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Essence

Variantes Singulier Pluriel
Féminin essence essences

Définitions de « essence »

Trésor de la Langue Française informatisé

ESSENCE1, subst. fém.

A.− PHILOS. Ce qu'un être est.
1. [P. oppos. à accident, attribut] Fond de l'être, de nature idéale, conceptuelle ou divine. Essence éternelle, universelle; pénétrer l'essence des choses :
1. ... il semble que ce philosophe [Spinoza] ait cherché à établir entre l'éternité et ce qui dure la même différence que faisait Aristote entre l'essence et les accidents... Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 352.
Essence première. Celle qui est la cause : Dieu. Leur [ces fils] venue en ce monde n'a dépendu que de Dieu, de l'essence première, dont ils étaient des parties, et à laquelle ils peuvent par conséquent retourner comme ils en sont descendus (P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 441).Essence seconde ou dérivée : créature.
2. [P. oppos. à existence] L'être idéal.
P. ext. [P. oppos. à la réalité vécue] L'être comme concept. L'apparence ne cache pas l'essence, elle la révèle; elle est l'essence (Sartre, Être et Néant,1943, p. 12):
2. L'idée-limite clairement posée serait ici celle d'un individu qui ne serait pas l'individuation secondaire d'une forme, d'un type, d'une essence primaire, mais celle d'un individu qui « s'individue » lui-même en choisissant à chaque instant son existence; selon la formule contemporaine : l'existence prime l'essence. Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 166.
PHÉNOMÉNOLOGIE (en partic. chez Husserl). Idées, structures universelles de la conscience en acte :
3. Les essences de Husserl doivent ramener avec elles tous les rapports vivants de l'expérience, comme le filet ramène du fond de la mer les poissons et les algues palpitants. Il ne faut donc pas dire avec J. Wahl que « Husserl sépare les essences de l'existence ». Les essences séparées sont celles du langage. C'est la fonction du langage de faire exister les essences dans une séparation qui, à vrai dire, n'est qu'apparente, puisque par lui elles reposent encore sur la vie antéprédicative de la conscience. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. X.
B.− Cour. Caractère ou qualité propre et nécessaire d'un être; ensemble des caractères constitutifs de quelque chose.
1. [En parlant d'une chose] Ce qui n'est pas loi, est hors de l'essence du gouvernement (Chateaubr., Essai Révol.,t. 2, 1797, p. 334).La contradiction est l'essence des choses humaines (Renan, Drames philos.,Eau jouvence, 1881, V, 3, p. 508):
4. L'amour se fane dans une atmosphère de contrainte. Son essence est la liberté. Maurois, Ariel,1923, p. 17.
2. [En parlant d'une pers.] Son essence étant la bonté, elle [Claire] ne peut cesser de faire le bien qu'en cessant de vivre (Cottin, C. d'Albe,1799, p. 201):
5. Clément était d'essence aérienne. Il ne savait pas marcher; il avançait par petits bonds, en se jetant de côté, et semblait le jouet des vents. France, Pt Pierre,1918, p. 257.
SYNT. Il est de (dans) l'essence de qqc. ou qqn, de + inf., que; l'essence de qqc. est dans + subst., de + inf.; les éléments qui constituent font l'essence de qqc.; être l'essence de qqc.; avoir qqc. pour essence; c'est là son essence! Examiner qqc. en son essence; être transformé dans son essence; épuiser, réaliser l'essence de qqc.; réduire qqc. à son essence; être de telle façon de, dans, en, par son essence.
Loc. adv. Par essence. Par définition, par nature. L'ambitieux est par essence mécontent de tout ce qu'il possède (Maine de Biran, Journal,1816, p. 164).L'histoire narrative est inexacte par essence (France, Vie littér.,1890, p. 124).
3. P. ext.
a) Ce qu'il y a de plus important. Contenir l'essence de qqc., dégager l'essence de qqc. Synon. essentiel.Telle pensée qui contient l'essence d'un livre tout entier (Joubert, Pensées,t. 2, 1824, p. 147):
6. J'aurais voulu d'un tel livre [les Éblouissements de la comtesse de Noailles] (...) essayer de dégager d'abord l'essence et l'esprit. Proust, Chron.,1922, p. 187.
b) Ce qu'il y a de plus pur, de plus original. J'ouvris quelques-uns de ces livres, c'étaient de plats romans de 1780 mais pour moi c'était l'essence de la volupté (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 197):
7. Quel étrange contraste! Gavarni, − ce Gavarni que la postérité se figurera comme le maître et l'essence de l'élégance, lui qui a chiffonné dans ses dessins tant de soie, tant de luxe, le dessus du panier de Paris... Goncourt, Journal,1863, p. 1361.
c) Expr. [Le plus souvent en parlant d'une pers.] Être, se croire d'une essence autre, différente, supérieure. Nous te regardions comme fait d'une autre essence que nous (Mille, Barnavaux,1908, p. 289):
8. Il [un lieutenant] était sûr de soi, satisfait, gras, et puis, officier français, petit bourgeois à la tête d'une compagnie de la Légion étrangère, il se croyait d'une essence supérieure... Cendrars, Main coupée,1946, p. 101.
Rem. On rencontre ds Rob. Suppl. 1970 le verbe trans. essentialiser, qui signifie en philos. « tirer une essence d'une existence ». Le propre de l'existence, c'est de se donner à elle-même une essence, c'est-à-dire de retrouver un accès vers cet être qui est le lieu même de l'essence. Ce n'est pas à l'essence qu'il appartient de s'existentialiser. C'est plutôt à l'existence qu'il convient de s'essentialiser (L. Lavelle, Introduction à l'ontologie, Paris, P.U.F., 1947, p. 83).
Prononc. et Orth. : [esɑ ̃:s]. Prononc. [εs(s)ɑ ̃:s] ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Land. 1834 [ss], Nod. 1844, Besch. 1845 [ss], Littré [ss], DG [ss], Barbeau-Rodhe 1930 [s] ou [ss], et, à titre de var., ds Warn. 1968. Cf. essai. Enq. : /esãs/. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. V. essence3.

ESSENCE2, subst. fém.

SYLVICULTURE
A.− Espèce ou variété d'arbres poussant en forêt, en plantations ou en haie. Essence forestière, fruitière; essence de lumière :
1. [Le sapin pectiné] essence d'ombre caractérisée, ses jeunes semis s'installent en abondance sous le couvert même assez dense et s'y maintiennent de nombreuses années. Ils se développent vigoureusement ensuite dès qu'ils ont un peu de lumière. Cochet, Bois,1963, p. 37.
SYNT. Un bois d'essence de charme, de chêne, de hêtre; essence résineuse; essence à feuilles caduques; essence principale (p. oppos. à essence auxiliaire ou secondaire); essence disséminée (p. oppos. à essence grégaire ou sociale).
B.− INDUSTR. DU BOIS Qualité de bois déterminée. La plupart des essences commercialisées au cours des vingt dernières années ne peuvent pratiquement plus être exportées (La Forêt fr.,1955, p. 6):
2. ... il avait, (...) pour les nécessités de sa charpenterie, quantité de membrures emmagasinées et appareillées selon les formes, les dimensions et les essences... Hugo, Travail. mer,1866, p. 288.
Prononc. et Orth. : Cf. essence1. Étymol. et Hist. V. essence3.

ESSENCE3, subst. fém.

Produit concentré extrait de certaines substances, végétales, minérales ou animales.
A.− ALCHIM. Substance la plus pure extraite de certains corps, le plus souvent par distillation.
Au fig. :
1. Le charme n'est pas le sens du poème, mais il est plutôt le sens de son sens, et la quintessence de son essence : la musique révèle le sens du sens, qui est charme, en le soustrayant. Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 44.
[P. réf. à la qualité que se donnait Rabelais dans le titre de Pantagruel] Je la tiens de certain abstracteur de quinte essence du nom de Jean Marras (Villiers de l'I.-A., Corresp.,1880, p. 285).
B.− Liquide volatil, peu ou non gras, très odorant, extrait des végétaux, le plus souvent par distillation. Essence naturelle; essence de lavande, de pin; essence de bergamote, de girofle; essence de térébenthine :
2. ... cette huile [l'huile céphalique], qui s'oppose à l'exfoliation des pellicules, qui exhale une odeur suave, et qui, par les substances dont elle est composée, dans lesquelles entre comme principal élément l'essence de noisette, empêche toute action de l'air extérieur sur les têtes, prévient ainsi les rhumes, le coryza, et toutes les affections douloureuses de l'encéphale en lui laissant sa température intérieure. Balzac, C. Birotteau,1837, p. 181.
Spéc., ART CULIN. Produit obtenu par distillation, par réduction, par macération ou infusion. Il [Frère] se faisait fabriquer des sucs de viande, des essences de légumes (Goncourt, Journal,1872, p. 918):
3. Sous la lumière dansante des bougies, on attaqua tout d'abord d'aimables bagatelles : essence de Charolais en tasse, puis truffes du Périgord... Combat,19-20 janv. 1952, p. 3, col. 2.
SYNT. Essence de citron; essence de poisson, de champignon, de gibier, de légumes; essence d'oignon, de truffe.
Essence de feu. Eau-de-vie. J'ai enivré vos bourreaux avec de l'essence de feu (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 205).Une bouteille de vieux vin de Chypre, une hure de sanglier et un flacon d'essence de feu! (Crémieux, Orphée,1858, I, 4, p. 38).
P. anal. Essence synthétique ou artificielle. Mélange de plusieurs substances dans de l'alcool à très haut degré, rappelant l'arôme ou le parfum de l'essence naturelle :
4. La benzine traitée à froid par l'acide nitrique donne de la nitrobenzine. C'est un produit huileux qui a l'odeur de l'essence d'amandes amères; employé en parfumerie et dans la fabrication des liqueurs, il est vendu dans le commerce, sous le nom d'essence de mirbane. Quéret, Industr. gaz,1923, p. 278.
P. métaph. Nous avons un colonel qui passe pour une bouteille qui contient de l'essence de chenapan (Balzac, Corresp.,1822, p. 131).
C.− Essence minérale ou absol. essence. Produit obtenu par distillation du pétrole brut ou cracking des pétroles et huiles lourdes ou polymérisation. Pompe à essence, réservoir d'essence. La fractionnement des essences légères ou des huiles (E. Schneider, Charbon,1945, p. 320):
5. Entretien des lavabos. − I en faïence, porcelaine ou grès-porcelaine : laver au savon noir ou à l'essence minérale et rincer à l'eau claire. Lar. mén.1926, p. 1169.
6. Le raffinage a pour but d'éliminer de l'essence et du kérosène les corps nuisibles par leur odeur, par leur couleur ou par les produits auxquels ils donnent naissance au cours de l'emploi. Il enlève aussi les carbures non saturés et les composés oxygénés, sulfurés et azotés. Il comprend des lavages à l'acide sulfurique, à la soude et à l'eau. Parfois il s'effectue selon des procédés différents. Chartrou, Pétroles natur. et artif.,1931, p. 84.
SYNT. Bidon, jauge d'essence; dépôt, poste d'essence; faire le plein d'essence; tomber en panne d'essence; ravitaillement en essence; vapeurs d'essence; moteur, voiture à essence; briquet, lampe à essence; fumeron d'essence; un mélange riche en essence.
D.− TECHNOL. Essence d'Orient. Préparation obtenue à partir des écailles d'ablette (ou plus rarement de vessies natatoires, de peaux) et qui sert à garnir les fausses perles (cf. Coupin, Animaux de nos pays, 1909, p. 211).
Rem. On rencontre ds la docum. a) Le verbe trans. essencer. Couvrir, imbiber d'essence. La pâte adhérant (...) facilement au métal du cachet ou de la molette (...) on peut les essencer (Al. Brongniart, Arts céram., 1844, p. 163). La planche vernie et enfumée que l'on essence pour continuer (M. Lalanne, Gravure eau-forte, 1866, p. 79). b) L'adj. et subst. essencié, ée. Qui contient de l'essence. L'huile provenant de grès de l'oligocène et du miocène plissé (anticlinaux), est essenciée et paraffineuse dans les couches supérieures, et lourde et non paraffineuse dans les couches inférieures (Chartrou, op. cit., p. 165).
Prononc. et Orth. Cf. essence3. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 « nature de quelque chose » (Moralités sur Job, 338, 35 ds T.-L. : essence de la diviniteit); 2. a) 1563 « extrait de substance » (B. Palissy, Recepte, p. 28 ds IGLF : ceux qui tirent les essences des herbes et espiceries); b) 1888 essence de pétrole (L'Aéronaute, janv., 16 ds Guilb.); 3. 1690 « espèce d'arbre » (Fur.). Empr. au lat. class. essentia « nature d'une chose ».
STAT. − Essence1, 2 et 3. Fréq. abs. littér. : 2 884. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 855, b) 2 127; xxes. : a) 2 820, b) 6 994.
BBG. − Quem. DDL t. 5.

Wiktionnaire

Nom commun - français

essence \e.sɑ̃s\ ou \ɛ.sɑ̃s\ féminin

  1. Ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est, ce qui constitue la nature d’une chose.
    • Le bien physique et le mal physique, le bien moral et le mal moral ont donc évidemment leur origine dans les lois naturelles. Tout a son essence immuable, et les propriétés inséparables de son essence. D’autres lois auraient d’autres propriétés essentielles […] — (François Quesnay, Observations sur le Droit naturel des hommes réunis en société, 1765)
    • « Nous ne connaissons rien, dit le baron de Bielfeld, nous ne connaissons rien de la nature ou de l’essence de Dieu ; — pour savoir ce qu’il est, il faut être Dieu même. » — (Edgar Poe, Eureka, 1848, traduction de Charles Baudelaire, 1864)
    • En France nous sommes traditionnels. […] C’est l’extérieur des institutions, et non leur essence, qui possède chez nous le privilège de l’inviolabilité. — (Pierre Louÿs, Liberté pour l’amour et pour le mariage, 1900, dans Archipel, 1932)
    • Il y a entre le ritualisme occidental et le mysticisme oriental une différence d’essence, une incompatibilité radicale que vingt siècles d’échanges et de compénétrations n’ont pas entamés. — (Jacques-Henry Bauchy, Histoire de la Forêt d’Orléans, 1985)
    • À coup sûr, l’essence de la laïcité, mis à part la séparation de la religion et de l’État, est l’acceptation de la proposition selon laquelle il n’y a pas de finalité des formes, pas de possession exclusive de la vérité absolue et indivisible. — (Panayiotis Jerasimof Vatikiotis, L’Islam et l’État, 1987, traduction d’Odette Guitard, 1992, p. 159)
  2. (Botanique) Espèce apte à produire du bois.
    • Dans quelques endroits, ils étaient entremêlés de hêtres, de houx et de taillis de diverses essences, si étroitement serrés, qu’ils interceptaient les rayons du soleil couchant […] — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • Chaque tendeur paraît avoir une essence de prédilection pour ses hayettes. Ici, on me dit du « chêne ». Certains retiennent le charme […] — (Jacques Lambert, Campagnes et paysans des Ardennes : 1830-1914, 1988)
    • L’autécologie des mélèzes est assez mal connue, tout du moins dans les zones où ils ont été et sont introduits comme essence de reboisement. — (Philippe Riou-Nivert, Le Mélèze, 2001, p. 52)
    • Plus précisément les écologistes accusent les essences résineuses de podzoliser les sols, […]. — (Maurice Bonneau, La forêt française métropolitaine à l'aube du XXIème siècle, 2006, p.290)
  3. (Sylviculture) (Par extension) Espèce dominante d’une forêt.
    • Un bois d’essence de chêne.
  4. (Cosmétologie) Huile aromatique très subtile qu’on extrait de certaines substances.
    • Essence de roses.
  5. Extrait concentré et épuré de certaines substances.
    • L’essence de cannelle du commerce est loin d'être pure, mais on peut la purifier par une nouvelle distillation avec de l'eau que l'on sépare en grande partie par décantation, […]. — (C. Favrot, Traité élémentaire de Physique, Chimie, Toxicologie et Pharmacie, Paris : Béchet jeune & labé, 1841, vol.2, p.391)
  6. (Spécialement) (Peinture) (Par ellipse) Essence de térébenthine.
    • Pour réchampir les moulures, on broie les couleurs à l'huile de noix et on détrempe à l’essence; on applique deux couches généralement plus foncées que le fond. — (Eugène Aucamus, Menuiserie serrurerie, plomberie, peinture et vitrerie, Paris : chez P. Vicq-Dunod & Cie, 1898, p. 297)
  7. (En particulier) (Automobile, Motocyclisme) Carburant pour automobiles, issu du pétrole raffiné, et généralement opposé au gazole.
    • Notre hydravion chargé de 2,600 litres d’essence accusait un poids de 5,500 kilogrammes. — (Jean Mermoz, Mes Vols, p.61, Flammarion, 1937)
    • […] de nombreuses unités blindées d'avant-garde étaient stoppées sur les routes, faute de combustible : […]. Les appels radio des tankistes réclamant de l’essence se faisaient entendre sans cesse. — (Georges Blond, L'Agonie de l'Allemagne 1944-1945, Fayard, 1952, p.153-154)
    • Est dénommé « essence » le mélange d'hydrocarbures d'origine minérale ou de synthèse, destiné notamment à l'alimentation des moteurs thermiques à allumage commandé, répondant aux spécifications suivantes : […] — (Claude Martin et Jean Pinchon, « Caractéristiques de l'essence », Arrêté du 28 décembre 1966, Journal officiel de la République française du 13 janvier 1967, p. 575)
    • Son œil s'attarde pourtant sur la jauge d’essence. Impitoyable, l’aiguille marque zéro. Par quel miracle, le réservoir où Mr. Smith a versé de ses mains, au moment du départ, soixante-dix litres de supercarburant, a-t-il pu se vider subitement ? — (Serge Dalens, La tache de vin, Éditions Fleurus, 2012, p 189)
  8. (Par métonymie) N’importe quel carburant pour une voiture.
    • Le plus ennuyeux pour les agriculteurs fut sans aucun doute le défaut d’essence et de ficelle pour les lieuses. — (Gérard Giuliano & ‎Jacques Lambert, Les Ardennais dans la tourmente: l'occupation et la libération, Charleville-Mézières : Terres ardennaises, 1994, p.81)
  9. (Philosophie) Par opposition à accident, ce qui constitue la nature permanente d’un être, indépendamment de ce qui lui arrive.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ESSENCE. n. f.
Ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est, ce qui constitue la nature d'une chose. L'essence divine. L'essence des choses. L'essence de ce projet, de cette doctrine, etc. En termes d'Eaux et Forêts, il s'emploie pour Espèce. Les différentes essences qui composent les forêts. Un bois d'essence de chêne, Un bois qui est principalement formé d'arbres de cette espèce. Il se dit encore d'une Huile aromatique très subtile qu'on extrait de certaines substances. Essence de roses. Il se dit aussi d'un Extrait concentré et épuré de certaines substances. Essence de café. Essence minérale, Pétrole distillé. Essence de naphte.

Littré (1872-1877)

ESSENCE (è-ssan-s') s. f.
  • 1 Terme de philosophie et de théologie. Ce qui est, ce qui existe. Dieu est l'essence première.

    La divine essence, Dieu. Les rois, comme rayons de la divine essence, En leur gouvernement imitent sa puissance, Rotrou, Bélis. III, 6. Enveloppez-vous dans ce voile ; vivez cachée à vous-même aussi bien qu'au monde ; et, connue de Dieu, échappez-vous à vous-même, sortez de vous-même, et prenez un si noble essor que vous ne trouviez de repos que dans l'essence éternelle du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Bossuet, la Vallière. Adorant l'essence inconnue Les saints, les martyrs glorieux Contemplaient sous l'ardente nue Le triangle mystérieux, Hugo, Odes, I, 10.

  • 2Ce qui fait qu'une chose est ce qu'elle est, ce sans quoi elle ne serait pas. L'essence du triangle est d'avoir trois côtés et trois angles.
  • 3Dans une signification très voisine de celle-ci, et pourtant très différente, la nature intime des choses que nous ne pouvons pas bien connaître ni démontrer. Lorsqu'on s'obstine à disputer sur les essences, il arrive qu'on ne sait plus ce que les choses sont, Condillac, Art d'écr. IV, 5. N'oubliez point que ce que nous appelons essence des choses n'est que leur essence nominale, Bonnet, Ess. anal. âme, ch. 4.
  • 4Au sens d'être. Essence première, essence qui est d'origine. Essence seconde, essence qui est dérivée. Dieu est essence première ; les créatures sont essences secondes. L'essence seconde suffit pour prouver que deux substances diffèrent, mais elle ne suffit pas pour mesurer avec précision la différence qui est entre elles, Condillac, Art de raisonner, I, 3.
  • 5Dans le langage général, ce qui fait le fond, la nature d'un objet. Et de la vouloir vaincre avecque des services, Après qu'on a tout fait, on trouve que ses vices Sont de l'essence du sujet, Malherbe, VI, 24. … Amour forcé ne fut jamais amour ; L'amour est dans les cœurs libre dès sa naissance ; Ravir sa liberté, c'est ravir son essence, Desmarets, Mirame, IV, 4. Cette proposition contenait l'essence des plus noires hérésies, Pascal, Prov. 3. Il est de l'essence d'un bon livre d'avoir des censeurs, et la plus grande disgrâce qui puisse arriver à un écrit qu'on met au jour, ce n'est pas que beaucoup de gens en disent du mal, c'est que personne n'en dise rien, Boileau, Épît. X, XI, XII, Préf. L'essence d'un Spartiate était l'obéissance aux lois de Lycurgue, Voltaire, Mœurs, 154. Voilà, cousine, comment dans certains pays l'essence des choses tient aux mots, et comment des noms honnêtes suffisent pour honorer ce qui l'est le moins, Rousseau, Hél. II, 23.
  • 6 Terme de pratique. La chose même que l'on a reçue. Rendre en essence.

    On dit que les choses ne sont plus en essence, pour dire qu'elles ne sont plus en nature, qu'elles sont détruites, qu'on ne peut pas les représenter comme on les a reçues.

  • 7 Terme d'eaux et forêts. Espèce, nature des arbres qui prédominent en un terrain. Les différentes essences. Un bois d'essence de chêne.
  • 8 Terme de chimie. Essences, nom donné à des liquides sans viscosité, très volatils, qu'on appelait autrefois huiles éthérées, huiles essentielles (dénomination abandonnée parce que ces substances n'ont rien de commun avec les corps gras). Les essences se divisent en trois groupes : hydrocarbonées, oxygénées, sulfurées.

    Essence de térébenthine, liquide qui provient de la distillation de la térébenthine ordinaire.

  • 9 Terme de pharmacie. Substance aromatique très volatile qu'on extrait de certains végétaux. Essence de rose.

    Essence de lavande, dite aussi huile d'aspic ou de spic, essence qui s'obtient par la distillation des sommités fleuries de la lavande officinale et de la lavande spic.

    Essence de Portugal, essence fournie par le zeste de l'orange.

  • 10 Terme de cuisine. Essence de gibier, de légumes, de jambon, etc. extrait des parties les plus nutritives des viandes, des légumes.
  • 11Essence d'Orient ou de perles, liqueur préparée avec une matière nacrée qui se trouve à la base des écailles de l'ablette et sur toute la paroi de la poitrine, de l'estomac et des intestins. Cette liqueur, introduite dans de petites boules de verre creuses, sert à la fabrication des fausses perles.

HISTORIQUE

XIIIe s. Tu iez saluz de nostre essence, Balaiz de nostre vanité, Cribles de nostre concience, Rutebeuf, II, 14. Ô glorieuse Trinité, Une essence et vraie unité En trois glorieuses personnes ! J. de Meung, Tr. 2.

XIVe s. Et par ce appert que toutes choses n'ont pas une ydée commune qui soit leur essence, Oresme, Eth. VI, 11.

XVe s. En tout, partout est mesme essence, Auquel pas ne fait difference Entre animal et vegetal, Et mineral, fut-ce metal Qui t'enamoure, Nat. à l'alch. err. 69.

XVIe s. La distillation des eaux et essences tirées de toutes sortes d'herbes, racines et fleurs, Lanoue, 479. En une seule essence divine, il y a trinité de personnes, Calvin, Inst. 73. Ainsi les actions de vertu ne sont souvent que masques, elles en portent le visage, mais elles n'en ont pas l'essence, Charron, Sagesse, II, 3.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ESSENCE, s. f. (Métaph.) c’est ce que l’on conçoit comme le premier & le plus général dans l’être, & ce sans quoi l’être ne seroit point ce qu’il est. Pour trouver l’essence d’une chose, il ne faut faire attention qu’aux qualités qui ne sont point déterminées par d’autres, & qui ne se déterminent pas réciproquement, mais en même tems qui ne s’excluent pas l’une l’autre. Le nombre des trois côtés & l’égalité de ces côtés, font l’essence du triangle équilatéral : 1°. parce que ces deux qualités peuvent co-exister : 2°. elles ne se déterminent point non plus l’une l’autre ; du nombre de trois ne résulte point l’égalité des lignes, ni vice versâ : 3°. elles ne sont point déterminées par d’autres qualités antérieures ; car on ne sauroit rien concevoir dans la formation du triangle équilatéral, qui soit antérieur au nombre & à la proportion des lignes : 4°. enfin sans elles on ne sauroit se représenter l’être. S’il y a plus ou moins de trois côtés, ce n’est plus un triangle ; si les côtés sont inégaux, ce n’est plus un triangle équilatéral.

L’essence de l’être une fois connue, suffit pour démontrer la possibilité intrinseque ; car l’essence comprend la raison de tout ce qui est actuellement dans l’être, ou de tout ce qui peut s’y trouver. Les qualités essentielles étant supposées, entraînent à leur suite les attributs, & ceux-ci donnent lieu aux possibilités des modes. Voyez Attribut, Mode.

Cette notion de l’essence est adoptée par tous les philosophes ; la diversité de leurs définitions n’est qu’apparente. François Suarez, l’un des plus profonds & des plus subtils scholastiques ; définit l’essence, primum radicale & intimum principium omnium actionum ac proprietatum quæ rei conveniunt (Tom. I. disp. ij. sect. 4.). Et expliquant ensuite sa définition conformément aux principes d’Aristote & de saint Thomas d’Aquin, il dit que l’essence est la premiere chose que nous concevons convenir à l’être, & qu’elle constitue l’être. Il ajoûte que l’essence réelle est celle qui n’implique aucune répugnance, & qui n’est pas une pure supposition arbitraire. On voit bien qu’il est aisé de ramener ces idées à la nôtre. Descartes s’en tint à ce que ses maîtres lui avoient appris là-dessus : una est, dit-il, cujusque substantiæ præcipuæ proprietas quæ ipsius naturam essentiamque constituit, & ad quam omnes aliæ referuntur. Princip. philosoph. part. I. La chose en quoi & les Scholastiques & Descartes se sont trompés, c’est en affirmant si positivement qu’une seule propriété étoit la base de toutes les autres, & faisoit l’essence de l’être. Il peut y avoir & il y a pour l’ordinaire plus d’une qualité essentielle. Le nombre n’en est point fixe, & s’étend, comme nous l’avons dit, à toutes celles qui ne sont supposées par aucune autre, & qui ne se supposent pas réciproquement.

De cette même notion des essences, il est aisé d’en déduire l’éternité & l’immutabilité. L’idée des essences arbitraires est une source de contradictions. Les essences des choses consistent, comme nous l’avons vû, dans la non-répugnance de leurs qualités primitives. Or il est impossible que des qualités une fois reconnues pour non-répugnantes, ayent jamais été ou puissent se trouver dans une opposition formelle. La possibilité de leur co-existence est donc nécessaire, & cette possibilité n’est autre chose que l’essence. Celle d’un triangle rectiligne, par exemple, consiste en ce qu’il ne répugne pas que trois lignes droites, dont deux prises ensemble sont plus grandes que la troisieme, se joignent de maniere qu’elles renferment un espace. Dira-t-on que le contraire est également possible, ou même qu’il peut devenir impossible que les trois lignes supposées soient propres à renfermer un espace ? Pour le soûtenir, il faut convenir qu’une chose peut être & ne pas être à la fois. Il est donc, il a été, & il sera à jamais nécessaire que trois lignes droites soient propres à renfermer un espace, & voilà tout ce que nous prétendons quand nous disons que l’essence du triangle ou de toute autre figure est nécessaire. De même quand une créature, telle que l’homme, n’auroit jamais existé, son essence n’en seroit pas moins nécessairement possible, & Dieu n’auroit pû lui donner l’actualité sans cette possibilité antérieure d’essence. Ce n’est point limiter la puissance de Dieu, que de la renfermer dans les bornes du possible. Un pouvoir qui s’étend à tout ce qui n’implique point contradiction, est un pouvoir infini ; car tout le reste est un pur néant, & le néant ne sauroit être l’objet d’une puissance active. Voyez Définition, Elémens. Cet article est de M. Formey.

Essence, (Pharm.) on donne ce nom à différentes préparations qu’on a regardées comme possédant éminemment la vertu médicamenteuse du simple dont elles étoient tirées.

Mais ce nom n’a jamais eu, en Pharmacie, une signification bien déterminée ; car on la donne indifféremment à des teintures, à des huiles essentielles, à de simples dissolutions, &c. Voy. Huile essentielle, Teinture.

Les Alchimistes se sont aussi servi quelquefois du mot essence, mais plus communément de celui de quintessence. Voyez Quintessence. (b)

Essence d’Orient, (Joaillerie.) nom donné par les ouvriers à la matiere préparée, avec la quelle on colore les fausses perles. Voyez Perles fausses.

On retire cette matiere des écailles du petit poisson qu’on appelle able. Voyez Able.

Vous trouverez sous ce mot tout ce qui regarde l’essence d’Orient. Nous ajoûterons uniquement que cette dénomination lui convient mal, puisqu’elle n’est pas plus essence ni liqueur, que ne l’est un sable extrèmement fin ou du talc pulvérisé, délavé avec de l’eau. Il est vrai qu’on ne peut bien la retirer des écailles de l’able qu’en les lavant, & que pour être employée, elle demande nécessairement, comme beaucoup de terres à peindre, à être mêlée avec l’eau : mais néanmoins si on l’observe avec une bonne loupe, on la distinguera facilement du liquide dans lequel elle nage, & l’on s’assûrera que loin d’être liquide, elle n’est qu’un amas d’une infinité de petits corps où de lames fort minces régulierement figurées, & dont la plus grande partie sont taillées quarrément.

Quoiqu’on employe à dessein des broyemens assez forts pour enlever ces lames des écailles, on ne les brise, ni on ne les plie ; du moins n’en découvre-t-on point qui soient brisées ou pliées ; & suivant les observations de M. de Reaumur, ces petites lames paroissent au microscope à-peu-près égales, & toûjours coupées en ligne droite dans leur grand côté. L’argent le mieux bruni n’approche pas, dit-il, de l’éclat que ces petites lames présentent aux yeux, aidés du microscope.

Il résulte de-là, qu’étant minces & taillées régulierement, elles sont très propres à s’arranger sur le verre, & à y paroître avec le poli & le brillant des vraies perles : enfin elles cedent aisément au plus leger mouvement, & semblent dans une agitation continuelle, jusqu’à ce qu’elles soient précipitées au fond de l’eau. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

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Étymologie de « essence »

Provenç. essentia ; espagn. esencia ; ital. essenzia ; du latin essentia, de esse, être.

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(1130) Du latin essentia (« nature d’une chose »), du verbe esse.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « essence »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
essence esɑ̃s

Fréquence d'apparition du mot « essence » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « essence »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « essence »

  • L'amour est inquiet par essence.
    Francharme — Tu m'aimeras deux fois
  • Internet sera à l’économie du 21è siècle ce que l’essence fut au 20è siècle. La puissance des ordinateurs c’est l’essence d’internet.
    Craig Barret
  • Si la connerie était de l'essence, on pourrait se passer des Arabes.
    Jean Vautrin
  • Un dissident en essence est un décédant en puissance.
    Serge Koster — Une histoire qui ne finira jamais
  • L’émulation est l’essence du football.
    Pierre de Coubertin — Notes sur le football
  • L'existence précède l'essence.
    Jean-Paul Sartre
  • L'essence de l'homme ne serait-elle pas d'être qui peut témoigner ?
    Gabriel Marcel — Être et avoir, Aubier
  • L'homme n'est peut-être pas à la hauteur de son essence.
    Alexis Philonenko
  • L'idiotie est l'essence des hommes.
    Bill Watterson — Calvin et Hobbes
  • L’essence des mathématiques, c’est la liberté.
    Georg Cantor
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Images d'illustration du mot « essence »

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Traductions du mot « essence »

Langue Traduction
Anglais petrol
Espagnol gasolina
Italien benzina
Allemand benzin
Chinois 汽油
Arabe الغازولين
Portugais gasolina
Russe бензин
Japonais ガソリン
Basque gasolina
Corse benzina
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Synonymes de « essence »

Source : synonymes de essence sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « essence »

Combien de points fait le mot essence au Scrabble ?

Nombre de points du mot essence au scrabble : 9 points

Essence

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