.
  • 10° ardeur, vif intérêt.
  • 11° courage, fermeté.
  • 12° générosité.
  • 13° le principal agent, le principal intérêt.
  • 14° l'estomac.
  • 15° la partie centrale de quelque chose.
  • 16° ce qui a forme de cœur.
  • 17° terme de manége.
  • 18° terme de blason.
  • 19° terme d'astronomie.
  • 20° terme d'horticulture.
  • 21° terme de métier.
  • 22° terme de boucherie.
  • 1 Terme d'anatomie. Organe conoïde, creux et musculaire qui, renfermé dans la poitrine, est le principal agent de la circulation du sang. Les battements du cœur. Grande reine, je satisfais à vos plus tendres désirs, quand je célèbre ce monarque ; et ce cœur, qui n'a jamais vécu que pour lui, se réveille, tout poudre qu'il est, et devient sensible, même sous ce drap mortuaire, au nom d'un époux si cher, Bossuet, Reine d'Anglet. Il ne se forma plus de nouveau sang au cœur ; Chaque membre en souffrit ; les forces se perdirent, La Fontaine, Fabl. III, 2. Tout abattu qu'il fût, il demeura vainqueur ; Son sang fut en cent lieux le prix de sa victoire ; Et Mars ne lui laissa rien d'entier que le cœur, Épitaphe du mar. de Rantzau, dans RICHELET.

    Tant que le cœur me battra, me battra au ventre, dans le ventre, c'est-à-dire tant que je vivrai.

    Fig. Le cœur me bat, je suis très inquiet.

    Faire la bouche en cœur, donner aux lèvres la forme d'un cœur, les resserrer d'une façon mignarde ; et fig. S'efforcer de paraître gracieux.

    Fig. Il voudrait lui manger le cœur, lui arracher le cœur, il le hait mortellement.

    Se ronger le cœur, se consumer d'un chagrin secret. Y a-t-il rien de plus sot que de vouloir porter continuellement un fardeau qu'on veut toujours jeter par terre ; d'avoir son être en horreur et de tenir à son être ; enfin de caresser le serpent qui nous dévore, jusqu'à ce qu'il nous ait mangé le cœur ? Voltaire, Candide, 11.

    Le cœur me saigne, je suis pénétré d'une vive douleur. Le cœur saigne en lisant le récit de ces cruautés.

    Avoir le cœur gros, éprouver le besoin de pleurer, de soupirer, de sangloter, ressentir un chagrin profond. Le cœur gros de soupirs.

    Je veux en avoir le cœur net, je veux savoir ce qui en est.

    Sacré-Cœur, dévotion au cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui s'est développée au commencement du XVIIIe siècle

    Congrégation de religieuses consacrées à l'adoration du cœur de Jésus-Christ et qui se dévouent aussi à l'éducation des jeunes filles.

  • 2 Par extension, la poitrine. Il le pressa tendrement contre son cœur. Jamais sans défiance avez-vous pu d'un frère Presser le sein sur votre cœur ? Gilbert, Ode à Salm. Riant et m'asseyant sur lui, près de son cœur, Chénier, 70.
  • 3L'ensemble des facultés affectives et des sentiments moraux, par opposition à esprit, qui est l'ensemble des facultés intellectuelles ; cet emploi du mot cœur provient d'une opinion ancienne et erronée qui plaçait le siége des passions dans le cœur, parce que cet organe en ressentait immédiatement des effets manifestes. Attendrir, toucher le cœur de quelqu'un. Avoir le cœur navré, oppressé. L'homme croit souvent se conduire lorsqu'il est conduit ; et, pendant que par son esprit il tend à un but, son cœur l'entraîne insensiblement à un autre, La Rochefoucauld, Max. 43. L'esprit est toujours la dupe du cœur, La Rochefoucauld, ib. 102. Chacun dit du bien de son cœur, et personne n'en ose dire de son esprit, La Rochefoucauld, ib. 98. Je sais que tous les lieux sont égaux pour les esprits bien faits ; mais il n'en est pas de même quand les esprits bien faits ont des cœurs sensibles, Voltaire, Lett. Chauvelin, 25 août 1763. Le cœur, dès qu'il est touché, ne tarit point, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 90. Ils habitaient un bourg plein de gens dont le cœur Joignait aux duretés un sentiment moqueur, La Fontaine, Phil. et Bauc. J'en ai le joie au cœur Par le chagrin qu'aura ce lâche déserteur, Molière, Femmes sav. V, 5. Et le plus sûr moyen de gagner leur faveur [des grands], C'est de flatter toujours le faible de leur cœur, Molière, D. Garc. II, 1. Il dit en soupirant que la nuit de sa vue Ne l'empêche pas tant que la nuit de son cœur, Malherbe, I, 4. Avec des vers bien faits, bien compassés, on ne tient rien si le cœur n'est ému, Voltaire, Lett. d'Argental, 16 déc. 1760. Les cœurs sont-ils donc faits à Paris autrement que chez moi ? Voltaire, Lett. d'Argental, 17 sept. 1760. Le bel art de la déclamation, c'est-à-dire l'art de se rendre maître des cœurs, Voltaire, Lett. Albergati, 14 fév. 1763. Il faut que le cœur seul parle dans l'élégie, Boileau, Art poét. II. Dieu connaît le caractère de nos cœurs et jusqu'où va notre faiblesse, Massillon, Avent, Afflict. Et déjà le chagrin pesait moins sur mon cœur, Saint-Lambert, Saisons, hiver. Pourquoi de mes loisirs accuser la langueur ? Pourquoi vers des lauriers aiguillonner mon cœur ? Chénier, Élég. VIII. Et les arts, dans un cœur de leur amour rempli, Versent de tous les maux l'indifférent oubli, Chénier, ib. XVI.

    Parler, aller au cœur, toucher vivement, intéresser. Cette grâce qui m'allait droit au cœur, Sévigné, 79.

    Le cœur me le disait bien, j'en avais le pressentiment.

    De cœur, par la disposition intérieure. Les dévots de cœur, Molière, Tart. I, 6. Mortifié dans l'abondance, pauvre de cœur au milieu des biens périssables, Massillon, Avent, Afflict. La loi qui nous oblige à croire de cœur, Massillon, Car. Culte. Qui la cherche de cœur [la vérité] un jour peut la connaître, Voltaire, Henr. I.

    De cœur, avec un sentiment sincère. Attaché de cœur à la famille de ses rois.

    Ami de cœur, ami dévoué, sincère.

    De gaieté de cœur, de propos délibéré, et sans sujet.

  • 4Le cœur considéré comme mémoire des sentiments. Vos bienfaits sont gravés dans mon cœur. Il faut ne rien garder sur votre cœur, Sévigné, 509.

    Avoir quelque chose sur le cœur, garder, entretenir un ressentiment. J'aurai toujours ce coup-là sur le cœur, Molière, Fâch. II, 2. J'ai ce soufflet fort sur le cœur, Molière, Sicil. 13. J'ai cette insulte sur le cœur, Molière, Fourb. II, 27. J'ai quelque chose sur le cœur contre vous, Sévigné, 296. Nous avons ces réponses sur le cœur, Sévigné, 234. Elle emporta tout cela sur son cœur avec la rage pêle-mêle, Sévigné, 35. Il avait encore sur le cœur la perfidie du Suisse, Hamilton, Gramm. 3. N'osant lui parler de ce qu'il avait sur le cœur, Hamilton, ib. 7. Il fut bien aise de dire une partie de ce qu'il avait sur le cœur, Hamilton, ib. 5. Une femme à qui l'on joue ce tour dit volontiers à son adverse partie ce qu'elle a sur le cœur, Voltaire, Lett. d'Argental, 23 déc. 1762.

    Décharger son cœur, dire sans réticence ce qui préoccupe.

    Par cœur, de mémoire. Locution qui vient d'une extension de la mémoire du cœur à la mémoire de l'esprit. Le peuple apprit par cœur ce divin cantique, Bossuet, Hist. II, 3. Qui ont lu et appris par cœur le même livre, Pascal, Persuad.

    Fig. Savoir un homme par cœur, connaître parfaitement son caractère et sa vie. Votre homme arrive ; je l'ai étudié une bonne grosse demi-heure, et je le sais déjà par cœur, Molière, Pourc. I, 4.

    Familièrement. Dîner par cœur, se passer involontairement de dîner. Cette locution paraît s'être dite d'abord de celui qui, au lieu de dîner, parlait, racontait, récitait, et de la sorte se passait de manger.

  • 5Sens moral, conscience. Et renverser soudain la paix de votre cœur, Comme un enfant renverse un verre, Hugo, Voix intér. IX. Pour juge il a son cœur, pour amis ses égaux, Saint-Lambert, Saisons, automne. Je n'ai point sur mon cœur de m'être divertie, Sévigné, 21. Le jour n'est pas plus pur que le fond de mon cœur, Racine, Phèd. IV, 2.

    Sans cœur, sans sentiment moral. Et moi, reine sans cœur, fille sans amitié, Racine, Athal. II, 7. [Elle] Dit que j'étais sans foi, sans cœur, sans conscience, Corneille, Médée, I, 1.

    Par extension. Tant de marbres réputés beaux sont sans âme, sans cœur, et vous laissent aride, Vitet, Marbres d'Éleusis. Revue des Deux-Mondes, t. XXVI, p. 221.

    Familièrement. Un sans cœur, un homme dépourvu de sentiment moral et d'énergie. C'est un grand sans cœur.

  • 6Tempérament moral. Avoir bon cœur. Avoir un mauvais cœur. Cœur égoïste. Il a le cœur gâté, corrompu. Plus on vieillit, dit-on, plus on a le cœur dur, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 20 nov. 1765. C'est l'affaire dont vous avez parlé à Mme la duchesse de la Rochefoucauld, qui occupe actuellement ma vieille tête et mon jeune cœur, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 31 déc. 1774. Je reconnais cela, madame, avec ce cœur que vous savez que j'ai, Voiture, Lett. 16. Ce cœur qui est si fort au-dessus des sceptres et des couronnes, et ces grâces qui vous font régner sur toutes les volontés, Voiture, ib. 7. Cœur perfide, Racine, Andr. II, 5. Et mon cœur aussi fier que tu l'as vu soumis, Racine, ib. Cœur d'acier, Corneille, Hor. III, 2. Son cœur né fier et qui jusqu'à ce temps Avait été nourri d'un doux encens, Gresset, Ver-vert, III.

    Cœur de vipère, caractère plein de méchanceté et de perfidie. Dans toutes les fureurs des siècles de tes pères, Les monstres les plus noirs firent-ils jamais rien, Que l'inhumanité de ces cœurs de vipères Ne renouvelle au tien ? Malherbe, II, 12.

    Cœur d'airain, caractère impitoyable. Avec un cœur d'airain exerçant sa puissance, J'ai fait taire les lois et gémir l'innocence, Racine, Esth. III, 1. Et la religion, mère autrefois sensible, S'arme d'un cœur d'airain contre ses fils ingrats, Gilbert, Jugem. dernier. On dit dans un sens analogue, cœur de marbre, de pierre, de diamant, cœur de tigre.

    Avoir, porter un cœur d'homme, être sensible, avoir des sentiments humains.

    C'est un cœur d'or, c'est un excellent cœur.

    Il a le cœur haut et la fortune basse, se dit d'un homme qui est glorieux et pauvre. Prendre son cœur par autrui, se mettre en la place d'un autre.

    Le bon cœur, l'ensemble des sentiments qui constituent la bienveillance pour autrui. Le bon cœur est chez vous compagnon du bon sens, La Fontaine, Fabl. XII, 23. Une certaine sensibilité qui est la marque d'un bon cœur, Massillon, Car. Parole.

    Mauvaise tête et bon cœur, personne vive et emportée, mais dont, au fond, les sentiments sont pleins de bienveillance.

    Un bon cœur, un mauvais cœur, une personne qui a un bon, un mauvais cœur.

    De bon cœur, loc. adv. Volontiers, sincèrement. Jamais de si bon cœur je ne brûlai pour elle, Malherbe, V, 24. Je vous pardonnerai de bon cœur tout ce crime, Tristan, M. de Chrispe, III, 4. Je baise de bon cœur les verges que tu tiens, Tristan, ib. V, 9. Elle est fort affligée et pleure de bon cœur, Sévigné, 214. Je suis au monde unique en mon espèce. - Pauvre immortel ! je vous plains de bon cœur, Millevoye, le Phénix.

    De grand cœur, très volontiers. Voulez-vous m'écouter ? - Sans doute et de grand cœur, Molière, Éc. des maris, II, 3.

    Être tout cœur, être vif à obliger. Il est tout cœur pour ses amis, il est pour eux plein d'attachement et de désir de les servir.

    De tout son cœur, avec une pleine affection. Je salue madame votre sœur de tout mon cœur, Bossuet, Lett. abb. 47. Ils condamnent cette hérésie de tout leur cœur, Pascal, Prov. 18.

    De tout cœur, avec la meilleure volonté du monde.

    Absolument, cœur dans le sens de bon cœur, de cœur bien doué. C'est le cœur qui fait tout ; que la terre et que l'onde Apprêtent un repas pour les maîtres du monde, Ils lui préféreront les seuls présents du cœur, La Fontaine, Phil. et Bauc. Parlerai-je d'Iris ? chacun la prône et l'aime : C'est un cœur, mais un cœur… c'est l'humanité même, Gilbert, XVIIIe siècle. L'art des transports de l'âme est un faible interprète ; L'art ne fait que des vers, le cœur seul est poëte, Chénier, Élég. XX. Si, pauvre et généreux, son cœur vient de souffrir Aux cris d'un indigent qu'il n'a pu secourir, Chénier, ib.

  • 7La pensée intime, les dispositions secrètes. Montrant que dans le cœur ce voyage le fâche, Malherbe, I, 4. On s'est plus appliqué aux vices de l'esprit, aux replis du cœur et à tout l'intérieur de l'homme, La Bruyère, Disc. sur Théophr. Il ne faut pas juger des hommes sur une seule et première vue : il y a un intérieur et un cœur qu'il faut approfondir, La Bruyère, XII. Il dissimule les mauvais offices, sourit à ses ennemis, contraint son humeur, déguise ses passions, dément son cœur, parle, agit contre ses sentiments, La Bruyère, VIII. Connaître un bon visage, et juger si le cœur, Contraire à ce qu'on voit, ne serait pas moqueur, Régnier, Sat. III. Vous avez vu plus tôt que moi un sentiment qui était caché dans mon cœur, Voiture, Lett. 16. Ces enfants bien heureux… Ayant Dieu dans le cœur, ne le purent louer, Malherbe, I, 4. La constance des sages n'est que l'art de renfermer leur agitation dans leur cœur, La Rochefoucauld, Max. 20. La sincérité est une ouverture de cœur, La Rochefoucauld, ib. 62. Je veux qu'on soit sincère et qu'en homme d'honneur On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur, Molière, Mis. I, 1. Il est bon quelquefois de sentir des traverses Et d'en éprouver la rigueur, Elles rappellent l'homme au milieu de son cœur, Et peignent à ses yeux ses misères diverses, Corneille, Imit. I, 12. C'est dans cette simplicité champêtre que se trouve la vérité et l'effusion du cœur, Voltaire, Lett. Schouvalof, 19 déc. 1762. C'est du cœur que je vous demande cette grâce, Sévigné, 395. Crois-tu… Qu'Andromaque en son cœur n'en sera pas jalouse ? Racine, Andr. II, 5. Il n'est que trop instruit de mon cœur et du vôtre, Racine, Brit. III, 7. Télémaque ouvrit son cœur à son ami, Fénelon, Tél. XXII. En m'éveillant je reconnus l'embarras de Néoptolème ; il soupirait comme un homme qui ne sait dissimuler et qui agit contre son cœur, Fénelon, Tél. X. Et nous ouvrant son cœur nous ouvrit ses trésors, Corneille, Pomp. I, 3. Dans l'entretien où, m'ayant ouvert votre cœur, j'y vis tant de résolution, de force et de générosité, Voiture, Lett. 34.

    Selon le cœur de Dieu, pieux, aimé de Dieu. David que Dieu trouva selon son cœur, Bossuet, Hist. II, 3. Un roi selon le cœur de Dieu, Fléchier, Dauph.

    Dans le langage général, selon le cœur de, agréable à. La première chose que le roi fait avec ce nouveau pape qui est entièrement selon son cœur et au delà de nos espérances, c'est de lui rendre le Comtat, Sévigné, 592.

    Dans le langage de l'Écriture, les cœurs des rois sont dans la main de Dieu. Mais, comme dit le Sage, autant que le ciel s'élève, et que la terre s'incline au-dessous de lui, autant le cœur des rois est impénétrable, Bossuet, le Tellier.

    À cœur ouvert, avec franchise, sincérité, effusion. Parler à cœur ouvert. Souffrez qu'à cœur ouvert, monsieur, je vous embrasse, Molière, Mis. I, 2.

    Avoir le cœur sur les lèvres, avoir le cœur sur la main, ne pas déguiser sa pensée, ses sentiments.

    Parler d'abondance de cœur, parler du cœur, parler avec épanchement. Pour chercher un ami qui me parle du cœur, Racine, Bérén. I, 4. Nous parlâmes du cœur, comme deux vieux amis, Au foyer l'un de l'autre à la campagne admis, Lamartine, Harm. III, 6.

    Se parler cœur à cœur, se parler avec franchise.

  • 8L'affection, la tendresse, l'amour. Se concilier tous les cœurs. Régner sur les cœurs. L'extrême joie qu'on m'a donnée en me mandant que j'étais tout entier dans le cœur de cet homme que vous savez qui est si fort selon le mien, Voiture, Lett. 42. Hyménée et l'Amour, par des désirs constants, Avaient uni leurs cœurs dès leur plus doux printemps, La Fontaine, Phil. et Bauc. Sans mentir, mademoiselle, ce ne vous est pas peu de gloire d'avoir pu allumer le cœur d'un homme aussi froid que je suis, Voiture, Lett. 42. Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer ! La Fontaine, Fabl. IX, 2. Je veux encore un coup montrer un cœur de père, Corneille, le Ment. V, 3. Ayons un cœur dont nous soyons les maîtres, Molière, le Fest. III, 6. Sévère lui avait gagné le cœur des soldats, Bossuet, Hist. I, 10. J'ai fort dans le cœur M. et Mme Scomberg, Bossuet, Lett. 45. Toutes les choses où j'ai mis mon cœur, Pascal, Prière. Le petit cardinal a son oncle dans le cœur, Sévigné, 219. Je ne vous demande que votre cœur, Fénelon, Tél. IV. Un roi fait ce qu'il veut des cœurs : tous les protestants sont prêts à mourir pour son service, Voltaire, Lett. Damilaville, 16 avril 1765. Emporter après lui tous les cœurs des soldats, Racine, Baj. I, 1. Pour m'arracher du cœur de ses soldats, Racine, ib. Sans me faire payer son salut [le salut de mon fils] de mon cœur, Racine, Andr. I, 4. J'attends avec la paix son cœur de votre main, Racine, ib. II, 4. Si vous faites ce petit voyage que vous avez projeté dans nos cantons, vous verrez tous les cœurs voler au-devant de vous, Voltaire, Lett. Thiroux, mars 1763. Puis-je espérer encore Que vous accepterez un cœur qui vous adore ? Racine, Andr. I, 4. Elle aura quelque trait qui, de mes sens vainqueur, Me passant par les yeux, me blessera le cœur, Régnier, Sat. VII. Il ira, le cœur plein d'une image divine, Chercher si quelques lieux ont une Clémentine, Chénier, Élég. XI.

    Ces deux personnes ne font qu'un cœur et une âme, elles sont liées par la plus étroite affection. Les deux princesses ne furent plus qu'un même cœur, Bossuet, Anne de Gonz.

    Son cœur commence à parler, son cœur a parlé, se dit d'une jeune personne qui éprouve les premiers sentiments de l'amour.

    Affaire de cœur, commerce de galanterie.

  • 9La personne elle-même qui éprouve ces divers sentiments. Je me tiens très heureux d'avoir une si grande place dans le meilleur cœur de France, Voiture, Lett. 42. Deux démons à leur gré partagent notre vie ; Je ne vois point de cœur qui ne leur sacrifie, La Fontaine, Fabl. X, 10. Il peut trouver du moins, dans le cours de sa vie, Un cœur sans injustice, un ami sans envie, Saint-Lambert, Saisons, automne. Des cœurs séparés à regret Trouvent de se rejoindre aisément le secret, Corneille, Othon, II, 4. Un cœur né pour servir sait mal comme on commande, Corneille, Pomp. IV, 2. Que ne fait point un cœur Pour plaire à ce qu'il aime et gagner son vainqueur ? Racine, Bérén. II, 2. Cœur accablé de déplaisirs, Racine, Andr. II, 1. Cœur épris de courroux, Racine, ib. I, 1. D'un cœur qui t'aime, Mon Dieu, qui peut troubler la paix ? Racine, Athal. III, 8. J'aime mieux renoncer à tout cet embarras, Et ne veux point d'un cœur qui ne se donne pas, Molière, F. sav. V, 4. Avez-vous un secret important, versez-le hardiment dans ce noble cœur, Bossuet, Duch. d'Orl.

    Familièrement. Bien que d'un cabinet sortît un petit cœur, Avec son chaperon, sa mine de poupée, Régnier, Sat. X. De s'entendre appeler petit cœur ou mon bon, Boileau, Sat. X. Elle a eu l'effronterie de me dire que je ne suis point malade ; vous savez, mon cœur, ce qui en est, Molière, Mal. im. I, 6. Mon pauvre petit cœur, tu le peux si tu veux, Molière, Éc. des f. V, 5.

    Un joli cœur, un jeune homme qui prend un soin particulier de sa toilette.

    Faire le joli cœur, se donner des grâces.

  • 10Ardeur, vif intérêt. Il a le cœur à l'étude. Amour enfin qui prit à cœur l'affaire, La Fontaine, Coc. Il s'agit d'une affaire que j'ai fort à cœur, Bossuet, Lett. 109. Il prend trop de cœur à ce qu'il entreprend, Pascal, Prov. III. Qui croyez-vous qui prenne les choses à cœur? Pascal, ib. Il n'eut plus de cœur que pour lui, Fléchier, M. de Mont. Il avait mis son cœur à ce mariage, Rousseau, Hél. I, 40. Des haines qui, en refusant le cœur au devoir, ont assez d'empire sur elles, pour donner les apparences au monde, Massillon, Car. Pardon. J'avais peur Que mon père ne prît l'affaire trop à cœur, Racine, Plaid. II, 6. Vous prenez la chose fort à cœur, Molière, les Préc. 1. Il avait le cœur trop au métier, Racine, Plaid. I, 1.

    Avoir à cœur quelque chose, y prendre un vif intérêt. Ils n'ont rien tant à cœur que de voir la concorde régner, Massillon, Or. fun. Louis XI. Tenir au cœur, être l'objet d'un attachement, d'un désir, d'un intérêt. Le reste ne lui tenait plus au cœur, Sévigné, 216. Cela est au premier rang de ce qui me tient le plus au cœur, Sévigné, 202. On aime fort ce détail pour les choses qui tiennent au cœur, Sévigné, 5. Les choses qui nous tiennent sensiblement au cœur, Sévigné, 570. Une beauté me tient au cœur, Molière, Fest. I, 2. La Sicile ravie leur tenait au cœur, Bossuet, Hist. I, 8. Diantre ! l'amour vous tient au cœur de bon matin, Racine, Plaid. I, 5.

    Tenir au cœur, être l'objet d'une inquiétude, d'un tourment. Le Rhône me tient fort au cœur, Sévigné, 23. Votre frère me tient fort au cœur, Sévigné, ib. Ce maître d'armes vous tient bien au cœur, Molière, le Bourg. III, 3.

  • 11Courage, fermeté. Homme de cœur, homme plein de courage. La rigueur de ses lois, après tant de licence, Redonnera le cœur à la faible innocence, Malherbe, II, 1. … Vous vous troublez beaucoup ; Mon cœur n'est point du tout ébranlé de ce coup, Molière, F. sav. V, 4. À la fin je pris cœur, résolu d'endurer…, Régnier, Sat. X. Non, non, j'ai trop de cœur pour lâchement me rendre, Régnier, Élég. I. Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais cœur, Pascal, Myst. 2. Rodrigue, as-tu du cœur? Corneille, Cid, I, 9. Nous vous laissons ici pour leur rendre du cœur, Corneille, Hor. II, 7. Et ne vous flattez pas ni sur votre grand cœur Ni sur l'éclat d'un nom cent et cent fois vainqueur, Corneille, Nicom. I, 1. … Tant de fois vaincus ils ont perdu le cœur De se plus hasarder contre un si grand vainqueur, Corneille, Cid, II, 7. Ces favorables mots vous ont rendu le cœur, Corneille, Tois. d'or, IV, 5. Un orgueil noble et juste et digne d'une reine, Qui soutient avec cœur et magnanimité L'honneur de sa naissance et de sa dignité, Corneille, Pomp. III, 1. Sans qu'on l'ose accuser d'avoir manqué de cœur, Corneille, Cid, V, 1. [Il] m'a fait voir trop de cœur, Corneille, le Ment. III, 2. En vain en l'attaquant [il] fait paraître un grand cœur, Corneille, Hor. IV, 4. S'il avait moins de cœur, Corneille, Cid, II, 7. S'il la sauve, peut-être on trouvera dans Rome Plus de cœur que de crime en l'ardeur d'un jeune homme, Corneille, Théodore, V, 7. Antigone Gonatas reprit cœur, pendant que Pyrrhus, inquiet et ambitieux, faisait la guerre aux Lacédémoniens et aux Argiens, Bossuet, Hist. univ. I, 8. Ils ne voulaient pas qu'on s'y prît d'une manière à lui faire perdre cœur, Bossuet, Var. 10. Le parti a repris cœur et fait les derniers efforts, Bossuet, Lett. quiét. 341. Ce discours ébranla le cœur De notre imprudent voyageur ; Mais le désir de voir et l'humeur inquiète…, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Battre un homme à coup sûr n'est pas d'une belle âme ; Et le cœur est digne de blâme Contre les gens qui n'en ont pas, Molière, Amph. I, 2. Si l'heureux Amurat, secondant leur grand cœur, Aux champs de Babylone est déclaré vainqueur, Racine, Baj. I, 1. Surtout j'admire en vous ce cœur infatigable, Racine, Mithr. III, 1. Il faut du cœur et de l'action, Fléchier, Serm. I, 169. Un dessein si hardi jeta les patriciens et le peuple dans une consternation générale ; tous manquent de cœur et de résolution, Vertot, Révol. rom. liv. II, p. 201.

    Familièrement. Prendre son cœur à deux mains, faire tous ses efforts, ou prendre son grand courage.

    Familièrement. Avoir le cœur de, pousser la dureté, l'indifférence jusqu'à. Vous n'aurez pas ce cœur-là, Molière, Mal. im. I, 5. Comment avez-vous le cœur de mêler avec leurs fruits des ossements ? Rousseau, Ém. II.

    Un cœur de lion, un homme d'un extrême courage.

    Un cœur de poule, un poltron. Ah ! poltron ! dont j'enrage, Lâche ! vrai cœur de poule, Molière, Sganar. sc. 21.

    Mettre, remettre le cœur au ventre à quelqu'un, lui rendre le courage. Cette locution vient du langage du moyen âge, où le cœur est joint souvent à ventre, pris en un sens très général de tronc du corps ; locution qui provient elle-même de ce qu'on se sent plus de force et de courage après avoir bien mangé.

    Faire contre mauvaise fortune, ou, absolument, contre fortune bon cœur, ne pas se laisser abattre et aussi ne pas laisser paraître sur son visage le désappointement, la peine qu'on éprouve.

  • 12Générosité. Être plein de cœur.

    Grand cœur, magnanimité. Seigneur, vous devez tout au grand cœur d'Exupère, Corneille, Héracl. V, 4. Henriette d'un si grand cœur est contrainte de demander du secours ; Anne d'un si grand cœur ne peut en donner assez, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Un grand cœur, une personne magnanime. Mais de cette faiblesse un grand cœur est honteux ; Il ose espérer tout dans un succès douteux, Corneille, Hor. I, 1. N'attendez point de moi de regrets ni de larmes : Un grand cœur à ses maux applique d'autres charmes, Corneille, Pomp. V, 1. La grâce est aux grands cœurs honteuse à recevoir ; La menace n'a rien qui les puisse émouvoir, Corneille, Suréna, IV, 4. Un grand cœur cède un trône et le cède avec gloire ; Cet effort de vertu couronne sa mémoire, Corneille, Rodog. II, 5. Au travers des périls un grand cœur se fait jour, Racine, Andr. III, 1. Jamais dans un grand cœur vit-on plus de faiblesse ? Racine, Bérén. III, 2.

    Homme de cœur, homme qui a de la générosité, de la sensibilité.

    N'avoir point de cœur, être dépourvu de toute sensibilité, de toute noblesse d'âme.

  • 13Le principal agent, le principal intérêt. Le parti du duc et de mon frère Dont l'un est votre cœur, si l'autre est votre bras, Rotrou, Vencesl. I, 1. Quand à ton père usé je rendis la vigueur, J'avais encor tes vœux, j'étais encor ton cœur, Corneille, Médée, III, 3. Le prince de Conti fut le cœur et le confident de M. de Luxembourg dans ses dernières années, Saint-Simon, 220, 212.
  • 14 Par extension, l'estomac : dénomination qui vient de ce que, dans l'ancienne anatomie grecque, on donnait le nom de cœur à l'orifice cardiaque ou supérieur de l'estomac, et le nom de douleur de cœur aux douleurs de l'estomac. Des soulèvements de cœur. J'ai encore mon dîner sur le cœur.

    Avoir le cœur noyé, noyé d'eau, être incommodé pour avoir bu trop d'eau.

    Fig. Cela lui pèse sur le cœur, c'est quelque chose qui lui cause du chagrin, de la rancune.

    Ce vin va au cœur, il fait plaisir.

    Avoir mal au cœur, être pris de nausées. Sur mer j'ai mal au cœur. Celles qui ont dîné ont mal au cœur, Sévigné, 185.

    Mal de cœur, envie de vomir. À moitié chemin, j'eus un grand mal de cœur, Sévigné, 58.

    Fig. Cela fait mal au cœur, fait soulever le cœur se dit d'une chose qui excite le dégoût, l'aversion, le chagrin. Une douceur fade qui fait mal au cœur, Molière, Impr. 3. Avec un style si bourgeois et si ridicule, que cela fait mal au cœur, Vauvenargues, Du goût. Les violons de la cour font mal au cœur au prix de ceux-là, Sévigné, 73. Il est d'une faiblesse à faire mal au cœur, Sévigné, 44. Les louanges me font mal au cœur, Sévigné, 235. Tout ce qui ressemble à une séparation fait bien mal au cœur, Sévigné, 462. Ce qui vient de sa part lui fait soulever le cœur, Bossuet, Resp. 1. De ce raccommodement vint un fils qui réduisit la jeune princesse de Bade à l'état ordinaire pour les biens, dont sa belle-mère eut grand mal au cœur, Saint-Simon, 168, 259.

    Si le cœur vous en dit, si vous avez envie d'en manger ; et fig. Si vous êtes disposé à cela.

    Avoir le cœur bon, avoir l'appétit bon, se dit d'un malade qui conserve de l'appétit.

    Cet homme a bon cœur, il ne rend rien, se dit d'un homme dont l'estomac ne rejette pas ce qu'il mange ; et, figurément, de celui qui ne rend pas ce qu'on lui prête.

    Avoir le cœur sur le bord des lèvres, et, simplement, sur les lèvres, être prêt à vomir.

    Avoir le cœur mort, se sentir très faible.

    Populairement. N'être pas malade de cœur, conserver un bon appétit.

    S'en donner au cœur joie, à cœur joie, jouir pleinement, se rassasier d'une chose.

    À cœur jeun, sans avoir mangé de la journée. Locution qui vieillit.

  • 15 Par analogie, la partie centrale de quelque chose. Il est logé au cœur de la ville. Le cœur d'un fruit, d'un chou. Je veux qu'elle me voie au cœur de ses États Soutenir ma fureur d'un million de bras, Corneille, Nicom. V, 7. Dans le cœur de son empire, Bossuet, Hist. I, 8. Il y avait au cœur de la Judée des hommes choisis, Pascal, Juifs, 20. Plus les chênes croissent vite, plus ils forment de cœur, et meilleurs ils sont pour le service, Buffon, Exp. sur les végét. 2e mém. Les vieilles souches [de vigne] sont pourries jusqu'au cœur, et le fruit n'en vaut guère, Courier, I, 272. Je relève sous l'eau les tiges abattues, Je secoue au soleil les cœurs de mes laitues, Lamartine, Joc. IX, 281.

    Fig. Au cœur de l'été, de l'hiver, pendant les plus grandes chaleurs, les plus grands froids. Évitez le cœur de l'hiver pour revenir, Sévigné, 355. On était au cœur d'un hiver extrêmement rude, Hamilton, Gramm. 8. Les Suédois faisaient la guerre au cœur de l'hiver comme dans l'été, Voltaire, Charles XII, 2. Éveillés à minuit au cœur de l'hiver, Rousseau, Ém. II.

    Cœur de cheminée, le milieu de la cheminée, où est ordinairement une plaque. Il est noir comme le cœur de la cheminée.

    À cœur de journée, sans relâche. Locution qui paraît venir de ce que le cœur de la journée est pris pour le fort du travail. Murce avait un jeune valet qu'il appelait marcassin et qui se moquait de lui à cœur de journée, Saint-Simon, 164, 168.

  • 16Ce qui a la forme d'un cœur. Une croix d'or surmontée d'un cœur.

    Le cœur, une des couleurs du jeu de cartes. Le cœur est atout. J'ai tous les cœurs.

    Nom vulgaire d'un grand nombre de coquilles bivalves.

  • 17 Terme de manége et de fauconnerie. Être en cœur, se dit d'un cheval, d'un oiseau qui se montrent pleins d'ardeur. Un cheval de deux cœurs, est celui qui répond mal aux aides et qui ne manie pas volontiers.
  • 18 Terme de blason. Le milieu de l'écu, dit aussi abîme.
  • 19 Terme d'astronomie. Cœur du Lion, étoile de première grandeur qui fait partie de la constellation du Lion, dite aussi Régulus.

    Cœur de Charles, petite constellation entre la Grande Ourse et le Lion.

    Cœur de l'Hydre, étoile de la constellation de l'Hydre. Cœur du Scorpion ou Antarès.

  • 20 Terme d'horticulture. Cœur de pigeon, espèce de prune et espèce de pomme.

    Cœur de bœuf, espèce de prune.

    Cœur de Saint-Thomas, nom vulgaire d'un fruit d'Amérique ou mieux d'une graine, dite aussi châtaigne de mer (entade gigalobion).

    Nom d'une espèce de bigarreau.

  • 21Pièce d'horlogerie qui dégage la détente de la sonnerie.

    Milieu d'une verge de plomb dans un vitrage.

  • 22 Terme de boucherie. Maniement pair ou double chez le bœuf et la vache, placé au-dessous et à quelque distance du paleron, en arrière et vers le milieu de la masse musculaire olécrânienne, et répondant à peu près à la place qu'occupe le cœur dans l'intérieur du thorax.

PROVERBES

Il dit cela de bouche, mais le cœur n'y touche, c'est-à-dire il parle contre sa pensée.

De l'abondance du cœur la bouche parle, c'est-à-dire on parle volontiers de ce qu'on désire, de ce qui captive.

Loin des yeux, loin du cœur, c'est-à-dire l'absence refroidit.

REMARQUE

Le langage populaire dit quelquefois : joli comme un cœur. Cela ne signifie rien et ne peut rien signifier ; c'est une confusion avec joli cœur.

Avoir à cœur et tenir au cœur, sont deux locutions toutes faites et dans lesquelles rien ne peut être interverti. Avoir au cœur et tenir à cœur seraient des fautes contre l'usage, du moins aujourd'hui ; car, au XVIIe siècle, on trouve tenir à cœur dans de bons écrivains. Les nouvelles de la guerre me tiennent fort à cœur, Sévigné, 752. J'ai un extrême chagrin que vous fassiez tant de cas de toutes ces niaiseries [romans et comédies] qui ne doivent tout au plus servir qu'à délasser quelquefois l'esprit, mais qui ne devraient point vous tenir autant à cœur qu'elles font, Racine, Lettr. à son fils, X.

SYNONYME

CŒUR, COURAGE, disposition qui fait mépriser le danger. Courage est dérivé de cœur; par conséquent, la nuance entre ces deux mots ne peut être que dans cette dérivation même. En effet, le courage, à proprement parler, est le produit du cœur. On a du cœur ou on en manque ; on signale son courage, on combat avec courage ; l'homme de cœur se distingue par des traits de courage.

HISTORIQUE

XIe s. Se [il] son queur li purportast e soun conseil li donast, Lois de Guill. 12. Charles respont : trop avez tendre coer, Ch. de Rol. XXIII. Mal seit du coer qui au piz [poitrine] se couarde, ib. LXXXV. Franc ont feru de coer et de vigur, ib. LX. Si esclargiez vos talenz [satisfaites vos désirs] et vos coers, ib. CCLXV.

XIIe s. Dit à son oncle son cuer et sa pensée, Ronc. p. 19. Li emperere ot mout le cuer iré, ib. p. 35. L'aigue [eau] du cuer lui est es els [yeux] montée, ib. p. 48. [à] Vos compaignons [ils] feront les cuers partir, ib. p. 60. Mout [il] ot le cuer dolent et irascu, ib. Du sanc qu'il laisse lui va li cuer faillant, ib. p. 100. [Il] Fit sa priere de cuer, fort en pleurant, ib. p. 152. Plus [j'] en auroie le cuer du ventre clair [satisfait], ib. p. 158. Par vasselage [courage] [il] a son cor [sa fermeté] recouvré, ib. p. 169. Li cuers lui part, l'ame s'en est alée, ib. p. 176. Ah ! Dex ! dist Charles, comme ai le cuer grevé ! ib. p. 183. Tant s'est amors affermée En mon cuer, à long sejor, Couci, I. Que cele où j'ai mon cuer et mon penser, ib. VI. Ele a mon cuer, que jà [je] n'en quier oster, ib. X. Je ne me sai tenir ne conforter De vous, beaus cuers, servir entierement, ib. Si que souvent [je] chant là où de cuer [je] plor [pleure], ib. XVI. Onques vers lui [elle] [je] n'oi [n'eus] faus cuer ne volage, ib. XI. Car traï m'a et mort à escient Mes jolis cuers, que je doi tant haïr, ib. X. Se nuls morist [mourut] pour avoir cuer dolent, ib. XXII. Se li cors va servir nostre seigneur, Li cuers remaint du tout en sa baillie [de ma dame], Quesnes, Romancero, p. 93. L'aigue lui cort [court, coule] du cuer parmi les oilz à rais, Sax. X. Tel cinq cent chevalier Qui n'ont cuer ne courage de Saisnes guerroier, ib. XVI. [Le roi] Qui assez vous salue de bon cuer, sans feintise, ib. XXIII. De grant outrage faire nuls hom ne monteplie, Ainz se monte et essauce qui son cuer humelie, ib. XXXII. Il n'en venront à chief [viendront à bout], mes cuers le senefie [l'annonce], ib. À la nef sunt venu, e entrerent en mer ; Rogiers del Punt l'Evesque n'i pout sun quer celer : Thomas, Thomas, fait-il, mal m'i faites passer, Th. le mart. 133.

XIIIe s. Dist li rois : Dame, puet bien estre verté ; J'en ai le cuer al ventre si serré Que ne me puis aidier ne conforter, Chanson du vilain Hervi. Il ne creoient mie les Grieus à qui il avoient pais fete, que de cuer leur deussent aidier, Villehardouin, CLXI. Et sachiés que li cuers des gens ne fu mie en pais, quar une partie de l'ost se travelloit à ce que il se volsissent bien departir, Villehardouin, LIV. Il estoit de moult grant cuer, Villehardouin, XL. Einsi dura la guerre grant piece, jusques au cuer d'iver, Villehardouin, XLV. Forment lui doult li cuers, mout fut en grand esmoi, Berte, VII. … De grant joie fu ses cuers esmeüs, ib. XXIV. … Se [vous] saviez orendroit à quel meschief je sui, li cuers vous partiroit, ib. XXVIII. Mais li cuers lui failloit, ib. XXX. Mais il avoit le cuer si plein de loyauté, ib. XLV. Si que l'eaue du cuer sur sa face en descent, ib. XLVII. Chascuns eut cuer certain, piteus et fin et sain, ib. XLIX. Ne cuida pas mes peres li rois au cuer hardit…, ib. LIII. Ainçois [elle] se lairroit traire le cuer sous la poitrine, ib. LVI. Ahi ! mere, faitele, com auriez cuer marri Se vous saviez…, ib. LIX. Il l'amoient [Berte] de cuer come bien enseignée, ib. LX. En la serve [il] avoit mis cuer et cor et desir, ib. LXIII. Sachiez que mout [il] les hait de cuer entierement, ib. XCV. Lasse ! pourquoi ne creve mes cuers sous ma chemise ? ib. C. D'amor et de desir tout li cuers lui esprent, ib. CX. Renart, fet-il, par le cuer bé [corbleu], Tu m'as hui honi et gabé, Ren. 4641. Moult ai iré le cuer au ventre, la Rose, 3752. Mes pren bon cuer, et si t'avance De recevoir en pacience Tout quanque Fortune te donne, ib. 6875. Mès, par mon chief, or i parra [paraîtra], Se tu de bon cuer serviras, ib. 2049. Que chascuns si bien i entende… Que tout par cuer le retengniés, ib. 20113. La reson pourquoy, que il en donroit cuer à ses ennemis, Joinville, 214. Et quant sa gent virent que le roy metoit deffense en li, il pristrent cuer, et laisserent le passage du flum, Joinville, 227.

XIVe s. … Tu sembles l'oisel de proie, Qui vuet le cuer tant seulement ; Se le cuer has tant seulement, Aras le corps et la chevance, Machaut, p. 111. Se il est juste, il n'est autre chose quelconque que il ait principalement à cuer, Oresme, Eth. 155. Enfans qui ont recordé par cueur aucunes choses, Oresme, ib. 198. Je ne puis pas savoir lor sens ne lor folie ; Car ce qui est au cuer, homme ne le dit mie, Guesclin. 10940. Et li bons coerz fait l'oevre, non mie le lonc jour, Baud. de Seb. IV, 184. Le dain est une belle beste et bien plaisant, quant elle est en cueur de saison, Modus, f° XXVIII.

XVe s. Il en ot grand joie en son cœur, Froissart, II, III, 19. Le comte d'Asquesuffort, qui estoit pour ce temps tout le cœur et le conseil du roi, Froissart, II, II, 237. Les chemins que il fait, je les sais tous par cœur, car en sa compagnie et sans lui je les ai esté trop de fois, Froissart, II, III, 17. Louis Rambaud avoit une trop belle femme à amie et l'aimoit de tout son cœur parfaitement, Froissart, II, III, 17. Quand le noble roi Charles de France eut ouï sa sœur ainsi lamenter, et qui de cœur et en plorant lui montroit sa besogne, Froissart, I, I, 8. Et y laissa mort son neveu que moult aimoit ; dont il estoit en cœur et fut depuis ce moult destroit et courroucé, mais amender ne le put, Froissart, I, I, 181. Le comte de Hainaut avoit si pris en cœur cette guerre, Froissart, I, I, 128. Gens qui ont encore au cœur la felonnie et le mautalent sur les François, Froissart, II, II, 207. Et je feray volontiers et de bon cœur ce que vous me commandez…, Froissart, I, I, 47. Il alla voir la fierte [la châsse] saint Thomas à cœur jeun et y fit offrande belle et riche, Froissart, III, IV, 15. Les seigneurs regarderent que il estoit le mois de decembre le droit cœur d'hiver, Froissart, II, II, 203. Se ne montrez… Que vous ayez mon fait à cueur, Orléans, Rondel de Frédet. Par cueur retiens ce que j'en ay apris, Car plus ne sçay lire ou livre de joye, Orléans, Rondel. Le dessus dit comte de Waleran et ceux qui s'estoient sauvés de sa compagnie eurent au cœur très grand tristesse, non pas sans cause, Monstrelet, liv. I, chap. 24. Certes, de bouche et non de cueur plusieurs gens parlent, Monstrelet, liv. I, chap. 9. Comme qui bien avoit le cuer à la besoigne, Chastelain, Chron. des ducs de Bourg. III, ch. 28. Lié [joyeux] sui, quant il est en ce point ; Car je le hay de tout mon cuer, la Pass. de N. S. J. C. Et quelque semblant qu'ilz luy montrassent, si le haioient-il en cueur comme il fu de puis apparent, Fenin, 1413. Le mareschal, qui le cœur n'avoit à aultre chose fors à toujours grever les Sarrazins, Bouciq. I, ch. 23. Et pour ce, nous qui desirons de tout nostre cœur l'honneur de son noble estat avons advisé une haute emprise, ib. III, ch. 15. Si fist Chasteaumorant au cœur vaillant e fier, ib. II, ch. 20. Hée, mon ami, revenez si vous voulez ; vous savez que nous femmes avons les cuers tendres, Jeh. de Saintré, ch. 26. Pour son sallaire d'avoir esté offrir à l'eglise de Sainct-Esperit-lezRue deux cœurs d'or, De Laborde, Émaux, p. 217. Laquelle tenoit entre ses deux mains ung coer, qui se ouvry à l'eure que le roy entra en ladite porte, et dedans ledit coer y avoit une fleur de lis signiffiant la loyaulté de la Cité, De Laborde, ib. p. 217. Il leur sembla honte et peril et que ce seroit donner cueur à ceulx de Paris, Commines, I, 9. Le roy n'avoit point fort la matiere à cueur, Commines, IV, 11. On croyait qu'Ascaigne faisoit ceste feinte, et qu'au cœur estoit content du Pape, Commines, VII, 13. Et si [Charles VIII] avoit son cœur, tousjours, de faire et accomplir le retour en Italie, Commines, VIII, 18. Cœur pensif ne sait où il va, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 275. Dieu nous veuille garder et defendre de toute malaventure ! le cœur ne me gist pas bien de cette vision, Louis XI, Nouv. LXXII.

XVIe s. Ils recoloyent par cueur quelques plaisans vers de Virgile, Rabelais, Garg. I, 24. Il se saisit du baston de la croix, qui estoit de cueur de cormier, Rabelais, ib. I, 27. Dieu vous doint ce que vostre noble cueur desire, Rabelais, Pant. II, 16. Je boy à luy de bien bon cueur, et à vous aussy, messieurs les recordz, Rabelais, ib. IV, 15. Le dyable se represente on lieu, accompaigné d'ung escadron de petitz dyableteaulx de cueur, Rabelais, ib. IV, 46. Je croy qu'il s'addoucira, Ou sera Plus dur que le cœur d'un arbre, Du Bellay, J. IV, 29, recto. Au cœur de l'hiver, Marguerite de Navarre, Nouv. XXXVIII. Le peuple n'eut pas le cœur de prendre seulement les balotes en main, Montaigne, I, 3. Faulte de cœur [courage], Montaigne, I, 26. Non en leur action seulement, mais surtout en leur cœur, Montaigne, I, 108. Faire mal au cœur [donner des nausées], Montaigne, I, 110. Sçavoir par cœur n'est pas sçavoir, Montaigne, I, 163. Ayant extreme peur de faillir une chose qu'il avoit tant à cœur, Montaigne, I, 196. Il leur remeit par ce moyen le cœur au ventre, Montaigne, I, 353. Aulcun homme de cœur ne daigne s'advantager de…, Montaigne, II, 66. Nous prenons trop à cœur ces substitutions, Montaigne, II, 86. Il a disné par cœur pour l'affection qu'il avoit de medire des femmes, Yver, p. 555. Montrer qu'ilz n'avoient point le cueur failly, Amyot, Péric. 62. Sans s'arrester aux larmes des passagers qui se tourmentent d'effroy et tirent du cueur, Amyot, ib. 63. Au cueur d'esté, Amyot, ib. 66. La perte de celuy là seul luy attendrit le cueur, Amyot, ib. 69. Avoir le cueur [courage] bon, Amyot, P. Aem. 43. Il n'y eut si dur cueur en toute la ville de Rome, à qui ce grant accident ne feist pitié, Amyot, ib. 57. Quant à moy, je n'aurois jamais le cueur de vendre le bœuf qui auroit longuement labouré ma terre, Amyot, Caton, 41. Homme de bas et petit cueur, Amyot, Crassus, 133. Du filz autant m'est la personne chere, Comme j'av eu à contre-cœur le pere, Amyot, Pomp. 1. Homme du tout fait à la devotion et selon le cueur de Pompeius, Amyot, Caton d'Ut. 45. Elle ne pardonnoit jamais, depuis qu'elle avoit pris une chose à cueur, Amyot, Artax. 24. Monsieur, j'ai sur le cœur tant de sang versé des nostres, D'Aubigné, Hist. I, 132. Venons au cœur de la France et des affaires, D'Aubigné, ib. I, 139. Le vaivode fait attaquer la ville avec la chaleur de cœur que la victoire passée donnoit à ses gens, D'Aubigné, ib. II, 198. Quand on vous decouvriroit implacable, tenant votre cœur [rancune] et inexorable, Carloix, I, 38. Ils avoient promis la garder ou y mourir ; mais le cœur leur devint foye, et se rendirent leurs vies sauves, Du Bellay, M. 80. Ceste gresse est trouvée principalement au mesentere, et base du cœur, Paré, I, 6. Le ventricule a deux orifices, à sçavoir un superieur nommé l'estomach et vulgairement cœur ; et l'autre inferieur nommé pylorus, Paré, I, 14. La figure du cœur est pyramidale, à sçavoir large en sa base et estroite sur sa pointe, Paré, II, 11. Et où il failloit, coups de baston ne luy manquoient pas, luy diminuant sa portion, le faisant souvent jeusner par cœur, Paré, Animaux, 18. Cœurs ou cerises heaumées, De Serres. Baise moy donc, mon cœur [m'amie], car j'aime mieux Ton seul baiser, que si quelque deesse…, Ronsard, 109. J'aime de tout mon cœur, je veux aussi qu'on m'aime, Ronsard, 254. Ils sont toujours après pour lui [à la jeunesse] faire apprendre par cueur (ainsi parlent-ils) ce que les livres disent…, Charron, Sagesse, I, 14. Il a eu le cœur de ce faire, Pasquier, Recherches, liv. VIII, p. 675, dans LACURNE. Estant allé à Bergame, il trouva son maistre qu'il salua joyeusement ; et le maistre luy rendit le salut en disant : que dit le cœur [comment va la santé] ? Nuits de Straparole, t. I, p. 258, dans LACURNE. Sans davantage nous tuer le cœur et le corps, ib. t. II, p. 386. Prenez vostre cœur à autruy, Oudin Cœur content, et manteau sur l'espaule, Cotgrave Le cœur fait l'œuvre, et non pas les grands jours, Cotgrave Le cœur ne veut douloir ce que l'œil ne peut voir, Cotgrave À cœur dolent, l'œil pleure, Cotgrave À povre cœur petit souhait, Cotgrave Belle chere, et cœur arriere [semblant d'amitié, sans que le cœur y soit], Cotgrave Qui n'a cœur [mémoire] ait jambes, Cotgrave Le cœur me dit qu'il faut que je meure, l'Amant ressuscité, p. 533, dans LACURNE. Au tresor gist le cœur, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 233. Bruler ne peut cueur Qui par venin meurt, Leroux de Lincy, ib. p. 254. Cœur blessé ne se peut ayder, Leroux de Lincy, ib. p. 275. Cœur de verre, cœur loyal et ouvert, Leroux de Lincy, ib. Quand bien vient, cœur fault, Leroux de Lincy, ib. p. 377. Item plus, est necessaire de sçavoir tout de cueur la multiplication d'une chascune des dix figures par soy mesme et aussi par une chascune des aultres, De Laroche, Arismetique, f° 8, verso.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CŒUR. Ajoutez :
23Une personne objet de tendresse. Je craignais encore Mme de Caylus, sa nièce [de Mme de Maintenon], son goût et son cœur, qui la connaissait parfaitement, Saint-Simon, t. VIII, p. 225, édit. Chéruel.
24 Terme de turf. On dit qu'un cheval manque de cœur, quand il ne fait pas son possible pour triompher.
25Cœur vert, espèce d'arbre. Le mora (mora excelsa) et le cœur vert (hectandra Rodeii) de la Guyane anglaise, Rev. Britann. fév. 1876, p. 283.
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France Terme

Partie d'un réacteur nucléaire à fission dans laquelle est placé le combustible nucléaire et qui est agencée de manière à permettre une réaction de fission en chaîne.

Notes : Dans le langage professionnel, le terme « cœur » désigne aussi la quantité de combustible nucléaire pouvant être contenue dans cette partie.

FranceTerme, Délégation générale à la langue française et aux langues de France

Étymologie de « cœur »

(1048) Du moyen français coeur, de l’ancien français cuer, coer, quer, quor, du latin cor, génitif cordis (« cœur, estomac »), de l’indo-européen commun *ḱḗr (« entrailles »). Apparenté à l’anglais heart ou l’allemand Herz, au grec ancien καρδία, kardía (« cœur »)[1], qui a donné de nombreux dérivés en « cardio- ».
Étymologiquement parlant, on fait donc référence à une très ancienne origine du mot quand on dit que l’on a « mal au cœur » et que l’on désigne par là un ventre récalcitrant ou un estomac écœuré.
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Bourguig. coeu ; picard (environs d'Amiens), tcheur ; provenç. cor ; ital. cuore ; du latin cor, cordis ; allem. Herz ; angl. heart ; goth. hairtô ; gaél. chridhe ; sanscrit, hrid. Cœur a pris le sens de mémoire, parce qu'il s'est étendu à l'âme tout entière ; et l'on voit nettement comment il l'a pris, dans cette phrase provençale : En vostre cor devetz saber que tuit li adjectiu… [en votre cœur devez savoir que tous les adjectifs…], Gramm. provençales, publiées par GUESSARD, p. 78. Dans l'ancien français, au nominatif singulier li cuers, au régime le cuer ; au nominatif pluriel li cuer, au régime les cuers. Du reste, cuer se prononçait cœur.

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Phonétique du mot « cœur »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
cœur

Évolution historique de l’usage du mot « cœur »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « cœur »

  • Femme nue, femme noireVêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux.Et voilà qu’au cœur de l’Été et de Midi, je te découvre Terre promise, du haut d’un haut col calcinéEt ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.Femme nue, femme obscureFruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma boucheSavane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’EstTam-tam sculpté, tam-tam tendu qui grondes sous les doigts du VainqueurTa voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée.Femme nue, femme obscureHuile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du MaliGazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peauDélices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moireA l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.Femme nue, femme noireJe chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’ÉternelAvant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
    Léopold Sédar Senghor —  Chants d’ombre
  • Dès ce jour, elle fut non pas la bien-aimée, mais la plus aimée ; elle ne fut pas dans mon cœur comme une femme qui veut une place, qui s’y grave par le dévouement ou par l’excès du plaisir ; non, elle eut tout le cœur, et fut quelque chose de nécessaire au jeu des muscles ; elle devint ce qu’était la Béatrix du poète florentin, la Laure sans tache du poète vénitien, la mère des grandes pensées, la cause inconnue des résolutions qui sauvent, le soutien de l’avenir, la lumière qui brille dans l’obscurité comme le lys dans les feuillages sombres.
    Honoré de Balzac — Le lys dans la vallée
  • L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au cœur.
    Marcel Proust — À la recherche du temps perdu, la Prisonnière , Gallimard
  • En France, les peines d'argent durent plus longtemps que les peines de cœur et se transmettent de génération en génération.
    Marcel Aymé — Silhouette du scandale, Le Sagittaire
  • Femme nue, femme noireVétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beautéJ’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeuxEt voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calcinéEt ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigleFemme nue, femme obscureFruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma boucheSavane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’EstTamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueurTa voix grave de contralto est le chant spirituel de l’AiméeFemme noire, femme obscureHuile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du MaliGazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or rongent ta peau qui se moireA l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.Femme nue, femme noireJe chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’EternelAvant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
    Léopold Sédar Senghor — « Femme noire »
  • Mon cœur, lassé de tout, même de l'espérance N'ira plus de ses vœux importuner le sort.
    Alphonse de Prât de Lamartine — Premières Méditations poétiques, le Vallon
  • […] Un cœur n'est juste que s'il bat au rythme des autres cœurs.
    Eugène Grindel, dit Paul Eluard — Poèmes retrouvés, Ce que l'Amérique doit entendre , Gallimard
  • Ne blâmez point doncques* notre jeunesse Car noble cœur ne cherche que soulas**.
    Clément Marot — Ballade des enfants sans souci
  • Le cœur humain de qui ? le cœur humain de quoi ? Celui de mon voisin a sa manière d'être ; Mais, morbleu ! comme lui, j'ai mon cœur humain, moi !
    Alfred de Musset — Premières Poésies, Namouna
  • Vous avez l’air de croire que la victoire est désormais promise à la France, je le souhaite de tout mon cœur, vous n’en doutez pas. Mais enfin depuis qu’à tort ou à raison les Alliés se croient sûrs de vaincre (pour ma part je serais naturellement enchanté de cette solution mais je vois surtout beaucoup de victoires sur le papier, de victoires à la Pyrrhus avec un coût qui ne nous est pas dit) et que les Boches ne se croient plus sûrs de vaincre, on voit l’Allemagne chercher à hâter la paix, la France à prolonger la guerre (…)
    Marcel Proust — À la recherche du temps perdu
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Traductions du mot « cœur »

Langue Traduction
Anglais heart
Espagnol corazón
Italien cuore
Allemand herz
Chinois
Arabe قلب
Portugais coração
Russe сердце
Japonais ハート
Basque bihotza
Corse core
Source : Google Translate API

Antonymes de « cœur »

Combien de points fait le mot cœur au Scrabble ?

Nombre de points du mot cœur au scrabble : 5 points

Cœur

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