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Honte

Variantes Singulier Pluriel
Féminin honte hontes

Définitions de « honte »

Trésor de la Langue Française informatisé

HONTE, subst. fém.

A. − Effet d'opprobre entraîné par un fait, une action transgressant une norme éthique ou une convenance (d'un groupe social, d'une société) ou par une action jugée avilissante par rapport à la norme (d'un groupe social, d'une société). Synon. déshonneur; anton. honneur.Les hontes du péché, du ridicule. Effacer la honte d'une mauvaise action; couvrir quelqu'un de honte (Ac.). Essuyer la honte d'un refus, d'une disgrâce (Ac. 1835-1935). Est-ce mon déshonneur, est-ce ma honte que vous me demandez? (Sand, Lélia,1833, p. 27).Attendez donc!... Je serai là, je promettrai d'éviter à Fernand la honte de la cour d'assises et du bagne (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 667).Mais je suis arrivé trop tard! Le déshonneur était consommé! Ah! je suis désespéré. Je ne survivrai pas à ma honte (Aymé, Cléramb.,1950, IV, 8, p. 231) :
1. ... toutes sortes de pensées, de souvenirs, de projets (...) qu'on remâche sempiternellement (...) entre deux messages attendus huit jours et qu'il faut aussitôt brûler, entre deux amis fusillés, entre les yeux des flics qui vous guettent, entre chaque station de l'interminable itinéraire (...) qui mène au grand jour de sang où seront lavées toutes les hontes... Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 40.
1. Locutions verbales
Vieilli. Boire toute honte; (avoir) toute honte bue; mettre bas toute honte (Ac.). Être insensible à l'opprobre, au déshonneur. Il s'était aperçu que, pour convertir l'amour en instrument de fortune, il fallait avoir bu toute honte, et renoncer aux nobles idées qui sont l'absolution des fautes de la jeunesse (Balzac, Goriot,1835, p. 174) :
2. « Tiendrai-je trois quarts d'heure sous ce soleil? Si j'ai une insolation (...)? » On se souvient que c'était pour une singulière fragilité de la tête qu'Alban avait dû interrompre ses études. (...) Alban cessait de parler, incapable de rien d'autre que guetter l'approche du moment où il devrait, toute honte bue, demander la permission de se couvrir. Montherl., Bestiaires,1926, p. 411.
Vx. (Revenir, s'en retourner) avec sa courte honte. (Faire quelque chose) après avoir essuyé un affront, un refus, ou sans avoir rien fait de ce qu'on s'était promis de faire (d'apr. Ac. 1835-1935).
En être pour (en sortir à) sa courte honte. En être pour ses frais. Alors ceux qui blaguent, hypocrisent ou déchirent, en seront pour leur courte honte et pour leur mauvaise action (Verlaine, Corresp., t. 1, 1872, p. 300).Vous allez voir le revirement de l'opinion (...). Les Rastiboulois en seront pour leur courte honte. Je parie qu'avant huit jours, le préfet est obligé de demander son changement (Augier, Fourchambault,1878, pp. 139-140).
Faire honte à qqn (de qqc.). Manifester ou dire à quelqu'un qu'il devrait avoir honte (infra B 2) de quelque chose ou de faire quelque chose. V. B 1 b faire honte.Faites-lui honte de sa paresse (Ac. 1835-1935). Il avait pensé d'abord à la mettre [sa sœur] de résidence chez la Sévère, mais ses autres parents lui en firent honte (Sand, F. le Champi,1848, p. 94).Anne-Marie décidait de faire faire honte à son cousin par quelqu'un de sensé (Pourrat, Gaspard,1925, p. 173) :
5. Je ne puis accepter qu'elle parle de son père avec tant d'irrespect; mais, comme je tentais de lui faire honte : « Avec ça que toi tu le prends au sérieux », m'a-t-elle jeté à la face... Gide, École femmes,1929, p. 1295.
2. Expressions
[Gén. en incise]
À la honte de + subst.Pour le déshonneur (de quelqu'un, de quelque chose). À la honte de la raison, du bon sens (Ac. 1835-1935). Le supernaturalisme apparaît comme une conception dépassée. Le seul moyen de guérir de cette étrange maladie qui, à la honte de la civilisation, n'a pas encore disparu de l'humanité, c'est la culture moderne (Renan, Avenir sc.,1890, p. 48).
À ma (grande) honte [S'emploie pour indiquer qu'on se sent affecté dans son honneur ou sa dignité (par qqc.)] Je l'avoue à ma honte, je ne conçois pas l'amour dans la misère (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 108).À ma grande honte, c'est moi qui gagne tout! (Bernstein, Secret,1913, II, 1, p. 17) :
3. ... ce matin, (...) je me suis trouvé dehors à sept heures, ce qui ne m'était pas advenu, je le crains bien, et l'avoue à ma honte, depuis les jours de Milan en novembre dernier. Du Bos, Journal,1926, p. 69.
[En apostrophe]
Honte à + subst.[S'emploie pour exprimer qu'on condamne et qu'on voue au mépris public qqn qui a commis une action blâmable (ou qqc. qui est source de honte)] S'ils prétendent nous faire fléchir en nous frappant, ils se trompent. Honte aux timides qui ont peur! Honte surtout aux lâches qui exploitent nos misères (Renan, Avenir sc.,1890p. 52).J'ai dit : honte à Zola, mais jamais à Gautier (Barrès, Cahiers, t. 9, 1911, p. 272) :
4. Alors, le vieux Mouça (...) Cria : − Honte au mensonge et silence à la haine Qui bave sur l'honneur de mes quatre-vingts ans! Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 7.
Honte sur + subst. (vx).Même sens. À tout prix au conseil ma parole en doit compte. Si j'y manquais... sur moi malheur, ruine et honte! (Lamart., T. Louverture,1850, IV, 6, p. 1369).Honte sur toi! Ose dire cela et considère ta sottise! (Claudel, Tête d'Or,1890, 2epart., p. 59).
B. −
1. Sentiment de pénible humiliation qu'on éprouve en prenant conscience de son infériorité, de son imperfection (vis-à-vis de quelqu'un ou de quelque chose). Synon. confusion.La honte le retient. Être pris de honte (Ac.) :
6. Christophe vit rouge : il fut tout près d'appliquer son poing sur le mufle du grand-duc; mais il était écrasé par un chaos de sentiments contradictoires : la honte, la fureur, un reste de timidité, de loyalisme germanique, de respect traditionnel... Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 497.
Au plur., rare. Non, non, pas ce morceau-là... Vous savez que Monsieur aime la tête; il suce les petits os. Mouret, diminué, mangeant avec des hontes de pique-assiette (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 1086).
Demi-honte. Quand la femme avoue cette ignorance avec ces mines, ces sourires, ces demi-hontes, et ce petit air gauche (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 231).
a) [Dans un syntagme introd. par de] Causé par la honte.
Subst. + de (la) honte.Tremblement, rougeur, larmes de honte. J'ai pitié (...) du sourire qu'ils ont alors que le frisson de la honte leur passe dans le dos (Claudel, Tête d'Or,1901, 2epart., p. 224).Il eut une pensée rageuse (...) et il fut pris d'un vertige de honte (Aymé, Mais. basse,1934, p. 194).
Verbe + de honte.Périr, rougir, sangloter de honte. Et l'invocation aux mânes de Caton! Il y avait là de quoi mourir de honte. Il aurait voulu renier ces phrases (Larbaud, F. Marquez,1911, p. 134).Je suis conscient de la noirceur de mon crime. Je n'entends d'ailleurs pas le tenir secret. Dussé-je en crever de honte, je le confesserai bien haut (Aymé, Cléramb.,1950, III, 2, p. 150).
Adj. + de honte.Tous les enfants éclatèrent de rire; et certains se chargèrent de préciser l'allusion, en des commentaires aussi clairs qu'énergiques. Christophe se releva, rouge de honte (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 46).
b) [Dans un syntagme verbal]
Avoir (grand) honte (à + inf./de + inf.).Éprouver un sentiment de pénible humiliation en prenant conscience de son infériorité ou de son imperfection. Il a honte; n'avoir pas honte. Je souffre de n'avoir pu m'identifier en moi-même à la figure que je fais en ce monde. J'ai honte d'être quelque chose de moins que l'écrivain dont je fais les gestes (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 89).Camille resta stupide, rentrant chez lui, de ne trouver personne dans le lit conjugal, ni dans la chambre des enfants (...). Le lendemain matin, il eut grand-honte devant la vieille Marie qui venait ouvrir les persiennes (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 133) :
7. ... nous aussi, quand nous pensions aux déportés, nous avions honte : nous ne nous reprochions rien, mais nous n'avions pas assez souffert. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 70.
Rare. Prendre honte. Même sens. Soudain le chasseur prend honte en se sentant bourreau (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1034).
Arg. Chier la honte. Éprouver beaucoup de honte (supra B 1). Tu as été boire tout seul et un litre!!! Tu ne chies pas la honte!!! (Carabelli, [Lang. milit.]).
Faire honte (à qqn). Être (pour quelqu'un) une raison de prendre conscience de son infériorité, de son imperfection, et d'éprouver ainsi un sentiment d'humiliation. V. A 2 faire honte.Cet écolier fait honte à tous les autres par son application (Ac. 1835-1935). Le voilà qui me cite les noms de vingt petits spectacles et d'autant de jardins (...) dont en effet je n'avais jamais entendu parler. Pendant qu'il pérorait en me faisant honte de mon ignorance, nous fûmes (...) poussés (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 258).En cinq jours les six mille ressortissants alliés avaient été évacués. Tant d'incurie française nous faisait honte auprès d'une organisation si bien entendue (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 374).
2. Sentiment pénible, gêne qu'on éprouve à l'idée d'enfreindre certaines convenances sociales, culturelles ou morales, ou à l'idée d'agir à l'encontre de sa dignité ou de la décence. Synon. confusion, pudeur, réserve.Je fis sa toilette mortuaire (...) j'enlevai ses vêtements trempés d'eau, découvrant un peu, avec honte, comme si j'eusse commis une profanation, ses épaules et sa poitrine, et ses longs bras aussi minces que des branches (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Miss Harriet, 1883, p. 878).Elle admirait Gomar. (...) elle s'asseyait sur ses genoux, l'embrassait sans honte, sur la bouche (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 44) :
8. Sur les draps blancs, André aperçoit le corps de Denise, ce corps frêle, débarrassé du fardeau, redevenu tel qu'aux plus vivantes heures d'amour. Une réaction brutale ressuscite en lui la volonté. Subitement, il a honte... Martin du G., Devenir,1909, p. 200.
En partic. Fausse honte, mauvaise honte. Honte causée par un scrupule excessif à propos de quelque chose qui n'est guère blâmable. Éprouver une fausse honte. Manquer au devoir par fausse honte (Ac. 1935). Je ne sais plus trop ce qui me fit effacer ainsi mon nom. Dans mon premier récit, j'ai mis en avant la mauvaise honte (Gide, Si le grain,1924, p. 581).Dans mon portefeuille, il y a cette lettre d'Anny. Une fausse honte m'empêche de la relire (Sartre, Nausée,1938, p. 85).
Expressions
[Avec un compl. indiquant la cause du sentiment] Avoir honte de/à + inf.Il a honte de se montrer (Ac. 1835-1935). Un léger frôlement de branches (...) m'indiqua bientôt que les deux petites filles arrivaient... Le Chinois qui les avait entendues aussi, se leva d'un bond (...). Soit pudeur, soit honte d'étaler au soleil d'aussi laides choses, il courut à ses vêtements (Loti, Mariage,1882, p. 51) :
9. ... un jeune bandit que votre gouvernement envoyait aux bataillons d'Afrique, pour avoir fait, un soir, le guet (...), pendant que des amis à lui étranglaient une vieille dame. Il n'avait pas la moindre honte à raconter son histoire. Tharaud, Dingley,1906, p. 38.
Avoir honte de + subst.Il a honte de nous; il a honte de sa conduite. Tous les plus gros Bulgares viennent perdre, dans une piscine carrée, nus absolument, un peu de leur graisse jaune (...). Ils en sortent pourpres, crachant de la sueur (...) et un garçon crasseux les soutient, les étrille devant les autres, sur l'étroit quai de pierre. Pas un n'a honte de sa graisse suante, de sa laideur! Ils les étalent cyniquement, bestialement (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 142) :
10. ... il avait, la veille, écrasé à coups de talon une portée de petits chiots bâtards (...). Le soir, (...) il avait eu honte de sa férocité, et, pour se punir, il s'était imposé son châtiment coutumier : dix fois de suite une longue épingle dans la cuisse. Daniel-Rops, Mort,1934, p. 14.
[Avec un compl. introd. par pour désignant la pers. qui enfreint les convenances] Avoir honte (de qqc.) pour qqn. Demain matin, les Boches en prendront livraison quand ils en auront fini avec nous. Mathieu regarda les chasseurs : il avait honte pour les copains (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 165).
Faire honte (à qqn) à + inf.Être (pour quelqu'un) un motif d'avoir honte (lorsqu'on fait telle ou telle action). Il nous fait honte à pleurer ainsi.
[En apostrophe; s'emploie pour signifier à qqn qu'il devrait éprouver un sentiment de gêne (pour avoir fait ou pour faire telle ou telle action)] Tu n'as pas honte/vous n'avez pas honte (de + subst. ou inf.)? N'avez-vous point honte de manquer de parole, de vous comporter avec cette indécence? (Ac. 1835-1935). Vos violences, monsieur, j'en veux plus! (...) À faire les copains cocus et puis après à frapper sur leurs femmes!... Il est culotté ce saligaud-là! Vous avez donc pas honte? (Céline, Voyage,1932, p. 606).Espèce de vieille voleuse, vous n'avez pas honte! Des gens riches comme vous, voler le charbon du ravitaillement! (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 115).
C. − (Aspect de) quelque chose, raison qui fait qu'on a honte (supra B) ou qui est à l'origine d'un effet social d'opprobre. Être la honte du village. De tels hommes sont la honte de l'humanité (Ac. 1835-1935). Le roi d'Angleterre et le roi signèrent ce fameux traité de Troyes, qui fut la honte du royaume (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 293).Elle avait l'air indigné et répondit : « Non, mon cher, il y a des moments où ces choses-là ne se font pas; et puis, ici, ce serait une honte » (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Boule de Suif, 1880, p. 134).Alors, cette enfant de quatorze ans apprit, comme dans un devoir, ce que l'on cache aux vierges juqu'à la nuit des noces. Elle feuilletait les planches de l'Anatomie, ces planches superbes d'une réalité saignante; elle s'arrêtait à chacun des organes, pénétrait les plus secrets, ceux dont on a fait la honte de l'homme et de la femme (Zola, Joie de vivre,1884, p. 854) :
11. Sa foi civique était entière, sinon sa foi protestante. Il ne pouvait se tirer d'anciens mensonges que par de nouveaux mensonges et fuyait devant son passé. Il se pourrait qu'une partie du drame de sa vie tînt à la rigueur même de la loi de cette république cléricale où il était né et qui mêlait si fâcheusement le civil et le sacré. Elle faisait de toute erreur une honte... Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 97.
[Dans une tournure exclam.] Les affaires, quelle honte! La prison est moins ignoble (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 160) :
12. ... il écoutait MeLaforge (...) commencer un réquisitoire contre le régime tsariste, (...) comme la salle devenait houleuse, il y eut une suspension de séance, (...) Patrick put échanger quelques paroles avec Marie-Jeanne : − « Quelle honte », disait-elle, « qu'en Europe, et en 1910, il puisse y avoir un bagne comme cet empire russe! » Bourget, Actes suivent,1926, p. 103.
En partic. Personnage source de honte. Victor Hugo aveugle, un œil sévère fermé à jamais, cela plaisait aux hontes du temps présent (Hugo, Corresp.,1865, p. 510).N'est-il pas frappant déjà, au premier abord, que nos grandes hontes, nos hontes nationales, Jaurès, Hervé, Thalamas, ne sont point juives, ne sont point des « Juifs » (Péguy, Notre jeun.,1910, p. 189).
Expr. Il (n')y a (pas de) honte à qqc. Il (n')y a (rien)/qqc. de honteux à (faire) qqc. Il n'y a pas de honte à reconnaître ses torts. Il y a encore une sorte de honte à avouer publiquement qu'on ne les aime pas (Nizan, Chiens garde,1932, p. 69).Blaise, furieux : Je déteste que vous me rappeliez que j'ai été séminariste... Mais vous le faites exprès! Marcelle : Il n'y a pas de honte à avoir été au séminaire! (Mauriac, Asmodée,1938, I, 4, p. 36).
Prononc. et Orth. : [ɔ ̃:t] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 hunte « déshonneur » (Roland, éd. J. Bédier, 21 et 2582); b) 1174-76 faire hunte (à qqn) « outrager » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1674); c) ca 1223 boire honte « éprouver toutes sortes d'avanies » (G. de Coinci, Miracles N.D., éd. V. F. Koenig, I Mir. 10, 1426); 1remoitié xves. avoir toutes ses hontes bues (Le jugement du povre triste amant banny, 744 ds Romania t. 34, p. 395); d) 1552 courte honte (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, p. 22, 263); 2. av. 1563 honte « timidité, retenue, pudeur » (La Boétie, 312 ds Littré). De l'a. b. frq. haunipa « dédain, mépris, raillerie » (v. honnir) que l'on peut restituer d'après l'a. h. all. hônida « déshonneur », le m. néerl. hoonde « id. » et la forme latinisée haunitas (?) « id. », attestée ds les Gloses de Reichenau ([ms. : haut tes] ds éd. H.-W. Klein et A. Labhardt, p. 173, s.v. ignominia). Fréq. abs. littér. : 5 546. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 169, b) 6 454; xxes. : a) 9 358, b) 9 236.

Wiktionnaire

Nom commun - français

honte (h aspiré)\ɔ̃t\ féminin

  1. (Désuet) Déshonneur, opprobre, humiliation (ce qui est le sens étymologique et ancien).
    • Se plaindre est une honte et soupirer un crime. — (Pierre Corneille, Hor., IV, 4)
    • La gloire d’une mort qui nous couvre de honte. — (Pierre Corneille, Pomp., II, 2)
    • Mais pour braver Marcelle et m’affranchir de honte, Il est une autre voie et plus sûre et plus prompte. — (Pierre Corneille, Théodore, III, 3)
    • Dans la nuit du tombeau j'enfermerai ma honte. — (Jean Racine, Iphig., II, 1)
    • J'ai déclaré ma honte aux yeux de mon vainqueur. — (Jean Racine, Phèdre, III, 1)
    • Déjà de sa présence [de Phèdre] avec honte chassée,
      Dans la profonde mer Œnone s’est lancée.
      — (Jean Racine, ib., V, 5)
    • Il y aurait de la honte à m’abandonner. — (François de Salignac de La Mothe-Fénelon, Les Aventures de Télémaque, XV, 1699)
    • Il fait à l’homme de bien une honte de la vertu. — (Jean-Baptiste Massillon, Pet. car. Triomph.)
    • Et si je n'écoutais que ta honte et ma gloire. — (Voltaire, Zaïre, III, 4)
    • Tu vois mon sort, tu vois la honte où je me livre. — (Voltaire, ib., V, 8)
    • Va, la honte serait de trahir ce que j'aime. — (Voltaire, ib., IV, 3)
    • La honte est dans l’offense, et non pas dans l’excuse. — (La Chaussée, Préjug. à la mode, V, 1)
    • Ce n'est pas ce que voulait madame Kaufmann : il lui fallait savourer la honte de sa rivale, la voir humiliée, perdue, insultée. — (Fr. Soulié, les Forgerons, § II)
    • Sous la table, le jeune prêtre pose doucement la main sur la jambe nue de l’élève, remonte un peu plus haut. L’air bouleversé du garçon lui fit cesser son jeu. Mais Michel n’oubliera jamais ce visage de supplication et de honte, cet air d’absorption et de quasi-douleur qui est celui du désir et du plaisir à demi accompli. — (Marguerite Yourcenar, Archives du Nord, Gallimard, 1977, page 226)
    • C'est là que ma colère explose : « Ce sont des cague-brailles, des minables, des traîtres doublés d'idiots, c'est une honte pour la France, d’abandonner en rase campagne des gens, ça nous coûtera une fortune ! Il aura ma démission. » — (Arnaud Montebourg, L'engagement, Éditions Grasset, 2020)
    1. Par exclamation.
      • Ô honte, qui jamais ne peut être effacée ! — (Jean Racine, Esth., III, 1)
  2. (Familier) (Par hyperbole) Ce qui ne convient pas, ce qui est messéant.
    • Et que c’est honte au roi de ne leur donner rien. — (Mathurin Régnier, Satires, II)
    • Car c’est honte de vivre et de n’être amoureux. — (Mathurin Régnier, Épîtres, II)
  3. Se dit aussi au pluriel (Voltaire a condamné cet emploi ; mais, outre les autorités, la raison et l’usage n'empêchent pas d’employer ce mot abstrait au pluriel).
    • Les soins que cette amour nous donne en cette vie
      Ne peuvent aussi bien nous élever si haut,
      Que la perfection la plus digne d’envie
      N’y soit toujours suivie
      Des hontes d’un défaut.
      — (Pierre Corneille, Imit., I, 3)
    • Mais tu sais quel orgueil ont lors montré les comtes ;
      Combien d’affronts pour lui, combien pour moi de hontes !
      — (Pierre Corneille, D. Sanche, II, 1)
    • Pour réserver sa tête aux hontes du supplice. — (Pierre Corneille, Pomp., V, 3)
    • La plus brillante fortune ne mérite point ni le tourment que je me donne, ni les humiliations, ni les hontes que j’essuie. — (Jean de la Bruyère, VIII)
    • Il aurait fallu prévoir les écueils d’un tel succès, et empêcher les méfaits et les hontes dont le monarque délivré allait charger sa couronne, et, jusqu'à un certain point, la responsabilité de ses libérateurs. — (Villem., la Tribune franç. Châteaubriand, ch. 14)
  4. Sentiment pénible qu’excite dans l’âme la pensée ou la crainte du déshonneur; ou la conscience d’une faute commise et la confusion, le trouble qu’on en ressent.
    • La honte se met entre la vertu et le péché pour empêcher qu’on ne la quitte ; puis entre le péché et la vertu pour empêcher qu’on ne la reprenne. — (Jacques-Bénigne Bossuet, Pensées chr., VIII)
    • La mariée arrive avec le retard de circonstance, affublée d'une extraordinaire robe bouffante et emperlousée qui aurait fait rougir de honte même la fée la plus frivole. — (Mark Mills, En attendant Doggo, traduit de l'anglais par Florence Hertz, éd. Belfond, 2016)
    • La honte est une passion que la nature raisonnable excite en nous et qui nous détourne, sans que nous remarquions même ni comment ni pourquoi, de tous les excès et de toutes les impuretés du vice. — (Louis Bourdaloue, Exhort. sur la flagellation de J. C.)
  5. (Religion) (Par métonymie) Dans le langage biblique, les parties que l’on doit cacher.
    • C’est pourquoi j’ai relevé vos vêtements sur votre visage, et on a vu votre honte. — (Louis-Isaac Lemaistre de Sacy, Bible, Jérémie, XIII, 26)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

HONTE. (H est aspirée.) n. f.
Sentiment pénible excité dans l'âme par la conscience d'une faute commise et la confusion, le trouble qu'on en ressent. Avoir honte de mentir. Il a honte d'avoir fait cette mauvaise action. Il a honte de se montrer. La honte le retient. Il y a une bonne et une mauvaise honte. Il ne faut pas avoir honte de bien faire. J'éprouvais à leur aspect une sorte de honte. Rougir de honte. Pleurer de honte. Vous devriez mourir de honte. N'avez-vous point honte de manquer de parole, de vous comporter avec cette indécence? J'en ai honte pour vous. J'aurais honte de rapporter les propos indécents qu'il tenait. Je ne puis, sans quelque honte, vous faire cet aveu. Je puis l'avouer sans honte. Toutes les hontes sont accumulées sur sa tête. Fausse honte, mauvaise honte, Honte mal placée qui provient d'un scrupule excessif ou d'une faiblesse de caractère et fait qu'on est confus de choses méritoires. C'est une mauvaise honte. Manquer au devoir par fausse honte. Une sotte honte le retint. Faire honte à quelqu'un, Lui causer de la honte, être un sujet de honte pour lui. Ils tirent vanité de ce qui devrait leur faire le plus de honte. Cet écolier fait honte à tous les autres par son application. Votre activité fait honte à ces paresseux. Faire honte à quelqu'un signifie encore Faire à quelqu'un des reproches qui lui causent de la honte, de la confusion; et alors honte est souvent accompagné d'un complément. Faites-lui honte, il le mérite bien. Faites-lui honte de sa paresse. On lui en a bien fait honte. Poétiquement, et en parlant des Choses, Faire honte, Effacer, éclipser. La blancheur de son teint fait honte à la neige. Prov. et fig., Avoir perdu toute honte, Être sans pudeur, être insensible au déshonneur. On dit dans le même sens Avoir toute honte bue, mettre bas toute honte. Prov., Revenir, s'en retourner avec sa courte honte, Revenir, s'en retourner après avoir essuyé un affront, un refus, ou sans avoir rien fait de ce qu'on s'était promis de faire. Il signifie encore Humiliation, déshonneur. Essuyer la honte d'un refus, d'une disgrâce. La honte doit en retomber sur lui. Il n'en recueillera que de la honte. Cette action imprime à sa mémoire une honte éternelle. Couvrir quelqu'un de honte. Effacer la honte d'une mauvaise action. Il y a de la honte à se conduire ainsi. Il n'y a pas de honte à être pauvre. Elle se vit contrainte d'avouer sa honte. Pleurer sa honte. Quelle honte pour nous! À la honte de la raison, du bon sens. Être la honte, faire la honte de sa famille, etc., Lui faire un grand déshonneur. Les mauvais ouvrages, les ouvrages immoraux font la honte de leurs auteurs. De tels hommes sont la honte de l'humanité.

Littré (1872-1877)

HONTE (hon-t') s. f.
  • 1Déshonneur, opprobre, humiliation (ce qui est le sens étymologique et ancien). Se plaindre est une honte et soupirer un crime, Corneille, Hor. IV, 4. La gloire d'une mort qui nous couvre de honte, Corneille, Pomp. II, 2. Mais pour braver Marcelle et m'affranchir de honte, Il est une autre voie et plus sûre et plus prompte, Corneille, Théodore, III, 3. Dans la nuit du tombeau j'enfermerai ma honte, Racine, Iphig. II, 1. J'ai déclaré ma honte aux yeux de mon vainqueur, Racine, Phèdre, III, 1. Déjà de sa présence [de Phèdre] avec honte chassée, Dans la profonde mer Oenone s'est lancée, Racine, ib. V, 5. Il y aurait de la honte à m'abandonner, Fénelon, Tél. X. Il fait à l'homme de bien une honte de la vertu, Massillon, Pet. car. Triomph. Et si je n'écoutais que ta honte et ma gloire, Voltaire, Zaïre, III, 4. Tu vois mon sort, tu vois la honte où je me livre, Voltaire, ib. V, 8. Va, la honte serait de trahir ce que j'aime, Voltaire, ib. IV, 3. La honte est dans l'offense, et non pas dans l'excuse, La Chaussée, Préjug. à la mode, V, 1. Ce n'est pas ce que voulait madame Kaufmann : il lui fallait savourer la honte de sa rivale, la voir humiliée, perdue, insultée, Fr. Soulié, les Forgerons, § II.

    Par exclamation. Ô honte, qui jamais ne peut être effacée ! Racine, Esth. III, 1.

    Être la honte, faire la honte de sa famille, de son pays, de son siècle, lui faire un grand déshonneur. Divorces et séparations si ordinaires aujourd'hui dans le monde, et que nous pouvons regarder comme la honte de notre siècle, surtout parmi des chrétiens, Bourdaloue, 2e dim. apr. l'Épiphan. Dominic.

    À la honte de, en causant déshonneur. Où des fils de la terre La rage ambitieuse à leur honte parut, Malherbe, II, 12. Épargnez-moi des pleurs qui coulent à ma honte, Corneille, Poly. II, 2. Combien de chrétiens, disons mieux, combien de mondains, à la honte du christianisme qu'ils professent, vivent aujourd'hui dans la même ignorance ! Bourdaloue, Myst. Pentec. Mille bruits en courent à ma honte, Racine, Brit. IV, 2. Enfin il [Galilée] fut condamné, à la honte de la raison, Voltaire, Phil. Newt. Singul. nat. 19.

    Familièrement et par exagération. C'est une honte, c'est grand'honte, il ne convient pas, il est messéant. Et que c'est honte au roi de ne leur donner rien, Régnier, Sat. II. Car c'est honte de vivre et de n'être amoureux, Régnier, Épît. II. …C'est grand'honte Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils, La Fontaine, Fabl. III, 1.

    Il se dit aussi au pluriel (Voltaire a condamné cet emploi ; mais, outre les autorités, la raison et l'usage n'empêchent pas d'employer ce mot abstrait au pluriel). Les soins que cette amour nous donne en cette vie Ne peuvent aussi bien nous élever si haut, Que la perfection la plus digne d'envie N'y soit toujours suivie Des hontes d'un défaut, Corneille, Imit. I, 3. Mais tu sais quel orgueil ont lors montré les comtes ; Combien d'affronts pour lui, combien pour moi de hontes ! Corneille, D. Sanche, II, 1. Pour réserver sa tête aux hontes du supplice, Corneille, Pomp. V, 3. La plus brillante fortune ne mérite point ni le tourment que je me donne, ni les humiliations, ni les hontes que j'essuie, La Bruyère, VIII. Il aurait fallu prévoir les écueils d'un tel succès, et empêcher les méfaits et les hontes dont le monarque délivré allait charger sa couronne, et, jusqu'à un certain point, la responsabilité de ses libérateurs, Villemain, la Tribune franç. Châteaubriand, ch. 14.

    Familièrement. Faire mille hontes, faire cent hontes, accabler d'outrages. Dans les bras de ce fils on lui fait mille hontes, Corneille, D. Sanche, V, 4. Je vous conjure que ce soit en particulier que je lui demande pardon, parce que sans doute il me ferait cent hontes, cent opprobres devant tout le monde, Molière, Médecin volant, sc. 15.

  • 2Sentiment pénible qu'excite dans l'âme la pensée ou la crainte du déshonneur. Seigneur, ce que je suis ne me fait point de honte, Corneille, D. Sanche, I, 3. La honte se met entre la vertu et le péché pour empêcher qu'on ne la quitte ; puis entre le péché et la vertu pour empêcher qu'on ne la reprenne, Bossuet, Pensées chr. VIII. Il n'eut point de honte d'écrire que…, Bossuet, Hist. II, 3. Ce lui serait une honte de se dire…, Bossuet, ib. 6. Elle lui pardonna son crime [au gouverneur qui avait fait tirer sur la reine], le livrant pour tout supplice à la honte d'avoir entrepris sur la vie d'une princesse si bonne et si généreuse, Bossuet, Reine d'Anglet. La nature, dit Tertullien, a couvert tout le mal de crainte ou de honte, Bossuet, Sermons, Vaines excuses des pécheurs, 2. La honte est une passion que la nature raisonnable excite en nous et qui nous détourne, sans que nous remarquions même ni comment ni pourquoi, de tous les excès et de toutes les impuretés du vice, Bourdaloue, Exhort. sur la flagellat. de J. C. Et que, pour retourner à Dieu, vous repreniez cette honte du péché que vous aviez perdue, Bourdaloue, 13e dim. après la Pentec. Dominic. La honte du bien, dit saint Bernard, est en nous la source de tout mal, et la honte du mal est le principe de tout bien, Bourdaloue, Exh. sur la Flagellat. de J. C. t. II, p. 79. Combien de fois une honte criminelle vous a-t-elle fermé la bouche dans des occasions où il fallait s'expliquer hautement ! Bourdaloue, Myst. Épiphan. t. I, p. 112. Je pourrais la décrire dans ces lieux sombres et retirés, où la honte tient tant de langueurs et de nécessités cachées, versant à propos des bénédictions secrètes sur des familles désespérées qu'une sainte curiosité lui faisait découvrir pour les soulager, Fléchier, Aiguillon. Je veux voir son désordre et jouir de sa honte, Racine, Bajaz. IV, 6. La sagesse n'a point de honte de paraître enjouée, Fénelon, Tél. VIII. Personne n'a jamais mieux su soulager et les besoins d'autrui et la honte de les avouer, Fontenelle, des Billettes. La honte, compagne de la conscience du mal, était venue avec les années, Rousseau, Confess. III.

    Avoir honte, éprouver de la honte. J'ai honte de montrer tant de mélancolie, Corneille, Hor. I, 2. Monsieur, vous vous moquez ; j'aurais honte à la prendre [une bague], Molière, le Dép. am. I, 2. [L'envie] est un orgueil lâche et timide qui se cache, qui fuit le jour, qui, ayant honte d'elle-même…, Bossuet, 2e serm. Démons, 2. Il eut honte de se voir vaincu, Fénelon, Tél. IV. J'ai honte à ma fortune, en regardant la tienne, Chénier, Idylles, le Mendiant.

    On le dit aussi au pluriel en ce sens. J'aurais toutes les hontes du monde s'il fallait que…, Molière, Préc. 10.

    Faire honte à quelqu'un, être pour lui une cause de honte. Ne l'entreprenez pas, votre offre me fait honte, Corneille, Médée, IV, 6. J'ai peur qu'elle ne fasse honte à ses parents, Sévigné, 398. Sainte institution qui fait honte aux chrétiens, Bossuet, Hist. III, 6. Songez-vous que toute autre alliance Fera honte aux Césars, auteurs de ma naissance ? Racine, Brit. II, 3.

    Poétiquement. Faire honte, éclipser. À quelles roses ne fait honte De son teint la vive fraîcheur ? Malherbe, V, 18. La belle enfin découvre un pied dont la blancheur Aurait fait honte à Galathée, La Fontaine, Scam. Ses trésors, sous vos pas confusément semés, Ont de quoi faire honte à l'abondance même, Molière, Psych. IV, 2.

    Faire honte, faire des reproches qui causent de la honte, de la confusion. Je lui dis qu'il me fait mal au cœur, je lui fais honte, je lui dis que ce n'est point la vie d'un honnête homme, Sévigné, 44. Elle soupa le soir, et [la Voisin, empoisonneuse] recommença, toute brisée qu'elle était, à faire la débauche avec scandale ; on lui en fit honte, et on lui dit qu'elle ferait bien mieux de penser à Dieu, Sévigné, 407. Qu'il sache faire honte à tous ceux qui aiment une dépense fastueuse, Fénelon, Tél. XXII.

    Vous devriez mourir de honte, se dit, par exagération, à quelqu'un qui a commis une action très répréhensible. Les Ribalier et les Cogé devraient mourir de honte s'ils n'avaient pas toute honte bue, Voltaire, Lett. Damilaville, 28 sept. 1767.

    Avoir perdu toute honte, être insensible au déshonneur.

    On dit dans le même sens : mettre bas toute honte, et avoir toute honte bue. Bartholomée ayant ses hontes bues, La Fontaine, le Calendr. …Soit que, sentant son cas, Simone encor n'ait toute honte bue, La Fontaine, Richard. Honte bue à présent, ma foi, sur l'inconstance, Du Frény, Réconcil. norm. IV, 3. Puisque Pigalle ma sculpté, il faut bien que je souffre qu'on me peigne, j'ai toute honte bue, Voltaire, Lett. Florian, 3 août 1770.

  • 3Courte honte, insuccès. Pour laisser le marquis avec sa courte honte, Hauteroche, Bourg. de qual. III, 1. …Tu me vois avec ma courte honte, Th. Corneille, D. Bertr. de Cigarral, IV, 2. Le chat court, mais trop tard, et bien loin de son compte, N'eut ni lard ni souris, n'eut que sa courte honte, Lamotte, Fabl. IV, 8.

    Un homme s'en retourne, s'en revient avec sa courte honte quand il a reçu l'affront de n'avoir pu réussir en quelque entreprise. Cette locution est singulière ; et, comme elle manque d'historique, on ne sait comment l'expliquer avec quelque sûreté. Provisoirement, on peut penser que courte honte signifie proprement honte à court délai, honte qui arrive tout de suite.

  • 4Mauvaise honte, fausse honte de ce qui n'est pas blâmable, et quelquefois même de ce qui est louable. Par je ne sais quelle bonté, ou, si l'on veut, mauvaise honte, je n'ai pas la force de rien refuser de ce que l'on me demande avec opiniâtreté, Scarron, Œuvres, t. I, p. 177. Mais aucun de ces maux n'égala les rigueurs Que la mauvaise honte exerça dans les cœurs ; De ce nid à l'instant sortirent tous les vices, Boileau, Ép. III. La mauvaise honte est le mal le plus dangereux et le plus pressé à guérir, Fénelon, Éduc. des filles, ch. 9. Ce n'est pas le vrai honneur, c est une mauvaise honte qui me retient, Fénelon, Dial. des morts anc. dial. 45. Il [Charles XII] avait conservé, dans l'inflexibilité de son caractère, cette timidité qu'on nomme mauvaise honte, Voltaire, Charles XII, 8.

    Fausse honte, timidité mal placée, honte non justifiée. Je me sens retenu par cette fausse honte, La Chaussée, Préj. à la mode, II, 1.

    Sotte honte, synonyme de fausse honte. Je crois qu'il y eut en cette occasion plus d'orgueil à parler qu'il n'y aurait eu de sotte honte à se taire, Rousseau, Confess. VIII.

  • 5Dans le langage biblique, la honte, les parties que l'on doit cacher. C'est pourquoi j'ai relevé vos vêtements sur votre visage, et on a vu votre honte, Sacy, Bible Jérémie, XIII, 26.

PROVERBES

Que honte ne vous fasse dommage, c'est-à-dire il ne faut pas qu'une mauvaise honte empêche de faire une chose qui n'est point blâmable et qui peut être utile.

Un peu de honte est bientôt passé, on surmonte facilement un sentiment de honte pour quelque avantage.

REMARQUE

1. On dit également : je n'ai point honte d'avoir fait cela, et je n'ai point de honte d'avoir fait cela. Dans la première phrase, honte est pris dans un sens général et indéterminé ; dans la deuxième, honte est pris dans un sens partitif. En effet la honte est un sentiment susceptible de plus et de moins.

2. Avoir honte à, avoir honte de. On a essayé d'établir une distinction, disant qu'on se sert de à quand le verbe exprime une action, et de de quand il exprime un état : il a honte à mentir, il a honte d'avoir menti ; mais, avec quelque soin qu'on examine ces deux locutions, on ne peut voir aucune différence appréciable de sens, et c'est l'oreille qui doit déterminer le choix.

3. Avoir ses hontes bues, locution singulière, mais dont on verra l'origine à l'historique. Un poëte du XIIIe siècle représente l'antechrist faisant verser à pleins brocs la honte ; il insiste sur cette fiction et sur cette figure de la honte bue. Cette fiction et cette figure ont eu assez de crédit pour introduire dans la langue la locution, qui, si on n'avait le poëme d'où elle provient, demeurerait inexplicable. C'est Génin qui a trouvé cette excellente explication.

SYNONYME

HONTE, PUDEUR. Les reproches de la conscience causent de la honte. Les sentiments de modestie produisent la pudeur. Elles font quelquefois l'une et l'autre monter le rouge au visage, mais alors on rougit de honte et l'on devient rouge par pudeur, Girard.

HISTORIQUE

XIe s. Si me gardez et de mort et de hunte, Ch. de Rol. II. Là mourrez vous à hunte et à viltet, ib. XXXII. Por venger vostre hunte, ib. CCLVIII.

XIIe s. Tex [telle] honte leur avint devant le roi de France, Ronc. p. 197. Mais honte i aurez, pour voir [vrai], Couci, IV. Jamais [nous] n'aurons tel aise [facilité] de nos hontes vengier, Sax. VI. Seigneur, dit l'apostoles, moult est cist hontes lais, ib. X. Du tort et de la honte [je] me vorroie vengier, ib. XVI. Car grant honte li faites [au roi] quant en sa curt entrez, Cum en feu e en flambe de vostre cruiz [croix] armez, Th. le mart. 39. Erramment passa mer senz cungié de vescunte, Ne fist à sun prelat n'a saint iglise hunte ; Set ans fu en eissil, ib. 66.

XIIIe s. Irons venger la honte doloreuse Dont chascuns doit estre irés et honteux, Quesnes, Romanc. p. 94. Et quant uns seul en remanoit de ça [n'allait pas à la croisade], Il [Quesnes] lui disoit et honte et reprouvier, Hues D'Oisi, ib. p. 104. Et s'en alerent passer à Marseille, dont il reçurent grant honte et moult en furent durement blasmé, Villehardouin, XXXI. Que ne me fassiez chose qui à honte me pere [ne se manifeste à ma honte], Berte, CXIII. Ge tiens à grant honte…, la Rose, 6801. Ele meïsme le raconte, Et escrit, et n'en a pas honte, à son ami…, ib. 8846. Ele [l'Envie] est trop lie [joyeuse] en son corage, Quant el voit aucun grant lignage Decheoir et aler à honte, ib. 247. Et chil à cui cius hontes [cette honte] sera fais, Tailliar, Recueil, p. 493. …un entremès i ot D'une merveilleuse friture Des pechés fais contre nature… D'une tonne de honte plaine Convint l'entremès abeuvrer ; Car ceus en convenist crever, Qui orent la friture eüe, S'il n'eüssent honte beüe, Hugues de Mery, le Tournoiement de l'antechrist. Qui plus craint mort que honte n'a droit en seigneurie, Ch. d'Ant. VIII, 179.

XIVe s. Car uns proverbes nous raconte, Que tels cuide vengier son honte, Qui l'acroist, et ensi avient, Jean de Condé, p. 35. Ce sera honte à nous, onques telle ne fu, Se de ci en alons à loi de recreü, Guesclin. 19937.

XVe s. Il sera tantost jour, et puis sauldrons tous ensemble, et verrons entour nous ; car la nuyt n'a point de honte, le Jouvencel, f° 29, dans LACURNE. Et puisqu'il enquiert et serche sa honte et il la trouve, il est bien raison qu'il endure le mal qu'il a serché et quis, Les 15 joies de mariage, p. 65. Qui a toutes ses hontes beues, Il ne lui chault que l'en lui die ; S'on le hue parmi les rues, La teste hoche à chiere lie, Orléans, Rondeau.

XVIe s. Ayez honte et respect de vous-mesmes, Montaigne, I, 286. N'as-tu pas honte de chanter si bien ? Montaigne, I, 289. Platon advertissoit les vieux d'avoir honte des jeunes, à fin que les jeunes se maintinssent en leur endroit avec honte et reverence, La Boétie, 312. Femme qui perd sa honte est sans estime et conte, Cotgrave Il ne va pas du tout à honte, qui de demie voye retourne, Cotgrave Qui a honte de manger, a honte de vivre, Cotgrave Qui n'a honte, il n'aura jà honneur, Cotgrave Qui vit à compte vit à honte, Cotgrave Vieil peché fait nouvelle honte, Cotgrave Il a passé par devant l'huis d'un pasticier, il a ses hontes perdues, Oudin, Curios. franç.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

HONTE. - HIST.

XVIe s. Ajoutez : Mais voyant le peuple mutiné et armé pour repousser la force par la force, se retira avec sa courte honte, P. de, L'Estoile, Journ. de Henri III, t. I, p. 202. (cité par M. Eman Martin, Courrier de Vaugelas, 1er déc. 1874, p. 130, qui comble ainsi la lacune que j'avais signalée en disant que courte honte n'avait point d'historique).

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Étymologie de « honte »

Du vieux-francique *haunita ou *hauniþa, « dédain, mépris, raillerie » (→ voir honnir) (cf. vieux saxon hōnitha, hōnithia « déshonneur », moyen néerlandais hoonde, même sens) ; la forme latinisée haunitas est attestée dans les Gloses de Reichenau (VIIIe siècle).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Bourg. onte ; provenç. ancta, amta, anta ; ital. onta ; de l'anc. h. allem. hônida ; vieux saxon, honda, déshonneur, de même radical que honnir. Honte a été des deux genres. Un dérivé hontage a été très usité.

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Phonétique du mot « honte »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
honte ɔ̃t

Fréquence d'apparition du mot « honte » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « honte »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « honte »

  • Misère n'est pas honte, en avoir honte est misère.
    Proverbe turc
  • La honte n'est pas de perdre, d'être inférieur à l'ennemi. Mais d'être inférieur à soi-même : voilà qui gâte à la fois le sort du vaincu, le mérite du vainqueur.
    Edmund Spenser — La Reine des fées, II, V, 15 The Faerie Queene, II, V, 15
  • Il ne faut pas avoir honte d’être romantique.
    Ewan McGregor — Evene.fr - Mars 2007
  • Il n'y a pas de honte à préférer le bonheur.
    Albert Camus
  • L’homme a quatre membres, le cinquième est la honte.
    Proverbe mongol
  • Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères.
    Jean de La Bruyère — Les Caractères, De l'homme
  • Il est honteux d'être sans honte.
    Saint Augustin
  • La honte, ça passe quand la vie est longue.
    Jean-Paul Sartre — Morts sans sépulture
  • Qui me trompe une fois, honte à lui ; qui me trompe deux fois, honte à moi.
    Proverbe anglais
  • La honte n'est pas toujours la conscience du mal que nous faisons, elle est souvent la conscience du mal qu'on nous fait.
    Paul Morand — L'Homme pressé, Gallimard
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Traductions du mot « honte »

Langue Traduction
Anglais shame
Espagnol vergüenza
Italien vergogna
Allemand schande
Chinois 耻辱
Arabe عار
Portugais vergonha
Russe позор
Japonais
Basque pena
Corse vergogna
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Synonymes de « honte »

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Antonymes de « honte »

Combien de points fait le mot honte au Scrabble ?

Nombre de points du mot honte au scrabble : 8 points

Honte

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