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Chemin

Variantes Singulier Pluriel
Masculin chemin chemins

Définitions de « chemin »

Trésor de la Langue Française informatisé

CHEMIN, subst. masc.

Voie reliant un point de l'espace à un autre :
1. Une civilisation est un héritage de croyances, de coutumes et de connaissances, lentement acquises au cours des siècles, difficiles parfois à justifier par la logique, mais qui se justifient d'elles-mêmes, comme des chemins, s'ils conduisent quelque part, puisqu'elles ouvrent à l'homme son étendue intérieure. Saint-Exupéry, Pilote de guerre,1942, p. 314.
I.− [La voie en tant que moyen de communication]
A.− [Voie, en tant que support matériel fixe, tracé et aménagé]
1. Voie de communication terrestre d'intérêt local, le plus souvent à la campagne, d'importance secondaire par rapport à la route*. Les chemins sont mauvais dans un pays où il n'y a pas de chaussées (Napoléon Ier, Lettres à Joséphine,1806, p. 122).Il m'entraîne vers le bourg, par un chemin herbu, trempé, vaseux, où nous nous enlisons (R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1388):
2. − Vous ruinez la commune. On goudronne les routes pour les automobiles, et le chemin de Saint-Timothée, pour nos charrettes n'est pas fait. Hamp, Vin de Champagne,1909, p. 127.
3. Le langage courant réserve le nom de routes aux chemins de principale importance; officiellement, le mot route désigne des voies construites et entretenues aux frais de l'état et des départements; l'appellation chemin est réservée aux voies qui sont en tout ou en partie aux frais des communes qu'elles traversent ou qui les utilisent. J. Bourde, Les Trav. publ.,t. 2, 1929, p. 6.
SYNT. Un petit, un étroit, un large, un mauvais chemin; un chemin encaissé, sinueux, tortueux, montueux, abrupt; un chemin poudreux, sablonneux, caillouteux, pierreux, rocailleux; un chemin défoncé, accidenté, verglacé; un chemin facile, rude. Un chemin (peu) fréquenté, passant (Ac. 1835-78), (im)praticable, carrossable; un chemin familier. Un chemin muletier; un chemin bordé (de peupliers, de fleurs); un chemin en pente, en lacets; un chemin de côte, de crête, de montagne; la boue, les cahots du chemin; à la croisée, à l'embranchement, au carrefour des chemins; ouvrir, tracer un chemin. Le chemin projeté passera par ici (Ac. 1835-78). S'engager dans un chemin; suivre, quitter, traverser un chemin. Prendre le chemin sur la gauche. Prenez le chemin à main droite, à main gauche (Ac. 1835-78). Prendre le même chemin, un autre chemin, le chemin le plus direct, un chemin détourné. Il ne tient, il ne suit point de chemin, il va à travers champs (Ac. 1835-78). Mettre en état les chemins. Réparer les chemins (Ac. 1835-78). Les pluies, le dégel, les charrois ont gâté, ont rompu les chemins (Ac. 1835-78). Chemin qui va à (nom de lieu). Chemin qui tourne, descend, monte, grimpe. Les chemins ne sont pas sûrs (Ac. 1835-78).
[Avec un compl. prép. de désignant le point d'aboutissement d'une voie] Prendre le chemin de l'église, de l'école, de la gare.
Plus rare. [Le compl. désigne le lieu de passage] Prendre, pour aller à la ville, le chemin de la forêt (Lar. 19e).
2. Syntagmes et loc.
a) Syntagmes. Chemin de terre. Chemin étroit, non-aménagé, pas même empierré, au travers des champs, des bois (cf. sentier, piste). Les chemins de terre toujours humides du sous-bois (Pergaud, De Goupil à Margot,1910, p. 50).Passez par les chemins de terre, on a le pied moins leste que sur la route, mais c'est plus court (Hamp, Vin de Champagne,1909, p. 114).Chemin creux. Chemin encaissé, resserré entre des talus ou des haies. Chemin de traverse. Chemin qui, en coupant à travers champs, abrège le trajet par rapport à la route ordinairement empruntée. La cantinière (...) prit un chemin de traverse au milieu des prairies (Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 37).Chemin ferré (vx). Chemin empierré dans lequel les chevaux, en particulier, n'enfoncent pas. Le massif est longé d'un côté par un chemin ferré, permettant de l'aborder en tout temps (Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 137).Chemin forestier. Chemin frayé dans une forêt pour son exploitation. Chemin d'exploitation (rurale). Chemin servant à l'exploitation des terres. Construction de chemins d'exploitation pour accès aux pâturages communaux (J. Fonteneau, Le Conseil municipal,1965, p. 90).Chemin rural. Chemin d'usage public, d'intérêt strictement communal, non classé chemin vicinal (cf. infra) et appartenant au domaine privé de la commune. Chemin privé. Chemin desservant une propriété privée, interdit à l'usage de quiconque à moins d'une autorisation du propriétaire ou de la création d'une servitude. Région. (Canada). Chemin de pied. Sentier.
Chemin battu. Cf. battu, ue II B.Au fig. Suivre le chemin battu. S'écarter du chemin battu. Sortir des chemins battus. Fuir, mépriser les chemins battus.
Proverbe. À chemin battu il ne croît point d'herbe. ,,Il n'y a aucun profit à espérer d'un commerce, d'une industrie dont beaucoup de gens se mêlent`` (Nouv. Lar. ill.).
Grand chemin (vx). Voie interurbaine, route de grande communication. Nos chevaliers s'arrêtèrent dans une maison de paysan, qu'ils trouvèrent sur le grand chemin (Mmede Genlis, Les Chevaliers du cygne,t. 1, 1795, p. 241).
Rem. Au courant du xixes., on a groupé, sous l'appellation grands chemins, les routes nationales et départementales, p. oppos. aux chemins vicinaux ou secondaires (cf. Bouillet 1859 et George 1970).
Voleur de grand chemin (vx). Voleur s'attaquant aux voyageurs sur les grands chemins, sur les grandes routes (cf. Mérimée, Carmen, 1847, p. 9).Brigandage des grands chemins (Lamennais, L'Avenir,1831, p. 287).
P. ext., mod. Voleur, bandit de grand chemin. Voleur, bandit impudent.
P. ext., expr., rare
Au sing. [P. réf. au vagabond des grands chemins, au chemineau (cf. chemineau1)] Être sur le grand chemin. Être sans travail et sans domicile. Cf. être à la rue :
4. La chaise, un jour, fut brisée par des gens ivres; le cirque vendu et tous ces malheureux sur le grand chemin. Jacob, Le Cornet à dés,1923, p. 87.
Au plur. [L'accent est mis sur la notion de voyage aventureux] Être sur les grands chemins. Aller à l'aventure, sans aucune idée de l'itinéraire et des événements qui peuvent survenir :
5. − Pourquoi fais-tu cette tête? demanda-t-il. Nous voilà sur les grands chemins, à l'aventure : tu devrais être contente. Elle baissa les yeux : je ne voulais pas partir, Jacques, je me moque des Allemands, je voulais rester chez moi : ... Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 158.
Chemin vicinal [ou communal (p. oppos. à chemin rural, cf. supra) ou secondaire (p. oppos. à grand chemin, cf. supra)] Chemin servant, à l'intérieur d'un département, aux communications intercommunales :
6. La France est sillonnée actuellement par à peu près 700 000 kilomètres de routes et de chemins d'importance bien diverse, depuis la grand'route nationale qui relie une ville comme Paris aux villes voisines, jusqu'au chemin vicinal qui relie deux villages perdus de Bretagne ou d'Auvergne. H. Chardon, Les Trav. publ.,1904, p. 109.
SYNT. Chemin vicinal de grande communication. Chemin vicinal qui dessert plusieurs communes, les relie entre elles ainsi qu'aux routes départementales et nationales souvent. Chemin vicinal d'intérêt commun ou de moyenne vicinalité. Chemin vicinal qui dessert plusieurs communes et les relie entre elles. Chemin vicinal ordinaire ou de petite vicinalité. Chemin vicinal qui relie une commune à une autre située à proximité immédiate.
Chemins départementaux [dep. 1938]. Ensemble résultant du groupement des chemins vicinaux de grande communication (cf. supra) et des chemins vicinaux de moyenne vicinalité (ou d'intérêt commun, cf. supra) d'un département, avec les routes départementales proprement dites existant déjà, et appartenant au domaine public départemental.
Chemin départemental. Chacune des voies regroupées dans cet ensemble.
Chemin de halage. Étroite bande de terrain ménagée le long d'un cours d'eau navigable pour permettre de haler les bateaux depuis la rive :
7. La plateforme du chemin de halage doit être à une cote un peu supérieure à celle des hautes eaux navigables afin que la navigation y soit toujours possible. Si la circulation sur la rivière est active, on sera amené à construire un chemin empierré et à profil régulier. J. Bourde, Les Trav. publ.,t. 2, 1929, p. 329.
FORTIFICATIONS
Chemin de ronde
[Au Moyen Âge] Étroite plate-forme faisant saillie derrière les créneaux, à la partie supérieure des remparts et sur toute leur longueur, où circulent les gardes chargés de faire la ronde ou les défenseurs de la place. Synon. allée des murs.Un chemin de ronde sur les remparts de Thèbes. Hautes murailles. Nuit d'orage. Éclairs de chaleur (Cocteau, La Machine infernale,1934, p. 27).
[Mod., dans un ouvrage fortifié, une tranchée] Tout chemin à ciel ouvert d'où l'on peut tirer à l'abri d'un parapet.
Rem. Ac. 1835-78 et Littré écrivent également chemin des rondes.
Chemin couvert. Chemin à ciel ouvert tout autour d'une place forte, sur le bord extérieur du fossé, où les défenseurs sont à couvert du feu ennemi. Emporter le chemin couvert. Se loger sur le chemin couvert (Ac. 1835-78).
b) Loc. et proverbes
Loc. fam. [En parlant de qqc. ou de qqn] (Être) vieux comme les chemins. (Être) très vieux (cf. Ac. 1835-1932).
Chemin de velours. Chemin dessiné sur une pelouse :
8. Il n'y a pas de pente dans la vie d'un gosse. Avec nos petites joies, nos petites peines, nos petites révoltes, nette et rase comme une pelouse, un chemin de velours. Si le sol manque sous moi, c'est donc que je suis sorti de la pépinière!... Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1372.
P. ext. Chemin facile, aisé, agréable. Synon. chemin de fleurs.
[P. réf. à la porte étroite, à la voie étroite mentionnées dans la Bible (cf. infra rem.)] Chemin du paradis. Chemin étroit, raide, plein de difficultés; couloir, défilé où l'on ne peut passer qu'un par un.
Rem. Texte du verset de réf. :
9. Le pasteur avait d'abord lu tout le verset : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent; mais étroite est la porte et resserrée la voie qui conduisent à la vie, et il en est peu qui les trouvent. » Gide, La Porte étroite,1909, p. 505.
[P. réf. à la Bible, Acte des Apôtres, IX, 3-19] Chemin de Damas. Chemin sur lequel Saint Paul, qui se rendait à Damas persécuter les Chrétiens, se convertit au christianisme à la suite d'une révélation aux portes de la ville où il entendit la voix de Jésus qui lui demandait : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? »
Fig. (Voie de la) conversion. Munificences dont MmeKey entourait pour l'église son chemin de Damas (Peyré, Matterhorn,1939, p. 157).Trouver son chemin de Damas. Se convertir; s'amender; modifier profondément ses convictions, ses idées dans un domaine ou un autre :
10. Ah! Si vous saviez, Louise, quel homme j'étais. Heureusement, j'ai trouvé hier mon chemin de Damas. Désormais, je m'appliquerai à être l'ami des animaux et à les défendre tous, quels qu'ils soient. Aymé, Clérambard,1950, p. 89.
Région. (Canada). Chemin du roi. Route principale qui conduit d'un village à un autre. La rue Saint-Laurent qui était aussi la route nationale et le chemin du roi (J. Ferron, L'Amélanchier,Ottawa, 1970, p. 65).
Rem. Sous la domination française, les premiers chemins de colonisation s'appelaient chemins du Roi. Depuis le nom s'est conservé pour désigner toute route principale conduisant à un chef-lieu.
Proverbes. Bonne(s) terre(s), méchant(s)/mauvais chemin(s). ,,Les terres grasses et fertiles font des chemins qui se rompent aisément et qui sont peu praticables`` (Nouv. Lar. ill.). En tout pays, il y a une lieue de méchant/mauvais chemin. ,,(...) il n'y a point d'affaires où l'on ne trouve des difficultés`` (Littré). Bien dépenser et peu gagner, c'est le chemin de l'hôpital (Littré).
Proverbe. Tous les chemins mènent à Rome. Il y a diverses voies pour se rendre au même endroit :
11. Tous les chemins mènent à Rome, dit-on, et c'est ici même qu'ils aboutissent. Toutes les amorces au Sud jusqu'à la mer, toutes les voies comme une émission de son sol même que par tous les interstices Des couronnantes Alpes à l'horizon, le plissement et l'accumulation de la terre au-dessus de l'Italie, Glisse et pousse et ramifie de tous côtés au travers de l'Europe, ... Claudel, Poèmes de guerre,1916, p. 535.
Fig. Il y a divers moyens de parvenir au même but :
12. Lettre de Claudel, à qui j'avais demandé s'il n'écrirait pas une préface pour le livre de Unamuno (...). Il y flaire l'hérésie : modernisme, protestantisme... Comment ai-je pu m'y méprendre?... Décidément tous les chemins ne mènent pas à Rome et celui-là seul qui se tait peut être bien sûr de rester dans l'orthodoxie. Gide, Journal,1916, p. 549.
RELIG. CHRÉT. Chemin de (la) croix.
Chemin parcouru par Jésus Christ chargé de sa croix, de Gethsémani où il fut arrêté, au Golgotha où il fut crucifié.
P. ext. Ensemble des arrêts, des moments les plus marquants de la marche du Christ jusqu'au Calvaire (chacun d'eux étant appelé station de la croix). Fig. [En parlant d'un être humain] Le chemin de croix que devient la vie des impotents menacés (Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 1018):
13. Ceux qui ont eu méfiance de la croix, c'est qu'ils n'étaient pas faits pour l'amour. Ce doit être bon sur son dos de sentir quelque chose de lourd, Quelque chose d'inflexible et de pesant et le chemin devant nos pas tout tracé, Le Chemin de la Croix comme on dit avec les stations bien indiquées. Il y a toute espèce de croix et chaque temps pour les Saints a produit la sienne. Claudel, Poésies diverses,Pauline Jaricot, 1952, p. 831.
14. De la salle du palais à cette rue qui conduit à la tour, des landes galloises à la prison de Pomfret (...), nous accompagnons Richard tout au long de ce royal chemin de croix, car seul demeure ce cheminement inexorable vers l'accomplissement de la mort. M.-T. Serrière, Le T.N.P. et nous,1959, p. 73.
P. méton. [Dans une église, un lieu de pèlerinage] Suite de quatorze tableaux ou bas-reliefs figurant les principaux moments de la Passion, les quatorze stations de la croix. Un chemin de croix. Les quatorze stations du chemin de la croix :
15. ... il l'emmena devant les images douloureuses du chemin de la croix. − Tiens, dit-il, voici ce que mon Dieu a souffert... Jésus est battu de verges. (...) Jésus est couronné d'épines. (...) Jésus est insulté par les soldats. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1470.
Faire le chemin de (la) croix, faire un chemin de croix, faire son chemin de croix. Se prosterner et prier devant chacune de ces quatorze stations, en commémoration de la Passion. À l'église (...) il (...) rencontra (...) des convers à genoux, les uns faisant leur chemin de croix, les autres égrenant leur chapelet (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 217).Fig. [En parlant d'un être humain] :
16. Il lui avait fait faire son chemin de croix, à sa mère. (...) Un chemin de croix beaucoup plus douloureux que le sien. Car il est beaucoup plus douloureux de voir souffrir son fils. Que de souffrir soi-même. Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc,1910, p. 116.
P. méton. Livre contenant les textes des prières à réciter devant chacune de ces quatorze stations. À Mimi, mon chapelet, (...) mon chemin de la croix, mes méditations du père Judde (E. de Guérin, Journal,1838, p. 179).
3. P. ext. [Au plur. ou au sing. à valeur générique, ou à valeur de symbole] Toute voie terrestre pour aller d'un lieu à un autre :
17. ... Je n'en persiste pas moins à regarder le chemin des airs comme infiniment plus facile, comme infiniment moins dangereux que le chemin des rues, pour accéder au pôle. L. Martinet, L'Aéron.,oct. 1875, p. 300 ds Guilb. Aviat. 1965.
18. ... il y a une rêverie de l'homme qui marche, une rêverie du chemin. Emmenez-moi, chemins!... dit Marceline Desbordes-Valmore, en pensant à la Flandre natale (Un ruisseau de la Scarpe). Et quel objet dynamique qu'un sentier! (...) un poète évoque tout ce dynamisme en un seul vers : ô mes chemins et leur cadence (Jean Caubère, Déserts, éd. Debresse, p. 38). Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 29.
Par voie(s) et par chemin(s). De tous côtés, en tous sens. Synon. par monts et par vaux :
19. ... quoiqu'elle eût, (...) battu depuis son enfance tout le pays d'alentour, son industrie étant de quémander et chercher sa misérable vie par voies et par chemins. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 369.
SYNT. Marcher au hasard des chemins; errer par les chemins; être (toujours) sur les chemins, par chemin. Aller (toujours) par les chemins, par voie(s) et par chemin(s). Être toujours dehors; aller de tous côtés, selon les chemins qui se présentent; ne cesser de se déplacer, de voyager. Ce pauvre gentilhomme de Touraine allant et couchant par les chemins de la Hongrie (Balzac, Le Lys dans la vallée, 1836, p. 58) :
20. ... ce cousin, (...) gagne des millions. Ça ne vit pas, ça se brûle le sang, c'est toujours par voies et par chemins, au milieu de trafics d'enfer. Zola, Le Ventre de Paris,1873, p. 654.
Remettre qqn sur les chemins. L'inciter à se déplacer, à voyager de nouveau; lui faire reprendre la route. Les hasards seuls, à l'entendre, l'auraient remis sur les chemins (Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 56).
Par les quatre chemins. Partout. Où est-il mon maître? Il vous cherche par les quatre chemins (Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 127).
[P. oppos. à l'eau et à l'air, p. oppos. aux voies maritimes et aériennes] Le (grand) chemin des vaches. La terre ferme (cf. dans la lang. des marins et des aviateurs, l'expr. le plancher* des vaches).
Fig., proverbial. ,,L'usage commun et ordinaire`` (Ac. 1835-78).
Plus rare, gén. au plur. Toute voie par mer ou par air pour aller d'un lieu à un autre. Le chemin aérien habituel aux migrateurs (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 104):
21. Ils [nos ports] sont le carrefour des routes terrestres et notamment des voies ferrées vers les chemins de la mer. H. Chardon, Les Trav. publ.,1904, p. 201.
22. ... une destinée très profonde a fixé une fois pour toutes la capitale britannique au croisement des routes nordiques et de la grande diagonale européenne. C'est à Londres que j'ai acquis ma première expérience des chemins du monde, (...) j'y appris (...) le sens de la terre. Au sein de ses brumes, je fus initié à l'Italie, à la Flandre, aux Tropiques, aux Antipodes. Morand, Londres,1933, p. 330.
Rem. Cf. aussi le chemin des airs ds l'ex. 17.
B.− P. anal.
1. Ce qui conduit à un lieu; voie, passage pour avancer, se déplacer, se rendre quelque part. L'araignée, (...) ne pouvant trouver de chemin sur terre, s'en fait un en l'air (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 246).Le verre qu'on range hors du chemin de peur qu'il ne blesse les enfants (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 193).Un chemin avait été creusé dans la neige (Green, Moïra,1950, p. 232):
23. La jeune femme pénétra dans le théâtre en empruntant non pas l'étroit couloir des acteurs, mais le grand chemin du public, ainsi qu'eût pu le faire une visiteuse étrangère. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 262.
SYNT. Se frayer un chemin vers la sortie, parmi les voitures, à travers la foule; s'ouvrir un chemin dans la foule; couper, barrer le chemin à qqn; se placer, se mettre sur le chemin de qqn; laisser le chemin libre à qqn.
P. métaph. [En parlant de qqc. qui se déplace dans une certaine direction, tend vers un certain but (ondes lumineuses, ondes sonores...)] La lumière du couchant se frayait un difficile chemin jusqu'à ce monde enseveli (Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 268).N'est-ce pas la voix de M. le Président qui se fraye un chemin dans la broussaille des phrases de son hôte (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 100).
2. Emplois techn. [P. anal. de forme et/ou de fonction; pour désigner des objets sur lesquels qqn ou qqc. passe, la voie suivie par un outil en mouvement, des installations permettant le déplacement de certains appareils...]
Chemin (de table). Étroite et longue bande de lingerie que l'on dispose sur une table, dans le sens de la longueur. Chemin d'escalier. Longue et étroite bande de tapis que l'on dispose, à l'endroit du passage, sur les marches d'un escalier, le long d'un vestibule, ou dans une pièce, d'une porte à une autre. Un chemin de tapis rouge, (...) menait jusqu'à l'ascenseur (R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 108).
MAR. Chemin (-planche). ,,Planche ou assemblage de planches, établissant la communication entre le navire et le quai`` (Gruss 1952).
Rem. Gruss 1952 note que l',,On dit généralement planche`` et signale le synon. passerelle d'embarquement.
TECHNOLOGIE
Chemin de roulement. ,,Rail ou profilé sur lequel se déplace un chariot, pont roulant, ou organe mobile, montés sur des roues ou galets`` (Poignon 1967). Chemin de roulement des chariots (J. Bourde, Les Trav. publ., t. 2, 1929, p. 303).
Rem. Lar. encyclop. enregistre un emploi du syntagme chemin de roulement en aéron. pour désigner la ,,voie cimentée qui, sur un aérodrome, permet aux avions roulant au sol de se rendre de l'aire de stationnement à la piste d'envol et vice versa``.
[Dans un extracteur de tôles] Chemin roulant. La tôle tombe sur un chemin roulant constitué par une grille articulée formant chaîne sans fin (M. Gasnier, Dépôts métalliques directs et indirects,1927, p. 71).[Pour effectuer le lancement d'un bateau] Chemin de glissement suifé (A. Perpillou, L'Industr. des constructions navales,1967, p. 11).[Dans un métier à tisser] Chemin de glissement de la navette.
Trait dans lequel va et vient la lame d'une scie.
II. [La voie en tant qu'espace parcouru et/ou direction suivie ou à suivre vers un but déterminé; le mot peut être précédé d'un adjectif possessif à valeur de complément déterminatif]
A. Au sing. [Le but est un lieu]
1. Itinéraire ou direction vers un lieu déterminé. Il prit d'abord son chemin par la Hollande (Bernardin de Saint-Pierre, La Chaumière indienne,1791, p. 67).Lou Lugran m'enseigne la piste. L'étoile du berger me montre le chemin (Pesquidoux, Chez nous,t. 2, 1923, p. 124).L'espace qui reste à franchir n'est point la mer. Nulle route n'est le chemin qu'il me faut suivre (Claudel, Poésies diverses,Vers d'exil, 1952, p. 13):
24. [À Naples]... si vous demandez à un homme du peuple votre chemin dans la rue, il tend la main après vous avoir fait un signe : car ils sont plus paresseux pour les paroles que pour les gestes; ... Mmede Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 199.
25. Ainsi qu'un âne n'imagine pas qu'on aille du moulin au four autrement que par le plus court, le plus plat, le meilleur chemin : ainsi un touriste n'imagine pas davantage qu'on aille de Servoz à Genève autrement que par le plus long, le plus ardu, le plus détestable chemin. Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 331.
SYNT. Chercher son chemin; prendre le chemin indiqué; perdre, retrouver son chemin; s'écarter de son chemin, détourner qqn de son chemin; passer par le même chemin, par un autre chemin; ne pas connaître le chemin; se tromper de chemin.
Suivre le bon chemin. Être, avancer dans la bonne direction. Remettre qqn en bon chemin. Prendre le mauvais chemin. S'engager dans la mauvaise direction. Indiquer le mauvais chemin à qqn. Tenir un chemin. Suivre un certain itinéraire. Tenir le chemin de/vers + (destination). Se diriger vers (destination). Le prince ordonna à son lieutenant général de retourner par le même chemin qu'il avait tenu (Lamartine, Voyage en Orient, t. 1, 1835, p. 269).Elles essayaient de tenir leur chemin droit vers le couchant; et sans cesse quelque fondis ou quelque fourré les contraignait à un détour (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 240).
Rem. Cf. supra I A 1 ne point tenir de chemin dans la rubrique synt.
[Avec un compl. prép. de indiquant le but à atteindre ou, d'une façon plus gén., la destination] (Prendre) le chemin de + (indication de la destination). (Prendre) la direction de (indication de la destination). (Prendre) le chemin du village. Il prit le chemin du midi par la route la plus sûre (Thierry, Récits des temps mérovingiens, t. 2, 1840, p. 129).Ce dernier reprit par la voie de terre le chemin de Damas (Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 200).Ils devraient peu à peu apprendre à aimer la musique, prendre le chemin du concert (L'Enseign. en France. L'enseign. de la mus. et l'éduc. musicale, 1, 1950, p. 19).
Plus rare. [Le compl. est un mot abstr.] (Prendre) le chemin du retour, de l'exil.
Rem. Cf. supra I A 1, le cas où le compl. désigne une voie de communication précise.
Être sur le chemin de − (indication de la destination). Se diriger vers :
26. d'estrigaud. − ... tu viens de me faire manquer un mariage magnifique. navarette. − Dame! quand je suis entrée, tu n'étais pas sur le chemin de la mairie, ce me semble. Augier, La Contagion,1866, V, p. 436.
Loc. Lire son chemin dans les étoiles. Se diriger d'après la carte du ciel. Tu as franchi des forêts. Tu as lu notre chemin dans les étoiles (Audiberti, Quoat-Quoat,1946, 1ertabl., p. 36).
P. ext. [Il y a déplacement de personnes mais en dehors de toutes voies de communication proprement dites] Elle prit le chemin de la porte (Pourrat, Gaspard des Montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 251):
27. − C'est l'abbé Châtellier que je viens voir. Le valet (...) dit, l'air indifférent : − Monsieur veut-il que je l'accompagne? − Non. Je connais le chemin. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 45.
P. métaph. [En parlant de qqc.] Une boîte de cachous qu'il avait eu l'imprudence de montrer avait pris le chemin de la poche de Pol (Malraux, L'Espoir,1937, p. 674).
2. Espace parcouru ou à parcourir d'un lieu à un autre; distance de l'un de ces points à l'autre. Comme si elle n'en avoit été séparée que par un court espace de chemin (Nodier, Jean Sbögar,1818, p. 195).« Je vais aux halles. Je peux vous conduire un bout de chemin dans ma bagnole » (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 166).Il demeurait loin, lui, en banlieue, il avait du chemin pour venir (Céline, Mort à crédit,1936, p. 167):
28. Mais les enfants ce qui les intéresse ce n'est que de faire le chemin. D'aller et de venir et de sauter. D'user le chemin avec leurs jambes. De n'en avoir jamais assez. Et de sentir pousser leurs jambes. Ils boivent le chemin. Ils ont soif du chemin. Ils n'en ont jamais assez. Péguy, Le Porche du mystère de la 2evertu,1911, p. 285.
29. Pour revenir de mon village, je traverse presque toute la France. Ce long chemin, je l'appelle, je ne sais pourquoi, le ruban vert, comme si c'était le chemin de l'espérance. C'est neuf cents kilomètres, le long desquels, au volant de ma machine, je me raconte des histoires. Guéhenno, Journal d'une« Révolution », 1938, p. 208.
SYNT. Faire, parcourir le chemin (qui sépare un lieu d'un autre); faire, parcourir une partie du /un bout de/la moitié du/tout le/ chemin à pied; faire le chemin d'une seule traite, par étapes; abattre beaucoup de chemin; il reste un long chemin à parcourir; accompagner qqn un bout de chemin; la ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre.
Faire (du) chemin. Franchir un certain espace, accomplir un certain trajet, marcher, voyager (cf. faire [de la] route*). Faire chemin avec qqn. N'as-tu pas ton vélo, de bonnes jambes? On fait du chemin dans une nuit! (Genevoix, Raboliot,1925, p. 169).Cependant, Gaspard faisait chemin. Le pays allait par montées, par descentes (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes,1922, p. 77).Allonger/abréger le chemin. Prendre l'itinéraire le plus long/le plus court pour parvenir à destination. Se mettre en chemin, sur le chemin; prendre son chemin. Prendre le départ pour franchir un certain espace, accomplir un certain trajet, pour marcher, voyager un certain temps (cf. se mettre en route*, prendre la route*). Sans attendre que la nuit tombât, elle prit son chemin (Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère,1925, p. 248).Il lui fallait se mettre sur le chemin pour trouver un logis. Tous les printemps, ils déménageaient (G. Roy, Bonheur d'occasion,1945, p. 113).Être en chemin (vers). Être en train de franchir l'espace, d'accomplir un trajet, de marcher, de voyager (pour une certaine destination) (cf. être en route* pour). À peine étais-je en rapide chemin vers ce nouveau monde (...) le temps, (...) devint plus menaçant et nous rabattit aux Sorlingues (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 37).Continuer, poursuivre son chemin. Continuer sa marche, son voyage vers une certaine destination (cf. continuer, poursuivre sa route*). Il continua son chemin à travers les sapins dans la direction du « pigeonnier » (Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 75).Passer (droit) son chemin; aller, marcher, continuer, suivre (tout) droit son chemin. Poursuivre sa marche, son voyage sans s'arrêter, sans se préoccuper de ce qui se passe autour de soi. Mêlez-vous, cher monsieur, de ce qui vous regarde et laissez-moi passer mon chemin (Cocteau, La Machine infernale,1934, p. 73).Une demi-heure, une journée ... de chemin. Une demi-heure, une journée ... de marche, de voyage (cf. une demi-heure ... de route*). Rester (tant de) jours en chemin. Mettre (tant de) jours pour parcourir la distance séparant son point de départ de son lieu de destination; marcher, voyager durant (tant de) jours :
30. Ce n'est pas faute d'envie que je ne suis pas en chemin Si vous saviez, (...) le bonheur que j'ai d'être avec vous, vous me plaindriez au lieu de vous fâcher. E. de Guérin, Lettres,1847, p. 35.
31. Passer droit son malheureux chemin et être pris pour un suiveur, (...). Ah! non! et cela simplement parce que, (...) je marchais peut-être depuis trois ou quatre minutes à la même allure que cette péronnelle. Et voilà, voilà la vie des grandes villes! Il faut avoir son rythme à soi et faire constamment en sorte qu'il ne coïncide avec celui d'aucun autre. Marcher du même pas que quelqu'un, c'est déjà attenter un peu à la liberté, ... G. Duhamel, Confession de minuit,1920, p. 98.
P. méton., au sing. Temps passé à faire le chemin, à marcher, à voyager. Ne pas s'apercevoir du chemin. Sans s'être aperçu du chemin. En causant ainsi, le chemin parut très-court, quoiqu'Isambard eût extrêmement ralenti le pas de son cheval (Mmede Genlis, Les Chevaliers du cygne,t. 1, 1795, p. 261).
Tromper le chemin. Faire en sorte de ne pas se rendre compte du temps mis pour effectuer un certain trajet.
3. P. anal. [En parlant de qqc. qui franchit l'espace vers une certaine destination] Des lettres qui devaient rester cinq jours en chemin (Mmede Staël, Lettres de jeunesse,t. 1, 1790, p. 408).Mettre moins de temps en chemin. Franchir plus rapidement la distance séparant le point de départ du lieu de destination; marcher, voyager plus vite. Il venait à cheval pour mettre moins de temps en chemin (Mmede Duras, Ourika,1824, p. 117).[Le suj. désigne un lieu ou un voyageur; pour les situer dans l'espace par rapport à un autre lieu] Être à une heure, une journée ... de chemin (de + nom de lieu). Se situer à une heure, une journée ... de marche, de voyage (de tel lieu) (cf. être à une heure ... de route*). Chambéry n'était pas à une heure de chemin (Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 119).Rebrousser chemin. Faire demi-tour et refaire en sens inverse tout ou partie du trajet déjà effectué. Rebrousser chemin vers le nord. Sur, pendant, durant le chemin (du retour). Au cours de la marche, du voyage, du trajet effectué (pour revenir, rentrer).
(Prendre, suivre) le chemin des écoliers. (Prendre, suivre) le parcours que l'on a délibérément voulu le plus long et le plus agréable. Les sangliers isolés (...) la panse garnie, ceux-ci prennent le chemin des écoliers, vermillant ici, se souillant là, se frottant ailleurs (F. Vidron, La Chasse en plaine et au bois,1945, p. 103).
P. anal. [En parlant de qqc. qui se déplace] :
32. ... dans les premières installations, au lieu de revenir à l'usine par la voie qu'on lui offrait, le courant prenait le chemin des écoliers, s'échappait des rails et gagnait les conduites d'eau ou de gaz voisines qui lui offraient un chemin plus long mais meilleur, c'est-à-dire plus conducteur. A. Soulier, Les Gr. applications de l'électr.,1916, p. 146.
Fig. Elle [la jeune peinture française] revenait de la sorte à la tradition de la plus grande peinture par le chemin des écoliers (É. Faure, Hist. de l'art,1921, p. 222).
Loc. adv.
À mi-chemin, à moitié chemin. Au milieu de l'espace à parcourir, au milieu du trajet. Rester, être à mi-chemin, à moitié chemin; reculer à mi-chemin du but. Les petites maisons qu'ils occupaient se trouvaient (...) à mi-chemin des deux chantiers (Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 166).
P. anal. [En parlant de qqc. qui se développe sur un certain trajet que l'on parcourt] Un escalier étroit et raide qui se coudait à mi-chemin pour ménager la percée d'une fenêtre (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 10).
Chemin faisant. Tout en parcourant l'espace, tout en effectuant le trajet d'un lieu à un autre; tout en cheminant. L'empereur (...) se mit en route pour gagner le canot. Chemin faisant, il saluait (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 51).Au fig. Chemin faisant. Tout en faisant telle ou telle chose, par la même occasion, en même temps.
Rem. Littré enregistre également la constr. en chemin faisant.
En chemin. Au cours du trajet. Synon. en cours de route.S'arrêter, rester en chemin; rencontrer, rejoindre qqn en chemin; se quitter en chemin. Emma et Berthe l'accompagnaient dans sa promenade (...) en chemin, Berthe questionnait Édouard sur ce peuple des oiseaux (Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 142).Fam. Semer qqn en chemin. Le distancer nettement alors qu'on effectue le même trajet.
Au fig. En chemin. Avant d'aboutir, d'atteindre le terme, le but. L'homme qui se préoccupe des difficultés (...) résiste au mouvement qu'il faudrait suivre et demeure en chemin (Maine de Biran, Journal,1818, p. 105).Je me suis mêlé de paix et de guerre; j'ai signé des traités, des protocoles et publié chemin faisant de nombreux ouvrages (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 2).Ma pensée s'arrêta en chemin (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 24).Proverbe. Qui trop se hâte, reste en chemin. ,,Il faut ménager ses forces, si l'on veut arriver à un but`` (Nouv. Lar. ill.) (cf. qui veut voyager loin ménage sa monture).
4. P. ext. [En parlant de qqn qui se déplace, mais en dehors de toute voie de communication proprement dite] Bien comprendre (...) la répartition des meubles, leurs distances (...) le chemin à faire d'un point à un autre (Romains, Les Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 56).
Spéc., MAN. Entamer le chemin. ,,Commencer à galoper`` (Littré). Manger le chemin. ,,Avancer trop rapidement`` (Littré).
P. anal. [En parlant d'un corps en mouvement] Trajet effectué. Tu n'auras pas la surprise désagréable de rencontrer une jambe poilue sur le chemin de tes orteils (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 227).Déceler le chemin suivi par le virus (A. Calmette, L'Infection bacillaire et la tuberculose chez l'homme et chez les animaux,1920, p. 154).Chaque électron émis suit alors son chemin (Leprince-Ringuet, Des Atomes et des hommes,1957, p. 44).
MAR. ,,Espace parcouru, en un temps donné, par un bâtiment`` (Bonn.-Paris 1971).
Rem. Jal 1848 ajoute ,,Quelquefois : Vitesse du navire. Ainsi l'on dit : Ce bâtiment fait beaucoup de chemin, pour dire, il est bon marcheur, il est rapide, il suit sa route avec une grande vitesse``.
BALIST. Soient F la force perturbatrice perpendiculaire au rayon vecteur et Ds le chemin parcouru par la lune pendant le temps Dt (H. Poincaré, Leçons sur les hyp. cosmogoniques,1911, p. 133):
33. ... dans le tir à courte distance, la trajectoire n'a pas toute la roideur désirable, la parabole s'exagère, le chemin du projectile n'est plus assez rectiligne pour qu'il puisse frapper tous les objets intermédiaires, ... Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 439.
OPT. Chemin optique. ,,Produit de la distance parcourue par la lumière dans un milieu homogène, isotrope et transparent, par l'indice de réfraction de ce milieu`` (Laitier 1969).
B.− P. métaph. ou au fig. [Le but est un terme abstr. vers lequel conduit un mouvement linéaire et orienté] Voie suivie ou à suivre pour atteindre un but déterminé; ligne de conduite, suite d'actes orientés vers un objectif; moyen(s) mis en œuvre ou à mettre en œuvre pour parvenir à une fin. Chacun suit son chemin. Chacun est le prisonnier de son chemin. Il n'est pour chacun, sans doute, qu'un seul chemin (Audiberti, Quoat-Quoat,1946, 1ertabl., p. 30).Tu avais choisi les chemins les plus difficiles, la solitude, la pureté (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 257).Il ne faut pas nous arrêter à mi-chemin : il faut foncer dans la direction où nous venons de nous engager (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954p. 385).Mère, ce sont mes premiers pas sur les chemins de la perfection (Camus, Le Chevalier d'Olmedo,adapté de F. Lope de Vega, 1957, p. 769):
34. Son caractère le portait à prendre le chemin le plus court, en apparence le plus agréable, à saisir les moyens décisifs et rapides. Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 278.
35. Je suis ici, l'autre est ailleurs, et le silence est terrible : ... Je souffre, et l'autre souffre, et il n'y a point de chemin Entre elle et moi, de l'autre à moi point de parole ni de main. Claudel, Corona Benignitatis Anni Dei,1915, p. 422.
36. ... ils pensent trop vite; ils ignorent profondément que le chemin le plus court d'un point à un autre n'est pas toujours la ligne droite. Green, Journal,1946, p. 50.
Montrer, ouvrir, tracer le chemin à qqn. Lui montrer la voie à suivre pour atteindre un but déterminé, lui donner l'exemple; être, pour lui, un guide, un initiateur. Anton. suivre le chemin tracé.Deux, mille ... chemins s'ouvrent devant qqn. Deux, mille ... possibilités ou moyens de parvenir au but s'offrent à qqn. Fermer le(s) chemin(s) de qqc. Ôter toute possibilité, priver de tout moyen de parvenir à quelque chose. On contracte une dette envers ceux qu'on a vaincus; on prend l'engagement tacite de marcher devant eux, de leur montrer le chemin (R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1434):
37. Moi j'ai beaucoup évolué, mais c'est ma propre voie que j'ai suivie. − On n'a pas des chemins tracés d'avance, dis-je. Le monde n'est plus le même, personne n'y peut rien; il faut essayer de s'adapter. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 177.
Sur le chemin de, en chemin de. En voie de, sur le point de, près de. Prendre, tenir le chemin de qqc. Tendre à quelque chose, aller à/vers quelque chose, être en voie de... Mettre qqn sur le chemin de qqc. L'inciter, l'entraîner à quelque chose, l'engager dans la voie de quelque chose. Ne pas en prendre le chemin. [Le suj. désigne une pers.] Être loin de faire, de penser ... quelque chose. [Le suj. désigne une chose] Être loin d'avoir lieu, de se produire. Le toast de l'Hôtel de ville était en chemin de se réaliser (MmeV. Hugo, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie,1863, p. 37).Tu n'es qu'un niais si ta cousine, avant quinze jours, ne t'écrit pas tout aussi longuement, aisément, agréablement... − Elle n'en prend guère le chemin (Gide, La Porte étroite,1909, p. 544).
Aller, passer, suivre, poursuivre son chemin. [Le suj. désigne une pers.] Avancer, progresser sans faiblir, sans se laisser détourner de sa voie et de son but. [Le suj. désigne une chose] Progresser, s'étendre, se développer. Lui, il ne coupe pas les cheveux en quatre. Il va son chemin. Un homme quoi (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 179):
38. Il importe donc assez peu que la loi laisse ou refuse la liberté aux idées nouvelles; car elles vont leur chemin sans cela, elles se font sans la loi et malgré la loi, ... Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 363.
Grand chemin [cf. le (grand) chemin des vaches, supra I A 3 et chemin battu, supra I A 2 a].
1. [P. réf. au fait que le grand chemin est une voie publique très fréquentée] Subst. abstr. + du grand chemin. Commun, de tout le monde :
39. ... La morale que M. Saint-Marc Girardin a prêchée dans ses cours avec beaucoup de suite et de piquant, c'est la petite morale, comme il l'appelait, celle de tout le monde, celle de la société et du grand chemin, celle de la religion sans doute, mais celle aussi de l'intérêt bien entendu... Sainte-Beuve, Correspondance,t. 5, 1818-69, p. 312.
Aller, suivre le grand chemin, son grand chemin. Mener sa vie en toute quiétude, selon la règle commune. Il ne suffit pas de suivre le grand chemin de la vie humaine, de naître, de se marier et de mourir (J. Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 226).
2. [P. réf. aux époques où des voleurs exerçaient leurs méfaits sur les grands chemins et les rendaient dangereux; cf. voleur de grand chemin, supra I A 2 a] Subst. de l'animé + de grand chemin.Qui est audacieux; qui ne craint pas le danger, les risques :
40. Ce qui me donne, dit le Marquis, un grand avantage sur beaucoup de gens, et notamment sur ceux qui calculent, (...) ceux qui prévoient, organisent, s'entourent des sécurités de leur intelligence (...) c'est que je suis un homme de grand chemin. J'ai reconnu en vous cette même volonté d'explosion. Nous abordons tout comme des ondes. Giono, Angelo,1958, p. 211.
Rem. Dub. enregistre le syntagme prendre le grand chemin, avec le sens de « ne pas s'embarrasser de petitesses ».
Fam. Aller, suivre son petit bonhomme de chemin. Avancer doucement mais sûrement. Je me suis mis à mon nouveau roman, La Bête Humaine ... Cela va son petit bonhomme de chemin, mon train ordinaire (Zola, Correspondance,1902, p. 711).
Être en bon chemin [Le suj. désigne une chose] Être en bonne voie de se produire, de se réaliser, de réussir; être près de parvenir à son terme. S'arrêter en si beau chemin, en si bon(s) chemin(s). S'arrêter si près de toucher au terme, renoncer sur le point d'arriver au but. Ne pas s'arrêter en si beau chemin, en si bon(s) chemin(s). Ne pas se contenter d'une réussite, faire en sorte de lui en ajouter d'autres plus déterminantes encore. Ce n'est pas tout, car la calomnie ne s'arrête pas en si beau chemin : on prétend que ... (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 220).Le progrès humain est arrivé à son terme ou est en bon chemin (Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 84):
41. C'était aux yeux du monde l'aveu de la défaite subie par nos ennemis dans cette bataille de Verdun (...). Le général Nivelle ne voulut pas s'arrêter en si bons chemins. Le 11 novembre, il m'exposa ses projets. Joffre, Mémoires,1931, p. 272.
Aller dans le bon, le droit chemin. Se conduire bien, et en particulier avec droiture, loyauté, honnêteté. Combien de garçons, engagés déjà sur de mauvaises pentes, ai-je ramenés dans le droit chemin (R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1399):
42. C'était trop bête d'aimer, ça ne menait à rien. Puis, elle avait des scrupules, à cause du jeune âge de Zizi; vrai, elle s'était conduite d'une façon pas honnête. Ma foi! Elle rentrait dans le bon chemin, elle prenait un vieux. Zola, Nana,1880, p. 1258.
Être à la croisée des chemins. Être au moment décisif où, dans une conjoncture difficile, il faut, entre plusieurs possibilités, entre plusieurs voies, en choisir une et que ce soit la meilleure :
43. « ... cette nuit encore il a dit à Paule : on est à la croisée des chemins ». Il le disait souvent et c'est par lâcheté que j'évitais de donner leur vrai poids à ces mots. « La croisée des chemins ». Donc aux yeux de Robert, le monde était en danger. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 38.
Faire du chemin. Avancer, progresser, gagner du terrain. Tu es dans la voie qui mène au pouvoir. − Il arrivera, dit Coralie. − Mais il a déjà fait bien du chemin en six semaines (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 420).À travers d'incroyables obstacles, nous avons fait pas mal de chemin vers le mieux (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 594):
44. Les vérités ne reculent jamais. Une fois levées sur notre horizon des nuages peuvent les voiler, mais elles reparaissent plus avant dans le ciel et pendant qu'on les croyait perdues elles ont fait du chemin et éclairent les masses. Lamartine, Correspondance,1834, p. 72.
Faire un joli, un beau, un fier chemin. La question juive (...) a fait un joli chemin depuis dix ans. (...) elle est au fond de toutes les discussions, elle préoccupe tous les esprits (Doc. d'hist. contemp.,t. 2, 1852-59, p. 54).
Faire son chemin. [Le suj. désigne une pers.] Avancer avec succès; progresser, dans la hiérarchie sociale, jusqu'à une position élevée; faire carrière, réussir. [Le suj. désigne une chose abstr.] Se développer avec succès, progresser vers un terme positif. Quand il sera grand, pour faire son chemin, faut un nom ... sans ça, on végète (E. Labiche, Frisette,1846, 15, p. 253).L'humanité fera son chemin sans les libéraux et malgré les rétrogrades (Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 362).Mais le mot avait porté et, sans preuves, fit toujours son chemin dans l'esprit des Ligneul (Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 38):
45. − Ah! Je savais bien que Nicolas ferait son chemin! Ah! Voyez-vous comme on avance! C'est parce que nous restons toujours aux baraques, que nous sommes si pauvres. Mais Nicolas deviendra noble, ... Erckmann-Chatrian, Hist. d'un paysan,t. 1, 1870, p. 117.
Prendre un chemin détourné, prendre un/des chemin(s) de traverse. Employer des moyens détournés. Ne pas y aller par quatre chemins. Aller tout droit au but sans user de moyens détournés ou de faux-fuyants. Synon. aller droit son chemin.J'ai l'habitude, reprit le géomètre, d'aller droit mon chemin : voici ce qui m'amène (Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 233).Je n'aime point ces raisonnements qui vont, par chemins de traverse, à réduire ce que l'on me doit. Je veux être payé (Alain, Propos,1922, p. 407):
46. ... il ne peut jamais penser tout droit; il faut qu'il aborde toujours les idées de biais. De son biais, je l'accorde, et cela constitue déjà une originalité; mais, ne pas confondre l'originalité de l'itinéraire et l'originalité du but : prendre un chemin détourné, inhabituel pour atteindre un point connu, ce n'est pas explorer un pays neuf... R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1409.
Chemin de fleurs, chemin de velours. Moyen, voie facile, agréable, d'atteindre le but auquel on tend. Fleurir le(s) chemin(s) de qqn. Lui faciliter les choses. Aplanir le chemin à qqn. Supprimer les difficultés, les obstacles susceptibles d'entraver sa progression. Trouver une/des pierre(s), trouver qqc. ou qqn sur son chemin. Se heurter à des difficultés, à des obstacles, à un adversaire qui entravent la progression vers le but auquel on tend. ,,Il me trouvera en son chemin, ou je le trouverai en mon chemin, je trouverai occasion de le contrecarrer`` (Littré). Se mettre sur le chemin de qqn, en travers du chemin de qqn. Lui créer des difficultés, entraver ses projets. Synon. couper, barrer le chemin à qqn.Sur le chemin de velours du stratagème s'organise toute une technique de la plaisance, une académie de flatterie (Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 6):
47. ... je me tue à lui sarcler ses heures, à lui embaumer son air, à lui sabler, à lui fleurir les chemins qu'il a semés de pierres. Ma récompense est ce terrible refrain : « − Je vais mourir! La vie me pèse! » Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 87.
P. iron. Mener qqn par un chemin où il n'y a pas de pierres. ,,Le mener rondement, le traiter durement`` (Littré). Faire voir du chemin à qqn. Lui ,,susciter des difficultés`` (Nouv. Lar. ill.-Lar. 20e).
Trouver le chemin du cœur de qqn. Découvrir la façon, le moyen de susciter, selon le cas, ou la sympathie ou l'affection ou l'amour de quelqu'un. Je me flatte d'avoir enfin trouvé le chemin de son cœur, au bourgeois! Je l'ai incarné pour l'assassiner plus à loisir et plus sûrement (Villiers de L'Isle-Adam, Correspondance,1867, p. 113).
[Souvent en parlant des relations entre hommes et femmes] Faire la moitié du chemin. Prendre, auprès de quelqu'un, l'initiative des premières et nécessaires démarches pour créer − ou recréer − des relations avec elle. Il [Byron] n'avance jamais que lorsque la femme a fait spontanément plus de la moitié du chemin (Du Bos, Journal,1928, p. 225).
[P. allus. à cette loc.] :
48. ... au lieu d'être sur la trace effacée de mon ancienne passion, je suis au contraire sur les traces de ma nouvelle, qui est déjà ma voisine un peu, et qui le deviendra davantage; car je consens à faire tout le chemin nécessaire, et, si elle veut faire le reste, nous ne serons pas longtemps à nous entendre. Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 259.
Prononc. et Orth. : [ʃ(ə)mε ̃]. Les dict. hist., de Fér. 1768 à DG, transcrivent [ə] muet. Cf. aussi pour les dict. mod. Passy 1914, Dub., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr. [ə] muet est indiqué entre parenthèses ds Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. et Warn. 1968. A ce sujet cf. Nyrop Phonét. 1951, § 89 : ,,Pour traiter à fond cette question de l'e féminin, il faudrait se lancer dans des considérations de phonétique syntaxique, distinguer entre les mots isolés et les mots en groupe, examiner ces derniers et étudier l'influence exercée sur la prononciation par le rôle grammatical des mots et leur place dans la phrase. Ainsi le mot chemin isolé, lu dans un dictionnaire, se prononce [ʃ əmε ̃]; précédé de l'article il se prononce [lə ʃmε ̃].`` Attesté ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 « voie reliant un point à un autre » (Roland, éd. J. Bédier, 2426); 1538 se mettre en chemin (Est.); 1676 chemin de ronde, chemin couvert (Félibien Dict.); 1690 chemin du halage (Fur.); 2. p. anal. « ce sur quoi on fait passer quelque chose » 1680 technol. (tonnellerie) (Rich.). B. 1. 2emoitié xiies. « direction » son cemin torner vers (Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 10576); d'où l'emploi fig. ca 1360 aller le droit chemin pour (Frois., III, IV, 63 ds Littré); 2. ca 1306 fig. « moyen de parvenir à un but » (G. Guiart, Royaux Lignages, éd. J.-A. Buchon ds Chron. fr., t. 7, vers 1282). C. 1. 1489-91 a my chemin de (Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 2, p. 78); 1498 emploi abstr. « distance, espace à parcourir entre deux points » (Id., ibid., t. 3, p. 194); 2. 1643 « trajet effectué par un objet en mouvement » (Fournier, Hydrographie, Paris, p. 707). Du lat. vulg. *cammīnus − attesté dans un texte esp. av. 680 (Du Cange t. 2, p. 52c : in camino) − d'orig. celte (FEW t. 2, p. 147a; Thurneysen, p. 52). Fréq. abs. littér. : 14 709. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 17 700, b) 22 791; xxes. : a) 23 402, b) 21 165. Bbg. Amiguet (A.). Un Régionalisme de charme : dévestiture. Vie Lang. 1961, p. 269. − Baldinger (K.). Die Bezeichnungen für Weg im Galloromanischen. In : [Mél. Rohlfs (G.)]. Tübingen, 1968, pp. 89-106. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Hochuli (E.). Einige Bezeichnungen für den Begriff Straße, Weg und Kreuzweg im Romanischen. Aarau, 1926. − Pauli 1921, p. 94. − Ribard (J.). Chaussée et chemin ferré. Romania. 1971, t. 92, no2, pp. 262-266.

Wiktionnaire

Nom commun - ancien français

chemin \Prononciation ?\ masculin

  1. Chemin.

Nom commun - français

chemin \ʃə.mɛ̃\, \ʃmɛ̃\ masculin

  1. Voie, route pratiquée pour communiquer, pour aller d’un lieu à un autre.
    • L’intrépide Tartarin habitait alors, à l’entrée de la ville, la troisième maison à main gauche sur le chemin d’Avignon. — (Alphonse Daudet, Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon, 1872, chap. 1 : Le Jardin du baobab,)
    • Au nombre d’une demi-douzaine, munis de lanternes, ils s’engagèrent sur le chemin de Salins, qu’avaient dû suivre les deux hommes. — (Louis Pergaud, La Disparition mystérieuse, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Au terme d’un ancien chemin usé jusqu’à l’enrochement […], le hameau des vieux marais dérobe sa dizaine de masures à ras du sol, à l’orée de la Fagne. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
  2. (En particulier) Zone sur laquelle on circule, et que l’on suit pour garder sa direction, le plus souvent une zone en terre, plus ou moins aplatie, mais aussi n’importe quelle voie ou route avec une chaussée.
  3. (Par extension) Toute ligne ou voie qu’on parcourt, ou qu’on peut parcourir, pour aller d’un lieu à un autre.
    • Sur le chemin du retour, vers notre maison, je musardai pour me donner loisir de la réflexion. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 46)
    • Les silhouettes des buissons frangeaient son chemin et il allait, tête levée, respirant large. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958, page 10)
    • Il fit peser les camions aux points de départ, d'arrivée, et en chemin. Cela n'éveilla pas les soupçons : on pèse les camions à des fins fiscales. — (Vladimir Volkoff, Le Berkeley à cinq heures, L’Âge d’Homme, 1993, page 23)
  4. (Par extension) Tout parcours, tout déplacement suivi par un objet mobile.
    • Et vous, mon hôte, faites-moi l’amitié de me montrer le chemin de ma chambre. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre VII)
    • La première partie du chemin se fit à la raquette, et les bagages, les vivres et les munitions furent portés à force de bras sur des traîneaux sauvages appelés tabaganes. — (Joseph Marmette, Les Machabées de la Nouvelle-France: histoire d'une famille canadienne, 1641-1768, Québec : Imprimerie de Léger Brousseau, 1878, page 83)
  5. (Par extension) (Figuré) Parcours suivi par une personne dans un but donné.
    • Le chemin de la gloire et de l'honneur est celui que j'ai toujours adopté. — (Frédéric Dard, San Antonio : Tout le plaisir est pour moi, Fleuve Noir, 1959)
  6. (Par extension) (Figuré) Suite d'événements (externes ou intérieurs) vécus par une personne.
    • Pour Pavlov le chemin de la vie fut jonché d’épines, plein d’amertume, de déceptions et de luttes acharnées… — (E. Asratian, I. Pavlov : sa vie et son œuvre, page 4, Éditions en langues étrangères, Moscou, 1953)
    • Il arrive que nous prenions sur nous le chemin d'un autre par compassion mal située, pour le sauver de son mal, pour alléger son fardeau, pour qu'il souffre moins. C'est une entreprise vouée à l'échec, [...]. Le chemin de chacun est tout à fait personnel, spécifique. S'il ne vit pas son propre chemin, personne ne pourra le faire à sa place. — (Simone Pacot, L'évangélisation des profondeurs (1997), Points, 2015, p. 130-131)
  7. (Théorie des graphes) Suite d’arcs contigus orientés dans le même sens.
  8. (Informatique) Synonyme de chemin d’accès.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CHEMIN. n. m.
Voie, route pratiquée pour communiquer, pour aller d'un lieu à un autre. Chemin battu, frayé. Chemin uni. Chemin pierreux, raboteux, fangeux. Chemin creux. Chemin de traverse. Chemin vicinal, Celui qui va d'une commune à l'autre et qui est sous la dépendance directe de l'autorité municipale. Chemin rural, Chemin appartenant à la commune et affecté à l'usage du public, mais qui n'a pas été classé comme Chemin vicinal. Chemin de fer, Chemin dont la voie est formée par deux lignes parallèles de barres de métal ou rails, sur lesquelles roulent les trains. La voie, les rails, les stations, la gare d'un chemin de fer. Prendre le chemin de fer. Il se dit aussi de l'Entreprise même d'un chemin de fer. Le directeur, les administrateurs, les employés, les actionnaires d'un chemin de fer. Les employés de chemins de fer. Chemin de halage, Chemin situé sur le bord d'une rivière ou d'un canal et servant au passage des chevaux ou des hommes qui tirent les bateaux. Chemin de douane. Voyez DOUANE. En termes de Fortification, Chemin de ronde, Autrefois Sorte de corridor maçonné construit le long et au-dehors du parapet, au-dessus du fossé. Aujourd'hui, il désigne la Partie du terre-plein située immédiatement le long de la banquette. Chemin couvert, Partie de la contrescarpe entre le parapet et le fossé et où les défenseurs étaient à couvert du feu des assiégeants. Chemin de la croix, Le chemin que JÉSUS-CHRIST parcourut en portant sa croix, de Jérusalem au Calvaire. Il se dit, figurément, d'une Suite de quatorze bas-reliefs ou tableaux placés dans une église ou dans un lieu de pèlerinage et représentant les diverses scènes de la Passion. Faire le chemin de la croix, S'arrêter et prier devant chacun des tableaux ou bas-reliefs indiquant les diverses stations du chemin de la croix. On dit plus souvent dans ce sens Un chemin de croix. Faire son chemin de croix. Il se dit, par extension, de Toute ligne ou voie qu'on parcourt, ou qu'on peut parcourir, pour aller d'un lieu à un autre. La ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre. Il a fait plusieurs fois le chemin d'ici à Lyon. Demander, perdre, retrouver son chemin. Il a repris le chemin de son village. Nous fîmes le chemin à pied, à cheval, en voiture. Vous ne prenez pas le bon chemin. Il se détourna de son chemin. Prendre le chemin le plus long. Je l'ai rencontré en chemin. Passer son chemin. À mi-chemin. À moitié chemin. Poursuivez votre chemin. Faire beaucoup de chemin. Il y a bien du chemin d'ici là. Deux heures de chemin. Rebrousser chemin. Rester en chemin. Nous l'avons rencontré chemin faisant, en chemin. Le chemin est plus long par eau que par terre. Par extension, Chemin d'escalier, Bande de tapis posée sur les marches d'un escalier. Chemin de table, Bande d'étoffe ou de broderie disposée sur la table pour y recevoir le service de dessert. Figurément, il signifie Moyen, conduite qui mène à quelque fin. Il veut faire fortune, mais il n'en prend pas le chemin. Il aspire aux dignités, mais on n'y arrive pas par ce chemin. La guérison de ce malade est en très bon chemin. Mettre une affaire en bon chemin. Ce jeune homme n'est pas dans le bon chemin. Le chemin de la vertu, de la perfection. Il a su trouver le chemin de son cœur, Il a su toucher cette personne, il a su s'en faire aimer. Fig., Chemin de velours, Chemin sur une pelouse. Il se dit familièrement, dans une acception plus figurée, d'une Voie facile, agréable pour parvenir à quelque chose. Il est arrivé à la fortune par un chemin de velours. Fam., Vieux comme les chemins, Fort vieux. Prov. et fig., À chemin battu il ne croît point d'herbe, Il n'y a point de profit à faire dans un négoce dont trop de gens se mêlent. Fig., Suivre le chemin battu, S'attacher aux usages établis. Il n'y a rien de si sûr que de suivre le chemin battu. Prov., Tous chemins vont à Rome, ou Tout chemin mène à Rome, Divers chemins mènent au même endroit; et, figurément, Divers moyens conduisent à la même fin. Fig. et fam., Il ne faut pas y aller par quatre chemins, Il faut s'expliquer franchement, il ne faut pas chercher tant de détours. Il n'y va pas par quatre chemins, Il tranche hardiment la question. Fig. et fam., Je le mènerai par un chemin où il n'y aura pas de pierres, Je le poursuivrai vivement, je ne lui ferai point de quartier. On dit aussi, dans le même sens, Je lui ferai voir bien du chemin. Prov. et fig., Trouver une pierre en son chemin, des pierres dans son chemin. Voyez PIERRE. Fig., Prendre le chemin de l'école, le chemin des écoliers, Prendre le chemin le plus long. Fig., Montrer le chemin aux autres, Faire quelque chose que les autres font ensuite; ou Faire quelque chose à dessein que d'autres le fassent. Fig., S'arrêter en beau chemin, à mi-chemin, Abandonner une entreprise dont la réussite paraissait assurée. Ne vous arrêtez pas, il est dommage de s'arrêter en si beau chemin. Fig. et fam., Faire son chemin, Parvenir, obtenir de l'avancement, s'enrichir, etc. Il a su faire son chemin. Il a bien fait son chemin. On dit de même Il a bien fait du chemin en peu de temps. Fig. et fam., Aller le droit chemin, Procéder avec sincérité, avec loyauté, sans nul artifice. Dans un sens opposé, Prendre des chemins de traverse, Agir d'une façon dissimulée, prendre des moyens détournés. Fig. et fam., Aller son grand chemin, N'entendre point de finesse à ce qu'on fait, à ce qu'on dit. Aller son chemin, aller toujours son chemin. Aller son petit bonhomme de chemin, Ne pas se détourner de la conduite qu'on a commencé à tenir. Quelque chose qu'on lui dise, il va toujours son chemin. Fig. et par menace, Il me trouvera en son chemin, ou Qu'il ne se trouve pas dans mon chemin, sur mon chemin, Je le traverserai dans ses desseins.

Littré (1872-1877)

CHEMIN (che-min) s. m.
  • 1Toute voie qu'on peut parcourir pour aller d'un lieu à un autre. Se détourner de son chemin. Un chemin facile. Enseigner, montrer à quelqu'un son chemin. Hamilton se trouvant sur son chemin… il le prit dans son carrosse, Hamilton, Gramm. 9. Quelque chemin qu'il tienne, il trouve des combats, Malherbe, V, 2. Le reste m'a suivi par un autre chemin, Racine, Baj. V, 8. Prends ton chemin vers Suse, Racine, Esth. I, 1. Les rois d'Assyrie apprirent le chemin de la terre sainte, Bossuet, Hist. I, 7. Et si l'envoyé moscovite à Vienne n'avait adroitement fait évader ces malheureux par divers chemins, ils étaient tous livrés à leurs ennemis, Voltaire, Charles XII, 3.

    Le bon chemin, le chemin qui conduit où l'on veut aller ; le mauvais chemin, celui qui n'y conduit pas ; et figurément, bonne conduite, mauvaise conduite. Qu'il est aimable ! qu'il prend un bon chemin ! Sévigné, 555. Elle crut en avoir assez fait pour le mettre dans le bon chemin, Hamilton, Gramm. 4. Elle se peut vanter d'être dans le bon chemin de la convalescence, Sévigné, 318.

    Par voie et par chemin, par tous les chemins qui s'offrent. Courir par voie et par chemin, aller de tous les côtés, beaucoup courir. L'ambitieux, ou, si l'on veut, l'avare, S'en va par voie et par chemin, La Fontaine, Fab. VII, 12.

    Le chemin du paradis, un chemin étroit, un défilé où l'on ne va qu'un à un.

    Sur les chemins, en route, en voyage. Sur les chemins que t'est-il arrivé ? Molière, Amph. II, 1.

    Être en chemin, aller vers ; se mettre en chemin, partir, se rendre à sa destination. Sans oser répliquer, en chemin se remirent, La Fontaine, Fab. IV, 12. Le roi est en chemin avec toute son armée, Sévigné, 140. Elle ne peut pas se mettre en chemin, Sévigné, 13. Cette nuit en longueur me semble sans pareille ; Il faut, depuis le temps que je suis en chemin…, Molière, Amph. I, 2. Louise, une fleur à la main, Avec Lisbeth sa douce amie, Un jour s'était mise en chemin, Millevoye, La fleur du souvenir.

    Passer son chemin, continuer son chemin. Passez votre chemin, la fille, et m'en croyez, La Fontaine, Fab. III, 1.

    Cet homme est toujours par chemin, se dit d'un homme qui est toujours hors de chez lui.

    Tenir le chemin de, aller vers. Gentilshommes, cavaliers, fantassins qui tous tenaient le chemin de la cour, Anquetil, Ligue, I, 246.

    Figurément, il tient le chemin de la ruine.

    Absolument. Il ne tient point de chemin, il va à travers champs.

    Prendre le chemin de, se diriger vers. L'armée prit le chemin de l'Italie. Voilà le beau monde qui prend le chemin de nous venir voir, Molière, Préc. ridic. 12.

    Figurément. Prendre le chemin de, tendre à, être sur la voie de. Ne vous souvient-il pas d'un certain mois de septembre que vous trouviez qui ne prenait point le chemin de faire jamais place au mois d'octobre ? Sévigné, 63. Si ma tante prenait le chemin de languir, je partirais, Sévigné, 137. Votre santé prend le chemin de se rétablir, Sévigné, 333. Il prend le chemin d'aller bien loin, Sévigné, 548. M. de Luxembourg prend le chemin de garder sa Flandre, Sévigné, 219. Nous ne prenons guère le chemin de nous rendre sages, Molière, Impr. 3.

    Ouvrir le chemin d'un pays, en procurer l'accès. Ouvrez-moi seulement les chemins d'Arménie, Corneille, Nic. V, 6.

    Fig. Le chemin est encore ouvert au repentir, Racine, Baj. II, 1. Ce qui ouvre le chemin à toute illusion, Bossuet, Or. 10. Ce qui ouvrait le chemin à l'impénitence, Bossuet, Var. 1.

    Couper le chemin, intercepter le passage. Il fait signe aux siens de couper le chemin à Adraste, Fénelon, Tél. XX.

    Fig. À tous nos démêlés coupons chemin de grâce, Molière, Mis. II, 1. Pour couper tout chemin à nous rapatrier, Molière, le Dép. IV, 4.

    Croiser le chemin, venir dans un chemin par une traverse ; et figurément, faire obstacle, déranger. N'admirez-vous pas la bizarre disposition des choses et de quelle manière elles viennent croiser notre chemin ? Sévigné, dans le Dict. de DOCHEZ.

    Familièrement. N'y pas aller par quatre chemins, s'expliquer sans détours et sans ménagements.

    Trouver une pierre ou des pierres en son chemin, rencontrer des obstacles à ses desseins. Dans un sens analogue : Il est bien barbare de trouver ce devoir sur mon chemin, lorsque je suis prête à vous aller voir, Sévigné, 133.

    Fig. et ironiquement. Mener quelqu'un par un chemin où il n'y a pas de pierres, le mener rondement, le traiter durement.

    Fig. Il me trouvera en son chemin, ou je le trouverai en mon chemin, je trouverai occasion de le contre-carrer. Il ne faisait pas bon se trouver sur son chemin, Hamilton, Gramm. 8.

    Fig. Je lui ferai voir bien du chemin, c'est-à-dire il n'en est pas avec moi où il en croit être, je lui opposerai des difficultés auxquelles il ne s'attend pas.

    Fig. Prendre le chemin de l'école ou des écoliers, le chemin ou le moyen le plus long.

    Montrer le chemin aux autres, leur donner l'exemple. Il est ravi de montrer le chemin aux autres, Sévigné, 524.

    S'arrêter en beau chemin, à mi-chemin, s'arrêter en voie de succès. De là, ils vont plus avant, et ne le laissent pas en si beau chemin, Guez de Balzac, 7me disc. s. la cour. Ils ne demeurèrent pas en si beau chemin, Bossuet, Var. 3. Ne vous arrêtez pas en si beau chemin, Bossuet, Bén. 2. Il faut ne pas porter en soi-même une conscience et des scrupules qui vous arrêtent à moitié chemin, Staël, Allemagne, I, ch. 2. Mœurs.

    L'affaire est en bon chemin.

    Aller le droit chemin, procéder avec droiture et franchise.

    Aller toujours son chemin, continuer, poursuivre son affaire, sans se laisser arrêter ni influencer. J'irai toujours mon chemin, Sévigné, 549. Il n'en faut pas moins aller son chemin en foi, Bossuet, Lett. abb. 196.

    Familièrement. Aller son petit bonhomme de chemin, mener ses affaires adroitement et sans éclat.

    Chemin de carrière, le puits par lequel on descend dans une carrière, ou l'ouverture que l'on fait dans une montagne pour en tirer de la pierre ou du marbre.

    Terme de manége. Entamer le chemin, commencer à galoper. Manger le chemin, avancer trop rapidement.

  • 2En particulier, route construite pour aller d'un lieu à un autre. Chemin battu, frayé. Les chemins sont affreux dans ce pays. Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes, Racine, Phèd. V, 6. Je vous écrirai des chemins [en route], Sévigné, 288. Je vous écrirai par les chemins, Sévigné, 215. Je fuyais avec lui le fer des assassins Qui de Rome sanglante inondaient les chemins, Voltaire, Triumv. II, 4.

    Grand chemin, grande voie de communication. Pour assassiner le monde et pour voler sur les grands chemins, Pascal, Récit.

    Fig. Suivre le grand chemin, le chemin battu, s'en tenir aux moyens connus, aux usages établis. En quelque lieu qu'il aille, il ne peut jamais aller par le grand chemin, Guez de Balzac, le Barbon. Je vais le grand chemin que mon oncle m'apprit, Régnier, Sat. IX. Je me trouve fort bien d'aller mon grand chemin, Sévigné, 223. Nos pères qui vivaient dans un siècle peu fin, Ne voulaient qu'amour et simplesse, Et sur le fait de la tendresse Allaient toujours leur grand chemin, Lafare, Ballade.

    Aller son grand chemin, en parlant d'une chose qui s'accomplit sans peine. … tels traités allaient leur grand chemin, La Fontaine, Troq.

    Aller son grand chemin, n'entendre point de finesse à ce qu'on fait, à ce qu'on dit.

    Familièrement. Le grand chemin des vaches, le chemin des vaches, les chemins où l'on va par terre ; et figurément, l'usage commun et ordinaire.

    Familièrement. Vieux comme les chemins, fort vieux, très connu. Tout décrépit que vous êtes, on ne dira pas que vous êtes vieux comme un chemin, La Fontaine, Lett. Choiseul, 16 mars 1768. Puis il faut vous dire que je suis découragé, affligé, malade, vieux comme un chemin, Voltaire, Lett. d'Argental, 26 sept. 1773.

    Chemin de traverse, chemin qui coupe à travers la campagne et s'écarte du grand chemin.

    Chemin vicinal, chemin qui sert aux communications de voisinage.

    Chemin de déblai ou d'exploitation rurale, chemin qui fait communiquer la ferme aux pièces d'un domaine.

    Chemin ferré, chemin formé d'un mélange de cailloux ou d'éclats de pierre et de sable graveleux, et bordé de grosses pierres.

    Chemin de fer, voie formée de deux rails ou bandes de fer parallèles, sur lesquelles roulent des wagons.

    Chemin de halage, chemin sur le bord d'un cours d'eau, pour le passage des chevaux qui halent les bateaux.

    Chemin de ronde ou des rondes, chemin entre le rempart et la muraille d'une place forte.

    Chemin couvert, chemin qui règne sur le bord extérieur des fossés d'une place et où l'on est à couvert du feu des assiégeants.

  • 3L'espace à parcourir, la distance parcourue. Vous allongez votre chemin. Cette flèche a parcouru beaucoup de chemin. Je ne crois pas qu'elle soit encore à moitié chemin de son petit château, Hamilton, Gramm. 9. Moi qui suis éloigné de tant de chemin du lieu où je me souhaite, Voiture, Lett. 33.

    Faire du chemin, marcher. Nous fîmes beaucoup de chemin dans la forêt, avant de nous retrouver.

    Faire du chemin, gagner du terrain, avancer, au propre et au figuré. Pendant notre conversation la voiture, le bateau avait fait du chemin. Ses charmes faisaient leur chemin dans le cœur du roi, Hamilton, Gramm. 6. On fait souvent plus de chemin qu'on ne veut, quand on se permet des agaceries, Hamilton, Gramm. 8. L'esprit fait assez de chemin, Sévigné, 449. Elle vous aime par avance, vous trouverez bien du chemin de fait, Sévigné, 307. Mme de Beauvais avait assuré que je faisais chemin dans son esprit [de la reine], Retz, III, 379. Je croyais avoir fait un peu de chemin dans son cœur [d'Atala], Chateaubriand, Atala, 245.

    En chemin faisant, ou, simplement, chemin faisant, pendant le trajet. Nous devisions chemin faisant. Et fig. Par la même occasion. Je vais y laisser cette lettre en chemin faisant, Sévigné, 218.

    En chemin, pendant qu'on chemine ; et fig. Pendant ce temps-là. Jouis. - Je le ferai. - Mais quand donc ? - Dès demain. - Hé ! mon ami, la mort te peut prendre en chemin, La Fontaine, Fabl. VIII, 27.

    En chemin de, en voie de. Il est fort riche et en chemin de le devenir bien davantage.

    Faire la moitié du chemin, faire des avances. Assurez-vous que votre frère fera la moitié du chemin, Massillon, Car. Pardon.

    Tromper le chemin, se désennuyer par quelque chose, tout en cheminant. Eux discourant, pour tromper le chemin, De chose et d'autre, ils tombèrent enfin Sur ce qu'on dit de la vertu secrète De certains mots…, La Fontaine, Orais.

    Faire son chemin, parvenir aux emplois, à la fortune ; locution des gens de cour, d'après de Caillières, 1690. Cet homme-là fera son chemin. Le cœur me dit que votre bonne fortune a encore beaucoup de chemin et beaucoup de choses à faire, Voiture, Lett. 119. Il a cru mieux faire son chemin par la voie de la magistrature, Massillon, Car. Vocation. Je ne désespère pas de lui voir faire un chemin digne de son mérite, Rousseau, Hél. II, 9.

    Familièrement. Ce chemin va à la ville, on va à la ville par ce chemin. Un chemin qui irait au pont serait très commode.

    Terme de marine. Espace parcouru par le navire, et, quelquefois, vitesse de navire. Ce bâtiment fait beaucoup de chemin. Nous avons fait six lieues chemin nord, c'est-à-dire du côté du nord.

  • 4 Fig. Voie, moyen. Et prennent à l'empire un chemin éclatant, Corneille, Héracl. IV, 1. Vous vous mettez fort mal au chemin de régner, Corneille, Nic. III, 1. Mais puisque pour ôter l'Espagne à nos tyrans, Nous prenons, vous et moi, des chemins différents, Corneille, Sertor. II, 2. Et trouver à l'empire un chemin glorieux, Corneille, Hér. II, 7. Et vous m'avez au crime enseigné le chemin, Corneille, Cinna, V, 2. Et vois quel est ce digne effort Qui peut mettre ta conscience Au chemin d'une bonne mort, Corneille, Imit. I, 23. Et le plus sûr chemin pour aller vers les cieux, C'est d'affermir nos pas sur le mépris du monde, Corneille, ib. I, 1. Éloigna de son fils tous ceux de qui le zèle Pouvait du trône encor lui rouvrir le chemin, Racine, Britan. IV, 2. Par un chemin plus doux Vous lui pourrez plus tôt ramener un époux, Racine, ib. III, 3. Aricie a trouvé le chemin de son cœur, Racine, Phèd. IV, 6. [Qui] Sait si bien découvrir les chemins de mon cœur, Racine, Bér. IV, 4. Childéric, le plus méprisable de tous les princes, lui en ouvrit le chemin [du trône], Bossuet, Hist. I, 11. Croyez-vous que son esprit ait retrouvé le chemin de me plaire ? Sévigné, 44. Il voulait s'ouvrir le chemin à la royauté, Fénelon, Tél. XII. Cette heureuse hardiesse leur avait ouvert le chemin aux grandes choses, Pascal, Préf. Vide. Il ne s'écartera pas du chemin que tant d'illustres personnages lui ont frayé, Patru, Plaidoyer 4, dans RICHELET. La foi est le chemin à l'intelligence, Bossuet, Serm. quinq. 1.
  • 5Chemin de velours, chemin sur une pelouse ; et figurément, voie facile, agréable, pour parvenir à quelque chose. Au paradis allant au petit pas, On y parvient, quoi qu'Arnaud nous en die ; La volupté, sans cause il l'a bannie ; Veut-on monter sur les célestes tours ? Chemin pierreux est grande rêverie ; Escobar sait un chemin de velours, La Fontaine, Ballade sur Escobar.

    Tapis long et étroit que l'on étend sur les parquets d'un appartement ou dans les vestibules d'une porte à l'autre.

  • 6 Terme de dévotion. Chemin de la croix, suite de tableaux représentant les divers actes de la passion. Sorte de petite procession avec prières. Livre contenant ces prières. Pratique de dévotion individuelle.
  • 7Le chemin de Saint-Jacques, la voie lactée.

    Terme d'hippiatrique. Un cheval montre le chemin de Saint-Jacques quand, étant au repos, l'un des membres antérieurs est très en avant de la ligne d'aplomb, de façon que l'appui se fait sur la pince, et que le talon ne repose pas sur le sol ; attitude qui indique de la souffrance dans les parties postérieures des membres.

  • 8Voûte sous laquelle le verrier met le bois pour chauffer le four.

    Voie ou jeu d'une scie.

    Trace d'un diamant sur la meule.

    Terme de tonnelier. Solives de sapin dont on se sert pour conduire d'un bateau les tonneaux de vin à terre.

  • 9 Terme de construction. Disposition de règles sur un plafond ou sur un mur, pour traîner les moulures

    Espèce de filet de plâtre dressé à la règle pour conduire le calibre.

PROVERBES

Bonne terre, méchant chemin, c'est-à-dire les bonnes terres qui sont grasses retiennent l'eau.

En tout pays il y a une lieue de méchant chemin, c'est-à-dire il n'y a point d'affaires où l'on ne trouve des difficultés.

À chemin battu il ne croît point d'herbe, c'est-à-dire il n'y a pas grand profit à faire dans un trafic connu de tout le monde.

Tous chemins vont, tout chemin mène à Rome, on peut de diverses manières arriver au même but. Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses : Tous chemins vont à Rome ; ainsi nos concurrents Crurent pouvoir choisir des sentiers différents, La Fontaine, Fabl. XII, 27.

Bien dépenser et peu gagner, c'est le chemin de l'hôpital.

HISTORIQUE

XIe s. Tant chevaucherent es veies e chemins, Ch. de Rol. XX. Veer [voir] povez les granz chemins puldrus, ib. CLXXIV.

XIIe s. Droit vers Espaigne [il] a son chemin tenu, Ronc. p. 88. Et nous repairerons notre chemin antif, Sax. XXIV. Mais ne voleient pas le dreit chemin errer, Th. le mart. 49. Si s'en leverent tuit ki Adonias i out mandez ; e chascuns tinct sun chemin, Rois, 226.

XIIIe s. Celui qui cele part la mist ens au chemin, Berte, LV. Droit à la mie nuit, au chemin nous metons [mettons-nous], ib. LXXVII. À tant fet et à tant erre, Qu'il entre en un chemin ferré, Ren. 764. Quant on tailla les quemins, Beaumanoir, XXV, 2. Que on gart se che doit estre sentiers ou quariere ou voie ou quemins plus grans apelés quemins royal, Beaumanoir, XXV, 3. Tant a alé dans Pieres par les chemins ferrés, Que il vint à Paris, qui est riches cités, Ch. d'Ant. I, 701. Et le roy si fist moult volentiers, et puis si se mist au chemin, Joinville, 228. Vint le roy à [avec] toute sa bataille sur un chemin levé, Joinville, 226.

XIVe s. Nulz n'est en bon chemin, que l'on bien ne desvoie, Girart de Ross. V. 788.

XVe s. Partez-vous-en et allez vostre chemin chacun en son pays, Froissart, II, III, 8. Tant subtila, visa et imagina [Mahieu] qu'il trouva le chemin, Froissart, II, II, 52. Et disent les Londriens que vous allez le droit chemin pour perdre votre lignage et le royaume d'Angleterre, Froissart, III, IV, 63. Disant : oyseaulx, je vous voy en chemin De tout plaisir et joye desirée, Orléans, Bal. 67. Il fallut que il s'en retirast le droit chemin vers Bretaigne, Commines, I, 15. Tant y a de mauvais chemins, Commines, II, 11.

XVIe s. Durant le chemin, faictes…, Montaigne, I, 71. Les chemins y cheminent comme animaulx, et [je] vis que les voyaigiers demandoyent, où va ce chemin ? Rabelais, Pant. V, 26. Je y recogneu pareillement le vieulx quemin de Peronne à Saint-Quentin, Rabelais, ib. Pour la manutention de l'exercice de la religion catholique, nous sommes resolus d'espendre notre sang, à l'exemple du chef d'icelle, nostre seigneur Jesus-Christ, qui nous en a fait le chemin le premier, D'Aubigné, Hist. II, 227. Le roy commençoit à se mettre à leur queue, non de si près qu'il peut rompre les chemins aux soldats ou empescher la facilité des estappes…, Du Bellay, M. 508. … Que si Pyrrhus se faschoit de vivre, il avoit assez de chemins ouverts pour aller à la mort, Amyot, Pyrrh. 71. Il faict bon aller son grand chemin et non tergiverser, Brantôme, Pescayre. Combien avons-nous veu depuis force huguenots s'estre convertis et faits bons catholiques ! Les chemins en rompent, Brantôme, Capit. fr. t. III, p. 172, dans LACURNE. Les chemins allans de bonnes villes à autres doivent avoir soixante pieds, et les chemins des viscomties estant es villages et allans de l'un à l'autre doivent avoir trente pieds, Coustum. génér. t. II, p. 876. Avec le florin, la langue et le latin, Par tout l'univers l'on trouve le chemin, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 244.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

* CHEMIN, ROUTE, VOIE, (Gram. Synon.) termes relatifs à l’action de voyager. Voie se dit de la maniere dont on voyage : aller par la voie d’eau ou par la voie de terre. Route, de tous les lieux par lesquels il faut passer pour arriver d’un endroit dans un autre dont on est fort éloigné. On va de Paris à Lyon ou par la route de Bourgogne, ou par la route de Nivernois. Chemin, de l’espace même de terre sur lequel on marche pour faire sa route : les chemins sont gâtés par les pluies. Si vous allez en Champagne par la voie de terre, votre route ne sera pas longue, & vous aurez un beau chemin. Chemin & voie s’employent encore au figuré : on dit faire son chemin dans le monde, & suivre des voies obliques, & verser sur la route : on dit le chemin & la voie du Ciel, & non la route, peut-être parce que l’idée de battu & de fréquenté sont du nombre de celles que route offre à l’esprit. Route & chemin se prennent encore d’une maniere abstraite, & sans aucun rapport qu’à l’idée de voyage : Il est en route, il est en chemin ; deux façons de parler qui désignent la même action, rapportée dans l’une à la distance des lieux par lesquels il faut passer, & dans l’autre au terrein même sur lequel il faut marcher.

Il est à présumer qu’il y eut des grands chemins, aussi-tôt que les hommes furent rassemblés en assez grand nombre sur la surface de la terre, pour se distribuer en différentes sociétés séparées par des distances. Il y eut aussi vraissemblablement quelques regles de police sur leur entretien, dès ces premiers tems ; mais il ne nous en reste aucun vestige. Cet objet ne commence à nous paroître traité comme étant de quelque conséquence, que pendant les beaux jours de la Grece ; le Senat d’Athenes y veilloit ; Lacédémone, Thebes & d’autres états en avoient confié le soin aux hommes les plus importans ; ils étoient aidés dans cette inspection par des officiers subalternes. Il ne paroît cependant pas que cette ostentation de police eût produit de grands effets en Grece. S’il est vrai que les routes ne fussent pas même alors pavées, de bonnes pierres bien dures & bien assises auroient mieux valu que tous les dieux tutélaires qu’on y plaçoit ; ou plûtôt ce sont-là vraiment les dieux tutélaires des grands chemins. Il étoit réservé à un peuple commerçant de sentir l’avantage de la facilité des voyages & des transports ; aussi attribue-t-on le paver des premieres voies aux Carthaginois. Les Romains ne négligerent pas cet exemple ; & cette partie de leurs travaux n’est pas une des moins glorieuses pour ce peuple, & ne sera pas une des moins durables. Le premier chemin qu’ils ayent construit, passe pour le plus beau qu’ils ayent eu. C’est la voie appienne, ainsi appellée d’Appius Claudius. Deux chariots pouvoient aisément y passer de front ; la pierre apportée de carrieres fort éloignées, fut débitée en pavés de trois, quatre & cinq piés de surface. Ces pavés furent assemblés aussi exactement que les pierres qui forment les murs de nos maisons : le chemin alloit de Rome à Capoue ; le pays au-delà n’appartenoit pas encore aux Romains. La voie aurélienne est la plus ancienne après celle d’Appius ; Caius Aurelius Cotta la fit construire l’an 512 de Rome : elle commençoit à la porte Aurélienne, & s’étendoit le long de la mer Tyrrhene jusqu’au forum aurelii. La voie flaminienne est la 3e dont il soit fait mention : on croit qu’elle fut commencée par C. Flaminius tué dans la seconde guerre Punique, & continuée par son fils : elle conduisoit jusqu’à Rimini. Le peuple & le senat prit tant de goût pour ces travaux, que sous Jules César les principales villes de l’Italie communiquoient toutes avec la capitale par des chemins pavés. Ces routes commencerent même dès-lors à s’étendre dans les provinces conquises. Pendant la derniere guerre d’Afrique, on construisit un chemin de cailloux taillés en quarré, de l’Espagne, dans la Gaule, jusqu’aux Alpes. Domitius Œnobarbus pava la voie Domitia qui conduisoit dans la Savoie, le Dauphine & la Provence. Les Romains firent en A’lemagne une autre voie Domitienne, moins ancienne que la précédente. Auguste maître de l’empire, regarda les ouvrages des grands chemins d’un œil plus attentif qu’il ne l’avoit fait pendant son consulat. Il fit percer des grands chemins dans les Alpes ; son dessein étoit de les continuer jusqu’aux extrémités orientales & occidentales de l’Europe. Il en ordonna une infinité d’autres dans l’Espagne ; il fit élargir & continuer celui de Medina jusqu’à Gades. Dans le même tems & par les mêmes montagnes, on ouvrit deux chemins vers Lyon, l’un traversa la Tarentaise, & l’autre fut pratiqué dans l’Appennin. Agrippa séconda bien Auguste dans cette partie de l’administration. Ce fut à Lyon qu’il commença la distribution des grands chemins dans toute la Gaule. Il y en eut quatre particulierement remarquables par leur longueur & la difficulté des lieux ; l’un traversoit les montagnes de l’Auvergne & pénétroit jusqu’au fond de l’Aquitaine ; un autre fut poussé jusqu’au Rhin & à l’embouchure de la Meuse, suivit pour ainsi dire le fleuve, & finit à la mer d’Allemagne ; un troisieme conduit à travers la Bourgogne, la Champagne & la Picardie, s’arrêtoit à Boulogne-sur-mer ; un quatrieme s’étendoit le long du Rhône, entroit dans le bas Languedoc, & finissoit à Marseille sur la Méditerranée. De ces chemins principaux, il en partoit une infinité d’autres qui se rendoient aux différentes villes dispersées sur leur voisinage ; & de ces villes à d’autres villes, entre lesquelles on distingue Treves, d’où les chemins se distribuerent fort au loin dans plusieurs provinces. L’un de ces chemins, entr’autres, alloit à Strasbourg, & de Strasbourg à Belgrade ; un second conduisoit par la Baviere jusqu’à Sirmisch, distante de 425 de nos lieues.

Il y avoit aussi des chemins de communication de l’Italie aux provinces orientales de l’Europe par les Alpes & la mer de Venise. Aquilée étoit la derniere ville de ce côté : c’étoit le centre de plusieurs grands chemins, dont le principal conduisoit à Constantinople ; d’autres moins importans se répandoient en Dalmatie, dans la Croatie, la Hongrie, la Macédoine, les Mésies. L’un de ces chemins s’étendoit jusqu’aux bouches du Danube, arrivoit à Tomes, & ne finissoit qu’où la terre ne paroissoit plus habitable.

Les mers ont pû couper les chemins entrepris par les Romains, mais non les arrêter ; témoins la Sicile, la Sardaigne, l’Isle de Corse, l’Angleterre, l’Asie, l’Afrique, dont les chemins communiquoient, pour ainsi dire, avec ceux de l’Europe par les ports les plus commodes. De l’un & de l’autre côté d’une mer, toutes les terres étoient percées de grandes voies militaires. On comptoit plus de 600 de nos lieues de chemins pavés par les Romains dans la Sicile ; près de 100 lieues dans la Sardaigne ; environ 73 lieues dans la Corse ; 1100 lieues dans les Isles Britanniques ; 4250 lieues en Asie ; 4674 lieues en Afrique. La grande communication de l’Italie avec cette partie du monde, étoit du port d’Ostie à Carthage ; aussi les chemins étoient-ils plus fréquens aux environs de ce dernier endroit que dans aucun autre. Telle étoit la correspondance des routes en de-çà & en de-là du détroit de Constantinople, qu’on pouvoit aller de Rome à Milan, à Aquilée, sortir de l’Italie, arriver à Sirmisch en Esclavonie, à Constantinople ; traverser la Natolie, la Galatie, la Sourie ; passer à Antioche, dans la Phénicie, la Palestine, l’Egypte, à Alexandrie ; aller chercher Carthage, s’avancer jusqu’aux confins de l’Ethiopie, à Clysmos ; s’arrêter à la mer Rouge, après avoir fait 2380 de nos lieues de France.

Quels travaux, à ne les considérer que par leur étendue ! mais que ne deviennent-ils pas quand on embrasse sous un seul point de vûe, & cette étendue, & les difficultés qu’ils ont présentées, les forêts ouvertes, les montagnes coupées, les collines applanies, les valons comblés, les marais desséchés, les ponts élevés, &c.

Les grands chemins étoient construits selon la diversité des lieux ; ici ils s’avançoient de niveau avec les terres ; là ils s’enfonçoient dans les vallons ; ailleurs ils s’élevoient à une grande hauteur ; par-tout on les commençoit par deux sillons tracés au cordeau ; ces paralelles fixoient la largeur du chemin ; on creusoit l’intervalle de ces paralleles ; c’étoit dans cette profondeur qu’on étendoit les couches des matériaux du chemin. C’étoit d’abord un ciment de chaux & de sable de l’épaisseur d’un pouce ; sur ce ciment, pour premiere couche des pierres larges & plates de dix pouces de hauteur, assises les unes sur les autres, & liées par un mortier des plus durs : pour seconde couche, une épaisseur de huit pouces de petites pierres rondes plus tendres que le caillou, avec des tuiles, des moilons, des platras & autres décombres d’édifice, le tout battu dans un ciment d’alliage : pour la troisieme couche, un pié d’épaisseur d’un ciment fait d’une terre grasse mêlée avec de la chaux. Ces matieres intérieures formoient depuis trois piés jusqu’à trois piés & demi d’épaisseur. La surface étoit de gravois liés par un ciment mêlé de chaux ; & cette croûte a pû résister jusqu’à présent en plusieurs endroits de l’Europe. Cette façon de paver avec le gravois étoit si solide, qu’on l’avoit pratiquée par-tout excepté à quelques grandes voies où l’on avoit employé de grandes pierres, mais seulement jusqu’à cinquante lieues de distance des portes de Rome. On employoit les troupes de l’état à ces ouvrages qui endurcissoient ainsi à la fatigue les peuples conquis, dont ces occupations prévenoient les revoltes ; on y employoit aussi les malfaiteurs que la dureté de ces ouvrages effrayoit plus que la mort, & à qui on faisoit expier utilement leurs crimes.

Les fonds pour la perfection des chemins étoient si assûrés & si considérables, qu’on ne se contentoit pas de les rendre commodes & durables ; on les embellissoit encore. Il y avoit des colomnes d’un mille à un autre qui marquoient la distance des lieux ; des pierres pour asseoir les gens de pié & aider les cavaliers à monter sur leurs chevaux ; des ponts, des temples, des arcs de triomphe, des mausolées, les sepulchres des nobles, les jardins des grands, sur-tout dans le voisinage de Rome, au loin des hermès qui indiquoient les routes ; des stations, &c. Voyez Colomne milliaire, Hermès, Voie, Stations ou Mansions. Voyez l’antiq. expliq. Voyez le traité de M. Bergier. Voyez le traité de la police de la Mare.

Telle est l’idée qu’on peut prendre en général de ce que les Romains ont fait peut-être de plus surprenant. Les siecles suivans & les autres peuples de l’univers offrent à peine quelque chose qu’on puisse opposer à ces travaux, si l’on en excepte le chemin commencé à Cusco, capitale du Pérou, & conduit par une distance de 500 lieues sur une largeur de 25 à 40 piés, jusqu’à Quito. Les pierres les plus petites dont il étoit pavé, avoient dix piés en quarré ; il étoit soutenu à droite & à gauche par des murs élevés au-dessus du chemin à hauteur d’appui ; deux ruisseaux couloient au pié de ces murs ; & des arbres plantés sur leurs bords formoient une avenue immense.

La police des grands chemins subsista chez les Romains avec plus ou moins de vigueur, selon que l’état fut plus ou moins florissant. Elle suivit toutes les révolutions du gouvernement & de l’empire, & s’éteignit avec celui-ci. Des peuples ennemis les uns des autres, indisciplinés, mal affermis dans leurs conquêtes, ne songerent guere aux routes publiques, & l’indifférence sur cet objet dura en France jusqu’au regne de Charlemagne. Cette commodité étoit trop essentielle à la conservation des conquêtes, pour que ce monarque ne s’en apperçût pas ; aussi est-il le premier de nos rois qui ait fait travailler aux chemins publics. Il releva d’abord les voies militaires des Romains ; il employa à ce travail & ses troupes & ses sujets. Mais l’esprit qui animoit Charlemagne s’affoiblit beaucoup dans ses successeurs ; les villes resterent dépavées ; les ponts & les grands chemins furent abandonnés, jusque sous Philippe-Auguste, qui fit paver la capitale pour la premiere fois en 1184, & qui nomma des officiers à l’inspection des ponts & chaussées. Ces officiers, à charge au public, disparurent peu-à-peu, & leurs fonctions passerent aux juges particuliers des lieux, qui les conserverent jusqu’en 1508. Ce fut alors que les tribunaux relatifs aux grands chemins, & même à la voirie en général, se multiplierent. Voyez grande Voirie. Il y en avoit quatre différens, lorsque Henri le Grand créa l’office de grand-voyer ou d’inspecteur des routes du royaume. M. de Sulli en fut revêtu ; mais cette partie ne se ressentit pas comme les autres des vues supérieures de ce grand homme. Depuis ce tems, le gouvernement s’est réservé la direction immédiate de cet objet important ; & les choses sont maintenant sur un pié à rendre les routes du royaume les plus commodes & les plus belles qu’il y ait en Europe, par les moyens les plus sûrs & les plus simples. Cet ouvrage étonnant est déjà même fort avancé. Quel que soit le côté par où l’on sorte de la capitale, on se trouve sur les chaussées les plus larges & les plus solides ; elles se distribuent dans les provinces du royaume les plus éloignées, & il en part de chacune des collatérales qui établissent entre les villes mêmes les moins considérables la communication la plus avantageuse pour le commerce. Voyez à l’art. Pont et Chaussée quelle est l’administration à laquelle nous devons ces travaux utiles, & les précautions qu’on pourroit prendre pour qu’ils le fussent davantage encore, & que les hommes qu’on y applique, tous intelligens, se servissent de leurs lumieres pour la perfection de la Géographie, de l’Hydrographie, & de presque toutes les parties de l’Histoire naturelle & de la Cosmologie.

Chemin. (Jurisprud.) On distingue en général deux sortes de chemins ; savoir les chemins publics, & les chemins privés.

Chez les Romains, on appelloit via tout chemin public ou privé ; par le terme d’iter seul, on entendoit un droit de passage particulier sur l’héritage d’autrui ; & par celui d’actus, on entendoit le droit de faire passer des bêtes de charge ou une charrette ou chariot sur l’héritage d’autrui ; ce qu’ils appelloient ainsi iter & actus n’étoient pas des chemins proprement dits, ce n’étoient que des droits de passage ou servitudes rurales.

Ainsi le mot via étoit le terme propre pour exprimer un chemin public ou privé ; ils se servoient cependant aussi du mot iter pour exprimer un chemin public, en y ajoûtant l’épithete publicum.

On distinguoit chez les Romains trois sortes de chemins ; savoir les chemins publics, via publica, que les Grecs appelloient voies royales ; & les Romains, voies prétoriennes, consulaires, ou militaires. Ces chemins aboutissoient ou à la mer, ou à quelque fleuve, ou à quelque ville, ou à quelque autre voie militaire.

Les chemins privés, via privatæ, qu’on appelloit aussi agraria, étoient ceux qui servoient de communication pour aller à certains héritages.

Enfin les chemins qu’ils appelloient via vicinales, étoient aussi des chemins publics, mais qui alloient seulement d’un bourg ou village à un autre. La voie, via, avoit huit piés de large ; l’iter, pris seulement pour un droit de passage, n’avoit que deux piés, & le passage appellé actus en avoit quatre.

Il y a peu de chose à recueillir pour notre usage de ce qui s’observoit chez les Romains, par rapport à ces chemins publics ou privés, parce que la largeur des chemins est reglée différemment parmi nous ; on peut voir néanmoins ce qui est dit dans la loi des 12 tables, tit. ij. de viarum latitudine ; au code Théodosien, de itinere muniendo, & au titre, de littorum & itinerum custodia ; au digeste de verborum signific. liv. CLVII. au liv. XLIII. tit. vij. de locis & itiner. public. & au même liv. tit. viij. ne quid in loco publico vel itinere fiat ; au tit. x. de via publica, & si quid in ea factum esse dicatur, & au tit xj. de via publica & itinere publico reficiendo ; enfin au code, liv. XII. tit. lxv. de litterum & itinerum custodia.

Pour ce qui est des droits de passage appellés chez les Romains iter & actus, il en traite au digeste, liv. LXIII. tit. xix. & nous en parlerons aux mots Passage & Servitudes rurales.

On distingue parmi nous en général deux sortes de chemins publics ; savoir les grands chemins ou chemins royaux, qui tendent d’une ville à une autre, & les chemins de traverse qui communiquent d’un grand chemin à un autre, ou d’un bourg ou village à un autre.

Il y a aussi des chemins privés qui ne servent que pour communiquer aux héritages.

Nos coûtumes ont donné divers noms aux grands chemins ; les unes les appellent chemins péageaux, comme Anjou & Maine ; d’autres en grand nombre les appellent grands chemins ; d’autres chemins royaux.

Les chemins de traverse & les chemins privés reçoivent aussi différens noms dans nos coûtumes, nous les expliquerons chacun ci-après, suivant l’ordre alphabétique.

Les premiers réglemens faits en France au sujet des chemins se trouvent dans les capitulaires du roi Dagobert, où il distingue via publica, via convicinalis, & semita ; il prononce des amendes contre ceux qui barroient les chemins.

Charlemagne est cependant regardé comme le premier de nos rois qui ait donné une forme à la police des grands chemins & des ponts. Il fit contribuer le public à cette dépense.

Louis le Débonnaire & quelques-uns de ses successeurs firent aussi quelques ordonnances à ce sujet ; mais les troubles des x. xj. & xij. siecles firent perdre de vûe la police des chemins ; on n’entretenoit alors que le plus nécessaire, comme les chaussées qui facilitoient l’entrée des ponts ou des grandes villes, & le passage des endroits marécageux.

Nous ne parlerons pas ici de ce qui se fit sous Philippe-Auguste, par rapport au pavé des rues de Paris, cet objet devant être renvoyé aux mots Pavés & Rues.

Mais il paroît constant que le rétablissement de la police des grands chemins eut à-peu-près la même époque que la premiere confection du pavé de Paris, qui fut en 1184, comme on l’a dit plus haut.

L’inspection des grands chemins fut confiée, comme du tems de Charlemagne & de Louis le Débonnaire, à des envoyés ou commissaires généraux appellés missi, qui étoient nommés par le roi & départis dans les provinces ; ils avoient seuls la police des chemins, & n’étoient comptables de leurs fonctions qu’au roi.

Ces commissaires s’étant rendus à charge au public, ils furent rappellés au commencement du xiv. siecle, & la police des chemins fut laissée aux juges ordinaires des lieux.

Les choses resterent en cet état jusqu’en 1508 que l’on donna aux thrésoriers de France quelque part en la grande voirie. Henri II. par édit de Février 1552, autorisa les élûs à faire faire les réparations qui n’excederoient pas 20 liv. Henri III. en 1583 leur associa les officiers des eaux & forêts, ensorte qu’il y avoit alors quatre sortes de jurisdictions qui étoient en droit de connoître de ces matieres.

Henri IV. ayant reconnu la confusion que causoit cette concurrence, créa en 1599 un office de grand voyer, auquel il attribua la surintendance des grands chemins & le pouvoir de commettre des lieutenans dans les provinces.

Cet arrangement n’ayant pas eu tout le succès que l’on en attendoit, Louis XIII. par édit de Février 1626, supprima le titre de grand-voyer, & attribua la jurisdiction sur les grands chemins aux thrésoriers de France, lesquels étant répandus dans les différentes provinces du royaume, sont plus à portée de vaquer à cet exercice : mais le Roi ayant bientôt reconnu l’importance de se réserver la surintendance de la grande voirie, a établi un directeur général des ponts & chaussées, qui a sous lui plusieurs inspecteurs & ingénieurs ; & sur le rapport du directeur général, le Roi ordonne chaque année par arrêt de son conseil les travaux & réparations qu’il veut être faits aux chemins ; l’adjudication au rabais de ces ouvrages se fait à Paris par les thrésoriers de France, & dans les provinces par les intendans qui veillent aussi sur les grands chemins, suivant les ordres qui leur sont envoyés.

Les pays d’états veillent eux-mêmes dans leur territoire à l’entretien des ponts & chaussées.

Henri II. avoit ordonné dès 1552 de planter des arbres le long des grands chemins ; mais cela avoit été mal exécuté.

L’arrêt du conseil du 3 Mai 1720, qui a fixé la largeur des grands chemins, a ordonné de les border de fossés ; & aux propriétaires des héritages qui y aboutissent, de les planter des deux côtés d’ormes, hêtres, chataigners, arbres fruitiers, ou autres arbres, suivant la nature du terrein, à la distance de 30 piés l’un de l’autre, & à une toise au moins du bord extérieur des fossés, & de les armer d’épines.

Faute par les propriétaires d’en planter, il est dit que les seigneurs auxquels appartient le droit de voirie, pourront en planter à leurs frais, & qu’en ce cas les arbres plantés par ces seigneurs leur appartiendront, de même que le fruit de ces arbres ; la même chose avoit déjà été ordonnée.

Lorsqu’il s’agit de construire ou de réparer quelque chemin public, les juges préposés pour y tenir la main peuvent contraindre les paveurs & autres ouvriers nécessaires de s’y employer, sous peine d’amende & même d’emprisonnement.

Il est défendu à toutes personnes d’anticiper sur les chemins, ni d’y mettre des fumiers ou aucune autre chose qui puisse embarrasser.

Lorsqu’il s’agit d’élargir ou d’aligner les chemins publics, les propriétaires des terres voisines sont tenus de fournir le terrein nécessaire.

Les entrepreneurs sont autorisés à prendre des matériaux par-tout où ils en peuvent trouver, en dédommageant le propriétaire.

Les terres nécessaires pour rehausser les chemins peuvent être prises sur les terreins les plus proches.

Il est défendu à toutes personnes de détourner les voitures qui travaillent aux chemins, ni de leur apporter aucun trouble.

En quelques endroits on a établi des péages, dont le produit est destiné à l’entretien des chemins. Voy. Péage.

Pour éviter l’embarras que causeroient sur les chemins les voitures qui seroient trop larges, on a fixé en 1624, la longueur des essieux de chariots & charrettes à 5 piés 10 pouces, avec défenses aux ouvriers d’en faire de plus longs.

Les rouliers ne doivent point atteler plus de quatre chevaux à une charrette à deux roues. Arrêt du conseil du 18 Juillet 1670, & déc. du 14 Nov. 1724.

La charge d’une voiture à deux roues est de 5 poinçoins de vin ou de trois milliers pesant d’autres marchandises. Il est néanmoins permis aux rouliers de porter 6 poinçons de vin, en portant au retour du pavé & du sable aux atteliers des grands chemins. On oblige même présentement ceux qui retournent à vuide de porter une certaine quantité de pavé. Voyez la Bibliotheque de Bouchet, au mot chemin. Les lois civiles, part. II. liv. I. tit. viij. sect. 2. n. 14. L’exposition des coûtumes sur la largeur des chemins, &c. & le tr. de la construction des chemins. Les ordonnances de la troisieme race. L’ordonnance des eaux & forêts, titr xxviij. Le traité de la police, tome IV. liv. IV. tit. xiij. Le diction. des arrêts, au mot chemin.

Chemin, appelle carriere dans quelques coûtumes, est un chemin du troisieme ou quatrieme ordre. Bouthillier, en sa somme rurale, p. 497. dit que la carriere a dix piés, pour la commodité commune ; tant des gens de pié que de cheval, & des charrettes & voitures. La coûtume de Valois, art. 194. & celle d’Artois, ne donnent que huit piés à la carriere. Celle de Clermont en Beauvoisis, art. 226. ajoûte qu’il est loisible d’y mener charrette & bestial en cordelle, & non autrement.

Chemins charruaux ou de traverse, en Poitou, & qu’on appelle ailleurs voisinaux, sont ceux qui communiquent d’un grand chemin à un autre, ou d’un bourg, ville ou village à l’autre : ils sont ainsi appellés, non pas du mot charrue, mais du mot charroi, parce qu’ils doivent être assez larges pour le passage des charrois, à la différence des sentiers qui ne servent que pour le passage des gens de pié ou de cheval, & pour les bêtes de somme. Voyez Boucheul sur l’art. 12. de la coût. de Poitou, & ci-apr. Chemins de traverse & Chemins voisinaux.


Chemin chatelain, dont il est parlé dans la coûtume de Boulenois, art. 156. est inférieur au chemin royal & au chemin de traverse ; il ne doit avoir que vingt piés : on appelle ainsi ceux qui conduisent à une des quatre châtellenies du Boulenois.

Chemin croisier, dont il est parlé dans l’art. 159. de la coûtume de Boulenois, est un chemin de rencontre qui conduit en plusieurs endroits.

Chemin finerot, usité dans le duché de Bourgogne, a six pas de largeur, qui reviennent à dix-huit piés ; c’est proprement celui qui sépare les finages ou confins de chaque contrée ou canton.

Chemin forain, dont il est parlé dans la coûtume de Boulenois, art. 161. est celui qui conduit de chaque village à la forêt. Voyez le commentaire de Leroi sur cet article.

Chemins, (grands) on appelle grands chemins, par excellence, les chemins royaux, pour les distinguer des autres chemins d’un ordre inférieur. Voyez ci-ap. Chemin royal.

Chemin du Halage, est un espace de vingt-quatre piés de large, que les riverains des rivieres navigables sont obligés de laisser sur les bords, pour le passage des chevaux qui halent ou tirent les bateaux. Voyez l’ordonn. des eaux & forêts, tit xxviij. art. 7.

Chemin pour issue de ville volontaire, dans la coûtume de Boulenois, art. 162. est celui qui sort d’un village ; ce chemin doit avoir onze piés. Voy. le commentat. ibid.

Chemin péageau, est un chemin public sur lequel est établi le péage. Suivant la coûtume d’Anjou, art. 60. & celle du Maine, art. 69. il doit contenir quatorze piés de large pour le moins.

Chemin, appellé pié-sente en Artois, est le moindre des chemins publics, qui n’a que quatre piés de large. Voyez ci-apr. Chemin de terroir.

Chemin privé, est celui qui n’est établi que pour certaines personnes, & non pour le public. voyez ci-dev. au mot Chemin.

Chemin public, est celui qui est établi pour l’usage de tous, à la différence des chemins privés & passages, qui ne sont que pour certaines personnes. Voyez ci-dev. Chemin.

Chemin réal, dans la coûtume de Boulenois, signifie chemin royal. Voyez ci-apr. Chemin royal.

Chemin royal, que l’on appelle aussi grand chemin, est celui qui communique d’une grande ville à une autre grande ville. La largeur de ces chemins a varié selon les tems & les coûtumes. Suivant une transaction de l’an 1222, appellée charta pacis, le chemin royal n’avoit alors que dix-huit piés. Bouthillier, en sa somme rurale, p. 497. dit que de son tems le chemin royal avoit quarante piés. La coûtume du duché de Bourgogne, ch. des mesures, in fine, ne donne que trente piés de largeur au grand chemin, qui est le chemin royal : celle de Normandie, art. 623. dit qu’il ne doit pas avoir moins de quatre toises : celle de Senlis & celle de Valois veulent que les grands chemins ayent au moins quarante piés de large dans les bois & forêts, & trente pour le moins dans les terres hors des forêts : celles d’Amiens, de Boulenois, & de Saint-Omer, veulent que tous chemins royaux ayent soixante piés de large : celle de Clermont en Beauvaisis donne au chemin proprement dit trente-deux piés, & au grand chemin royal soixante-quatre piés de largeur.

L’ordonnance des eaux & forêts, tit. des routes & chemins royaux, porte que dans les forêts les grands chemins royaux auront au moins soixante-douze piés de largeur ; & que dans six mois, tout bois, épines & broussailles qui se trouveroient dans l’espace de soixante piés ès grands chemins servant au passage des coches & carrosses publics, tant des forêts du roi que de celles des ecclésiastiques, communautés, seigneurs, & particuliers, seroient essartés & coupés, en sorte que le chemin soit plus libre & plus sur.

Cette même ordonnance veut que les propriétaires des héritages aboutissans aux rivieres navigables, laissent le long des bords vingt-quatre piés au moins de place en largeur, pour chemin royal & trait des chevaux, sans qu’ils puissent planter arbres ni tenir clôture ou haie plus presque trente piés du côté que les bateaux se tirent, & dix piés de l’autre bord, à peine de 500 liv. d’amende, confiscation des arbres, & d’être les contrevenans contraints à réparer & remettre les chemins en état à leurs frais.

La largeur des autres chemins royaux hors les forêts & bords des rivieres a été reglée différemment, par diverses lettres patentes & arrêts, jusqu’à l’arrêt du conseil du 3 Mai 1720, qui a fixe la largeur des grands chemins à soixante piés, & celle des autres chemins publics à trente-six piés ; ce qui s’observe depuis ce tems autant qu’il est possible : on a même donné plus de largeur à quelques-uns des chemins royaux aux environs de Paris, & cela pour la décoration de l’abord de la capitale du royaume. Voyez ci-dev. Chemin.

Chemin de terroir ou Voie, (Jurisp.) est une des cinq especes de chemins publics que l’on distingue en Artois : la premiere s’appelle, comme partout ailleurs, grand chemin royal, qui doit avoir soixante-quatre piés de largeur mesure du pays, suivant les reglemens. La seconde espece de chemins à laquelle les coûtumes du royaume donnent divers noms, est connue en Artois sous le nom de chemin vicomtier, lequel doit avoir trente-deux piés de largeur. La troisieme espece est celle qu’on appelle voie ou chemin de terroir, c’est-à-dire qui sert à communiquer d’un terroir à l’autre ; ce chemin n’a que seize piés de largeur. La quatrieme espece est le chemin appellé carriere, qui n’a que huit piés. Et la cinquieme enfin, appellée sentier ou pié-sente, qui n’a que quatre piés de large.

Chemin de traverse, est celui qui communique d’un grand chemin à un autre ; c’est ce que les Romains appelloient trames. Bouthillier, en sa somme rurale, p. 497. l’appelle travers, & dit qu’il doit avoir jusqu’à vingt ou vingt-deux piés.

Chemin vicomtier, en Artois, est celui qui a trente-deux piés de largeur. Voyez ci-dev. Chemin de terroir. La coûtume de Boulenois, art. 159. ne donne à ce chemin que trente piés. La coûtume de Saint-Omer, art. 15. l’appelle chemin de traverse, ou vicomtier, & dit qu’il doit avoir dix piés.

Chemins voisinaux, que les Romains appelloient via vicinales, sont ceux qui servent pour la communication des héritages entre voisins. La coûtume de Tours, art. 59. & celle de Lodurois, ch. v. art. 1. veulent que ces chemins ayent huit piés de largeur.

Chemin, appellé voie, est la même chose en Artois que chemin de terroir. Voyez ci-dev. Chemin de terroir. (A)

Chemin-couvert, (Art milit.) appellé autrefois corridor, est dans la Fortification un espace de cinq à six toises de largeur, terminé par une ligne parallele à la contrescarpe : il est couvert ou caché à l’ennemi par une élévation de terre d’environ six piés de hauteur, qui lui sert de parapet, laquelle va se perdre en pente dans la campagne, à vingt ou vingt-cinq toises de la ligne qui le termine ; cette pente se nomme le glacis. Voyez Glacis.

Le chemin-couvert n’est jamais plus élevé que le niveau de la campagne ; il est au contraire quelquefois plus bas d’un pié ou d’un pié & demi, lorsque les terres du fossé ne sont pas suffisantes pour la construction des remparts & du glacis.

Au pié intérieur du parapet du chemin-couvert, regne une banquette comme au pié du parapet du rempart : elle a le même usage, c’est-à dire qu’elle sert à élever le soldat pour qu’il puisse tirer par-dessus le glacis, & découvrir la campagne. Lorsque le chemin-couvert est plus bas que le niveau de la campagne, on lui donne deux banquettes : on plante des palissades sur la banquette supérieure, lorsqu’il y en a deux, ou simplement sur la banquette, lorsqu’il n’y en a qu’une. Ces palissades sont des pieux quarrés & pointus par le haut, qu’on fait surpasser d’environ six pouces la partie supérieure du glacis ou du parapet du chemin-couvert : elles se mettent fort proches les unes des autres, ensorte qu’il ne reste guere d’intervalle entre elles que pour passer le bout du fusil : on les joint ensemble par des traverses ou pieces de bois, auxquelles elles sont attachées avec de grands clous rivés en-dehors : ces pieces de bois ainsi horisontales, forment ce qu’on appelle le linteau. L’usage des palissades est de faire obstacle à l’ennemi, & l’empêcher de sauter dans le chemin-couvert.

Le chemin-couvert est plus spacieux à ses angles rentrans qu’aux autres endroits : on y pratique des espaces cih (Pl. I. de Fortific. fig. 1.) appellés places-d’arme. Voyez Place-d’arme.

Il y a aussi des places-d’arme aux angles saillans, mais elles sont formées par l’arrondissement de la contrescarpe, au lieu que celles des angles rentrans sont prises dans le glacis.

On trouve de distance en distance dans le chemin-couvert des solides de terre qui en occupent toute la largeur, à l’exception d’un petit passage pour le soldat ; c’est ce qu’on appelle les traverses du chemin-couvert. Voyez Traverses.

Le chemin-couvert n’est pas fort ancien dans la Fortification ; l’usage s’en est établi vers le commencement des guerres de la Hollande contre Philippe II. roi d’Espagne.

Le chemin-couvert sert 1° à mettre des troupes à couvert des coups de l’ennemi qui est dans la campagne, & à défendre l’approche de la place par un feu rasant ou parallele au niveau du terrein, & qui est également redoutable dans toute la portée du fusil : 2° à assembler les troupes nécessaires pour les sorties, pour en faciliter la retraite, & recevoir les secours qu’on veut faire entrer dans la place.

Le chemin-couvert & le glacis sont quelquefois appellés ensemble du nom de contrescarpe ; & c’est dans ce sens qu’on dit, lorsqu’on est parvenu à se loger sur le glacis, qu’on est sur la contrescarpe : mais exactement la contrescarpe est la ligne qui termine le fossé vers la campagne. Voyez Contrescarpe.

On trace le chemin-couvert en menant des paralleles à la contrescarpe à la distance de cinq ou six toises. A l’égard de la construction de ses places d’arme, voyez Place-d’arme. (Q)

Chemins militaires, via militares, ce sont les grands chemins de l’empire Romain, qu’Agrippa fit faire sous l’empire d’Auguste, pour la marche des troupes & pour les voitures. M. Bergier, avocat au présidial de Reims, a écrit l’histoire de ces grands chemins, contenant l’origine, le progrès, & l’etendue presqu’incroyable des chemins militaires pavés depuis la ville de Rome jusqu’aux extrémités de l’empire. Voyez plus haut Chemin. (Q)

Chemin des rondes, en termes de Fortification, est un espace qu’on laisse pour le passage des rondes entre le rempart & la muraille dans une ville fortifiée. Voyez Ronde.

Ce chemin n’est pas d’un grand usage, parce que n’étant défendu que d’une muraille d’un pié d’épaisseur, il est bien-tôt renversé par le canon de l’ennemi.

Le chemin des rondes est pratiqué au haut du rempart, au-devant du parapet ; il est placé immédiatement sur le cordon, c’est-à-dire au niveau du terre-plein du rempart ; il a trois ou quatre piés de large ; il a un parapet ou garde-fou de maçonnerie d’un pié & demi d’épaisseur, & de trois piés & demi de haut : il doit avoir des ouvertures ou des entrées à tous les angles de l’enceinte de la place. Cette sorte de chemin ne se trouve plus guere que dans les anciennes fortifications ; son parapet qui se trouve ruiné des les premiers jours du siége, l’a fait abandonner comme un ouvrage de peu d’importance. (Q)

Chemin, en Batiment, est sur un plafond ou sur un ravallement, une disposition de regles que les ouvriers posent pour traîner les moulures : c’est aussi un enduit de plâtre dressé à la regle, & suivant lequel ils conduisent leur calibre : ces deux dispositions, dont la regle sert à conduire d’un côté le sabot du calibre, & l’enduit dirige l’autre extrémité, se nomment proprement chemins. (P)

Chemin de carriere, en Architecture, c’est le puits par où l’on descend dans une carriere pour la fouiller, ou l’ouverture qu’on fait à la côte d’une montagne, pour en tirer la pierre ou le marbre. (P)

* Chemin, (Chorégraphie.) ce sont des lignes qui tracées sur un papier, représentent la figure qu’un ou plusieurs danseurs décrivent sur le plancher pendant tout le cours d’une danse. Toute la Chorégraphie consiste à tracer ces lignes, à en diviser la somme en autant de parties égales que l’air de la danse a de mesures ; à couper sur chacune de ces parties d’autres parties égales qui désignent les tems ; sur celles-ci, d’autres qui désignent les notes, & ainsi de suite, jusqu’à la partie de tems la plus petite, pendant laquelle le danseur peut exécuter un mouvement ; & à indiquer sur chacune de ces parties, par des caracteres particuliers, tous les mouvemens que le danseur doit exécuter en même tems, & successivement. Voyez Chorégraphie.

Chemin, en terme de Diamantaire, est la trace que fait un diamant sur la meule de fer où on le taille. Voyez Diamant & Diamantaire.

Chemin, (Tonnel.) pieces de bois qui portent d’un bout sur les bateaux chargés de vin, de l’autre à terre, où elles servent à conduire les tonneaux sans accident. Plus ces pieces sont longues, plus le plan incliné qu’elles forment est doux, moins celui qui conduit la piece fatigue : si les pieces étoient ou trop longues, ou trop foibles, ou trop chargées, elles poûrroient rompre. L’expédient des chemins n’est pas à l’usage seul des Tonneliers ou déchargeurs de vin ; il sert aussi à tous ceux qui ont des marchandises en tonneaux à descendre de dessus la riviere à terre.

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Étymologie de « chemin »

Nivernais, semin ; bourguig. chemi ; champenois, chemî ; picard, camin ; provenç. cami ; espagn. camino ; portug. caminho ; ital. cammino ; du celtique : kymri, cam, pas ; camen, chemin ; bas-breton, kamm, pas ; gaél. cam, pas ; irland. ceim, pas.

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Du latin populaire cammīnus ; du gaulois *cammino- / *cammano-.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « chemin »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
chemin ʃœmɛ̃

Fréquence d'apparition du mot « chemin » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « chemin »

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Citations contenant le mot « chemin »

  • Qui trop se hâte reste en chemin.
    Proverbe français
  • La bonne volonté raccourcit le chemin.
    Proverbe brésilien
  • Ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s'en éloignent.
    René Descartes — Discours de la méthode
  • Le chemin est assez mauvais Sans nous jeter encor des pierres.
    Jean-Pierre Claris de Florian — Fables, le Bonhomme et le Trésor
  • Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire.
    Jean de La Fontaine — Fables, les Deux Aventuriers et le Talisman
  • Car les chemins du jour côtoient ceux de la nuit.
    Homère — L'Odyssée, X, 86 (traduction V. Bérard)
  • Qu’importe l’issue du chemin quand seul compte le chemin parcouru.
    David Le Breton
  • Nul chemin n'est mauvais qui touche à sa fin, sauf celui qui mène au gibet.
    Miguel de Cervantès en espagnol Miguel de Cervantes Saavedra — Novelas ejemplares, El licenciado Vidriera
  • L’eau n’oublie pas son chemin.
    Proverbe russe
  • Chaque filet d’eau a son chemin.
    Proverbe bambara
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Images d'illustration du mot « chemin »

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Traductions du mot « chemin »

Langue Traduction
Anglais way
Espagnol camino
Italien strada
Allemand weg
Portugais caminho
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Synonymes de « chemin »

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Antonymes de « chemin »

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Nombre de points du mot chemin au scrabble : 13 points

Chemin

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