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Compagnie

Variantes Singulier Pluriel
Féminin compagnie compagnies

Définitions de « compagnie »

Trésor de la Langue Française informatisé

COMPAGNIE, subst. fém.

I.− Fait d'être d'une manière habituelle ou occasionnelle auprès d'une personne.
A.− Présence (d'une ou plusieurs personnes, et p. métaph. d'un animal ou d'une chose) auprès d'une personne. Rechercher, aimer la compagnie; la compagnie des dames :
1. Je vois ma mère et ma nièce les dimanches, et puis c'est tout. Ma seule compagnie consiste en une bande de rats qui font dans le grenier, au-dessus de ma tête, un tapage infernal, ... Flaubert, Correspondance,1867, p. 267.
Absol. Aimer la compagnie. Aimer être avec une ou plusieurs personnes :
2. Genevet a beau les mal nourrir, pour les rendre un peu féroces, ses chiens restent tout juste bons à aboyer faiblement à la lune, quand ils s'ennuient de se trouver seuls dans l'obscurité, tellement ils aiment la compagnie. Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 56.
B.− Vx [En parlant d'une pers., d'un animal ou d'un lieu] Être (paraître) bonne ou mauvaise compagnie. Être (pour quelqu'un) une présence agréable ou désagréable. Avec les animaux je veux passer ma vie; ils sont si bonne compagnie! (Florian, Fables,Le Savant et le fermier, 1792, p. 132).Il [Véron] était tout à fait bonne compagnie dans le sens de bon compagnon (Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 9, 1851-62, p. 531).
C.− Expr. et loc. diverses
1. En bonne compagnie. Avec une ou plusieurs personnes agréables. Comtesse, permettez que je vous présente le chevalier de Valelos, ... Comtesse, je vous laisse en bonne compagnie (A. Dumas Père, Un Mariage sous Louis XV,1841, II, 3, p. 131).En galante compagnie. Avec une femme (cf. Morand, New York, 1930, p. 143).
2. Loc. verbales [Le suj. est un animé ou un inanimé] Tenir compagnie à qqn; faire compagnie à qqn (vieilli). Être auprès d'une personne (pour la distraire dans sa solitude); empêcher une personne de se sentir seule. Le feu lui tient compagnie. Les livres lui tiennent compagnie (Ac.). Fausser compagnie à qqn. Quitter (assez brusquement) la personne auprès de laquelle on se trouvait. Elle [madame de Rias] faussa tout à coup compagnie au vicomte Roger pour joindre M. de Kévern (O. Feuillet, Un Mariage dans le monde,1875, p. 20):
3. Ce bruit familier [les moulins de Leysieu], dès l'instant qu'elle l'eut identifié, lui tint compagnie. C'était une présence humaine. Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 43.
3. Dame ou demoiselle de compagnie. Personne dont la fonction consiste à tenir compagnie (à une femme ou à une jeune fille) :
4. MlleAndriot : cheveux presque blancs; le visage est disgracié. Bien habillée, quoique sans élégance. Un rien « dame de compagnie », mais un rien seulement. Montherlant, Celles qu'on prend dans ses bras,1950, p. 767.
4. Loc. adv. ou prép.
a) [Détermine un verbe dont le suj. est une pers. ou une chose abstr.] De compagnie. Ensemble. Un homme riche, sot et vain, Qualités qui par fois marchent en compagnie (Florian, Fables,Le Sanglier et les rossignols, 1792, p. 115).Vers le milieu de l'été, toute la famille se prit à rêver de compagnie (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 102).Par compagnie. Comme les chances humaines vont toujours par compagnie, le petit Jean fit son apparition sous les myrtes du domaine (A. Daudet, Sapho,1884, p. 94).
b) [Peut être suivi d'un nom désignant un animé ou un inanimé] En compagnie (cf. Balzac, Gobseck, 1830, p. 390). Avec une (ou plusieurs) personne(s). En (dans la) compagnie de. Avec. Hélas! je suis revenu depuis sur la terre, j'ai cheminé en compagnie de la réalité, sous la férule du jugement et de la raison (Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 173).Rien de neuf dans ma vie, mon cher vieux. Je la passe uniformément au milieu de mes livres et dans la compagnie de mon chien (Flaubert, Correspondance,1872, p. 460).De compagnie avec (Mmede Chateaubriand, Mémoires et lettres, 1847, p. 4). En même temps que, avec.
SYNT. Dîner en compagnie de, se plaire ou s'ennuyer en/dans la compagnie de.
II.− P. méton. Groupe de plusieurs personnes.
A.−
1. Vx. Ensemble de personnes qui se trouvent habituellement auprès de quelqu'un :
5. Alors le père Maurice prononça son compliment. Il invitait le maître de la maison et toute sa compagnie, c'est-à-dire tous ses enfants, tous ses parents... G. Sand, La Mare au diable,1846, p. 165.
2. Groupe de personnes réunies le plus souvent dans un but distractif. Une nombreuse compagnie; une compagnie choisie :
6. À cette heure même, dans une chambre voisine de la sienne, une compagnie de jeunes gens et de jeunes femmes, buvant à plein verre le vin, qui est le jus du plaisir, chantaient ce refrain connu : « dans un grenier qu'on est bien à vingt ans ». Murger, Scènes de la vie de jeunesse,1851, p. 173.
Expr. fam. [S'adressant à une ou plusieurs pers., en guise de salut, ou à la vie, en guise d'adieu] Bonsoir la compagnie. Il saluait le bibliothécaire par ces mots : − Bonsoir, la compagnie! (A. France., La Révolte des anges,1914, p. 174):
7. Je peux encore être d'une petite utilité à la cause de la vérité; mais, si je te perdais [Maurice Sand], bonsoir la compagnie! G. Sand, Correspondance,t. 3, 1812-76, p. 138.
Proverbe. Il n'y a si bonne compagnie qui ne se sépare ou ne se quitte (Ac.). ,,Les choses même les plus agréables ont une fin`` (Lar. 19e).
3. Spéc. La bonne compagnie. Personnes appartenant à la classe aisée, se fréquentant exclusivement. La haute ou la grande compagnie. L'aristocratie. La mauvaise compagnie. Personnes d'un bas niveau social, personnes qui, d'après les règles morales et les valeurs admises par d'autres, sont grossières et vulgaires. La bonne compagnie, en Allemagne, c'est la cour; en France c'étoient tous ceux qui pouvoient se mettre sur un pied d'égalité avec elle (Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 1, 1810, p. 170).Si violente que soit leur passion, Hermione, Andromaque, Roxane, Bérénice, gardent le ton de la meilleure compagnie (Taine, Philos. de l'art,t. 1, 1865, p. 93):
8. À Paris, dans la « Société » l'argent ne joue qu'un rôle occulte. On est censé en avoir... Manquer à cette convention, ce serait s'éliminer soi-même de la bonne compagnie. A. Daudet, Immortel,1888, p. 119.
[En parlant d'une pers.] De bonne ou de mauvaise compagnie. Qui appartient à la bonne ou à la mauvaise compagnie et en a les manières; qui a de bonnes manières, qui est bien élevé, ou le contraire. Il faut laver son linge sale en famille, disait Napoléon, dans un langage bien digne d'un empereur de mauvaise compagnie (Fongeray, Les Soirées de Neuilly,t. 1, 1827, p. 15):
9. M. Care est un philosophe bien pensant et de bonne compagnie, la petite monnaie de Cousin, un écrivain fade et sucré, dont la tenue correcte a fait le triomphe. Zola, Doc. littér.,Chateaubriand, 1881, p. 12.
Plais. J'aurai l'honneur de vous donner un soufflet (...) de bonne compagnie... avec le gant! (Labiche, J'ai compromis ma femme,1861, 10, p. 159).
P. méton. :
10. Il y a des rues de mauvaise compagnie où vous ne voudriez pas demeurer... Quelques rues... ont une belle tête et finissent en queue de poisson... Balzac, Ferragus,1833, p. 13.
B.− Groupe organisé, institué pour un but précis.
1. Corps constitué, association de personnes (magistrats, religieux, savants, gens de lettres ou artistes) réunies pour une œuvre commune. Une compagnie de ballets, une compagnie de musique. La plupart des riches paysans romains, alors comme aujourd'hui, faisaient partie de quelque compagnie de pénitents (Stendhal, L'Abbesse de Castro,1839, p. 172).Les avoués de Paris, compagnie assez calomniée, entreprennent gratuitement la poursuite des procès des indigents (Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 402).
Absol. La compagnie ou la Compagnie. Peut désigner, selon le contexte : la compagnie des Jésuites ou compagnie de Jésus, l'Académie française, la Comédie-Française; [souvent suivi d'un nom propre, nom du fondateur] la compagnie de théâtre X... ou Y... Il ressemblait, tout de noir vêtu, énergique et onctueux en même temps, à quelque membre de la Compagnie (F. Jammes, Mémoires,1922, p. 207).J'ai entendu la compagnie Stanislavsky jouer les Trois sœurs de Tchekhov (Du Bos, Journal,1926, p. 32):
11. « Messieurs de la Comédie-Française! ... » Rasés de près, solennels, saluant ainsi qu'au grand siècle, ils se campaient en nobles attitudes autour de leur doyen qui, d'une voix caverneuse, présentait la Compagnie, parlait des efforts, des vœux de la Compagnie, la Compagnie sans épithète, sans qualificatif, comme on dit Dieu... A. Daudet, Numa Roumestan,1881, p. 297.
2.
a) Société commerciale (spécialisée dans certaines opérations ou assurant un service public), ou société industrielle. Compagnie d'assurances. Le gouvernement de la République demeura soumis au contrôle des grandes compagnies financières (A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 322).
SYNT. Compagnie de chemin de fer, de gaz, de navigation, d'omnibus; compagnie aérienne; compagnie pétrolière.
b) Loc. Et compagnie (abrév. et Cie). [Loc. que l'on ajoute après l'énumération des associés désignant la raison sociale de la société, pour indiquer qu'il en existe d'autres qui ne sont pas nommés] Et ses associés :
12. [Le maître drapier :]. − ... Joseph, l'inventaire est fini... Madame Guillaume m'a donné l'idée de vous offrir un intérêt. Hein! Guillaume et Lebas, ces mots ne feraient-ils pas une belle raison sociale? On pourrait mettre et compagnie pour arrondir la signature. Balzac, La Maison du chat-qui-pelote,1830, p. 31.
Familier
[Après un adj. de sens péj. : laisse sous-entendre tous les synon. possibles] Tous les curés, ça se vaut, c'est hypocrite et compagnie (Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 1187).
[Après un nom propre de pers.] Plais. ou péj. Et tous les autres. À ton âge, je savais Virgile et compagnie par cœur (J. de Maistre, Correspondance,t. 3, 1808-10, p. 142).Les larves sinistres comme Painlevé, Poincaré, Briand et compagnie l'avaient [Mangin] en suspicion et en haine (L. Daudet, La Recherche du beau,1932, p. 197).
c) ARITHM. Règle de compagnie. Synon. règle de société*.
3. Spéc. Groupe, troupe de gens armés. Le reste du royaume était dévasté par les compagnies d'aventuriers et de brigands qui n'obéissaient à aucun souverain (Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-24, p. 58).
a) Bande d'aventuriers. Réunis en bandes très-nombreuses, ou plutôt une grande armée qu'on appelait la compagnie blanche, ils [les aventuriers] pillaient les campagnes (Mérimée, Hist. de Don Pèdre Ier, roi de Castille,1848, pp. 334-335).Plur. Les grandes compagnies. Bandes qui s'étaient formées pendant la guerre de Cent ans et qui par la suite ravagèrent le pays (cf. Zola, La Terre, 1887, p. 79).
b) TECHN. MILIT. Unité d'infanterie et d'autres armes anciennement à pied, commandée généralement par un capitaine. Compagnie de grenadiers, de parachutistes. Mon fils m'annonce le départ de la compagnie des gardes à pied où il est enrôlé (Maine de Biran, Journal,1815, p. 45).Les voitures de la compagnie de mitrailleuses annoncèrent la fin du bataillon (Montherlant, Le Songe,1922, 2epart., p. 131).
Vx. Compagnies franches. Détachements spéciaux ne faisant pas partie d'un régiment :
13. Elle [la République] avait d'abord pourvu à la défense des départements attaqués, en en remettant le soin aux habitants patriotes par un des articles de cette loi de messidor... Cet article... était ainsi conçu : Il sera organisé des compagnies franches dans les départements de l'Ouest. Balzac, Les Chouans,1829, p. 8.
Compagnies de discipline. Unités, remplacées aujourd'hui par les sections spéciales, où étaient envoyés les soldats qui avaient encouru une condamnation (cf. De Vogüé, Les Morts qui parlent, 1899, p. 242).
c) Compagnie républicaine de sécurité (C.R.S.). Unité mobile de police chargée du maintien de l'ordre. Un C.R.S. Policier appartenant à cette unité. À Saint-Nazaire, l'intervention des compagnies républicaines de sécurité pour dégager l'usine occupée fait de nombreux blessés (J.-D. Reynaud, Les Syndicats en France,1963, p. 140).
C.− P. anal., VÉN. Bande d'animaux de même espèce qui vivent en groupe. Une compagnie de perdreaux ou de perdrix. Bêtes de compagnie. ,,Jeunes sangliers qui vont encore par troupes`` (Ac.).
Rare [En parlant d'animaux domestiques] Les carreaux blanchirent, un fiacre passa, puis une compagnie d'ânesses qui trottinaient sur le pavé (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 2, 1869, p. 226).
Vieilli, fig. et fam. Être bête de compagnie. ,,Aimer la société et se laisser facilement mener où les autres veulent`` (Ac.).
Prononc. et Orth. : [kɔ ̃paɳi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 cumpainie « réunion de personnes » (St Alexis, éd. Ch. Storey, 604); 2. ca 1175 tenir conpaignie (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, vers 5728); 1540 faulcer compaignie (Amadis, p. 9 ds IGLF); 3. a) ca 1100 cumpagnie « troupe de gens armés » (Roland, éd. J. Bédier, vers 1471); b) 1585 « unité militaire sous les ordres d'un capitaine » (N. Du Fail, Contes et Discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 307); 4. a) 1283 compaignie « association de débiteurs » (Charte de Lille ds Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 47); [1560 Compagnie d'Afrique nom de la 1recompagnie commerciale, fondée en 1560 d'apr. Guérin 1892, sans réf.] 1635 compagnie (commerciale) (Monet Abrégé); b) av. 1655 Compagnie de Jésus (Cyrano de Bergerac, Lettres satiriques, p. 121 ds IGLF); 5. 1559 « groupe d'animaux » (Amyot, Cicéron, 59 ds Littré). Dér. en -ie* soit de l'a. fr. compain (compagnon*, copain*), soit de l'a. fr. compaign(i)e « compagnie » (Alexis, éd. Ch. Storey, 607) issu d'un lat. pop. *compania, dér. de companio (compagnon*). Fréq. abs. littér. : 5 441. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 061, b) 8 359; xxes. : a) 9 244, b) 7 074. Bbg. Gohin 1903, p. 334. − Gottsch. Redens. 1930, p. 27, 374. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 21.

Wiktionnaire

Nom commun - français

compagnie \kɔ̃.pa.ɲi\ ou \kɔ̃.pa.ni\ féminin

  1. Réunion de plusieurs personnes assemblées pour le plaisir d’être en société.
    • Une nombreuse compagnie.
    • Il fut bien reçu, lui et sa compagnie.
    • Aimer la compagnie.
    • Recevoir compagnie chez soi.
    • Il est très aimable en compagnie.
    • Il n’y a ou il n’est si bonne compagnie qui ne se sépare ou ne se quitte : (Proverbial), souvent (Ironique) Pour faire comprendre, à une ou des personnes qu’on quitte, qu’on n’est pas fâché de s’en séparer.
    • Un jeune paysan marchait devant, touchant alternativement de son aiguillon les cornes des bœufs.
      Sans modifier le pas, il ôta son béret.
      – Bonjour, Isabeline, dit-il, et la compagnie.
      — (Pierre Benoit, Mademoiselle de la Ferté, Albin Michel, 1923, Cercle du Bibliophile, page 31)
    • « Allez, au revoir, la compagnie ! » — (Marcel Pagnol, Le château de ma mère, 1958, collection Le Livre de Poche, page 91)
  2. (Par extension) Plusieurs personnes que des habitudes ou des goûts communs rapprochent et qui forment une espèce de société.
    • C’était la première fois dans sa vie que Zaheira avait ajouté foi à des prédiction de ce genre. La compagnie des femmes du village, depuis son mariage, l’avait peu à peu inclinée vers ces superstitions. — (Out-el-Kouloub, « Zaheira », dans Trois contes de l’Amour et de la Mort, 1940)
    • Monsieur de C. aime à répéter l’irrévérencieux dicton : « Princes russes et marquis italiens sont de petite compagnie.  » — (Marguerite Yourcenar, Souvenirs pieux, 1974, collection Folio, page 352)
    • Introduire quelqu’un dans une compagnie.
    • La bonne compagnie, ensemble des personnes distinguées par leur éducation, leur politesse, leur bon ton.
    • Sa maison est le rendez-vous de la bonne compagnie.
    • Il a le ton de la bonne compagnie.
    • La mauvaise compagnie.
    • Être de bonne compagnie, avoir un bon ton, de bonnes manières.
  3. Deux ou plusieurs personnes qui sont ensemble, qui font ensemble la même chose.
    • Depuis ce jour, Célestin et Amycus vécurent de compagnie. — (Anatole France, L’Étui de nacre, 1892, réédition Calmann-Lévy, 1923, page 32)
    • On le citait partout et en toutes occasions, soit qu’il galopât son cob irlandais, le matin au Bois […] soit qu’il apparût, le soir, dans une avant-scène de théâtre, en compagnie d’une jolie fille. — (Octave Mirbeau, Contes cruels : Gavinard)
    • Ils vinrent de compagnie.
    • Elle y alla de compagnie avec sa sœur.
    • Il sortit en compagnie d’un tel.
    • Tenir, faire compagnie à quelqu’un.
    • Il serait bien aise de jouir un moment de votre compagnie.
    • La tête en l’air, qui suit à Oxford quelques cours de botanique, se prépare à devenir pasteur quand une chance imprévue s’offre à elle : on lui propose de partir, au titre d’homme de compagnie du capitaine Robert Fitz-Roy, âgé de vingt-six ans et au caractère difficile, pour un très long voyage d’étude. — (Jean d’ Ormesson, C’est une chose étrange à la fin que le monde, 2010)
    • Être bête de compagnie, aimer la société et se laisser facilement mener où les autres veulent.
    • Il fera ce que vous voudrez, il est bête de compagnie.
  4. Chose ou animal qui peut distraire quelqu’un dans la solitude, l’empêcher de se sentir seul.
    • Son chien, son oiseau est pour elle une compagnie.
    • Le feu lui tient compagnie.
    • Les livres lui tiennent compagnie.
  5. (Chasse) Troupe, bande.
    • Une compagnie de perdreaux, de faisandeaux.
    • La femme, les enfants couraient comme un vol de perdreaux, se posaient haletants derrière un buisson. Et parfois le tireur s’acharnait sur cette compagnie. — (Jean Giono, Le hussard sur le toit, 1951, réédition Folio Plus, page 277)
    • Ils [des perdreaux] ne prirent par leur vol, comme si ma présence désarmée n'exigeait pas les grands moyens. Alors, je ramassai des pierres et je les lançai devant moi : un bruit énorme, pareil à celui d'une benne de tôle qui vide un chargement de pierres, me terrorisa ; pendant une seconde, j'attendis l'apparition d'un monstre, puis je compris que c'était l'essor de la compagnie, qui fila vers la barre, et plongea dans le vallon. — (Marcel Pagnol, La gloire de mon père, 1957, collection Le Livre de Poche, page 303)
    • Bêtes de compagnie : Jeunes sangliers qui vont par troupes.
    • Ce sanglier a quitté les compagnies : Il commence à aller seul.
  6. (Commerce) Société commerciale.
    • De grands embarras financiers avaient conduit le gouvernement à signer avec des compagnies de chemin de fer des conventions que les radicaux avaient dénoncées comme étant des actes de brigandage. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chap. VI, La Moralité de la violence, 1908, page 281)
    • Peu de temps après, mon père entre au service de la Compagnie de l’Ouest. Il reçoit mission de construire le chemin de fer du Mans à Angers. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • L’anarchisme s’est surtout manifesté par des grèves dures, conduites dans les secteurs les plus sensibles de l’économie d’exportation : bananeraies de Colombie, compagnies pétrolières du Mexique. — (Pierre Vayssière, Les Révolutions d’Amérique latine, Éditions du Seuil, 1991, page 105)
    • Untel et compagnie, Untel et ses associés.
    • Cette maison de commerce, de banque est sous la raison Gauthier, Lefèvre et compagnie.
  7. Réunion de personnes formant un corps, une assemblée, tels que des magistrats, des gens de lettres, des savants, des artistes, des religieux.
    • Tel fut l’avis de la compagnie.
    • Il a eu tous les suffrages de la compagnie.
    • La Compagnie de Jésus, la société des jésuites.
  8. (Militaire) Unité de formation d’infanterie sous les ordres d’un capitaine.
    • Longue marche dans le brouillard. Le régiment tousse, moins la compagnie du lieutenant Viard, où la toux est punie et où les soldats se rattrapent sur l’éternuement. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Nous errons tristement dans les rues quand nous avisons une compagnie de la Wehrmacht en train de popoter à la roulante sur la place du village. — (Louis Boyé, Un jour, le grand bateau viendra : Chronique de la résistance, L’Harmattan, Paris, 1996, page 359)
    • Et dans ce moment même, sans qu’on sût comment et pourquoi, ce peuple qui s’élançait sur les compagnies se mit à reculer… — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
    • Le plan de Gage est simple : lever cinq compagnies de 60 hommes chacune […] — (Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, vol. 1, « Des origines à 1791 », 2013, page 522)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

COMPAGNIE. n. f.
Réunion de plusieurs personnes assemblées pour le plaisir d'être en société. Une nombreuse compagnie. Il fut bien reçu, lui et sa compagnie. Aimer la compagnie. Recevoir compagnie chez soi. Il est très aimable en compagnie. Prov., Il n'y a si bonne compagnie qui ne se sépare ou ne se quitte. Il se dit, par extension, de Plusieurs personnes que des habitudes ou des goûts communs rapprochent et qui forment une espèce de société. Il est de notre compagnie. Introduire quelqu'un dans une compagnie. La bonne compagnie, L'ensemble des personnes distinguées par leur éducation, leur politesse, leur bon ton. Sa maison est le rendez-vous de la bonne compagnie. Il a le ton de la bonne compagnie. Par opposition, La mauvaise compagnie. Les mauvaises compagnies l'ont perdu. Être de bonne compagnie, Avoir un bon ton, de bonnes manières. On dit dans le sens opposé Être de mauvaise compagnie. Il se dit encore, dans un sens plus général, en parlant de Deux ou plusieurs personnes qui sont ensemble, qui font ensemble la même chose. Ils vinrent de compagnie. Elle y alla de compagnie avec sa sœur. Il sortit en compagnie d'un tel. Tenir, faire compagnie à quelqu'un. Il serait bien aise de jouir un moment de votre compagnie. C'est une triste compagnie que vous me donnez là. On le dit de même en parlant de Certains animaux, par rapport aux personnes, ou par rapport à ceux de leur espèce. Son chien, son oiseau est pour elle une compagnie. Il se dit aussi des Choses qui peuvent distraire quelqu'un dans la solitude, l'empêcher de se sentir seul. Le feu lui tient compagnie. Les livres lui tiennent compagnie. Dame, demoiselle de compagnie, Dame ou demoiselle placée auprès d'une autre dame ou demoiselle, pour lui tenir compagnie. Fam., Fausser compagnie, Se dérober d'une compagnie, ou manquer à s'y trouver quand on l'a promis. Il m'a faussé compagnie. En termes de Chasse, Une compagnie de perdreaux, de faisandeaux, Une bande de perdreaux, etc. Bêtes de compagnie, Jeunes sangliers qui vont encore par troupes. Ce sanglier a quitté les compagnies, Il commence à aller seul. Fig. et fam., par plaisanterie, Être bête de compagnie, Aimer la société et se laisser facilement mener où les autres veulent. Il fera ce que vous voudrez, il est bête de compagnie. Il se dit aussi de Certaines associations commerciales dont les membres sont ordinairement en grand nombre. Former une compagnie. Compagnie d'assurance. Compagnie de chemin de fer. L'administration d'une compagnie. Les actionnaires d'une compagnie. On dit plus souvent SOCIÉTÉ. Règle de compagnie, Règle d'arithmétique dont on se sert pour partager le gain ou la perte des associés, suivant l'intérêt qu'ils ont dans l'entreprise. On dit plutôt aujourd'hui Règle de société. En termes de Commerce, Un tel et compagnie, Un tel et ses associés. Cette maison de commerce, de banque est sous la raison Gauthier, Lefèvre et compagnie. On écrit ordinairement, par abréviation, Un tel et Cie. Il se dit également d'une Réunion de personnes formant un corps, une assemblée, tels que des magistrats, des gens de lettres, des savants, des artistes, des religieux. Tel fut l'avis de la compagnie. Il a eu tous les suffrages de la compagnie. La compagnie de Jésus, Nom que prend la Société des jésuites. Il se dit aussi d'une Unité de formation d'infanterie sous les ordres d'un capitaine. Régiment de tant de compagnies. Commander une compagnie. Les lieutenants, les sous-lieutenants d'une compagnie. Le cadre d'une compagnie. Première, deuxième compagnie. Compagnie de discipline. Voyez DISCIPLINE. Compagnie franche, Compagnie qui n'est incorporée dans aucun régiment. Compagnies, Grandes compagnies, Bandes qui s'étaient formées au XIVe siècle, pendant les guerres entre l'Angleterre et la France, et qui ravagèrent longtemps ce dernier pays.

Littré (1872-1877)

COMPAGNIE (kon-pa-gnie) s. f.
  • 1Réunion de personnes qui ont quelque motif de se trouver ensemble. Je vous laisse parmi vos myrtes et vos orangers où vous n'êtes jamais en meilleure compagnie que quand personne n'est avec vous, Guez de Balzac, liv. I, lett. 9. On se promène ou seule ou en compagnie, Sévigné, 582. Ses biens aux pauvres départis, Il s'en va seul sans compagnie, La Fontaine, Oies. En compagnie D'un sien ami, La Fontaine, Berc. … Si notre compagnie, Lui dirent-ils, vous pouvait être à gré, Et qu'il vous plût achever cette traite Avecque nous, ce nous serait honneur, La Fontaine, Orais. Dans la solitude, il [le perroquet] est compagnie ; dans la conversation, il est interlocuteur, Buffon, Perroquet.

    Tenir, faire compagnie à quelqu'un, rester avec lui, l'entretenir. Personne ne me tient compagnie, Sévigné, 98. Le cardinal me tient très bonne compagnie, Sévigné, 216. Votre aimable idée m'a tenu fidèle compagnie, Sévigné, 71. Combien le feu tient douce compagnie ! Béranger, Feu du prison. On le porta en silence dans la chambre où il devait être enfermé ; cette chambre [à la Bastille] était occupée par un vieux solitaire de Port-Royal, qui y languissait depuis deux ans : tenez, lui dit le chef des sbires, voilà de la compagnie que je vous amène, Voltaire, Ingénu, 9.

    Dame, demoiselle de compagnie, dame ou demoiselle placée auprès d'une personne pour lui tenir compagnie.

    En bonne compagnie, accompagné de beaucoup de monde. Je vais vous y remettre en bonne compagnie, Corneille, Nic. III, 1. Ou qu'il voit la justice en grande compagnie, Mener tuer un homme avec cérémonie, Boileau, Sat. VIII.

    Fausser compagnie, se dérober d'une compagnie ou manquer à s'y trouver, quitter les gens. Bon ! le voilà qui fausse compagnie, Racine, Plaid. II, 9.

    Jouer à la fausse compagnie, quitter un parti, trahir ceux avec qui on est associé.

    De compagnie, ensemble. Prête à mourir de compagnie, La Fontaine, Matr. Deux grands auteurs rimant de compagnie, Racine, Épig. Et mon âme et mon corps marchent de compagnie, Molière, Fem. sav. IV, 2. Il nous eût d'un bâton chargés de compagnie, Molière, l'Étour. I, 5.

  • 2Société de personnes se voyant habituellement pour le plaisir de causer, de jouer, etc. Introduire quelqu'un dans une compagnie. Il est très aimable en compagnie. Aimer la compagnie. Toute la compagnie arriva en bonne santé, Bossuet, Lett. 132. Il pria la compagnie d'y souper, Hamilton, Gramm. 4. Nous nous sommes une compagnie, Sévigné, 562. Mme Tambonneau avait trouvé le moyen de voir la meilleure et la plus importante compagnie de la cour, Saint-Simon, 46, 31. Mais que vois-je ? de bons amis Que rassemble un couvert bien mis ; Asseyez-vous, me dit la compagnie, Béranger, Académie et caveau.

    Être en compagnie, avoir du monde. Il est en compagnie, Molière, Tart. V, 4.

    On disait autrefois, mais on ne dit plus : Il est compagnie, c'est-à-dire c'est une personne qu'on ne voit que rarement et en cérémonie ; il se croit compagnie, c'est-à-dire ce subalterne se familiarise trop.

    Bonne compagnie, société de gens distingués par leur éducation et leur politesse. Il m'a dit qu'il voyait bonne compagnie, Sévigné, 515. Vous voyez ce que c'est que de voir bonne compagnie, Sévigné, 37. Il voit que le nom de bonne compagnie n'est pas un vain nom, quoiqu'il soit souvent usurpé, Voltaire, Princ. de Babyl. 10. Ces croquants-là vous disent plus de sottises dans une brochure de deux pages, que la meilleure compagnie de Paris ne peut dire de choses agréables et instructives dans un souper de quatre heures, Voltaire, l'H. aux 40 écus, Souper. Nos petits-maîtres et nos petites-maîtresses s'y seraient ennuyés sans doute, ils prétendent être la bonne compagnie ; mais ni M. André ni moi ne soupons jamais avec cette bonne compagnie-là, Voltaire, ib. J'ai souffert qu'elle ait vu les belles compagnies, Molière, Éc. des maris, I, 2. La bonne compagnie chez vous ne déjeune pas, parce qu'elle a trop soupé, Voltaire, Lettr. Mme Du Deffant, 24 avril 1769.

    Être de bonne compagnie, être bonne compagnie, avoir de bonnes manières. Mon fils est de bonne compagnie, Sévigné, 44. Que je fusse peuple à la guinguette et bonne compagnie au Palais-Royal, Rousseau, Ém. IV.

    Être de bonne compagnie, être aimable, agréable. Elle est toujours de très bonne compagnie, Sévigné, 181.

    En bonne compagnie, avec des gens comme il faut. Et par extension, votre portrait est dans mon cabinet en bonne compagnie.

    Mauvaise compagnie, gens de mauvais ton ou de mauvaises mœurs. Il voit une mauvaise compagnie. Il est en mauvaise compagnie.

    Être de mauvaise compagnie, être mauvaise compagnie, avoir un mauvais ton.

    Être de mauvaise compagnie, être mauvaise compagnie, être triste, maussade. Voilà ce qui compose une femme d'assez mauvaise compagnie, Sévigné, 252. Nous nous vantons de ne nous point ennuyer ; nous sommes si glorieux que nous ne voulons pas nous trouver de mauvaise compagnie, La Rochefoucauld, Réflexions, 141.

  • 3Assemblée libre ou sous le patronage de l'État pour la culture des sciences et des lettres. L'Académie française est une compagnie. Il les a réunis [les gens de lettres] en une compagnie célèbre, La Bruyère, Disc. à l'Ac. fr. Comment oser blâmer les sciences devant une des plus savantes compagnies de l'Europe ? Rousseau, Disc. sur les sciences et les arts.

    Compagnie se dit aussi des maisons religieuses et des colléges. La compagnie de Jésus est la société des jésuites. La compagnie de Sorbonne. La compagnie de l'Oratoire. Tout notre corps est responsable des livres de chacun de nos pères [jésuites] ; cela est particulier à notre compagnie, Pascal, Prov. 9.

    Se dit également de l'ordre des avocats, des anciennes corporations et de celles des officiers ministériels.

    Anciennement, corps établi par autorité du roi pour rendre la justice. Les parlements, les chambres des comptes étaient des compagnies souveraines ou supérieures. J'entends dire de quelques particuliers ou de quelques compagnies : tel et tel corps se contestent l'un à l'autre la préséance, La Bruyère, XIV.

  • 4 Terme de commerce. Réunion de capitalistes, de négociants.

    Société industrielle formée d'actionnaires. Les compagnies des chemins de fer. Compagnies d'assurances. Les grandes compagnies industrielles.

    Un tel et compagnie (par abréviation Cie), formule de raison commerciale pour un tel et ses associés.

    Compagnie des Indes, association établie par Colbert pour le commerce de l'Inde, avec privilége exclusif. La compagnie des Indes, fondée avec des peines extrêmes par le grand Colbert, fut pendant quelques années une des plus grandes ressources du royaume, Voltaire, Louis XIV, 39. Lalli fut persécuté par plusieurs membres de la compagnie des Indes et sacrifié par le parlement, Voltaire, Lett. Tolendal, 28 avril 1773.

    Bâtiments de compagnie, bâtiments armés par une compagnie considérable et privilégiée de négociants.

    En Angleterre, la compagnie des Indes, société commerciale qui, ayant le privilége du commerce de l'Inde, a fini par faire la conquête de ce pays et par en expulser la compagnie française. Compagnie des grandes Indes, réunion de toutes les associations commerciales qui s'étaient formées en Hollande à la fin du XVIe siècle et au commencement du XVIIe.

    Terme d'arithmétique. Règle de compagnie, règle de trois composée qui sert à trouver quelle part peut avoir à la perte ou au gain chacun des marchands à proportion des fonds qu'il a mis.

  • 5 Terme de guerre. Troupe de gens de guerre.

    Corps de troupes ou division de corps de troupes commandée par un capitaine. Compagnie de grenadiers. Compagnie de dragons.

    Charge de capitaine. Il a eu permission du roi de vendre sa compagnie. Autrefois en France on avait le droit, comme on l'a encore en Angleterre, de se démettre, pour une somme d'argent, du droit de commander une compagnie.

    Compagnie franche, troupe irrégulière qui ne fait pas partie des cadres de l'armée.

    Compagnies d'ordonnances, c'étaient des compagnies franches de gendarmes, de chevau-légers du roi, de la reine, du Dauphin et de Monsieur ; ces compagnies n'entraient jamais en corps de régiments.

    Compagnies d'ordonnance, compagnies de gens d'armes organisées sous Charles VII.

    Les grandes compagnies, troupes d'aventuriers qui s'étaient formées pendant les longues guerres entre l'Angleterre et la France au XIVe siècle, et qui ravagèrent ce dernier pays.

    Compagnie de Jehu ou de Jésus ou du Soleil, associations royalistes qui se formèrent dans le midi de la France après la chute de Robespierre et qui égorgèrent pendant plus d'un an les adhérents du parti contraire.

  • 6 Terme de chasse. Une compagnie de perdrix, une troupe de perdrix.

    Bêtes de compagnie, marcassins, jeunes sangliers qui vont encore en troupes. Ce sanglier a quitté les compagnies, il commence à aller seul.

    Fig. Il est bête de compagnie, se dit d'un homme qui aime la société et qui se laisse facilement mener où l'on veut.

    Terme de fauconnerie. On dit qu'un oiseau est de bonne compagnie quand il n'est pas sujet à s'enfuir.

  • 7Union charnelle de l'homme et de la femme. Vieilli en ce sens. Tu feras Que de ta fille il ait la compagnie, La Fontaine, Herm.

PROVERBES

Par compagnie on se fait pendre, c'est-à-dire on fait, en faveur de la compagnie à laquelle on appartient, des choses condamnables.

Il n'est si bonne compagnie qui ne se sépare.

Il vaut mieux être seul qu'en mauvaise compagnie.

SYNONYME

1° COMPAGNIE, SOCIÉTÉ, dans le sens d'association. Les sociétés savantes, les compagnies savantes ; la société des jésuites, la compagnie des jésuites : entre ces locutions, il n'est pas possible, dans l'usage, d'apercevoir aucune nuance réelle ; sinon que quand il s'agit des membres rassemblés on dit plutôt compagnie que société : il lut son mémoire devant la compagnie.

2° BONNE SOCIÉTÉ, BONNE COMPAGNIE., La bonne société c'est la société composée des personnes qui occupent un haut rang dans une ville, dans le monde. À ce sens, bonne compagnie ajoute une idée d'élégance, idée qui n'est pas nécessairement comprise dans bonne société.

HISTORIQUE

XIe s. Vingt mille Francs [ils] ont en lur cumpaignie, Ch. de Rol. XLIII.

XIIe s. Irai sans conpegnie, Ronc. p. 15. Tout primerains devant sa conpagnie, ib. p. 58. En sa compeigne maint nobile vassal, ib. p. 78. Beau sire Diex, grief m'est à consirer [me séparer] Du grant soulas et de la conpaignie [de mon amante], Couci, XXII. Il a en sa compaigne Escorfant de Lutise, Sax. XXIII. Car bien pert [est évident] que cil a del mesfait compaignie, Ki ne volt contre-ester à l'aperte folie, Th. le mart. 72. L'arcevesques i vint Thomas od sa partie, E li reis Loewis od mult grant baronie, E li reis d'Engleterre od riche compaignie…, ib. 113. E à un jur avint que Helchana fist sacrefise, e, sulunc la lei, à sei retint partie, partie dunad à sa cumpaignie, Rois, 2. Pur quei ne portes cumpaignie à tun ami David, e ne vas od lui ? ib. 180.

XIIIe s. Lors seroie joians et envoisiés Et à plusieurs de bone compaignie, Jean de Brienne, Romancero, p. 142. Il et elle [Thibaut et la reine Blanche] lez à lez La [la France] tiennent de compaignie, Hues de la Ferté, ib. p. 189. Il est einsi que nous, pour la plus haute chose qui soit, somes à compaignie à la plus haute gent du monde, Villehardouin, XXXIX. Nous metrons cinquante galies armées en vostre conduit, par tel convenant que, tant comme nostre compaignie pourra ensemble durer…, Villehardouin, XIV. Et sont en sa compaigne plus de mille et sept cent, Berte, IX. C'est hideus temps à dame qui compaignie n'a, ib. XX. Chascuns lui porte honeur, douceur et compaignie, ib. LX. Com je vous ai porté mauvaise compaignie ! ib. X. Parmi le bois [il] s'en va tout seul sans compaignie, ib. CIX. Et li livrerent çou que mestiers li fu, deniers, reubes et chevaus et armeures et chevaliers de son linage, pour compaignie tenir et pour l'onneur de lui, Chron. de Rains, 85. Par ci trespasse une compaingne, Qui vient parmi ceste champaingne, Ren. 2455. Se cil qui tant iert tes amis, En bien amer a son cuer mis, Lors vaudra miex sa compaignie, la Rose, 2714. [Il] Fait à son mestre compaignie, ib. 8363. Douaires est aquis à la feme si tost comme loiax mariage et compaignie carnele est fete entre li et son mari, Beaumanoir, XIII, 25. Quant uns hons a compaignie à une feme hors de mariage, Beaumanoir, XVIII, 2. Et ces compaignies de quoi noz volons parler, c'est des compaignies qui sont teles que par la compaignie li avoir vienent à partie [partage], quant la compaignie faut, Beaumanoir, XXI, 1. Que nulz n'eust compaingnie à autrui femme ne à autrui fille, se il ne vouloit perdre le poing ou la vie, Joinville, 263. Quant aucunz riches homes mangoient avec li, il leur estoit de bone compaingnie, ib. 290. Compagnie de un, compagnie de nul ; compagnie de deux, compagnie de Dieu ; compagnie de trois, compagnie de rois ; compagnie de quatre, compagnie de diable, Leroux de Lincy, Proverb. t. II, p. 276. [Esperverie] est ung deduict trop plaisant, tant pour ce qu'on vole souvent, comme pour les beaux vols que ung esprevier fait, et aussi pour la compaignie avec qui on est, Modus, f° XCV, verso.

XVe s. Les aucuns des seigneurs et des chevaliers d'Angleterre demeurerent à Anviers pour lui faire compagnie [au roi], Froissart, I, I, 71. Monseigneur, si vous nous voulez faire bonne compagnie à mes compagnons et à moi, je vous rendrai le chastel, Froissart, II, III, 8. Si comme ils ordonnerent, ils firent ; et s'en vinrent plus de trois cents d'une compagnie [les habitants d'Ypre venant implorer la clémence du comte de Flandre], Froissart, II, II, 89. Si je vous prie que vous y veuilliez regarder et entendre [à protéger une garnison qui a capitulé], et nous faites compagnie d'armes, Froissart, I, I, 242. Sans point souffrir soing ou merencolie, Aucunement me tenir compaignie, Orléans, . Banny de bonne compaignie, Orléans, Bal. 94. Allez, allez, soucy, soin et merencolie ; Si jamais plus vous revenez Avesques vostre compaignie, Je prie à Dieu qu'il vous maudie Et le jour que vous reviendrez, Orléans, Rondel. Quand vous estes seule sans compaignie, Orléans, ib. 12. Honoré Collin n'estoit point bien assuré qu'on ne leur jouast à la fausse compagnie, Monstrelet, liv. II, ch. 192. Pour lui faire compaignée, se fist escripre et se mit en la prison avec lui, Bouciq. part. I, chap. 15. Et le lendemain le mareschal se partit à tout sa compaignée, ib. part. I, ch. 30. Des gens d'armes il n'y avoit que le dit Joachin et sa compaignie, Commines, I, 2. Quant toute ceste compaignie fut passée que l'on estimoit cent mille chevaulx, Commines, I, 6.

XVIe s. Toute compagnie d'homme et de femme hors mariage est maudite devant Dieu, Calvin, Instit 303. Le mari et la femme fidele font bien, si pour quelque temps ils s'abstiennent de la compagnie du lict pour vaquer plus librement à jusne et oraison, Calvin, ib. 997. Vous m'avez laissée en une compaignie tant aisée à vivre que je n'ay encores oui une seule parole que une seur ne deust dire à l'aultre, Marguerite de Navarre, L. XCVIII. En la compaignie d'un chien, Montaigne, I, 37. Vivre en bonne compaignie, Montaigne, I, 52. Ces compaignies-là [les parlements] sont plus fournies de science que de conscience, Montaigne, I, 148. Je pleurerois ayséement par compagnie, Montaigne, II, 127. Il estoit seul de sa compagnie, et avoit la contenance d'un nouveau venu, Despériers, Contes, L. Je ne suis point dolent d'estre privé et separé de ta compagnie, car je me rendray tantost par devers toy, Amyot, Anton. 99. Il se leva une grosse compagnie de corbeaux, qui avec grands cris prindrent leur vol vers le bateau, Amyot, Cicéron, 59. Quoy qu'il fust gay et recreatif en compagnie, Amyot, Démétr. 3. Et prioit Alexandre de luy pardonner ce qu'il ne luy pouvoit faire plus longue compagnie, ains estoit contraint de se partir d'avec lui, Amyot, ib. 49. Varius, l'un de ses familiers qui luy tenoit compagnie à boire, Amyot, Anton. 22. Les cohortes praetoriennes, qui sont les compagnies coulonnelles, Amyot, ib. 48. Petite compagnie, vie alegre et lie, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 371. Un matin qu'elle avoit compagnie françoise [son galant], Bouchet, Serées, liv. II, p. 124, dans LACURNE.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

* COMPAGNIE, s. f. (Gramm.) se dit en général d’une association libre de plusieurs particuliers, qui ont un ou plusieurs objets communs. Il y a des associations de personnes religieuses, militaires, commerçantes, &c. ce qui forme plusieurs sortes de compagnies différentes par leur objet.

Compagnie, c’est dans l’Art militaire un certain nombre de gens de guerre sous la conduite d’un chef appellé capitaine. Les régimens sont composés de compagnies.

Il y a plusieurs compagnies en France qui ne sont point enrégimentées, ou qui ne composent point de régimens, telles sont celle des grenadiers-à-cheval, des gardes-du-corps, des gendarmes & chevaux-legers de la garde, des mousquetaires, des gendarmes, des compagnies d’ordonnance, &c. Voyez toutes ces compagnies aux articles qui leur conviennent, c’est-à-dire, voyez Grenadiers-à-cheval, Gardes-du-corps, &c. (Q)

Compagnies d’ordonnance ; c’étoit dans l’origine quinze compagnies de gendarmes créées par Charles VII, de cent hommes d’armes chacune. V. Homme d’armes.

Ces compagnies, dont plusieurs princes & grands seigneurs étoient capitaines, ont subsisté jusques vers le tems de la paix des Pyrenées, sous le regne de Louis XIV. Celles des seigneurs furent alors supprimées : on ne conserva que celles des princes.

Le Roi est aujourd’hui capitaine de toutes les compagnies de gendarmerie, & les commandans de ces compagnies n’ont que le titre de capitaine-lieutenant. Elles sont fort différentes des anciennes compagnies d’ordonnance ; cependant pour distinguer les gendarmes qui les composent des gendarmes de la garde du Roi, on les appelle ordinairement gendarmes des compagnies d’ordonnance. Voyez Gendarme & Gendarmerie (Q)

Compagnies. On a ainsi appellé autrefois en France des especes de troupes de brigands, que les princes prenoient à leur solde dans le besoin, pour s’en servir dans les armées.

Ces troupes n’étoient ni Angloises ni Françoises, mais mêlées de diverses nations. On leur donne dans l’histoire divers noms, tantôt on les appelle cotteraux, coterelli, tantôt routiers, ruptarii, rutarii, & tantôt Brabançons, Brabantiones. Nos anciens historiens François appelloient ces troupes les routes ou les compagnies.

Cette milice, dont le P. Daniel croit que Philippe Auguste fut le premier qui commença à se servir, subsista jusqu’au regne de Charles V. Ce prince, surnommé le sage, & dont en effet la sagesse fut le principal caractere, trouva le moyen de délivrer la France de ces brigands par l’entremise de Bertrand du Guesclin. Ce seigneur engagea les compagnies & les routes à le suivre en Espagne, pour aller faire la guerre à Pierre le cruel, roi de Castille, en faveur du comte de Transtamare frere bâtard de ce prince. Du Guesclin réussit si bien, qu’il détrôna Pierre le cruel & mit sur le trône Henri de Transtamare. Les compagnies dans les deux expéditions d’Espagne périrent presque toutes ou se dissiperent ; & le Roi donna de si bons ordres par-tout, qu’en peu d’années elles furent entierement exterminées en France. Le P. Daniel, histoire de la milice Françoise. (Q)

Compagnie, (Jurisp.) on appelle compagnies de justice, les tribunaux qui sont composés de plusieurs juges. Ils ne se qualifient pas de compagnie dans les jugemens ; les cours souveraines usent du terme de cour, les juges inférieurs usent du terme collectif nous. Mais dans les délibérations qui regardent les affaires particulieres du tribunal, & lorsqu’il s’agit de cérémonies, les tribunaux, soit souverains ou inférieurs, se qualifient de compagnie ; ils en usent de même pour certains arrêtés concernant leur discipline ou leur jurisprudence ; ces arrêtés portent que la compagnie a arrêté, &c. (A)

Compagnies semestres, sont des cours ou autres corps de justice, dont les officiers sont partagés en deux colonnes, qui servent chacune alternativement pendant six mois de l’année. Voyez Semestres. (A)

Compagnies souveraines ou Cours supérieures, sont celles qui sous le nom & l’autorité du Roi, jugent souverainement & sans appel dans tous les cas, de maniere qu’elles ne reconnoissent point de juges supérieurs auxquels elles ressortissent, tels sont les parlemens, le grand-conseil, les chambres des comptes, cours des aides, cours des monnoies, les conseils supérieurs, &c.

Les présidiaux ne sont pas des compagnies souveraines, quoiqu’ils jugent en dernier ressort au premier chef de l’édit, parce que leur pouvoir est limité à certains objets. Voyez Loiseau, des seign. chap. iij. n. 23. (A)

Compagnie de Commerce : on entend par ce mot une association formée pour entreprendre, exercer, ou conduire des opérations quelconques de commerce.

Ces compagnies sont de deux sortes, ou particulieres, ou privilégiées.

Les compagnies particulieres sont ordinairement formées entre un petit nombre d’individus, qui fournissent chacun une portion des fonds capitaux, ou simplement leurs conseils & leur tems, quelquefois le tout ensemble, à des conditions dont on convient par le contrat d’association : ces compagnies portent plus communément la dénomination de sociétés. Voy. Société.

L’usage a cependant conservé le nom de compagnie, à des associations ou sociétés particulieres, lorsque les membres sont en grand nombre, les capitaux considérables, & les entreprises relevées soit par leur risque, soit par leur importance. Ces sortes de sociétés-compagnies sont le plus souvent composées de personnes de diverses professions, qui peu entendues dans le commerce, confient la direction des entreprises à des associés ou à des commissionnaires capables, sous un plan général. Quoique les opérations de ces compagnies ne reçoivent aucune préférence publique sur les opérations particulieres, elles sont cependant toûjours regardées d’un œil mécontent dans les places de commerce, parce que toute concurrence diminue les bénéfices. Mais cette raison même doit les rendre très-agréables à l’état, dont le commerce ne peut être étendu & perfectionné, que par la concurrence des négocians.

Ces compagnies sont utiles aux commerçans, même en général ; parce qu’elles étendent les lumieres & l’intérêt d’une nation sur cette partie toûjours enviée & souvent méprisée, quoiqu’elle soit l’unique ressort de toutes les autres.

L’abondance de l’argent, le bas prix de son intérêt, le bon état du crédit public, l’accroissement du luxe, tous signes évidens de la prospérité publique, sont l’époque ordinaire de ces sortes d’établissemens : ils contribuent à leur tour à cette prospérité, en multipliant les divers genres d’occupation pour le peuple, son aisance, ses consommations, & enfin les revenus de l’état.

Il est un cas cependant où ils pourroient être nuisibles ; c’est lorsque les intérêts sont partagés en actions, qui se négotient & se transportent sans autre formalité : par ce moyen les étrangers peuvent éluder cette loi si sage, qui dans les états policés défend d’associer les étrangers non-naturalisés ou non-domiciliés dans les armemens. Les peuples qui ont l’intérêt de l’argent à meilleur marché que leurs voisins, peuvent à la faveur des actions s’attirer de loin tout le bénéfice du commerce de ces voisins ; quelquefois même le ruiner, si c’est leur intérêt : c’est uniquement alors que les négocians ont droit de se plaindre. Autre regle générale : tout ce qui peut être la matiere d’un agiotage est dangereux dans une nation qui paye l’intérêt de l’argent plus cher que les autres.

L’utilité que ces associations portent aux intéressés est bien plus équivoque, que celle qui en revient à l’état. Cependant il est injuste de se prévenir contre tous les projets, parce que le plus grand nombre de ceux qu’on a vû éclore en divers tems, a échoüé. Les écueils ordinaires sont le défaut d’œconomie, inséparable des grandes opérations ; les dépenses fastueuses en établissemens, avant d’avoir assûré les profits ; l’impatience de voir le gain ; le dégoût précipité ; enfin la mesintelligence.

La crédulité, fille de l’ignorance, est imprudente ; mais il est inconséquent d’abandonner une entreprise qu’on savoit risquable, uniquement parce que ses risques se sont déployés. La fortune semble prendre plaisir à faire passer par des épreuves ceux qui la sollicitent ; ses largesses ne sont point reservées à ceux que rebutent ses premiers caprices.

Il est quelques regles générales, dont les gens qui ne sont point au fait du commerce, & qui veulent s’y intéresser, peuvent se prémunir. 1°. Dans un tems où les capitaux d’une nation sont augmentés dans toutes les classes du peuple, quoiqu’avec quelque disproportion entre elles, les genres de commerce qui ont élevé de grandes fortunes, & qui soûtiennent une grande concurrence de négocians, ne procurent jamais des profits bien considérables ; plus cette concurrence augmente, plus le desavantage devient sensible. 2°. Il est imprudent d’employer dans des commerces éloignés & risquables, les capitaux dont les revenus ne sont point superflus à la subsistance : car si les intéressés retirent annuellement ou leurs bénéfices, ou simplement leurs intérêts à un taux un peu considérable, les pertes qui peuvent survenir retombent immédiatement sur le capital ; ce capital lui-même se trouve quelquefois déjà diminué par les dépenses extraordinaires des premieres années ; les opérations languissent, ou sont timides ; le plan projetté ne peut être rempli, & les bénéfices seront certainement médiocres, même avec du bonheur. 3°. Tout projet qui ne présente que des profits, est dressé par un homme ou peu sage, ou peu sincere. 4°. Une excellente opération de commerce est celle où, suivant le cours ordinaire des évenemens, les capitaux ne courent point de risque. 5°. Le gain d’un commerce est presque toûjours proportionné à l’incertitude du succès ; & l’opération est bonne, si cette proportion est bien claire. 6°. Le choix des sujets qui doivent être chargés de la conduite d’une entreprise, est le point le plus essentiel à son succès. Tel est capable d’embrasser la totalité des vûes, & de diriger celles de chaque opération particuliere à l’avantage commun, qui réussira très-mal dans les détails : l’aptitude à ceux-ci marque du talent, mais souvent ne marque que cela. On peut sans savoir le commerce, s’être enrichi par son moyen ; si les lois n’étoient point chargées de formalités, un habile négociant seroit sûrement un bon juge ; il seroit dans tous les cas un grand financier : mais parce qu’un homme sait les lois, parce qu’il a bien administré les revenus publics, ou qu’il a beaucoup gagné dans un genre de négoce, il ne s’ensuit pas que son jugement doive prévaloir dans toutes les délibérations de commerce.

On n’a jamais vû tant de plans & de projets de cette espece, que depuis le renouvellement de la paix ; & il est remarquable que presque tous ont tourné leurs vûes vers Cadix, la Martinique, & Saint-Domingue. Cela n’exigeoit pas une grande habileté ; & pour peu qu’on eût voulu raisonner, il étoit facile de prévoir le sort qu’ont éprouvé les intéressés. Il en a résulté que beaucoup plus de capitaux sont sortis de ces commerces, qu’il n’en étoit entré d’excédens.

Si l’on s’étoit occupé à découvrir de nouvelles mines, qu’on eût établi de solides factories dans des villes moins connues, comme à Naples, à Hambourg ; si des compagnies avoient employé de grands capitaux, sagement conduits dans le commerce de la Loüisiane ou du Nord ; si elles avoient formé des entreprises dans nos Antilles qui en sont susceptibles comme à la Guadeloupe, à Cayenne, on eût bientôt reconnu qu’il y a encore plus de grandes fortunes solides à faire dans les branches de commerce qui ne sont pas ouvertes, qu’il n’en a été fait jusqu’à présent. Les moyens de subsistance pour le peuple & les ressources des familles, eussent doublé en moins de dix ans.

Ces détails ne seroient peut-être pas faits pour un dictionnaire ordinaire ; mais le but de l’Encyclopédie est d’instruire, & il est important de disculper le commerce des fautes de ceux qui l’ont entrepris.

Les compagnies, ou communautés privilégiées, sont celles qui ont reçu de l’état un droit ou des faveurs particulieres pour certaines entreprises, à l’exclusion des autres sujets. Elles ont commencé dans des tems de barbarie & d’ignorance, où les mers étoient couvertes de pirates, l’art de la navigation grossier & incertain, & où l’usage des assûrances n’étoit pas bien connu. Alors il étoit nécessaire à ceux qui tentoient la fortune au milieu de tant de périls, de les diminuer en les partageant, de se soûtenir mutuellement, & de se réunir en corps politiques. L’avantage que les états en retiroient, firent accorder des encouragemens & une protection spéciale à ces corps ; ensuite les besoins de ces états & l’avidité des marchands, perpétuerent insensiblement ces priviléges, sous prétexte que le commerce ne se pouvoit faire autrement.

Ce préjugé ne se dissipa point entierement à mesure que les peuples se poliçoient, & que les connoissances humaines se perfectionnoient ; parce qu’il est plus commode d’imiter que de raisonner : & encore aujourd’hui bien des gens pensent que dans certains cas il est utile de restraindre la concurrence.

Un de ces cas particuliers que l’on cite, est celui d’une entreprise nouvelle, risquable, ou coûteuse. Tout le monde conviendra sans doute, que celles de ce genre demandent des encouragemens & des graces particulieres de l’état.

Si ces graces & ces encouragemens sont des exemptions de droits, il est clair que l’état ne perd rien à ce qu’un plus grand nombre de sujets en profite, puisque c’est une industrie nouvelle qu’il favorise. Si ce sont des dépenses, des gratifications, ce qui est le plus sûr & même indispensable, on sent qu’il résulte trois conséquences absolues de la concurrence. La premiere, qu’un plus grand nombre d’hommes s’enrichissant, les avances de l’état lui rentrent plus sûrement, plus promptement. La seconde, que l’établissement sera porté plûtôt à sa perfection, qui est l’objet des dépenses, à mesure que de plus grands efforts y contribueront. La troisieme, que ces dépenses cesseront plûtôt.

Le lecteur sera mieux instruit sur cette matiere, en mettant sous ses yeux le sentiment d’un des plus habiles hommes de l’Angleterre dans le commerce. Je parle de M. Josias Child, au ch. iij. d’un de ses traités intitulé, Trade, and interest of money considered.

Personne n’est en droit de se flatter de penser mieux ; & ce que je veux dire, soûtenu d’une pareille autorité, donnera moins de prise à la critique. Il est bon d’observer que l’auteur écrivoit en 1669, & que plusieurs choses ont changé depuis ; mais presque toutes en extension de ses principes.

« Nous avons parmi nous, dit M. J. Child, deux sortes de compagnies de commerce. Dans les unes, les capitaux sont réunis comme dans la compagnie des Indes orientales, dans celle de Morée, qui est une branche de celle de Turquie ; & dans celle de Groenland, qui est une branche de la compagnie de Moscovie. Dans les autres associations ou compagnies de commerce, les particuliers qui en sont membres trafiquent avec des capitaux séparés, mais sous une direction & des regles communes. C’est ainsi que se font les commerces de Hambourg, de Turquie, du Nord, & de Moscovie.

» Depuis plusieurs années, on dispute beaucoup sur cette question ; savoir, s’il est utile au public de réunir les marchands en corps politiques.

» Voici mon opinion à ce sujet.

» 1°. Les compagnies me paroissent absolument nécessaires pour faire le commerce dans les pays avec lesquels S. M. n’a point d’alliances, ou n’en peut avoir ; soit à raison des distances, soit à cause de la barbarie des peuples qui habitent ces contrées, ou du peu de communication qu’ils ont avec les princes de la Chrétienté : enfin par-tout où il est nécessaire d’entretenir des forts & des garnisons. Tel est le cas des commerces à la côte d’Afrique & aux Indes orientales.

» 2°. Il me paroît évident que la plus grande partie de ces deux commerces, doit être faite par une compagnie dont les fonds soient réunis ». (Depuis ce tems les Anglois ont trouvé le secret de mettre d’accord la liberté & la protection du commerce à la côte d’Afrique. Voyez Grande Bretagne son commerce.)

» 3°. Il me paroît fort difficile de décider qu’aucune autre compagnie de commerce privilégiée, soit utile ou dommageable au public.

» 4°. Je ne laisse pas de conclure en général, que toutes les restrictions de commerce sont nuisibles ; & conséquemment que nulle compagnie quelconque, soit qu’elle trafique avec des capitaux réunis ou simplement sous des regles communes, n’est utile au public ; à moins que chaque sujet de S. M. n’ait en tout tems la faculté de s’y faire admettre à très-peu de frais. Si ces frais excedent au total la valeur de vingt livres sterlings, c’est beaucoup trop, pour trois raisons.

» La premiere, parce que les Hollandois dont le commerce est le plus florissant en Europe, & qui ont les regles les plus sûres pour s’enrichir par son moyen, admettent librement & indifféremment, dans toutes leurs associations de marchands & même de villes, non seulement tous les sujets de l’état, mais encore les Juifs, & toutes sortes d’étrangers.

» La seconde, parce que rien au monde ne peut nous mettre en état de soûtenir la concurrence des Hollandois dans le commerce, que l’augmentation des commerçans & des capitaux : c’est ce que nous procurera une entrée libre dans les communautés qui s’en occupent. Le grand nombre des hommes & la richesse des capitaux sont aussi nécessaires pour pousser avantageusement un commerce, que pour faire la guerre.

» Troisiemement, le seul bien qu’on puisse espérer des communautés ou associations, c’est de régler & de guider le commerce. Si l’on rend libre l’entrée à des compagnies, les membres n’en seront pas moins soûmis à cet ordre qu’on veut établir ; ainsi la nation en retirera tous les avantages qu’elle a pû se promettre.

» Le commerce du Nord consomme, outre une grande quantité de nos productions, une infinité de denrées d’Italie, d’Espagne, du Portugal, & de France. Le nombre de nos négocians qui font ce commerce, est bien peu de chose, si nous le comparons avec le nombre des négocians qui en Hollande font le même commerce. Nos négocians du Nord s’occupent principalement de ce commerce au-dedans & au-dehors, & conséquemment ils sont bien moins au fait de ces denrées étrangeres ; peut-être même ne sont-ils pas assez riches pour en entreprendre le négoce. Si d’un autre côté on fait attention que par les chartes de cette compagnie, nos autres négocians qui connoissent parfaitement bien les denrées d’Italie, d’Espagne, du Portugal & de France, sont exclus d’en faire commerce dans le Nord ; ou qu’au moins, s’ils reçoivent permission de la compagnie d’y en envoyer, ils ne l’ont pas d’en recevoir les retours, il sera facile de concevoir que les Hollandois doivent fournir par préférence le Danemark, la Suede, & toutes les côtes de la mer Baltique, de ces mêmes denrées étrangeres. C’est ce qui arrive réellement.

» Quoique les Hollandois n’ayent point de compagnies du Nord, ils y font dix fois plus de commerce que nous.

» Notre commerce en Portugal, en Espagne, en Italie, n’est point en compagnies, & il est égal à celui que la Hollande fait dans ces pays, s’il n’est plus considérable. »

(Si dans cette position des choses, le commerce de l’Angleterre étoit égal à celui de la Hollande dans les pays qu’on vient de nommer, il est évident ou que ce commerce eût augmenté par la liberté de la navigation du Nord, ou que l’Angleterre revendoit à la Hollande une partie de ses retours, & se privoit ainsi d’une portion considérable de leur bénéfice. C’est l’effet de toutes les navigations restraintes, parce que les grands assortimens procurent seuls de grandes ventes).

« Nous avons des compagnies pour le commerce de la Russie & du Groenland ; mais il est presque entierement perdu pour nous, & nous n’y en faisons pas la quarantieme partie autant que les Hollandois, qui n’ont point eu recours aux compagnies pour l’établir.

» De ces faits il résulte.

» 1°. Que les compagnies restraintes & limitées ne sont pas capables de conserver ou d’accroître une branche de commerce.

» 2°. Qu’il arrive que des compagnies limitées, quoiqu’établies & protégées par l’état, font perdre à la nation une branche de son commerce.

» 3°. Qu’on peut étendre avec succès notre commerce dans toute la Chrétienté, sans établir de compagnies.

» 4°. Que nous avons plus déchû, ou si l’on veut, que nous avons fait moins de progrès dans les branches confiées à des compagnies limitées, que dans celles où tous les sujets de S. M. indifféremment ont eu la liberté du négoce.

» On fait contre cette liberté diverses objections, auxquelles il est facile de répondre. »

Premiere objection. « Si tous ceux qui veulent faire un commerce en ont la liberté, il arrivera que de jeunes gens, des détaillans, & d’autres voudront s’ériger en marchands ; leur inexpérience causera leur ruine & portera préjudice au commerce, parce qu’ils acheteront cher ici pour vendre à bon marché dans l’étranger ; ou bien ils acheteront à haut prix les denrées étrangeres, pour les revendre à leur perte.

» A cela je réponds, que c’est une affaire personnelle, chacun doit être son propre tuteur. Ces personnes, après tout, ne feront dans les branches de commerce qui sont aujourd’hui en compagnies, que ce qu’elles ont fait dans celles qui sont ouvertes à tous les sujets. Les soins des législateurs embrassent la totalité du peuple, & ne s’étendent pas aux affaires domestiques. Si ce qu’on allegue se trouve vrai, que nos marchandises se vendront au-dehors à bon marché, & que les denrées étrangeres seront données ici à bas prix, j’y vois deux grands avantages pour la nation. »

II. objection. « Si la liberté est établie, les boutiquiers ou détaillans qui revendent les denrées que nous importent en retour les compagnies, auront un tel avantage dans ces commerces sur les marchands, qu’ils s’empareront de toutes les affaires.

» Nous ne voyons rien de pareil en Hollande, ni dans nos commerces libres ; tels que celui de France, de Portugal, d’Espagne, d’Italie, & de toutes nos colonies : de plus, cela ne peut arriver. Un bon détail exige des capitaux souvent considérables, & il est d’une grande sujettion ; le commerce en gros de son côté révendique les mêmes soins : ainsi il est très-difficile qu’un homme ait tout à la fois assez de tems & d’argent pour suivre également ces deux objets. De plusieurs centaines de détaillans qu’on a vû entreprendre le commerce étranger, il en est très-peu qui au bout de deux ou trois ans d’expérience, n’ayent renoncé à l’une de ces occupations pour s’adonner entierement à l’autre. Quoi qu’il en soit, cette considération est peu touchante pour la nation, dont l’intérêt général est d’acheter à bon marché, quel que soit le nom ou la qualité du vendeur, soit gentilhomme, négociant, ou détaillant. »

III. objection. « Si les boutiquiers ou autres gens ignorans dans le commerce étranger, le peuvent faire librement, ils négligeront l’exportation de nos productions, & feront entrer au contraire des marchandises étrangeres, qu’ils payeront en argent ou en lettres de change ; ce qui sera une perte évidente pour la nation.

» Il est clair que ces personnes ont comme toutes les autres, leur intérêt personnel pour premiere loi : si elles trouvent de l’avantage à exporter nos productions, elles le feront ; s’il leur convient mieux de remettre de l’argent ou des lettres de change à l’étranger, elles n’y manqueront pas : dans toutes ces choses, les négocians ne suivront point d’autres principes. »

IV. objection. « Si le commerce est libre, que gagnera-t-on par l’engagement de sept années de services, & par les sommes que les parens payent à un marchand pour mettre leurs enfans en apprentissage ? quels sont ceux qui prendront un tel parti ?

» Le service de sept années, & l’argent que donnent les apprentis, n’ont pour objet que l’instruction de la jeunesse qui veut apprendre l’art ou la science du commerce, & non pas l’acquisition d’un monopole ruineux pour la patrie. Cela est si vrai, qu’on contracte ces engagemens avec des négocians qui ne sont incorporés dans aucune communauté ou compagnie ; & parmi ceux qui y sont incorporés, il en est auxquels on ne voudroit pour rien au monde confier des apprentis ; parce que c’est la condition du maître que l’on recherche, suivant sa capacité, sa probité, le nombre, & la nature des affaires qu’il fait, sa bonne ou sa mauvaise conduite, tant personnelle que dans son domestique. »

V. objection. « Si le commerce est rendu libre, ne sera-ce pas une injustice manifeste à l’égard des compagnies de négocians, qui par eux-mêmes ou par leurs prédécesseurs ont dépensé de grandes sommes pour obtenir des priviléges au-dehors, comme fait la compagnie de Turquie & celle de Hambourg ?

» Je n’ai jamais entendu dire qu’aucune compagnie sans réunion de capitaux, ait déboursé d’argent pour obtenir ses priviléges, qu’elle ait construit des forteresses, ou fait la guerre à ses dépens. Je sai bien que la compagnie de Turquie entretient à ses frais un ambassadeur & deux consuls ; que de tems en tems elle est obligée de faire des présens au grand-seigneur ou à ses principaux officiers ; que la compagnie de Hambourg est également tenue à l’entretien de son ministre ou député dans cette ville : aussi je pense qu’il seroit injuste que des particuliers eussent la liberté d’entreprendre ces négoces, sans être soûmis à leur quote part des charges des compagnies respectives. Mais je ne conçois point par quelle raison un sujet seroit privé de ces mêmes négoces, en se soûmettant aux réglemens & aux dépenses communes des compagnies, ni pourquoi son association devroit lui coûter fort cher. »

Sixieme objection. « Si l’entrée des compagnies est libre, elles se rempliront de boutiquiers à un tel point, qu’ils auront la pluralité des suffrages dans les assemblées : par ce moyen les places de directeurs & d’assistans seront occupées par des personnes incapables, au préjudice des affaires communes.

» Si ceux qui font cette objection sont négocians, ils savent combien peu elle est fondée : car c’est beaucoup si une vingtaine de détaillans entrent dans une année dans une association ; & ce nombre n’aura pas d’influence dans les élections. S’il s’en présente un plus grand nombre, c’est un bonheur pour la nation, & ce n’est point un mal pour les compagnies : car l’intérêt est l’appas commun de tous les hommes ; & ce même intérêt commun fait desirer à tous ceux qui s’engagent dans un commerce, de le voir reglé & gouverné par des gens sages & expérimentés. Les vœux se réuniront toûjours pour cet objet ; & la compagnie des Indes en fournit la preuve, depuis que tout Anglois a pû y entrer en achetant une action, & en payant cinq livres pour son association. Les contradicteurs sur cette matiere ont dû se convaincre que la compagnie a été appuyée sur de meilleurs fondemens, & mieux gouvernée infiniment que dans les tems où l’association coûtoit cinquante livres sterlings.

» Le succès a justifié cet arrangement, puisque la nouvelle compagnie étayée par des principes plus profitables, a triplé son capital ; tandis que l’ancienne plus limitée, a déchû continuellement, & enfin s’est ensevelie sous ses ruines, quoique commencée avec plus de succès ».

Ce qui regarde les diverses compagnies de l’Europe, est renvoyé au commerce de chaque état. Cet article est de M. V. D. F.

La regle de Compagnie, en Arithmétique, est une regle dont l’usage est très-nécessaire pour arrêter les comptes entre les marchands & propriétaires de vaisseaux ; lorsqu’un certain nombre de personnes ayant fait ensemble un fonds, on propose de partager le gain ou la perte proportionnellement entr’eux.

La regle de trois répétée plusieurs fois est le fondement de la regle de compagnie, & satisfait pleinement à toutes les questions de cette espece ; car la mise de chaque particulier doit être à sa part du gain ou de la perte, comme le fonds total est à la perte ou au gain total : donc il faut additionner les différentes sommes d’argent que les associés ont fournies, pour en faire le premier terme ; le gain on la perte commune sera le second ; chaque mise particuliere sera le troisieme ; & il faudra répéter la regle de trois autant de fois qu’il y a d’associés.

Cette regle a deux cas : il y a différens tems à observer, ou il n’y en a point.

La regle de compagnie, sans distinction de tems, est celle dans laquelle on ne considere que la quantité de fonds que chaque associé a fourni, sans avoir égard au tems que cet argent a été employé, parce que l’on suppose que tous les fonds ont été mis dans le même tems. Un exemple rendra cette opération facile.

A, B, & C, ont chargé un vaisseau de 212 tonneaux de vin ; A a fourni 1342 liv. B 1178 liv. & C 630 liv. toute la cargaison est vendue à raison de 32 liv. chaque tonneau. On demande combien il revient à chacun.

Trouvez le produit entier du vin en multipliant 212 par 32, qui revient à 6784 liv. ensuite ajoûtant ensemble les mises particulieres 1342 liv. 1178 liv. & 630 liv. qui font 3150 liv. l’opération sera

3150:6784 1342 est à 2890.
1178 est à 2537.
630 est à 1356.

Preuve 3150 6783.     Chambers. (E)

La raison pour laquelle on n’a point d’égard aux tems dans cette regle, c’est qu’étant le même pour chaque mise, il doit influer également sur le gain ou la perte que chacune doit porter. Mais il n’en est pas de même, lorsque le tems de chaque mise est différent.

C’est ce qu’on appelle regle de compagnie par tems, & qu’il est bon d’expliquer avec clarté, d’autant que plusieurs de ceux qui en ont parlé y ont laissé des difficultés. Supposons deux particuliers que, pour plus de facilité, je distinguerai par A & par B, qui ayent fait ensemble une société. L’un met au premier Janvier la somme a, & au premier Avril la somme b ; le second met au premier Janvier la somme c, au premier Juillet la somme d ; & au bout de quinze mois il leur vient la somme c qu’il faut partager entr’eux. On demande de quelle maniere on la doit partager.

Il est évident que la mise de chacun doit être regardée comme un fonds qui travaille pendant tout le tems qui s’écoule depuis cette mise jusqu’au tems du profit ; que par conséquent on peut la regarder comme de l’argent placé à un certain denier x, dont la quantité dépend de la somme e. De plus ce denier doit être le même pour chacun des intéressés, il n’y aura que le plus ou moins de tems qui fera varier le profit ; ensorte que si xa est le denier x de a pour un mois, xb, xc, xd, seront aussi le denier de b, c, &c. pour un mois.

Il faut savoir maintenant sur quel pié l’intérêt doit être envisagé ici, s’il est simple ou composé. Voyez Intérêt. C’est une chose qui dépend uniquement de la convention entre les intéressés. C’est ce qu’on a déjà fait sentir à l’article Arrérages, & qui sera expliqué plus en détail à l’art. Intérêt. On regarde ordinairement l’intérêt comme simple dans ces sortes de calculs ; nous allons d’abord le considérer sous ce point de vûe.

1°. Supposons que l’intérêt soit simple, que x soit le denier de la somme a pour un mois, il est certain que la somme a mise au 1er Janvier, doit au bout des quinze mois produire  ; que la somme b mise au premier Avril, & travaillant pendant douze mois, doit au bout des quinze mois produire  ; que la somme c mise au premier Janvier produira  ; & que la somme d mise au premier Juillet, & travaillant pendant neuf mois, doit produire . Or ces quatre quantités prises ensemble doivent être égales à la somme retirée e. Donc .
Donc
Donc la somme gagnée par le premier sera , laquelle sera
, & ainsi des autres.

Si l’intérêt est composé, en ce cas au lieu de , il faudra , &c. & l’on aura . Equation beaucoup plus difficile à résoudre que la précédente, mais dont on peut venir à bout par approximation.

Il me semble que dans les regles de compagnie on devroit traiter l’intérêt comme composé ; car tout intérêt est tel par sa nature, à moins qu’il n’y ait entre les intéressés une convention formelle du contraire ; voyez Intérêt & Arrérages. Mais il semble que l’usage, sans qu’on sache trop pourquoi, est de regarder l’intérêt comme simple dans ces sortes d’associations.

Quand le tems des mises est égal, alors soit qu’on regarde l’intérêt comme simple ou comme composé, il est inutile d’avoir égard au tems. En effet supposons que les deux mises soient a & c, on a dans le premier cas  ; donc &
d’où l’on voit que le gain de a est à la mise comme le gain total e est à la mise totale a + c, ainsi que le donne la regle de compagnie, où on n’a point d’égard au tems.

Si l’intérêt est composé, on aura  ; donc  ; donc , ce qui donne encore la même analogie.

Il y a cependant une observation à faire dans la regle de compagnie par tems, quand l’intérêt est simple. Je suppose, comme ci-dessus, que l’intéressé A mette a au mois de Janvier & b au mois d’Avril, il est évident qu’au premier Avril exprimera ce que l’intéressé A doit retirer, ou plûtôt sa véritable mise ; & cette mise étant augmentée de b, on aura pour sa mise au premier Avril ; or cette mise étant multipliée par donnera pour la mise totale de A à la fin des quinze mois, ce qui differe de qu’on a trouvé ci-dessus pour la mise totale de A, puisque cette mise est plus petite de la quantité  ; comment accorder tout cela ? en voici le dénouement.

Tout dépend ici de la convention mutuelle des intéressés ; c’est précisément le même cas que nous avons touché dans l’article Arrérage, en supposant que le débiteur rembourse au créancier une partie de son dû. En multipliant par , l’intérêt cesse d’être simple rigoureusement parlant, puisque l’intérêt de a qui devroit être , est 15 . C’est pourquoi l’intérêt étant supposé simple, il faut prendre simplement pour la mise de A, à moins qu’il n’y ait entre les intéressés une convention formelle pour le contraire. Cet inconvénient n’a pas lieu dans le cas de l’intérêt composé ; car ou sont la même chose : ce qui prouve, pour le dire en passant, que l’intérêt doit par sa nature être regardé comme composé, puisqu’on trouve le même résultat de quelque maniere qu’on envisage la question.

Si un des intéressés, par exemple B, retire de la société la somme f au bout de trois mois, alors dans le cas de l’intérêt composé il faudra ajoûter à la mise de A la somme , & retrancher de la mise de B la même somme, & achever le calcul, comme ci-dessus, en faisant la somme des deux mises égale à e. Si l’intérêt est simple, il faudra retrancher de la mise de B, & l’ajoûter à la mise de A, ou (si la convention entre les intéressés est telle) il faudra prendre pour la mise de A. & pour celle de B il faudra d’abord prendre  ; ajoûter cette quantité à d, & multiplier le tout par , puis faire la somme des deux mises égale à e.

Il est évident que quel que soit le nombre des intéressés on pourra employer la même méthode pour trouver le gain ou la perte de chacun. Ainsi nous n’en dirons pas davantage sur cette matiere. Nous aurions voulu employer un langage plus à la portée de tout le monde que le langage algébrique ; mais nous eussions été beaucoup plus longs, & nous eussions été beaucoup moins clairs ; ceux qui entendent cette langue n’auront aucune difficulté à nous suivre.

On peut rapporter aux regles de compagnie ou de partage cette question souvent agitée. Un pere en mourant laisse sa femme enceinte, & ordonne par son testament que si la femme accouche d’un fils, elle partagera son bien avec ce fils, de maniere que la part du fils soit à celle de la mere comme a à b ; & que si elle accouche d’une fille, elle partagera avec la fille de maniere que la part de la mere soit à celle de la fille comme c à d. On suppose qu’elle accouche d’un fils & d’une fille, on demande comment le partage se doit faire.

Soit A le bien total du pere x, y, z, les parts du fils, de la mere, & de la fille. Il est évident, 1°. que ; 2°. que suivant l’intention du testateur, x doit être à y comme a est à b. Donc  ; 3°. que suivant l’intention du même testateur, y doit être à z comme c à d. Donc . Donc . Equation qui servira à résoudre le problème.

Plusieurs arithméticiens ont écrit sur cette question qui les a fort embarrassés. La raison de leur difficulté étoit qu’ils vouloient la résoudre de maniere que les deux parts du fils & de la fille fussent entre elles comme a est à d, & qu’outre cela la part du fils fût à celle de la mere comme a est à b, & celle de la mere à celle de la fille comme c est à d. Or cela ne peut avoir lieu que quand b = c. Leur difficulté se seroit évanoüie s’ils avoient pris garde que le cas du fils & de la fille n’ayant été nullement prevû par le testateur, il n’a eu aucune intention de régler le partage entre le fils & la fille, c’est uniquement entre le fils & la mere ou entre la fille & la mere, qu’il a voulu faire un partage. Ainsi, en faisant x : y :: a : b, & y : z :: c : d, on a satisfait à la question suivant l’intention du testateur, & il ne faut point s’embarrasser du rapport qu’il doit y avoir entre x & z. Une preuve que ce prétendu rapport est illusoire, c’est que si au lieu du rapport de c à d, on mettoit celui de nc à nd, qui lui est égal, il faudroit donc alors que x & z, au lieu d’être entr’eux comme a est à d, fussent entr’eux comme a est à n d. Ainsi comme n peut être pris pour un nombre quelconque, la question auroit une infinité de solutions, ce qui seroit ridicule. (O)

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Étymologie de « compagnie »

(XIe siècle)[1] Plutôt que du latin *compania qui donne l’ancien français compaigne[2] (un phénomène de réfection qui se trouve dans les langues romanes avec compaña, compañía en espagnol, companha, companhia en portugais), composé de copain, compagne et -ie, en ancien français compain.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Génev. companie ; provenç. companha, companhia, compagnia ; catal. companyia ; espagn. compañia ; portug. companha ; ital. compagnia ; voy. COMPAGNON. L'ancien français a deux formes : compagne et compagnie ; l'une vient du bas-latin compánia, avec l'accent sur pa, et l'autre de companíta, avec l'accent sur ni.

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Phonétique du mot « compagnie »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
compagnie kɔ̃paɲi

Fréquence d'apparition du mot « compagnie » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « compagnie »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « compagnie »

  • On ne peut pas se saouler convenablement en compagnie d'un homme...
    Björk
  • Je tâche d'y voir double, afin de me servir à moi-même de compagnie.
    Alfred de Musset
  • Pied de paysan et chaussure de seigneur ne vont de compagnie.
    Proverbe scandinave
  • L'imagination est la meilleure compagnie de transport au monde.
    Roger Fournier — A nous deux
  • La compagnie était venue compenser l’absence de vols Air France vers la capitale. Le test n’est pas concluant
    SudOuest.fr — Aéroport de Pau : la compagnie ASL airlines stoppe sa liaison avec Paris
  • La compagnie des honnêtes gens est un trésor.
    Proverbe oriental
  • Seul. En mauvaise compagnie.
    Ambrose Bierce — Le dictionnaire du Diable
  •  « La décision est prise par Paris par un centre de crise donc nous avons compris que même le préfet de la Guyane n’a pas la main sur ce nombre (de vols). Lui, il prend un arrêté conformément à ce que l’on lui dit à Paris. Aujourd’hui, la présidente Carine Sinaï-Bossou vient d’écrire au préfet ce matin, pour demander 2 vols supplémentaires, donc on doit passer de 4 à 6 vols par semaine. 3 vols par compagnie pour qu’il n’y ait pas d’inégalité de traitement entre les 2 compagnies.
    Guyane la 1ère — La colère des clients de Air Caraïbes, la compagnie aérienne annule les vol
  • La solitude peut être une forme de compagnie.
    Marc Levy — Vous revoir
  • Les maris ne sont que des animaux de compagnie.
    Pascal Thomas — Le Grand Appartement
Voir toutes les citations du mot « compagnie » →

Images d'illustration du mot « compagnie »

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Traductions du mot « compagnie »

Langue Traduction
Anglais company
Espagnol empresa
Italien compagnia
Allemand unternehmen
Chinois 公司
Arabe شركة
Portugais companhia
Russe компания
Japonais 会社
Basque konpainiak
Corse sucietà
Source : Google Translate API

Synonymes de « compagnie »

Source : synonymes de compagnie sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « compagnie »

Combien de points fait le mot compagnie au Scrabble ?

Nombre de points du mot compagnie au scrabble : 16 points

Compagnie

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