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Accident

Variantes Singulier Pluriel
Masculin accident accidents

Définitions de « accident »

Trésor de la Langue Française informatisé

ACCIDENT1, subst. masc.

I.− Ce qui s'oppose à la substance ou à l'essence.
A.− Dans la lang. de la philos. aristotélico-scolast.
1. [P. oppos. à substance] ,,Ce qui existe, non en soi-même, mais dans un autre; (...) par ex., la couleur, la forme, qui ne peuvent être que la couleur, ou la forme de quelque chose subsistant en elle-même.`` (Foulq.-St-Jean 1962) :
1. Attributs, accidens, phénomènes; être, substance, sujet, ce sont des généralisations puisées à la source des deux faits incontestables de la croyance à mon existence personnelle et de la croyance à l'existence du monde extérieur. Maintenant, tout ce qui a été dit du corps et de l'espace, de la succession et du temps, du fini et de l'infini, de la conscience et de l'identité personnelle, tout cela doit être dit de l'attribut et du sujet, des qualités et de la substance, des phénomènes et de l'être. V. Cousin, Hist. de la philosophie du XVIIIesiècle, t. 1, 1829, p. 200.
2. Mais de l'homme à Dieu, de l'ordre visible à l'invisible, du naturel au surnaturel, de l'accident visible à la substance invisible, c'est à peine si tu as posé la mystérieuse équation, et le terme connu à côté de l'inconnu... E. Psichari, Le Voyage du centurion,1914, p. 141.
3. J'étreins la substance enfin au travers de l'accident! Je comprends maintenant l'échec de cette chose tant de fois essayée, La combinaison de notre âme avec les choses créées. P. Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 501.
L'unité et la moralité sont des considérations secondaires, appartenant à la philosophie et non à la poésie, à l'exception et non à la règle, à l'accident et non à la substance... P. Éluard, Donner à voir,1939, p. 141.
5. D'après Cassien, en dehors de Dieu, tous les êtres sont nécessairement composés, sinon de matière et de forme, du moins d'essence et d'existence, de potentialité et d'être en acte, de substance et d'accidents. B. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 99.
P. anal. Dans la lang. de la théol. scolast.
,,En termes de théologie, et en parlant du Saint-Sacrement de l'Eucharistie, on appelle Accidens, la figure, la couleur, la saveur, etc. qui restent après la consécration. Tous les accidens qui étoient dans les espèces avant la consécration, subsistent encore après la consécration.`` (Ac. 1798).
,,En parlant du Saint-Sacrement de l'Eucharistie, il se dit de la figure, de la couleur, de la saveur qui restent, après la consécration et la transsubstantiation. Alors il n'y a plus ni pain, ni vin, mais le corps et le sang de Notre-Seigneur et cependant les accidents du pain et du vin demeurent.`` (Guérin 1892).
,,Il faut noter qu'il est propre à l'accident, par opposition à la substance, d'exister non en lui-même mais en celle-ci. D'où le problème souvent posé : comment les accidents eucharistiques subsistent-ils, leur substance ayant disparu? Saint Thomas se borne à répondre que le premier de tous les accidents d'un corps étant la quantité étendue, tous les autres accidents du pain demeurent suspendus à celui-là, qui joue, désormais par rapport à eux le rôle qui devrait être celui de la substance.`` (Sum. théol., IIIaq. 88, a. 5 ds Bouyer 1963).
2. [P. oppos. à essence] ,,Ce qui ne fait pas partie de la nature ou de l'essence d'un être et peut devenir autre sans qu'il y ait changement d'espèce. Par exemple le fait d'être assis, ou couché, d'être à Paris, d'être en face de Pierre... Ce qu'il faut entendre par l'accident proprement dit, c'est une particularité qui advient à l'être mais qui n'en provient pas, qu'on ne peut prévoir, qu'on ne peut conclure, qui ne dérive pas de la nature de l'être.`` (Foulq.-St-Jean 1962, p. 6) :
6. Tout poème où le merveilleux est le fond et non l'accident du tableau pèche essentiellement par la base. F.-R. de Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 278.
7. L'espèce est définie par le genre et la différence (per genus et differentiam). Dans cette définition : l'homme est un animal raisonnable, l'animalité est le genre, l'humanité l'espèce, la raison la différence. Rire est le propre de l'homme; mais on ne peut pas faire consister dans le rire le caractère essentiel et spécifique de l'humanité. Quand on dit : Achille est blond; Socrate est camus; César est chauve; blond, camus, chauve désignent des accidents individuels. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 338.
8. Laissons de côté l'analyse du respect, où nous trouverions surtout un besoin de s'effacer, l'attitude de l'apprenti devant le maître ou plutôt, pour parler le langage aristotélicien, de l'accident devant l'essence. H. Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion1932, p. 65.
9. Soit le profond marais odorant d'où une liqueur trouble... suinte, L'idée essentielle à perte de vue enrichie par la contradiction et l'accident Et l'artère en son cours magistral insoucieuse des fantaisies de l'affluent. Il fait marcher à l'infini les moulins, et les cités l'une à l'autre par lui se deviennent intéressantes et explicables. P. Claudel, Poésies diverses,Le Fleuve, 1952, p. 851.
Sophisme de l'accident. ,,Sophisme consistant à conclure d'un caractère accidentel à un caractère essentiel, par ex. : du fait qu'un homme est mort de la grippe, que cette affection est mortelle.`` (Foulq.-St-Jean 1962).
Loc. par accident. ,,Ce qu'une chose est par soi, elle l'est en vertu de sa nature. Ce qu'elle est par accident, elle l'est pas suite de circonstances indépendantes de sa nature. Un aliment qui est sain par soi peut, par accident (étant donné par exemple l'état organique de celui qui l'absorbe) être malsain.`` (Foulq.-St-Jean1962) :
10. Les plus hautes figures poétiques, comme les plus hautes formes vivantes, n'arrivent à la lumière que par grâce et pour ainsi dire par accident. Taine. M. Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1904, p. 97.
B.− P. ext.
1. GRAMM. (xixes.)
,,Accident, s. m. (gramm. hébr.). Il se dit par opposition à racine, de l'élément du mot qui indique les rapports secondaires de genre, de nombre, etc.`` (Ac. Compl. 1842).
,,Par accident des grammairiens anciens entendent une propriété d'un mot qui n'entre point dans la définition essentielle de ce mot. Le dérivé, le composé, le figuré sont des accidents. Le mot primitif, propre, est l'essence même. Il se dit aussi des modifications que subissent les mots sous le rapport du genre, du nombre, de la personne.`` (Besch. 1845).
,,En termes de grammaire, tous les changements que les mots peuvent éprouver. Les genres et les nombres sont les accidents des noms; les temps, les personnes, les modes, les voix sont ceux des verbes.`` (Littré).
2. PEINT. Accident de lumière (de clair-obscur)
,,Accident, en termes de peinture, est ce qui ne vient pas de la lumière principale, mais d'une fenêtre opposée, d'un flambeau, etc.`` (Ac. 1798).
,,En termes de peinture, accidents de lumière, effets de lumière partiels que produit le soleil, dans un paysage, lorsque des nuages s'interposent entre cet astre et la terre. Cette locution s'emploie également en parlant des intérieurs, lorsque, par une combinaison ingénieuse des ombres et des lumières, celles-ci se reproduisent dans certains endroits d'une manière inattendue, mais vraie, et indépendamment de la lumière générale. Il y a dans ce tableau des accidents de lumière fort piquants.`` (Ac. 1835) :
11. Ces monstrueux tableaux étaient encore assujettis à mille accidents de lumière par la bizarrerie d'une multitude de reflets dus à la confusion des nuances, à la brusque opposition des jours et des noirs. L'oreille croyait entendre des cris interrompus, l'esprit saisir des drames inachevés, l'œil apercevoir des lueurs mal étouffées. Enfin, une poussière obstinée avait jeté son léger voile sur tous ces objets, dont les angles multipliés et les sinuosités nombreuses produisaient les effets les plus pittoresques. H. de Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 18.
12. Velasquez et Murillo groupaient des fruits, des vases, des poissons, tous les objets qui leur offraient des couleurs vives et harmonieuses, et s'essayaient à en reproduire tous les accidents de lumière. P. Mérimée, Mosaïque,1833, p. 522.
,,Modification que le peintre apporte à l'effet général d'un tableau dans la disposition de la couleur et de la lumière. Ce mot s'emploie mieux au pluriel... On distingue des accidents de deux sortes : les accidents de lumière ou espaces lumineux éclairés par le soleil lançant ses rayons dans l'intervalle que laissent les nuages; les accidents de clair-obscur, que produisent des circonstances étrangères à la lumière générale de la composition. Ex. : Salvator-Rosa, Rubens, Rembrandt, ont employé les accidents avec une variété et une fécondité inépuisables.`` (Besch. 1845) :
13. La nature a d'ailleurs le don de tout parer. Il ne lui faut, pour cela, qu'un peu de verdure et quelques accidents de lumière. Les jeux variés du brouillard ou du soleil à travers les portiques à jour, et ces vallées, ces ponts aériens, ces escaliers gigantesques, ces maisons surexhaussées dont les toits fumants pavent l'abîme, tout ce chaos piranésien, de fantaisie orientale et biblique. J. Michelet, Sur les chemins de l'Europe,1874, p. 111.
C.− Dans ces emplois le sens glisse insensiblement vers l'idée générale de variation, de variété, qui pour l'œil de l'observateur rompent la monotonie du fond :
14. Le colosseum est un monde de ruines; tous les accidents que peuvent y produire la lumière, la végétation, le temps, se trouvent là. Rien n'est plus impossible à décrire que ces arceaux brisés, ces escaliers écroulés, ce lierre, ces plantes, ces débris suspendus; la couleur superbe du monument, les grandes lignes de la partie encore debout, tout cela varie de mille manières, selon le jour et l'ombre;... A.-M. Ampère, Correspondance et souvenirs (de 1805 à 1864),1824, p. 258.
De là, qq. emplois techn.
1. Dans la lang. de la mus. Tout signe qui indique une élévation ou un abaissement de tons dans le courant d'un morceau. ,,On appelle accidens ou signes accidentels les bémols, dièses et béquarres... des accidens de modulation auxquels l'harmonie n'a aucun égard,...`` (J.-J. Rousseau, Dict. de musique,t. 1,1768,p. 28, 316).,,Accident (musique). Il se dit des bémols, dièses ou bécarres, qui, n'étant point à la clef, se trouvent dans le courant d'un morceau.`` (Ac. Compl.1842) :
15. ... par ce si modulant, (...) tout le chromatisme moderne s'est introduit dans la musique médiévale, entraînant à sa suite la série des accidents d'écriture... V. d'Indy, Cours de composition musicale,t. 1, 1897-1900, p. 61.
2. Dans la lang. des patenôtriers (fabricants de chapelets, de boutons, de colliers, etc.). ,,Accident (arts et mét.). Petite élévation que les patenôtriers forment sur les perles factices.`` (Ac. Compl. 1842); ,,Petits dessins en relief que les patenôtriers forment sur les perles factices et sur les grains de chapelets.`` (Besch. 1845).
3. Parfois dans la lang. de la rhét. :
16. Ce ne sont plus les obscures images de la rêverie et les associations apparemment fortuites des objets dans la vie végétative de la pensée que l'on prétendra substituer à la perception banale des sens et de la raison, mais d'autres accidents : ceux qu'un artisan du verbe obtient en rapprochant des mots selon les seules exigences du rythme, de la sonorité, ou en général d'un plaisir inexpliqué naissant de leur brusque voisinage. A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 381.
17. ... Ces remarques rapides ne tendent qu'à montrer qu'une métaphore ne devrait être qu'un accident de l'expression et qu'il y a danger à en faire une pensée. La métaphore est une fausse image puisqu'elle n'a pas la vertu directe d'une image productrice d'expression, formée dans la rêverie parlée. G. Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 81.
II.− Événement fortuit, sans motif apparent et sans lendemain, qui affecte une personne ou un groupe de personnes, en interrompant le déroulement normal, probable et attendu des choses :
18. [Accident] C'est un événement qui apparaît comme imprévisible et improbable. Par exemple une voiture au passage à niveau juste en même temps que le train. Un obus qui enlève la tête de l'aviateur. On accuse alors la fatalité, comme si l'événement était un défi aux lois du probable; et cette idée a beaucoup de vrai. Le fatalisme nous console de ce qui est arrivé; mais il ne doit pas diminuer notre prudence. Alain, Définitions,1951, [Les Arts et les dieux, Paris, Gallimard, 1961, Bibl. Pléiade] p. 1028.
1. Ce sens peut être proche du sens philos. :
19. La pensée humaine est un heureux petit accident des hasards de ses fécondations, un accident local, passager, imprévu, condamné à disparaître, avec la terre, et à recommencer peut-être ici ou ailleurs, pareil ou différent, avec les nouvelles combinaisons des éternels recommencements. Nous lui devons, à ce petit accident de l'intelligence, d'être très mal en ce monde qui n'est pas fait pour nous, ... G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, L'Inutile beauté, 1890, p. 1158.
20. Il est dans chaque livre d'histoire certaines propositions sur quoi les acteurs, les témoins, les historiens et les partis s'accordent. Ce sont des coups heureux, de véritables accidents; et c'est l'ensemble de ces accidents, de ces exceptions remarquables, qui constitue la partie incontestable de la connaissance du passé. Ces accidents d'accord, ces coïncidences de consentements définissent les « faits historiques », mais ils ne les définissent pas entièrement. P. Valéry, Variété 4,1938, p. 132.
2. Il peut désigner un événement non marqué du point de vue affectif :
21. Il y avait eu là comme un éclat de la foudre de l'église tombée à côté d'elle, et qui l'aurait effleurée... Bizarrerie des conversions qui ont leur jour, leur heure, qui peuvent venir d'un contre-coup sans raison, que des années amènent, préparent, et que fait jaillir souvent un accident, un hasard, le rien immotivé qui décide et enlève! E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, p. 176.
22. L'art photographique, aux yeux de la plupart des hommes, consiste surtout à capter l'événement fugace, l'accident, le sinistre imprévisible, à immobiliser la minute ou la seconde où le fantastique quotidien fait son apparition. Le photographe de génie − il peut s'en présenter un − se proposera de célébrer de façon indiscutable le prestige de l'instant. La venue de cet informateur de l'inattendu est souhaitée par beaucoup de peintres actuels, un peu fatigués de se livrer à des expériences d'ordre strictement techniques et que tente l'ange du bizarre. A. Lhote, Peinture d'abord,1942, p. 49.
3. Accompagné d'une épithète appropriée il peut désigner un événement heureux :
23. L'illusion de la politique française est de croire que de bons sentiments puissent se maintenir, se perpétuer par eux-mêmes et soutenir ainsi d'une façon constante l'accablant souci de l'état. Les bons sentiments, ce sont de bons accidents. Ils ne valent guère que dans le temps qu'ils sont sentis : à moins de procéder d'organes et d'institutions, leur source vive qu'il faut alors défendre et maintenir à tout prix, ils sont des fruits d'occasion, ils naissent de circonstances et de conjonctures heureuses. Il faut se hâter de saisir conjonctures, circonstances, occasions,... Ch. Maurras, L'Avenir de l'intelligence,1905, p. 79.
24. Larseneur tomba dans une profonde mélancolie. Peut-être rêvait-il, en secret, à quelque accident heureux. Mais de tels accidents restent le fruit du hasard. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvre, 1937, p. 215.
Cf. aussi sup. ex. 20.
Emploi techn. Au jeu de piquet, l'accident, c'est la combinaison fortuite de cartes distribuées qui vaut des points à qui les détient. ,,Les principaux accidents sont les quatorzes, les quintes, les quatrièmes, les tierces, etc.`` (Lar. encyclop.).
Rem. Pour les règles du jeu de piquet, cf. Alleau 1964, p. 402.
4. Le plus souvent, avec ou parfois sans épithète, il désigne un événement fâcheux :
25. Les événements amenés par la combinaison ou la rencontre d'autres événements qui appartiennent à des séries indépendantes les unes des autres, sont ce qu'on nomme des événements fortuits, ou des résultats du hasard. Quelques exemples serviront à éclaircir et à fixer cette notion fondamentale. − Il prend au bourgeois de Paris la fantaisie de faire une partie de campagne, et il monte sur un chemin de fer pour se rendre à sa destination. Le train éprouve un accident dont le pauvre voyageur est la victime, et la victime fortuite, car les causes qui ont amené l'accident ne tiennent pas à la présence de ce voyageur (...) A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 38.
26. Or selon mon opinion les affaires réelles se heurtent à des obstacles d'un tout autre genre. J'ai vu des succès et des faillites, et je crois que l'organisation, comme vous dites, y importait moins que l'événement brut, l'accident, l'imprévu, comme est pour les fourmis un coup de pied dans la fourmilière. C'est au bord de l'événement que je connais l'homme. Alain, Propos,1933, p. 1138.
Il peut s'agir d'un événement ne mettant pas les jours en danger (accident moindre, petit, quelconque, simple, léger, menu, ridicule, insignifiant, minime, futile, infime, mineur) :
27. Les seuls accidents domestiques dont j'eusse encore été témoin, c'étaient, pour ainsi dire, des accidents de saison qui troublaient la symétrie des habitudes, comme par exemple un jour de pluie venant quand on avait pris quelques dispositions en vue du beau temps. E. Fromentin, Dominique,1863, p. 27.
28. Paris, 31 octobre. Tous ces temps-ci, c'est une succession de petits accidents hostiles, une conjuration d'ennuis de tous côtés, les taquineries bêtes et à la fin insupportables d'un enguignonnement de tous les jours et de toutes choses, une série de déveines. À côté des mauvais sommeils, des insomnies, ... E. et J. de Goncourt, Journal,oct. 1865, p. 210.
29. Qu'est-ce qu'une blessure! Ça n'a jamais rien prouvé. Une blessure, c'est un accident. M. Barrès, Mes cahiers,1914, p. 323.
30. Ils sont sans cesse aux aguets, toujours occupés à surveiller quelqu'un ou à se surveiller eux-mêmes, épiant les accidents, les gaffes ou les erreurs possibles, dragons de vigilance morale s'ils sont moraux − ... E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 288.
Ou d'un événement grave pouvant entraîner la mort :
31. Mais qu'apprendra au commun des hommes le drame ou le roman qui retrace à leurs yeux les misères qui les assiègent, les accidents qui les menacent? C'est une source d'intérêt inépuisable, je le sais bien, que les dures extrémités ou du péril ou du malheur; et avec des prospérités injustes et d'indignes calamités, on peut remuer aisément tous les ressorts du pathétique. Mais qu'on accumule dans un roman les accidents les plus funestes, des inondations, des naufrages, des incendies, la ruine et la désolation qui accompagnent ces grands désastres, et le désespoir qui les suit, la misère, la solitude, l'abandon, l'esclavage, l'oppression, l'horreur des cachots, le besoin... J.-F. Marmontel, Essai sur les romans,1799, p. 321.
32. D'ailleurs, on meurt d'accident, chez nous. Mon frère est mort noyé. Et moi aussi, je mourrai d'accident : d'un coup de revolver. J'ai toujours eu cette idée-là. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 970.
33. Le suicide d'un homme est un événement essentiellement inharmonique, mais il n'est pas un événement fortuit. Un accident, comme la mort d'un homme causé par la chute d'une tuile, est à la fois inharmonique et fortuit. Même si l'on n'admet pas l'indépendance absolue des séries dans le hasard, il faut accorder qu'il n'est pas relatif à l'homme, puisque l'éloignement de la racine commune des deux séries, leur fonctionnement pratiquement indépendant, est quelque chose d'objectif. R. Ruyer, Esquisse d'une philosophie de la structure,1930, p. 337.
34. ... Metchnikoff prétend avoir observé que les vieillards extrêmement avancés en âge désirent de mourir. L'instinct de mort naîtrait ainsi après une longue vie, mais seulement lorsque c'est une mort naturelle qui nous menace; de son côté, l'instinct de conservation ne nous ferait lutter contre la mort que dans la mesure où c'est un accident, une catastrophe, une mort non naturelle qui abrège notre existence. Devant la mort vraiment naturelle, nous n'éprouverions aucun mouvement de répulsion. J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949, p. 12.
35. Dans ce monde en ordre il y a des pauvres. Il y a aussi des moutons à cinq pattes, des sœurs siamoises, des accidents de chemin de fer : ces anomalies ne sont la faute de personne. Les bons pauvres ne savent pas que leur office est d'exercer notre générosité;... J.-P. Sartre, Les Mots,1964, p. 23.
Rem. On notera plus partic. les loc. où le compl. indique des circonstances de l'accident : - de ch. de fer (cf. ci-dessus), - de voiture, - d'autom., - de chasse, - aérien, - d'avion, - de cheval, -d'autocar, - de bicyclette, - d'ascenseur. On relève fréquemment la loc. accident de ou du.
5. De là, qq. emplois techn.
a) MÉD. Symptôme d'aggravation du mal survenant de manière inattendue dans le cours d'une maladie et mettant la vie en danger.
,,Proprement, accident d'une maladie, ou symptôme accidentel, symptôme qui tend à la rendre plus grave, comme une hémorragie, des convulsions, etc., lorsque ces symptômes ne lui sont point essentiels. Généralement, accident, symptôme accidentel, phénomène qui survient dans le cours d'une maladie, soit que son apparition ajoute ou non à sa gravité : dans ce sens, accident est synonyme d'épiphénomène, qui doit être employé de préférence.`` (Littré-Robin 1865). (Cf. aussi ci-dessus I 2) :
36. Le délire compliquait le mal, et des accidents nerveux l'aggravaient. Les moments lucides devinrent de plus en plus rares; ma pauvre femme semblait avoir perdu le sentiment de ce qui se passait autour d'elle. Des paroles sans suite, des mots entrecoupés, produits d'affreux cauchemars, s'échappaient de sa bouche; des gestes convulsifs attestaient la violence de la lutte et les efforts d'une riche constitution. Depuis que la maladie avait pris cette gravité, je ne quittais plus le chevet de la mourante. L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 443.
34. De fait, je n'ai jamais eu dans la suite le moindre accident, la plus légère menace de récidive. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Consultation, 1928, p. 1101.
− Dans la lang. de la fauconn.,,Se dit des maladies et blessures auxquelles les oiseaux de proie sont sujets.`` (Besch. 1845).
b) DR. ,,Fait involontaire ou événement fortuit qui cause un dommage aux personnes ou aux choses et qui, s'il résulte de la faute, de l'imprévoyance ou de la négligence de quelqu'un, peut mettre en jeu la responsabilité de celui-ci.`` (Lar. encyclop.).
c) SÉCURITÉ SOC. Accident du travail. ,,L'article 2 de la loi du 30 octobre 1946 précise que l'on doit considérer comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. La définition précise de l'accident du travail permettant de le distinguer de la maladie professionnelle a été donnée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 octobre 1941. « L'accident du travail est une atteinte à l'intégrité du corps humain survenue par suite de l'action violente et soudaine d'une cause extérieure ».`` (Lafon 1963) :
38. Le culte de la richesse eut ses martyrs. L'un de ces milliardaires, le fameux Samuel Box, aima mieux mourir que de céder la moindre parcelle de son bien. Un de ses ouvriers, victime d'un accident de travail, se voyant refuser toute indemnité, fit valoir ses droits devant les tribunaux, mais rebuté par d'insurmontables difficultés de procédure, tombé dans une cruelle indigence, réduit au désespoir, il parvint, à force de ruse et d'audace, à tenir son patron sous son revolver, menaçant de lui brûler la cervelle s'il ne le secourait point... A. France, L'Île des Pingouins,1908, p. 401.
39. La législation des accidents du travail et des maladies professionnelles a pour but de protéger les salariés et assimilés contre le risque d'accidents et de maladie résultant de l'exécution de leur travail. Nouveau répertoire de droit, Paris, Dalloz, t. 1, 1962.
Accident de trajet. ,,La loi du 23 juillet 1957 précise qu'est considéré comme accident du travail l'accident survenu pendant le trajet d'aller et retour entre : a) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un certain caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu de travail; b) le lieu de travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas. Dans tous les cas, le parcours n'a pas dû être interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel, et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.`` (Réau-Rond. Suppl. 1962).
Stylistique − Dans ces 2 accept. fondamentales, accident est gén. stable. On note cependant une certaine dévitalisation du sens I (métaphys.) à partir du xviiies.; parallèlement, le sens phys. s'applique à des domaines techn. de plus en plus nombreux (cf. étymol. et hist.). L'accident peut être personnifié : 40. ... nous avons monté à Passy, moi le soutenant sous le bras, lui marchant fermement, le mouchoir tout rougi, comme un accident ensanglanté qui passe, comme un maçon tombé d'un toit. E. et J. de Goncourt, Journal, févr. 1869, p. 492. 41. ... les tués pour elle c'était rien que des accidents, comme aux courses, y n'ont qu'à bien se tenir, on ne tombait pas. En ce qui la concernait, elle n'y découvrait dans la guerre qu'un grand chagrin nouveau qu'elle essayait de ne pas trop remuer; il lui faisait comme peur ce chagrin; il était comblé de choses redoutables qu'elle ne comprenait pas. Elle croyait au fond que les petites gens de sa sorte étaient faits pour souffrir de tout, que c'était leur rôle sur la terre,... L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 120. L'adversité peut except. être prise en bonne part : 42. Il disait : J'habite sous le toit des tuiles qui tombent. Peu étonné, car pour lui l'accident était le prévu, il prenait la mauvaise chance en sérénité et souriait des taquineries de la destinée comme quelqu'un qui entend la plaisanterie. Il était pauvre, mais son gousset de bonne humeur était inépuisable. Il arrivait vite à son dernier sou, jamais à son dernier éclat de rire. Quand l'adversité entrait chez lui, il saluait cordialement cette ancienne connaissance; il tapait sur le ventre aux catastrophes; il était familier avec la fatalité au point de l'appeler par son petit nom. − Bonjour, Guignon, lui disait-il. V. Hugo, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 781. Dans le 1erdes ex. suiv. le terme accident est synon. de accessoire (en peint.), dans le second il est associé de façon imagée au vocab. de la géol. (cf. accident2) : 43. Il faut peindre ce tableau-là... Et ne pas oublier quelqu'un de ces accidents intéressants, comme une belle armure brodée par quelque belle et bientôt enlevée à celui qui la porte et devenue la proie d'un ennemi. A. Chénier, L'Amérique, 1794, p. 128. 44. ... celui qui tient commerce, en ville, de très grands livres : almagestes, portulans et bestiaires; qui prend souci des accidents de phonétique, de l'altération des signes et des grandes érosions du langage;... Saint-John Perse, Exil, 1942, p. 227.

ACCIDENT2, subst. masc.

GÉOGR., GÉOL. Accident de terrain. ,,Le mot dislocation... est réservé d'ordinaire aux accidents nets et localisés, proprement tectoniques. Les dislocations et déformations de tout genre, faibles ou intenses, limitées ou étendues, lentes ou rapides, ont été réunies par G.K. Gilbert (1885, d'après J.W. Powel) sous le nom de diastrophisme... On distingue plus ou moins nettement : des mouvements intenses et localisés donnant naissance aux chaînes de montagnes, mouvements orogéniques... et des déformations modérées, étendues, affectant des continents ou fragments de continents : mouvements ép(é)irogéniques.`` (Baulig 1956).
Au début du xixe, le sens garde encore une certaine généralité :
1. Le pays était sans beautés apparentes : je l'avais aimé d'abord pour sa tristesse uniforme, pour le silence de ses vastes plaines. J'avais espéré m'y détacher entièrement de toute sensation vive, de toute admiration exaltée. Avide de repos, je croyais pouvoir sans fatigue et sans danger promener mes regards sur ces horizons aplanis, sur ces océans de bruyères dont un rare accident, un chêne racorni, un marécage bleuâtre, un éboulement de sables incolores venaient à peine interrompre l'indigente immensité. G. Sand, Lélia,1833, p. 177.
2. Les monts où je tournoyais ressemblaient à un éboulement des chaînes supérieures, lequel, en couvrant un vaste terrain, aurait formé de petites Alpes offrant les divers accidents des grandes. F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 457.
Il est définitivement plus techn. dans les ex. suiv. :
3. Le pays n'est qu'une suite ininterrompue de vallons et de côtes, une sorte de moutonnement du sol, que le chemin de fer traverse, alternativement, sur des remblais et dans des tranchées. Aux deux bords de la voie, ces accidents de terrain continuels, les montées et les descentes, achèvent de rendre les routes difficiles. É. Zola, La Bête humaine,1890, p. 29.
4. ... dans les accidents du littoral : le fiord désigne une échancrure étroite et longue; le vik représente une anse arrondie. Tandis que les mots ner et skaji s'appliquent à des promontoires élevés, peut-être plus allongés d'après le second; eyrr est une lande plate et sablonneuse. P. Vidal de La Blache, Principe de géographie humaine,1921, p. 267.
5. Les phénomènes volcaniques peuvent être considérés comme des accidents (W. M. Davis) qui perturbent le développement du cycle morphologique. Baulig1956.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [aksidɑ ̃]. Enq. : /aksidã/. 2. Dér. et composés : accidence, accidentaliser, accidentalité, accidenté, accidentel, accidentellement, accidenter.
Étymol. ET HIST. − Corresp. rom. : a. prov. accident; n. prov. acidènt; ital. accidènte; esp. accidente; port. acidente; cat. accident; sard. aččidènte; roum. accident. 1. Apr. 1160 « événement funeste » (Benoit, Chr. ducs de Norm. éd. Carin Fahlin, I, 13 763 : Cil qui en sunt mostré a dei, En cui cuers creist e naist deslei, Maleit seit or cil aucidenz Qu'eissi comperent tantes jenz); 1268 « fait du hasard » (Brunet Latin, Trésor, éd. Chabaille, 312 ds T.-L. : L'amistiés qui naist par delit ou par profit... est amistié par accident); 2. 1170 « indice, signe extérieur (d'une passion) » (Chrét., Cligès, éd. Micha, 1580 : Bien aparçoit et voir li sanble Par les nuances des colors Que ce sont accident d'amors); 3. a) 1237 « modification passagère de l'être, terme philos. » (Roman de la Rose, éd. F. Michel ds T.-L. : Les accidens et les sustances Des choses qui sunt souz la lune); b) 1268 « id. » (Brun. Latin, Op. cit., 154 ibid. : cele mer est rouge non mie par nature, mais par accident). Empr. au lat. accidens subst. neutre (part. prés. subst. de accidere), dep. Sénèque soit au sens d'« événement fortuit » (Epist., 90, 34 ds TLL s.v., 296, 81 : accidentia non aliter excipere quam imperata) soit d'« événement funeste » (ibid., 120, 12, ibid., 82 : vir... perfectus... numquam accidentia tristis excepit) d'où 1. Terme philos. dep. Quintilien (Inst. Orat. 3, 6, 36, ibid., 297, 46 : Theodorus de eo an sit et de accidentibus ei, quod esse constat, id est π ε ρ ι ̀ ο υ ̓ σ ι ́ α ς κ α ι ́ σ υ μ ϐ ε ϐ η κ ο ́ τ ω ς existimat quaeri) : cf. Boèce ds Porphyr. Vict., 2, ibid., 297 : [tres definitiones] : 1) a. est quod infertur et aufertur sine ejus in quod est interitu, 2) a. est quod contingit alicui et inesse et non inesse, 3) a. est illud quod neque genus sit neque species neque differentia neque proprium, d'où 3 (cf. avec 3 a fin ves. Claud. Mamertus, p. 193, 18 ibid., 73 : corpus substantia est, non accidens; avec 3 b fin iiies., début ives. Chalcidius, Comm. in Platonis Tim., 284, ibid., 83 : omnia quae fiunt vel secundum naturam suam fiunt vel ex aliquo accidenti) d'où « signe extérieur, symptôme de maladie » dep. ive-ves. (Theod. Priscianus ds TLL s.v., 298, 22 sq) puis terme gén. (cf. fin ixes. Wolfhardus, Vita Waldburgae, 4 11 ds Mittellat. W. s.v., 87, 68 : res... ex propriis accidentibus discernuntur) d'où 2.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 2 847. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 4 270, b) 3 723; xxes. : a) 3 746, b) 4 216.
BBG. − Bar 1960. − Barr. 1967. − Baudhuin 1968. − Baulig 1956. − Bénac 1956. − Bonnaire 1835. − Bouyer 1963. − Cap. 1936. − Chabat t. 1 1875. − Criqui 1967. − Cros-Gardin 1964. − Divin. 1964. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Garnier-Del. 1961 [1958]. − Goblot 1920. − Gramm. t. 1 1789. − Guilb. Aviat. 1965. − Julia 1964. − Kold. 1902. − Lacr. 1963. − Lafon 1963. − Lal. 1968. − Le Breton Suppl. 1960. − Le Clère 1960. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Miq. 1967. − Nysten 1814-20. − Pamart (P.), Riverain (J.). Mots dans le vent. Vie Lang. 1969, no210, p. 521. − Paré (G.). Le Roman de la Rose et la scolastique courtoise. Paris, 1941, pp. 23-51. − Piguet 1960. − Plais.-Caill. 1958. − Quillet Méd. 1965. − Réau-Rond. Suppl. 1962. − Ritter (E.). Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 339. − Romeuf t. 1 1956. − Rougnon 1935. − Sill. 1965. − Springh. 1962. − Suavet 1963. − Théol. cath. t. 1, 1 1909. − Thomas 1956.

Wiktionnaire

Nom commun - français

accident \ak.si.dɑ̃\ masculin

  1. Événement inattendu qui survient par hasard. — Note : Il se prend d’ordinaire en mal, quand il n’est accompagné d’aucune épithète qui en détermine le sens en bien.
    • La Verse ou le versage des blés, et de beaucoup de plantes céréales, est un accident occasionné, ou par de grands vents, des orages, de fortes pluies, ou par le trop d'embonpoint que prennent les plantes dans les temps chauds et humides. — (Jean Baptiste Henri Joseph Desmazières, Agrostographie des départemens du Nord de la France, 1812, p. 130)
    • Vous avez l’air de croire que la mort est un accident, et que c’est une catastrophe qui m’est personnelle. Mais pas du tout ! — (Marcel Pagnol, César, 1936)
    • Chez les écolos, l’erreur de distribution n’est pas un accident électoral, c’est une seconde nature. Cette maladresse congénitale finirait par les rendre sympathiques […] — (Jacques Julliard, « Impression, soleil couchant », dans Marainne, n° 772, 4 février 2012)
    • Un accident entre un camion et un utilitaire a fortement perturbé la circulation, hier, sur la RN 36. Le choc s’est produit, vers 17 h 50, à hauteur de la commune de Saint-Germain-Laxis. Trois blessés ont été dénombrés. — (EN BREF Croissy-Beaubourg Saint-Germain-Laxis, Le Parisien (www.leparisien.fr), 4 décembre 2001)
  2. Événement qui ne porte pas à conséquence pour celui qui le vit.
    • Il conservait son sans-gêne tranquille d’homme affairé, chez lequel des accidents pareils ne produisent plus d’autre sensation qu’un désir de se débarrasser au plus vite d’un devoir qui manque de gaîté. — (Ivan Tourgueniev, L’Exécution de Troppmann, avril 1870, traduction française d’Isaac Pavlovsky, publiée dans ses Souvenirs sur Tourguéneff, Savine, 1887)
  3. Événement impromptu causant des dégâts corporels ou matériels.
    • Gillonne tira l’échelle à elle, l’assujettit solidement ; et le prince […] commença l’escalade, qu’il acheva sans accident. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre II)
  4. (Médecine) Affection qui survient brutalement.
    • Un accident cardiaque.
  5. (Philosophie) Ce qui peut être modifié dans un objet sans en détruire ou en altérer la substance.
    • La substance soutient les accidents.
  6. (Religion) Terme utilisé en parlant du sacrement de l’eucharistie pour décrire la figure, la couleur, la saveur, etc., qui subsistent après la consécration.
    • Tous les accidents qui étaient dans le pain et le vin avant la consécration subsistent encore après.
  7. (Musique) Signe d’altération placé devant une note : dièse, bémol, bécarre.
  8. (Géologie) En tectonique, surface de contact anormal mécanique dans la continuité d’un banc ou d’un couche comme les failles, les décrochements et les charriages.
    • La rockallite […] constitue un accident, une enclave de couleur plus foncée à grains très fins comparables aux enclaves amphiboliques de nos granits, mais de composition différente. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
  9. (Géologie, Topographie) Chute brutale de la dénivellation.
    • Le Doubs prend sa source à Mouthe (25) […] il passe d’un val à l’autre en franchissant les monts par des cluses ou à la faveur de l’Accident de Pontarlier. — (Lydie Joan, Carte archéologique de la Gaule : Le Doubs et le territoire de Belfort ; 25 & 90, Éditions MSH, 2003, page 90)
    • Les géologues se trouvaient au pied du grand accident qu’était le bassin rhodanien, c’était un lieu idéal pour récupérer des échantillons.
  10. (Géologie) (Pétrographie) Concentration localisée d’éléments.
    • La tomographie révélait un accident siliceux à 200 m au-dessous de la vallée.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ACCIDENT. n. m.
Ce qui arrive par hasard. Il se prend d'ordinaire en mal, quand il n'est accompagné d'aucune épithète qui en détermine le sens en bien. La vie humaine est sujette à tant d'accidents. On répond de sa guérison, s'il ne survient point d'accident. Accident favorable. Accident funeste. Heureux accident. En termes de Philosophie, il signifie Ce qui dans un objet peut changer sans en détruire ou en altérer la substance. La substance soutient les accidents. En termes de Théologie, et en parlant du sacrement de l'Eucharistie, il se dit de la Figure, de la couleur, de la saveur, etc., qui restent après la consécration. Tous les accidents qui étaient dans le pain et le vin avant la consécration subsistent encore après. Accidents de terrain, Certains mouvements du sol, élévations ou abaissements de terrain. En termes de Peinture, Accident de lumière. Effet partiel produit par une lumière autre que celle qui éclaire la scène principale et qui vient rompre l'uniformité. Ce reflet de lune est un heureux accident de lumière. En termes de Musique,

ACCIDENT se dit de Tout signe qui élève ou abaisse le ton.

PAR ACCIDENT, loc. adv. Par cas fortuit par hasard. C'est par accident que cela est arrivé. Cela ne s'est fait que par accident.

Littré (1872-1877)

ACCIDENT (a-ksi-dan) s. m.
  • 1Ce qui advient fortuitement. Des accidents bons et mauvais. Tous les accidents de la fortune. Quelque accident qu'il plaise à la fortune de m'envoyer. La renommée qui se plaît à répandre dans l'univers les accidents extraordinaires. Un pur accident le décida à renoncer à son projet.
  • 2 Absolument, événement malheureux. Les accidents de la vie humaine. Dans les hôpitaux où se rassemblent toutes les infirmités et tous les accidents de la vie humaine. Cet accident le déconcerta. Mille accidents nous ravissent nos biens. Enlevé par un accident imprévu. Il fut choisi pour être médecin du Châtelet ; le grand agrément de cette place pour lui était de lui fournir des accidents rares et plus d'occasions de disséquer, Fontenelle, Littre, 7. [L'amitié] C'est une protection contre l'injustice, c'est un remède contre les accidents et les revers de la fortune, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 255. Il semble qu'il vous soit arrivé quelque accident, Sévigné, 15. Secourez la princesse, Qu'un accident subit prive de mouvement, Rotrou, Bél. IV, 7. À nouvel accident trouvons nouveau remède, Rotrou, ib. IV, 5. Et pour garder enfin ses États d'accident, Rotrou, Venceslas, I, 1. Oyez un accident qui me transit d'effroi, Rotrou, Antig. I, 2. Mais nous ne verrons point de pareils accidents, Lorsque Rome suivra des chefs moins imprudents, Corneille, Cinna, II, 2. Je te donnai sa place en ce triste accident, Corneille, ib. v, 1. Jason, sans rien savoir de tous ces accidents…, Corneille, Médée, V, 1.
  • 3 En termes de médecine, phénomène inattendu qui survient dans une maladie et qui l'aggrave. Il a eu une fièvre qui d'abord semblait légère, puis il est survenu des accidents tout à fait alarmants.
  • 4 En termes de philosophie, ce qui est accidentel, par opposition à la substance. La substance est le support des accidents. Dans la cire, la blancheur n'est qu'un accident. En logique, les qualités abstraites, comme la blancheur, la rondeur, sont considérées comme des accidents. Ni l'édifice n'est plus solide que le fondement, ni l'accident attaché à l'être plus réel que l'être même, Bossuet, Duch. d'Orléans. Tout poëme où le merveilleux est le fond et non l'accident du tableau, pèche essentiellement par la base, Chateaubriand, Génie, II, I, 2.
  • 5 En termes de grammaire, tous les changements que les mots peuvent éprouver. Les genres et les nombres sont les accidents des noms ; les temps, les personnes, les modes, les voix sont ceux des verbes.
  • 6 En termes de théologie, et en parlant du saint sacrement de l'Eucharistie, on appelle accidents la figure, la couleur, la saveur, etc., qui restent dans le pain et le vin après la consécration.
  • 7Disposition variée du terrain, de la lumière. Les accidents de la lumière font un excellent effet dans ce tableau. Les accidents du terrain favorisaient les assaillants. Les rayons du soleil enrichissaient de mille accidents ce tableau, Rousseau, Ém. I. Réunissez un moment, par la pensée, les plus beaux accidents de la nature, Chateaubriand, Génie, I, V, 2.
  • 8Musique. Se dit des bémols, dièses ou bécares qui, n'étant point à la clef, se trouvent dans le courant du morceau.
  • 9D'ACCIDENT, loc. adv. Qui n'est pas essentiel par soi-même. L'esclavage dans la conquête est une chose d'accident, Montesquieu, Espr. X, 3. Une puissance qui est d'accident, qui ne peut pas durer, qui n'est pas naturelle, Montesquieu, Rom. 16.
  • 10PAR ACCIDENT, loc. adv. Fortuitement. Le feu prit par accident. Par accident, il se trouvait au lieu de réunion des conjurés. Il aurait regardé la France comme un théâtre propre à faire éclater la gloire de Dieu, et, par accident, la sienne propre, Fléchier, II, 137.

HISTORIQUE

XIVe s. Se aucun veut rendre à celui à qui il est deu son depost ou son gage, et il est contraint à non rendre, l'en doit dire que il fait injuste par accident, Oresme, Eth. I, 58. Felicité est de Dieu principalement causée, qui est generalement cause de toutes choses, et très especialment de felicité plus que de nul autre accident, Oresme, ib. 21. Bien qui est substance est, par nature, devant bien qui est accident, Oresme, ib. VI, 10.

XVIe s. À quoy s'accorde et se conforme aussi un accident qui lui advint en la ville d'Amphipolis, que l'on ne sçauroit referer ailleurs qu'à la faveur des dieux, Amyot, P. Aem. 39. Il n'y eut cueur si dur en toute la ville de Rome à qui ce grand accident ne feist pitié, Amyot, ib. 57. Ceulx qui eurent advantage au rencontre de la Rocheabeille, faisants grand'feste de cet accident, Montaigne, I, 248. S'ils avoient privilege qui les exemptast d'un si grand nombre d'accidents, Montaigne, I, 406. Le poids, la couleur, et tous accidents sensibles, Montaigne, II, 199. Non seulement les mauvais accidents et insupportables, Montaigne, II, 387. Ce sont là les projets qu'on fait après un accident favorable, Lanoue, 645. L'accident, et très leger, foule aux pieds la substance, et le vent emporte le corps, tant l'on est esclave de la vanité, Charron, Sagesse, I, 38.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ACCIDENT, s. m. terme de Grammaire ; il est surtout en usage dans les anciens Grammairiens ; ils ont d’abord regardé le mot comme ayant la propriété de signifier. Telle est, pour ainsi dire, la substance du mot, c’est ce qu’ils appellent nominis positio : ensuite ils ont fait des observations particulieres sur cette position ou substance Métaphysique, & ce sont ces observations qui ont donné lieu à ce qu’ils ont appellé accidens des dictions, dictionum accidentia.

Ainsi par accident les Grammairiens entendent une propriété, qui, à la vérité, est attachée au mot, mais qui n’entre point dans la définition essentielle du mot ; car de ce qu’un mot sera primitif ou qu’il sera dérivé, simple ou composé, il n’en sera pas moins un terme ayant une signification. Voici quels sont ces accidens.

1. Toute dicion ou mot peut avoir un sens propre ou un sens figuré. Un mot est au propre, quand il signifie ce pourquoi il a été premierement établi : le mot Lion a été d’abord destiné à signifier cet animal qu’on appelle Lion : je viens de la foire, j’y ai vû un beau Lion ; Lion est pris là dans le sens propre : mais si en parlant d’un homme emporté je dis que c’est un lion, lion est alors dans un sens figuré. Quand par comparaison ou analogie un mot se prend en quelque sens autre que celui de sa premiere destination, cet accident peut être appellé l’acception du mot.

2. En second lieu, on peut observer si un mot est primitif, ou s’il est dérivé.

Un mot est primitif, lorsqu’il n’est tiré d’aucun autre mot de la Langue dans laquelle il est en usage. Ainsi en François Ciel, Roi, bon, sont des mots primitifs.

Un mot est dérivé lorsqu’il est tiré de quelqu’autre mot comme de sa source : ainsi céleste, royal, royaume, royauté, royalement, bonté, bonnement, sont autant de dérivés. Cet accident est appellé par les Grammairiens l’espece du mot ; ils disent qu’un mot est de l’espece primitive ou de l’espece dérivée.

3. On peut observer si un mot est simple ou s’il est composé ; juste, justice, sont des mots simples : injuste, injustice, sont composés. En Latin res est un mot simple, publica est encore simple, mais respublica est un mot composé.

Cet accident d’être simple ou d’être composé a été appellé par les anciens Grammairiens la figure. Ils disent qu’un mot est de la figure simple ou qu’il est de la figure composée ; en sorte que figure vient ici de fingere, & se prend pour la forme ou constitution d’un mot qui peut être ou simple ou composé. C’est ainsi que les Anciens ont appellé vasa fictilia, ces vases qui se font en ajoûtant matiere à matiere, & figulus l’ouvrier qui les fait, à fingendo.

4. Un autre accident des mots regarde la prononciation ; sur quoi il faut distinguer l’accent, qui est une élévation ou un abaissement de la voix toûjours invariable dans le même mot ; & le ton & l’emphase qui sont des infléxions de voix qui varient selon les diverses passions & les différentes circonstances, un ton fier, un ton soûmis, un ton insolent, un ton piteux. Voyez Accent.

Voilà quatre Accidens qui se trouvent en toutes sortes des mots. Mais de plus chaque sorte particuliere de mots a ses accidens qui lui sont propres ; ainsi le nom substantif a encore pour accidens le genre. Voyez Genre ; le cas, la déclinaison, le nombre, qui est ou singulier ou pluriel, sans parler du duel des Grecs.

Le nom adjectif a un accident de plus, qui est la comparaison ; doctus, doctior, doctissimus ; savant, plus savant, très-savant.

Les pronoms ont les mêmes accidens que les noms.

A l’égard des verbes, ils ont aussi par accident l’acception, qui est ou propre ou figurée : ce vieillard marche d’un pas ferme, marcher est là au propre : celui qui me suit ne marche point dans les ténebres, dit Jesus-Christ ; suit & marche sont pris dans un sens figuré, c’est-à-dire, que celui qui pratique les maximes de l’Evangile, a une bonne conduite & n’a pas besoin de se cacher ; il ne fuit point la lumiere, il vit sans crainte & sans remords.

2. L’espece est aussi un accident des verbes ; ils sont ou primitifs, comme parler, boire, sauter, trembler ; ou dérivés, comme parlementer, buvoter, sautiller, trembloter. Cette espece de verbes dérivés en renferme plusieurs autres ; tels sont les inchoatifs, les fréquentatifs, les augmentatifs, les diminutifs, les imitatifs, & les désidératifs.

3. Les verbes ont aussi la figure, c’est-à-dire qu’ils sont simples, comme venir, tenir, faire ; ou composés, comme prevenir, convenir, refaire, &c.

4. La voix ou forme du verbe : elle est de trois sortes, la voix ou forme active, la voix passive & la forme neutre.

Les verbes de la voix active sont ceux dont les terminaisons expriment une action qui passe de l’agent au patient, c’est-à-dire, de celui qui fait l’action sur celui qui la reçoit : Pierre bat Paul ; bat est un verbe de la forme active, Pierre est l’agent, Paul est le patient ou le terme de l’action de Pierre. Dieu conserve ses créatures ; conserve est un verbe de la forme active.

Le verbe est à la voix passive, lorsqu’il signifie que le sujet de la proposition est le patient, c’est-à-dire, qu’il est le terme de l’action ou du sentiment d’un autre : les méchans sont punis, vous serez pris par les ennemis ; sont punis, serez pris, sont de la forme passive.

Le verbe est à la forme neutre, lorsqu’il signifie une action ou un état qui ne passe point du sujet de la proposition sur aucun autre objet extérieur ; comme il pâlit, il engraisse, il maigrit, nous courons, il badine toûjours, il rit, vous rajeunissez, &c.

5. Le mode, c’est-à-dire les différentes manieres d’exprimer ce que le verbe signifie, ou par l’indicatif qui est le mode direct & absolu ; ou par l’impératif, ou par le subjonctif, ou enfin par l’infinitif.

6. Le sixieme accident des verbes, c’est de marquer le tems par des terminaisons particulieres : j’aime, j’aimois, j’ai aimé, j’avois aimé, j’aimerai.

7. Le septieme accident est de marquer les personnes grammaticales, c’est-à-dire, les personnes relativement à l’ordre qu’elles tiennent dans la formation du discours, & en ce sens il est évident qu’il n’y a que trois personnes.

La premiere est celle qui fait le discours, c’est-à-dire, celle qui parle, je chante ; je est la premiere personne, & chante est le verbe à la premiere personne, parce qu’il est dit de cette premiere personne.

La seconde personne est celle à qui le discours s’adresse ; tu chantes, vous chantez, c’est la personne à qui l’on parle.

Enfin, lorsque la personne ou la chose dont on parle n’est ni à la premiere ni à la seconde personne, alors le verbe est dit être à la troisieme personne ; Pierre écrit, écrit est à la troisieme personne : le soleil luit, luit est à la troisieme personne du présent de l’indicatif du verbe luire.

En Latin & en Grec les personnes grammaticales sont marquées, aussi-bien que les tems, d’une maniere plus distincte, par des terminaisons particulieres, τύπτω, τύπτεις, τύπτει, τύπτομεν, τύπτετε, τύπτουσι, canto, cantas, cantat, cantavi, cantavisti, cantavit ; cantaveram, cantabo, &c. au lieu qu’en François la différence des terminaisons n’est pas souvent bien sensible ; & c’est pour cela que nous joignons aux verbes les pronoms qui marquent les personnes, je chante, tu chantes, il chante.

8. Le huitieme accident du verbe est la conjugaison. La conjugaison est une distribution ou liste de toutes les parties & de toutes les infléxions du verbe, selon une certaine analogie. Il y a quatre sortes d’analogies en Latin par rapport à la conjugaison ; ainsi il y a quatre conjugaisons : chacune a son paradigme, c’est-à-dire un modele sur lequel chaque verbe régulier doit être conjugué ; ainsi amare, selon d’autres cantare, est le paradigme des verbes de la premiere conjugaison, & ces verbes, selon leur analogie, gardent l’a long de l’infinitif dans presque tous leurs tems & dans presque toutes les personnes. Amare, amabam, amavi, amaveram, amabo, amandum, amatum, &c.

Les autres conjugaisons ont aussi leur analogie & leur paradigme.

Je crois qu’à ces quatre conjugaisons on doit en ajoûter une cinquieme, qui est une conjugaison mixte, en ce qu’elle a des personnes qui suivent l’analogie de la troisieme conjugaison, & d’autres celle de la quatrieme ; tels sont les verbes en ere, io, comme capere, capio ; on dit à la premiere personne du passif capior, je suis pris, comme audior ; cependant on dit caperis à la seconde personne, & non capiris, quoiqu’on dise audior, audiris. Comme il y a plusieurs verbes en ere, io, suscipere suscipio, interficere interficio, elicere, io, excutere, io, fugere fugio, &c. & que les commençans sont embarrassés à les conjuguer, je crois que ces verbes valent bien la peine qu’on leur donne un paradigme ou modele.

Nos Grammairiens content aussi quatre conjugaisons de nos verbes François.

1. Les verbes de la premiere conjugaison ont l’infinitif en er, donner.

2. Ceux de la seconde ont l’infinitif en ir, punir.

3. Ceux de la troisieme ont l’infinitif en oir, devoir.

4. Ceux de la quatrieme ont l’infinitif en re, dre, tre, faire, rendre, mettre.

La Grammaire de la Touche voudroit une cinquieme conjugaison des verbes en aindre, eindre, oindre, tels que craindre, feindre, joindre, parce que ces verbes ont une singularité qui est de prendre le g pour donner un son mouillé à l’n en certains tems, nous craignons, je craignis, je craignisse, craignant.

Mais le P. Buffier observe qu’il y a tant de différentes infléxions entre les verbes d’une même conjugaison, qu’il faut, ou ne reconnoître qu’une seule conjugaison, ou en reconnoître autant que nous avons de terminaisons différentes dans les infinitifs. Or M. l’Abbé Regnier observe que la Langue Françoise a jusqu’à vingt-quatre terminaisons différentes à l’infinitif.

9. Enfin le dernier accident des verbes est l’analogie ou l’anomalie, c’est-à-dire d’être réguliers & de suivre l’analogie de leur paradigme, ou bien de s’en écarter ; & alors on dit qu’ils sont irréguliers ou anomaux.

Que s’il arrive qu’ils manquent de quelque mode, de quelque tems, ou de quelque personne, on les appelle défectifs.

A l’égard des prépositions, elles sont toutes primitives & simples, à, de, dans, avec, &c. sur quoi il faut observer qu’il y a des Langues qui énoncent en un seul mot ces vûes de l’esprit, ces rapports, ces manieres d’être, au lieu qu’en d’autres Langues ces mêmes rapports sont divisés par l’élocution & exprimés par plusieurs mots, par exemple, coram patre, en présence de son pere ; ce mot coram, en Latin, est un mot primitif & simple qui n’exprime qu’une maniere d’être considérée par une vûe simple de l’esprit.

L’élocution n’a point en François de terme pour l’exprimer ; on la divise en trois mots, en présence de. Il en est de même de propter, pour l’amour de, ainsi de quelques autres expressions que nos Grammairiens François ne mettent au nombre des prépositions, que parce qu’elles répondent à des prépositions Latines.

La préposition ne fait qu’ajoûter une circonstance ou maniere au mot qui précede, & elle est toûjours considérée sous le même point de vûe, c’est toûjours la même maniere ou circonstance qu’elle exprime ; il est dans ; que ce soit dans la ville, ou dans la maison, ou dans le coffre, ce sera toûjours être dans. Voilà pourquoi les propositions ne se déclinent point.

Mais il faut observer qu’il y a des prépositions séparables, telles que dans, sur, avec, &c. & d’autres qui sont appellées inséparables, parce qu’elles entrent dans la composition des mots, de façon qu’elles n’en peuvent être séparées sans changer la signification particuliere du mot ; par exemple, refaire, surfaire, défaire, contrefaire, ces mots, re, sur, dé, contre, &c. sont alors des prépositions inséparables, tirées du Latin. Nous en parlerons plus en détail au mot Préposition.

A l’égard de l’adverbe, c’est un mot qui, dans sa valeur, vaut autant qu’une préposition & son complément. Ainsi prudemment, c’est avec prudence, sagement, avec sagesse, &c. Voyez Adverbe.

Il y a trois accidens à remarquer dans l’adverbe outre la signification, comme dans tous les autres mots. Ces trois accidens sont,

1. L’espece, qui est ou primitive ou dérivative : ici, là, ailleurs, quand, lors, hier, où, &c. sont des adverbes de l’espece primitive, parce qu’ils ne viennent d’aucun autre mot de la Langue.

Au lieu que justement, sensément, poliment, absolument, tellement, &c. sont de l’espece dérivative ; ils viennent des noms adjectifs juste, sensé, poli, absolu, tel, &c.

2. La figure, c’est d’être simple ou composé. Les adverbes sont de la figure simple, quand aucun autre mot ni aucune préposition inséparable n’entre dans leur composition ; ainsi justement, lors, jamais, sont des adverbes de la figure simple.

Mais injustement, alors, aujourd’hui, & en Latin hodie, sont de la figure composée.

3. La comparaison est le troisieme accident des adverbes. Les adverbes qui viennent des noms de qualité se comparent, justement, plus justement, très ou fort justement, le plus justement, bien, mieux, le mieux, mal, pis, le pis, plus mal, très mal, fort mal, &c.

A l’égard de la conjonction, c’est-à-dire, de ces petits mots qui servent à exprimer la liaison que l’esprit met entre des mots & des mots, ou entre des phrases & des phrases ; outre leur signification particuliere, il y a encore leur figure & leur position.

1. Quant à la figure, il y en a de simples, comme &, ou, mais, si, car, ni, &c.

Il y en a beaucoup de composées, & si, mais si, & même il y en a qui sont composées de noms ou de verbes, par exemple, à moins que, desorte que, bien entendu que, pourvû que.

2. Pour ce qui est de leur position, c’est-à-dire, de l’ordre ou rang que les conjonctions doivent tenir dans le discours, il faut observer qu’il n’y en a point qui ne suppose au-moins un sens précedent ; car ce qui joint doit être entre deux termes. Mais ce sens peut quelquefois être transposé, ce qui arrive avec la conditionnelle si, qui peut fort bien commencer un discours ; si vous êtes utile à la société, elle pourvoira à vos besoins. Ces deux phrases sont liées par la conjonction si ; c’est comme s’il y avoit, la société pourvoira à vos besoins, si vous y êtes utile.

Mais vous ne sauriez commencer un discours par mais, &, or, donc, &c. c’est le plus ou moins de liaison qu’il y a entre la phrase qui suit une conjonction & celle qui la précede, qui doit servir de regle pour la ponctuation.

* Ou s’il arrive qu’un discours commence par un or ou un donc, ce discours est censé la suite d’un autre qui s’est tenu intérieurement, & que l’Orateur ou l’écrivain a sous-entendu, pour donner plus de véhémence à son début. C’est ainsi qu’Horace a dit au commencement d’une Ode :

Ergo Quintilium perpetuus sopor
Urget. . . . .

Et Malherbe dans son Ode à Louis XIII. partant pour la Rochelle :

Donc un nouveau labeur à tes armes s’apprête ;
Prens ta foudre, Loüis. . . . .

A l’égard des interjections, elles ne servent qu’à marquer des mouvemens subits de l’ame. Il y a autant de sortes d’interjections, qu’il y a de passions différentes. Ainsi il y en a pour la tristesse & la compassion, hélas ! ha ! pour la douleur, ai ai, ha ! pour l’aversion & le dégoût, fi. Les interjections ne servant qu’à ce seul usage, & n’étant jamais considérées que sous la même face, ne sont sujettes à aucun autre accident. On peut seulement observer qu’il y a des noms, des verbes, & des adverbes, qui étant prononcés dans certains mouvemens de passions ont la force de l’interjection, courage, allons, bon-Dieu, voyez, marche, tout beau, paix, &c. c’est le ton plûtôt que le mot qui fait alors l’interjection. (F)

Accident, s. m. en Logique, quand on joint une idée confuse & indéterminée de substance avec une idée distincte de quelque mode : cette idée est capable de représenter toutes les choses où sera ce mode ; comme l’idée de prudent, tous les hommes prudens, l’idée de rond, tous les corps ronds. Cette idée exprimée par un terme adjectif, prudent, rond, donne le cinquieme universel qu’on appelle accident, parce qu’il n’est pas essentiel à la chose à laquelle on l’attribue ; car s’il l’étoit, il seroit différence ou propre.

Mais il faut remarquer ici, que quand on considere deux substances ensemble, on peut en considérer une comme mode de l’autre. Ainsi un homme habillé peut être considéré comme un tout composé de cet homme & de ses habits : mais être habillé à l’égard de cet homme, est seulement un mode ou une façon d’être, sous laquelle on le considere, quoique ses habits soient des substances. V. Universaux. (X)

* Les Aristotéliciens, après avoir distribué les êtres en dix classes, réduisoient ces dix classes à deux générales ; à la classe de la substance, ou de l’être qui existe par lui-même, & à la classe de l’accident, ou de l’être qui est dans un autre, comme dans un sujet.

De la classe de l’accident, ils en faisoient neuf autres, la quantité, la relation, la qualité, l’action, la passion, le tems, le lieu, la situation, & l’habitude.

Accident, en Medecine, signifie une révolution qui occasionne une maladie, ou quelqu’autre chose de nouveau qui donne de la force à une maladie déjà existante. La suppression subite des crachats dans la péripneumonie est un accident fâcheux. Les plus fameux Praticiens en Medecine recommandent d’avoir communément plûtôt égard à la violence des accidens qu’à la cause de la maladie ; parce que leur durée pourroit tellement augmenter la maladie, qu’elle deviendroit incurable. V. Symptome. (N)

Accident, en Peinture. On dit des accidens de lumiere, lorsque les nuages interposés entre le soleil & la terre produisent sur la terre des ombres qui l’obscurcissent par espace ; l’effet que produit le soleil sur ces espaces qui en restent éclairés, s’appelle accident de lumiere. Ces accidens produisent des effets merveilleux dans un tableau.

On appelle encore accident de lumiere, les rayons qui viennent par une porte, par une lucarne, ou d’un flambeau, lorsque cependant ils ne font pas la lumiere principale d’un tableau. (R)

Accident se dit aussi en Fauconnerie. Les oiseaux de proie sont sujets à plusieurs accidens ; il arrive quelquefois que les faucons sont blessés en attaquant le milan ou le héron : si la blessure est légere, vous la guérirez avec le remede suivant : mettez dans un pot verni une pinte de bon verjus ; faites-y infuser pendant douze heures pimprenelle & consoude de chacune une poignée, avec deux onces d’aloès & autant d’encens, une quantité suffisante d’origan, & un peu de mastic ; l’infusion étant faite, passez le tout par un linge avec expression, & gardez ce remede pour le besoin. On se sert de cette colature pour étuver doucement la blessure qui se guérit par ce moyen aisément.

Si la blessure est considérable, il faut d’abord couper la plume pour empêcher qu’elle ne s’y attache, & y mettre une tente imbibée de baume ou d’huile de millepertuis.

Si la blessure est interne, ayant été causée par l’effort qu’a fait le faucon en fondant sur sa proie, il faut prendre un boyau de poule ou de pigeon, vuider & laver bien ce boyau, puis mettre dedans de la momie, & faire avaler le tout à l’oiseau ; il vomira sur le champ le sang qui sera caillé dans son corps, & peu de tems après il sera guéri.

Si la blessure de l’oiseau est considérable, mais extérieure, & que les nerfs soient offensés, il faudra premierement la bien étuver avec un liniment fait avec du vin blanc, dans lequel on aura fait infuser des roses seches, de l’écorce de grenade, un peu d’absinthe & d’alun, ensuite on y appliquera de la térebenthine.

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Étymologie de « accident »

Provenç. accident ; espagn. et ital. accidente ; de accidens, participe présent de accidere, advenir, de ad, à, et cadere, tomber (voy. CHOIR).

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(1175) Du latin accidens, lui-même du verbe latin accidere (« survenir »).
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Phonétique du mot « accident »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
accident aksidɑ̃

Fréquence d'apparition du mot « accident » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « accident »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « accident »

  • La plupart des choses se produisent par accident.
    David Mitchell — Ecrits fantômes
  • La vie nous laisse le choix d’en faire un accident ou une aventure.
    Anonyme
  • Rien en art ne doit ressembler à un accident, même le mouvement.
    Edgar Degas
  • Un athée est un homme qui croit qu'il est là par accident.
    Francis Thompson
  • Le talent est un accident des gênes et une responsabilité.
    Alan Rickman
  • Pour se marier, il faut un témoin, comme pour un accident ou un duel.
    Sacha Guitry — Elles et toi
  • Un paysan est un accident de terrain.
    Willette — Journal 1893 - 1898
  • Le nom du plus grand des inventeurs : accident.
    Mark Twain
  • Le mâle est un accident ; la femelle aurait suffi.
    Rémy de Gourmont — Physique de l'amour
  • L’art est un accident dont on ne sort pas indemne.
    L. Langanesi
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Images d'illustration du mot « accident »

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Traductions du mot « accident »

Langue Traduction
Anglais accident
Espagnol accidente
Italien incidente
Allemand unfall
Portugais acidente
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Synonymes de « accident »

Source : synonymes de accident sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « accident »

Combien de points fait le mot accident au Scrabble ?

Nombre de points du mot accident au scrabble : 13 points

Accident

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