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Clameur

Variantes Singulier Pluriel
Féminin clameur clameurs

Définitions de « clameur »

Trésor de la Langue Française informatisé

CLAMEUR, subst. fém.

A.− DR. ANC. Demande ou citation devant le juge; saisie-exécution. Clameur féodale. Retrait féodal. Clameur lignagère. Retrait lignager (cf. Lar. 19e, Lar. encyclop.).
Clameur de haro (vieilli). Sommation de comparaître sur-le-champ devant le juge (cf. Balzac, Modeste Mignon, 1844, p. 241; Giono, Chroniques, Noé, 1947, p. 128).
B.− Souvent au plur.
1. Ensemble confus de cris poussés par une foule pour exprimer ses sentiments, ses états d'âme, ses passions. Clameur confuse, immense clameur; clameur de haine; pousser une clameur :
1. Oh! que ces grandes voix des grandes capitales Ont de cris douloureux et de clameurs fatales, D'angoisses, de terreurs et de convulsions! On croit y distinguer l'accent des passions Qui, soufflant de l'enfer sur ce million d'âmes, Entrechoquent entre eux ces hommes et ces femmes, Font monter leur clameur dans le ciel comme un flux, Ne forment qu'un seul cri de mille cris confus, (...) Lamartine, Jocelyn,1836, pp. 720-721.
2. Des voix glapissantes, suraiguës, jetaient des notes de fifre au milieu d'autres voix ronflantes, prolongées comme des accompagnements d'orgue. Par moments, les bruits semblaient se briser, le tapage se fêlait; et alors, au milieu de la clameur mourante, des huées montaient, des paroles s'entendaient : (...). Zola, Son Excellence Eugène Rougon,1876, p. 357
3. Puis un grand cri partit du sommet de la maison [embrasée], puis ce fut une clameur de hurlements humains, d'appels déchirants d'angoisse et d'épouvante. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, La Mère Sauvage, 1884, p. 237.
SYNT. Clameur aiguë, désespérée, effrayante, effroyable, formidable, immense, joyeuse, profonde, sauvage, triomphante; des clameurs de joie, d'enthousiasme; la clameur de la foule, du peuple, des soldats; la clameur grandit, monte, s'élève.
La clameur publique, la clameur universelle. Expression, bruyante ou non, du mécontentement public. Ils en imposeront aujourd'hui, à moins que la clameur publique, toute la masse de la nation ne les forcent à reculer (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 831; cf. Musset, Le Temps, 1831, p. 1).
2. P. anal.
a) [En parlant d'une seule pers., la quantité étant remplacée par l'intensité] La clameur acharnée du mioche (Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 455).
b) Poét. [En parlant d'un bruit] Une clameur de tempête. Puis des clameurs, des clairons, des trépidations étranges, et ce grand hurlement majestueux que les marins nomment « appel de l'océan » (Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 354).
C.− Au fig., gén. au plur. Injures, expression d'un sentiment mauvais. Braver les clameurs des sots; de vaines clameurs. Les clameurs de ses adversaires ne l'intimident pas (Ac.1835-1932) :
4. Il faut croire que le chemin de la simple justice n'est pas facile à trouver entre les clameurs de la haine d'une part et les plaidoyers de la mauvaise conscience d'autre part. L'échec [de l'épuration] en tout cas est complet. Camus, Actuelles I,1944-48, p. 79.
Rem. On relève ds la docum. clamitation, subst. fém. Criailleries, plaintes intempestives. Les commérages ou clamitations marécageuses d'une provisoire humanité (Bloy, La Femme pauvre, 1897, p. 168).
Prononc. et Orth. : [klamœ:ʀ] ou [klɑ-]; cf. clamer. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 clamor « cri » (Alexis, éd. C. Storey, 221); 2. ca 1175 « plainte [en justice ou auprès d'une autorité compétente] » (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. W. Fœrster, 6675); 1583 spéc. dr. coutumier clameur de haro (Bourdot de Richebourg, Nouv. coutumier gén., t. 4, p. 62), répertorié dans la lexicogr. dep. Nicot 1606. De clamorem, acc. du lat. class. clamor « cri », spéc. « plainte » et « plainte en justice » en lat. du haut Moy. Age (Nierm.). Fréq. abs. littér. : 1 082. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 156, b) 1 706; xxes. : a) 2 165, b) 1 127. Bbg. Hammerich (L. L.). Clamor, eine rechtsgeschichtliche Studie. Kopenhagen, 1941, passim.

Wiktionnaire

Nom commun - français

clameur \kla.mœʁ\ féminin

  1. Grand cri, cris confus de plusieurs personnes réunies.
    • Le bruit dans l’intérieur du château, bruit occasionné par les apprêts de la défense, devint plus considérable, et se changea en tumulte et en clameurs de plus en plus assourdissantes. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • La clameur fut si forte et si unanimement vocifératrice, qu'il fallut, malgré le froid, ouvrir les portières, car on ne s'entendait plus. — (Octave Mirbeau, Paysage d'hiver, dans La vache tachetée, 1918)
    • La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. — (Léo Ferré, Préface à Poètes..vos papiers!, 1956)
    • Quelle clameur justifiée une telle décision eût soulevée dans une démocratie où l'on avait le sentiment fondé que les classes riches étaient ménagées par le fisc! — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • (Figuré)Tous deux durent revenir trois fois dans la clameur des cuivres et s'incliner devant la rampe, face au public dont les bravos, du haut en bas de la salle, crépitaient sans faiblir. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
  2. (Figuré) Injure, outrage.
    • Et voilà notre poissarde qui s'échauffe, emplit l'air de ses clameurs. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
  3. (Figuré) Indignation.
    • Seule la clameur mondiale peut empêcher un génocide. — (Le Monde avec AFP, De rares images des Awa, tribu isolée et menacée en Amazonie, Le Monde. Mis en ligne le 23 juillet 2019)
    • La clameur publique, L’indignation publique, manifestée de quelque manière que ce soit.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CLAMEUR. n. f.
Grand cri. Il se dit ordinairement des Cris confus de plusieurs personnes réunies. Clameur tumultueuse. Il s'éleva une clameur universelle. Les clameurs d'une populace mutinée. Cela excita les clameurs de l'assemblée. Les clameurs des femmes et des enfants. Il signifie quelquefois figurément Injure, outrage. Braver les clameurs des sots. De vaines clameurs. Les clameurs de ses adversaires ne l'intimident point. La clameur publique, L'indignation publique, manifestée de quelque manière que ce soit.

Littré (1872-1877)

CLAMEUR (kla-meur) s. f.
  • 1Ensemble de cris tumultueux, souvent de mécontentement, de réprobation. Une bruyante clameur. Il s'éleva une clameur universelle. Une montagne en mal d'enfant Jetait une clameur si haute Que chacun au bruit accourant Crut qu'elle accoucherait sans faute D'une cité plus grosse que Paris, La Fontaine, Fabl. V, 10. Les bons papes trouveront l'Église en clameurs, Pascal, P. Jés. 4. Partout où il a passé ç'a été des clameurs [cris de douleur], Sévigné, 211. Justice qui fait semblant d'être vigoureuse, à cause qu'elle résiste aux tentations médiocres et peut-être aux clameurs d'un peuple irrité, Bossuet, le Tellier. J'entends de tous côtés les clameurs des soldats, Voltaire, Adelaïde, I, 1. Les clameurs des soldats par la crainte étouffées, Delavigne, Paria, I, 1.
  • 2Réclamation à haute voix. Les dieux plus pitoyables à nos justes clameurs se rendent exorables, Corneille, Médée, V, 4. La forte clameur que vous poussez pour eux vers le trône de votre fils, Massillon, Pass. 2. Les grenouilles, se lassant De l'état démocratique, Par leurs clameurs firent tant Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique, La Fontaine, Fabl. III, 4.

    La clameur publique, l'indignation publique.

    Clameur de haro, terme de pratique, qui se disait autrefois, en Normandie, de la sommation de comparaître sur-le-champ devant le juge. Voy. HARO.

  • 3Criaillerie. Braver les clameurs des sots. Il a trop craint les clameurs de la cabale. Osant braver les clameurs de leur sexe, Rousseau, Ém. I. À ces vaines clameurs on ne répondait pas, Voltaire, Œdipe, V, 1.

SYNONYME

CRI, CLAMEUR. Cri est le mot général ; clameur le particularise. Le cri est la voix poussée avec effort, mais sans être nécessairement articulée. Un homme qui souffre beaucoup peut jeter des cris, mais non des clameurs ; la clameur suppose toujours un sens et des paroles ; elle emporte l'idée de plainte, de demande, d'accusation, de réclamation.

HISTORIQUE

XIe s. Cent solz al clamur por la teste, Lois de Guill. 4.

XIIe s. Les meies paroles o tes oreilles receis, sire ; entent la meie clamur, Psautier, dans Missions scientifiques, t. V, p. 146. Un en doit faire clamour, Couci, III. Ne jà certes [je] n'en feïsse clamor, Se j'eüsse de moi venger puissance, ib. XVI.

XIIIe s. Grains [attristé] et marriz, [il] fist tant par sa maistrise [adresse], Que à sa dame en un destour A fait sa plainte et sa clamour, Audefroi le Bastard, Romancero, p. 6. Li mestre marischaus a la joustice de tous les forfais apartenans à leur mestiers, et de toutes les clameurs qu'il i font li uns seur l'autre, Liv. des mét. 46. Je vous ains [aime], dit-il, par amors ; Si en ai fait maintes clamors, Ren. 410. Comment, par le conseil d'Amours, L'amant vint faire ses clamours à ami, à qui tout compta, la Rose, 3120. Quant le [la] clameurs est d'aucun cas qui touque à l'eritage de son seigneur, Beaumanoir, 30. Et se il est requerant, qu'il die le plus brief qu'il pora ; car en brieve clamor a deus proufiz ; l'un est que la court retient et recorde mieus le court que le lonc, Ass. de Jér. 46.

XVIe s. Petits plaisirs, longues clamours, Or taschons à trouver la chose Que je cherche au temple d'Amours, Marot, I, 191. Et alors se leva une clameur de joye que le peuple jetta si haulte, qu'elle fut entendue jusques en la mer, Amyot, Flamin. 20.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CLAMEUR. Ajoutez : - REM. Clameur est noté par Malherbe comme hors d'usage : Je vous conseille de ne parler point de clameurs, Malherbe, Comment. sur Desportes, t. IV, p. 384, édit. Lalanne. Clameur avant et depuis Malherbe a toujours été usité.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

CLAMEUR, s. m. (Jurisp.) en général signifie demande ; il signifie aussi quelquefois saisie, exécution, contrainte. C’est ainsi qu’il est dit faire sa clameur au roi, en l’ancienne chronique de Flandres, ch. lxxxv. Il est parlé de clameur, clamor, en l’ordonnance de Philippe IV. de l’an 1304, & de la clameur du petit scel de Montpellier dans l’ordonnance de Louis XII. art. 142. & suiv.

Clameur, en Normandie, est toute demande intentée par la voie possessoire ou pétitoire, pour se plaindre en justice par action civile du dommage que l’on prétend avoir souffert. On y distingue plusieurs sortes de clameurs ; savoir,

Clameur de bourse, est l’action en retrait lignager, féodal, ou autre.

Clameur de bourse gagée, c’est quand le défendeur en retrait lignager, féodal, ou autre, acquiesce au retrait, en lui remboursant le sort principal du prix de la vente, frais, & loyaux coûts.

Clameur à droit conventionnel, est l’action pour exercer la faculté de réméré.

Clameur à droit de lettre lûe, est la faculté qui appartient à un tiers acquéreur qui a possédé par an & jour un héritage ou autre immeuble en vertu d’un titre authentique, de le pouvoir retirer sur celui qui s’en est rendu adjudicataire par decret, en lui remboursant le prix de l’adjudication, frais & loyaux coûts dans l’an & jour. Coût. de Normandie, art. 451.

Clameur fausse, est quand on se plaint à tort à justice. Anc. coût. de Norman. ch. vij. 95.

Forte clameur, est une amende de deux sols six deniers dûe au Roi, selon la coûtume locale de la châtellenie de Montereau, ressort de Meaux ; lorsque quelqu’un a fait ajourner un autre en action personnelle, celui qui succombe la doit pour le premier ajournement, supposé que les parties s’accordent, sans porter la cause à l’audience ; car s’ils persistent plus loin, & que la cause soit contestée, il y a sept sols six deniers d’amende : c’est proprement l’amende du clain & clameur faite en justice, qui est moindre que l’amende du ni atteint & vérifie qui est dûe pour la contestation. Voyez le glossaire de M. de Lauriere au mot Forte clameur.

Clameur de gage plege, est une complainte contre le trouble fait en la propriété ou possession d’un héritage, par voie de fait, violence, ou autrement. Normand. art. 5.

Clameur gagée, est le retrait consenti par l’acquéreur.

Clameur de haro, usitée en Normandie, & que Dumolin appelle quiritatio Normanorum, est une plainte verbale & clameur publique de celui à qui on fait quelque violence ou injustice, & qui implore la protection du prince, ou qui trouvant sa partie la veut mener devant le juge, en sorte que cette clameur emporte avec elle une assignation verbale.

L’opinion la plus suivie sur l’origine de cette clameur de haro, est que le terme de haro est une invocation du nom de Raoul ou Rollo premier duc de Normandie, qui se rendit respectable à son peuple, tant par ses conquêtes que par l’amour qu’il avoit pour la justice. Comme on imploroit sa protection de son vivant par une clameur publique, en l’appellant & en proférant son nom, & qu’après sa mort sa mémoire fut en vénération à son peuple, on continua d’user de la même clameur & du terme de haro, par corruption de ha Raoul. On a donné plusieurs autres étymologies du terme de haro, mais qui ne paroissent pas bien fondées.

Le premier exemple mémorable de l’usage que l’on faisoit de la clameur de haro, est celui que rapporte Paul Emile en son histoire de France. Guillaume le Bâtard dit le Conquérant, septieme duc de Normandie, & roi d’Angleterre, étant mort à Rouen au mois de Septembre 1087, son corps fut transporté & inhumé dans l’église de S. Etienne de Caen qu’il avoit fait bâtir, & qui avoit été construite en partie sur un petit morceau de terre dont le prix n’avoit point été payé à un pauvre homme de la ville de Caen nommé Asselin, lequel osa arrêter la pompe funebre du prince par une clameur de haro en ces termes : Qui regna oppressit armis, me quoque metu mortis oppressit ; ego injurix superstes pacem mortuo non dabo ; in quem infertis istum hominem locum, meus est : in alienum locum inferendi mortui jus nemini esse deffendo. Sin extincto tandem indignitatis autore vivit adhuc vis, Rollonem conditorem parentemque gentis appello, qui legibus ab se datis, quam cujusque injuria, plus unus potest, polletque.

Henri V. roi d’Angleterre ayant mis le siége devant Rouen en 1417, un prêtre fut député pour lui faire cette harangue : Très-excellent prince & seigneur, il m’est enjoint de crier contre vous le grand haro ; c’est ainsi que le rapporte Monstrelet. Il est vrai que Henri V. ne déféra pas à la clameur, & qu’après un siége de six mois il se rendit maître de la ville par composition ; mais cela prouve toûjours l’usage qui a été fait de cette clameur dans tous les tems.

Depuis la réunion de la Normandie à la couronne, nos rois ont ajoûté dans toutes leurs ordonnances, édits, déclarations, & lettres patentes, cette clause, nonobstant clameur de haro, ce qui se pratique encore présentement ; en sorte que cette clameur a paru avoir assez d’autorité pour faire obstacle à l’exécution des nouvelles lois, s’il n’y étoit pas dérogé par une clause expresse.

L’ancien coûtumier de Normandie contient un chapitre de haro, dont Terrien a fait mention dans son commentaire, liv. XII. ch. xviij. La même chose se trouve dans l’ancien style de procéder qui est à la fin de ce coûtumier, & est rapporté par Terrien, liv. VIII. ch. xj.

Suivant l’ancien coûtumier, le haro ne pouvoit être interjetté que pour cause criminelle, comme pour feu, larcin, homicide, ou autre péril évident.

Mais on voit dans le style ancien de procéder, que l’usage avoit changé, & que la pratique du haro étoit déjà étendue au cas où il s’agit de conserver la possession des immeubles, & même des meubles ; c’est pourquoi lors de la rédaction de la nouvelle coûtume qui commença d’être observée au premier Juillet 1583, les commissaires nommés par le roi & les députés des trois états insérerent dans le cahier de la réformation un article qui est le cinquante-quatrieme, portant que le haro peut être intenté, non-seulement pour maléfice de corps & pour chose où il y auroit péril imminent, mais pour toute introduction de procès possessoire, encore que ce soit en matiere bénéficiale ou concernant le bien de l’église.

Sous le terme de maléfice de corps sont compris en cet endroit toutes sortes de délits, tels que vols, larcins, incendies ; & ainsi présentement la clameur de haro peut être intentée pour toutes sortes de délits & de contestations civiles, bénéficiales, possessoires, & provisoires, même pour meubles : mais lorsqu’il s’agit du pétitoire, il faut prendre la voie ordinaire des actions, & observer les formalités prescrites pour les demandes. Il en seroit de même pour le recouvrement d’un effet mobilier, lorsque celui qui le possede est un homme domicilié, & qu’il n’y a point à craindre qu’il s’évade.

Il n’est pas absolument nécessaire que la clameur soit intentée contre les coupables ou défendeurs à l’instant même que l’action dont on se plaint a été commise ; la clameur peut être intentée etiam ex intervallo, sur-tout lorsqu’il s’agit d’un délit, & que l’accusé est un homme non domicilié.

On n’a pas besoin du ministere d’aucun officier de justice pour intenter le haro ; il suffit que celui qui crie haro le fasse en présence de témoins, & somme sa partie de venir devant le juge.

Suivant l’ancien coûtumier, lorsqu’on crioit haro, chacun devoit sortir, & si le délit paroissoit digne de mort ou de mutilation de membre, chacun devoit aider à retenir le coupable, ou crier haro après lui sous peine d’amende. Ceux qui avoient pris le malfaiteur ne pouvoient le garder qu’une nuit, après quoi ils devoient le rendre à la justice, à moins qu’il n’y eût un danger évident. Il reste encore de cet ancien usage que quand quelqu’un crie haro, si c’est contre quelqu’un qui en veut outrager un autre, ou qui veut voler un marchand, ou violer une fille ; en un mot s’il s’agit d’empêcher quelque violence publique ou particuliere faite avec armes ou sans armes, tout le peuple doit assister le plaignant ; il n’est pas même nécessaire que ce soit l’offensé qui interjette le haro, un tiers peut le faire, & il lui est également dû assistance tant pour protéger les innocens, que pour faire châtier les coupables. Voyez Godefroy sur l’article 54 de la coûtume.

La clameur de haro ne peut être intentée qu’en Normandie, mais elle peut l’être par toutes sortes de personnes demeurantes dans cette province, soit qu’elles soient originaires du pays ou non. Des Normands ne pourroient en user dans un autre pays, même entr’eux.

Les femmes peuvent intenter cette clameur : les impuberes peuvent aussi y avoir recours, même sans être assistés de tuteur ou curateur.

Elle peut être intentée contre des ecclésiastiques, sans qu’ils puissent décliner la jurisdiction séculiere.

Elle ne peut être intentée contre le Roi, ni même contre ses officiers pour les empêcher de faire leurs fonctions, & notamment contre les commis, huissiers, & sergens employés pour les droits du Roi. L’ordonnance des aides, tit. x. art. 38. défend à tous huissiers de recevoir de telles clameurs, & aux juges d’y statuer.

Godefroi excepte néanmoins le cas où un juge entreprendroit sur la jurisdiction d’autrui, & celui où un officier abuseroit de son pouvoir, comme si un sergent emportoit les meubles par lui exécutés sans laisser d’exploit ; dans ces cas il y auroit lieu au haro.

Les officiers de la basoche ou régence du palais de Rouen, ont été autorisés par divers arrêts à intenter la clameur de haro contre les solliciteurs qui se trouvent en contravention aux reglemens concernant la discipline du palais.

L’effet du haro est qu’à l’instant qu’il est crié sur quelqu’un, celui-ci est fait prisonnier du Roi ; & s’il s’absente, il est toûjours réputé prisonnier en quelqu’endroit qu’il aille ; & quoiqu’il ne soit pas resséant de la jurisdiction du lieu où le haro a été crié, il peut être poursuivi & pris en quelque jurisdiction qu’il soit trouvé, pour être amené dans les prisons du lieu où le haro a été crié. Toute entreprise doit cesser de part & d’autre, à peine d’amende contre celui qui auroit fait quelque chose au préjudice, & d’être condamné à rétablir ce qu’il auroit emporté ou défait.

Les deux parties sont tenues de donner caution ; savoir, le demandeur de poursuivre sa clameur, & le défendeur d’y défendre ; & ces cautions sont tenues de payer le juge. C’est au sergent à recevoir ces cautions, de même que les autres cautions judiciaires. Si les parties refusoient de donner caution, le juge doit les envoyer en prison.

Après que les cautions sont données, la chose contentieuse est séquestrée, jusqu’à ce que le juge ait statué sur la provision.

L’ancien coûtumier dit que le duc de Normandie a la court du haro, c’est-à-dire la connoissance de cette clameur, & qu’il doit faire enquête pour savoir s’il a été crié à droit ou à tort.

La connoissance du haro appartient au juge royal, sans néanmoins exclure le seigneur haut justicier. Quand on procede devant le juge royal en matiere civile, la connoissance du haro appartient au vicomte entre roturiers, & au bailli entre nobles, & au lieutenant criminel, en matiere criminelle, entre toutes sortes de personnes.

Si le demandeur ou le défendeur n’intentent point leur action sur le haro dans l’an & jour qu’il a été interjetté, ils n’y sont plus recevables ; & si après avoir l’un ou l’autre formé leur action, ils restent pendant un an sans faire de poursuite, la clameur de haro tombe en péremption.

Le juge du haro doit prononcer une amende contre l’une ou l’autre des parties ; la quotité de l’amende est seulement arbitraire.

Les parties ne peuvent transiger dans cette matiere ; c’est par cette raison qu’on leur fait donner caution, l’un de poursuivre, l’autre de défendre. Voyez l’ancien coûtumier & la nouvelle coûtume, tit. de haro, & les commentateurs sur ce titre. Le journal du palais, arrêt du gr. cons. du 19. Janv. 1695. Et le recueil d’arrêts du parlem. de Normandie par M. Froland, part. I. chap. vj.

Clameur lignagere, ou clameur de bourse, c’est le retrait lignager.

Clameur de loi apparente, est l’action, mandement ou commission accordée au bas d’une requête par le bailli au propriétaire qui a perdu la possession d’un héritage depuis quarante ans, à l’effet de rentrer en la possession de cet héritage. Normand. art. 3.

Clameur seigneuriale, est le retrait féodal ou seigneurial.

Clameur révocatoire, est une action pour faire casser & rescinder un contrat, obligation, ou autre acte. Normand. art. 3.

Clameurs ou rigueurs, sont des commissions expédiées sur des contrats passés sous certains scels appellés rigoureux, en vertu desquelles on peut contraindre le débiteur par exécution de ses biens, & même par emprisonnement de sa personne. Voyez Rigueur & Scel rigoureux.

Ouverture de clameur, coût. de Normand. art. 461. c’est lorsque par la qualité du contrat d’aliénation il y a lieu retrait féodal, lignager, ou conventionnel.

Clameur du petit scel de Montpellier, est une commission pour exécuter sous la rigueur de ce scel. Voy. ci-dev. Clameur ou Rigueur, & ci-apr. Scel rigoureux.

Clameur pour dettes, clamor pro debitis, étoit une assignation à cri public usitée anciennement dans le Languedoc, pour laquelle le crieur public avoit des droits à percevoir & sur le créancier & sur le débiteur. Voyez le recueil des ordonn. de la trois. race, tome III. p. 78. aux notes. (A)

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Étymologie de « clameur »

Provenç. et espagn. clamor ; ital. clamore ; du latin clamorem, cri.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : Le lat. clamare, d'où clamor, représente un ancien thème clama ou clamo, venant de calare, appeler, par syncope de l'a ; comparez nomenclator (voy. CALENDES) : cla-mor, de cla-re, comme fa-ma de fa-ri.

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Du latin clamor → voir clamer.
(c. 1050) clamor (Vie de saint Alexis).
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Phonétique du mot « clameur »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
clameur klamœr

Fréquence d'apparition du mot « clameur » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « clameur »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « clameur »

  • On étouffe les clameurs, mais comment se venger du silence ?
    Alfred de Vigny — Cinq-Mars, la fête
  • On étouffe les clameurs, mais comment se venger du silence ?
    Alfred, comte de Vigny — Cinq-Mars
  • L’avocat estime que la mère de Denis est victime d’une certaine injustice, par négligence. « Il n’y a pas vraiment eu d’enquête, ce sont des gens humbles et ils ne sont pas pris au sérieux. Mais l’affaire a été reprise par la clameur publique qui soutient, comme moi, cette maman seule et vraiment très courageuse. »
    Un an après, où en est l'enquête après la mort de Denis Gauthier à Dinan ? | Le Petit Bleu
  • Au moment du Timatanga, c'est un véritable brouhaha qui descend des travées du Soldier Feald. Le public américain, friand du haka, ne peut contenir son excitation. Une clameur accentuée par l'avancée des joueurs locaux, emmenés par un porteur du drapeau des États-Unis. Patriotisme oblige. Toujours est-il que ce bruit ambiant masque les premières paroles du Timatanga, les Maori All Blacks se trouvant certainement trop loin de la prise de son.
    Rugbyrama — Saga Haka - Épisode X : Dixon déchire le brouhaha américain - Rugby - Rugbyrama
  • Depuis plusieurs jours, comme dans de nombreuses villes en France, une clameur s’élève dans la nuit thononaise, quotidiennement, à 20 heures. Des applaudissements, des bruits de casseroles, des cris, des cloches et même une corne de brume… Cette manifestation sonore a pour but d’exprimer le soutien de la population à tous les soignants, en première ligne dans cette crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus.
    Le Messager — (VIDEO) Coronavirus : l’hôpital de Thonon en appelle à la solidarité - Le Messager
  • Il est à peine 18 h et ils sont déjà des centaines de jeunes, comme lui, à boire une bière dans les terrasses de la célèbre « rue de la soif », à Rennes, ce mardi 2 juin. Et l’ambiance est là : des chants montent des premiers bars, puis une clameur générale gagne la rue. Visiblement, les jeunes Rennais sont contents de retrouver « leur » rue de soirée.
    Rennes. Grosse ambiance « rue de la soif », les terrasses prises d’assaut - Redon.maville.com
  • Plus d’une année au pouvoir, les besoins s’enchainent, l’amélioration de la situation sociale des congolais, à la queue, attend son tour. La crise sanitaire qui n’épargne aucun continent ne facilite pas la tâche au gouvernement congolais et la clameur publique commence à prendre le dessus. Les 18 années qui ont trainé le pays dans le chaos ne vont pas s’effacer « par coup de baguette magique », soutient la population.
    mediacongo.net - Actualités - Pourquoi les propositions de lois à l’Assemblée nationale agitent la population ?
  • Bien sûr, a priori, cela ne sert à rien, mais les Français, confinés, déjà en manque de rapports humains, ont besoin d'un petit boost quotidien. Cela ne peut pas faire de mal, et c'est bien un signe minimum de respect envers une profession "en première ligne" dans l'affaire du Covid-19. A Marseille, cela pourra aussi rappeler la "grande clameur" lors de l'ouverture de "Marseille Capitale européenne de la Culture" en 2013.
    LaProvence.com — Actualités | Vidéo - Coronavirus : un appel pour soutenir les personnels soignants depuis sa fenêtre à Marseille | La Provence
  • L'Eglise catholique se joint au concert de louanges et de soutiens que la Nation adresse chaque soir, via de long applaudissements à 20 h, aux personnels soignants mobilisés. Mgr Jean-Marc Aveline demande donc que les cloches des église se joignent à cette clameur en sonnant, tous les soirs à 19h55 durant deux à trois minutes, pour ne pas couvrir les applaudissements de 20 heures.
    LaProvence.com — Actualités | Coronavirus : les cloches de l'archevêché d'Aix-Marseille vont sonner en hommage aux soignants | La Provence
  • La salle Jo Huitel a résonné de la clameur poussée par les vainqueurs après la lecture des résultats, qui en disait long sur la tension de cette campagne. Jérémy Simon tenait à remercier les Languidiciens, « pour leur soutien et cette belle aventure. Nous sommes déçus, mais nous travaillerons avec les élus puisque nous aurons plusieurs personnes de notre liste qui siégeront au conseil municipal, afin de défendre le projet que nous avons mené jusqu’à présent ».
    Le Telegramme — Municipales à Languidic : Laurent Duval élu maire de Languidic - Languidic - Le Télégramme
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Traductions du mot « clameur »

Langue Traduction
Anglais clamor
Espagnol clamor
Italien clamore
Allemand geschrei
Portugais clamor
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Synonymes de « clameur »

Source : synonymes de clameur sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « clameur »

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Nombre de points du mot clameur au scrabble : 11 points

Clameur

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