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Air

Variantes Singulier Pluriel
Masculin air airs

Définitions de « air »

Trésor de la Langue Française informatisé

AIR1, subst. masc.

I.− Fluide gazeux, invisible, inodore, pesant, compressible et élastique, qui entoure le globe terrestre et dont la masse forme l'atmosphère; un des quatre éléments de la physique ancienne.
A.− Gén. au sing. L'air en tant que milieu naturel.
1. L'air en tant qu'il est respiré :
1. ... j'ai respiré ces airs tièdes et énergiques des vagues et des glaciers; rien n'a pu me rendre cette jeunesse flétrie dans mon cœur, bien que sur ma figure elle trompe encore quelquefois mes propres yeux. A. de Lamartine, Raphaël,1849, p. 174.
2. L'air agit chimiquement sur le contenu de la graine et le rend propre à servir de nourriture première à la plante. Toute graine enfouie trop profondément est privée du contact de l'air, elle pourrit et ne germe pas. Les graines doivent être assez recouvertes pour être maintenues humides, et assez peu pour rester sous l'influence de l'air. Gressent, Traité complet de la création des parcs et des jardins,1891, p. 694.
3. Ces cellules se laissent traverser par l'oxygène de l'air, et par l'acide carbonique du sang veineux (...) L'air atmosphérique, avant de les atteindre, traverse le nez, l'arrière-gorge, le larynx, la trachée, et les bronches où il s'humidifie et se débarrasse des poussières et des microbes qu'il transporte avec lui. Mais cette protection naturelle est devenue insuffisante depuis que l'air des villes a été pollué par les poussières du charbon, les vapeurs d'essence, et les bactéries libérées par la foule des êtres humains. A. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 78.
Rem. Syntagmes fréq. un air automnal, brumeux, chaud, débilitant, empesté, ensoleillé, frais, froid, glacé, humide, impur, insalubre, irrespirable, limpide, lumineux, malsain, marécageux, marin, maritime, moite, nauséabond, pestilentiel, pluvieux, pollué, printanier, pur, rafraîchi, raréfié, sain, salin, salubre, vicié, vif, vivifiant, volcanique... (L'adj. est toujours postposé sauf dans qq. syntagmes comme bon air, grand air, mauvais air); l'air de la campagne, des champs, des cimes, de cristal, du jour, du matin, de la mer, des montagnes, de la nuit, du soir...; la douceur, la griserie, l'inclémence, la langueur, la limpidité, la moiteur, la pureté, la salubrité de l'air ...; l'action, l'altération, la décomposition, l'exhalaison, l'expiration, l'insufflation, l'ionisation, la pesanteur, la pression, la respiration de l'air ...; aspirer, exhaler, expirer, expulser, insuffler de l'air, manquer d'air, renouveler l'air ...; le volume d'air; l'air se dilate, se réchauffe...
Locutions
a) Le bon air. L'air pur et sain :
4. − Il ne faudra pas travailler aujourd'hui, chéri... Nous prendrons un jour de vacance, au bon air... Ça te remettra... Veux-tu? R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 115.
P. oppos. Air confiné. ,,L'air des enceintes dans lesquelles séjournent des êtres vivants, et qui se trouve par conséquent plus ou moins vicié.`` (Littré).
b) Prendre, aspirer un(e) bol(ée) d'air, faire une cure d'air. Aller dans un lieu où l'air a une valeur curative :
5. Malgré la gêne monétaire où vivait le ménage, MmeMéridier trouva le moyen de fournir à la petite Jacqueline la cure d'air à la montagne dont elle avait besoin. J. Malègue, Augustin ou le Maître est là,t. 1, 1933, p. 193.
c) Littér. D'air. Léger, transparent. L'air en tant que transparent et interprété comme symbole de l'inconsistance, voire de l'inexistence d'une chose :
6. Ce que vous me dites des toilettes modernes me réjouit. Je me prépare à voir nos belles dames habillées d'air. Ainsi s'habillait une princesse de Kandahar, à qui son père reprochait d'être trop décolletée. P. Mérimée, Lettres à Madame de Beaulaincourt,1870, p. 42.
7. Il [un homme] m'a si peu sentie, si peu devinée, que j'ai eu l'impression d'être (...) le fantôme d'air qu'il allait traverser. Colette, L'Entrave,1913, p. 2.
2. L'air en tant qu'il circule et se meut autour des hommes et des choses (air a un sens voisin de vent) :
8. ... il se croyait à la campagne; et un rhume de cerveau lui apporta, comme un « coup d'air » pris dans un wagon où la glace ferme mal, l'impression délicieuse qu'il avait vu du pays; ... M. Proust, À la recherche du temps perdu,Le Côté de Guermantes 1, 1920, pp. 9-10.
9. La brume monte peu à peu au flanc des pâturages, jusqu'à ce que la lente oscillation de l'air la repousse à mi-côte. G. Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1471.
Rem. Syntagmes fréq. appel, bouffée, chasse, coup, courant, déplacement, filet, onde, retour, ride, souffle, vague, vibration d'air...; caresse, morsure, mouvement, roulis, tremblement de l'air...
Locutions
a) MAR. Air de vent (cf. aire* de vent).
b) Se mettre entre deux airs. Se mettre dans un courant d'air :
10. − Mon cher maréchal! cria-t-elle en l'accompagnant au perron, levez les glaces, ne vous mettez pas entre deux airs, faites cela pour moi!... H. de Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 301.
c) Donner de l'air. Aérer absol. : de l'air. S'emploie pour réclamer l'aération d'une pièce, d'un appartement, d'un local quelconque :
11. dona lucrezia, éperdue. − On étouffe ici! De l'air! De l'air! J'ai besoin de respirer un peu! V. Hugo, Lucrèce Borgia,1833, II, part. 1, 3, p. 89.
d) Se donner de l'air :
12. Elle dut écarter le haut de sa robe pour se donner de l'air. H. Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 122.
e) Fam. Le fond de l'air :
13. Il s'indignait ou se gaussait d'expressions comme : « le fond de l'air ». Qu'y faire? L'expression a raison contre lui; elle exprime excellemment ce qu'elle a mission d'exprimer; et, lorsque sa mère lui disait : « Mon enfant, couvre-toi; le fond de l'air est froid », elle entendait par là qu'il ne se fallait point fier à la température des endroits abrités où le soleil avait pu quelque peu tiédir l'air, mais qu'en lieux découverts où, dès qu'un souffle s'élevait, etc... En trente mots je parviens mal à exprimer ce que raconte si simplement cette banale phrase. A. Gide, Journal,1910, p. 311.
f) Vx. Un air de feu. Souffle d'air chaud près du feu :
14. Nous pendant ce temps, nous n'étions pas là, nous étions restés dehors à nous chauffer avec les gens de peu, un petit air de feu ne fait pas mal par ces temps humides et frissonnants du mois de mars. P. Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 37.
g) Proverbialement, p. compar. Être libre comme l'air. Être libre d'aller où l'on désire, de faire ce que l'on veut sans entrave, sans rien qui retienne :
15. Mais, en vérité, ce n'est pas là votre situation, vous n'êtes pas prisonnier, par Dieu! Vous êtes libre comme l'air. A. de Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 159.
3. L'air en tant qu'élément extérieur aux habitations.
Loc. fréq.
a) (Exposé) à l'air (p. oppos. à enfermé, recouvert ...) :
16. Elle était dorée comme le blé mûr, fonçant à la nuque, aux reins, aux aisselles, couleur de brique aux bras et aux jambes, si souvent exposés à l'air, couleur de feu sur l'étroit rectangle décolleté par sa tunique de sport et qui avait reçu, comme son nez, un coup de soleil. H. de Montherlant, Le Songe,1922, pp. 43-44.
b) Vivre à l'air. Vivre au sein de la nature :
17. Presque nu, sans sabots, avec un morceau de pain noir, il garde une vache ou des oies, il vit à l'air, il joue. Les travaux agricoles auxquels on l'associe peu à peu, ne font que le fortifier. J. Michelet, Le Peuple,1846, p. 92.
c) À l'air libre (var. dans l'air libre, en air libre). Être, sortir à l'air libre. Être dehors, généralement après avoir été enfermé :
18. Pourtant je suffoquais un peu, habitué que j'étais, je l'ai dit, à ne me sentir bien qu'en air libre, oppressé par l'atmosphère factice de ce lieu. A. Gide, Thésée,1946, p. 1439.
d) Prendre l'air. Sortir hors de chez soi, aller se promener. Se dit aussi de substances qui ont été altérées par le contact avec l'air :
19. Voilà! Je comptais cet été sur un peu d'argent pour prendre l'air. G. Flaubert, Correspondance,1861, p. 456.
e) Le grand air. S'emploie surtout dans les expr. Vivre au grand air, aller au grand air. Vivre dehors, au contact de la nature, là où l'air est supposé pur et vivifiant :
20. Parmi toutes ces figures brunes, hâlées par le grand air et le soleil, sa figure était la plus brune et la plus hâlée; ses vêtements montraient de nombreuses cicatrices; un plan de son gilet de laine déchiré lui retombait sur l'épaule; des mocassins avaient remplacé ses bottes de printemps. L. Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 84.
f) Au plein air, en plein air. Au sein de la nature, hors d'une habitation :
21. Hélas! Le malheureux n'a jamais en d'enfance; Il n'a pas grandi libre et joyeux en plein air, Au murmure des pins, sur le bord de la mer; ... A. Brizeux, Marie,1840, p. 12.
Emploi subst. Le plein-air. Lieu où l'on pratique un sport en plein air :
22. Je ferme les yeux et tout cela reprend vie, ce petit matin percé de bruine, cette solitude, ce silence, cette fille qui n'était plus fraîche courant dans ce plein-air désolé. H. de Montherlant, Les Olympiques,1924, p. 286.
Néol. Sports qui sont pratiqués en plein air. Une séance de plein air.
MUS. Orchestre de plein air, musique de plein air :
23. Nota. La prétention de substituer l'Harmonie à l'orchestre symphonique est loin de notre pensée. (...) Mais qu'il nous soit permis d'affirmer qu'un orchestre de plein air comme celui que nous préconisons peut produire une impression profonde sur un auditoire non prévenu. T. Dureau, Instrumentation et orchestration,1905, p. 7.
PEINT. École de peinture :
24. Depuis le salon des refusés, l'école du plein air s'était élargie, toute une influence croissante se faisait sentir; malheureusement, les efforts s'éparpillaient, les nouvelles recrues se contentaient d'ébauches, d'impressions bâclées en trois coups de pinceau; et l'on attendait l'homme de génie nécessaire, celui qui incarnerait la formule en chefs-d'œuvre. É. Zola, L'Œuvre,1886, p. 213.
B.− L'air en tant qu'espace au-dessus du niveau du sol.
1. En l'air :
25. On ne la fait pas, la guerre aux femmes, aux enfants? Vous ne le savez pas, qu'il en crève de faim et de froid des milliers tous les jours, là-bas? C'est plus loyal, peut-être, que de foutre un paquebot la quille en l'air? M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 320.
Rem. Assoc. les plus fréq. jeter, regarder, sauter, tirer en l'air...
CHORÉGR. Dégagé en l'air.
TOURNAGE. Tour en l'air, tournage en l'air.
2. Lieu où volent les oiseaux et autres volatiles :
26. Des grives que le vent d'est amenait, des oiseaux de passage qui émigraient du nord au sud, traversaient l'air au-dessus du village et s'appelaient constamment, comme des voyageurs de nuit. E. Fromentin, Dominique,1863, p. 10.
27. Et ce fut le soleil : la lumière qui donne tant d'aise au cœur, la belle lumière emplissant la lande, et là-haut les campagnes de l'air où se jouaient deux aigles. H. Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 250.
3. AVIATION
a) Espace aérien. Conquête de l'air, transport par air :
28. Une telle beauté d'héroïsme rayonnait du poète infirme, quand il évoquait les victoires de l'esprit, devancières d'autres victoires, la conquête de l'air, le « dieu volant » qui soulevait les foules et comme l'étoile de Bethléem, les entraînait à sa suite, extasiées, vers quels lointains espaces ou quelles revanches prochaines! R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1492.
Prendre l'air. Décoller :
29. Aucun avion de Vichy n'avait pris l'air jusqu'au milieu de la journée. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Appel, 1954, pp. 105-106.
Par l'air, (par les airs), ou de préférence par air. Par la voie des airs :
30. De telles bombes pourraient cependant se révéler trop lourdes pour le transport par air. B. Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 32.
Trou d'air. Espace où, passagèrement, l'air est moins dense :
31. Un remous ou un trou d'air précipita l'oiseau de toile. Alain, Propos,1931, p. 1035.
Mal de l'air. Malaises (nausées, vomissements, etc.) qui se manifestent chez certains passagers lorsqu'un avion est secoué par des mouvements analogues à ceux qui produisent le mal de mer.
Médecine de l'air. Partie de la médecine qui étudie les problèmes biologiques posés par le vol.
b) P. méton. Ministère de l'air, Armée de l'air, École de l'air, hôtesse de l'air.
Rem. 1. Syntagmes fréq. nappe d'air...; fendre l'air, les airs; flotter, planer, tournoyer, voler, voltiger dans l'air, dans les airs. 2. Le plur. les airs est littér. :
32. Ainsi quand deux esprits, errants au sein des airs, Ont vomi la tempête et soulevé les mers (...), Tranquilles au-dessus et des vents et des flots, Sur leur char nébuleux ils goûtent le repos. P.-M.-F.-L. Baour-Lormian, Ossian,La Bataille de Témora, 1827, p. 168.
33. Le garde sourit, et, semblable à une flèche aiguë décochée d'un arc mogol, notre homme fendit de nouveau les airs en rasant les boutiques. A. de Musset, «Le Temps» en 1830 et 1831, 1831, p. 60.
4. L'air en tant qu'il amortit. Coussin d'air, matelas d'air, boudin d'air :
34. Les salves venaient de loin, étouffées, à cause des murs, du matelas d'air; entre elles et moi, la nuit, il y avait ce petit chahut de cuivre à droite, à gauche, tout autour. Mon vieux, je sentais l'étendue de la prison à l'éloignement du son des sous. A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 624.
C.− Au sing., SC. et TECHN.
1. [Accompagné d'un adj. déterminatif]
a) Vx. Air sert à désigner divers gaz particuliers. Air fixe (gaz carbonique), air inflammable (hydrogène), air méphitique (azote), air vital, air pur ou déphlogistiqué (oxygène).
b) Air sert à désigner l'air obtenu après diverses transformations industrielles.
Air brûlé. Air ayant passé sur les foyers de combustion.
Air comprimé :
35. ... la seule préparation de l'air comprimé destiné à la transmission de force se traduit, dans les conditions ordinaires de l'industrie minière, par une perte initiale d'un tiers de l'énergie motrice... J.-N. Haton de La Goupillière, Cours d'exploitation des mines,1905, p. 531.
36. Les autobus démarraient plus vite, grimpaient mieux les côtes, fréquentes en cette ville de collines. Les tramways électriques, les derniers tramways à air comprimé ou à vapeur trouvaient devant eux de longs morceaux de voie libre. J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 204.
Air inactif :
37. ... pour cela on y fait le vide, et on laisse ensuite rentrer de l'air inactif séché et filtré. MmeP. Curie, Traité de radioactivité,t. 1, 1910, p. 287.
Air liquide. Liquide bleu pâle obtenu en liquéfiant l'air et contenant principalement de l'oxygène liquide et de l'azote liquide.
Air ozoné ou ozone :
38. La préparation industrielle de l'ozone, ou mieux de l'air ozoné, s'effectue exclusivement par l'action de l'effluve; ... Ch.-A. Wurtz, Dict. de chimie pure et appliquée,2esuppl., t. 3, 1892-1908, p. 439.
Air secondaire :
39. Il est [le jour] chauffé par combustion de gaz de gazogènes dans de l'air secondaire réchauffé à 700odans des appareils Cowper. L. Guillet, Traité de métallurgie générale,1923, p. 14.
Rem. 1. Parfois air est suivi d'un compl. de n. introd. par la prép. de, qui spécifie la fonction industrielle de l'air. Mécan. air d'injection... :
40. ... il faut que l'air de balayage introduit dans le cylindre [du moteur] agisse (...) à la manière d'un piston qui refoule devant lui les gaz... P. Dumanois, Moteurs à combustion interne,1924, p. 230.
Rem. 2. Théâtre, bande d'air :
41. On appelle bande d'air, plafond ou frise ces parties de décor qui réunissent à chaque plan les extrémités supérieures des châssis et qui sont destinées à arrêter les regards du spectateur. G. Moynet, La Machinerie théâtrale,Trucs et décors, 1893, p. 67.
2. [Comme compl. de n.]
a) Air sert à former des syntagmes désignant des engins fonctionnant à l'aide de l'air (prép. à).
MÉD. Dans le fonctionnement d'instruments de chirurgie ou dans les pansements faits aux malades :
42. Gynécologie (...) Pessaire à air de Gariel. Collin, Catalogue d'instruments de chirurgie,1935, p. 295.
MUS. Dans la construction et le fonctionnement d'instruments de musique :
43. ... harmoniums (...) à air refoulé (à la française) ... Catalogue Kasriel (musique), 1936, p. 3.
Rem. 1. Autres syntagmes bateau à air; chambre à air; cloche à air; condensateur à air; écluse à air; insufflateur à air chaud; machine frigorifique à air; manomètre à air; pompe à air; sas à air; thermomètre à air; carabine, émulseur, locomotive, manomètre, moteur, pilon, pistolet, traction à air comprimé... 2. Lorsque air est déterminé par l'art. le, la prép. est normalement par :
44. ... on a (...) dans une partie de l'étuve un chauffage par l'air, et, dans l'autre partie, un chauffage par la fumée. L. Ser, Traité de physique industrielle,t. 2, 1890, p. 433.
b) Air sert à former des syntagmes désignant des appareils ayant pour objet de traiter l'air (prép. de). Aspirateur d'air, chambre d'air, cloche d'air, éjecteur d'air.
II.− Au fig.
A.− [Les différents emplois analysés sous A 1 et A 2 notamment se prêtent à des emplois fig. variés]
1. Air (milieu physique). Climat affectif, moral :
45. Un souffle d'épouvante, un air chargé de deuil Plane autour du croisé qui ne prie et ne chasse, Et qui s'est clos, vivant, dans ce morne cercueil. Ch.-M. Leconte de Lisle, Poèmes tragiques,Le Lévrier de Magnus, 1886, p. 115.
46. Il voyait une saine et libre nature, opprimée, qui se débattait contre ses chaînes, qui aspirait à une vie franche, large, au plein air de l'âme, et puis, qui en avait peur, qui combattait ses instincts, parce qu'ils ne pouvaient s'accorder avec sa destinée et qu'ils la lui rendaient plus douloureuse encore. R. Rolland, Jean-Christophe,Le Buisson ardent, 1911, p. 1406.
47. L'indécis est un anémié psychique qu'il faut sortir au grand air de l'action. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 418.
2. Air (vent qui circule).
LITTÉRATURE :
48. Il y a tant de dialogues que cela ressemble à du théâtre, mais c'est ainsi que le livre s'est présenté à moi. Je ne veux à aucun prix l'alourdir d'explications. La page trop dense m'ennuie. Il faut qu'il y ait de l'air. J. Green, Journal,1949, p. 251.
MUS. [En parlant d'un morceau de mus.] :
49. On pense « harmonies » on oublie « harmoniques » (...) Cet oubli crée dans l'œuvre un manque d'air, un manque de fluidité et de résonances... G. Migot, Lexique de quelques termes utilisés en musique,1935, p. 83.
PEINT. ,,Atmosphère dans laquelle les figures représentées sur un tableau semblent se mouvoir. On dit qu'une toile manque d'air pour indiquer que la figure paraît plaquée sur la toile et qu'elle ne peut donner l'illusion de la réalité.`` (J. Adeline, Lexique des termes d'art, 1884) :
50. Au fond de la scène, par la croisée d'où s'épand le jour, l'œil aperçoit la maison d'en face, les grandes lettres d'or que l'industrie fait ramper sur les balustres des balcons, sur l'appui des fenêtres, dans cette échappée sur la ville. L'air circule, il semble que le lourd roulement des voitures va monter avec le brouhaha des passants battant le pavé, en bas. C'est un coin de l'existence contemporaine, fixé tel que. Le couple s'ennuie, comme cela arrive dans la vie, souvent; une senteur de ménage dans une situation d'argent facile, s'échappe de cet intérieur. M. Caillebotte est le peintre de la bourgeoisie à l'aise, du commerce et de la finance, pourvoyant largement à leurs besoins, sans être pour cela très riches, habitant près de la rue Lafayette ou dans les environs du boulevard Haussmann. J.-K. Huysmans, L'Art moderne,1883, p. 111.
B.− Emplois fig. de diverses loc.
1. Battre l'air. ,,Agir inutilement.`` (J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage, 1813, p. 6).
2. Dans l'air (qqc. est dans l'air). [En parlant d'une idée, d'un événement, etc. qu'un gd nombre d'esprits s'attend à voir prendre corps] La révolution était dans l'air (Ac. t. 1 1932); Il y a de l'orage, de la bagarre dans l'air ... :
51. Il y avait dans l'air de cette époque une foule d'idées à l'état nébuleux, de problèmes à l'état d'espérances, de générosités en mouvement qui devaient se condenser plus tard et former ce qu'on appelle aujourd'hui le ciel orageux de la politique moderne. E. Fromentin, Dominique,1863, p. 246.
52. Le jeune homme d'alors, séduit aux enchantements de poètes purs et maudits, hésitant sur le seuil de cette littérature inquiétante dont tout le monde lui enseignait les périls et lui dénonçait les folies, pressentait dans l'air de son temps cette excitante émotion, cette disposition intime que l'on éprouve au concert cependant que l'orchestre s'essaie, et que chaque instrument cherche pour soi-même, et pousse librement sa note. P. Valéry, Variété 4,1938, p. 18.
3. Donner de l'air. Rajeunir :
53. Même un paralysé atteint d'agraphie après une attaque (...) aurait compris que Mmede Cambremer appartenait à une vieille famille où la culture enthousiaste des lettres et des arts avait donné un peu d'air aux traditions aristocratiques. M. Proust, À la recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 945.
Se donner de l'air. Se libérer :
54. [Jean]. − Manassé n'est pas au théâtre? − Il se donne de l'air. Je crois qu'il flirte avec la nouvelle figurante... L. Daudet, Médée,1935, p. 141.
4. En l'air.
a) Être en l'air.
[En parlant d'une armée, d'un régiment ...] (Être) sans appui, sans protection :
55. Toute la soirée, M. de Vineuil avait paru très inquiet (...). Il sentait son régiment en l'air, trop en avant, bien qu'il eût reculé déjà... É. Zola, La Débâcle,1892, p. 203.
Dans la lang. cour. Se sentir en l'air, rester en l'air. (Être) sans résultat :
56. ... c'est qu'aujourd'hui, dans ce soir d'été, convaincu de ses échecs de politique et d'amour, se sentant de toutes parts « en l'air », auprès de sa mère encore il se retrouve tout naturellement... M. Barrès, Leurs figures,1901, p. 299.
P. ext. Inachevé :
57. C'est [le manque d'un dessein suivi] ce qui donne au romantisme son caractère « en l'air », d'inachèvement et de transports (...) pour rien. L. Daudet, Études et milieux littéraires,1927, p. 7.
b) (Parler de qqc.) en l'air, (accuser qqn) en l'air. Sans appui dans la réalité, sans fondement. Paroles, contes, promesses en l'air :
58. Et il ne l'accusait pas en l'air, il donnait des preuves, publiant très haut le souvenir de ses propres entretiens avec Saint-Cyran, toutes ces extravagances, auxquelles il trouvait jadis un sens orthodoxe, ou qu'il se refusait de prendre au sérieux. H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 4, 1920, p. 79.
Subst. + en l'air.Sans solidité :
59. − Isabelle, vous perdez la tête! Comment vous iriez vous enfermer, là-bas, dans cette vieille maison?... C'est une idée en l'air, je l'espère bien! P. Reider, Mademoiselle Vallantin,1862, p. 33.
Tête en l'air. Personne très étourdie.
c) [En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] En émoi, en ébullition :
60. Toute la Suisse fut en l'air. Les messieurs de Berne, de Fribourg, de Soleure, qui se doutaient bien qu'on en voulait à leurs écus, au lieu de renoncer à de vieux privilèges sur d'autres cantons, firent marcher des troupes contre nous. Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 457.
d) Locutions
IMPR. En l'air. ,,Appel du linotypiste pour signaler au mécanicien que la distribution de sa machine est arrêtée.`` (Chautard 1937).
Avoir un pied en l'air. Attendre :
61. Il serait dangereux de laisser trop longuement à tout ce monde-là le pied en l'air. P. Claudel, Le Soulier de satin,1944, II, 1, p. 1043.
Tirer en l'air. ,,Habler, se vanter, mentir avec audace.`` (J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage, 1813, p. 6).
Fam. Jeter, envoyer, ficher, flanquer qqc. en l'air. Le détruire, y renoncer :
62. Ce lettré qui a pris tous ses grades, jette volontiers en l'air son bonnet de docteur... A. France, La Vie littéraire,t. 2, 1890, p. 172.
Pop. Foutre en l'air. Même sens :
63. Je n'ai pas envie que ce bougre de sans-soin aille foutre tout en l'air! P. Claudel, Protée,2eversion, 1927, I, 5, p. 375.
Cracher en l'air pour que cela vous retombe sur le nez. Faire une action qui se retourne contre son auteur.
Arg. Envoyer, flanquer, foutre, mettre en l'air. Cambrioler, tuer :
64. C'que je comprends pas, c'est l'entrée des caracos dans le cirque [dans l'intrigue]! Et pourquoi ils l'ont mis [Riton] en l'air de cette façon [en le torturant]? A. Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 170.
Rem. Mettre en l'air signifie aussi « mettre en désordre ».
Foutre les tripes en l'air. Tuer :
65. Je veux les voir, les roussins!... Je leur fouterai les tripes en l'air... Je veux leur manger le cœur. O. Méténier, La Lutte pour l'amour,Études d'argot, 1891, p. 207.
Metteur en l'air. Assassin.
Monte-en-l'air. Voleur par escalade.
Être en l'air. Être sans argent.
5. Fendre l'air :
66. Fendre l'air, s'enfuir avec vîtesse, disparoître tout-à-coup à la vue. Il fend l'air, se dit aussi par hyperbole d'un homme vaniteux et hautain, qui prend un ton bien au-dessus de sa condition. J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage,1813, p. 6.
6. Mettre à l'air. Faire montre de quelque chose avec ostentation :
67. Césaire, très bavard, très galant, mit toutes ses grâces à l'air pour éblouir la Parisienne. A. Daudet, Sapho,1884, p. 108.
Région. Sous la forme ,,mettre à l'ar [= air], ébruiter, divulguer.`` (Verr.-On. t. 1 1908, p. 45).
7. Prendre l'air du bureau. ,,Ce qui paraît en bien ou en mal des sentiments, des dispositions de ceux à qui l'on a affaire. J'allai prendre l'air du bureau et je m'aperçus qu'il m'était contraire.`` (Ac. t. 1 1932) :
68. Les musiciens sont mieux traités à mon avis. Les deux dernières années de leur pension, ils les passent à Paris... Ils peuvent, comme on dit, prendre l'air du bureau... P. Mérimée, Mélanges historiques et littéraires,1855, p. 339.
8. Vivre de l'air du temps. Être dans la misère, sans argent pour subsister :
69. Il peut tenir à ses richesses, à ses gratifications et d'ailleurs il le faut bien, puisqu'il a de nombreuses charges et qu'un poète ne vit pas de l'air du temps. R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 310.
9. Loc. pop. et arg.
a) Fam. Avoir un courant d'air dans la cervelle. Ne pas savoir ce que l'on dit, ce que l'on fait :
70. Dieu, que je suis sotte! Voulez-vous ne pas pleurer? Comme si ça comptait, ce que je dis! Vous savez bien, enfant battue, que Claudine a un courant d'air dans la cervelle... Colette, Claudine s'en va,1903, p. 51.
b) De l'air! S'emploie pour inviter à partir une personne dont la présence n'est pas souhaitée :
71. Locution usitée pour (...) inviter le contradicteur à disparaître de votre vue (...) Tes salades, j'en ai quine... de l'air! A. Simonin, Le Petit Simonin illustré,Dict. d'usage, 1957, p. 22.
c) Un nom à courants d'air. Un nom long, compliqué et généralement à particule :
72. Il doit s'agir de faits assez graves, car la bonne dame, qui porte un nom à courant d'air, − entre parenthèses, − m'a écrit une lettre angoissée et pleine de réticences. P. Bourget, Nos actes nous suivent,1926, p. 139.
d) Se déguiser, se transformer en courant d'air. S'enfuir se sauver :
73. Si tu lui proposes de tirer les conséquences de ce qu'il dit, il prétend qu'il est d'accord naturellement pour ne pas avoir l'air de se dégonfler, mais dès que tu as le dos tourné, il se transforme en courant d'air : j'en ai fait dix fois l'expérience. J.-P. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, pp. 261-262.
e) Se donner de l'air, jouer la fille de l'air, se pousser de l'air. Se sauver :
74. Il s'agit de se donner de l'air (de se sauver [de Pontanezen, dépôt préalable du bagne de Brest]). Tout est préparé. Raban, Marco Saint-Hilaire, Mémoires d'un forçat, ou Vidocq dévoilé,t. 1, 1828-1829, p. 164.
f) Prendre de l'air. S'en aller, s'esquiver.
g) Mettre de l'air dans l'estomac. Assassiner, tuer.
h) Manquer d'air. Manquer de courage, d'audace ou être déconcerté.
i) Pomper l'air. Ennuyer, importuner.
Rem. Dans la lang. pop. air peut prendre le genre fém., de même que air2et air3:
75. − L'air est malsaine ici, dangéreuse à respirer. M. Genevoix, Raboliot,1925, p. 163.
Prononc. − 1. Forme phon. : [ε:ʀ]. 2. Homon. et homogr. : air2, air3, aire, ère, erre verbe, erre subst., ers, hère, Aire n. propre géogr., R lettre. 3. Dér. et composés : airage, plein-air.
Étymol. ET HIST. − 1. 1119 « fluide gazeux, constituant l'atmosphère » (Ph. de Thaun, Comput. éd. Mall, 2802 ds T.-L. : la terre dedenz pent, L'airs tut entur s'estent); 2. 1275 « air en mouvement, vent » (Adenet Le Roi, Bueves de Commarchis, éd. A. Scheler, 786 ds T.-L. : Nus airs n'i puet venir de quel part que il vente). Du lat. aer, -eris (attesté dep. Ennius, Ann., 454 ds Oxford lat. dict., s.v., 69 a) au sens 1 dep. Pl., As., 99, ibid., 69 b : jubeas... me piscari in aere; au sens 2 ds Lucr., 5, 717, ibid. : cum primum... uiolentior aer puppibus incubuit.
BBG. − Andrieu (J.). L'Eau, la terre, l'air et le feu dans l'œuvre poétique de Lamartine (Thèse princ. Lettres. 1957.). − Bach.-Dez. 1882. − Bader-Th. 1962. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barber. 1969. − Baudr. Chasses 1834. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bernelle (A.). Les Quatre éléments : l'air. Vie Lang. 1959, no85, pp. 171-182. − Bible 1912. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Chautard 1937. − Chesn. 1857. − Daire 1759. − Delc. t. 1 1926. − Divin. 1964, p. 7. − Dub. Dér. 1962, p. 55. − Duval 1959. − Éd. 1913. − Électron. 1963-64. − Esn. 1966. − Fér. 1768. − Fromh.-King 1968. − Galiana Astronaut. 1963. − Galiana Déc. sc. 1968. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 88. − Grand. 1962. − Grimaud (F.). Petit glossaire du jeu de boules. Vie Lang. 1968, no191, p. 110. − Guilb. Aviat. 1965. − Jal 1848. − Lacr. 1963. − Lar. comm. 1930. − Lar. méd. 1970. − Lar. mén. 1926. − Littré-Robin 1865. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1814-20. − Prév. 1755. − Privat-Foc. 1870. − Réau-Rond. 1951. − Sc. 1962. − Soé-Dup. 1906. − Sommer Suppl. 1882. − Spitzer (L.). Essays on historical semantics. New York, 1948, pp. 257-262. − St-Edme t. 1 1824. − Uv.-Chapman 1956. − Will. 1831. − Zastrow (D.). Entstehung und Ausbildung des französischen Vokabulars der Luftfahrt mit Fahrzeugen ,,leichter als Luft`` (Ballon, Luftschiff) von den Anfängen bis 1910. Tübingen, 1963, pp. 171-172; p. 320, 394, 408, 413, 424, 426; pp. 465-466; p. 491, 501, 571.

AIR2, subst. masc.

A.− Apparence, comportement, attitude extérieure d'une personne (maintien, expression des traits ...).
Rem. Ce subst. (hormis les cas d'ell.) ne s'emploie que dans certaines conditions syntaxiques : il est obligatoirement suivi d'un adj., d'un subst. en fonction adjective, d'un compl. déterminatif, d'une prop. relative, ou, plus rarement, précédé d'un poss. ou d'un dém. Il sert à attribuer à une personne une certaine apparence, une manière d'être précisée par l'adj. ou le syntagme équivalent. Il a l'air bête signifie « il est apparemment bête ».
1. Air suivi d'un adj.
a) Un air, l'air, avec l'air, sous l'air ... + adj. :
1. La figure est brune, éveillée, coquette, le nez retroussé, les lèvres roses, le regard noir et droit, l'air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mmed'Humières, par exemple, avec sa bouche rose en cœur si sensuelle et tout humide. G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,Touraine et Bretagne, 1848, p. 183.
2. Non. Sous le faux air virginal Je vois l'être inepte et vénal, Mais c'est le rôle seul que j'aime. Ch. Cros, Le Coffret de Santal,Sonnet, 1873, p. 101.
3. Les hommes et les femmes sont si mauvais, si incorrigibles, que je marche toujours avec un petit air penché. J. Renard, Journal,1905, p. 1000.
b) Avoir, prendre l'air, un air ... + adj. :
4. Il [l'abbé] quitta instantanément son aspect bonhomme, et prit son air sacerdotal... G. de Maupassant, Une Vie,1883, p. 177.
5. − Mahaut n'a pas l'air bien portante. R. Radiguet, Le Bal du comte d'Orgel,1923, p. 163.
6. Ils avaient l'air tout à fait calmes et presque contents. A. Camus, L'Étranger,1942, p. 1163.
Rem. Syntagmes fréq. (avoir) l'air absent, agréable, attentif, fâché, honnête, hypocrite, indifférent, joyeux, maladif, moqueur, naïf, prétentieux, provocant, triste, ...
Loc. Avoir bel air, bon air, grand air. Avoir belle apparence, grande allure :
7. Une Madame de Pontcarré, dévote de bel air, qui s'était venue loger à Port-Royal, avait induit à ces dépenses par un don de vingt-quatre mille livres qui n'avaient servi qu'à payer les fondements. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 332.
8. Osez-vous bien dire que vous aimez autre chose qu'un beau cheval ou un habit bien fait et d'une couleur nouvelle qui vous donne bon air, le matin, en vous promenant au bois de Boulogne, ou le soir, dans votre loge, à l'Opéra, ou dans les coulisses? Stendhal, Lamiel,1842, p. 178.
9. Mais, parmi vos libérateurs, quel était ce jeune homme qui semblait diriger l'attaque, et qui a blessé Vallombreuse? Un comédien, sans doute, quoiqu'il m'ait paru de bien grand air et de hardi courage. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 445.
Rem. ,,Un homme du bel air, les gens du bel air, les gens du grand air, se dit de ceux qui veulent se distinguer des autres par des manières plus recherchées. Il est le plus souvent ironique.`` (Ac. t. 1 1932). Expr. auj. vieillies.
Avoir mauvais air. Avoir une allure inquiétante, une façon de se comporter peu recommandable.
c) Adj. dém. ou poss. + air + adj. :
10. C'est probablement à cet air féroce que les Valenciens doivent la réputation de mauvaises gens qu'ils ont dans les autres provinces d'Espagne. T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1845, p. 372.
11. ... [considérez ... les personnages] ... leur ligne irréprochable, leur air figé, leur expression de foi fixe et profonde... H. Taine, Philosophie de l'art,t. 2, 1865, p. 17.
d) D'un air, de son air + adj. :
12. ... mais il chantait si bien, en levant la tête vers le ciel d'un air désolé, que le froid m'entrait jusque dans les cheveux de l'entendre. Et comme il parlait de patrie, d'amante, de vieux père, je me levai tout pâle, et je sortis pour cacher mon trouble, parce que je pensais à Marguerite. Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, pp. 42-43.
13. Pierrette dit d'un petit air canaille : − J'espérais qu'il y aurait du champagne. R. Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 117.
Rem. 1. Accord au fém. ou au plur. : l'accord se fait en principe au masc. sing. Elle a l'air sot, elles ont l'air sot. Mais les ex. d'accord au fém. ou au plur. ne sont pas rares (cf. ex. 5, 6). Cette rem. vaut également pour B (cf. ex. 60). 2. Dans l'ex. suiv., l'adj. est employé en fonction d'attribut :
14. Néanmoins l'air de Lourdois n'était pas naturel, pensa-t-il, il y a quelque anguille sous roche. H. de Balzac, César Birotteau,1837, p. 230.
2. Air suivi d'un subst. (en fonction adjective) :
15. ... « cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur moi. J'aurai l'air misère comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée. » G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Parure, 1884, p. 456.
16. Elle baissa les paupières avant de répondre, avec un air un peu grande sœur, très fille-du-monde, qui signifiait : « Mais voyons, c'est une question qui ne se pose pas », ... H. de Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1358.
3. Air + compl. déterminatif
a) [Le compl. déterminatif est un subst. abstr.] :
17. Il y en avait de remarquablement belles : elles n'ont point cet air de douceur, de modestie timide et de langueur voluptueuse des femmes arabes de la Syrie; ... A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 12.
18. Il retenait longtemps dans son bureau les clients qui venaient le voir, parlait beaucoup, revenait sur un point déjà examiné comme pour racheter son air de jeunesse et son défaut d'expérience par la grâce d'une conversation aimable et une grande attention à chaque affaire. J. Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 159.
19. L'air de la réussite, quand il est porté d'une certaine manière, rendrait un âne enragé. A. Camus, La Chute,1956, p. 1514.
Rem. Syntagmes fréq. un air d'abattement, d'accablement, d'approbation, d'autorité, de bonté, de bravade, de béatitude, de candeur, de commisération, de compassion, de complaisance, de contentement, de conviction, de convoitise, de dissimulation, de dédain, de désapprobation, de détachement, d'extase, de fatuité, de fierté, de franchise, de fureur, de gaieté, d'humilité, d'impatience, d'incrédulité, d'indifférence, d'innocence, d'inquiétude, d'insouciance, de jovialité, de mécontentement, de moquerie, de mystère, de nonchalance, de négligence, de perfidie, de raillerie, de recueillement, de réprobation, de résignation, de satisfaction, de stupeur, de stupéfaction, de suffisance, de supériorité, de tristesse, ...
Loc. Air de famille, air de parenté, air de ressemblance :
20. Ghéon a pris un air de ressemblance avec le brave curé de Cuverville. A. Gide, Journal,1917, p. 627.
21. Nous nous regardions à la dérobée. Il y avait entre nous, me sembla-t-il, un air de parenté : quelque chose de pauvre, d'inquiet, d'humilié; une certaine défiance réciproque, aussi. G. Duhamel, Confession de Minuit,1920, p. 122.
22. − Entendons-nous : vous ne refuserez pas d'admettre qu'il puisse exister entre des individus plus ou moins liés par le même secret, les mêmes mensonges, une certaine ressemblance − ce que les bonnes gens appellent un air de famille! − L'air de famille, c'est tout, et ce n'est rien, ça échappe aux classifications ordinaires, il faut plus que de l'œil pour le reconnaître, un don ... une faculté. J'ai ainsi une vieille parente un peu folle qui repère jusqu'à des cousinages éloignés. G. Bernanos, Un Crime,1935, p. 845.
Rem. Le mot air peut simplement signifier « ressemblance entre deux personnes », cf. cet ex. : ,,Les enfants ont presque toujours l'air du père ou de la mère.`` (Nouv. Lar. ill.). De même avoir un faux air de qqn, « avoir quelque ressemblance avec lui ». Il a beaucoup de votre air (Ac. t. 1 1932).
b) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. non actualisé] :
23. Elle [la comtesse] ne répondit rien, et demeurait étendue dans sa voiture avec un air de reine irritée. G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, L'Inutile beauté, 1890, p. 1146.
PEINT., SCULPT. Un air de tête. ,,L'attitude d'une tête, la manière dont une tête est dessinée.`` (Ac. 1798-1932) :
24. − Je crois entendre ce que dit en ce moment ma mère, me répondit-elle en prenant l'air de tête qu'Ingres a trouvé pour sa mère de Dieu, cette vierge déjà douloureuse et qui s'apprête à protéger le monde où son fils va périr. H. de Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 307.
c) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. actualisé] :
25. Vraiment on a l'air d'un laquais, et non pas d'un amant. T. de Banville, Les Cariatides,Les Baisers de pierre, 1842, p. 63.
26. J'ai l'air d'un propriétaire d'écurie de courses, d'un cercleux, d'un vieux marcheur, Justin s'était pris à tourner autour de notre ami, l'œil mi-clos, la lèvre inférieure, qu'il avait grosse et fendue, avancée d'un air méditatif. − Mais non, mais non, disait-il. C'est parfait. Tu n'as pas l'air d'un grand-duc. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 26.
Loc. L'air de tous les jours, des mauvais jours :
27. Davis se présenta, prit son air des mauvais jours pour toucher la main que lui tendait l'ingénieur, puis dit à Grayson : − ils grognent là-dedans, mais ils ne démarrent pas. É. Peisson, Parti de Liverpool,1932, p. 76.
d) [Le compl. déterminatif est un nom propre]
28. ... son imagination et sa coquetterie furent intéressées à ce drôle de garçon qui, sans avoir aucun air de Paris, était assez vivant pour s'organiser un jeu si compliqué. M. Barrès, Les Déracinés,1897, p. 110.
e) [Le compl. déterminatif est un dém. antécédent d'une relative] :
29. Mais j'aimais mieux avoir l'air de celui qui sait que de celui qui questionne. M. Proust, À la Recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 1097.
f) [Le compl. déterminatif est un inf.]
De + inf. :
30. Je m'avançais vers elle et, modeste, ingénu : « Vous m'avez accordé cette valse, Madame? » J'avais l'air de prier n'importe quelle femme, Elle me disait : « oui », comme au premier venu. Sully Prudhomme, Les Vaines tendresses,Invitation à la valse, 1875, p. 160.
Locutions
Un air de ne pas y toucher :
31. Pauliet était habile et avec son air de n'y pas toucher il avait l'art de poser les questions. P.-J. Jouve, La Scène capitale,1935, p. 219.
Un faux air de + inf. :
32. Ce secrétaire était un jeune homme d'une trentaine d'années qui, derrière son bureau moisi, se donnait un faux air de sortir des Sciences po : rasoir strict. Col dur et cravate impeccable. R. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 165.
Rem. Avoir l'air + adv. ou loc. adv. mis pour avoir l'air d'être + adv. :
33. Elle cherche ses intonations en dedans, et sa physionomie prend un air « ailleurs »; ... J. Renard, Journal,1897, p. 394.
À + inf. :
34. Et lui présentant à la face une main mutilée, d'un air à épouvanter, il lui jeta le : « ton temps viendra! » de Chenerailles. H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 71.
g) [Compl. déterminatifs divers] :
35. Les invités se regardaient avec un air, comme des gens au chaud dans une maison au bord de la mer un soir de tempête, qui n'aiment pas penser aux tourbillons que fabrique la nuit. P. Nizan, La Conspiration,1938, p. 39.
L'air comme il faut. Attitude très convenable, très correcte :
36. Puis, derrière l'habilleuse, fermant le cortège, venait Satin tâchant d'avoir un air comme il faut et s'ennuyant déjà à crever. É. Zola, Nana,1880, pp. 1201-1202.
Un air à la mode :
37. Charles IV ne nous montre qu'un trait nouveau, le désir de paraître; c'est qu'il avait été élevé à la cour de France, et que les circonstances le forcèrent toute sa vie à vivre parmi les étrangers; or nous avons vu le caractère, l'art lorrains, toujours craintifs de paraître ridicules, prendre l'air à la mode. M. Barrès, Un Homme libre,1889, pp. 115-116.
Un air « sur les dents » :
38. ... et tout, de Magnin, l'intéressait : son absence d'aisance, son apparente distraction, son air « sur les dents », son aspect de contremaître supérieur (il était, en fait, ingénieur de Centrale), l'énergie évidente et ordonnée qui s'agitait sous ses rondes lunettes ahuries. A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 528.
(N'avoir) l'air de rien. ,,Ne pas se faire remarquer : Il n'a l'air de rien, mais il pense à tout.`` (Dub.).
En avoir l'air. Sembler, paraître.
Sans en avoir l'air. Sans le laisser voir, sans le laisser paraître :
39. Je comprenais déjà ce raisonnement, et quand elle parlait de mon avenir avec mon oncle de Beaumont, qui la pressait vivement de céder, j'écoutais de toutes mes oreilles sans en avoir l'air. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 241.
40. Les commerçants d'Edimbourg jugèrent que ce jeune homme à tête de fille était plus dangereux qu'il n'en avait l'air, et lui souhaitant le bonsoir avec respect, redescendirent à toute vitesse. A. Maurois, Ariel ou la Vie de Shelley,1923, p. 75.
4. Air + prop. rel. :
41. − Eh bien! monsieur, lui dit-il enfin avec un soupir et de l'air dont il eût appelé le chirurgien pour l'opération la plus douloureuse, j'accède à votre demande. Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 61.
42. Camille regarda sa mère d'un air où se mêlaient la convoitise et l'inquiétude. P. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 21.
5. Cet air, son air, (de) quel air ... (sans compl. déterminatif) :
43. Il y a du conspirateur, du prisonnier et du faiseur de coups d'état dans sa marche, son regard, son air. E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1863, p. 1219.
44. ... il fallait être bien perspicace, ou averti autant que l'était Fleurissoire, pour découvrir sous la jovialité de son air, une discrète onction cardinalice. A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 800.
45. − Eh bien, et votre mari? Qu'est-ce qu'il devient? Elle changea d'air immédiatement, inclina la tête avec une gravité douloureuse. M. Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 178.
Pop. Avoir de l'air, se donner de l'air :
46. Se donner ou avoir de l'air, avoir un air chagrin. G. Delesalle, Dict. argot-français et français-argot,1896, p. 8.
Région. Donner de l'air à qqn :
47. Ressemblance. Nous disons : Donner de l'air à quelqu'un, pour signifier : Avoir de son air, avoir sa tournure, avoir son allure, lui ressembler à plusieurs égards. Il donne beaucoup d'air à son frère, et encore davantage à son oncle. Expression méridionale. J. Humbert, Nouveau glossaire genevois,1852, p. 13.
Loc. Gagner de l'air. Changer à son profit :
48. − Comme vous êtes changé! Vous avez gagné de l'air. Paris vous fait du bien. G. de Maupassant, Bel Ami,1885, p. 75.
6. Au plur. Airs.
a) Airs + adj. :
49. J'avais beau affecter des airs dégagés, préparer mes entrées avec soin, étudier mes poses, je sentais encore le novice, le conscrit. Pour tromper mon inexpérience, je pris des airs écrasants vis-à-vis des huissiers. L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 338.
50. Les élèves de l'école supérieure de Villeneuve (...) affectent bien encore des airs prudes et dégoûtés en passant près de nous... Colette, Claudine à l'école,1900, p. 228.
Fam. Prendre, avoir des airs penchés. Prendre certaines attitudes dans le but de plaire, de séduire.
Grands airs (souvent en mauvaise part). Attitude hautaine se voulant pleine de distinction :
51. Ces dames alors avaient recours à de grands airs, rappelaient négligemment les noms illustres qu'elles portaient, et demandaient une pension comme un maréchal de France se plaindrait d'un passe-droit. G. de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française,1817, p. 77.
b) Airs + de + subst. abstr. :
52. ... ils ont lié les bras à vos défenseurs séduits par leurs faux airs de fraternité, et ils sont parvenus à vous enchaîner sur l'autel même de la liberté : ... Marat, Les Pamphlets,C'est un beau rêve, gare au réveil, 1790, p. 234.
53. ... mais elle reprenait, comme honteuse, son orgueil de femme décente et ses airs de vertu, ni plus ni moins qu'une Anglaise, et aplatissait toujours son Crevel sous le poids de sa dignité, car Crevel l'avait de prime abord avalée vertueuse. H. de Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 144.
Rem. Syntagmes fréq. airs d'importance, airs de supériorité.
c) Airs + de + subst. concr. :
54. Si tu m'aimes en amant, fuis donc ces airs de mari qui étouffent l'amour et font bien mal à l'amitié. G. de Staël, Lettres de jeunesse,1786, p. 81.
55. M. de Metternich (ambassadeur d'Autriche) affectait les airs d'un homme des anciennes cours modernes. É. Delécluze, Journal,1825, p. 122.
d) Airs + de + inf. :
56. Vous êtes extraordinaire, vous me permettrez de vous le dire, avec vos airs de me mettre à la porte d'une maison qui n'est pas la vôtre; et si je veux bien me rendre à vos ordres, eu égard à votre état d'exaltation, vous ne sauriez moins faire, convenez-en, que de céder à ma prière. G. Courteline, Boubouroche,1893, II, 3, p. 72.
e) De ces airs, se donner des airs, prendre des airs :
57. Bref, je voulais dominer en toutes choses. C'est pourquoi je prenais des airs, je mettais mes coquetteries à montrer mon habileté physique plutôt que mes dons intellectuels. A. Camus, La Chute,1956, p. 1501.
Fam. Se donner de grands airs.
Loc. pop. Être à plusieurs airs; un air sur deux airs :
58. Être à plusieurs airs : être hypocrite ou fantasque; jouer en cachette plusieurs rôles à la fois, ou faire tantôt bonne et tantôt mauvaise mine à la même personne sans motif apparent. L. Larchey, Les Excentricités de la langue française en 1860,p. 362.
59. marius. − Et puis, je n'aime pas qu'on me regarde d'un air sur deux airs! panisse. − Moi, je te regarde d'un air sur deux airs? fanny. − Tu deviens fou, mon pauvre Marius! M. Pagnol, Marius,1931, I, 10, p. 84.
B.− Plus rare. Apparence extérieure d'une chose. Synon. sembler, paraître.
Rem. Air s'emploie dans les mêmes conditions syntaxiques que sous A. Les grammairiens jugent cet usage incorrect.
1. Air + adj. :
60. Nous continuons à ne rien savoir. Mais les nouvelles m'ont l'air mauvaises. G. Flaubert, Correspondance,1871, p. 252.
61. ... et il a relevé ses chaussettes, qui avaient un peu l'air mélancolique. L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 257.
Loc. Avoir bon air, grand air. Avoir une belle apparence, une belle ordonnance :
62. Ce palais d'un si grand air, ces jardins, c'est le lieu où le terrien français est venu se corrompre. M. Barrès, Mes cahiers,t. 10, 3 avr.-août 1913, p. 80.
63. La maison, reconstruite après l'incendie de 1922, a bon air entre les vieux arbres. J. Green, Journal,1944, p. 118.
2. Air + subst. (en fonction adjective) :
64. ... elle voulait donner un air « fiançailles » à cette liaison, pour que les apparences fussent sauves, mais seulement un air, pas de réalité. H. de Montherlant, Pitié pour les femmes,1936, p. 562.
3. Air + compl. déterminatif
a) [Le compl. déterminatif est un subst. abstr.] :
65. L'univers porte en soi d'infaillibles conseils Dont la sagesse a l'air d'une atroce démence : ... Sully Prudhomme, La Justice,Commencements, 1878, p. 88.
66. Sur la nappe blanche, deux flambeaux d'argent prêtaient un faux air de richesse à cette pièce pauvrement meublée où les derniers rayons du soleil couchant brillaient encore au bas d'une plinthe. J. Green, Moïra,1950, p. 9.
Loc. Air de famille, air de parenté :
67. Les jardiniers descendirent de leurs carrioles une collection de Caladiums qui appuyaient sur des tiges turgides et velues d'énormes feuilles, de la forme d'un cœur; tout en conservant entre eux un air de parenté, aucun ne se répétait. J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 119.
b) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. non actualisé] :
68. Vraiment aussi, il trouve que cet arbre a trop l'air en bois. J. Renard, Journal,1894, p. 210.
c) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. actualisé] :
69. Beaucoup de voitures, beaucoup de bruit, l'air d'une capitale, un petit Paris méridional, voilà Naples. G. Flaubert, Correspondance,1851, p. 127.
70. Il a, dans la cuisse, une douleur rhumatismale qui a tout l'air d'une sciatique. E. et J. de Goncourt, Journal,févr. 1880, p. 59.
d) [Le compl. déterminatif est un inf.] :
71. Une eau d'une limpidité qui a l'air de laver les pierres moussues, vert de bouteille, qui sont au fond, faisant des feuilles du velours, et des cailloux jaunes, de la topaze brûlée. E. et J. de Goncourt, Journal,août 1858, p. 520.
Loc. En avoir tout l'air :
72. Il neigeait. Je regardais par la fenêtre les flocons immaculés s'amasser sur le gazon. Peyrot sonna. J'ouvris moi-même. − Je savais vous trouver, monsieur, par un temps pareil. − Un temps qui déshonore le pays. − Ça en a tout l'air. Il va bientôt falloir un traîneau. J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 3, 1932, p. 86.
4. Au plur. Airs :
a) Airs + adj. :
73. ... Si bien qu'on vous admire, écouteurs infidèles, (...) Et que l'eau, palpitant sous le chant qui l'effleure, Baise avec un sanglot le beau saule qui pleure; Et que le dur tronc d'arbre a des airs attendris; ... V. Hugo, Les Contemplations,En écoutant les oiseaux, t. 2, 1856, p. 34.
b) Airs + compl. déterminatif :
74. Il était assis sur un banc de pierre, sous l'arcade d'une galerie qui donne à la maison du Bon-Sauveur des airs d'ancien cloître. J. Barbey d'Aurevilly, Troisième memorandum, introd. 1856, p. 63.
75. Des nuées de mouettes passaient devant les fenêtres, et s'ébattaient sur les berges de l'Arve, dont le cours rapide mais peu profond se donnait des airs de torrent en couvrant d'écume ses rochers à fleur d'eau. R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 21.
c) MAN. ,,Se dit des allures d'un cheval.`` (Ac. 1798-1932). Airs bas, ,,Airs bas, ceux où le cheval manie près de terre.`` (Ac. 1835). Airs relevés, ,,Airs relevés, ceux où le cheval s'enlève davantage en maniant.`` (Ac. 1835). Aller à tous airs, ,,Ce cheval va à tous airs, on le manie comme on veut.`` (Ac. 1835).
Étymol. ET HIST. − 1580 « apparence extérieure » (Montaigne, Les Essais, I, 62 ds Gdf. Compl. : C'est une ladrerie spirituelle qui a quelque air de santé). De air1par dérivation de sens.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Canada 1930. − Daire 1759. − Duch. Beauté 1960, pp. 37-38. − Éd. 1967. − Fér. 1768. − France 1907. − Girard 1756. − Giteau 1970. − Gramm. t. 1 1789. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Kold. 1902. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Larch. 1880. − La Rue 1954. − Lav. Diffic. 1846. − Le Breton 1960. − Le Roux 1752. − Noter-Léc. 1912. − Prév. 1755. − Renson (J.). Les Dénominations du visage en français et dans les autres langues romanes. Étude sémantique et onomasiologique. Paris, 1962, pp. 424-425 (Bibl. de la Fac. de philos. et lettres de l'Univ. de Liège. 162.). − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − Wandruszka (M.). Haltung und Gebärde der Romanen. Tübingen, 1954, pp. 66-75 (Beihefte zur Z. rom. Philol. 96). − Zindel (R.). Des Abstraits en français et de leur pluralisation. Une contribution à l'étude des mécanismes de pensée. Bern, 1958, § 74.

AIR3, subst. masc.

A.− MUSIQUE
1. Mélodie composée pour accompagner les paroles d'un chant. Apprendre un air nouveau :
1. ... mais souvent le bruissement des feuilles emportait l'air avec les paroles. A. de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines,1911, p. 4.
P. ext. Cette mélodie et les paroles qu'elle accompagne :
2. Le père Dodu se mit à entonner un air à boire; on voulut en vain l'arrêter à un certain couplet scabreux que tout le monde savait par cœur. G. de Nerval, Les Filles du feu,Sylvie, 1854, p. 619.
Rem. Syntagmes fréq. un air ancien, un air populaire, célèbre, connu, à la mode; chanter, oublier un air, composer un air sur des paroles; l'air va bien aux paroles.
2. Loc. proverbiales, gén. vieillies (quelques-unes de ces loc. s'entendent au propre et au fig., cf. infra B 1 au fig.)
Vous n'êtes pas dans l'air. Vous chantez faux; vous êtes à côté de la question.
C'est l'air qui fait la chanson. C'est la mélodie qui caractérise le mieux une chanson; c'est le ton qui révèle les intentions cachées sous les paroles.
L'air et la chanson. L'apparence et la réalité.
En avoir l'air et la chanson. Être réellement ce qu'on paraît.
Se donner plus l'air qu'on n'en a la chanson. N'avoir que l'apparence de qqc. :
3. Alors, Anne-Marie reconnut la Mariette de L'Imberdis. Une déraisonnée qui s'en donnait peut-être plus l'air qu'elle n'en avait la chanson, afin de pouvoir insulter les personnes. H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 122.
Crier sur l'air des lampions. [Allusion au cri scandé par la foule en 1827 pour réclamer les illuminations] En deux ou trois syllabes détachées et sur un seul ton :
4. Tous les miliciens se retournèrent, même Manuel qui conduisait et hurlèrent : « hourra! » Et tous de vociférer en espagnol, sur l'air des lampions cette fois, tapant des pieds : A-dieu! Notre peu-titeu ta-ble! A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 482.
B.− P. ext. Mélodie vocale ou instrumentale, qui forme un tout et peut se détacher d'une œuvre.
1. Mélodie d'opéra, d'oratorio, de cantate (gén. avec les paroles) :
5. ... les trois principaux acteurs de l'opéra, doivent chacun chanter cinq airs : un air passionné /l'aria patetica/, un air brillant /di bravura/, un air d'un style uni /aria parlante/, un air de demi-caractère, et enfin un air qui respire la joie /aria brillante/. Stendhal, Vies de Haydn, Mozart et Métastase,1817, p. 305.
6. Chanter « un air » de Gluck au concert, passe encore; jouer tout un acte ... je n'écoute plus. A. Gide, Journal,1902, p. 118.
Rem. Syntagmes fréq. un air d'opéra, d'opérette; l'air du ténor, un air de bravoure.
Au fig., littér. Thème, propos :
7. ... les lettres françaises furent jadis profondément conservatrices, alors même qu'elles chantaient des airs de fronde. Ch. Maurras, L'Avenir de l'Intelligence,1905, p. 50.
Loc. proverbiale. Je connais des paroles sur cet air-là. ,,J'ai entendu en pareille occasion les mêmes choses que vous venez de dire pour vous excuser, pour soutenir cette opinion.`` (Ac. 1835-1932).
2. Mélodie instrumentale.
Un air de flûte, de guitare, de mandoline, de pipeau, de violon, ...; des airs d'accordéon, de cornemuse :
8. Beaucoup de choses s'éveillent autour de lui : le visage rond et charmant entrevu jadis à sa fenêtre de la rue aux Juifs, la fraîcheur d'un air ancien écouté au clavecin ou au luth, ... R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 175.
Air de danse, de ballet, de valse :
9. On entend presque aussitôt un air de valse extrêmement banal et populaire. M. Achard, Jean de la Lune,1929, I, 2, p. 5.
Air de jazz, de mazurka, de menuet, de gavotte, ...
Des airs de café-concert, de cabaret, de guinguette, ...
P. compar., loc. fam.
Jouer un air de qqc. Prendre sa part de quelque chose :
10. − Un vermouth-cassis, un! ... et présenté par Mam'selle Annette! MlleAnnette, il ne se cachait point pour dire tout haut qu'il la trouvait de son goût. C'était la petite bonne du café : vingt ans à peine, blonde, niaise, mais des lèvres fraîches et le trottinement drôle. Gaspard la regardait servir et soupirait : − Nom d'une pipe! J'en jouerais bien un air! Elle ne venait jamais près de lui sans qu'il lui parlât, la chatouillât, lui prît les mains, les bras, la taille. R. Benjamin, Gaspard,1915, p. 146.
Jouer (toujours) le même air. ,,Rabâcher.`` (Nouv. Lar. ill.).
Argot :
11. En jouer un air : fuir, s'enfuir, se sauver, s'évader. Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au Dictionnaire de Delesalle,10 janv. 1900, p. 157.
12. La première fois qu'on va au feu, il est permis d'avoir les grelots, mais jamais d'en jouer un air. [Écho des Marmites, no2, Suppl., févr. 1915]. L. Sainéan, L'Argot des tranchées,1915, p. 108.
Rem. ,,L'explication [de en jouer un air] par la Fille de l'air est fausse : 1oles parlants ont en tête un air de musique; 2ole chevauchement supposé donnerait seulement *se donner la Fille de l'air, qui ne se dit pas. La vraie explication est par jouer un air de flûtes, de jambes.`` (G. Esnault, Notes complétant et rectifiant « Le Poilu tel qu'il se parle », 1956).
Étymol. ET HIST. − 1608 mus. « mélodie, morceau de musique écrit pour une seule voix, accompagnant des paroles » (Régnier, Satyre, III, v. 135 ds Œuvres, chez Lyon et Woodman [1729] p. 38 : Que leur nom retentit dans les airs que l'on chante). Calqué sur l'ital. aria3« mélodie qui accompagne les paroles d'une composition en vers, qui peut être chantée et sur laquelle on peut danser » (attesté dep. 1555-1557, Varchi, V, 51 ds Batt. t. 1 1961) dér. de l'ital. aria2« aspect, expression » (attesté dep. Pétrarque 1304-1374) empr. lui-même à l'a. fr. aire au sens « espèce, sorte », refait sur l'ital. aria1« air1», lui-même du lat. aer « air » sous la forme de l'acc. gr. āera (d'apr. DEI, s.v. aria2et aria3).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 41 759. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 48 518, b) 67 731; xxes. : a) 69 075, b) 58 360.
BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bouillet 1859. − Daire 1759. − Duf. t. 1 1965. − Duf. t. 2 1965. − Esn. 1966. − Giteau 1970. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 88. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 118. − Guiraud (P.). Mélanges d'étymologies argotiques et populaires. Cah. Lexicol. 1967, no10, pp. 18-19. − Prév. 1755. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 343. − Rougnon 1935. − Sandry-Carr. 1963.

Wiktionnaire

Nom commun 1 - français

air \ɛʁ\ masculin

  1. Mélange gazeux constituant l’atmosphère.
    • Des ostioles uniquement respiratoires, ou, suivant l'expression consacrée, des stigmates placés symétriquement le long des côtés du corps, inhalent l’air atmosphérique et le transmettent dans des canaux, […]. — (Lettre de M. Léon Dufour, correspondant de l'Académie, sur le mouvement observé par M. Behn dans les pattes des hydrocorises, dans Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, volume 1, 1835, page 335)
    • Par la fenêtre entr’ouverte, l’air entrait, gonflant comme une voile les rideaux de mousseline, et j’apercevais un pan de ciel bleu, […]. — (Octave Mirbeau, La Chambre close, Ernest Flammarion, Paris, 1920)
    • Il procédait à de profondes aspirations puis rejetait l'air en produisant une espèce de sifflement particulier […]. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil; tome 1 : De New-York à Tahiti, 1929)
    • Bien protégé derrière le pare-brise, le déplacement d’air provoqué par la rotation de l’hélice m’effleurait à peine les joues. — (Dieudonné Costes et Maurice Bellonte, Paris-New-York, 1930)
    • Une plus grande teneur de l’air en gaz carbonique permettrait d'ailleurs d'expliquer la luxuriance de la végétation sans faire intervenir un climat équatorial. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 51)
  2. (Souvent au pluriel) Zone située au-dessus du sol.
    • On ne parlait que de s’élancer dans les airs et tout le monde affirmait : « C’est forcé qu’on y vienne ! » mais on n’y venait pas sans anicroches. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 17 de l’édition de 1921)
  3. Température et qualité de ce que l'on respire.
    • Dans l’air rafraîchi où une impalpable brume se condensait en rosée, les bêtes levèrent leur mufle humide […]. — (Louis Pergaud, Un satyre, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Des porches cintrés s'exhale parfois une odeur enivrante; […], et l'on surprend souvent dans l'air, le puissant arôme des distillations qui s'opèrent. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Mais loin de son Plateau, Arsène André étouffait. L'air résineux lui manquait, les brouillards de la Meuse lui enflammaient la gorge. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958, page 71)
    • L’air du dedans empeste le gas-oil brûlé et le vieux poisson. — (Jacky Durand, La nuit où le hareng sort, dans Libération (journal) du 29 novembre 2010, pages 30-31)
  4. Vent.
    • Il n’y a pas un brin d’air.
  5. (Vieilli) (Par extension) Tout gaz invisible.
    • L’« air inflammable » désignait autrefois l’hydrogène.
  6. (Aéronautique) Partie de l’atmosphère où l’homme se meut à l’aide d’appareils construits et aménagés pour le vol.
    • La conquête de l’air.
  7. (Acadie) Élan.
    • T’es aussi bien de prendre de l’air si tu veux monter c’te côte-là.

Nom commun 1 - ancien français

air \Prononciation ?\ masculin

  1. Air.
    • Li airs est clers nés et seris — (Floire et Blancheflor, manuscrit 375 français de la BnF, fol. 250r. d. Circa 1150.)

Nom commun 3 - français

air \ɛʁ\ masculin

  1. (Musique) Mélodie chantée ou jouée à l’aide d’un instrument.
    • Au piano, chantant un air de Bellini, était assise une jeune et très-belle femme, qui, à mon arrivée, s'interrompit et me reçut avec une gracieuse courtoisie. — (Edgar Poe, Le système du docteur Goudron et du professeur Plume, dans Histoires grotesques et sérieuses, traduction de Charles Baudelaire)
    • Nous croisons une charrette qui porte huit paysans entassés; ils chantent en parties un air noble et grave comme un choral. — (Hippolyte Taine, Voyage en Italie, vol.2, 1866)
    • Dans la rue, un son de cor a éclaté, un air de chasse… Apparemment, quelque piqueur de grande maison, debout près d’un comptoir de cabaret, les joues gonflées, la bouche impérieusement serrée, l’air féroce, émerveille et fait taire l’assistance. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Les musiciens tirèrent de leurs instruments un air brutal et voluptueux qui, aussitôt, pénétra l'assistance d'une fiévreuse pâmoison. — (Francis Carco, Images cachées, Éditions Albin Michel, Paris, 1928)

Nom commun 2 - français

air \ɛʁ\ masculin

  1. Apparence ; comportement. — Note : Ne s’emploie que dans certaines constructions dans lesquelles ce mot est suivi d’un qualificatif.
    • Les étranges figures dont tout Mangarévien bigarrait sa peau, jointes à sa longue barbe et sa chevelure flottante, lui donnaient un air martial et terrible, […]. — (Caret, Archipel de Mangaréva (Iles Gambier), dans Revue de l’Orient, 1844)
    • La voiture était brossée, vernie. Nous avions très bon air. — (Comtesse de Ségur, Mémoires d’un âne, 1860)
    • […] Catherine, Lioubotchka et Volodia me regardèrent exactement du même air dont nous regardions la chaîne des forçats, qui passait tous les lundis sous nos fenêtres. — (Léon Tolstoï, Souvenirs, 1851-1857, traduction de Ardève Barine, édition 1922)
    • Il m’a salué à sa manière, en portant deux doigts à sa tête et en souriant d'un air bonasse. — (Émile Thirion, La Politique au village, Fischbacher, 1896, page 133)
    • Il est grand, de jolie tournure ; l’air d’un gentleman. — (Octave Mirbeau, L’assassin de la rue Montaigne ,)
    • Ce fut pour ces raisons sans doute qu’il accueillit d’un air enjoué et d’une âme égale l’annonce câlinement faite par la Julie d’une paternité future […]. — (Louis Pergaud, La Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Ses airs penchés, sa ravissante et luxueuse pochette de soie, son bracelet montre en or, le fard étalé sur ses joues le tenaient quitte de manifester son opinion. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Durant notre veillée mortuaire, ma mère se levait quelquefois, soulevait le suaire et sa longue figure durcissait encore son air revêche. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 29)
    • Elle aurait pu être une héroïne durassienne déambulant, l’air mélancolique, dans la touffeur d'un penthouse tropical. — (Gérard Lefort et Didier Péron, Marie France Pisier, belle rebelle, dans Libération (journal) du 25 avril 2011, page 25)

Nom commun 2 - ancien français

air \Prononciation ?\ masculin

  1. Colère.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

AIR. n. m.
Fluide élastique, dont la masse totale forme l'atmosphère qui enveloppe la terre. Air atmosphérique. L'air est plus léger que l'eau. La basse, la haute, la moyenne région de l'air. Une colonne d'air. La pesanteur de l'air. La circulation de l'air. L'air se dilate, se raréfie. L'air se condense, se comprime. La masse de l'air. Nous respirons l'air. Dans les airs. Au plus haut des airs. Il se dit souvent par rapport à la Température et à la qualité de l'air. Air sain, malsain. Bon air. Grand air. Mauvais air. Air vif. Air frais. Air doux. Air tempéré. Air subtil. Air pur. Air lourd. Air étouffé, renfermé, vicié, infect. Air brûlant. Air glacé. L'air du soir est humide. L'air de ce pays est excellent. Air marin. Air des montagnes, des bois, etc. Air natal, L'air du pays où l'on est né. Prendre l'air natal. Aller respirer l'air natal. Aller prendre l'air, Aller se promener, aller au grand air; et simplement Prendre l'air, Respirer l'air, être dans un lieu où l'on respire un air plus pur, plus léger. Changer d'air, Changer de séjour, afin de respirer un autre air. Mettre, exposer quelque chose à l'air, Le placer dehors, en un lieu où il soit exposé à l'action de l'air. On dit de même Se tenir à l'air. On dit aussi En plein air, Dans un lieu où l'action de l'air se fait sentir de tous côtés, où rien ne garantit de l'action de l'air. Donner de l'air à une chambre, En ouvrir les fenêtres, afin que l'air entre et sorte plus librement. On dit dans un sens analogue Renouveler l'air d'une chambre, d'une salle. Donner de l'air à un tonneau de vin, En ôter le bondon, de peur que le vin ne fasse éclater les douves. En termes de Peinture, Il n'y a pas d'air dans ce tableau, Les figures n'y sont pas assez détachées du fond et les plans se confondent. Fendre l'air, se dit d'un Oiseau qui vole rapidement, d'un Cheval lancé à la course, d'une Personne qui court très vite. Prov. et fig., Ne faire que battre l'air, Se donner inutilement de la peine pour quelque chose. Prendre l'air du feu, un air de feu, S'approcher du feu, afin de se chauffer comme en passant. Se donner de l'air, Se dérober, prendre la fuite. Fig., Porter le mauvais air en quelque endroit, Y porter la contagion; et Prendre le mauvais air, Être atteint de la contagion, gagner le mal contagieux. L'air du monde est contagieux, La fréquentation du monde peut faire contracter des vices. Fig., Cela est dans l'air se dit de Certains sentiments, généralement répandus et qui se communiquent à tous les esprits. Ces idées étaient dans l'air. La révolution était dans l'air.

AIR se dit, par extension, de Tout fluide élastique et invisible. Dans cette acception, il est synonyme de GAZ. Air fixe, ou Gaz acide carbonique. Air inflammable, ou Gaz hydrogène. Air vital, ou Gaz oxygène, etc. Il se dit aussi de l'Air en mouvement, du vent. Il ne fait point d'air. Il y a ici de l'air, beaucoup d'air. Il n'y a pas un brin d'air, pas un souffle d'air. Courant d'air. Il faut se défier des courants d'air. Il vient de l'air par cette fenêtre. Coup d'air, Fluxion ou douleur qui vient de ce qu'on s'est exposé à un courant d'air. Fig. et fam., L'air du bureau, Ce qui paraît, en bien ou en mal, des dispositions de ceux à qui l'on a affaire. J'allai prendre l'air du bureau et je m'aperçus qu'il m'était contraire. Fam., Être libre comme l'air, N'avoir aucune sujétion, pouvoir disposer de tous ses moments. Depuis que j'ai donné ma démission, je suis libre comme l'air. Prov. et fig., Vivre de l'air du temps, N'avoir rien pour vivre.

AIR, en termes d'Aéronautique, désigne la Partie de l'atmosphère où l'homme se meut à l'aide d'appareils construits et aménagés pour le vol. La conquête de l'air. Les routes de l'air. Les héros, les victimes de l'air. Le martyrologe de l'air. Prendre l'air se dit d'un Aviateur qui se met en route, d'un avion, d'un dirigeable qui sort de son hangar. Tirer en l'air, tirer un coup en l'air, Tirer un coup de fusil, de pistolet sans le diriger vers aucun but; et figurément et familièrement Faire une démarche inutile, qui ne conduit point au but. Avoir toujours le pied en l'air, un pied en l'air, Être toujours prêt à partir, à courir, à sauter, à danser. On dit dans le même sens Cet homme, cet enfant est toujours en l'air. On dit encore d'une Personne frivole qu'elle est en l'air. Fig. et fam.. Tout le monde est en l'air, toute la ville est en l'air, Tout le monde, toute la ville s'agite, est en mouvement. Quand on apprit leur arrivée, toute la ville fut en l'air. Être en l'air, tout en l'air, se dit aussi d'une Chose qui ne paraît presque soutenue par rien. Un escalier qui est tout en l'air. Fig., Une chambre tout en l'air, En désordre. Fig. et fam., Toute sa fortune est en l'air, Sa fortune ne porte sur rien de solide.

EN L'AIR se dit figurément et au sens moral des Choses qui sont sans réalité, sans vérité, sans fondement. Des contes en l'air. Des paroles en l'air. Des propos en l'air. Des menaces en l'air. Des projets en l'air. Des craintes en l'air. Un raisonnement en l'air. C'est pour une Iris en l'air qu'il fait des vers amoureux. On dit de même Parler, raisonner en l'air. Vous dites cela en l'air.

Littré (1872-1877)

AIR (êr) s. m.
  • 1Fluide invisible, transparent, sans odeur ni saveur, pesant, compressible, élastique, qui forme autour de la terre une couche nommée atmosphère, et qui est composé de 0,79 d'azote et de 0,21 d'oxygène. L'air était un des quatre éléments de l'ancienne physique. L'air n'est pas un élément, c'est un corps composé. Les nuages sont portés dans l'air. L'air est l'aliment de la respiration. Un air pur, un air vif, un air tempéré. Ces émanations ont infecté l'air. Un air lourd et épais. Si l'air était plus épais, il n'aurait pas cette douceur qui fait une nourriture continuelle du dedans de l'homme, Fénelon, Exist. 14. Ces gardes, cette cour, l'air qui nous environne, Tout dépend de Pyrrhus et surtout d'Hermione, Racine, Andr. III, 1. Je sais trop que je dois au bien de votre empire Et le sang qui m'anime et l'air que je respire, Corneille, Cid. IV, 3.

    Les habitants de l'air, les oiseaux.

  • 2 Au pluriel, les airs, l'espace au-dessus de nos têtes. Le ballon s'enleva dans les airs. Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit ? Racine, Iph. I, 1. Hélas ! ma prière inutile Se perdra-t-elle dans les airs ? Rousseau J.-B. Cantate, 5. Ses foudres impuissants se perdaient dans les airs, Voltaire, Henr. v.
  • 3Dans un sons général, air signifie gaz. L'oxygène, l'azote et l'hydrogène sont des airs différents. L'ancienne chimie donnait le nom d'airs à tous les fluides aériformes qu'on appelle gaz aujourd'hui ; de là le nom d'air atmosphérique attribué souvent à l'air proprement dit. Dans l'ancienne chimie, l'air fixe est le gaz acide carbonique ; l'air inflammable est l'hydrogène.
  • 4Air libre, l'espace ouvert. On dit dans le même sens le plein air. Arbres de plein air, arbres en plein air.

    Air confiné, désigne, par opposition à air libre, l'air des enceintes dans lesquelles séjournent des êtres vivants, et qui se trouve par conséquent plus ou moins vicié.

  • 5 En termes de théologie, le prince de l'air, Satan ; les puissances de l'air, les démons.
  • 6Mettre, exposer à l'air, soumettre une chose à l'influence, à l'action de l'air.
  • 7Prendre l'air, respirer le frais, se promener. Je marche et je prends l'air avec plaisir, Sévigné, 261. Se faire porter dans son carrosse pour prendre l'air, Sévigné, 40. Il faudrait prendre l'air quand il est bon, Sévigné, 517. Prendre l'air à sa fenêtre, Molière, L'Av. II, 6.

    Fig. Prendre l'air, prendre la fuite. Il n'est rien tel que de mettre son crime ou son innocence au grand air [s'enfuir quand on est accusé], Sévigné, 402.

  • 8Fendre l'air, en parlant d'un oiseau, voler ; et fig. traverser l'espace avec rapidité. Les oiseaux fendent l'air. La flèche fend l'air et vient frapper le but. L'exécution fut prompte : le jeune homme fendit les airs, Montesquieu, Lett. pers. 141.
  • 9Donner de l'air à une chambre, en ouvrir les fenêtres et en renouveler l'air.

    Fig. Donner de l'air à un tableau, en détacher les différents plans, de sorte que l'air semble circuler entre eux.

  • 10Air natal, le pays où l'on est né. C'est l'air natal qui séchera tes larmes, Béranger, Nostalg.
  • 11Vent. Il fait beaucoup d'air. Il ne fait pas un souffle d'air.

    Courant d'air, air en mouvement qui pénètre par les ouvertures d'un appartement. La porte et la fenêtre ouvertes feront un courant d'air. Ne vous mettez pas dans le courant d'air ; vous en seriez incommodé.

    Coup d'air, fluxion ou douleur qui survient à la face, au cou, aux mâchoires, et qui est souvent causée par l'impression d'un air froid.

  • 12Prendre l'air du feu, un air de feu, se chauffer un moment, en passant.
  • 13Cela est dans l'air, se dit de certaines conditions physiques ou morales qu'on croit provenir de la nature d'un pays, d'une société, etc.
  • 14Porter le mauvais air en quelque endroit, y porter la contagion ; prendre le mauvais air, gagner la contagion.

    Fig. L'air du monde est contagieux, la fréquentation du monde n'est pas salutaire au moral. L'air de cour est contagieux ; il se prend à Versailles, comme l'accent normand à Rouen ou à Falaise, La Bruyère, 8. On suit le train du monde, on est de toutes ses compagnies, on en prend toutes les manières ; et est-il surprenant alors que dans un air si corrompu on s'empoisonne et qu'au milieu de tant de scandales on fasse des chutes grièves et mortelles ? Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 85.

  • 15 Fig. et familièrement. L'air du bureau, ce qui paraît en bien ou en mal des dispositions de ceux qui ont la décision d'une affaire.
  • 16Diverses locutions familières, proverbiales et figurées. Être libre comme l'air, n'avoir aucune sujétion.

    Ne faire que battre l'air, se donner inutilement beaucoup de peine.

    Vivre de l'air du temps, être dans la plus profonde misère, n'avoir rien pour subsister.

    En l'air, loc. adv. Au milieu de l'air, dans les airs. Tirer en l'air, un coup en l'air, tirer sans viser de but ; et fig. Faire une démarche sans résultat.

    Paroles, projets en l'air, paroles, projets sans fondement, sans réalité. Ce ne sont pas là, mes pères, des contes en l'air comme les vôtres, Pascal, Prov. 16. Ils dépendent d'un discours en l'air, de mille occasions imprévues, Pascal, Conv. I. Vous l'accusez seulement en l'air de quatre faussetés, Pascal, Réfut. de la rép. à la 12e Lett. Et si d'une offre en l'air votre âme encor frappée Veut bien s'embarrasser du rebut de Pompée…, Corneille, Sertor. IV, 2. Ces menaces en l'air vous donnent trop de peine, Corneille, ib. V, 4. Un discours en l'air qu'il forge, Corneille, Le Ment. V, 2. Et d'une cause en l'air il le faut bien leurrer, Racine, Plaid. III, 2. Moïse ne parle point en l'air, il particularise et circonstancie toutes choses, Bossuet, Hist. univ. II, 3. Ce discours en leur bouche n'est qu'un discours en l'air, Bossuet, ib. II, 13. La sincérité ne permet pas de donner des paroles en l'air, Bossuet, Lett. 52. Que de suppositions bâties en l'air ! Bossuet, Déf. com. Il ne s'agit pas d'un soupçon en l'air, Bossuet, Rem. Quoiqu'il ait trouvé plus aisé de parler en l'air du droit des peuples, Bossuet, Avert. 5. Ce n'est point un fait qu'on avance en l'air, Bossuet, Hist. II, 12. Ce n'est pas ici une prédiction en l'air, Massillon, Car. Communion. Il est venu arrêter les pensées vagues de l'esprit humain et fixer ses raisonnements en l'air, Guez de Balzac, Socrate, Disc. 1. Pour quelque Iris en l'air faire le langoureux, Boileau, Sat. IX. Il est qui fait la moue aux chimères en l'air, Régnier, Sat. X. Parler ainsi, c'est parler en l'air, et vouloir être cru sur tout ce qu'on s'imagine, Fénelon, Exist. 78. Ne vous amusez pas à vous inquiéter en l'air, Sévigné, 215. Je vous dis cela extrêmement en l'air, Sévigné, 210. Il me le dit en l'air, Sévigné, 379. C'est une chose qu'on dit souvent en l'air, Sévigné, 34. Il dit une parole en l'air à M. de Lavardin, Sévigné, 584. Sur des soupçons en l'air je m'irais alarmer, Molière, Le Dép. I, 1. Contes en l'air, Molière, Tart. IV, 3. Les personnages qu'il représente sont des personnages en l'air, Molière, Impr. 3. À considérer cet ouvrage comme un système, j'en trouve le fondement bien incertain, bien en l'air, Diderot, Lett. de Ramsay. Je n'ai pas prétendu faire un système en l'air et qui n'eût aucun fondement, Fontenelle, Mondes, Préface. Il fut question de Mlle d'Armagnac et de Mlle de La Trémouille, mais fort en l'air, Saint-Simon, 28, 61.

    Être, mettre en l'air, en mouvement, dans l'agitation. Cette affaire mit toutes les têtes en l'air. Puisque vous êtes en l'air, Sévigné, 339. Je suis tellement en l'air que je m'en vais…, Sévigné, 540. Enfin j'ai un pied en l'air [je suis prête à partir], Sévigné, 142. Il faudra n'être plus ici un pied en l'air, comme vous y êtes toujours, Sévigné, 399.

    En parlant des choses, être en l'air, en désordre. Dans son cabinet tout est en l'air.

    N'être pas solide. Toute sa fortune est en l'air.

    En termes militaires, on dit qu'une troupe est en l'air, quand elle n'est pas appuyée sur son flanc par un obstacle quelconque. L'aile droite de l'armée était en l'air.

    En termes de fauconnerie, prendre l'air se dit d'un oiseau qui s'élève fort haut. Nouer [nager] entre deux airs, manière de voler particulière aux oiseaux de proie.

REMARQUE

En termes de marine, air de vent, chacune des trente-deux divisions du vent. Je suivais le même air de vent pour toute règle, Rousseau, Ém. V. Les marins ont pris l'habitude d'écrire air de vent ; mais ce n'en est pas moins une faute et une confusion d'air avec aire ; l'expression propre est une aire de vent (voy. AIRE), c'est-à-dire la 32e partie de la surface ou cercle qui renferme la direction des trente-deux vents. On trouve aussi air pour vitesse : Ce vaisseau a de l'air, il va vite. C'est encore une faute, et c'est erre qu'il faut mettre (voy. ce mot) : ce vaisseau a de l'erre.

REMARQUE

Airs au plur. se prend dans deux sens différents. Air s'emploie pour gaz ; en ce sens l'azote, l'hydrogène sont des airs différents l'un de l'autre. L'examen approfondi des propriétés nous apprend qu'il existe des airs d'espèces très diverses, c'est-à-dire plusieurs airs, BIOT., C'est là le pluriel comme on l'entend ordinairement. Quand au contraire on dit : s'élever dans les airs, entend-on parler de plusieurs airs, en tant qu'ils diffèrent les uns des autres ? Non assurément ; on veut seulement désigner la généralité de l'air ; ce pluriel n'a donc qu'un sens collectif et non pas le sens distributif qu'exige la définition ordinaire du nombre pluriel, Jullien.

HISTORIQUE

XIIIe s. Eles repairent à lor premiere matere et deviennent airs ansi come uns aniaus pert sa forme au fu et devient ors ou argens que il estoit ançois, Comput, f. 13. Et mout estoit li airs de froide atrempeüre, Berte, XLII.

XIVe s. Ele vit de l'aer non pas pur et sans mangier, Oresme, Eth. 23.

XVe s. Car estoit tané de tant avoir esté à Bruges sans changier air, Chastelain, Chr. des D. de Bourg. III, ch. 159. Et pour la puantise des bestes que on tuoit en l'ost, l'air en estoit ainsi qu'à demi corrompu… et vint le roi loger, telle fois fut, à Male, pour esloigner ce mauvais air, Froissart, II, II, 232.

XVIe s. [Le vent] barbe et cheveux tous blancs me fait branler, Ne plus ne moins que feuilles d'arbre en l'air, Marot, I, 395. D'un toict de tortue qui eschappa des pattes d'un aigle en l'air, Montaigne, I, 74. L'on ne leur demandoit qu'un titre en l'air, au lieu de quoy on leur offroit realement et de faict les choses dont ilz avoient plus grant besoin, Amyot, Sertor. 35. Si tost que les deux compagnons ouirent parler de cette rumeur, ils prirent l'air sous couleur d'aler à la guerre, et depuis on a su leurs projets, D'Aubigné, Hist. III, 60. Ou je suis fol, encores vaut-il mieux Aimer en l'air une chose incogneue Que n'aimer rien…, Ronsard, 215.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. AIR. Ajoutez :
17 Populairement. Se donner de l'air, prendre la fuite, pour échapper à des poursuites. Il aurait mieux valu rester et prouver son innocence ; mais H… et ses pareils aiment mieux se donner de l'air ; dans leur jargon, c'est une ordonnance de non-lieu, Me Léon Duval, Gaz. des Trib. 15 mars 1873, p. 253, 1re col.

HISTORIQUE

Ajoutez : XIIe s. En près si tost come il enteise [la flèche], Flanbe li fers, l'ers et li venz, Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 12282.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

AIR, s. m. est un corps léger, fluide, transparent, capable de compression & de dilatation ; qui couvre le globe terrestre jusqu’à une hauteur considérable. Voyez Terre & Terrestre. Ce mot vient du grec ἀὴρ, qui signifie la même chose.

Quelques Anciens ont considéré l’air comme un élement : mais ils ne prenoient pas le mot élement dans le même sens que nous. Voyez Élement.

Il est certain que l’air, pris dans sa signification ordinaire, est très-éloigné de la simplicité d’une substance élémentaire, quoiqu’il puisse avoir des parties qui méritent cette dénomination. C’est pourquoi on peut distinguer l’air en air vulgaire ou hétérogene, & en propre ou élémentaire.

L’air vulgaire ou hétérogene est un assemblage de corpuscules de différentes sortes, qui toutes ensemble constituent une masse fluide, dans laquelle nous vivons & nous nous mouvons, & que nous inspirons & expirons alternativement. Cette masse totale est ce que nous appellons atmosphere. V. Atmosphere.

A la hauteur où finit cet air ou atmosphere, commence l’éther selon quelques Philosophes. V. Éther & Réfraction.

Les substances hétérogenes dont l’air est composé, peuvent se reduire à deux sortes ; savoir 1°. la matiere de la lumiere ou du feu, qui émane perpetuellement des corps célestes. Voyez Feu. A quoi quelques Physiciens ajoûtent les émanations magnétiques de la terre, vraies ou prétendues. Voyez Magnétisme.

2°. Ce nombre infini de particules qui s’élevent en forme de vapeurs ou d’exhalaisons seches de la terre, de l’eau, des minéraux, des végétaux, des animaux, &c. soit par la chaleur du soleil, ou par celle des feux soûterrains, ou par celle des foyers. Voyez Vapeur & Exhalaison.

L’air élémentaire, ou air proprement dit, est une matiere subtile, homogene & élastique, qui est la base, pour ainsi-dire, & l’ingrédient fondamental de tout l’air de l’atmosphere, & qui lui donne son nom.

On peut reconnoître l’air proprement dit, à une infinité de caracteres ; nous en allons ici exposer quelques-uns.

1°. Lorsqu’on renferme l’air dans quelque vaisseau de métal ou dans un verre, il y reste sans qu’il lui arrive aucun changement, & toûjours sous la forme d’air : mais il n’en est pas de même des vapeurs ; car dès qu’elles deviennent froides, elles perdent toute leur élasticité, & vont s’attacher tout autour des parois internes du verre, d’où elles dégoûtent & tombent ensuite en-bas ; de sorte que les verres & les vaisseaux, qui auparavant étoient remplis de vapeurs élastiques, se trouvent ensuite comme vuides. Il en est à peu-près de même des exhalaisons des autres corps, qui se dissipent avec le tems & se perdent en quelque maniere, lorsque leurs parties, après avoir perdu l’élasticité qu’elles avoient, viennent à se réunir & à ne faire qu’un corps. Cela paroît par plusieurs expériences qui ont été faites par M. Boyle avec l’air que l’on tire des raisins, de la pâte de farine, de la chair, & de plusieurs autres corps : cela se confirme aussi par les expériences dont M. Hales a donné la description dans son ouvrage intitulé la Statique des végétaux & l’analyse de l’air.

2°. Une autre propriété de l’air, c’est que par son moyen les corps terrestres qui sont en feu, continuent de bruler jusqu’à ce que toutes les parties qui peuvent contenir du feu, soient consumées ; au contraire les vapeurs & les exhalaisons éteignent dans l’instant le feu le plus vif, de même que l’éclat des charbons & du fer ardent. Ces mêmes vapeurs, bien loin d’être nécessaires à la respiration, comme l’air, y nuisent souvent, & quelquefois suffoquent. Témoin l’effet du soufre allumé, & celui de la grotte d’Italie, où un chien est suffoqué en un clin d’œil.

3°. Si l’air n’est pas un fluide différent des vapeurs & des exhalaisons, pourquoi reste-t-il tel qu’il étoit auparavant, après une grosse pluie mêlée d’éclairs & de tonnerre ? En effet, lorsqu’il fait des éclairs, les exhalaisons se mettent en feu, & tombent sur la terre en forme de pluie avec les vapeurs : mais après la pluie, on ne remarque pas qu’il soit arrivé aucun changement à l’air, si ce n’est qu’il se trouve purifié ; il doit donc être différent des exhalaisons terrestres. Mussch. Essai de Phys.

Quant à la nature & la substance de l’air, nous n’en savons que bien peu de chose ; ce que les Auteurs en ont dit jusqu’à présent n’étant que de pures conjectures. Il n’y a pas moyen d’examiner l’air seul & épuré de toutes les matieres qui y sont mêlées ; & par conséquent on ne peut pas dire quelle est sa nature particuliere, abstraction faite de toutes les matieres hétérogenes parmi lesquelles il est confondu.

Le Docteur Hook veut que ce ne soit rien autre chose que l’éther même, ou cette matiere fluide & active, répandue dans tout l’espace des régions célestes ; ce qui répond au medium subtile, ou milieu subtil de Newton. Voyez Éther, Milieu.

Considéré comme tel, on en fait une substance sui generis, qui ne dérive d’aucune autre, qui ne peut être engendrée, qui est incorruptible, immuable, présente en tous lieux, dans tous les corps, &c. D’autres s’attachent à son élasticité, qu’ils regardent comme son caractere essentiel & distinctif ; ils supposent qu’il peut être produit & engendré, & que ce n’est autre chose que la matiere des autres corps, devenue par les changemens qui s’y sont faits, susceptible d’une élasticité permanente. M. Boyle nous rapporte plusieurs expériences qu’il a lui-même faites sur la production de l’air : ce Philosophe appelle produire de l’air, tirer une quantité d’air sensible de corps où il ne paroissoit pas y en avoir du tout, du moins où il paroissoit y en avoir moins que ce qui en a été tiré. Il observe que parmi les différentes méthodes propres à cet effet, les meilleures sont la fermentation, la corrosion, la dissolution, la décomposition, l’ébullition de l’eau & des autres fluides, & l’action réciproque des corps, surtout des corps salins, les uns sur les autres. Hist. de l’air. Il ajoûte que les différens corps solides & minéraux, dans les parties desquels on ne soupçonneroit pas la moindre élasticité, étant plongés dans des menstrues corrosifs, qui ne soient point élastiques non plus, on aura cependant au moyen de l’atténuation des parties, causée par leur froissement, une quantité considérable d’air élastique. Voyez Ibid.

Newton est du même sentiment. Selon ce Philosophe, les particules d’une substance dense, compacte & fixe, adhérentes les unes aux autres par une puissante force attractive, ne peuvent être séparées que par une chaleur violente, & peut-être jamais sans fermentation ; & ces corps raréfiés à la fin par la chaleur ou la fermentation, se transforment en un air vraiment élastique. Voyez l’Optique de Newton. Sur ce principe, il ajoûte que la poudre à canon produit de l’air par son explosion. Ibid.

Voilà donc non-seulement des matériaux pour produire de l’air, mais aussi la méthode d’y procéder : en conséquence de quoi on divise l’air en réel ou permanent, & en apparent ou passager. Car pour se convaincre que tout ce qui paroît air ne l’est pas pour cela, il ne faut que l’exemple de l’éolipile, où l’eau étant suffisamment raréfiée par le feu, sort avec un siflement aigu, sous la forme d’une matiere parfaitement semblable à l’air ; mais bientôt après perd cette ressemblance, surtout au froid, & redevient eau par la condensation, telle qu’elle étoit originairement. On peut observer la même chose dans l’esprit de vin, & autres esprits subtils & fugitifs qu’on obtient par la distillation ; au lieu que l’air réel ne se peut réduire ni par la compression, ni par la condensation ou autre voie, en aucune autre substance que de l’air. Voyez Eolipile.

On peut donc faire prendre à l’eau pour quelque tems l’apparence de l’air : mais elle reprend bientôt la sienne. Il en est de même des autres fluides ; la plus grande subtilisation qu’on y puisse produire, est de les réduire en vapeurs, lesquelles consistent en un fluide extrèmement raréfié, & agité d’un mouvement fort vif. Car pour qu’une substance soit propre à devenir un air permanent, il faut, dit-on, qu’elle soit d’une nature fixe ; autrement elle ne sauroit subir la transmutation qu’il faudroit qui s’y fît ; mais elle s’envole & se dissipe trop vîte. Ainsi la différence entre l’air passager & l’air permanent, répond à celle qui est entre les vapeurs & les exhalaisons, qui consiste en ce que celles-ci sont seches, & celles-là humides, &c. Voyez Vapeur & Exhalaison

La plûpart des Philosophes font consister l’élasticité de l’air dans la figure de ses particules. Quelques-uns veulent que ce soit de petits floccons semblables à des touffes de laine ; d’autres les imaginent tournées en rond comme des cerceaux, ou roulées en spirale comme des fils d’archal, des copeaux de bois, ou le ressort d’une montre, & faisant effort pour se rétablir en vertu de leur contexture ; de sorte que pour produire de l’air, il faut, selon eux, produire des particules disposées de cette maniere, & qu’il n’y a de corps propres à en produire, que ceux qui sont susceptibles de cette disposition. Or c’est dequoi, ajoûtent-ils, les fluides ne sont pas susceptibles, à cause du poli, de la rondeur, & de la lubricité de leurs parties.

Mais Newton, (Opt. p. 371.) propose un système différent : il ne trouve pas cette contexture des parties suffisante pour rendre raison de l’élasticité surprenante qu’on observe dans l’air, qui peut être raréfié au point d’occuper un espace un million de fois plus grand que celui qu’il occupoit avant sa raréfaction. Or comme il prétend que tous les corps ont un pouvoir attractif & répulsif, & que ces deux qualités sont d’autant plus fortes dans les corps, qu’ils sont plus denses, plus solides, & plus compacts ; il en conclut que quand par la chaleur, ou par l’effet de quelqu’autre agent, la force attractive est surmontée, & les particules du corps écartées au point de n’être plus dans la sphere d’attraction, la force répulsive commençant à agir, les fait éloigner les unes des autres avec d’autant plus de force qu’elles étoient plus étroitement adhérentes entre elles, & ainsi il s’en forme un air permanent. C’est pourquoi, dit le même Auteur, comme les particules d’air permanent sont plus grossieres, & formées de corps plus denses que celles de l’air passager ou des vapeurs, le véritable air est plus pesant que les vapeurs, & l’atmosphere humide plus légere que l’atmosphere seche. Voyez Attraction, Répulsion, &c.

Mais, après tout, il y a encore lieu de douter si la matiere ainsi extraite des corps solides a toutes les propriétés de l’air ; si cet air n’est pas passager, ou si l’air permanent qu’on tire des corps n’y existoit pas déjà. M. Boyle prouve par une expérience faite dans la Machine pneumatique avec une meche allumée, que cette fumée subtile que le feu éleve même des corps secs, n’a pas autant de ressort que l’air, puisqu’elle ne sauroit empêcher l’expansion d’un peu d’air enfermé dans une vessie qu’elle environne. Physic. mech. Exper. Néanmoins dans quelques expériences postérieures, en dissolvant du fer dans l’huile de vitriol & de l’eau, ou dans de l’eau-forte, il a formé une grosse bulle d’air qui avoit un véritable ressort, & qui en conséquence de son ressort, empêchoit que la liqueur voisine ne prit sa place ; lorsqu’on y appliqua la main toute chaude, elle se dilata aisément comme tout autre air, & se sépara dans la liqueur même en plusieurs bulles, dont quelques-unes s’éleverent hors de la liqueur en plein air. Ibid.

Le même Physicien nous assûre avoir tiré une substance vraiment élastique de plusieurs autres corps ; comme du pain, du raisin, de la bierre, des pommes, des pois, du bœuf, &c. & de quelques corps, en les brûlant dans le vuide, & singulierement du papier, de la corne de cerf : mais cependant cette substance, à l’examiner de près, étoit si éloignée de la nature d’un air pur, que les animaux qu’on y enfermoit, non-seulement ne pouvoient respirer qu’avec peine, mais même y mouroient plus vîte que dans un vuide, où il n’y auroit point eu d’air du tout. Physic. mechan. exper.

Nous pouvons ajoûter ici une observation de l’Académie Royale des Sciences, qui est que l’élasticité est si éloignée d’être la qualité constitutive de l’air, qu’au contraire s’il se joint à l’air quelques matieres hétérogenes, il devient plus élastique qu’il ne l’étoit dans toute sa pureté. Ainsi M. de Fontenelle assûre en conséquence de quelques expériences faites à Paris par M. de la Hire, & à Boulogne par M. Stancari, que l’air rendu humide par le mélange des vapeurs est beaucoup plus élastique, & plus capable d’expansion, que quand il est pur ; & M. de la Hire le juge huit fois plus élastique que l’air sec. Hist. de l’Acad. an. 1708.)

Mais il est bon d’observer aussi que M. Jurin explique ces expériences d’une autre maniere, & prétend que la conséquence qu’on en tire, n’en est pas une suite nécessaire. Append. ad V aren. Geogr.

Tout ce que nous venons de dire, s’entend de l’air considéré en lui-même : mais, comme nous l’avons remarqué, cet air n’existe nulle part pur de tout mêlange. Or ces substances hétérogenes des propriétés & des effets desquels nous avons à traiter ici, sont selon M. Boyle, d’une nature toute différente de celle de l’air pur. Boerhaave même fait voir que c’est un cahos & un assemblage de toutes les especes de corps créés. Tout ce que le feu peut volatiliser s’éleve dans l’air : or il n’y a point de corps qui puisse résister à l’action du feu. Voyez Feu, Volatil, &c.

Par exemple, il doit s’y trouver 1°. des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne minéral : car toutes ces substances, telles que les sels, les soufres, les pierres, les métaux, &c. peuvent être converties en fumée, & par conséquent prendre place parmi les substances aériennes. L’or même, le plus fixe de tous les corps naturels, se trouve dans les mines fortement adhérent au soufre, & peut conséquemment être élevé avec ce minéral. Voyez Or, &c.

2°. Il faut aussi qu’il y ait dans l’air des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne animal. Car les émanations abondantes qui sortent perpétuellement des corps des animaux par la transpiration qu’opere sans cesse la chaleur vitale, portent dans l’air pendant le cours entier de la vie d’un animal plus de particules de sa substance qu’il n’en faudroit pour récomposer plusieurs corps semblables. Voyez Transpiration, Emanation, &c.

De plus, quand un animal mort reste exposé à l’air, toutes ses parties s’évaporent & se dissipent bien-tôt ; de sorte que la substance dont étoit composé un animal, un homme par exemple, un bœuf ou tout autre, se trouve presque toute convertie en air.

Voici une preuve entre mille autres, qui fait bien voir que l’air se charge d’une infinité de particules excrémenteuses ; on dit qu’à Madrid, on n’est point dans l’usage d’avoir des privés dans les maisons ; que les rues en servent la nuit : que cependant l’air enleve si promptement les particules fétides, qu’il n’en reste aucune odeur le jour.

3°. Il est également certain que l’air est aussi chargé de végétaux ; car on sait que toutes les substances végétales deviennent volatiles par la putréfaction, sans même en excepter ce qu’il y a de terreux & de vasculaire qui s’échappe à son tour. Voyez Végétal, Plante, &c.

De toutes ces émanations qui flotent dans le vaste océan de l’atmosphere, les principales sont celles qui consistent en parties salines. La plûpart des Auteurs imaginent qu’elles sont d’une espece nitreuse : mais il n’y a pas à douter qu’il n’y en ait de toutes sortes ; du vitriol, de l’alun, du sel marin, & une infinité d’autres. Voyez Sel, Nitre, &c.

M. Boyle observe même qu’il peut y avoir dans l’air quantité de sels composés qui ne sont point sur terre : formés par la rencontre fortuite & le mêlange de différens esprits salins. Ainsi l’on voit des vitrages d’anciens bâtimens, corrodés comme s’ils avoient été rongés par des vers, quoique aucun des sels que nous connoissons en particulier, ne fût capable de produire cet effet.

Les soufres sont sans doute une partie considérable de la substance aérienne, à cause du grand nombre de volcans, de grottes, de cavernes, & de soûpiraux ; d’où il sort une quantité considérable de soufres qui se répand dans l’atmosphere. Voyez Soufre, Volcan, &c.

Et l’on peut regarder les aggrégations, les séparations, les frottemens, les dissolutions & les autres opérations d’une matiere sur une autre, comme les sources d’une infinité de substances neutres & anonymes qui ne nous sont pas connues.

L’air, pris dans cette acception générale, est un des agens les plus considérables & les plus universels qu’il y ait dans la nature, tant pour la conservation de la vie des animaux, que pour la production des plus importans phénomenes qui arrivent sur la terre. Ses propriétés & ses effets-ayant été les principaux objets des recherches & des découvertes des Philosophes modernes ; ils les ont réduits à des lois & des démonstrations précises qui font partie des branches des Mathématiques qu’on appelle Pneumatique & Airométrie. Voyez Respiration, Pneumatique & Airometrie, &c.

Parmi les propriétés & les effets méchaniques de l’air, les principaux sont sa fluidité, sa pesanteur & son élasticité. 1°. Commençons par la fluidité. Cette propriété de l’air est constante par la facilité qu’ont les corps à le traverser, par la propagation des sons, des odeurs & émanations de toutes sortes qui s’échappent des corps ; car ces effets désignent un corps dont les parties cedent au plus léger effort, & en y cédant, se meuvent elles-mêmes avec beaucoup de facilité : or voilà précisément ce qui constitue le fluide. L’air ne perd jamais cette propriété, soit qu’on le garde plusieurs années dans une bouteille fermée, soit qu’on l’expose au plus grand froid naturel ou artificiel, soit qu’on le condense en le comprimant fortement. On n’a jamais remarqué dans aucun de ces cas qu’il se soit réduit en parties solides ; cela vient de sa rareté, de sa mobilité, & de la figure de ses parties. M. Formey. V. Fluide & Son, &c.

Ceux, qui suivant le sentiment de Descartes, font consister la fluidité dans un mouvement perpétuel & intestin des parties, trouveront ce caractere dans l’air. Ainsi dans une chambre obscure où les représentations des objets extérieurs ne sont introduites que par un seul rayon, on voit les corpuscules dont l’air est rempli dans une fluctuation perpétuelle ; & les meilleurs Thermometres ne sont jamais dans un parfait repos. Voyez Thermometre.

Quelques Philosophes modernes attribuent la cause de la fluidité de l’air, au feu qui y est entremêlé, sans lequel toute l’atmosphere, selon eux, se durciroit en une masse solide & impénétrable ; & en effet, plus le degré de feu y est considérable, plus elle est fluide, mobile & perméable ; & selon que les différentes positions du soleil augmentent ou diminuent ce degré de feu, l’air en reçoit toûjours une température proportionnée. Voyez Feu.

C’est-là, sans doute en grande partie, ce qui fait que sur les sommets des plus hautes montagnes, les sensations de l’oüie, de l’odorat, & les autres, se trouvent plus foibles. Voyez Montagne.

Comme l’air est un fluide, il presse dans toutes sortes de directions avec la même force, c’est-à-dire, en haut, en bas, latéralement, obliquement, ainsi que l’expérience le démontre dans tous les fluides. On prouve que la pression latérale de l’air est égale à la pression perpendiculaire par l’expérience suivante, qui est de M. Mariotte. On prend une bouteille haute, percée vers son milieu d’un petit trou ; lorsque cette bouteille est pleine d’eau, on y plonge un tuyau de verre ouvert de chaque coté, dont l’extremité inférieure descend plus bas que le petit trou fait à la bouteille. On bouche le col de la bouteille avec de la cire ou de la poix, dont on a soin de bien envelopper le tuyau, ensorte qu’il ne puisse point du tout entrer d’air entre le tuyau & le col : lors donc que le tuyau se trouve rempli d’eau & que le trou latéral de la bouteille vient à s’ouvrir, l’eau s’écoule en partie du tuyau, mais elle s’arrête proche de l’extrémité inférieure du tuyau à la hauteur du trou, & toute la bouteille reste pleine. Or si la pression perpendiculaire de l’air l’emportoit sur la pression latérale, toute l’eau devroit être poussée hors du tuyau, & ne manqueroit pas de s’écouler ; c’est pourtant ce qui n’arrive pas, parce que l’air presse latéralement avec tant de force contre le trou, que l’eau ne se peut échapper de la bouteille. Mussch. ess. de Phys.

II. La pesanteur ou la gravité. Cette propriété de l’air est peut-être une suite de ce qu’il est une substance corporelle ; la pesanteur étant ou une propriété essentielle de la matiere, ou du moins une propriété qui se rencontre dans tous les corps. Voyez Attraction, Pesanteur, Gravité

Nous avons une infinité de preuves de cette propriété par les expériences. La pesanteur de l’air paroit d’abord en ce qu’il n’abandonne point le centre de la terre. Si on pompe l’air d’un verre, & qu’on ouvre ensuite ce verre en-haut, l’air se précipitera sur le champ dans le verre par l’ouverture, & le remplira. Toutes les expériences de la machine pneumatique prouvent cette qualité de l’air. Voyez Pneumatique. Qu’on applique la main sur l’orifice d’un vaisseau vuide d’air, on sent bien-tôt le poids de l’atmosphere qui la comprime. Des vaisseaux de verre dont on a pompé l’air, sont aisément brisés par la pesanteur de l’air qui les comprime en dehors. Si l’on joint bien exactement deux moitiés d’une sphere creuse, & qu’on en pompe l’air, elles seront pressées l’une contre l’autre par le poids de l’air voisin, avec une force égale à celle d’un poids de cent livres.

Lorsqu’on pose sur un récipient de Machine pneumatique un disque mince & plat de plomb ou de verre, & qu’on pompe ensuite l’air du récipient, l’air extérieur presse alors par sa pesanteur le disque de plomb dans le récipient, ou il brise en pieces avec beaucoup de violence le verre en le poussant en dedans. Si on enveloppe un cylindre ouvert par en haut, d’une vessie de cochon bien mince, dès qu’on aura pompé l’air de ce cylindre, la vessie sera déchirée avec beaucoup de violence. Lorsqu’on pose sur la plaque de la Machine pneumatique des verres ou vases sphériques dont on pompe l’air, ils se trouvent d’abord pressés avec beaucoup de force contre cette plaque, par la pesanteur de l’air extérieur qui les comprime ; de sorte qu’on ne peut les en retirer ensuite qu’avec beaucoup de force.

Autre expérience : Prenez un tuyau fermé par un bout, emplissez-le de mercure, plongez-le par le bout ouvert dans un bassin plein du même fluide, & le tenez droit ; le mercure sera suspendu dans le tuyau à la hauteur d’environ 27 à 28 pouces, au-dessus de la surface du mercure qui est dans le bassin. La raison de cette suspension est, que le mercure du tuyau ne sauroit descendre plus bas sans faire monter celui qui est dans le bassin, lequel étant pressé par le poids de l’atmosphere qu’il supporte, ne permet pas à celui du tuyau de descendre, à moins que le poids de ce dernier n’excede celui de l’air qui presse sur le bassin. Ce qui prouve que c’est-là la cause de cette suspension, c’est que si l’on met le bassin & le tuyau sous le récipient de la Machine pneumatique, à mesure que l’on pompera l’air, le mercure du tuyau baissera ; & réciproquement à mesure que l’on laissera rentrer l’air, le mercure remontera à sa premiere hauteur. C’est-là ce qu’on appelle l’expérience de Torricelli.

C’est aussi à la pesanteur de l’air qu’on doit attribuer l’effet des pompes. Car supposons un tuyau de verre ouvert de chaque côté, & qu’on pousse dedans jusqu’en bas un piston attaché à un manche, qu’on mette ce tuyau dans un petit bassin de mercure, & qu’on tire le piston en haut, qu’en arrivera-t-il ? Comme il n’y a pas d’air & par conséquent point de résistance ni aucune cause qui agisse par la pression, entre le piston & le mercure qui est dans le petit bassin, placé à l’ouverture du tuyau, il faut que le mercure du bassin étant pressé par l’air supérieur & extérieur, monte dans le tuyau & suive le piston ; & lorsque le piston est arrivé à la hauteur de 28 pouces environ, & qu’on continue de le tirer, il faut que le mercure abandonne le piston, & qu’il reste suspendu dans le tuyau à la hauteur de 28 pouces. Car le poids de l’air extérieur n’a pas la force de l’élever d’avantage. Si on prend de l’eau au lieu du mercure, comme elle est environ 14 fois plus légere, l’air la fera aussi monter plus haut, c’est-à-dire, jusqu’à environ 32 pieds.

L’action des enfans qui tetent ne differe pas beaucoup de celle d’une pompe ; car un enfant qui tete, avale l’air qui est dans sa bouche ; il bouche les narines par derriere dans le gosier, & prend le mammelon qu’il serre tout autour avec ses levres. Il gonfle ensuite ses joues & produit de cette maniere un vuide dans sa bouche. L’air presse par sa pesanteur sur les mammelles, & pousse le lait vers le mammelon, & de-là dans la bouche.

On peut aussi expliquer l’action des ventouses par le même principe. Car la partie de la peau qui est enfermée sous la ventouse, se trouve sous un vase dont on a pompé l’air ; de sorte que les humeurs du corps sont poussées vers cette partie par l’action de l’air extérieur : ce qui fait que la peau & ses vaisseaux se gonflent & se levent sous la ventouse. Mussch.

Enfin on peut peser l’air : car si l’on met un vaisseau plein d’air commun dans une balance bien juste, on le trouvera plus pesant que si l’air en avoit été retiré ; & le poids sera encore bien plus sensible, si l’on pese ce même vaisseau rempli d’air condensé sous un récipient d’où on aura pompé l’air. Voyez Balance hydrostatique.

Quelques personnes douteront peut-être que l’air soit pesant de lui-même, & croiront que sa pesanteur peut venir des vapeurs & des exhalaisons dont il est rempli. Il n’y a aucun lieu de douter que la pesanteur de l’air ne dépende effectivement en partie des vapeurs, comme on peut l’expérimenter, en prenant une boule de verre pleine d’air, qu’on pompera ensuite fort exactement. Pour cet effet on mettra en haut sur l’ouverture par laquelle l’air devra rentrer dans la boule, un entonnoir fait exprès, qui aura une cloison percée de petits trous ; on mettra ensuite dessus de la potasse fort seche ou du sel de tartre, & on laissera entrer l’air lentement à travers ces sels dans la boule. On attendra assez long-tems afin que la boule se remplisse d’air, & qu’elle ne se trouve pas plus chaude que l’air extérieur, en cas qu’il puisse s’échauffer par quelque fermentation en passant à travers les sels. Si l’air de l’atmosphere est sec, on trouve que l’air qui avoit auparavant rempli la boule, étoit de même pesanteur que celui qui y est entré en traversant les sels ; & s’il fait un tems humide, on trouvera que l’air qui a passé à travers les sels, est plus léger que celui qui auparavant avoit rempli la boule. Mais quoique cette expérience prouve que la pesanteur de l’air dépende en partie des vapeurs qui y nagent, on ne peut s’empêcher de reconnoître que l’air est pesant de lui-même ; car autrement il ne seroit pas possible de concevoir comment les nuées qui pesent beaucoup pourroient y rester suspendues, ne faisant le plus souvent que flotter dans l’air avec lequel elles sont en équilibre. Otez cet équilibre, & vous les verrez bien-tôt se précipiter en bas. Mussch.

Le poids de l’air varie perpétuellement selon les différens degrés de chaleur & de froid. Riccioli estime que sa pesanteur est à celle de l’eau, comme 1 est à 1000. Mersene, comme 1 est à 1300, ou à 1356. Galilée, comme 1 est à 400. M. Boyle, par une expérience plus exacte, trouve ce rapport aux environs de Londres, comme 1 est à 938 ; & pense que tout bien considéré, la proportion de 1 à 1000 doit être regardée comme sa pesanteur respective moyenne ; car on n’en sauroit fixer une précise, attendu que le poids de l’air, aussi bien que celui de l’eau même, varie à chaque instant. Ajoûtez que les mêmes expériences varient en différens pays, selon la différente hauteur des lieux, & le plus ou le moins de densité de l’air, qui résulte de cette différente hauteur. Boyle, Phys. méchan. exper.

Il faut ajoûter cependant que par des expériences faites depuis en présence de la Société Royale de Londres, la proportion du poids de l’air à celui de l’eau s’est trouvée être de 1 à 840 ; dans une expérience postérieure, comme 1 est à 852 ; & dans une troisieme, comme 1 est à 860. Philos. transact. n°. 181 ; & enfin en dernier lieu, par une expérience fort simple & fort exacte faite par M. Hawksbée, comme 1 est à 885. Physiq. méchan. exper. Mais toutes ces expériences ayant été faites en été, le Docteur Jurin est d’avis qu’il faut choisir un tems entre le froid & le chaud, & qu’alors la proportion de la pesanteur de l’air à celle de l’eau sera de 1 à 800. M. Musschenbroek dit avoir quelquefois trouvé que la pesanteur de l’air étoit à celle de l’eau comme 1 à 606, lorsque l’air étoit fort pesant. Il ajoûte qu’en faisant cette expérience en différentes années & dans des saisons différentes, il a observé une différence continuelle dans cette proportion de pesanteur ; de sorte que suivant les expériences faites en divers endroits de l’Europe il croit que le rapport de la pesanteur de l’air à celle de l’eau doit être réduit à certaines bornes, qui sont comme 1 à 606, & de-là jusqu’à 1000.

L’air une fois reconnu pesant & fluide, les lois de sa gravitation & de sa pression doivent être les mêmes que celles des autres fluides ; & conséquemment sa pression doit être proportionnelle à sa hauteur perpendiculaire. Voyez Fluide.

D’ailleurs cette conséquence est confirmée par les expériences. Car si l’on porte le tube de Torricelli en un lieu plus élevé, où par conséquent la colonne d’air sera plus courte, la colonne de mercure soûtenue sera moins haute, & baissera d’un quart de pouce lorsqu’on aura porté le tube à cent piés plus haut, & ainsi de cent piés en cent piés à mesure qu’on montera.

De ce principe dépend la structure & l’usage du Barometre. Voyez Barometre.

De ce même principe il s’ensuit aussi que l’air comme tous les autres fluides presse également de toutes parts. C’est ce que nous avons déjà démontré ci-dessus ; & dont on voit encore la preuve, si l’on fait attention que les substances molles en soûtiennent la pression sans que leur forme en soit changée, & les corps fragiles sans en être brisés, quoique la pression de la colonne d’air sur ces corps soit égale à celle d’une colonne de mercure de 30 pouces, ou d’une colonne d’eau de 32 piés. Ce qui fait que la figure de ces corps n’est point altérée, c’est la pression égale de l’air qui fait qu’autant il presse d’un côté, autant il résiste du côté opposé. C’est pourquoi si l’on ôte ou si l’on diminue la pression seulement d’un côté, l’effet de la pression sur le côté opposé se sentira bien-tôt.

De la gravité & la fluidité considérées conjointement s’ensuivent plusieurs usages & plusieurs effets de l’air. 1°. Au moyen de ces deux qualités conjointes, il enveloppe la terre avec les corps qui sont dessus, les presse, & les unit avec une force considérable. Pour le prouver, nous observerons que dès qu’on connoît la pesanteur spécifique de l’air, on peut savoir d’abord combien pese un pié cube d’air ; car si un pié cube d’eau pese 64 livres, un pié cube d’air pesera environ la 800e partie de 64 livres ; delà on pourra conclurre quel est le poids d’une certaine quantité d’air. On peut aussi déterminer quelle est la force avec laquelle l’air comprime tous les corps terrestres. Car il est évident que cette pression est la même que si tout notre globe étoit couvert d’eau à la hauteur de 32 piés environ. Or un pié cube d’eau pesant 64 livres, 32 piés peseront 32 fois 64 livres, ou environ 2048 livres ; & comme la surface de la terre contient à peu près 5547800000000000 piés quarrés, il faudra prendre 2048 fois ce grand nombre, pour avoir à peu près le poids réduit en livres avec lequel l’air comprime notre globe. Or on voit aisément que l’effet d’une telle pression doit être fort considérable. Par exemple, elle empêche les vaisseaux artériels des plantes & des animaux d’être excessivement distendus par l’impétuosite des sucs qui y circulent, ou par la force élastique de l’air dont il y a une quantité considérable dans le sang. Ainsi nous ne devons plus être surpris que par l’application des ventouses, la pression de l’air étant diminuée sur une partie du corps, cette partie s’enfle ; ce qui cause nécessairement un changement à la circulation des fluides dans les vaisseaux capillaires, &c.

Cette même cause empêche les fluides de transpirer & de s’échapper à travers les pores des vaisseaux qui les contiennent. C’est ce qu’éprouvent les voyageurs à mesure qu’ils montent des montagnes élevées : ils se sentent lâches de plus en plus à mesure qu’ils avancent vers le haut ; & à la longue, il leur vient un crachement de sang ou d’autres hémorrhagies ; & cela parce que l’air ne presse pas suffisamment sur les vaisseaux des poulmons. On voit la même chose arriver aux animaux enfermés sous le récipient de la machine pneumatique : à mesure qu’on en pompe l’air, ils s’enflent, vomissent, bavent, suent, lâchent leur urine & leurs autres excrémens, &c. Voyez Vuide.

2°. C’est à ces deux mêmes qualités de l’air, la pesanteur & la fluidité, qu’est dû le mêlange des corps contigus les uns aux autres, & singulierement des fluides. Ainsi plusieurs liquides, comme les huiles & les sels qui dans l’air se mêlent promptement & d’eux-mêmes, ne se mêleront point, s’ils sont dans le vuide.

3°. En conséquence de ces deux mêmes qualités, l’air détermine l’action d’un corps sur un autre. Ainsi le feu qui brûle du bois s’éteint, & la flamme se dissipe, si l’on retire l’air ; parce qu’alors il n’y a plus rien qui puisse appliquer les corpuscules du feu contre ceux de la substance combustible, & empêcher la dissipation de la flamme. La même chose arrive à l’or en dissolution dans l’eau régale. Ce menstrue cesse d’agir sur le métal dès qu’on a retiré l’air ; & c’est en conséquence de cette faculté déterminante de l’air, que Papin a imaginé le digestoire qui porte son nom. Voyez Digestoire.

C’est aussi pour cela que sur les sommets des plus hautes montagnes, comme sur le Pic de Ténérif, les substances qui ont le plus de saveur, comme le poivre, le gingembre, le sel, l’esprit de vin, sont presque insipides ; car faute d’un agent suffisant qui applique leurs particules sur la langue & qui les fasse entrer dans ses pores, elles sont chassées & dissipées par la chaleur même de la bouche. La seule substance qui y retienne sa saveur est le vin de Canarie ; ce qui vient de sa qualité onctueuse qui le fait adhérer fortement au palais, & empêche qu’il n’en puisse être écarté aisément.

Ce même principe de gravité produit aussi en partie les vents, qui ne sont autre chose qu’un air mis en mouvement par quelque altération dans son équilibre. Voyez Vent.

III. Une autre qualité de l’air d’où résultent un grand nombre de ses effets, & dont nous avons déjà parlé, est son élasticité ; par laquelle il cede à l’impression des autres corps en rétrécissant son volume, & se rétablit ensuite dans la même forme & la même étendue en écartant ou affoiblissant la cause qui l’avoit resserré. Cette force élastique est une des propriétés distinctives de l’air ; les deux autres propriétés dont nous avons parlé plus haut, lui étant communes avec les autres fluides.

Une infinité de preuves nous convainquent que l’air a cette faculté. Si par exemple on presse avec la main une vessie soufflée, on trouve une résistance sensible dans l’air qui y est enfermé ; & si l’on cesse de la comprimer, la partie qui étoit comprimée se tend & se remplit aussitôt.

C’est de cette propriété de l’air que dépend la structure & l’usage de la Machine pneumatique. Voyez Machine pneumatique.

Chaque particule d’air fait un continuel effort pour se dilater, & ainsi lutte contre les particules voisines qui en font aussi un semblable : mais si la résistance vient à cesser ou à s’affoiblir, à l’instant la particule dégagée se raréfie prodigieusement. C’est ce qui fait que si l’on enferme sous le récipient de la Machine pneumatique de petites balles de verre minces, ou des vessies pleines d’air & bien fermées, & qu’ensuite on pompe l’air, elles y crevent par la force de l’air qu’elles contiennent. Si l’on met sous le récipient une vessie toute flasque, qui ne contienne que très-peu d’air ; lorsqu’on vient à pomper l’air, elle s’y enfle & paroît toute pleine. La même chose arrivera si l’on porte une vessie flasque sur le sommet d’une haute montagne.

Cette même expérience fait voir d’une maniere évidente, que l’élasticité des corps solides est fort différente de la vertu élastique de l’air, & que les corps solides & élastiques se dilatent tout autrement que l’air. En effet, lorsque l’air cesse d’être comprimé, non-seulement il se dilate, mais il occupe alors un plus grand espace, & reparoît sous un plus grand volume qu’auparavant ; ce qu’on ne remarque pas dans les corps solides & élastiques, qui reprennent seulement la figure qu’ils avoient avant que d’être comprimés.

L’air tel qu’il est tout proche de notre globe se raréfie de telle maniere que son volume est toûjours en raison inverse des poids qui le compriment, c’est-à-dire, que si l’air pressé par un certain poids, occupe un certain espace, ce même air pressé par un poids qui ne soit que la moitié du précédent, occupera un espace double de celui qu’il occupoit dans le premier cas. M. Boyle & M. Mariotte ont établi cette regle par des expériences. La même regle a lieu lorsqu’on comprime l’air, comme M. Mariotte l’a fait voir aussi. Cependant il ne faut pas regarder cette regle comme parfaitement exacte ; car en comprimant l’air bien fortement, & le réduisant à un volume quatre fois plus petit, l’effet ne répond plus à la regle donnée par M. Mariotte ; cet air commence alors à faire plus de résistance, & a besoin pour être comprimé davantage ; d’un poids plus grand que la regle ne l’exige. En effet pour peu qu’on y fasse attention, on verra qu’il est impossible que la regle soit exactement vraie : car lorsque l’air sera si fort comprimé que toutes ses parties se toucheront & ne formeront qu’une seule masse solide, il n’y aura plus moyen de comprimer davantage cette masse, puisque les corps sont impénétrables. Il n’est pas moins évident que l’air ne sauroit se raréfier à l’infini, & que sa raréfaction a des bornes ; d’où il s’ensuit que la regle des raréfactions en raison inverse des poids comprimans, n’est pas non plus entierement exacte : car il faudroit suivant cette regle, qu’à un degré quelconque de raréfaction de l’air, on trouvât un poids correspondant qui empêcheroit cette raréfaction d’être plus grande. Or lorsque l’air est raréfié le plus qu’il est possible, il n’est alors chargé d’aucun poids, & il occupe cependant un certain espace.

On ne sauroit assigner de bornes précises à l’élasticité de l’air, ni la détruire ou altérer aucunement. M. Boyle a fait plusieurs expériences pour voir s’il pourroit affoiblir le ressort d’un air extrèmement raréfié dans la Machine pneumatique, en le tenant long-tems comprimé par un poids dont il est étonnant qu’il soûtînt la force pendant un seul instant : & après tout ce tems il n’a point vû de diminution sensible dans son élasticité. M. de Roberval ayant laissé un fusil à vent chargé pendant 16 ans d’air condensé, cet air mis enfin en liberté, poussa une balle avec autant de force, qu’auroit pû faire un air tout récemment condensé.

Cependant M. Hawksbée a prétendu prouver par une expérience qu’il a faite depuis, que le ressort de l’air peut être tellement dérangé par une violente pression, qu’il ne puisse plus se rétablir qu’au bout de quelque tems. Il prit pour cet effet un vaisseau de cuivre bien fort, dans lequel il versa d’abord une demi-pinte d’eau ; il y comprima ensuite trois ou quatre fois plus d’air qu’il n’y en avoit eu auparavant : une heure après il ouvrit le vase & en laissa sortir l’air en y serrant avec une vis un tuyau ouvert, dont l’un des bouts étoit plongé dans l’eau : il trouva peu de tems après que l’eau s’étoit élevée d’un pié dans le tuyau, & qu’elle venoit jusqu’à la hauteur de 16 pouces. Il conclut de là, que la force élastique de l’air avoit été affoiblie pendant quelque tems ; car si elle fût restée la même qu’elle étoit auparavant, tout l’air n’eût pas manqué de s’échapper du vase après qu’il eut été ouvert : d’où il s’ensuit, selon M. Hawksbée, que cet air étant resté dans le vase, il s’y étoit ensuite raréfié, & avoit fait monter l’eau dans le tuyau. Cependant on pourroit soupçonner qu’il seroit peut-être entré une plus grande quantité d’air dans l’eau, parce que l’air qui reposoit dessus, se trouvoit trois ou quatre fois plus comprimé, & que l’air n’auroit été en état de se dégager de l’eau qu’après un certain tems ; ensorte que celui qui avoit pû s’échapper librement, seroit en effet sorti du vase, tandis que celui qui avoit pénétré l’eau en trop grande quantité, auroit eu besoin de tems pour en sortir. M. Musschenbroek ayant versé du mercure dans un tuyau de 8 piés de long, dont un des bouts étoit recourbé, & ayant de cette maniere comprimé l’air dans le bout recourbé, scella ensuite l’autre bout hermétiquement, & marqua le degré de chaleur que l’air avoit alors. Depuis ce tems il dit avoir toûjours observé que le mercure se tenoit à la même hauteur dans le tuyau, lorsque l’air avoit le même degré de chaleur qu’au commencement de l’expérience. Au contraire lorsque l’air devenoit plus chaud, le mercure montoit dans le tuyau ; d’où il paroîtroit s’ensuivre que la compression de l’air ne lui fait point perdre son élasticité. On ne sauroit cependant nier que l’air ne puisse perdre de sa force élastique, puisque M. Hales a prouvé que la chose étoit possible, en mettant le feu à du soufre dans un verre plein d’air : & peut-être y a-t il un plus grand nombre d’exhalaisons qui produisent le même effet. Mussch.

Il est visible que le poids ou la pression de l’air ne dépend pas de son élasticité, & qu’il ne seroit ni plus ni moins pesant, quand il ne seroit pas élastique. Mais de ce qu’il est élastique, il s’ensuit qu’il doit être susceptible d’une pression qui le réduise à un tel espace que son élasticité qui réagit contre le poids qui le comprime, soit égale à ce poids.

En effet, la loi de l’élasticité est qu’elle augmente à proportion de la densité de l’air, & que sa densité augmente à proportion des forces qui le compriment. Or il faut qu’il y ait une égalité entre l’action & la réaction ; c’est-à-dire, que la gravité de l’air qui opere sa compression, & l’élasticité de l’air qui le fait tendre à sa dilatation, soient égales. Voyez Densité, Réaction, &c.

Ainsi l’élasticité augmentant ou diminuant généralement à proportion que la densité de l’air augmente ou diminue, c’est-à-dire, à proportion que l’espace entre ses particules diminue ou augmente, il n’importe que l’air soit comprimé & retenu dans un certain espace par le poids de l’atmosphere, ou par quelque autre cause ; il suffit qu’il tende à se dilater avec une action égale à celle de la cause qui le comprime. C’est pourquoi si l’air voisin de la terre est enfermé dans un vaisseau, de maniere qu’il n’ait plus du tout de communication avec l’air extérieur, la pression de cet air enfermé ne laissera pas d’être égale au poids de l’atmosphere. Aussi voyons nous que l’air d’une chambre bien fermée soûtient le mercure dans le Barometre par sa force élastique à la même hauteur que feroit le poids de toute l’atmosphere. Voyez l’art. Elasticité.

Suivant ce principe, on peut par de certaines méthodes condenser l’air. Voyez Condensation.

C’est sur ce même principe qu’est fondée la structure de l’arquebuse-à-vent. Voyez Arquebuse-à-vent.

L’air peut donc être condensé : mais jusqu’à quel point le peut-il être, ou à quel volume est-il possible de le réduire en le comprimant ? Nous n’en connoissons point encore les bornes. M. Boyle a trouvé le moyen de rendre l’air treize fois plus dense en le comprimant : d’autres prétendent l’avoir vû réduit à un volume 60 fois plus petit. M. Hales l’a rendu 38 fois plus dense à l’aide d’une presse : mais en faisant geler de l’eau dans une grenade ou boulet de fer, il a réduit l’air en un volume 1838 fois plus petit, de sorte qu’il doit avoir été plus de deux fois plus pesant que l’eau ; ainsi comme l’eau ne peut être comprimée, il s’ensuit de là que les parties aëriennes doivent être d’une nature bien différente de celles de l’eau : car autrement on n’auroit pû réduire l’air qu’à un volume 800 fois plus petit ; il auroit alors été précisément aussi dense que l’eau, & il auroit résisté à toutes sortes de pressions avec une force égale à celle que l’on remarque dans l’eau. Mussch.

M. Halley assûre dans les Transactions philosophiques, en conséquence d’expériences faites à Londres, & d’autres faites à Florence dans l’Académie del Cimento, qu’on peut en toute sûreté décider qu’il n’y a pas de force capable de réduire l’air à un espace 800 fois plus petit que celui qu’il occupe naturellement sur la surface de notre terre. Et M. Amontons combattant le sentiment de M. Halley, soûtient dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, qu’on ne peut point assigner de bornes précises à la condensation de l’air ; que plus on le chargera, plus on le condensera ; qu’il n’est élastique qu’en vertu du feu qu’il contient ; & que comme il est impossible d’en tirer tout le feu qui y est, il est également impossible de le condenser à un point au-delà duquel on ne puisse plus aller.

L’expérience que nous venons de rapporter de M. Hales, prouve du moins que l’air peut être plus condensé que ne l’a prétendu M. Halley. C’est à l’élasticité de l’air qu’on doit attribuer les effets de la fontaine de Héron, & de ces petits plongeons de verre, qui étant enfermés dans un vase plein d’eau, descendent au fond, remontent ensuite, & se tiennent suspendus au milieu de l’eau, se tournent & se meuvent comme on le veut. C’est encore à cette élasticité que l’on doit l’action des pompes à feu. Voyez Fontaine & Pompe.

L’air, en vertu de sa force élastique, se dilate à un point qui est surprenant ; le feu a la propriété de le raréfier considérablement. L’air produit par cette dilatation le même effet que si sa force élastique augmentoit, d’où il arrive qu’il fait effort pour s’étendre de tous côtés. Il se condense au contraire par le froid, de sorte qu’on diroit alors qu’il a perdu une partie de sa force élastique. On éprouve la force de l’air échauffé, lorsqu’on l’enferme dans une phiole mince, scellée hermétiquement, & qu’on met ensuite sur le feu ; l’air se raréfie avec tant de force, qu’il met la phiole en pieces avec un bruit considérable. Si on tient sur le feu une vessie à demi soufflée, bien liée & bien fermée, non-seulement elle se gonflera par la raréfaction de l’air intérieur, mais même elle crevera. M. Amontons a trouvé que l’air rendu aussi chaud que l’eau bouillante, acquéroit une force qui est au poids de l’atmosphere, comme 10 à 33, ou même comme 10 à 35 ; & que la chose réussissoit également, soit qu’on employât pour cette expérience une plus grande ou une plus petite quantité d’air. M. Hawksbée a observé en Angleterre, qu’une portion d’air enfermée dans un tuyau de verre, lorsqu’il commençoit à geler, formoit un volume qui étoit à celui de la même quantité d’air dans la plus grande chaleur de l’été comme 6 à 7.

Lorsque l’air se trouve en liberté & délivré de la cause qui le comprimoit, il prend toûjours une figure sphérique dans les interstices des fluides où il se loge, & dans lesquels il vient à se dilater. Cela se voit lorsqu’on met des fluides sous un récipient dont on pompe l’air : car on voit d’abord paroître une quantité prodigieuse de bulles d’air d’une petitesse extraordinaire, & semblables à des grains de sable fort menus, lesquelles se dispersent dans toute la masse du fluide & s’élevent en-haut. Lorsqu’on tire du récipient une plus grande quantité d’air, ces bulles se dilatent davantage, & leur volume augmente à mesure qu’elles s’élevent, jusqu’à ce qu’elles sortent de la liqueur, & qu’elles s’étendent librement dans le récipient.

Mais ce qu’il y a sur-tout de remarquable, c’est que dans tout le trajet que font alors ces bulles d’air, elles paroissent toûjours sous la forme de petites spheres.

Lorsqu’on met dans la liqueur une plaque de métal, & qu’on commence à pomper, on voit la surface de cette plaque couverte de petites bulles ; ces bulles ne sont autre chose que l’air qui étoit adhérent à la surface de la plaque, & qui s’en détache peu-à-peu. Voyez Adhérence & Cohésion.

On n’a rien négligé pour découvrir jusqu’à quel point l’air peut se dilater lorsqu’il est entierement libre, & qu’il ne se trouve comprimé par aucune force extérieure. Cette recherche est sujette à de grandes difficultés, parce que notre atmosphere est composée de divers fluides élastiques, qui n’ont pas tous la même force ; par conséquent, si l’on demandoit combien l’air pur & sans aucun mêlange peut se dilater, il faudroit pour répondre à cette question, avoir premierement un air bien pur ; or c’est ce qui ne paroît pas facile. Il faut ensuite savoir dans quel vase & comment on placera cet air, pour faire ensorte que ses parties soient séparées, & qu’elles n’agissent pas les unes sur les autres. Aussi plusieurs Physiciens habiles désesperent-ils de pouvoir arriver à la solution de ce problème. On peut néanmoins conclurre, selon M. Musschenbroek, de quelques expériences assez grossieres, que l’air qui est proche de notre globe, peut se dilater jusqu’à occuper un espace 4000 fois plus grand que celui qu’il occupoit. Mussch.

M. Boyle, dans plusieurs expériences, l’a dilaté une premiere fois jusqu’à lui faire occuper un volume neuf fois plus considérable qu’auparavant ; ensuite il lui a fait occuper un espace 31 fois plus grand ; après cela il l’a dilaté 60 fois davantage ; puis 150 fois ; enfin il prétend l’avoir dilaté 8000 fois davantage, ensuite 10000 fois, & en dernier lieu 13679 fois, & cela par sa seule vertu expansive, & sans avoir recours au feu. Voyez Raréfaction.

C’est sur ce principe que se regle la construction & l’usage du Manometre. Voyez Manometre.

Il conclut de-là que l’air que nous respirons près de la surface de la terre est condensé par la compression de la colonne supérieure en un espace au moins 13679 fois plus petit que celui qu’il occuperoit dans le vuide. Mais si ce même air est condensé par art, l’espace qu’il occupera lorsqu’il le sera autant qu’il peut l’être, sera à celui qu’il occupoit dans ce premier état de condensation, comme 550000 est à 1. Voyez Dilatation.

L’on voit par ces différentes expériences, qu’Aristote se trompe lorsqu’il prétend que l’air rendu dix fois plus rare qu’auparavant, change de nature & devient feu.

M. Amontons & d’autres, comme nous l’avons déjà observé, font dépendre la raréfaction de l’air du feu qu’il contient : ainsi en augmentant le degré de chaleur, la raréfaction sera portée bien plus loin qu’elle ne pourroit l’être par une dilatation spontanée. Voyez Chaleur.

De ce principe se déduit la construction & l’usage du Thermometre. Voyez Thermometre.

M. Amontons est le premier qui ait découvert que plus l’air est dense, plus avec un même degré de chaleur il se dilatera. Voyez Densité.

En conséquence de cette découverte, cet habile Académicien a fait un discours pour prouver que « le ressort & le poids de l’air joints à un degré de chaleur moderé, peuvent suffire pour produire même des tremblemens de terre, & d’autres commotions très-violentes dans la nature ».

Suivant les expériences de cet Auteur, & celles de M. de la Hire, une colonne d’air sur la surface de la terre, de la hauteur de 36 toises, est égale au poids de trois lignes de mercure ; & des quantités égales d’air occupent des espaces proportionnels aux poids qui les compriment. Ainsi le poids de l’air qui rempliroit tout l’espace occupé par le globe terrestre, seroit égal à celui d’un cylindre de mercure, dont la base égaleroit la surface de la terre, & qui auroit en hauteur autant de fois trois lignes que toute l’atmosphere contient d’orbes égaux en poids à celui que nous avons supposé haut de 36 toises. Donc en prenant le plus dense de tous les corps, l’or par exemple, dont la gravité est environ 14630 fois plus grande que celle de l’air que nous respirons ; il est aisé de trouver par le calcul que cet air seroit réduit à la même densité que l’or, s’il étoit pressé par une colonne de mercure qui eût 14630 fois 28 pouces de haut, c’est-à-dire 409640 pouces ; puisque les densités de l’air en ce cas seroient en raison directe des poids par lesquels elles seroient pressées. Donc 409640 pouces expriment la hauteur à laquelle le barometre devroit être dans un endroit où l’air seroit aussi pesant que l’or, & lignes l’épaisseur à laquelle seroit réduite dans ce même endroit notre colonne d’air de 36 toises.

Or nous savons que 409640 pouces ou 43528 toises ne sont que la 74e partie du demi-diametre de la terre. Donc si au lieu de notre globe terrestre, on suppose un globe de même rayon, dont la partie extérieure soit de mercure à la hauteur de 43538t. & l’intérieure pleine d’air, tout le reste de la sphere dont le diametre sera de 6451538t. sera rempli d’un air dense plus lourd par degré que les corps les plus pesans que nous ayons. Conséquemment, comme il est prouvé que plus l’air est comprimé, plus le même degré de feu augmente la force de son ressort & le rend capable d’un effet d’autant plus grand ; & que, par exemple, la chaleur de l’eau bouillante augmente le ressort de notre air au-delà de sa force ordinaire d’une quantité égale au tiers du poids avec lequel il est comprimé ; nous en pouvons inférer qu’un degré de chaleur qui dans notre orbe ne produiroit qu’un effet modéré, en produiroit un beaucoup plus violent dans un orbe inférieur ; & que comme il peut y avoir dans la nature bien des degrés de chaleur au-delà de celle de l’eau bouillante, il peut y en avoir dont la violence secondée du poids de l’air intérieur soit capable de mettre en pieces tout le globe terrestre. Mém. de l’Ac. R. des Sc. an. 1703. Voyez Tremblement de terre.

La force élastique de l’air est encore une autre source très-féconde des effets de ce fluide. C’est en vertu de cette propriété qu’il s’insinue dans les pores des corps, y portant avec lui cette faculté prodigieuse qu’il a de se dilater, qui opere si facilement ; conséquemment il ne sauroit manquer de causer des oscillations perpétuelles dans les particules du corps auxquelles il se mêle. En effet le degré de chaleur, la gravité & la densité de l’air ; & conséquemment son élasticité & son expansion ne restant jamais les mêmes pendant deux minutes de suite, il faut nécessairement qu’il se fasse dans tous les corps une vibration, ou une dilatation & contraction perpétuelles. Voyez Vibration, Oscillation, &c.

On observe ce mouvement alternatif dans une infinité de corps différens, & singulierement dans les plantes dont les trachées des vaisseaux à air font l’office de poûmons : car l’air qui y est contenu se dilatant & se resserrant alternativement à mesure que la chaleur augmente ou diminue, contracte & relâche tour à tour les vaisseaux, & procure ainsi la circulation des fluides. V. Végétal, Circulation, &c.

Aussi la végétation & la germination ne se feroient-elles point dans le vuide. Il est bien vrai qu’on a vû de féves s’y gonfler un peu ; & quelques-uns ont cru qu’elles y végétoient : mais cette prétendue végétation n’étoit que l’effet de la dilatation de l’air qu’elles contenoient. Voyez Végétation, &c.

C’est par la même raison que l’air contenu en bulles dans la glace la rompt par son action continuelle ; ce qui fait que souvent les vaisseaux cassent quand la liqueur qu’ils contiennent est gelée. Quelquefois des blocs de marbre tout entiers se cassent en hyver, à cause de quelque petite bulle d’air qui y est enfermée & qui a acquis un accroissement d’élasticité.

C’est le même principe qui produit la putréfaction & la fermentation : car rien ne fermentera ni ne pourrira dans le vuide, quelque disposition qu’il ait à l’un ou à l’autre. Voyez Putréfaction & Fermentation.

L’air est le principal instrument de la nature dans toutes ses opérations sur la surface de la terre & dans son intérieur. Aucun végétal ni animal terrestre ou aquatique ne peut être produit, vivre ou croître sans air. Les œufs ne sauroient éclorre dans le vuide. L’air entre dans la composition de tous les fluides, comme le prouvent les grandes quantités d’air qui en sortent. Le chêne en fournit un tiers de son poids ; les pois autant ; le blé de Turquie, un quart ; &c. Voyez la Statique des végétaux de M. Hales.

L’air produit en particulier divers effets sur le corps humain, suivant qu’il est chargé d’exhalaisons, & qu’il est chaud, froid ou humide. En effet, comme l’usage de l’air est inévitable, il est certain qu’il agit à chaque instant sur la disposition de nos corps. C’est ce qui a été reconnu par Hippocrate, & par Sydenham l’Hippocrate moderne, qui nous a laissé des épidémies écrites sur le modele de celle du Prince de la Medecine, contenant une histoire des maladies aiguës entant qu’elles dépendent de la température de l’air. Quelques savans Medecins d’Italie & d’Allemagne ont marché sur les traces de Sydenham ; & une Société de Medecins d’Edimbourg suit actuellement le même plan. Le célebre M. Clifton nous a donné l’histoire des maladies épidémiques avec un journal de la température de l’air par rapport à la ville d’Yorck depuis 1715 jusquen 1725. A ces Ouvrages il faut joindre l’Essai sur les effets de l’air par M. Jean Arbuthnot Docteur en Medecine, & traduit de l’Anglois par M. Boyer. Par. 1740. in-12. M. Formey.

L’air rempli d’exhalaisons animales, particulierement de celles qui sont corrompues, a souvent causé des fievres pestilentielles. Les exhalaisons du corps humain sont sujettes à la corruption. L’eau où l’on s’est baigné acquiert par le séjour une odeur cadavéreuse. Il est démontré que moins de 3000 hommes placés dans l’étendue d’un arpent de terre y formeroient de leur propre transpiration dans 34 jours une atmosphere d’environ 71 piés de hauteur, laquelle n’étant point dissipée par les vents deviendroit pestilentielle en un moment. D’où l’on peut inférer que la premiere attention en bâtissant des villes est qu’elles soient bien ouvertes, les maisons point trop hautes, & les rues bien larges. Des constitutions pestilentielles de l’air ont été quelquefois précédées de grands calmes. L’air des prisons cause souvent des maladies mortelles : aussi le principal soin de ceux qui servent dans les hôpitaux doit être de donner un libre passage à l’air. Les parties corruptibles des cadavres ensevelis sous terre sont emportées quoique lentement dans l’air ; & il seroit à souhaiter qu’on s’abstînt d’ensevelir dans les églises, & que tous les cimetieres fussent hors des villes en plein air. On peut juger delà que dans les lieux où il y a beaucoup de monde assemblé, comme aux spectacles, l’air s’y remplit en peu de tems de quantité d’exhalaisons animales très dangereuses par leur prompte corruption. Au bout d’une heure on ne respire plus que des exhalaisons humaines ; on admet dans ses poûmons un air infecté sorti de mille poitrines, & rendu avec tous les corpuscules qu’il a pû entraîner de l’intérieur de toutes ces poitrines, souvent corrompues & puantes. M. Formey.

L’air extrèmement chaud peut réduire les substances animales à un état de putréfaction. Cet air est particulierement nuisible aux poûmons. Lorsque l’air extérieur est de plusieurs degrés plus chaud que la substance du poûmon, il faut nécessairement qu’il détruise & corrompe les fluides & les solides, comme l’expérience le vérifie. Dans une rafinerie de sucre où la chaleur étoit de 146 degrés, c’est-à-dire, de 54 au-delà de celle du corps humain, un moineau mourut dans deux minutes, & un chien en 28. Mais ce qu’il y eut de plus remarquable, c’est que le chien jetta une salive corrompue, rouge & puante. En général personne ne peut vivre long-tems dans un air plus chaud que son propre corps. M. Formey.

Le froid condense l’air proportionnellement à ses degrés. Il contracte les fibres animales & les fluides, aussi loin qu’il les pénetre ; ce qui est démontré par les dimensions des animaux, réellement moindres dans le froid que dans le chaud. Le froid extrème agit sur le corps en maniere d’aiguillon, produisant d’abord un picotement, & ensuite un léger degré d’inflammation causé par l’irritation & le resserrement des fibres. Ces effets sont bien plus considérables sur le poûmon, où le sang est beaucoup plus chaud & les membranes très-minces. Le contact de l’air froid entrant dans ce viscere seroit insupportable, si l’air chaud en étoit entierement chassé par l’expiration. L’air froid resserre les fibres de la peau, & refroidissant trop le sang dans les vaisseaux, arrête quelques-unes des parties grossieres de la transpiration, & empêche quantité de sels du corps de s’évaporer. Faut-il s’étonner que le froid cause tant de maladies ? Il produit le scorbut avec les plus terribles symptomes par l’irritation & l’inflammation des parties qu’il resserre. Le scorbut est la maladie des pays froids, comme on le peut voir dans les journaux de ceux qui ont passé l’hyver dans la Groenlande & dans d’autres régions froides. On lit dans les Voyages de Martens & du Capitaine Wood, que des Anglois ayant passé l’hyver en Groenlande, eurent le corps ulcéré & rempli de vessies ; que leurs montres s’arrêterent ; que les liqueurs les plus fortes se gelerent, & que tout se glaçoit même au coin du feu. M. Formey.

L’air humide produit le relâchement dans les fibres animales & végétales. L’eau qui s’insinue par les pores du corps en augmente les dimensions. C’est ce qui fait qu’une corde de violon mouillée baisse en peu de tems. L’humidité produit le même effet sur les fibres des animaux. Un nageur est plus abattu par le relâchement des fibres de son corps, que par son exercice. L’humidité facilite le passage de l’air dans les pores ; l’air passe aisément dans une vessie mouillée ; l’humidité affoiblit l’élasticité de l’air ; ce qui cause le relâchement des fibres en tems de pluie. L’air sec produit le contraire. Le relâchement des fibres dans les endroits où la circulation du sang est imparfaite, comme dans les cicatrices & dans les parties luxées ou contuses, cause de grandes douleurs. M. Formey.

Un des exemples de l’efficacité merveilleuse de l’air, c’est qu’il peut changer les deux regnes, l’animal & le végétal, l’un en l’autre. Voyez Animal, &c.

En effet il paroît que c’est de l’air que procede toute la corruption naturelle & l’altération des substances ; & les métaux, & singulierement l’or, ne sont durables & incorruptibles, que parce que l’air ne les sauroit pénétrer. C’est la raison pourquoi on a vû des noms écrits dans le sable ou dans la poussiere sur de hautes montagnes se lire encore bien distinctement au bout de quarante ans, sans avoir été aucunement défigurés ou effacés. Voyez Corruption, Altération, &c.

Quoique l’air soit un fluide fort délié, il ne pénetre pourtant pas toutes sortes de corps. Il ne pénetre pas, comme nous venons de dire, les métaux : il en est même quelques-uns qu’il ne pénetre pas, quoique leur épaisseur ne soit que de 1/24 de pouce ; il passeroit à travers le plomb, s’il n’étoit battu à coups de marteau : il ne traverse pas non plus le verre, ni les pierres dures & solides, ni la cire, ni la poix, la résine, le suif & la graisse : mais il s’insinue dans toutes sortes de bois, quelque durs qu’ils puissent être. Il passe à travers le cuir sec de brebis, de veau, le parchemin sec, la toile seche, le papier blanc, bleu, ou gris, & une vessie de cochon tournée à l’envers. Mais lorsque le cuir, le papier, le parchemin ou la vessie se trouvent pénétrés d’eau, ou imbibés d’huile ou de graisse, l’air ne passe plus alors à travers : il pénetre aussi bien plus facilement le bois sec que celui qui est encore verd ou humide. Cependant lorsque l’air est dilaté jusqu’à un certain point, il ne passe plus alors à travers les pores de toutes sortes de bois. Mussch.

Venons aux effets que les différentes substances mêlées dans l’air produisent sur les corps inanimés. L’air n’agit pas uniquement en conséquence de sa pesanteur & de son élasticité ; il a encore une infinité d’autres effets qui résultent des différens ingrédiens qui y sont confondus.

Ainsi 1°. non-seulement il dissout & atténue les corps par sa pression & son froissement, mais aussi comme étant un chaos qui contient toutes sortes de menstrues, & qui conséquemment trouve partout à dissoudre quelque sorte de corps. V. Dissolution.

On sait que le fer & le cuivre se dissolvent aisément & se rouillent à l’air, à moins qu’on ne les garantisse en les enduisant d’huile. Boerhaave assûre avoir vû des barres de fer tellement rongées par l’air, qu’on les pouvoit mettre en poudre sous les doigts. Pour le cuivre, il se convertit à l’air en une substance à peu près semblable au verd-de-gris qu’on fait avec le vinaigre. Voyez Fer, Cuivre, Verd-de-gris, Rouille , &c.

M. Boyle rapporte que dans les régions méridionales de l’Angleterre, les canons se rouillent si promptement, qu’au bout de quelques années qu’ils sont restés exposés à l’air, on en enleve une quantité considérable de crocus de Mars.

Acosta ajoûte que dans le Pérou l’air dissout le plomb, & le rend beaucoup plus lourd ; cependant l’or passe généralement pour ne pouvoir être dissous par l’air, parce qu’il ne contracte jamais de rouille, quelque long-tems qu’on l’y laisse exposé. La raison en est que le sel marin, qui est le seul menstrue capable d’agir sur l’or, étant très-difficile à volatiliser, il n’y en a qu’une très-petite quantité dans l’air à proportion des autres substances. Dans les laboratoires de Chimie, où l’on prépare l’eau régale, l’air étant imprégné d’une grande quantité de ce sel, l’or y contracte de la rouille comme les autres métaux. Voyez Or, &c.

Les pierres même subissent le sort commun aux métaux : ainsi en Angleterre on voit s’amollir & tomber en poussiere la pierre de Purbec, dont est bâtie la Cathédrale de Salisbury ; & M. Boyle dit la même chose de la pierre de Blackington. Voyez Pierre.

Il ajoûte que l’air travaille considérablement sur le vitriol, même lorsque le feu n’a plus à y mordre. Le même auteur a trouvé que les fumées d’une liqueur corrosive agissoient plus promptement & plus manifestement sur un métal exposé à l’air, que ne faisoit la liqueur elle-même sur le même métal, qui n’étoit pas en plein air.

2°. L’air volatilise les corps fixes : par exemple, si l’on calcine du sel, & qu’on le fonde ensuite, qu’on le seche & qu’on le refonde encore, & ainsi de suite plusieurs fois ; à la fin il se trouvera tout-à-fait évaporé, & il ne restera au fond du vase qu’un peu de terre. Voyez Volatil, Volatilisation, &c.

Van-Helmont fait un grand secret de Chimie de volatiliser le sel fixe de tartre : mais l’air tout seul suffit pour cela. Car si l’on expose un peu de ce sel à l’air dans un endroit rempli de vapeurs acides, le sel tire à lui tout l’acide ; & quand il s’en est soûlé, il se volatilise. Voyez Tartre, &c.

3°. L’air fixe aussi les corps volatils : ainsi quoique le nitre ou l’eau-forte s’évaporent promptement au feu, cependant s’il y a près du feu de l’urine putréfiée, l’esprit volatil se fixera & tombera au fond.

4°. Ajoûtez que l’air met en action les corps qui sont en repos, c’est-à-dire, qu’il excite leurs facultés cachées. Si donc il se répand dans l’air une vapeur acide, tous les corps dont cette vapeur est le menstrue en étant dissous, sont mis dans un état propre à l’action. Voyez Acide, &c.

En Chimie, il n’est point du tout indifférent qu’un procédé se fasse à l’air ou hors de l’air, ou même à un air ouvert, ou à un air enfermé. Ainsi le camphre brûlé dans un vaisseau fermé se met tout en sels ; au lieu que si pendant le procédé on découvre le vaisseau, & qu’on en approche une bougie, il se dissipera tout en fumée. De même pour faire du soufre inflammable, il faut un air libre. Dans une cucurbite fermée, on pourroit le sublimer jusqu’à mille fois sans qu’il prît feu. Si l’on met du soufre sous une cloche de verre avec du feu dessous, il s’y élevera un esprit de soufre : mais s’il y a la moindre fente à la cloche par où l’air enfermé puisse avoir communication avec l’air extérieur, le soufre s’enflammera aussi-tôt. Une once de charbon de bois enfermée dans un creuset bien luté, y restera sans déchet pendant quatorze ou quinze jours à la chaleur d’un fourneau toûjours au feu ; tandis que la millieme partie du feu qu’on y a consumé, l’auroit mis en cendres dans un air libre. Van-Helmont ajoûte que pendant tout ce tems-là le charbon ne perd pas même sa couleur noire ; mais que s’il s’y introduit un peu d’air, il tombe aussi-tôt en cendres blanches. Il faut dire la même chose de toutes les substances animales & végétales, qu’on ne sauroit calciner qu’à feu ouvert, & qui dans des vaisseaux fermés ne peuvent être réduits qu’en charbons noirs.

L’air peut produire une infinité de changemens dans les substances, non-seulement par rapport à ses propriétés méchaniques, sa gravité, sa densité, &c. mais aussi à cause des substances hétérogenes qui y sont mêlées. Par exemple, dans un endroit où il y a beaucoup de marcassites, l’air est imprégné d’un sel vitriolique mordicant, qui gâte tout ce qui est sur terre en cet endroit, & se voit souvent à terre en forme d’efflorescence blanchâtre. A Fahlun en Suede, ville connue par ses mines de cuivre, qui lui ont fait aussi donner le nom de Copperberg, les exhalaisons minérales affectent l’air si sensiblement, que la monnoie d’argent & de cuivre qu’on a dans la poche en change de couleur. M. Boyle apprit d’un Bourgeois qui avoit du bien dans cet endroit, qu’au dessus des veines de métaux & de minéraux qui y sont, on voyoit souvent s’élever des especes de colonnes de fumée, dont quelques-unes n’avoient point du tout d’odeur, d’autres en avoient une très-mauvaise, & quelques-unes en avoient une agréable. Dans la Carniole, & ailleurs, où il y a des mines, l’air devient de tems en tems fort mal sain, d’où il arrive de fréquentes maladies épidémiques, &c. Ajoûtons que les mines qui sont voisines du cap de Bonne-Espérance, envoyent de si horribles vapeurs d’arsénic dont il y a quantité, qu’aucun animal ne sauroit vivre dans le voisinage ; & que dès qu’on les a tenues quelque tems ouvertes, on est obligé de les refermer.

On observe la même chose dans les végétaux : ainsi lorsque les Hollandois eurent fait abbatre tous les girofliers dont l’Isle de Ternate étoit toute remplie, afin de porter plus haut le prix des clous de girofle, il en résulta un changement dans l’air qui fit bien voir combien étoient salutaires dans cette Isle les corpuscules qui s’échappoient de l’arbre & de ses fleurs : car aussi-tôt après que les girofliers eurent été coupés, on ne vit plus que maladies dans toute l’Isle. Un Medecin qui étoit sur les lieux, & qui a rapporté ce fait à M. Boyle, attribue ces maladies aux exhalaisons nuisibles d’un volcan qui est dans cette Isle, lesquelles vraissemblablement étoient corrigées par les corpuscules aromatiques que répandoient dans l’air les girofliers.

L’air contribue aussi aux changemens qui arrivent d’une saison à l’autre dans le cours de l’année. Ainsi dans l’hyver la terre n’envoye guere d’émanations au-dessus de sa surface, par la raison que ses pores sont bouchés par la gelée ou couverts de neige. Or pendant tout ce tems la chaleur soûterraine ne laisse pas d’agir au-dedans, & d’y faire un fond dont elle se décharge au printems. C’est pour cela que la même graine semée dans l’automne & dans le printems, dans un même sol & par un tems également chaud, viendra pourtant tout différemment. C’est encore pour cette raison que l’eau de la pluie ramassée dans le printems, a une vertu particuliere pour le froment, qui y ayant trempé, en produit une beaucoup plus grande quantité qu’il n’auroit fait sans cela. C’est aussi pourquoi il arrive d’ordinaire, comme on l’observe assez constamment, qu’un hyver rude est suivi d’un printems humide & d’un bon été.

De plus, depuis le solstice d’hyver jusqu’à celui d’été, les rayons du soleil donnant toûjours de plus en plus perpendiculairement, leur action sur la surface de la terre acquiert de jour en jour une nouvelle force, au moyen de laquelle ils relâchent, amollissent & putréfient de plus en plus la glebe ou le sol, jusqu’à ce que le soleil soit arrivé au tropique où avec la force d’un agent chimique, il résout les parties superficielles de la terre en leurs principes, c’est-à-dire, en eau, en huile, en sels, &c. qui s’élevent dans l’atmosphere. Voyez Chaleur.

Voilà comme se forment les météores qui ne sont que des émanations de ces corpuscules répandus dans l’air. Voyez Météore.

Ces météores ont des effets très-considérables sur l’air. Ainsi, comme on sait, le tonnerre fait fermenter les liqueurs. Voyez Tonnerre, Fermentation, &c.

En effet tout ce qui produit du changement dans le degré de chaleur de l’atmosphere, doit aussi en produire dans la matiere de l’air. M. Boyle va plus loin sur cet article, & prétend que les sels & autres substances mêlées dans l’air, sont maintenus par le chaud dans un état de fluidité, qui fait qu’étant mêlés ensemble ils agissent conjointement ; & que par le froid ils perdent leur fluidité & leur mouvement, se mettent en crystaux, & se séparent les uns des autres. Si les colonnes d’air sont plus ou moins hautes, cette différence peut causer aussi des changemens, y ayant peu d’exhalaisons qui s’élevent au-dessus des plus hautes montagnes. On en a eu la preuve par certaines maladies pestilentielles, qui ont emporté tous les habitans qui peuploient un côté d’une montagne, sans que ceux qui peuploient l’autre côté s’en soient aucunement sentis.

On ne sauroit nier non plus que la secheresse & l’humidité ne produisent de grands changemens dans l’atmosphere. En Guinée, la chaleur jointe à l’humidité cause une telle putréfaction, que les meilleures drogues perdent en peu de tems toutes leurs vertus, & que les vers s’y mettent. Dans l’isle de S. Jago, on est obligé d’exposer le jour les confitures au soleil, pour en faire exhaler l’humidité qu’elles ont contractée pendant la nuit, sans quoi elles seroient bien-tôt gâtées.

C’est sur ce principe que sont fondés la construction & l’usage de l’Hygrometre. Voyez Hygrometre.

Ces différences dans l’air ont aussi une grande influence sur les expériences des Philosophes, des Chimistes & autres.

Par exemple, il est difficile de tirer l’huile du soufre, per campanam, dans un air clair & sec, parce qu’alors il est très-facile aux particules de ce minéral de s’échapper dans l’air : mais dans un air grossier & humide, elle vient en abondance. Ainsi tous les sels se mêlent plus aisément, & étant fondus agissent avec plus de force dans un air épais & humide ; toutes les séparations de substances s’en font aussi beaucoup mieux. Si le sel de tartre est exposé dans un endroit où il y ait dans l’air quelque esprit acide flottant, il s’en impregnera, & de fixe deviendra volatil. De même les expériences faites sur des sels à Londres, où l’air est abondamment impregné du soufre qui s’exhale du charbon de terre qu’on y brûle, réussissent tout autrement que dans les autres endroits du Royaume où l’on brûle du bois, de la tourbe, ou autres matieres. C’est aussi pourquoi les ustenciles de métal se rouillent plus vîte ailleurs qu’à Londres, où il y a moins de corpuscules acides & corrosifs dans l’air & pourquoi la fermentation qui est facile à exciter dans un lieu où il n’y a point de soufre, est impraticable dans ceux qui abondent en exhalaisons sulphureuses. Si du vin tiré au clair après qu’il a bien fermenté est transporté dans un endroit où l’air soit imprégné des fumées d’un vin nouveau qui fermente actuellement, il recommencera à fermenter. Ainsi le sel de tartre s’enfle comme s’il fermentoit, si on le met dans un endroit où l’on prépare de l’esprit de nitre, du vitriol, ou du sel marin. Les Brasseurs, les Distillateurs & les Vinaigriers font une remarque qui mérite bien d’avoir place ici : c’est qu’il n’y a pas de meilleur tems pour la fermentation des sucs des plantes, que celui où ces plantes sont en fleurs. Ajoutez que les taches faites par les sucs des substances végétales ne s’enievent jamais mieux de dessus les étoffes, que quand les plantes d’où ils proviennent sont dans leur primeur. M. Boyle dit qu’on en a fait l’expérience sur des taches de jus de coing, de houblon & d’autres végétaux ; & que singulierement une qui étoit de jus de houblon, & qu’on n’avoit pas pû emporter quelque chose qu’on y fît, s’en étoit allée d’elle-même dans la saison du houblon.

Outre tout ce que nous venons de dire de l’air, quelques Naturalistes curieux & pénétrans ont encore observé d’autres effets de ce fluide, qu’on ne peut déduire d’aucune des propriétés dont nous venons de parler. C’est pour cela que M. Boyle a composé un Traité exprès, intitulé Conjectures sur quelques propriétés de l’air encore inconnues. Les phénomenes de la flamme & du feu dans le vuide portent à croire, selon cet auteur, qu’il y a dans l’air une substance vitale & singuliere, que nous ne connoissons pas, en conséquence de laquelle ce fluide est si nécessaire à la nutrition de la flamme. Mais quelle que soit cette substance, il paroît en examinant l’air qui en est dépouillé, & dans lequel conséquemment la flamme ne peut plus subsister, qu’elle y est en bien petite quantité en comparaison du volume d’air qui en est imprégné, puisqu’on ne trouve aucune altération sensible dans les propriétés de cet air. Voyez Flamme.

D’autres exemples qui servent à entretenir ces conjectures, font les sels qui paroissent & qui s’accroissent dans certains corps, qui n’en produiroient point du tout ou en produiroient beaucoup moins s’ils n’étoient pas exposés à l’air. M. Boyle parle de quelques marcassites tirées de dessous terre, qui etant gardées dans un endroit sec, se couvroient assez vîte d’une efflorescence vitriolique, & s’égrugeoient en peu de tems en une poudre qui contenoit une quantité considérable de couperose, quoique vraissemblablement elles fussent restées en terre plusieurs siécles sans se dissoudre. Ainsi la terre ou la mine d’alun & de quantité d’autres minéraux, dépouillée de ses sels, de ses métaux & autres substances, les recouvre avec le tems. On observe la même chose du fraisi dans les forges, Voyez Mine, Fer, &c.

M. Boyle ajoûte, que sur des enduits de chaux de vieilles murailles, il s’amasse avec le tems une efflorescence copieuse d’un qualité nitreuse dont on tire du salpetre. Le colcothar de vitriol n’est point naturellement corrosif, & n’a de lui-même aucun sel : mais si on le laisse quelque tems exposé à l’air, il donne du sel, & beaucoup. Voyez Colcothar.

Autre preuve qui constate ces propriétés cachées de l’air ; c’est que ce fluide, introduit dans les médicamens antimoniaux, les rend émétiques, propres à causer des foiblesses de cœur & des brûlemens d’entrailles ; & qu’il gâte & pourrit en peu de tems des arbres déracinés qui s’étoient conservés sains & entiers pendant plusieurs siecles qu’ils étoient restés sur pié. Voyez Antimoine.

Enfin les soies dans la Jamaïque se gâtent bien-tôt, si on les laisse exposées à l’air, quoiqu’elles ne perdent pas toûjours leur couleur ; au lieu que quand on ne les y expose pas, elles conservent leur force & leur teinture. Le taffetas jaune porté au Bresil y devient en peu de jours gris-de-fer, si on le laisse exposé à l’air ; au lieu que dans les boutiques il conserve sa couleur. A quelques lieues au-delà du Paraguai, les hommes blancs deviennent tannés : mais dès qu’ils quittent cette contrée, ils redeviennent blancs. Ces exemples, outre une infinité d’autres que nous ne rapportons point ici, suffisent pour nous convaincre que nonobstant toutes les découvertes qu’on a faites jusqu’ici sur l’air, il reste encore un vaste champ pour en faire de nouvelles.

Par les observations qu’on a faites sur ce qui arrive, lorsqu’après avoir été saigné dans des rhûmatismes on vient à prendre du froid, il est avéré que l’air peut s’insinuer dans le corps avec toutes ses qualités, & vicier toute la masse du sang & des autres humeurs. Voyez Sang.

Par les paralysies, les vertiges & autres affections nerveuses que causent les mines, les lieux humides & autres, il est évident que l’air chargé des qualités qu’il a dans ces lieux, peut relâcher & obstruer tout le système nerveux. Voyez Humidité, &c. Et les coliques, les fluxions, les toux & les consomptions que produit un air humide, aqueux & nitreux, font bien voir qu’un tel air est capable de gâter & de dépraver les parties nobles, &c. Voyez l’article Atmosphere.

M. Desaguliers a imaginé une machine pour changer l’air de la chambre d’une personne malade, en en chassant l’air impur, & y en introduisant du frais par le moyen d’une roue qu’il appelle roue centrifuge, sans qu’il soit besoin d’ouvrir ni porte, ni fenêtre ; expédient qui seroit d’une grande utilité dans les mines, dans les hôpitaux & autres lieux semblables, où l’air ne circule pas. On a déja pratiqué quelque chose de semblable à Londres, pour évacuer de ces lieux l’air échauffé par les lumieres & par l’haleine & la sueur d’un grand nombre de personnes, ce qui est très-incommode, surtout dans les grandes chaleurs. Voyez Transact. Philos. n°. 437. p. 41.

M. Hales a imaginé depuis peu une machine très propre à renouveller l’air. Il appelle cette machine le ventilateur. Il en a donné la description dans un ouvrage qui a été traduit en François par M. de Mours, Docteur en Medecine, & imprimé à Paris il y a peu d’années. Voyez Ventilateur.

Air inné, est une substance aërienne extrèmement subtile, que les Anatomistes supposent être enfermée dans le labyrinthe de l’oreille interne, & qui sert selon eux à transmettre les sons au sensorium commune. Voyez Labyrinthe, Son, Ouie.

Mais par les questions agitées dans ces derniers tems au sujet de l’existence de cet air inné, il commence à être fort vraissemblable que cet air n’existe pas réellement.

Machine à pomper l’air. Voyez Machine pneumatique. (O)

Air, (Théol.) L’air est souvent désigné dans l’Ecriture sous le nom de ciel ; les oiseaux du ciel pour les oiseaux de l’air. Dieu fit pleuvoir du ciel sur Sodome le soufre & le feu ; c’est-à-dire, il fit pleuvoir de l’air ; que le feu descende du ciel, c’est-à-dire de l’air. Moyse menace les Israélites des effets de la colere de Dieu, de les faire périr par un air corrompu : percutiat te Dominus aere corrupto ; ou peut-être par un vent brûlant qui cause des maladies mortelles, ou par une sécheresse qui fait périr les moissons. Battre l’air, parler en l’air, sont des manieres de parler usitées même en notre langue, pour dire parler sans jugement, sans intelligence, se fatiguer en vain. Les puissances de l’air, (Ephes. xj. 2.) sont les démons qui exercent principalement leur puissance dans l’air, en y excitant des tempêtes, des vents & des orages. Genes. xix. 24. IV. Reg. j. 10. Deut. xxij. 22. I. Cor. ix. 24. xiv. 9. Dict. de la Bibl. du P. Calmet, tom. I. A. pag. 89. (G)

* Air. Les Grecs adoroient l’air, tantôt sous le nom de Jupiter, tantôt sous celui de Junon. Jupiter régnoit dans la partie supérieure de l’atmosphere, Junon dans sa partie inférieure. L’Air est aussi quelquefois une divinité qui avoit la lune pour femme & la rosée pour fille. Il y avoit des divinations par le moyen de l’air ; elles consistoient ou à observer le vol & le cri des oiseaux, ou à tirer des conjectures des météores & des cometes, ou à lire les évenemens dans les nuées ou dans la direction du tonnerre. Ménelas dans Iphigénie atteste l’air témoin des paroles d’Agamemnon : mais Aristophane traite d’impiété ce serment d’Euripide. Plus on considere la religion des Payens, plus on la trouve favorable à la Poësie ; tout est animé, tout respire, tout est en image ; on ne peut faire un pas sans rencontrer des choses divines & des dieux, & une foule de cérémonies agréables à peindre : mais peu conformes à la raison.

* Air, Manieres, considérés grammaticalement. L’air semble être né avec nous ; il frappe à la premiere vûe. Les manieres sont d’éducation. On plaît par l’air ; on se distingue par les manieres. L’air prévient ; les manieres engagent. Tel vous déplaît & vous éloigne par son air, qui vous retient & vous charme ensuite par ses manieres. On se donne un air ; on affecte des manieres. On compose son air ; on étudie ses manieres. Voyez les Synonymes François. On ne peut être un fat sans savoir se donner un air & affecter des manieres ; pas même peut-être un bon Comédien. Si l’on ne sait composer son air & étudier ses manieres, on est un mauvais courtisan ; & l’on doit s’éloigner de tous les états où l’on est obligé de paroître différent de ce qu’on est.

Air se dit en Peinture de l’impression que fait un tableau, à la vûe duquel on semble réellement respirer l’air qui regne dans la nature suivant les différentes heures du jour : frais, si c’est un soleil levant qu’il représente ; chaud, si c’est un couchant. On dit encore qu’il y a de l’air dans un tableau, pour exprimer que la couleur du fond & des objets y est diminuée selon les divers degrés de leur éloignement : cette diminution s’appelle la perspective aërienne. On dit aussi air de tête : tel fait de beaux airs de tête. On dit encore attraper, saisir l’air d’un visage, c’est-à-dire le faire parfaitement ressembler. En ce cas l’air sembleroit moins dépendre de la configuration des parties, que de ce qu’on pourroit appeller le geste du visage. (R)

Air en Musique, est proprement le chant qu’on adapte aux paroles d’une chanson ou d’une petite piece de Poësie propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Dans les Opéra on donne le nom d’airs à tous les morceaux de musique mesurés, pour les distinguer du récitatif qui ne l’est pas ; & généralement on appelle air tout morceau de musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divise entre deux parties, l’air s’appelle duo, si entre trois, trio, &c.

Saumaise croit que ce mot vient du Latin œra ; & M. Burette est de son opinion, quoique Menage combatte ce sentiment dans son étymologie de la langue Françoise.

Les Romains avoient leurs signes pour le rythme, ainsi que les Grecs avoient les leurs ; & ces signes, tirés aussi de leurs caracteres numériques, se nommoient non-seulement numerus, mais encore œra, c’est-à-dire nombre, ou la marque du nombre ; numeri nota, dit Nonius Marcellus. C’est en ce sens qu’il se trouve employé dans ce vers de Lucile :

Hæc est ratio ? perversa œra ? summa subducta improbè ?

Et Sextus Rusus s’en est servi de même. Or quoique ce mot œra ne se prît originairement parmi les Musiciens que pour le nombre ou la mesure du chant, dans la suite on en fit le même usage qu’on avoit fait du mot numerus ; & l’on se servoit d’œra pour désigner le chant même : d’où est venu le mot François air, & l’Italien aria pris dans le même sens.

Les Grecs avoient plusieurs sortes d’airs qu’ils appelloient nomes, qui avoient chacun leur caractere, & dont plusieurs étoient propres à quelques instrumens particuliers, à peu près comme ce que nous appellons aujourd’hui pieces ou sonates.

La musique moderne a diverses especes d’airs qui conviennent chacune à quelque espece de danse dont ils portent le nom. Voyez Menuet, Gavotte, Musette, Passepié, Chanson, &c. (S)

Air, (Jardinage.) On dit d’un arbre qu’il est planté en plein vent ou en plein air, ce qui est synonyme. Voyez Air. (K)

Air, en Fauconnerie ; on dit l’oiseau prend l’air, c’est-à-dire, qu’il s’éleve beaucoup.

* Air ou Ayr, (Géog.) ville d’Ecosse à l’embouchure de la riviere de son nom. Long. 14. 40. lat. 56. 22.

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Étymologie de « air »

Bourguig. et Berry, ar ; provenç. aer, air, aire ; ital. aria, aere ; espagn. aire ; du latin aer, le même que le grec ἀέρ.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

(Nom 1) (1119) Du latin aer, de même sens.
(Nom 2) (1580) Par extension du sens « atmosphère, ambiance ».
(Nom 3) (1578) De l’italien aria, extension du sens « manière ».
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « air »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
air ɛr

Fréquence d'apparition du mot « air » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « air »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « air »

  • L'indifférence donne un faux air de supériorité.
    Joseph Joubert — Carnets
  • Le philosophe babille le bec en l’air.
    Platon
  • L’air, c’est pas toute la chanson.
    Proverbe québécois
  • L'humour. Une plaisanterie avec un air triste.
    William Shakespeare
  • Métaphysique : donne l’air supérieur.
    Gustave Flaubert — Dictionnaire des idées reçues
  • Mieux vaut encore ne pas avoir l’air que d’avoir l’air de ne pas avoir l’air...
    Pierre Dac — L’Os à Moelle - Mai 1938
  • Changer d’air, c’est salutaire !
    Jean-Pierre Jeunet — Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain
  • Un petit air de soumission. Le pire air pour un enfant.
    Elise Turcotte — Le Bruit des choses vivantes
  • Plus j’aurai l’air con, et plus ce que je dirai aura l’air malin.
    Philippe Geluck — Le Chat
  • Mieux vaut avoir l’air conditionné que l’air stupide.
    Jean-Loup Chiflet — Réflexions faites... et autres libres pensées
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Traductions du mot « air »

Langue Traduction
Anglais air
Espagnol aire
Italien aria
Allemand luft
Portugais ar
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Synonymes de « air »

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Antonymes de « air »

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Air

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