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Travailler

Définitions de « travailler »

Trésor de la Langue Française informatisé

TRAVAILLER, verbe

A. − Empl. intrans.
1. Qqn travaille
a) Exercer un effort continu en vue de produire ou de modifier quelque chose. Synon. pop., fam. bosser1, bûcher2, gratter, trimer, turbiner.Travailler vite, lentement, sans effort, d'arrache-pied, dur. V. acharnement ex. 6.
[Dans le cadre d'une activité physique] La Louisiane est peut-être la colonie qui pourrait le plus se passer d'esclaves, puisque son climat permet davantage aux Européens de travailler eux-mêmes. Mais la traite est favorable aux Africains (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 109).C'était des morceaux de steppe glacée, des marais, des baraquements pourris où des hommes et des femmes travaillaient quatorze heures par jour pour six cents grammes de pain (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 297).
[Dans le cadre d'une activité intellectuelle] Le tracas des publications, épreuves à corriger, lettres innombrables auxquelles il faut répondre, etc., etc. J'ai besoin pour travailler de solitude et de concentration sur une seule idée (Hugo, Corresp., 1863, p. 441).Montmartre fut la patrie des cafés dits célèbres (...). On travaillait, on rimait, on composait au café (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 44).
En partic. Exercer une activité intellectuelle en vue d'apprendre, d'étudier. Te rappelles-tu comme j'ai travaillé l'année du concours de l'École? (Nizan, Conspir., 1938, p. 226).
b) Exercer une activité, une compétence, un métier dans le but de gagner de l'argent. Travailler pour vivre, pour manger; travailler dans de bonnes, de mauvaises conditions. Semer le blé, cuire le pain, presser le vin, faire des enfants, les élever, travailler pour nourrir sa famille, voilà qui n'est pas du jeu (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 157):
1. ... je te prie de présenter mes baise-mains à ton épouse, quand tu la retrouveras. Va travailler, mon cher Michel, continua-t-il; va travailler, car nous avons besoin de travailler pour rétablir nos affaires; et ne travaille pas cependant jusqu'à te faire du mal. Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 166.
Travailler de ses mains. V. main 1reSection I B 1 a.Travailler comme un nègre*. Travailler comme un cheval*. Travailler comme un forçat*.
En partic. Exercer un métier, avoir une activité professionnelle. Travailler à l'année, à la journée, à temps complet, à temps plein, à mi-temps, à temps partiel, à domicile, en usine. Des Belges qui venaient travailler comme manœuvres du chemin de fer (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 206).Il reste des métiers d'homme. Mais si vous ne voulez rien ignorer de ceux réservés aux femmes, penchez-vous sur ce volume (...). Vous y apprendrez entre autres choses que (...) les sociologues arrivent à travailler à tiers temps après leur mariage (Le Point, 31 janv. 1977, p. 24, col. 3).Travailler en chambre*.
Travailler de son état de (vieilli). Exercer le métier de. Chacun travaillait de son état: les maçons aux murs, les terrassiers aux glacis, etc. (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 6).Travailler à/pour son compte. Exercer son métier en étant son propre patron. Je vais au premier jour le presser de me donner un état, et lui représenter que je suis en âge de travailler pour mon compte (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 57).Travailler à façon*, à la chaîne*, en linge*, aux pièces (v. pièce).
Arg. Exercer une activité lucrative répréhensible; en partic., voler ou se livrer à la prostitution. Les mêmes femmes que j'avais vues, l'après-midi, traîner en négligé, se pressaient maintenant, très parées, pour gagner les boulevards et les lieux où l'on « travaille » (Léautaud, Pt ami, 1903, p. 95).Cependant qu'une autre bande est mise hors d'état de nuire qui « travaillait » dans les draps de lit, les tissus de coton, la laine à tricoter, le cuir (L'Œuvre, 28 mai 1941).
c)
α) Effectuer un exercice physique qui demande un effort. Travailler à la barre. Quel trapéziste travaillant actuellement dans le secret nous étonnera demain par quelque trouvaille imprévue (...)? (Arts et litt., 1935, p. 44-9).
CIRQUE. Travailler sans filet. V. filet3.
[Le suj. désigne une partie du corps] Les bras travaillent souples malgré la grande amplitude de leur mouvement (R. Vuillemin, Éduc. phys., 1941, p. 130).
β) Travailler de.[Le compl. désigne une partie du corps] Se servir de, mettre en mouvement. Narcisse Belleau travaillant de la langue, des bras et des oreilles s'empara de deux brouettes (Hamp, Marée, 1908, p. 38).Raboliot ne se demande rien: il marche à travers bois, arrache les fils de laiton noirs à l'écheveau qui s'amincit, plie le genou, travaille des doigts (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 100).Au fig. Travailler du chapeau*.
d) Développer une réflexion, faire des investigations. Travailler en collaboration, avec, sous la direction de, en commun. Pour des raisons pratiques il n'est pas toujours possible à l'historien de travailler directement sur les documents originaux (Marrou, Connaiss. hist., 1954, p. 120).Inversement, le fait que le folkloriste travaille dans le présent, et à l'intérieur de l'aire de la civilisation mécanique, ne saurait l'isoler de l'ethnologue (Lévi-Strauss, Anthropol. struct., 1958, p. 113).
[P. méton. du suj.] Mon imagination travaillant, je pensais à la jolie nouvelle qu'on pourrait faire avec la mort de cette jeune fille (Goncourt, Journal, 1894, p. 657).Ainsi la linguistique travaille sans cesse sur des concepts forgés par les grammairiens (Sauss.1916, p. 153).
En partic. Travailler pour/contre (qqn ou qqc.).Agir pour/contre l'intérêt de (quelqu'un ou quelque chose). Travailler pour l'ennemi, la France, la résistance. Je voulais agir seul, sans le secours d'aucun homme. Je travaillais pour l'humanité (Musset, Lorenzaccio, 1834, iii, 3, p. 185).Défendre Dreyfus c'était affirmer la bourgeoisie, défendre Sacco, défendre Tao, au nom de la justice, c'est travailler contre soi, c'est vouloir se détruire (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 231).Au fig. Le temps travaille pour/contre nous. Le temps qui passe nous est favorable/défavorable. Les capitaux dépendent en partie de notre effort, mais le temps travaille contre nous, en ce sens qu'il permet à d'autres pays de prendre une avance (Pineau, S.N.C.F. et transp., 1950, p. 126).
Travailler pour le roi de Prusse (fam.). V. roi I A 4 d.
e) [Qqn désigne un coll.]
α) Avoir une activité de production de biens, de revenus. Travailler pour l'exportation. Actuellement deux sociétés françaises travaillent sous licence américaine (Industr. fr. caoutch., 1965, p. 42).
β) Agir, s'activer. Selon Radcliffe-Brown, tout système social a une « unité fonctionnelle » qui peut être définie de la manière suivante: « la condition grâce à laquelle toutes les parties du système social travaillent ensemble avec un degré suffisant d'harmonie ou de cohésionsans produire des conflits durables qui ne puissent être résolus ou contenus » (Traité sociol., 1967, p. 106).
2. Qqc. travaille.
a) [En parlant de capitaux] Produire des revenus. Je ne force personne, fait observer affablement un préteur à cent cinquante pour cent, mais j'ai des risques et il faut que l'argent travaille (Bloy, Lieux communs, 1902, p. 31).
b) Subir une modification, une déformation sous l'effet de facteurs naturels ou artificiels. On choisit ces plateaux bien exempts de fentes, de défauts, aussi secs que possible (...). Les ouvriers prétendent que dans ce cas le bois travaille moins (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 39).
En partic. [Qqc. désigne un aliment] Fermenter. Laissez faire le vin nouveau; Il travaille encore et fermente (Nadaud, Chansons, 1870, p. 284).[Qqc. désigne des couleurs] S'altérer avec le temps. (Dict. xixeet xxes.).
c) Supporter une charge, un poids, une traction. Des structures autoportantes analogues à celles que l'on peut réaliser avec le bétonsystèmes travaillant à la manière des dalles (Campredon, Bois, 1948, p. 123).On s'aperçoit bien vite que celle-ci [la roue] repose sur l'arbre: donc l'arbre travaille à la flexion en même temps qu'il est moteur; en cas de rupture, on risque de perdre la roue (Chapelain, Techn. automob., 1956, p. 194).
d) [En parlant d'un mécanisme d'un moteur] Être en mouvement, fonctionner. Il pointa sa trique vers le haut de la côte où travaillait un moulin à six ailes (Hamp, Champagne, 1909, p. 113).Nous avons montré (...) l'évolution relativement lente de la technique du tissage et avons souligné que le métier à tisser travaillait encore actuellement suivant ces principes (Thiébaut, Fabric. tissus, 1961, p. 169).
Travailler en continu. Fonctionner sans arrêt. L'automatisme par commandes réactionnelles n'est pas une caractéristique des machines travaillant en continu (Couffignal, Mach. penser, 1964, p. 61).
B. − Empl. trans.
1. Qqc. travaille qqn
a) Vx. Torturer. (Dict. xixeet xxes.).
b) Soumettre à une souffrance physique. Le marquis se faisait vieux; la goutte le travaillait sourdement (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 231).
c) Soumettre à une souffrance morale. Tous hommes d'honneur et de ferme caractère, de passions fortes, et cependant d'apparence simple, froide et réservée. L'ambition, l'amour, le jeu, la haine, la jalousie, les travaillaient sourdement; mais ils ne parlaient qu'à peine, et détournaient tout propos trop direct et prêt à toucher le point saignant de leur cœur (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 135).
d) Causer des troubles, du souci; tourmenter. Une transformation profonde travaille aujourd'hui les peuples allemands (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 87).Madeleine, tu ensorcellerais n'importe qui. Il n'y a qu'un point qui m'inquiète, qui me travaille (Cocteau, Parents, 1938, ii, 1, p. 233).
[P. méton. du compl. d'obj. dir.] Cette boisson douce et traîtresse travaillait la cervelle affaiblie de tous ces gens (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 233).
2. Qqn1travaille qqn2
a) Battre. Ceux qui [à Épidaphné] travaillent la populace à coups de bâton,sont les principaux courtisans du palais (Baudel., Nouv. Hist. extr., 1857, p. 279).P. méton. Travailler les côtes (à qqn). Si tu t'avisais d'endommager Baptiste en quelque façon, c'est moi qui te travaillerais les côtes (Fabre, Barnabé, 1875, p. 114).
BOXE. Travailler qqn au corps*.
b) Soumettre à des influences, des pressions pour convaincre. Bah! reprit Trouche, ce ne serait pas facile de les faire déguerpir (...). J'ai envie de travailler la propriétaire; je lui conterai des histoires, pour les faire flanquer à la porte (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 1196).Travaillez-les, rendez-les fous de rage, mettez le trouble partout (Sartre, Diable et Bon Dieu, 1951, ii, 4, p. 129).
Empl. pronom. réfl. Vous partez d'un franc éclat de rire, à l'idée de ce Mathiez se travaillant pour ne nuire que le moins possible à cette brave classe dominante (L. Febvre, Contre les juges Josaphat, [1948] ds Combats, 1953, p. 110).
[P. méton. du compl. d'obj. dir.] Ce travail préparatoire dura plus d'un an; il fallait attendre de nouvelles élections. Enfin, le jour critique arriva. Depuis deux mois, Malvina travaillait les esprits du voisinage (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 163).Son frère aîné, qui travaillait l'opinion dans un département du Midi, s'était fait blackbouler (Gide, Si le grain, 1924, p. 470).
En partic. [Qqn2désigne un coll.] Convaincre pour inciter à la rébellion, à la révolte. Ils s'agitaient beaucoup, lançaient des manifestes, des pamphlets, des biographies; celle de Fumichon par Hussonnet fut un chef-d'œuvre. Nonancourt s'occupait de la propagande dans les campagnes, M. de Grémonville travaillait le clergé, Martinon ralliait de jeunes bourgeois (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 206).
3. Qqn travaille qqc.
a) [Qqc. désigne un inanimé concr.; corresp. à travail II C 3] Soumettre à une série d'actions, à un travail pour obtenir le résultat souhaité. Travailler le bois, la pierre; travailler (un métal) à chaud, à froid. Lorilleux (...) était très vaniteux de travailler l'or, il en voyait comme un reflet sur ses doigts et sur toute sa personne (Zola, Assommoir, 1877, p. 453).
Empl. pronom. passif. Le verre Pyrex exige le chalumeau alimenté par l'oxygène pour pouvoir se travailler avec souplesse (Cl. Duval, Verre, 1966, p. 111).
[P. méton. du suj.] [Les] arts qui travaillent le bois, la pierre, ou les os d'animaux, qui préparent les peaux, et qui forment des tissus (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 37).
Travailler la terre. Lui faire subir une suite d'opérations afin de la rendre fertile. Ceux qui vont de grand matin pêcher, travailler la terre, ou ramasser des broussailles sur les montagnes voisines (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 190).
Travailler la vigne. S'occuper de la vigne pour la rendre productive. Les prisonniers travaillaient la vigne pour le compte d'une grande entreprise, sous une surveillance militaire (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 256).
CUIS. Travailler une pâte, une sauce. Remuer pour incorporer les ingrédients. Travaillez cette pâte quelques minutes, en la battant avec le plat de la main, ensuite vous y mêlez le levain qui sera levé à point; vous la travaillez ensuite quelques minutes, afin de la rendre élastique et veloutée (Gdes heures cuis. fr.,Carême,1833, p. 150).
b) [Qqc. appartient au domaine intellectuel, artist.]
α) Chercher à acquérir la connaissance ou la maîtrise de quelque chose par l'étude, l'exercice. Synon. fam. bosser1, bûcher2, chiader, potasser.Travailler ses maths, son anglais. Il faut avoir un carnet pour aller au Louvre et travailler l'histoire de la peinture plus sérieusement que je ne l'ai fait jusqu'alors (Gide, Journal, 1893, p. 35).J'emploie cette carte pour t'écrire un petit mot. Travaille ton oral sans inquiétude. J'ai rêvé que tu passerais. Je veux que tu passes (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 145).
[P. méton. du compl. d'obj. dir.] Travailler un instrument. Sais-tu si Léo a un peu de temps pour travailler son piano? Il ne doit pas négliger un don qui est extraordinaire (Colette, Sido, 1929, p. 142).
β) Consacrer des efforts à améliorer, perfectionner. Travailler sa démarche, sa voix. [Loïs Masson] enfle son style et le travaille pour retrouver le ton de Bernanos (Mauriac, Journal 4, 1950, p. 188):
2. « Tiens-toi droit! » ou « Mets tes mains sur la table ». Il lui répondait quelque grossièreté, ce qui ne l'empêchait pas de travailler son profil devant la glace. L'année précédente, elle imagina de dormir, une pince à linge sur le nez, pour obtenir un profil grec. Cocteau, Enfants, 1929, p. 68.
c) [Qqc. appartient au domaine sportif] Faire régulièrement des exercices pour devenir meilleur. On ne sait pas ce qui peut arriver (...) Je travaille tous les jours la boxe et le bâton (A. France, Bergeret, 1901, p. 337).Vous avez jamais travaillé les haltères, vous. On se figure que les poids, c'est brutal, c'est inerte (Arnoux, Paris, 1939, p. 214).
TENNIS, PING-PONG. Travailler la balle. ,,La frapper en lui imprimant un effet de rebond qui déroute l'adversaire`` (Petiot 1982).
d) [Qqc. désigne un animal] Soumettre à certains exercices pour dresser, entraîner. Travailler des chevaux de course sur des pistes d'entraînement.. En partic. Travailler le taureau. Le soumettre aux exercices nécessaires à la pratique de la corrida. Dans dix ans, Alban reviendra ici travailler encore les taureaux, ayant à son côté une compagne (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 509).
4. Qqc. travaille qqc.Modifier, faire évoluer. Ainsi, le système actuel de la propriété foncière est travaillé par des causes profondes de révolution (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 11).
5. Empl. trans. ind. Qqn/qqc. travaille à/pour
a) Travailler à + subst.
α) Consacrer des efforts, du temps, à la réalisation de. Travailler à un article, une broderie, un ouvrage; travailler aux barricades, aux fortifications. Pendant l'après-midi elle dut travailler au maillot de laine qu'elle voulait offrir à son père pour le jour de l'an (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 123):
3. On sent facilement que cette vie avait dû me déranger un peu, et que souvent je n'étais pas très exact à venir travailler au dictionnaire. Rivarol, un matin, me le fit sentir avec une aigreur marquée. De mon côté, je répondis avec humeur, cependant, je me remis au travail, mais le travail fut silencieux, les communications sèches et froides. Chênedollé, Journal, 1822, p. 120.
β) Agir en faveur de. Si le devoir du mari est de travailler au bonheur de la société, le devoir de la femme consiste à ne s'occuper que du bonheur de sa famille (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 335).Ainsi la loi travaille doublement à la dispersion, au morcellement de la fortune du père (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 208).
b) Travailler à + inf.Développer une activité continue en vue de. Chaque nouveau système d'organes acquis, se conserve toujours dans les organisations subséquentes; mais la nature travaille ensuite à le perfectionner de plus en plus (Lamarck, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 158).Les archivistes, parce qu'ils sont eux-mêmes des historiens, entendent travailler à développer dans le public le « sens historique » (Hist. et ses méth., 1961, p. 1161).
c) Travailler pour que + subj.Agir pour. Notre union est le seul moyen d'en finir avec [le régime de pouvoir personnel] (...) Inlassablement et sans la moindre équivoque, nous travaillons pour qu'elle se fasse (L'Humanité, 13 mars 1967).
REM.
Travaillant, -ante, part. prés.,adj. et subst. masc. a) Adj. Qui travaille. Les pièces travaillantes [des houes] sont des dents cintrées lorsqu'il s'agit simplement d'ameublir le sol et de détruire les racines des plantes adventices (Brunet, Matér. vitic., 1909, p. 145).Surfaces travaillantes. Surface supérieure et surface inférieure des meules qui écrasent les matières à moudre. (Ds Littré, Lar. Lang. fr., Rob. 1985). b) Subst. masc., rare, région. (Québec). Personne qui travaille. C'était un bon garçon, un travaillant, et je l'aimais bien (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 144).Angélina lui demanda:De quoi c'est que t'as à te plaindre de lui s'il est si bon travaillant? (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 38).
Prononc. et Orth.: [tʀavaje], (il) travaille [-vaj]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. A. 1. « tourmenter, faire souffrir moralement » a) ca 1100 d'une personne (Roland, éd. J. Bédier, 380); b) ca 1176 d'un inanimé abstr. (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4527: Ensi travaille Amors Fenice, Mes cist travauz li est delice, Qu'ele ne puet estre lassee); 2. ca 1176 « soumettre physiquement à une action pénible, fatiguer » (Id., ibid., 3323: Molt fu la poisons bien confite Qui si le travaille et demainne); 3. ca 1180 traveillier « torturer, martyriser » (Hist. Joseph, 1007 ds T.-L.); 4. 1397 travaillier « dresser, exercer » ici, un chien (Gace de La Buigne, Deduis, éd. Å. Blomqvist, 6735); 5. 1792 arg. travailler le casaquin « rouer de coups » ici, p. métaph. ([Le Père Duchêne de la rue Pavée] Billet doux du Père Duchêne, p. 1 ds Quem. DDL t. 32, s.v. pisse-froid); 1793 travailler les côtelettes « id. » au propre (Lombard de Langres ds Larch. 1872, s.v. casaquin). B. Ca 1165 pronom. réfl. « se donner de la peine, s'efforcer » (Grant mal fist Adam, éd. W. Suchier, 87, 5). C. 1. Ca 1200 « soumettre une matière, une chose, à une action destinée à en modifier la forme ou les propriétés » (Poème moral, éd. A. Bayot, 1246: Bien savoit Ke lo lin, dont home vult cansil faire, Covient mut travilhier, batre, trieleir et traire); 2. 1599 « soumettre à un travail de remaniement, de correction, pour améliorer ou atteindre l'effet souhaité » ici, au part. passé (Amyot, Vies des hommes illustres, Timoléon, 47 ds Littré [t. 1, p. 561 ds l'éd. G. Walter]: La poésie d'Antimachus et la peinture de Dyonisius sont bien pleines de nerfs et de vigueur; mais on voit incontinent, que ce sont choses travaillées et faittes avec peine et labeur); 3. 1847 « soumettre à l'exercice (une partie du corps) pour améliorer son efficacité » (Balzac, Splend. et mis., p. 235: Le chanteur travaille son larynx); 4. 1875 « essayer d'acquérir une connaissance par l'étude » (Zola, Faute Abbé Mouret, p. 1302). D. Trans. indir. 1. xiiies. travaillier à + inf. « s'efforcer de » (Villehardouin, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 90, var. mss CD); 2. 1384-85 travailler à qqc. « pratiquer son métier sur quelque chose » (Dehaisnes, Doc. [...] concernant l'hist. de l'art dans la Flandre, t. 2, p. 604 ds Gemmingen Arbeit, p. 112). II. Intrans. 1. 1remoit. xiies. « être en peine, s'épuiser » (Psautier Cambridge, 6, 6 ds T.-L.); 2. ca 1165 « être dans les douleurs de l'enfantement » (Guillaume d'Angleterre, éd. A. J. Holden, 454); 3. ca 1200 « exercer une activité qui demande un effort » (Poème moral, 235); xiiies. travailler en une vigne (Sermons poit., 42 ds T.-L.); 1534 « exercer une activité assurant la subsistance » (doc. ds H. Hauser, Ouvriers du temps passé, XVe-XVIes., p. 63 ds Gemmingen Arbeit, p. 115); 1581 faire travailler « embaucher, employer » (doc. ds R. de Lespinasse, Les métiers et corporations de la ville de Paris, t. 3, p. 377, ibid., p. 114); 4. 1675 « produire des revenus » (de l'argent) (Mmede Sévigné, lettre 13 nov. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 159); 5. 1690 « subir une force, une action » (d'un objet, d'une matière, d'une substance) (Fur.); 6. 1721 au fig. « être en effervescence » (Montesquieu, Lettres persanes, p. 98: Mon esprit travaille depuis deux jours). D'un lat. vulg. *tripaliare « torturer », dér. de tripalium (travail2*). Contrairement à l'évol. de travail1*, le passage de « se donner de la peine » à « exercer une activité utile, en partic. un métier » s'est fait très progressivement, sans rupture et a été facilité par l'homon. partielle d'ouvrer* avec ouvrir*, ce qui a entraîné à partir du xviies. la disparition d'ouvrer* dans ce sens au profit de travailler. FEW t. 13, 2, p. 291; Gemmingen Arbeit, pp. 112-119. Fréq. abs. littér.: 12 361. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13 106, b) 20 163; xxes.: a) 19 486, b) 18 863.
DÉR.
Travailloter, verbe intrans.,fam. Travailler mollement, sans mettre beaucoup d'énergie à la tâche qu'on exécute. Travailloté jusqu'au dîner. Après dîner, lu à Em. les quelques premières pages de La Porte Étroite (Gide, Journal, 1906, p. 213). [tʀavajɔte], (il) travaillote [-jɔt]. 1reattest. 1865 (Labiche et Delacour, L'homme qui manque le coche, Paris, Dentu, p. 6); de travailler, suff. -oter*.
BBG.Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 299. − Goug. Mots. t. 1. 1962, pp. 201-203. − Gray (L. H.). Six romance etymologies... Rom. R. 1942, t. 33, p. 163. − Ostrá (R.). Struct. du signe ling. et chang. sém. Beitr. rom. Philol. 1972, t. 11, no1, p. 127. − Quem. DDL t. 1, 16, 27, 28, 32.

Wiktionnaire

Verbe - français

travailler \tʁa.va.je\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Tourmenter ; soumettre à une gêne ; causer de la peine ; torturer psychologiquement.
    • Notre existence est double, mon amie : notre vie intérieure, celle de nos sentiments, nous travaille avec violence, tandis que la vie extérieure nous domine malgré nous. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, chapitre XXIII, 1826)
    • Dans l’armée française tous les esprits étaient travaillés par cette secrète inquiétude qui annonce les grands événements. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, chapitre XXIV, 1826)
    • Elle disait très souvent qu’il lui suffisait de le voir entrer dans une pièce pour qu’elle fût travaillée du désir de le gifler, et qu’elle se contraignait alors à réciter mentalement les actes d’amour et de charité. — (Julien Green, Le voyageur sur la terre, 1927, Le Livre de Poche, page 28)
    • Mais Loïse, sa fille, insiste pour demeurer : elle aime la forêt, paraît-il, […], le père cède. Non qu’il ne pressente pas qu’autre chose travaille cette jeunesse. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
  2. (Vieilli) Agiter, exciter au mécontentement, à la révolte.
    • Travailler les esprits, le peuple, l’armée.
  3. Contraindre à certains exercices.
    • […] ; c'était une semaine après cette nuit alcoolisée, et Camila était en train de travailler son art funambulesque, vêtue d'un bermuda marron qui laissait voir la blancheur presque transparente de ses mollets. — (Joao Tordo, Le Domaine du Temps, traduit du portugais par Dominique Nédellec, éd. Actes Sud, 2010)
    • Ce cheval a été trop travaillé.
  4. Soumettre une matière à un travail, la façonner.
    • Il fut reconnu, plus tard, que les tabacs de Morlaix étaient mal travaillés et qu’aux ateliers royaux de cette ville, la mouillade des feuilles était faite avec de l’eau de mer très sale, puisée dans le port vaseux. — (Étienne Dupont, Le Vieux Saint-Malo : Les Corsaires chez eux, Édouard Champion, 1929, page 121)
  5. Soigner, exécuter avec soin.
    • Vous n’avez pas assez travaillé ce mémoire.
  6. (Familier) Étudier.
    • Travailler le piano, le violon.

travailler intransitif

  1. Se donner de la peine ou faire un effort soutenu pour exécuter quelque chose ; faire un travail, un ouvrage.
    • Depuis deux heures Rabalan travaillait avec acharnement. Son casse-pierres se levait et s’abaissait en un mouvement rythmique, sur les cailloux. — (Octave Mirbeau, Rabalan)
    • Tous les bras disponibles travaillaient à la confection d’un mât, auquel les électriciens du Vaterland accrocheraient les longues antennes de l’appareil de télégraphie sans fil […] — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 270 de l’édition de 1921)
    • À part ça, n’importe comment, qu’on ait des tarares ou qu’on n’en ait point, la vie de tous les jours, c’est quand même de travailler. On travaille pour gagner sa vie, oui, et puis on travaille pour travailler, parce que c’est tout ce qu’on sait faire. Moi, je ne me plains pas. J’aime de travailler et je suis servi pour longtemps. — (Marcel Aymé, La jument verte, Gallimard, 1933, collection Le Livre de Poche, page 150)
    • Rien dans ses agissements, ses relations, n'était douteux. Plusieurs heures durant, vingt limiers du Bureau Central avaient travaillé d'arrache-pied sur cette matière, cherchant la faille par où pourrait s'insinuer le soupçon. Pour aboutir à délivrer vingt certificats de bonne vie et mœurs... — (Léo Malet, Johnny Metal et le dé de jade, Paris : G. Ventillard, 1947 & Paris : Fleuve Noir, 1984, chap. 17)
    • Comme une sentinelle du plaisir, la « chandelle » attend, jusqu'au bout de la nuit, l’éventuel client dans une encoignure de porte, où travaillaient l'après-midi des occasionnelles ou prétendues telles en tailleur de ville. — (Patrice Bollon, Pigalle, le roman noir de Paris, éd. Hoëbeke, 2004, page 158)
  2. (Spécialement) (Éducation) Apprendre, fournir un effort pour l’école.
    • J’ai travaillé toute cette matinée pour préparer mes examens.
  3. Avoir de l’occupation, de l’ouvrage, en parlant de ceux qui exercent quelque profession ; et par extension, en parlant de l'établissement dans lequel se déroule cette activité.
    • Après avoir signalé (8, 9) les résultats de nos premiers essais de chloration du kerdane et de l’heptane normal, nous avons poursuivi ces essais en travaillant soit à des températures plus élevées, soit sous pression. — (Bulletin de la Société chimique de France, Masson et Cie, 1963, p. 306)
    • Siwa était très attaché aux conquêtes syndicales et aux fêtes chrétiennes. Il n’aurait pas travaillé un Premier Mai ou un jeudi de l'Ascension, lui eût-on fait un pont d'or. Cet arrangement convenait à Chapotot : […]. — (Jean Dutourd , Portraits de femmes, éd. Flammarion, 2013)
    • Dans le langage de la pègre, « travailler » a toujours eu pour signification « voler ». — (Pierre Souvestre et Marcel Allain, Fantômas, La Guêpe rouge, 1912, Éditions Robert Laffont, Bouquins, tome 5, page 684)
  4. Être en mouvement et produire un effet utile.
    • Cette machine travaille.
  5. Fructifier, produire intérêt, en parlant des richesses.
    • Son argent travaille sans cesse,car il est continuellement replacé, il produit toujours un nouvel intérêt.
  6. Fermenter, en parlant du vin, de la bière, du cidre, etc.
    • Ce vin a travaillé.
  7. (Figuré) Être dans une sorte d’agitation causée par quelque projet, par quelque ouvrage, en parlant de la pensée.
    • (Par analogie)Si je passais des nuits blanches, pleines de cauchemards que j'avais attribués jusqu'alors à une mauvaise digestion, j'en connaissais enfin la raison.
      C'était « mon cancer » qui travaillait.
      — (Sophie Vax, Perverse Marie-Thé, Éditions SEDICO, 1958, chapitre 1)
    • Son esprit travaille, sa tête travaille.
  8. Subir un effort, se déformer sous l’action de l’humidité, de la chaleur, etc., en parlant des matériaux de construction.
    • « L’horloge est toujours en retard les hivers, dit-il, à cause du fer qui travaille. » — (Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, J. Hetzel, 1864)
    • En plusieurs endroits, en effet, la marqueterie avait éclaté. Mais de quoi me plaindrais-je ? S’il est une chose qu’un écrivain porté au farniente ne saurait regretter, c’est d’avoir un bureau qui travaille. — (Pierre Daninos, Objet sincère, in Daninoscope, 1963)
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Littré (1872-1877)

TRAVAILLER (tra-va-llé, ll mouillées, et non tra-va-yé) v. a.
  • 1Causer du malaise, de la souffrance physique. Êtes-vous travaillé de la lycanthropie ? Régnier, Sat. X. Pouvons-nous n'apercevoir pas ce que nous perdons sans cesse avec les années ? le repos et la nourriture ne sont-ce pas de faibles remèdes de la continuelle maladie qui nous travaille ? Bossuet, Mar.-Thér. Sans cesse elle est travaillée par des peines insupportables, Bossuet, Anne de Gonz. Quelque léger dégoût vient-il le travailler…, Boileau, Sat. x. La médecine [donnée par le médecin Philippe] le travailla [Alexandre] de telle sorte que les accidents qui s'ensuivirent fortifièrent l'accusation de Parménion, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 222, dans POUGENS. La fièvre le travaillait quand nous partîmes, avec le médecin par-dessus, Marivaux, le Legs, sc. 14.

    Fig. Puisque par vos conseils la France est gouvernée, Tout ce qui la travaille aura sa guérison, Malherbe, IV, 2.

  • 2Tourmenter, inquiéter. Un oracle m'assure, un songe me travaille, Corneille, Hor. IV, 4. L'ambition ne me travaille point ; je ne crains guère de choses, et ne crains aucunement la mort, La Rochefoucauld, Portrait. De quel démon est donc leur âme travaillée ? Molière, le Dép I, 6. Ne trouvez-vous donc pas que l'inquisition est une manière bien sûre et bien commode pour travailler ses ennemis, quelque innocents qu'ils soient ? Pascal, Prov. XI. Quand je considère, mes sœurs, les diverses agitations de l'esprit humain et tant d'occupations différentes qui travaillent inutilement les enfants des hommes, Bossuet, Vêture prêchée le jour de la Nat. de la Ste Vierge, Préambule. Mais pourquoi vainement travailler ma vieillesse ? Pourquoi pour un ingrat me tourmenter sans cesse ? Baron, Andrienne, v, 5. L'inquiétude qui me travaillait ne me permettant pas de demeurer dans la chapelle, j'en sortis, Lesage, Guzm. d'Alf. VI, 4. Les Grecs nous parlent toujours de ce grand nombre de citoyens qui travaillent la république, Montesquieu, Esp. XXIII, 26.

    Se travailler l'esprit, l'imagination, s'inquiéter, se tourmenter.

  • 3Occuper, préoccuper. Et de tous les pensers qui travaillent son âme…, Malherbe, I, 4. Dans ces saints empressements de la charité qui travaillaient l'âme du P. Bourgoing d'une pieuse inquiétude pour les membres affligés de Jésus-Christ, Bossuet, Bourgoing. Mon esprit… ne se résoudrait jamais à se jeter parmi tant d'horreurs… mais en même temps, chrétiens, un autre soin me travaille ; ce n'est pas un ouvrage humain que je médite, Bossuet, Reine d'Anglet.
  • 4Agiter, exciter au mécontentement, à la révolte. Travailler les esprits, le peuple, l'armée.
  • 5Travailler un pays en finance, se disait pour exercer avec rigueur les droits du fisc. J'ai fait quelques progrès par mon expérience Dans l'art de travailler un royaume en finance, Voltaire, Poëmes, Finances.
  • 6Travailler un cheval, le manier ou le fatiguer.

    Travailler un cheval aux quatre coins ou de quart en quart, lui faire faire un tour à chaque coin du carré de la volte, en marquant toujours ce même carré sans s'arrêter.

    Travailler un cheval ferme à ferme, manier un cheval sans bouger de place, comme au piaffer.

    Travailler un cheval dans la main ou de la main à la main, le changer de main ; le conduire par le seul effet de la bride.

  • 7Façonner la pierre, un métal, etc. Les Mexicains et les Péruviens savaient fondre et travailler l'or avant l'arrivée des Espagnols, et ils ne connaissaient pas le fer, Buffon, Hist. min. introd. Œuv. t. VII, p. 37. Un miroir dont la surface serait égale à celle d'un autre, brûlerait à dix lieues à peu près aussi bien que le premier brûlerait à dix pieds, s'il était possible de le travailler sur une sphère de quarante lieues, comme on peut travailler l'autre sur une sphère de quarante pieds, Buffon, ib. p. 193.

    Les boulangers disent dans un sens analogue : travailler la pâte.

    Il se dit semblablement des agents naturels. Cette époque où le feu, et le feu seul, pénétrait et travaillait le globe, Buffon, Min. t. VI, p. 163.

    Populairement. Travailler les côtes à quelqu'un, le maltraiter.

  • 8Soigner, exécuter avec soin. Travailler un mémoire, une affaire. Quant aux vers, on n'en a point vu de moi que j'aie travaillés avec plus de soin, Corneille, Othon, au lecteur. Voici celle de mes tragédies que je puis dire que j'ai le plus travaillée ; cependant j'avoue que le succès ne répondit pas d'abord à mes espérances, Racine, Brit. 2e préf. M. de la Motte pense beaucoup et ne travaille pas assez ses vers ; Rousseau ne pense guère, mais il travaille ses vers beaucoup mieux, Voltaire, Lett. en vers et en prose, 8.
  • 9 V. n. Se donner de la peine pour exécuter quelque chose, faire un ouvrage. Travailler de corps, d'esprit. Travailler à la terre. Travailler à un tableau. Prends Corbie, Espagnol, prends-la, que nous importe ? Tu la rends à mon roi plus puissante et plus forte… Et s'il t'a par pitié permis une victoire, Ta victoire elle-même a travaillé pour lui, Corneille, Inscript. Reprise de Corbie. Depuis dix ans dessus l'F on travaille [à l'Académie], Et le destin m'aurait fort obligé, S'il m'avait dit : tu vivras jusqu'au G, Boisrobert, dans RICHELET. Celui-là qui se plaint qu'il travaille trop, s'il était délivré de cet embarras, ne pourrait souffrir son repos, Bossuet, Serm. Impénit. 2. Ne dites pas à ce zélé magistrat qu'il travaille plus que son grand âge ne le peut souffrir, Bossuet, le Tellier. Je sens [quand j'écris une satire] que mon esprit travaille de génie, Boileau, Sat. VII. On ne peut pas toujours travailler, prier, lire ; Il vaut mieux s'occuper à jouer qu'à médire, Boileau, Sat. X. Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Boileau, Art p. I. Est-ce pour travailler que vous êtes prélat ? Boileau, Lutr. I. À voir les vers de Corneille si pompeux, et ceux de Racine si naturels, on ne devinerait pas que Corneille travaillait facilement, et Racine avec peine, Montesquieu, Goût, Beautés qui résultent d'un certain embarras de l'âme. Il vaut mieux mourir que de traîner dans l'oisiveté une vieillesse insipide ; travailler, c'est vivre, Voltaire, Lett. Thiriot, 8 déc. 1760. La mienne [fortune] prend un tour si diabolique à la chambre des comptes, que je serai peut-être obligé de travailler pour vivre, après avoir vécu pour travailler, Voltaire, Lett. à Mme de Bernière, 1724. Comme les Lacédémoniennes ne doivent pas travailler, elles font filer la laine par des femmes attachées à leur service, Barthélemy, Anach. ch. 42.

    Fig. et par plaisanterie. Nous sommes cinq amis que la joie accompagne, Qui travaillons ce soir en bon vin de Champagne, Regnard, le Distr. I, 6.

    Travailler en grand, travailler sur un vaste plan, d'après des idées étendues, générales.

  • 10Plus spécialement, avoir de l'occupation, de l'ouvrage, en parlant de ceux qui exercent une profession mécanique ou industrielle. Les maçons travaillent très peu en hiver. Quand on sait travailler, on craint peu la misère, Favart, Annette et Lubin, 8.

    Fig. Labranche : Et toi, Crispin, travailles-tu toujours ? - Crispin : Non ; je suis, comme toi, un fripon honoraire, Lesage, Crispin rival, 3.

  • 11 Terme de mécanique. Se dit d'une machine en mouvement et produisant un effet utile, et aussi de la vapeur.

    Il se dit, en un sens analogue, des agents naturels. Les temps où le volcan travaille et jette au dehors des vapeurs enflammées ou des matières brûlantes, Buffon, Théor. terr. Œuv. t. IX, p. 361.

  • 12 Terme de musique. Se dit d'une partie qui a beaucoup à faire.
  • 13Travailler de rivière, ramollir une peau par le moyen de l'eau.

    Travailler à la main, former le corps d'un cierge avec de la cire qui n'a pas été fondue.

  • 14 Terme de marine. Deux ou plusieurs cordages travaillent ensemble ou séparément, selon que leur effort est égal et réuni ou séparé.
  • 15Il se dit du compte qu'un ministre rend au prince, qu'un commis rend au ministre, etc. Quand je reçus hier votre lettre, le roi travaillait dans ma chambre avec M. Voisin, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 17 nov. 1707. J'ai travaillé aujourd'hui avec M. de Chamillart pour les affaires de Saint-Cyr, Maintenon, ib. 12 oct. 1695. Il [M. de Chamillart] emploiera nos amis, et ne se fera pas un chagrin, comme M. de Louvois et son fils, de travailler avec le roi en bonne compagnie, Maintenon, Lett. à Mme de St-Géran, 2 mars, t. II, p. 154, dans POUGENS.
  • 16 Fig. Travailler pour, travailler contre, diriger ce qu'on fait pour, contre quelqu'un ou quelque chose. Et de quelle façon est-ce écouter des vœux, Qu'obliger un amant à travailler contre eux ? Corneille, Perthar. II, 2. Alexandre ne croyait pas travailler pour ses capitaines, ni ruiner sa maison par ses conquêtes, Bossuet, Hist. III, 7. Vous n'aviez sous mon nom travaillé que pour vous, Racine, Brit. IV, 2.
  • 17 Fig. Travailler à, s'occuper de, tendre à. Je travaille à le perdre [Rodrigue] et le perds à regret, Corneille, Cid, I, 3. Tout vainqueur insolent à sa perte travaille, La Fontaine, Fabl. VII, 13. Je travaille à mettre en madrigaux toute l'histoire romaine, Molière, Préc. 10. Cléone, avec horreur je m'en veux séparer [de Pyrrhus] ; Il n'y travaillera que trop bien, l'infidèle, Racine, Andr. II. Je viens de travailler à ma fortune, Lesage, Crispin rival, 1.

    Travailler à, signifie aussi s'occuper de, pour amender. Vous savez que je ne puis souffrir que les vieilles gens disent : Je suis trop vieux pour me corriger… je veux tous les jours travailler à mon esprit, à mon âme, à mon cœur, à mes sentiments, Sévigné, 7 oct. 1671.

  • 18En parlant du bois, se déjeter. Cette poutre, cette porte travaille.

    Terme de maçonnerie. Se dit d'un bâtiment mal construit dont les murs bouclent et sortent de leur aplomb.

    Dans l'exploitation des mines, il se dit d'un toit qui s'affaisse tout doucement.

  • 19Se dit des pièces d'une machine qui supportent le plus grand poids, la plus forte pression.
  • 20 Terme de marine. Supporter un grand effort, souffrir des mouvements violents qu'imposent le roulis et le tangage. Un navire travaille à l'ancre ou sous voile. Une ancre travaille, quand le câble en éprouve une tension très grande. Un cordage travaille quand il est fortement tendu par le vent, la mer, le cabestan, etc.
  • 21Son estomac travaille, il a de la peine à digérer.
  • 22En parlant du vin, des liqueurs, etc. fermenter. Quand la vigne est en fleur, le vin travaille.

    Terme de peinture. Se dit des couleurs qui changent avec le temps.

    Fig. Sa tête, son esprit travaille, il est fortement agité, préoccupé. Les malades ont des bizarreries ; on le sait, leur tête travaille, ils attachent quelquefois leur soulagement à des choses qui n'ont pas le sens commun, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 23 sept. 1762.

  • 23Produire un revenu, en parlant d'argent placé en spéculations, en prêts, etc. Cependant notre argent [de la charge de Ch. de Sévigné] nous brûle et ne travaille point, Sévigné, 26 janv. 1683. Je travaille jour et nuit à faire travailler mon argent, afin qu'il augmente, Dancourt, 2e chap. du Diable boît. Prol. sc. 1. Oui, pour des ladres comme vous, qui ne connaissent d'autre bonheur que celui d'amasser du bien, et de faire travailler leur argent à gros et très gros intérêt, Regnard, Sérénade, 1.
  • 24Se travailler, v. réfl. Être travaillé, façonné. Cette substance ne se travaille pas facilement.
  • 25Se fatiguer. Il [Jésus] va, au péril de sa vie, chercher sa brebis égarée, il la rapporte sur ses épaules, parce que, errant de çà et de là, elle s'était extrêmement travaillée, Bossuet, 2e serm. Quinq. 1.
  • 26Faire des efforts, se tourmenter. J'eus honte de brûler pour une âme glacée, Et, sans me travailler à lui faire pitié, Restreignis mon amour aux termes d'amitié, Malherbe, VI, 32. Plus l'esprit s'y travaille [dans les œuvres de Dieu], et plus il s'y confond, Corneille, Imit. IV, 18. Elle [la grenouille] qui n'était pas grosse en tout comme un œuf, Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille Pour égaler l'animal [un bœuf] en grosseur, La Fontaine, Fabl. I, 3. Hé quoi ! dit-il, cette canaille Se moque impunément de moi ! Je vais, je viens, je me travaille, J'imagine cent tours, La Fontaine, Fabl. XI, 3. Il est guindé sans cesse, et, dans tous ses propos, On voit qu'il se travaille à dire de bons mots, Molière, Mis. II, 5. Ceux qui se travailleront de ce soin [l'immortalité de l'âme], Pascal, Pens. IX, 1, édit. HAVET. Si bien que les plus sages, après que cette première ardeur qui donne l'agrément aux choses du monde est un peu ralentie par le temps, s'étonnent le plus souvent de s'être si fort travaillés pour rien, Bossuet, Sermons, Loi de Dieu, 3.

HISTORIQUE

XIe s. Cis qui custivent la terre ne deit l'um travailer [tourmenter], se de lour droite cense non, Lois de Guill. 33. Pai tantes teres [il] ad sun cors traveillet, Ch. de Rol. X. Karles se dort cum hume traveillet, ib. CLXXXI.

XIIe s. Od [avec] tei serai, et Israël te liverai, et le lignage David travaillerai, Rois, p. 280. Ne velt mie plus lonc cachier [chasser], Ne ses hommes plus travillier, Wace, Brut, 14879. Se j'en travail [souffre], je n'en sai qui blasmer, Couci, II. Merci, Amours : trop m'avez traveillé, ib. VII.

XIIIe s. Ele [la reine Blanche] aime tant son petit enfançon [Louis IX], Que ne veut pas qu'il se travaut souvent En departir l'avoir de sa maison, Hues de la Ferté, Romancero, p. 182. Cil chasteaus les traveilla mout longuement, et ne pourquant tant i sistrent que rendu leur fu…, Villehardouin, CXXXV. La royne [ils] ne vourent [voulurent] longuement traveiller [fatiguer], Berte, X. Se il ne fussent si traveillié [las] comme il estoient, H. de Valenciennes, V. Grant faim [il] avoit, si l'a mangié [un morceau] ; Molt l'avoit la mer [la navigation] traveillié, Lai de Melion. S'aucuns me preste son ceval por fere mon labor ou por cevaucier, et je le rent plus megre et plus traveillié qu'il n'estoit quant je l'empruntai, Beaumanoir, XXXVII, 4. Guillaume de Biaumont vint à li et li dit : vous vous traveillés pour nient : car le seneschal est mort, Joinville, 277. Il breoient aussi comme femmes qui traveillent d'enfant, Joinville, 237. Qui ne velt travailler, Si ait petit loier, Marcoul et Salemon, ms. de St Germ. f° 116, dans LACURNE.

XIVe s. Mains travaillées et ensanglantées de sang humain, Chr. de St Denis, t. II, f° 6.

XVe s. Ils ne firent oncques en leur vie autre chose fors que traveiller de royaume en royaume pour trouver et avoir faits d'armes, Froissart, II, III, 19. Et tant travellai et chevauchai en querant de tous costés nouvelles que…, Froissart, II, III, 1. En Angleterre, Henry, fils de Henry de Lancastre, qui travailla France, Chastelain, Éloge du duc Philippe. Quand l'imagination est travaillée de plusieurs choses, elle rend l'entendement comme tout aveugle, Bouciq. IV, 11. Pour lors avoit envoyé le roy devers l'empereur Jehan Tiercelin seigneur de la Brosse pour travailler qu'il ne s'appoinctast avec le duc de Bourgongne, Commines, IV, 3.

XVIe s. Si n'estoit point besoing de se travailler pour amasser de grandes richesses en lieu où l'opulence n'estoit aucunement utile ne prisée, Amyot, Lyc. 52. Les maulx qui ont accoustumé de travailler les hommes, Amyot, Numa, 32. La poesie d'Antimachus et la peinture de Dionysius sont bien pleines de nerfs et de vigueur ; mais on voit incontinent, que ce sont choses travaillées et faittes avec peine et labeur, Amyot, Timol. 47. Par lequel changement apperra le fonds emploié en bois servir autant que celui qui travaille en bleds, ou en vins, De Serres, 785. Une damoiselle qui travailloit fort d'une ardeur d'urine, Dial. de Tahureau, p. 159, dans LACURNE.

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Étymologie de « travailler »

D'origine contestée.

Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Travail ; provenç. trebalhar, trebailhar ; espagn. trabajar ; portug. trabalhar ; ital. travagliare. Travailler a eu le sens de voyager ; sens qui se lie à celui de peine, de fatigue ; c'est de cette acception que dérive l'anglais to travel, voyager.

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Phonétique du mot « travailler »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
travailler travaje

Fréquence d'apparition du mot « travailler » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « travailler »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « travailler »

  • La vie n'est pas le travail : travailler sans cesse rend fou.
    Charles de Gaulle — Propos recueillis par André Malraux dans Les Chênes qu'on abat, Gallimard
  • Je me suis occupé des filatures. Par la suite, ils m’ont fait travailler sérieusement : enquêtes, recherches en tous genres, missions confidentielles. Je disposais d’un bureau pour moi tout seul au siège de l’agence, 177, avenue Niel.
    Patrick Modiano — La ronde de nuit
  • Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s'amuser.
    Charles Baudelaire — Journaux Intimes
  • Avec kDrive, vos données sont stockées dans le Cloud, et vous pouvez y accéder depuis Internet, votre ordinateur (Windows, macOS, Linux) ou un mobile (iOS, Android). On peut donc synchroniser ses données et travailler facilement dessus à plusieurs en même temps. Vous pouvez ajouter des commentaires ou encore discuter d’un travail dans le chat intégré afin de faciliter la collaboration avec vos collègues.
    Daily Geek Show — Nous avons testé kDrive, l’alternative à Dropbox pour travailler en ligne sur des documents Office
  • La vie est trop courte pour travailler triste.
    Jacques Séguéla
  • Travailler avec les chevaux, c’est travailler avec du vivant.
    Jérôme Garcin — Evene.fr - Novembre 2004
  • J’ai trop d’énergie pour travailler.
    Marcel Achard
  • Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus.
    Saint Paul, Épître aux Thessaloniciens, IIe, III, 10
  • Le ministre suédois de la Santé et l’agence de santé publique ont annoncé des directives mises à jour pour l’automne, y compris une recommandation continue de travailler à domicile.
    2051.fr — La Suède exhorte les employés à continuer de travailler à domicile tout au long de l'automne - 2051.fr
  • Je n'aime pas travailler, mais j'admets que les autres travaillent.
    Arthur Adamov — Le Ping-pong, Gallimard
Voir toutes les citations du mot « travailler » →

Traductions du mot « travailler »

Langue Traduction
Anglais to work
Espagnol trabajar
Italien lavorare
Allemand arbeiten
Chinois 上班
Arabe للعمل
Portugais trabalhar
Russe работать
Japonais 働く
Basque lanera
Corse travaglià
Source : Google Translate API

Synonymes de « travailler »

Source : synonymes de travailler sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « travailler »

Combien de points fait le mot travailler au Scrabble ?

Nombre de points du mot travailler au scrabble : 13 points

Travailler

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