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Solitude

Variantes Singulier Pluriel
Féminin solitude solitudes

Définitions de « solitude »

Trésor de la Langue Française informatisé

SOLITUDE, subst. fém.

A. − [À propos de pers.]
1.
a) Situation de quelqu'un qui se trouve sans compagnie, séparé, momentanément ou durablement, de ses semblables. Se promener de grand matin, pour qui aime la solitude, équivaut à se promener la nuit, avec la gaîté de la nature de plus. Les rues sont désertes, et les oiseaux chantent (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 101).Il sentait encore le besoin, pour assouvir sa rêverie, d'un instant de solitude (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 140).V. école ex. 7.
SYNT. Aspirer, prendre goût, être accoutumé, habitué à la solitude; chercher, craindre, fuir la solitude; avoir besoin de solitude; souhaiter, retrouver un peu de solitude; avoir peur, avoir horreur de la solitude; se réfugier, se plaire dans la solitude; respecter, déranger, troubler la solitude de qqn; goûter, savourer qqc. dans la solitude; moment, heure de solitude; coin de solitude; solitude féconde, studieuse; charme, joies de la solitude.
P. méton.
Souvent au plur. Période, moment pendant lequel une personne est seule. Les longues solitudes, les propos rentrés font que l'on perd un rien le contrôle, dès qu'on commence à ouvrir les vannes (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p. 104).V. avent ex. 4.
Rare. Fait d'éprouver, d'accomplir quelque chose seul. Je n'aime pas cette petite guerre de dérobades, cette solitude du plaisir. Sortons vite de l'onanisme à deux (Nizan, Conspir., 1938, p. 33).
b) Situation de personnes qui sont ensemble, sans témoin ou en dehors de la présence d'autres personnes, volontairement ou non. C'était le salon qu'un accord tacite réserve, dans toutes les réceptions bien agencées, aux couples en quête de solitude et d'intimité (Vogüé, Morts, 1899, p. 61):
1. Accoudés l'un et l'autre sur le parapet du pont, Édouard et Caroline s'enivraient de souvenirs; ils épuisaient une émotion qui ne parlait qu'à eux et qu'ils doublaient en la partageant. Ceux qui auraient savouré comme nous, par une soirée d'automne, les douceurs de leur solitude sur le pont du Grand-Canal, s'expliqueraient peut-être leur indéfinissable rêverie. Gozlan, Notaire, 1836, p. 80.
Solitude à deux. La solitude à deux, quand elle n'est pas prolongée jusqu'à la satiété et jusqu'à l'ennui, permet une lente montée de sentiments et de confiance qui rapprochent beaucoup ceux qui la goûtent ensemble (Maurois, Climats, 1928, p. 117).V. deux I A 2 b ex. de Lamartine.
2.
a) État d'une personne qui vit seule, sans compagnon ou compagne, de manière voulue ou subie. Une femme, le plus souvent, ne cède à l'amour-passion qu'à l'âge où la solitude n'effraye plus (France, Lys rouge, 1894, p. 92).Quel bonheur de n'avoir pas de femme ni d'enfant et de trouver à ma maison la bonne, la calme, la réconfortante solitude (Léautaud, Journal littér., 3, 1917, p. 248).V. ermite ex. 2, manque1A 3 ex. de Montherlant.
SYNT. Affronter, supporter la solitude; être voué à, se retirer dans, s'accommoder de, jouir de, renoncer à la solitude; la solitude aigrit qqn; la solitude convient, pèse à qqn; accepter, organiser, rompre, briser sa solitude; distraire qqn dans sa solitude; tirer qqn de sa solitude; égayer, partager la solitude de qqn; laisser qqn à sa solitude; solitude chaste, vertueuse; solitude hautaine, orgueilleuse, paisible, sereine.
b) État d'une personne, et en particulier d'un religieux, qui vit à l'écart du monde et des autres, qui recherche, cultive, protège son isolement. Ménager, déranger, troubler, forcer la solitude de qqn; protéger, verrouiller sa solitude; être, homme de solitude; solitude farouche, infranchissable; rempart de solitude. La première guerre de la Fronde suivit de peu de mois le retour aux Champs. La mère Angélique y trouva une occasion d'exercer et d'élargir sa charité, un motif, cette fois suffisant, d'infraction à la solitude (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 301).Alors commence pour Maxence une vraie vie de solitude et de silence [dans le désert africain]. Là, dans ce carré de trente mètres, n'ayant plus même le bourdonnement des départs et des arrivées, il apprit réellement ce qu'est la solitude, enfouie au sein même de la silencieuse nature (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 25).V. ermite ex. 1, monachisme ex. de Marrou.
c) État d'une personne qui est isolée par manque d'amitié, d'amour, d'affection, de relations, par défaut de communication. Synon. isolement.Sa rudesse venait de sa solitude, d'une enfance malheureuse, et d'un orgueil susceptible sous lequel Mithoerg dissimulait sans doute quelque lutte intime ou quelque faiblesse (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 80).V. délaissement ex. 2, jucher B ex. de Drieu La Rochelle:
2. Bon, très bien, j'étais peut-être le seul type livide de la soirée, mais qu'est-ce que je voyais derrière tous ces visages sinon la folie, l'inquiétude, l'angoisse, sinon la souffrance et la peur, l'abandon, sinon l'ennui, sinon la solitude, sinon la rage et l'impuissance, merde qu'est-ce que je voyais qui aurait pu me remonter un peu...? Ph. Djian, 37,2 ole matin, Paris, J'ai lu, 1986 [1985], p. 273.
SYNT. a) Découvrir, connaître, endurer la solitude; échapper à la solitude; être condamné, livré, réduit à la solitude; s'enfoncer, s'abîmer, être plongé, se morfondre, étouffer, retomber dans la solitude; être en proie à la solitude; toucher le fond de la solitude; lutter contre la solitude; souffrir, guérir de la solitude; arracher qqn à la solitude; malade de solitude; la solitude guette, tient, mine qqn, s'abat, tombe sur qqn, ne vaut rien à qqn; fardeau, froid, vide, cercle infernal, enfer, démon(s) de la solitude. b) Avouer, porter, surmonter sa solitude; mesurer l'étendue de sa solitude; sentir, ressentir cruellement sa solitude; vivre replié, être muré dans sa solitude; retourner à sa solitude; délivrer qqn de, rejeter, renvoyer qqn à sa solitude; compatir à la solitude de qqn. c) Solitude absolue, accablante, affreuse, amère, âpre, sans borne, complète, douloureuse, dramatique, effroyable, extrême, inhumaine, insupportable, intolérable, irrémédiable, irrévocable, noire, pénible, poignante, sans remède, terrible, tragique, vertigineuse.
P. méton.
Solitude d'un destin, d'une vie. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 71).
Existence solitaire. Elle qui craque avec sa beauté oubliée, inutile, sa beauté comme une barrière qui l'isole... Moi et mon strabisme. Et lui avec son cerveau à ramages, ses poèmes à méandres; il est seul aussi puisqu'il vient me voir. Peut-être l'intelligence, la sensibilité isolent-elles aussi... On était trois ce matin, trois solitudes qui se sont frôlées (P. Cauvin, Pourquoi pas nous?Paris, Le Livre de poche, 1989 [1978], p. 184).
d) Situation (morale, intellectuelle, matérielle) d'une personne dont les préoccupations sont éloignées de celles du plus grand nombre ou qui se singularise par ses choix, ses idées, ses actes, sa manière d'être. Solitude de l'artiste, du poète. La vulgarité des hommes fait de la solitude morale le lot obligé de celui qui les dépasse par le génie ou par le cœur (Renan, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, ii, 6, p. 559).Voilà la vraie raison de sa solitude [de De Gaulle]: étranger autant qu'on peut l'être aux idéologies de la gauche, il l'est encore plus à ce camouflage des intérêts les plus âpres qui fait horreur dans la droite française (Mauriac, Nouv. Bloc-Notes, 1960, p. 299).V. désert II A 1 d ex. de Mauriac.
P. méton. Solitude d'esprit; solitude d'une conviction; solitude de l'héroïsme, du pouvoir. Relisez (...) la préface de 1875 que l'historien [Taine] a mise à la tête de son grand ouvrage sur les Origines de la France contemporaine, et vous apercevrez les raisons profondes de l'étrange solitude d'opinion où il s'est placé (Bourget, Essais psychol., 1883, p. 191).
e) [Dans des cont. philos., métaphys.] Condition de l'homme dans son rapport avec Dieu, avec autrui, avec le monde. Nous aurions aboli, nous aurions arraché du cœur d'Adam le sentiment de sa solitude [si l'homme s'était su le fils de Dieu]. Avec leur ribambelle de dieux, les païens n'étaient pas si bêtes: ils avaient tout de même réussi à donner au pauvre monde l'illusion d'une grossière entente avec l'invisible (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1045).D'une certaine manière, l'absurde qui prétend exprimer l'homme dans sa solitude le fait vivre devant un miroir (Camus, Homme rév., 1951, p. 20).V. accablement ex. 23.
P. méton., le plus souvent au plur. Personne dans sa nature, son identité uniques et irréductibles. C'est tout un monde que chacun porte en lui! Un monde ignoré qui naît et qui meurt en silence! Quelles solitudes que tous ces corps humains! (Musset, Fantasio, i, 2, 1834, p. 188).Nos ipséités personnelles, composant un pluriel de solitudes c'est-à-dire d'absolus, ne communiquent entre soi que par les voies amoureuses de l'intuition et de la sympathie (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 185).
B. −
1.
a) État d'un lieu, d'un site isolé, peu ou pas fréquenté, peu habité ou inhabité. Il se trouva derrière le village, face à la solitude de l'île, nue sous le ciel gris, entre la mer à droite et la mer à gauche (Queffélec, Recteur, 1944, p. 191):
3. Cela pouvait être très-beau lorsque c'était un hôtel-de-ville [le palais royal], lorsque ces grands appartements déserts s'animaient aux libres discussions, lorsque la justice s'y rendait, qu'on y envoyait des ordres par delà les océans; mais maintenant, déshabité et refroidi par la solitude, c'est triste et navrant à parcourir. Du Camp, Hollande, 1859, p. 114.
b) Atmosphère, qualité d'un lieu peu fréquenté. Solitude grandiose, mélancolique, romantique; morne solitude d'un lieu; solitude des forêts, des grands espaces, des hauteurs enneigées. [Pierre] resta séduit un instant par cette paix tiède, cette solitude limpide du jardin (Zola, Rome, 1896, p. 247).Mais ceci [la beauté des plages d'Oranie] ne peut se partager. Il faut l'avoir vécu. Tant de solitude et de grandeur donne à ces lieux un visage inoubliable (Camus, Été, 1954, p. 59).V. lotissement ex.
P. ext. Atmosphère silencieuse, sereine d'un lieu à un moment, à une époque où l'agitation se réduit ou cesse. Solitude hivernale. En vain l'air pur et embaumé, la douce solitude de la nuit venaient rafraîchir ses sens (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 25).
2. P. méton.
a) Le plus souvent au plur. Lieu, espace peu ou pas fréquenté, peu habité ou inhabité. Synon. désert.Il est de ces solitudes si belles qu'il faut se rappeler la misère de ceux qui y végètent et qui pourraient y vivre, pour souhaiter que la civilisation et la culture viennent en détruire la poésie (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 289).On aurait dit un de ces convois d'émigrants à travers une solitude vierge, comme on en voit dans les gravures (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 157).V. bondir ex. 3, désert ex. 1, insondable A ex. de Céline, promeneur A ex. de Hugo.
SYNT. Solitude désolée, ignorée, inviolée, sauvage; solitudes silencieuses, sombres, tristes; solitudes inaccessibles, perdues; immenses, vastes solitudes; solitudes boisées, champêtres, montagnardes, sylvestres; solitudes alpestres, australes, glacées, océaniques, polaires, thibétaines; solitudes de l'Australie, du Nouveau Monde.
En partic., vieilli. Lieu qui cesse d'être fréquenté. Jadis (...), ces lieux étoient animés par le bruit et le mouvement de la vie, et le tumulte d'une nombreuse garnison (...). Quelle différence aujourd'hui! Cette vaste enceinte n'est plus qu'une solitude (Crèvecœur, Voyage, t. 1, 1801, p. 217).
b) Lieu où l'on se retire, à l'écart des autres et du monde. Il résolut de la posséder à lui seul, et d'aller vivre ensemble bien loin, au fond d'une solitude (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 218).Sarah, au fond de sa solitude campagnarde, se voyait assiégée par des gens du pays qui demandaient des faveurs (Maurois, Disraëli, 1927, p. 205).
En partic. Communauté religieuse catholique où l'on peut faire une retraite ou vivre retiré. Il obtint de moi qu'avant de m'enfermer dans un monastère, je passerois un an dans une solitude (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 78).Les Sulpiciens sont du clergé séculier. Aucun vœu ne les attache à leur société où, pour être admis, il faut passer deux ans à la « Solitude » d'Issy-les-Moulineaux (Billy, Introïbo, 1939, p. 39).
P. méton., rare. Synon. de retraite (v. retraite1).Hortense lui apprit, quelques jours après, qu'elles avaient fait leur solitude afin de prier pour elle et pour ceux qui allaient se battre (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 115).
P. anal. Lieu où l'on aime être seul. Synon. buen retiro.Tout espace réduit où l'on aime à se blottir, à se ramasser sur soi-même, est, pour l'imagination une solitude, c'est-à-dire le germe d'une chambre, le germe d'une maison (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 130).
Prononc. et Orth.: [sɔlityd]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1213 « état d'un lieu inhabité ou peu habité » solitude de desert (Faits des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 226, ligne 12); b) 1265 « lieu désert, non fréquenté » (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, 122, p. 113: les grandesimes solitudes et les terres desabitees); c) ca 1409 « lieu où l'on vit retiré, à l'écart du monde » suis demouré en solitude (Traict. de Salem., ms. Genève 165, f o105 r ods Gdf. Compl.); 2. a) ca 1393 « état d'une personne qui est seule, qui est retirée du monde » (Ménagier, I, 100 ds T.-L.: il amoit fort solitude); b) 1633 « fait de se sentir seul, isolé » l'ennui et la solitude (Voiture, Lettres à M. de Chaudebonne ds Œuvres, éd. M. A. Ubicini, t. I, p. 90). Empr. au lat. class.solitudo « solitude, état d'abandon, vie isolée, sans protection », dér. de solus, v. seul. Fréq. abs. littér.: 6 415. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9 647, b) 9 653; xxes.: a) 7 343, b) 9 546.

Wiktionnaire

Nom commun - français

solitude \sɔ.li.tyd\ féminin

  1. État d’une personne qui est seule, qui est retirée du commerce du monde.
    • Les hommes peuvent être considérés dans l’état de solitude et dans l’état de multitude. — (François Quesnay, Observations sur le Droit naturel des hommes réunis en société, 1765)
    • Parfois, dans sa solitude désolée, elle se mettait à chanter les complaintes qu’il avait aimées, et alors elle pleurait, entrecoupant de sanglots déchirants les couplets mélancoliques, […]. — (Isabelle Eberhardt, Yasmina, 1902)
    • Il essaya de se persuader qu’il était à l’aise et en sécurité ; mais bientôt, l’indéfinissable inquiétude de l’animal sociable, abandonné dans la solitude, le tourmenta. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 328 de l’édition de 1921)
  2. (Figuré) Sentiment d'être seul ou abandonné.
    • La fatigue, le temps morne (j’entends de la pluie dans le soir), l’ombre qui augmente ma solitude et m’agrandit malgré tous mes efforts et puis quelque chose d’autre, je ne sais quoi, m’attristent. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Il savait d’expérience que la pire souffrance est dans la solitude qui l’accompagne. — (André Malraux, La condition humaine, 1946, réédition Folio Plus Classiques, 2019, page 205)
    • Elle ne voulait pas être seule. Elle sentait déjà l’horreur de sa solitude, l’insomnie prolongée, le tête-à-tête décevant avec Dieu. — (Albert Camus, L'Envers et l'Endroit, Gallimard, 1958, page 41)
  3. (Par extension) Lieu éloigné du commerce, de la vue, de la fréquentation des hommes.
    • […] ; le 19, il arriva à El-Araouan et quitta cette ville commerçante pour franchir, à travers mille dangers, les vastes solitudes comprises entre le Soudan et les régions septentrionales de l’Afrique ; enfin il entra à Tanger, et, le 28 septembre, il s’embarqua pour Toulon ; […]. — (Jules Verne, Cinq semaines en ballon, chapitre 228, J. Hetzel et Cie, Paris, 1863)
    • Le désert déroulait maintenant devant nous ses solitudes démesurées. — (François-René de Chateaubriand, Atala, ou Les Amours de deux sauvages dans le désert)
    • Et puis le silence , ce grand silence qui plane au-dessus des solitudes islandaises , et que trouble seul le sifflement du vent ou le cri des pluviers dorés. — (Jules Leclercq, La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le mont Hékla, Paris : E. Plon & Cie, 1883, page 81)
    • La première sensation, poignante jusqu’à l’angoisse, fut pour Jacques celle de l’emprisonnement dans tout ce sable, derrière toutes ces solitudes, que pendant huit jours, il avait traversées, […]. — (Isabelle Eberhardt, Le Major, 1903)
    • […]; on eût dit que son regard, triste et lointain comme le regard des hommes qui ont longtemps vécu sur la mer ou dans les solitudes immenses, gardait comme un reflet de l’infini. — (Octave Mirbeau, Les eaux muettes )
    • Et tu auras beau houpper, hurler à l'aide, hululer comme une hulotte, la fagne est une solitude, un désert funeste à qui la nargue ; personne ne t'entendra. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SOLITUDE. n. f.
État d'une personne qui est seule, qui est retirée du commerce du monde. Vivre dans la solitude. Il aime la solitude. Troubler la solitude de quelqu'un. Supporter la solitude. Souffrir de la solitude. Charmer sa solitude par la lecture. Venez partager ma solitude. Il désigne aussi un Lieu éloigné du commerce, de la vue, de la fréquentation des hommes. Affreuse solitude. Solitude agréable, charmante. Se retirer, s'enfermer dans une solitude. Il est venu me rendre visite dans ma solitude. Ce lieu est devenu une solitude, n'est plus qu'une solitude se dit d'un Lieu qui cesse d'être fréquenté. On dit figurément Depuis son départ, depuis sa mort, ma maison n'est plus qu'une solitude.

Littré (1872-1877)

SOLITUDE (so-li-tu-d') s. f.
  • 1État d'une personne qui est seule. Il n'y a que lui [Dieu] qui, étant riche de sa propre essence, jouisse d'une solitude bienheureuse et abondante en toutes sortes de biens, Guez de Balzac, De la cour, 1er disc. Je n'avais pas voulu que la princesse [de Tarente] vînt ici [aux Rochers] ; je lui avais fait valoir nos dévotions de jeudi [jour de l'Assomption]… j'ai donc été en solitude, Sévigné, 18 août 1680. Cette âme qui s'est tant aimée et tant cherchée, ne se peut plus supporter, aussitôt qu'elle est seule avec elle-même ; sa solitude lui fait horreur, Bossuet, la Vallière. Il faut savoir se donner des heures d'une solitude effective, si l'on veut conserver les forces de l'âme, Bossuet, Mar.-Thér. Ne vous offensez pas, si mon zèle indiscret De votre solitude interrompt le secret, Racine, Bérén. II, 4. Laissez-moi, j'ai besoin d'un peu de solitude, Racine, Bajaz III, 6. Les jeunes gens, à cause des passions qui les amusent, s'accommodent mieux de la solitude que les vieillards, La Bruyère, XI. À moins d'une extrême piété, l'homme sera toujours malheureux dans une solitude absolue, Genlis, Mères riv. t. I, p. 367, dans POUGENS.

    Fig. Si l'on ne se fait une solitude intérieure, d'où notre opinion sorte bien rarement, et où celle d'autrui n'entre jamais…, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie.

  • 2État d'une personne retirée du commerce du monde. La solitude effraye une âme de vingt ans, Molière, Mis. V, 7. De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement… de là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible, Pascal, Pens. IV, 2, éd. HAVET. Après cette grande foule d'hommes et d'affaires qui l'environnait, il s'était lui-même réduit à une espèce d'oisiveté et de solitude ; mais il la sut soutenir, Bossuet, le Tellier. Dans sa treizième année il quitta la maison paternelle ; il se jeta dès lors dans la solitude, il embrassa dès lors les austérités, Bossuet, 2e panég. St Franç. de Paul, 1. Si la solitude a ses jouissances, elle a ses privations, Bernardin de Saint-Pierre, Chaum. ind. Tout homme qui a eu beaucoup à se plaindre des hommes, cherche la solitude, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie. L'esprit de la prière et de la solitude Qui plane sur les monts, les torrents et les bois, Dans ce qu'aux yeux mortels la terre a de plus rude, Appela de tout temps les âmes de son choix, Lamartine, Harm. I, 11.

    Se jeter dans la solitude, se retirer du monde, se faire ermite. Il ne perdra guères de temps à se jeter dans la solitude, Sévigné, 388.

  • 3Isolement de gens qui n'ont point de semblables à eux. Leur solitude [des Frères de Bohême, qui ne trouvaient nulle part des chrétiens semblables à eux], dénuée de la succession et de toute ordination légitime, leur fit tant d'horreur qu'encore du temps de Luther ils envoyaient de leurs gens qui se coulaient furtivement dans les ordinations de l'Église romaine, Bossuet, Var. XI, 178. Ne trouverai-je pas ici un homme de cœur ? en vérité, quand on en cherche, on est effrayé de sa solitude, Musset, On ne badine pas avec l'amour, III, 7.
  • 4 Fig. Isolement moral, privation d'affection. Cette tristesse vient de la solitude du cœur, qui se sent toujours fait pour jouir, et qui ne jouit pas ; qui se sent toujours fait pour les autres, et qui ne les trouve pas, Montesquieu, Ars. et Ismén. Voyez mon malheur et mes larmes, la solitude de mon âme, le vide affreux que vous y avez fait, et l'abandon cruel où vous me laissez ! D'Alembert, Aux mânes de Mlle de l'Espinasse.
  • 5Lieu éloigné de la fréquentation des hommes. Solitude où je trouve une douceur secrète, Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais ! La Fontaine, Fabl. XI, 4. Je vous avoue que j'ai été ravie de voir cette divine solitude [Port-Royal], dont j'avais tant ouï parler ; c'est un vallon affreux, tout propre à faire son salut, Sévigné, 26 janv. 1674. Nous naissons, nous vivons pour la société ; à nous-mêmes livrés dans une solitude, Notre bonheur bientôt fait notre inquiétude, Boileau, Sat. X. Je me suis fixé dans cette île peu habitée, séduit par la douce température et par ses solitudes, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

    Poétiquement. Ils passent de la nef la vaste solitude, Boileau, Lutr. III.

  • 6Lieu devenu inhabité, dépeuplé. Pourquoi voulez-vous périr et faire de cette ville une solitude ? Bossuet, Hist. II, 8. Quoi ! ces tyrans cruels… Qui dépeuplent la terre et dont la barbarie En vaste solitude a changé ma patrie, Voltaire, Alz. II, 2. Au concours bruyant qui se pressait sous ces portiques, a succédé une solitude de mort, Volney, Ruines, II. Rome sommeille au milieu de ces ruines ; cet astre de la nuit, ce globe que l'on suppose un monde fini et dépeuplé, promène ses pâles solitudes au-dessus des solitudes de Rome, Chateaubriand, Italie, 3e lettre, promen.

    Par extension. Les morts ne sont plus de rien, ils n'ont plus de part à la société humaine ; c'est pourquoi les tombeaux sont appelés des solitudes [dans Job], Bossuet, 1er panég. St Franç. de Paule, I.

    Fig. Depuis son départ, depuis sa mort, ma maison n'est plus qu'une solitude.

  • 7Désert, étendue de pays inhabitée, inculte. Étant sortis de Socoth, ils campèrent à Etham, à l'extrémité de la solitude, Sacy, Bible, Exode, XIII, 20. Ils vous opposeront de vastes solitudes, Des déserts que le ciel refuse d'éclairer, Racine, Alex. V, 1. Solitude absolue [le Sahara], mille fois plus affreuse que celle des forêts ; car les arbres sont encore des êtres pour l'homme, qui se voit seul, plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, Buffon, Quadrup. t. V, p. 14. Ces solitudes nues où l'homme n'a jamais respiré sous l'ombrage, où la terre sans verdure n'offre aucune subsistance aux animaux, aux oiseaux, Buffon, Ois. t. XIV, p. 42.

HISTORIQUE

XIVe s. Il amoit fort solitude, ne en nulle maniere ne vouloit pour lui mariage, Ménagier, I, 6. Ceste solitude et famine, Bercheure, f° 93.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

SOLITUDE, s. f. (Religion.) lieu desert & inhabité. La religion chrétienne n’ordonne pas de se retirer absolument de la société pour servir Dieu dans l’horreur d’une solitude, parce que le chrétien peut se faire une solitude intérieure au milieu de la multitude, & parce que Jesus-Christ a dit : que votre lumiere luise devant les hommes, afin qu’ils voyent vos bonnes œuvres, & qu’ils glorifient votre pere qui est aux cieux. L’âpreté des regles s’applanit par l’accoutumance, & l’imagination de ceux qui croient par dévotion devoir s’y soumettre, est plus atrabilaire, plus maladive, qu’elle n’est raisonnable & éclairée. C’est une folie de vouloir tirer gloire de sa cachette. Mais il est à propos de se livrer quelquefois à la solitude, & cette retraite a de grands avantages ; elle calme l’esprit, elle assure l’innocence, elle appaise les passions tumultueuses que le désordre du monde a fait naître : c’est l’infirmerie des ames, disoit un homme d’esprit. (D. J.)

Solitude, état de, (Droit naturel.) état opposé à celui de la société. Cet état est celui où l’on conçoit que se trouveroit l’homme s’il vivoit absolument seul abandonné à lui-même, & destitué de tout commerce avec ses semblables. Un tel homme seroit sans doute bien misérable, & se trouveroit sans cesse exposé par sa foiblesse & son ignorance à périr de faim, de froid, ou par les dents de quelque bête féroce. L’état de société pourvoit à ses besoins, & lui procure la sûreté, la nourriture & les douceurs de la vie. Il est vrai que je suppose l’état de paix & non pas l’état de guerre, qui est un état destructeur, barbare, & directement contraire au bonheur de la société. (D. J.)

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Étymologie de « solitude »

Lat. solitudinem, de solus, seul.

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Du latin solitudinem, accusatif de solitudo, de solus, « seul ».
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Phonétique du mot « solitude »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
solitude sɔlityd

Fréquence d'apparition du mot « solitude » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « solitude »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « solitude »

  • On peut tout acquérir dans la solitude, hormis du caractère.
    Stendhal — De l’amour
  • L'enfer est tout entier dans ce mot : solitude.
    Victor Hugo — La Fin de Satan
  • Qui comprend l’humanité recherche la solitude.
    Hazrat Ali
  • Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son. Seul, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule.
    Victor Segalen — Stèles, Plon
  • S'il existe une solitude où le solitaire est un abandonné, il en existe une où il n'est solitaire que parce que les hommes ne l'ont pas encore rejoint.
    André Malraux — Le Triangle noir, Gallimard
  • Nul ne peut veiller sur sa solitude, s'il ne sait se rendre odieux.
    Emil Michel Cioran
  • Fais de toi la sphère parfaite d'Empédocle, exultant en sa stabilité, sa solitude circulaire
    Marc Aurèle en latin Marcus Annius Verus, puis Marcus Aurelius Antoninus — Pensées, XII, 3 (traduction A. I. Trannoy) Pensées (XI, 12)
  • C'est en haussant à hauteur de vertu, pour mon propre usage, l'envers des vertus communes que j'ai cru pouvoir obtenir une solitude morale où je ne serai pas rejoint.
    Jean Genet — Pompes funèbres, Gallimard
  • Solitude : la double solitude où sont tous les amants.
    Anna de Noailles
  • On ne va jamais jusqu'au fond de sa solitude.
    Georges Bernanos — Journal d'un curé de campagne, Plon
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Images d'illustration du mot « solitude »

⚠️ Ces images proviennent de Unsplash et n'illustrent pas toujours parfaitement le mot en question.

Traductions du mot « solitude »

Langue Traduction
Anglais loneliness
Espagnol soledad
Italien solitudine
Allemand einsamkeit
Chinois 独处
Arabe عزلة
Portugais solidão
Russe одиночество
Japonais 孤独
Basque bakardadea
Corse solitudine
Source : Google Translate API

Synonymes de « solitude »

Source : synonymes de solitude sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « solitude »

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Nombre de points du mot solitude au scrabble : 9 points

Solitude

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