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Charité
Sommaire
- Définitions de « charité »
- Étymologie de « charité »
- Phonétique de « charité »
- Fréquence d'apparition du mot « charité » dans le journal Le Monde
- Évolution historique de l’usage du mot « charité »
- Citations contenant le mot « charité »
- Images d'illustration du mot « charité »
- Traductions du mot « charité »
- Synonymes de « charité »
- Antonymes de « charité »
- Combien de points fait le mot charité au Scrabble ?
Variantes | Singulier | Pluriel |
---|---|---|
Féminin | charité | charités |
Définitions de « charité »
Trésor de la Langue Française informatisé
CHARITÉ, subst. fém.
Wiktionnaire
Nom commun - ancien français
charité \Prononciation ?\ féminin
- Charité (bienveillance habituelle)
Nom commun - français
charité \ʃa.ʁi.te\ féminin
-
(Religion) Vertu théologale, amour que l’on ressent pour Dieu, pour le bien et pour son prochain.
- Pour une fille des champs qui dans sa jeunesse n’avait récolté que de mauvais traitements, pour une pauvresse recueillie par charité, le rire équivoque du père Grandet était un vrai rayon de soleil. — (Honoré de Balzac, Eugénie Grandet, 1834 ; page 221 de l’édition Houssiaux de 1855)
- Tout cela n’empêche pas, mon ami, qu’il n’y ait sur cette terre de fort braves gens, des gens foncièrement honnêtes, organiquement bons, faisant le bien pour la satisfaction intime qu’ils en retirent: ne volant pas et n’assassinant pas, lors même qu’ils seraient sûrs de l’impunité, parce qu’ils ont une conscience qui est un contrôle perpétuel des actes auxquels leurs passions pourraient les pousser; des gens capables d’aimer, de se dévouer corps et âme, des prêtres croyant en Dieu et pratiquant la charité chrétienne, des médecins bravant les épidémies pour sauver quelques pauvres malades, des sœurs de charité allant au milieu des armées soigner de pauvres blessés. — (Pierre Loti, Aziyadé, 1879)
- La charité est une vertu que les éloges mortuaires prêtent sans exception à tous les défunts, ce qui est déjà suspect. — (Marguerite Yourcenar, Souvenirs pieux, 1974, collection Folio, page 139)
- Darlan a été descendu et Pucheu exécuté, c'est bien fait pour leur poire ! s’écria Micheline, toute charité chrétienne envolée. — (Robert Ichah, Juif malgré lui: 1940-44, la guerre d'un gamin de banlieue, Romillat, 2000, page 186)
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Bienveillance habituelle ; indulgence ; commisération.
- Cette sollicitude ne la surprenait guère : Alice avait toujours eu cette espèce de charité très chrétienne, qui attendait que l’on fût au fond du trou pour vous tendre la main. — (Laure Pfeffer, Si peu la fin du monde, Éditions Buchet-Chastel, 2019)
-
Bienfaisance ; aumône aux pauvres. Note : Dans ce sens, pouvait autrefois s’employer au pluriel.
- Les catholiques sociaux […] veulent améliorer le sort des pauvres, non seulement par la charité, mais par une foule d’institutions propres à atténuer les douleurs causées par l’économie capitaliste. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chapitre V, La grève générale politique, 1908, page 226)
- Je prétends que la vraie charité doit être couillue, pas pleurnicharde, ni dégoulinante de bonté. Quand les gens éclatent en sanglots c’est souvent parce qu’ils ne peuvent pas te dire que tu les fais chier. — (Jean Tirelli, Le journal d’une cloche, Édition de la Mouette, 2012, page 21)
- Il se recommande aux charités des personnes généreuses.
- (Vieilli) Groupe de personnes pieuses se dévouant pour secourir les pauvres.
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(Par métonymie) Hospice où étaient accueillis les pauvres.
- C’est l’hôpital qui se moque de la charité.
Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)
L'une des trois vertus théologales : Amour que nous ressentons pour Dieu comme notre souverain bien et pour le prochain en vue de Dieu. Si je n'ai point la charité, je ne suis rien. La charité est la perfection. La charité des premiers chrétiens. Charité fraternelle. Avoir de la charité pour le prochain. Mouvement de charité. Il a fait telle chose par charité, par pure charité. En termes de Théologie, il se dit aussi de l'Amour de Dieu même pour l'homme. Il signifie plus particulièrement Aumône qu'on donne aux pauvres; et, dans ce sens, il peut s'employer au pluriel. Faire des actes de charité. Faire la charité à quelqu'un, ou absolument Faire la charité. Ce pauvre homme vous demande la charité. Il se recommande aux charités des personnes généreuses. Dames de charité, Dames bienfaisantes qui concourent au soulagement des pauvres d'une paroisse. Prov., Charité bien ordonnée commence par soi-même, Il est juste, ou du moins il est naturel de songer à ses propres besoins avant de s'occuper de ceux des autres.
Littré (1872-1877)
-
1Amour du prochain.
Dans les nécessités extraordinaires sa charité faisait de nouveaux efforts
, Bossuet, Anne de Gonz.Ce n'était plus cet ardent vainqueur qui semblait vouloir tout emporter ; c'était une douceur, une patience, une charité qui songeait à gagner tous les cœurs et à guérir des esprits malades
, Bossuet, Louis de Bourbon.Je suis reconnaissant de la charité que vous avez pour mon âme
, Bossuet, Lett. quiét. 12.J'ai appris la charité que vous aviez pour ce pays
, Bossuet, Lett. 1.Nos pères ont eu plus de charité que cela
, Pascal, Prov. 8.Ces faux monnayeurs en dévotion, qui veulent attraper les hommes avec un zèle contrefait et une charité sophistiquée
, Molière, 1er Placet au roi.Les grands ne semblent être nés que pour exercer la charité
, Fléchier, Mont.Il se croit obligé d'exercer la charité dans une profession cruelle
, Fléchier, Tur.Qu'est-ce qu'une charité qui n'a point de pudeur avec le misérable, et qui, avant que de le soulager, commence par écraser son amour-propre ?
Marivaux, Vie de Marianne, 1re partie, p. 34.Comme ils voulaient demeurer attachés à l'Évangile par leur devoir envers Dieu, et aux gens du monde par leur charité pour le prochain
, Pascal, Prov. 7.Ironiquement.
Marchangy, ce vrai sage, M'a fait par charité Sentir de l'esclavage La légitimité
, Béranger, Liberté.Une des trois vertus théologales, par laquelle nous aimons Dieu comme notre souverain bien. La fin de la religion, l'âme des vertus et l'abrégé de la foi, c'est la charité.
La charité, qui bannit la crainte, opère un si grand miracle ; et, sans autre joug qu'elle-même, elle sait non-seulement captiver, mais encore anéantir la volonté propre
, Bossuet, Fr. Bourgoing.La charité est la plus parfaite des vertus théologales
, St-Cyran, Théologie familière, dans RICHELET. -
2Acte de bienfaisance, aumône.
Voilà des charités qu'il a faites pour le salut de ses frères
, Fléchier, Tur.Il faisait une infinité de charités que personne ne savait
, Sévigné, 152.On lui vient demander des charités pour les églises
, Sévigné, 275.Je n'aimais pas qu'on me fît la charité
, Rousseau, Conf. II.Ignace avait de quoi vivre honnêtement par les charités qu'on lui faisait
, Bouhours, Vie de saint Ignace, liv. II, dans RICHELET.Absolument. Demander la charité, être à la charité, mendier.
Par antiphrase. Charité de cour, perfidie de courtisan.
Prêter des charités à quelqu'un, le calomnier.
Lorsque le P. La Chaise eut cessé de parler, je lui dis que j'étais étonné qu'on m'eût prêté des charités auprès de lui
, Racine, Lett. Boil. 45.Une de ces personnes qui prêtent doucement des charités à tout le monde, de ces femmes qui donnent toujours le petit coup de langue en passant
, Molière, Impromptu, 1.Nom, dans quelques ordres religieux, de la discipline qu'un religieux donne à un autre.
-
3Les frères, les sœurs de la Charité, congrégations qui se vouent au soulagement de la misère.
Il ne s'agit pas de faire de votre élève un frère de la charité
, Rousseau, Ém. IV.Molière a terminé sa vie Entre deux sœurs de charité
, Béranger, M. de santé.Frères de la Charité, ordre religieux fondé vers 1550 par saint Jean-de-Dieu pour le soulagement des malades ; ces religieux suivent la règle de Saint-Augustin ; ils bâtirent à Paris, dans le faubourg St-Germain, le célèbre hôpital qui porte encore leur nom.
Charité de Notre-Dame, religieuses de l'ordre de Saint-Jean-de-Dieu rendant aux femmes les mêmes services que les frères de Saint-Jean-de-Dieu rendent aux hommes.
Charité de Saint-Hippolyte, congrégation de religieux hospitaliers dans les Indes occidentales et qui rendent aux malades les mêmes services que les religieux de la congrégation de Saint-Jean-de-Dieu.
Religieuses de Notre-Dame-de-Charité, établies pour retirer du mal les pauvres filles ou femmes de mauvaises mœurs. Elles suivent la règle de Saint-Augustin et commencèrent en 1642.
Charité de la Sainte-Vierge, ordre religieux sous la règle de Saint-Augustin.
La maison où résident les frères, les sœurs de Charité.
Il n'y avait [dans le domestique de Mme de Maintenon] d'un peu distingué que cette ancienne servante du temps qu'elle était à la Charité de Saint-Eustache
, Saint-Simon, 414, 209.Charité, nom d'hôpitaux divers. La Charité de Lyon. La Charité de Paris.
Anciennement, la charité pour les pauvres honteux, service de charité composé uniquement du curé de la paroisse et des marguilliers et destiné aux pauvres honteux.
Anciennement, tous les pauvres malades d'une paroisse. Il est le médecin de la charité d'une telle paroisse.
-
4Aujourd'hui, dame de charité, bureau de charité dame, bureau qui distribuent des charités.
Nom que, dans quelques localités, on donne à des confréries ou associations d'assistance.
-
5Votre Charité, titre d'honneur donné aux princes de l'Église.
PROVERBE
Charité bien ordonnée commence par soi-même, c'est-à-dire avant de songer à faire du bien aux autres, il faut songer à soi, à ses intérêts, à ses avantages.
REMARQUE
La locution prêter des charités à quelqu'un, qui signifie le calomnier en lui attribuant une chose défavorable qu'il n'a pas faite ou dite, s'explique par une antiphrase : lui donner des charités, lui faire l'aumône d'une imputation calomnieuse ; locution à laquelle prêter ajoute une idée de méchanceté hypocrite, comme si le calomniateur ne faisait que prêter sa calomnie.
HISTORIQUE
XIIe s. Ne tieng, fait sainz Thomas, de lui fius [fiefs], n'eritez, Ne rien en barunie : mais tut est charitez, E parmenable aumosne tut ço dont sui fieffez
, Th. le mart. 45. Deus, cum par est mainz huem pur le siecle avuglez ; N'i est amurs, ne fei, ne pais, ne charitez
, ib. 121. Puis le proia assez que un petit menjast, Preïst la charité, un petit se dinast, Mez li dus [duc] n'i vout prendre ne disner ne repas
, Wace, Rou.
XIIIe s. Ha ! rois, ce dist la vieille, pour sainte charité…
, Berte, X. Il oït parler de la grant carité del hospital d'Acre
, Chron. de Rains, p. 107. Ge t'ai veü carité prendre Deuz fois, sanz aller au mostier
, Ren. 20610.
XIVe s. L'enfant fut nourri ches le roy en honneur et en charité
, Bercheure, f° 20, verso.
XVe s. J'ai fait charité et hospitalité de tels biens que j'ai ceans à mon povoir
, Perceforest, t. I, f° 12, dans LACURNE.
XVIe s. Cela advenu, on l'eust pu calompnier d'estre adherant aux rebelles (car les gens de bien et d'honneur ne manquent jamais de presteurs de charité)
, Carloix, VIII, 7. Charité oingt, peché poingt
, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 7. Les combats de nuict sont fort dangereux et subjects à de mauvaises charitez [traîtrises]
, Brantôme, Sur les duels, p. 202, dans LACURNE. C'est une charité que l'on luy preste quand on l'accuse de cruauté
, Pasquier, Recherches, liv. V, p. 427, dans LACURNE. Comme disent les Hebreux, il faut commencer la charité par soy mesme
, Charron, Sagesse, p. 468, dans LACURNE. Il me confirma en l'opinion que j'avoye que Maligny et d'autres ses compaignons lui avoyent presté ceste charité [d'être complice de la conjuration d'Amboise]
, Condé, Mémoires, p. 551.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
CHARITÉ. Ajoutez :Les charités, d'origine fort ancienne, sont encore en plein exercice dans tout le Lieuvin, H. Moisy, Noms de famille normands, p. 145.
Encyclopédie, 1re édition (1751)
* CHARITÉ, s. f. (Théologie.) on la définit une vertu théologale, par laquelle nous aimons Dieu de tout notre cœur, & notre prochain comme nous-mêmes. Ainsi la charité a deux objets matériels, Dieu & le prochain. Voy. Objet & Materiel.
La question de la charité ou de l’amour de Dieu, a excité bien des disputes dans les écoles. Les uns ont prétendu qu’il n’y avoit de véritable amour de Dieu que la charité ; & que toute action qui n’est pas faite par ce motif, est un péché.
D’autres plus catholiques, qui n’admettent pareillement d’amour de Dieu que celui de charité, mais qui ne taxent point de péchés les actions faites par d’autres motifs, demandent si cette charité suppose, ou ne suppose point de retour vers soi. Alors ils se partagent, les uns admettent ce retour, les autres le rejettent.
Ceux qui l’admettent distinguent la charité en parfaite & en imparfaite. La parfaite, selon eux, ne differe de l’imparfaite que par l’intensité des degrés, & non par la diversité des motifs, comme le pensent leurs adversaires. Ils citent en faveur de leurs sentimens ce passage de saint Paul, cupio dissolvi & esse cum Christo, où le desir de la possession est joint à la charité la plus vive.
Les uns & les autres traitent d’erreur le rigorisme de ceux dont nous avons parlé d’abord, qui font des péchés de toute action qui n’a pas le motif de charité ; & ils enseignent dans l’église, que les actions faites par le motif de la foi, de l’espérance ou de la crainte de Dieu, loin d’être des péchés, sont des œuvres méritoires : ils vont plus loin ; celles qui n’ont même pour principe que la vertu morale, sont bonnes & loüables selon eux, quoique non méritoires pour le salut. Voy. Grace, Vertu morale, Contrition, &c.
Il y a deux excès à éviter également dans cette matiere ; & ce qu’il y a de singulier, c’est que, quoiqu’ils soient directement opposés dans leurs principes, ils se réunissent dans leurs conséquences. Il y en a qui aiment Dieu en pensant tellement à eux, que Dieu ne tient que le second rang dans leur affection. Cet amour mercenaire ressemble à celui qu’on porte aux personnes, non pour les bonnes qualités qu’elles ont, mais seulement pour le bien qu’on en espere : c’est celui des faux amis, qui nous abandonnent aussi-tôt que nous cessons de leur être utiles. La créature qui aime ainsi, nourrit dans son cœur une espece d’athéisme : elle est son dieu à elle-même. Cet amour n’est point la charité ; on y trouveroit en le sondant, plus de crainte du diable que d’amour de Dieu.
Il y en a qui ont en horreur tout motif d’intérêt ; ils regardent comme un attentat énorme cet autel qu’on semble élever dans son cœur à soi-même, & où Dieu n’est, pour ainsi dire, que le pontife de l’idole. L’amour de ceux-ci paroît très-pur ; il exclut tout autre bien que le plaisir d’aimer ; ce plaisir leur suffit ; ils n’attendent, ils n’esperent rien au-delà : tout se réduit pour eux à aimer un objet qui leur paroît infiniment aimable ; un regard échappé sur une qualité relative à leur bonheur, souilleroit leur affection ; ils sont prêts à sacrifier même ce sentiment si angélique, en ce qu’il a de sensible & de réfléchi, si les épreuves qui servent à le purifier exigent ce sacrifice. Cette charité n’est qu’un amour chimérique. Ces faux spéculatifs ne s’apperçoivent pas que Dieu n’est plus pour eux le bien essentiel & souverain. Plaçant le sublime de la charité à se détacher de toute espérance, ils se rendent indépendans, & se précipitent à leur tour dans une espece d’athéisme, mais par un chemin opposé.
Le champ est vaste entre ces deux extrèmes. Les Théologiens sont assez d’accord à temperer & l’amour pur & l’amour mercenaire ; mais les uns prétendent que pour atteindre la vérité, il faut réduire l’amour pur à ses justes bornes ; les autres au contraire, qu’il faut corriger l’amour mercenaire. Ces derniers partent d’un principe incontestable ; savoir que nous cherchons tous naturellement à nous rendre heureux. C’est, selon saint Augustin, la vérité la mieux entendue, la plus constante & la plus éclaircie. Omnes homines beati esse volunt ; idquè unum ardentissimo amore appetunt ; & propter hoc cætera quæcumque appetunt. C’est le cri de l’humanité ; c’est la pente de la nature ; & suivant l’observation du savant évêque de Meaux, saint Augustin ne parle pas d’un instinct aveugle ; car on ne peut desirer ce qu’on ne sait point, & on ne peut ignorer ce qu’on sait qu’on veut. L’illustre archevêque de Cambrai, écrivant sur cet endroit de saint Augustin, croyoit que ce pere n’avoit en vûe que la béatitude naturelle. Mais qu’importe, lui répliquoit M. Bossuet ? puisqu’il demeure toûjours pour incontestable, selon le principe de saint Augustin, qu’on ne peut se desintéresser au point de perdre dans un seul acte, quel qu’il soit, la volonté d’être heureux, par laquelle on veut toute chose. La distinction de M. de Fenelon doit surprendre. Il est évident que ce principe, l’Homme cherche en tout à se rendre heureux, une fois avoüé, il a la même ardeur pour la béatitude surnaturelle que pour la béatitude naturelle : il suffit que la premiere lui soit connue & démontrée. Qu’on interroge en effet son propre cœur, car notre cœur peut ici nous représenter celui de tous les hommes : qu’on écoute le sentiment intérieur ; & l’on verra que la vûe du bonheur accompagne les hommes dans les occasions les plus contraires au bonheur même. Le farouche Anglois qui se défait, veut être heureux ; le bramine qui se macère, veut être heureux ; le courtisan qui se rend esclave, veut être heureux ; la multitude, la diversité & la bisarrerie des voyes, ne démontrent que mieux l’unité du but.
En effet, comment se détacheroit-on du seul bien qu’on veuille nécessairement ? En y renonçant formellement ? cela est impossible. En en faisant abstraction ? cette abstraction fermera les yeux un moment sur la fin ; mais cette fin n’en sera pas moins réelle. L’artiste qui travaille, n’a pas toûjours son but présent, quoique toute sa manœuvre y soit dirigée. Mais je dis plus ; & je prétends que celui qui produit un acte d’amour de Dieu, n’en sauroit séparer le desir de la joüissance : en effet, ce sont les deux objets les plus étroitement unis. La religion ne les sépare jamais ; elle les rassemble dans toutes ses prieres. L’abstraction momentanée sera, si l’on veut, dans l’esprit ; mais elle ne sera jamais dans le cœur. Le cœur ne fait point d’abstraction, & il s’agit ici d’un mouvement du cœur & non d’une opération de l’esprit. S. Thomas qui s’est distingué par son grand sens dans un siecle où ses rivaux, qui ne le sont plus depuis long-tems, avoient mis à la mode des subtilités puériles, disoit : si Dieu n’étoit pas tout le bien de l’homme, il ne lui seroit pas l’unique raison d’aimer. Et ailleurs : il est toute la raison d’aimer, parce qu’il est tout le bien de l’homme. L’amour présent & le bonheur futur sont, comme on voit, toûjours unis chez ce docteur de l’école.
Mais, dira-t-on peut-être, quand nous ignorerions que Dieu peut & veut nous rendre heureux, ne pourrions-nous pas nous elever à son amour par la contemplation seule de ses perfections infinies ? je réponds qu’il est impossible d’aimer un Dieu sans le voir comme un Être infiniment parfait ; & qu’il est impossible de le voir comme un Être infiniment parfait, sans être convaincu qu’il peut & veut notre bonheur. N’est-ce pas, dit M. Bossuet, une partie de sa perfection d’être libéral, bienfaisant, miséricordieux, auteur de tout bien ? y a-t-il quelqu’un qui puisse exclure par abstraction ces attributs de l’idée de l’Être parfait ? Non sans doute : cependant accordons-le ; convenons qu’on puisse choisir entre les perfections de Dieu pour l’objet de sa contemplation, son immensité, son éternité, sa prescience, &c. celles en un mot qui n’ont rien de commun avec la liaison du Créateur & de la créature ; & se rendre, pour ainsi dire, sous ce point de vûe, l’Être suprême, étranger à soi-même. Que s’ensuit-il de-là ? de l’admiration, de l’étonnement, mais non de l’amour. L’esprit sera confondu, mais le cœur ne sera point touché. Aussi ce Dieu mutilé par des abstractions n’est-il que la créature de l’imagination, & non le Créateur de l’Univers.
D’où il s’ensuit que Dieu devient l’objet de notre amour ou de notre admiration, selon la nature des attributs infinis dont nous faisons l’objet de notre méditation ; qu’entre ces attributs, il n’y a proprement que ceux qui constituent la liaison du Créateur à la créature, qui excitent en nous des sentimens d’amour. Que ces sentimens sont tellement inséparables de la vûe du bonheur, & la charité tellement unie avec le penchant à la joüissance, qu’on ne peut éloigner ces choses que par des hypotheses chimériques hors de la nature, fausses dans la spéculation, dangereuses dans la pratique. Que le sentiment d’amour peut occasionner en nous de bons desirs, & nous porter à des actions excellentes ; influer en partie & même en tout sur notre conduite ; animer notre vie, sans que nous en ayons sans cesse une perception distincte & présente ; & cela par une infinité de raisons, dont je me contenterai de rapporter celle-ci, qui est d’expérience : c’est que ne pouvant par la foiblesse de notre nature partager notre entendement, & être à différentes choses à la fois, nous perdons nécessairement les motifs de vûe, quand nous sommes un peu fortement occupés des circonstances de l’action. Qu’entre les motifs loüables de nos actions, il y en a de naturels & de surnaturels ; & entre les surnaturels, d’autres que la charité proprement dite. Que les motifs naturels loüables, tels que la commisération, l’amour de la patrie, le courage, l’honneur, &c. consistant dans un légitime exercice des facultés que Dieu a mises en nous, & dont nous faisons alors un bon usage ; ces motifs rendent les actions du Payen dignes de récompense dans ce monde, parce qu’il est de la justice de Dieu de ne laisser aucun bien sans récompense, & que le Payen ne peut être récompensé dans l’autre monde. Que penser que les actions du Chrétien qui n’auront qu’un motif naturel loüable, lui seront méritoires dans l’autre monde, par un privilege particulier à sa condition de Chrétien, & que c’est-là un des avantages qui lui reviennent de sa participation aux mérites de J. C. ce seroit s’approcher beaucoup du Sémi-Pélagianisme ; qu’il y aura sûrement des Chrétiens qui n’ayant pour eux que de bonnes actions naturelles, telles qu’elles auroient été faites par un honnête Payen, ne seront récompensés que dans ce monde, comme s’ils avoient vêcu sous le joug du Paganisme. Que les motifs naturels & surnaturels ne s’excluent point ; que nous ne pouvons cependant avoir en même tems la perception nette & claire de plusieurs motifs à la fois ; qu’il ne dépend nullement de nous d’établir une priorité d’ordre entre les perceptions de ces motifs : que, malgré que nous en ayons, tantôt un motif naturel précédera ou sera précédé d’un motif surnaturel, tantôt l’humanité agira la premiere, tantôt ce sera la charité. Que, quoiqu’on ne puisse établir entre les motifs d’une action l’ordre de perception qu’on désireroit, le Chrétien peut toûjours passer d’un de ses motifs à un autre, se les rappeller successivement, & les sanctifier. Que c’est cette espece d’exercice intérieur qui constitue l’homme tendre & l’homme religieux ; qu’il ajoûte, quand il est libre & possible, un haut degré de perfection aux actions : mais qu’il y a des occasions où l’action suit si promptement la présence du motif, que cet exercice ne devient presque pas possible. Qu’alors l’action est très-bonne, quel que soit celui d’entre les motifs loüables, naturels, ou surnaturels qu’on ait présent à l’esprit. Que le passage, que l’impulsion de la charité suggere au Chrétien, de la perception d’un motif naturel, présent à l’esprit dans l’instant de l’action, à un motif surnaturel subséquent, ne rend pas, à parler exactement, l’action bonne, mais la rend avantageuse pour l’avenir. Que dans les occasions où l’action est de nature à suivre immédiatement la présence du motif, & dans ceux où il n’y a pas même de motif bien présent, parce que l’urgence du cas ne permet point de réflexion, ou n’en permet qu’une, sçavoir qu’il faut sur le champ éviter ou faire ; ce qui se passe si rapidement dans notre ame, que le tems en étant, pour ainsi dire, un point indivisible, il n’y a proprement qu’un mouvement qu’on appelle premier : l’action ne devient cependant méritoire, pour le Chrétien même, que par un acte d’amour implicite ou explicite qui la rapporte à Dieu ; cette action fût-elle une de celles qui nous émeuvent si fortement, ou qui nous laissent si occupés ou si abattus, qu’il nous est très difficile de nous replier sur nous-mêmes, & de la sanctifier par un autre motif. Que pour s’assûrer tout l’avantage de ses bonnes actions, & leur donner tout le mérite possible, il y a des précautions que le Chrétien ne négligera point ; comme de perfectionner par des actes d’amour anticipés, ses pensées subséquentes ; & de demander à Dieu par la priere de suppléer ce qui manquera à ses actions, dans les occasions où le motif naturel pourra prévenir le motif surnaturel, & où celui-ci pourra même ne pas succéder. Qu’il suffit à la perfection d’une action, qu’elle ait été faite par une habitude d’amour virtuel, telle que l’habitude d’amour que nous portons à nos parens, quand ils nous sont chers, quoique la nature de ces habitudes soit fort différente. Que cette habitude supplée sans cesse aux actes d’amour particuliers ; qu’elle est, pour ainsi dire, un acte d’amour continuel par lequel les actions sont rapportées à Dieu implicitement. Que la vie dans cette habitude est une vie d’amour & de charité. Que cette habitude n’a pas la même force & la même énergie dans tous les bons Chrétiens, ni en tout tems dans un même Chrétien ; qu’il faut s’occuper sans cesse à la fortifier par les bonnes œuvres, la fréquentation des sacremens, & les actes d’amour explicites ; que nous mourrons certainement pour la plûpart, & peut-être tous, sans qu’elle ait été aussi grande qu’il étoit possible, l’homme le plus juste ayant toûjours quelque reproche à se faire. Que Dieu ne devant remplir toutes nos facultés que quand il se sera communiqué intimement à elles, nous n’aurons le bonheur de l’aimer selon toute la plénitude & l’étendue de nos facultés, que dans la seconde vie ; & que ce sera dans le sein de Dieu que se fera la consommation de la charité du Chrétien, & du bonheur de l’homme.
Charité se prend encore, 1° pour l’amour que Dieu a porté de tout tems à l’homme ; 2° pour l’effet d’une commisération, soit chrétienne, soit morale, par laquelle nous secourons notre prochain de notre bien, de nos conseils, &c. La charité des conseils est la plus commune, il faut un peu s’en méfier ; elle ne coûte rien, & ce peut être aisément un des masques de l’amour propre. Hors de la Théologie, notre terme charité n’a presque point d’idées communes avec le charitas des Latins, qui signifie la tendresse qui doit unir les peres & les enfans.
Charité, (Hist. ecclés.) est aussi le nom de quelques ordres religieux. Le plus connu & le plus répandu est celui des freres de la Charite, institué par S. Jean-de-Dieu pour le service des malades. Leon X. l’approuva comme une simple société en 1520 ; Pie V. lui accorda quelques priviléges ; & Paul IV. le confirma en 1617 en qualité d’ordre religieux : dans lequel, outre les vœux d’obéissance, de pauvreté & de chasteté, on fait celui de s’employer au service des pauvres malades. Ces Religieux si utiles ne font point d’études, & n’entrent point dans les ordres sacrés. S’il se trouve parmi eux quelque prêtre, il ne peut jamais parvenir à aucune dignité de l’ordre. Le bienheureux Jean-de-Dieu leur fondateur, alloit tous les jours à la quête pour les malades, criant à haute voix : faites bien, mes freres, pour l’amour de Dieu : c’est pourquoi le nom de fate ben fratelli est demeuré à ces religieux dans l’Italie. (G)
Charité de la sainte Vierge, ordre religieux établi dans le diocese de Châlons-sur-Marne par Gui seigneur de Joinville, sur la fin du xiij. siecle. Cet institut fut approuvé sous la regle de S. Augustin par les papes Boniface VIII. & Clément VI. (G)
Charité, (sœurs de la) communauté de filles instituée par S. Vincent-de-Paul, pour assister les malades dans les hôpitaux, visiter les prisonniers, tenir les petites écoles pour les pauvres filles. Elles ne font que des vœux simples, & peuvent quitter la congrégation quand elles le jugent à propos. (G)
Charité, (dames de la) nom qu’on donne dans les paroisses de Paris à des assemblées de dames pieuses qui s’intéressent au soulagement des pauvres, & leur distribuent avec prudence les aumônes qu’elles font elles-mêmes, ou qu’elles recueillent. (G)
Charité, (écoles de) en Angleterre : ce sont, dit M. Chambers, des écoles qui ont été formées & qui se soûtiennent dans chaque paroisse par des contributions volontaires des paroissiens, & où l’on montre aux enfans des pauvres à lire, à écrire, les premiers principes de la religion, &c.
Dans la plûpart de ces écoles de charité, les aumônes ou fondations servent encore à habiller un certain nombre d’enfans, à leur faire apprendre des métiers, &c.
Ces écoles ne sont pas fort anciennes ; elles ont commencé à Londres, & se sont ensuite répandues dans la plûpart des grandes villes d’Angleterre & de la principauté de Galles. Voici l’état des écoles de charité dans Londres & aux environs de cette capitale, tel qu’il étoit en 1710.
Nombre des écoles de charité, | 88. | ||
des garçons, | 2181. | ||
des filles, | 1221. | ||
garçons habillés, | 1863. |
![]() |
|
filles habillées, | 1114. | ||
garçons non-habillés, | 373. |
![]() |
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filles non-habillées, | 128. |
Remarquez que sur le total il y a eu 967 garçons & 407 filles, qu’on a mis en apprentissage.
Il y a eu semblablement à Londres une association charitable pour le soulagement des pauvres industrieux, qui fut instituée sous la reine Anne pour donner moyen à de pauvres manufacturiers ou à de pauvres commerçans, de trouver de l’argent à un intérêt modique & autorisé par les lois. On fit pour cet effet un fonds de 30000 livres sterling.
Nous avons en France dans plusieurs villes, & sur-tout à Paris, grand nombre d’établissemens de la premiere espece ; car, outre les écoles pour les enfans des pauvres, conduites par les freres des écoles chrétiennes, combien de maisons, telles que l’Hôpital-général, la Pitié, les Enfans-rouges, &c. ou l’on éleve des enfans pauvres ou orphelins, auxquels, quand ils sont en âge, on fait apprendre des métiers ? (G)
Charité chrétienne, (Hist. ecclés.) Henri III. roi de France & de Pologne, institua pour les soldats hors d’état de le servir dans ses armées, un ordre sous le titre de charité chrétienne. Le manoir de cet ordre étoit en une maison du faubourg saint Marceau ; & pour leur subsistance, il assigna des fonds sur les hôpitaux & maladreries de France : mais ce ne fut qu’un projet qui n’eut point son exécution. La mort funeste de ce prince fit échoüer cet établissement. Il étoit reservé à Louis XIV. de l’exécuter avec autant de grandeur qu’il l’a fait, par la fondation de l’hôtel royal des Invalides. Favin, liv. III. (G)
Charité, (la) Géog. ville de France dans le Nivernois, sur la Loire. Long. 20. 40. lat. 47. 8.
Étymologie de « charité »
Picard, carité ; provenç. caritat ; espagn. caridad ; ital. carità ; du latin caritatem, de carus (voy. CHER).
- (2e moitié du Xe siècle) Du latin charitas (« cherté », « affection »), variante de caritas par rapprochement avec le grec ancien χάρις, kháris (« grâce », « beauté »).
Phonétique du mot « charité »
Mot | Phonétique (Alphabet Phonétique International) | Prononciation |
---|---|---|
charité | ʃarite |
Fréquence d'apparition du mot « charité » dans le journal Le Monde
Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.
Évolution historique de l’usage du mot « charité »
Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.
Citations contenant le mot « charité »
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C'est proprement ne valoir rien que de n'être utile à personne.
René Descartes -
La plus grande charité envers les morts, c'est de ne pas les tuer une seconde fois en leur prêtant de sublimes attitudes. La plus grande charité, c'est de les rapprocher de nous, de leur faire perdre la pose.
François Mauriac — La Vie de Racine -
Il faut toujours rendre justice avant que d’exercer la charité.
Nicolas de Malebranche — Traité de morale -
Bref, la foi, l'espérance et la charité demeurent toutes les trois, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité.
Saint Paul, Épître aux Corinthiens, Ière, XIII, 13 -
La tolérance est la charité de l'intelligence.
Jules Lemaitre — Texte autographe reproduit dans l'Anthologie des poètes français contemporains de G. Walch Delagrave -
Le mariage est une institution de charité.
Pierre Baillargeon — Commerce -
La charité recouvre de nombreux péchés.
Proverbe anglais -
La charité couvre la multitude des péchés.
Marcelle Brisson — Maman -
La charité est souvent un fruit de l’orgueil.
Alfonso Di Lernia -
Si la charité vient à manquer, à quoi sert tout le reste ?
Saint Augustin
Images d'illustration du mot « charité »
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Traductions du mot « charité »
Langue | Traduction |
---|---|
Anglais | charity |
Espagnol | caridad |
Italien | carità |
Allemand | wohltätigkeit |
Portugais | caridade |
Synonymes de « charité »
- aumône
- humanité
- bienfait
- bienfaisance
- générosité
- bienveillance
- bonté
- altruisme
- philanthropie
- secours
- indulgence
- pitié
Antonymes de « charité »
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