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Pitié

Variantes Singulier Pluriel
Féminin pitié pitiés

Définitions de « pitié »

Trésor de la Langue Française informatisé

PITIÉ, subst. fém.

A. −
1. Sentiment d'affliction que l'on éprouve pour les maux et les souffrances d'autrui, et qui porte à les (voir) soulager; disposition à éprouver ce sentiment. Synon. apitoiement, commisération, compassion, miséricorde; anton. indifférence, insensibilité.Accès, geste, mouvement, regard de pitié; avoir, prendre pitié de qqn; faire pitié (à voir); ayez pitié d'un pauvre aveugle! Quand la jeune duchesse (...) vit passer ces pauvres Français qu'on allait envoyer au Châtelet, elle fut émue de si grande pitié, qu'elle supplia son mari en leur faveur (Barante, Hist. ducs Bourg.,t.4, 1821-24, p.405).À genoux à côté d'elle [une hase blessée], je caressais doucement l'épais pelage brûlant de fièvre et surtout là, sur l'épine du cou où la caresse est plus douce. Il n'y avait qu'à donner de la pitié, c'était la seule chose à faire: de la pitié, tout un plein coeur de pitié, pour adoucir (Giono, Solit. pitié,1932, p.187):
. Elle s'aperçut qu'elle avait à côté d'elle (...) une grande détresse, une souffrance semblable à celle qu'on rencontre dans les romans, les livres (...). Il semble que la vie quotidienne ôte à tout drame, à toute douleur, ce côté tragique qui force la pitié. Van der Meersch, Invas. 14,1935, p.213.
Loc. et expr.
Prendre qqn en pitié. Être pris de compassion pour quelqu'un. Nous l'avons pris en pitié, vu sa misère (Ac.1935).Puisque le roi consultait son peuple, c'était qu'il le prenait en pitié: que pouvait-il pour lui, sinon alléger ses charges, c'est-à-dire l'impôt, la dîme, les redevances? (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p.138).
Regarder qqn en pitié. Éprouver pour quelqu'un des sentiments de compassion. Son créancier l'a regardé en pitié, et lui a accordé du temps (Ac.1878).
Se sentir pris de pitié pour qqn. Éprouver de la compassion pour quelqu'un. Trois mois après, un homme se sentit pris de pitié pour elle et entreprit sa guérison morale et physique (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p.6).
C'est pitié! Quelle pitié! C'est une chose très digne d'apitoiement; c'est pitoyable. Si le morcellement continue: les landes, les bruyères périront. Quelle pitié! Quel dommage! (Courier, Pamphlets pol.,Disc. souscr. acquis. de Chambord, 1821, p.87).C'était vraiment pitié de la voir, pauvre boiteuse, le bord de sa bonne robe encroûtée de boue, enfoncer dans la vase jusqu'à la cheville et traîner sa jambe faible, comme une aile blessée, par les chemins glaiseux (Guèvremont, Survenant,1945, p.258).
(N'avoir) pas de pitié, ni pitié ni merci. Le vin n'est pas toujours ce terrible lutteur sûr de sa victoire, et ayant juré de n'avoir ni pitié ni merci (Baudel., Paradis artif.,1860, p.325).Ce fut une atroce tuerie sans pitié, sans merci (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p.267).
(Être) sans pitié. (Être) sans sensibilité humaine. Immoler, massacrer, poursuivre qqn sans pitié. C'est un homme dur et sans pitié. Un coeur sans pitié (Ac.1798-1878).Eh! mon ami, songez donc en quel enfer je tomberais si je donnais à cet être sans pitié, comme le sont tous les gens faibles, le droit de me mépriser? (Balzac, Lys,1836, p.147).
[P. réf. à La Fontaine, Fables, Les Deux pigeons] Cet âge est sans pitié. L'enfance est cruelle inconsciemment. La Fontaine, qui n'aimait pas les enfants parce qu'ils accaparent en tous lieux les menus soins et chatteries qu'il avait accoutumé d'exiger pour lui-même, La Fontaine gronde: «Cet âge est sans pitié.» Il a des mots terribles, le poète (Duhamel, Plais. et jeux,Paris, Mercure de France, 1926 [1922], p.104).P. anal. C'était un pays sans pitié et sans douceur (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p.175).La lampe donnait une énorme lumière blanche sans pitié. Elle frappait sur toutes ces choses sensibles (Giono, Eau vive,1943, p.198).
Proverbes. Il vaut mieux faire envie que pitié (v. envie A 3). Guerre et pitié ne s'accordent pas ensemble. Ordinairement à la guerre, on n'est pas fort touché de pitié, et même il est quelquefois dangereux de l'être. (Ds Ac. 1798-1878).
Au plur., vieilli. Regarder qqn avec de grandes pitiés. Lorsqu'elle songeait aux damnés de l'enfer, il lui venait au coeur des pitiés, qu'elle n'éprouvait jamais aussi fortes pour les âmes du purgatoire (Zola, Contes Ninon,1864, p.168).
SYNT. Pitié affectueuse, attendrie, douce, infinie, profonde; être accessible à la pitié, digne de pitié; être ému, pris de pitié; inspirer pitié; fondre de pitié.
2. En partic.
a) [La pitié considérée en tant que qualité, vertu de l'âme] La tragédie doit exciter la terreur et la pitié (Ac.).Robespierre sans doute n'offrait par sa mort qu'une faible expiation de ses forfaits: mais quand un scélérat marche à l'échafaud, la pitié alors compte les souffrances et non les crimes du coupable (Chateaubr., Litt. angl.,t.2, 1836, p.110).
b) RELIG. Synon. de miséricorde.Pitié divine; Dieu de pitié; Seigneur, prends pitié; [Que] Dieu ait pitié de mon, son âme. «Mon Dieu», murmura-t-il, «ayez pitié de moi car je ne suis qu'un pécheur.» (Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p.736).Pitié et merci. Pour lors Berri, roi-d'armes de France, cria à haute voix: «Dieu veuille avoir pitié et merci de l'âme de très-haut et très-excellent prince Charles, roi de France, sixième du nom, notre naturel et souverain seigneur.» (Barante, Hist. ducs Bourg.,t.4, 1821-24, p.380).
Christ de pitié. Christ représenté iconographiquement avec les cinq plaies de la Passion dans une attitude d'acceptation.
Vierge, madone, Notre-Dame de pitié. Synon. de pietà.Un chef-d'oeuvre mystérieux et anonyme [du XVes.], une Vierge de pitié (...) transpose un de ces groupes pathétiques que les imagiers taillaient dans la pierre (Hourticq, Hist. art,Fr., 1914, p.121).
Sonner/sonnerie en pitié. Après la sonnerie en branle, en pitié, comme ils disent si bellement (La Varende, Nez-de-cuir,1936, p.46).Le jour de la Toussaint, le marquis de La Bare mourait (...). La cloche du château tintait en glas, l'autre, celle de l'église sonnait en pitié, coup sur coup (La Varende, Dern. fête,1953, p.381).
B. − P. méton. État qui suscite la pitié. La famine (...) avait déjà fait périr cinquante mille personnes. C'était une si grande pitié, que le roi d'Angleterre, pour célébrer la nativité de Notre-Seigneur, fit porter quelque nourriture aux pauvres gens qui vivaient encore dans les fossés (Barante, Hist. ducs Bourg.,t.4, 1821-24p.211).Et voilà qu'on se remet à se serrer le ventre. Une vraie pitié dans le pays, on renvoie le monde, les ateliers ferment les uns après les autres (Zola, Germinal,1885, p.1136).
,,C'est grande pitié, c'est grand-pitié que de nous, c'est une étrange pitié que de nous, la condition humaine est sujette à beaucoup de misères`` (Ac.).
LITTÉRATURE
[P. réf. au mot de Jeanne d'Arc à son procès] L'humble paysanne de Domrémy, qui (...) ne songeait qu'à la «grande pitié» qu'il y avait alors dans le royaume de France (Coppée, Bonne souffr.,1898, p.143).
[P. réf. à l'ouvrage de M. Barrès] Le culte a été supprimé, l'église démeublée; le prêtre est parti (...) Ô grande pitié des églises de France! (Barrès, Grande pitié des églises de France,1914, p.353).
C. − Grâce totale ou partielle accordée à une personne coupable d'une faute ou qui a été vaincue. Crier pitié. Antony, se jetant à ses pieds: Ah! ah!... grâce, grâce, pitié, secours! (Dumas père, Antony,1831, ii, 5, p.189).Puni d'oser exister en somme, rageusement battu, saignant, meurtri, implorant pitié sous la botte et le poing d'un de ces gaillards (Céline, Voyage,1932, p.147).
D. − Mépris apitoyé. Pitié dédaigneuse, hautaine; quelle pitié! Le sentiment que l'homme supporte le plus difficilement est la pitié, surtout quand il la mérite. La haine est tonique, elle fait vivre, elle inspire la vengeance; mais la pitié tue, elle affaiblit encore notre faiblesse. C'est le mal devenu patelin, c'est le mépris dans la tendresse (Balzac, Peau chagr.,1831, p.287).Rien n'aurait pu me décider à dire que nous n'avions pas d'argent pour acheter des livres; la pitié des autres m'aurait fait mourir (Karr, Sous tilleuls,1832, p.272).Les Grecs alors sont oubliés, et les sculpteurs venus d'Athènes doivent rire de pitié devant ces poèmes confus à la richesse de la terre (Faure, Hist. art,1909, p.138).
Faire pitié. Il raisonne à faire pitié. ,,Il raisonne de travers`` (Ac.). Il chante à faire pitié. ,,Il chante mal`` (Ac.). Vous me faites pitié de parler ainsi Vos menaces me font pitié (Ac.).
Regarder, parler, traiter avec une pitié offensante, insultante. ,,Avec une apparence de pitié mêlée à des marques de mépris`` (Ac.).
Regarder qqn en pitié, avec des yeux de pitié. ,,Ne faire aucun cas de lui, le mépriser`` (Ac.).
Prononc. et Orth.: [pitje]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1050 pietét «sentiment de compassion» (Alexis, éd. Chr. Storey, 440); ca 1100 pitet (Roland, éd. J. Bédier, 825); 1306 (Joinville, Vie de St Louis, éd. N. L. Corbett, p.145: grant pitié estoit d'oïr brere les gens); fin xives. (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, t.X, p.219: che estoit une pités de veoir...); 2. 1666 regarder en pitié «considérer avec du mépris mêlé d'une vague compassion» (Molière, Misanthrope, II, 4, éd. H. de Bouillane de Lacoste, t.4, p.41); 1729 quelle pitié! (D'Olivet, Hist. Acad., t.2, p.203 ds Littré). Du lat. pietas proprement «piété (envers les dieux, les parents)», «sentiment du devoir» (dér. de pius «pieux [sens sacré et profane]»), qui a évolué pour signifier dès l'époque impériale «clémence, sentiment de bonté miséricordieuse (de l'empereur)», d'où «sentiment de compassion» dans la lang. des Chrétiens et «bonté, charité». Fréq. abs. littér.: 6518. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 10749, b) 7628; xxes.: a) 10736, b) 8002. Bbg. Goug. Mots t.1 1962, pp.118-121.

Wiktionnaire

Nom commun - français

pitié \pi.tje\ féminin

  1. Sentiment douloureux face aux souffrances d’autrui, que l'on ne connaît ou partage pas soi-même.
    • Oscar Wilde n'inspire plus de colère, même aux sectaires de la vertu. Tous n'ont plus, pour lui et pour son martyre, que de la pitié douloureuse. — (Octave Mirbeau La Mort de Balzac, 1907)
    • Je contemple avec pitié le carton coloré qui emballait les yaourts aux fruits. Absurde, cette pitié. Ou peut-être pas. Elle répond par l'absurde à l'absurde de l'existence du carton coloré emballant les yaourts aux fruits.— (Roger-Pol Droit, Dernières nouvelles des choses. Paris, Odile Jacob, 2003, page 163)
    • Mais qu'en est-il de la pitié? demande Isabella. Un bon juge doit en montrer un peu, n'est-ce pas? Angelo croit qu'il en montre en étant juste, car alors il a pitié des victimes. — (Mustafa Fahmi, La promesse de Juliette, éditions La Peuplade, Saguenay (Québec), 2021, p. 133)
  2. (Par analogie) Compassion ; commisération.
    • Rien dans son regard ne trahissait jamais la moindre pitié, c'était un pur soldat, dépourvu d’états d'âme. — (Arkan Simaan, L'écuyer d'Henri le Navigateur, éd. L'Harmattan, 2007, p. 36)
    • « On se fatigue de la pitié lorsque la pitié est inutile », écrivait Camus. La pitié impuissante et distante devient compassion, c'est-à-dire désir intense de libérer autrui de ses souffrances […]. — (Mathieu Ricard, Plaidoyer pour l'altruisme, NiL, Paris, 2013, p. 45)
  3. (Par métonymie) Détresse, état misérable.
    • La grande pitié qu’il y avait au royaume de France.
    • La grande pitié de nos églises de campagne.
  4. (Par analogie) Sentiment de mépris, d'orgueil ou de supériorité face aux souffrances ou difficultés d’autrui que l'on ne connaît pas soi-même.
    • Il raisonne à faire pitié (il raisonne de travers).
    • Il chante à faire pitié (il chante mal).
    • Vous me faites pitié de parler ainsi.
    • Vos menaces me font pitié.
    • Je vous ménage, j’ai pitié de vous.
    • C’est une pitié de voir sa façon de travailler.
    • Regarder quelqu’un en pitié (ne faire aucun cas de lui, le mépriser).
    • C’est un homme follement orgueilleux, qui regarde en pitié tout le genre humain.
    • Regarder, parler, traiter avec une pitié méprisante (avec une apparence de pitié mêlée à des marques de mépris).
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

PITIÉ. n. f.
Compassion, sentiment de commisération pour les souffrances, pour les peines d'autrui. Avoir pitié de son prochain. Être touché, saisi de pitié. Son état est à faire pitié. Cela est digne de pitié. La tragédie doit exciter la terreur et la pitié. Un cœur sans pitié. On a pris pitié de sa peine, de sa misère. Regarder quelqu'un d'un œil de pitié. Prov., Il vaut mieux faire envie que pitié. Prendre quelqu'un en pitié signifie Éprouver pour quelqu'un des sentiments de compassion. Nous l'avons pris en pitié, vu sa misère. Prov., C'est grande pitié, c'est grand-pitié que de nous, c'est une étrange pitié que de nous, La condition humaine est sujette à beaucoup de misères. C'est grande pitié, c'est grand-pitié, C'est une chose très digne de pitié. C'est grande pitié de voir ce pauvre vieillard chargé d'un si lourd fardeau. Ce serait grand-pitié s'il ne trouvait pas la sécurité pour ses vieux jours.

PITIÉ signifie aussi Détresse, état misérable. La grande pitié qu'il y avait au royaume de France. La grande pitié de nos églises de campagne.

PITIÉ peut aussi marquer le mépris plutôt que la compassion. Il raisonne à faire pitié, Il raisonne de travers. Il chante à faire pitié, Il chante mal. Vous me faites pitié de parler ainsi. Vos menaces me font pitié. Je vous ménage, j'ai pitié de vous. C'est une pitié de voir sa façon de travailler. Regarder quelqu'un en pitié, Ne faire aucun cas de lui, le mépriser. C'est un homme follement orgueilleux, qui regarde en pitié tout le genre humain. Regarder, parler, traiter avec une pitié méprisante, Avec une apparence de pitié mêlée à des marques de mépris.

Littré (1872-1877)

PITIÉ (pi-tié) s. f.
  • 1Sentiment qui saisit à la vue des souffrances et qui porte à les soulager. La pitié d'un malheur où nous voyons tomber nos semblables, nous porte à la crainte d'un pareil pour nous, cette crainte au désir de l'éviter, Corneille, 2e disc. Je suis peu sensible à la pitié, et je voudrais ne l'y être point du tout ; cependant il n'est rien que je ne fisse pour le soulagement d'une personne affligée, La Rochefoucauld, Portrait. Mais un fripon d'enfant, cet âge est sans pitié, Prit sa fronde…, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Je veux vous prouver que la pitié est le mouvement le plus agréable de tous ; votre erreur provient de ce que vous confondez ce mouvement avec la douleur, La Fontaine, Psyché, I, p. 100. Vous me faites une pitié extrême de la goutte de M. le chevalier, Sévigné, 608. La pitié d'un rival punit mieux que sa haine, Quinault, Astrate, I, 2. Ne jetterez-vous point un regard de pitié sur ceux que l'indigence réduit aux dernières nécessités ? Bourdaloue, Exhort. char. env. les prison. t. I, p. 78. Si de tant de malheurs quelque pitié te touche, Racine, Bajaz. v, 8. Jamais femme ne fut plus digne de pitié, Racine, Phèdre, II, 5. Je ne vous dis point ma naissance pour me vanter, mais seulement pour vous inspirer quelque pitié de mes malheurs, Fénelon, Tél. IV. Oui, la pitié est le contre-poison de tous les fléaux de ce monde ; voilà pourquoi Jean Racine prit pour devise, dans l'édition de ses tragédies, crainte et pitié, Voltaire, Lett. de Launay, 8 déc. 1777. La terreur et la pitié, qui font le seul but, la seule constitution de la tragédie, Voltaire, Olympie, note. Et la fausse pitié pire que le mépris, Voltaire, Tancr. I, 4. La pitié naturelle est fondée sur les rapports que nous avons avec l'objet qui souffre ; elle est d'autant plus vive que la ressemblance, la conformité de nature est plus grande, Buffon, Quadrup. t. II, p. 139. La pitié qu'on a du mal d'autrui ne se mesure pas sur la quantité de ce mal, mais sur le sentiment qu'on prête à ceux qui le souffrent, Rousseau, Ém. IV. Les femmes sont plus sensibles que nous à la pitié, qui donne une sorte d'amour pour l'être faible et souffrant qu'on peut soulager, Saint-Lambert, Sais. ch. I, note 1. Et c'est à l'homme heureux que la pitié sied bien, Delavigne, Paria, III, 3. Mon malheur n'a donc point lassé votre pitié ! P. Lebrun, M. Stuart, v, 3.

    Au plur. Voilà ce que je dis ; puis des pitiés me viennent, Quand je pense à tous ceux qui sont dans le tombeau, Hugo, Feuilles d'aut. 13.

    Par pitié, par un sentiment qui porte à plaindre et à soulager. Rends-moi ton cœur, ingrat, par pitié de toi même, Th. Corneille, Ariane, III, 4. Il se croit quelque enfant rejeté par sa mère à qui j'ai par pitié daigné servir de père, Racine, Ath. I, 2.

    Fig. Par pitié de ma gloire Gardez-vous d'achever une indigne victoire, Corneille, Œdipe, II, 4.

    Sans pitié, d'une façon inexorable. Les dieux l'ont traité sans pitié comme vous, Fénelon, Tél. XX. Vous [Sylla] avez exercé sans pitié les fonctions de la plus terrible magistrature qui fut jamais, Montesquieu, Dial. Sylla et Eucrate.

    Prendre pitié, être saisi de pitié. Prenez de votre sort tous deux quelque pitié, Corneille, Héracl. I, 4. Oenone, prends pitié de ma jalouse rage, Racine, Phèdre, IV, 6.

    Avoir pitié, éprouver le sentiment de la pitié. Mettons fin à des jours que la Parque elle-même A pitié de filer, Malherbe, V, 1. Ayez pitié de moi, vous au moins qui êtes mes amis, ayez pitié de moi, car la main du Seigneur m'a frappé, Sacy, Bible, Job, XIX, 21. Pauvres gens, je les plains ; car on a pour les fous Plus de pitié que de courroux, La Fontaine, Fabl. VII, 12. Il faut avoir pitié de soi, et avoir de la générosité pour soi-même, comme on en a pour les autres, Sévigné, 51. M. Holwell a vu dans son gouvernement, en 1734, la plus belle femme de l'Inde, âgée de dix-huit ans, résister aux prières et aux larmes de milady Russell, femme de l'amiral anglais, qui la conjurait d'avoir pitié d'elle-même, Voltaire, Lett. chinoises. 9.

    Faire pitié, inspirer le sentiment de la pitié. Ô d'un illustre époux noble et digne moitié. Dont le courage étonne, et le sort fait pitié, Corneille, Pomp. III, 5. Il dit cela si tristement qu'il me fit pitié, Pascal, Prov. II. La pitié qu'elle [Mme de Monaco] a faite n'a jamais pu obliger personne de faire son éloge, Sévigné, 20 juin 1678. Ne vous fais-je point un peu de pitié de passer ma vie sans vous voir ? Sévigné, 5 nov. 1676. Votre petite d'Aix me fait pitié d'être destinée à demeurer dans ce couvent… en attendant une vocation, vous n'oseriez la remuer, de peur qu'elle ne se dissipe, Sévigné, 24 juill. 1680.

    Regarder en pitié, jeter un regard de pitié. La Pologne était nécessaire à son Église [de Dieu], et lui devait un vengeur ; il la regarda en pitié, Bossuet, Anne de Gonz. Dieu regarde en pitié son peuple malheureux, Racine, Esth. III, 4.

    C'est une pitié, c'est grande pitié, c'est grand'pitié, c'est une chose très digne de pitié. Un bûcheron perdit son gagne-pain… Ce fut pitié là-dessus de l'entendre, La Fontaine, Fabl. V, 1. Pour vous elle est de flamme. - Elle ! - Et vous aime tant, Que c'est grande pitié, Molière, l'Ét. I, 6. [Chez M. de la Rochefoucauld] une grosse fièvre, une oppression, une goutte remontée ; enfin c'était une pitié, Sévigné, 13 mars, 1680. Pour moi, je ne dors plus ; aussi je deviens maigre, C'est pitié, Racine, Plaid. I, 1. C'est grand'pitié quand le valet chasse le maître [paroles du président de Harlay aux ligueurs], Genlis, Mlle de la Fayette, p. 80, dans POUGENS.

    C'est grande pitié, c'est grand'pitié que de nous, c'est-à-dire la condition humaine est sujette à beaucoup de misères.

  • 2Pitié, se dit quelquefois en un sens où il entre quelque mépris. Elle en eut pitié, mais de cette sorte de pitié qui porte au mépris, et qui ramène aussitôt après à la colère, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 490, dans POUGENS.

    Regarder, parler, traiter avec une pitié offensante, insultante, avec une apparence de pitié mêlée à des marques de mépris.

    C'est pitié, c'est une pitié, cela excite un certain dédain, fait hausser les épaules. Vous voyez que l'affaire du syndic m'avait mis hors de combat ; enfin, c'est une pitié que d'être si vive, Sévigné, 192. De telles insinuations tournaient sa petite tête, que c'était une pitié, Hamilton, Gramm. 9. Que faisait-il ? il leur prêchait la paix ; C'était pitié qu'un si bon prince, Lamotte, Fabl. IV, 1.

    Il se dit au pluriel dans le même sens. Il est vrai que ce sont des pitiés : Toute construction est par elle [Martine] détruite ; Et des lois du langage on l'a cent fois instruite, Molière, Femmes sav. II, 6.

    Avoir pitié, se dit en un sens de dédain. Combien vous aurez pitié de moi ! que mes éternelles inquiétudes vous paraîtront misérables ! Chateaubriand, René.

    Regarder en pitié, avoir du dédain pour. Et, les deux bras croisés, du haut de son esprit, Il regarde en pitié tout ce que chacun dit, Molière, Mis. II, 5. Les femmes de la cour regardent en pitié les provinciales, Bouhours, Nouv. Rem. Qui regarde en pitié les fables du Tenare, Et s'endort au vain bruit de l'Achéron avare, Delille, Géorg. II.

    Faire pitié, exciter une pitié mêlée de dédain. Mais tu ferais pitié même à ceux qu'elle [ta fortune] irrite, Si je t'abandonnais à ton peu de mérite, Corneille, Cinna, v, 1. Don Manrique : à tant de beaux exploits rendez cette justice, Et de notre pitié secondez l'artifice. - Carlos : Je suis bien malheureux, si je vous fais pitié, Corneille, Don Sanche, v, 5. Vous me faites pitié ; faut-il vous expliquer cela davantage ? Pascal, Prov. XVI. Vous me faites pitié de nous demander des oranges ; c'est une étrange dégradation que de les voir gelées en Provence, Sévigné, 13 déc. 1679. Leur ignorance [des Syracusains touchant la sépulture d'Archimède] fit pitié à Cicéron, et ne servit qu'à allumer encore davantage le désir qu'il avait de faire cette découverte, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. X, p. 101, dans POUGENS. Ces Parisiens qui n'ont jamais perdu de vue le dôme des Invalides, font pitié, ma parole d'honneur, Ch. de Bernard, la Femme de 40 ans, § 7.

    Raisonner, chanter à faire pitié, très mal.

    Quelle pitié ! c'est-à-dire que la chose mérite de dédain ! Quelle pitié de voir que M. Bayle, un si beau génie, se plaise à déterrer les plus méprisables brochures…, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 203, dans POUGENS. Ne voilà-t-il pas une invention bien trouvée ? quelle pitié ! Rousseau, Émile, II.

    Quelle pitié ! c'est-à-dire quelle chose inexcusable ! Ah ! mon Dieu, madame, vous voilà toute seule ? quelle pitié est-ce là ? toute seule ! Molière, Comtesse d'Esc. 2.

    De pitié, avec un sentiment de dédain. Fuis donc, Amour, ma couche solitaire ; Fuis ! car déjà tu souris de pitié, Béranger, Fuite de l'Amour.

PROVERBES

Guerre et pitié ne s'accordent pas ensemble, c'est-à-dire à la guerre on n'est pas touché de pitié, et même il n'est pas sûr de l'être.

Il vaut mieux faire envie que pitié.

SYNONYME

PITIÉ, COMPASSION. Ces deux mots se rapportent à un même mode de l'âme. Ce qui les distingue, c'est que pitié exprime plus particulièrement la qualité, la vertu, et compassion le sentiment, Aussi, pour peu qu'on personnifie, c'est de pitié que l'on se sert, et non de compassion ; et, dans la fable, quand le roseau dit au chêne : Votre compassion part d'un bon naturel, c'est compassion qui convient et non pitié.

HISTORIQUE

XIe s. Cel nen i a qui de pitet ne plurt, Ch. de Rol. LXIII.

XIIe s. Qu'il ait de moi pitez, Ronc. p. 4. De ceste lasse or vous prenne pitié, ib. p. 169. Que ma dame fasse pitié descendre, Couci, v. Ne je ne truis [trouve] qui de moi ait pitié, ib.

XIIIe s. À icel jor serez tuit mal bailli [tous en mauvais sort], Se sa pitié [de Dieu] ne couvre sa puissance, Quesnes, Romancero, p. 97. Seigneur, li baron de France… vous crient merci, qu'il vous preigne pitié de la cité de Jerusalem, Villehardouin, XVI. Et sachiés bien veritelment, Qu'ele [tristesse] ploroit profondement : Nus [nul], tant fust durs, ne la veïst, à cui grant pitié n'en preïst, la Rose, 326. On ne meffet pas en delaier le jugement por savoir se li sovrains en aroit pité ou merci, Beaumanoir, VII, 12. Pitiez est uns diz qui à la fin [du discours] aquiert la misericorde des oianz, Latini, Trésor, p. 568.

XIVe s. Et disoient li plus des plus grans qu'il y a, Que c'estoit grans pitez que Pietres tant regna, Guesclin. 6674. Laquelle chappellenie nous avons donnée en pitié et en aumosne à nostre bien amé chappellin, Du Cange, pietas.

XVe s. Si en y avoit plusieurs qui ploroyent de la joye et de la pitié qu'ils avoient de ce qu'ils le recevoient dedans leur ville [Charles VII rentrant à Paris], Monstrelet, t. II, p. 148, dans LACURNE. St Michel] lui raconta la pitié qui estoit au royaume de France, Procès de Jeanne d'Arc, cité par MICHELET, Hist. de France, t. v, p. 56. La pitié que l'homme doit avoir à Dieu, Hist. de la toison d'or, t. II, f° 64, dans LACURNE. Je estime que cecy vient de Dieu qui regarda en pitié ce royaulme, Commines, IV, 1.

XVIe s. Je me foys pitié ou desdaing à moy mesme, Montaigne, I, 155. La lyesse eust esté comble et parfaicte, sans les grandes pitiez que nous veismes au camp du duc d'Alve, Carloix, V, 27. C'est pitié que de nostre vie…, Ronsard, 409. Si elles [les vestales] venoient le moins du monde à faillir de leur corps, elles estoient cent fois plus punies rigoureusement que quand elles n'avoient pas bien gardé le feu sacré, car on les enterroit toutes vives avec des pitiez effroyables, Brantôme, Dames gal. t. II, p. 242, dans LACURNE.

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Étymologie de « pitié »

Du latin pietas (« piété »).
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Bourg. pidié ; prov. pietat, piatat, pitat, pidat; espagn. Piedad; portug. pidade ; ital. pietà ; du lat. pietatem. Le sens de piété a, par une analogie facile, passé, dans les langues romanes, à celui de pitié. Au reste, en quelques textes les deux sens se confondent.

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Phonétique du mot « pitié »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
pitié pitie

Fréquence d'apparition du mot « pitié » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « pitié »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « pitié »

  • La pitié sans orgueil n'appartient qu'à la femme.
    Ivan Sergueïevitch Tourgueniev — Étranges Histoires, l'Abandonnée
  • Le mélange de l'admiration et de la pitié est une des plus sûres recettes de l'affection.
    André Maurois — Ariel ou la Vie de Shelley, Grasset
  • On doit avoir pitié des uns et des autres, mais on doit avoir pour les uns une pitié qui naît de tendresse, et pour les autres une pitié qui naît de mépris.
    Blaise Pascal — Pensées
  • La pitié ne naît point dans l'esprit sans culture, mais dans celui du sage.
    Euripide — Électre, 294-295 (traduction Parmentier)
  • Mieux vaut faire envie que pitié.
    Pindare
  • Il vaut mieux faire envie que pitié.
    Hérodote
  • Une justice inspirée par la pitié porte préjudice aux victimes.
    Le Talmud — Les hébreux
  • Il ne faut pas compter sur la pitié des hommes quand ils peuvent se donner l'importante joie de punir.
    Marceline Desbordes-Valmore — Correspondance, à Prosper Valmore, 17 novembre 1839
  • Il est des ménagements qui frôlent la pitié...
    Jean Simard — La Séparation
  • Qui a pitié des autres a pitié de soi.
    Henry de Montherlant — Carnets
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Traductions du mot « pitié »

Langue Traduction
Anglais pity
Espagnol lástima
Italien pietà
Allemand das mitleid
Chinois 可怜
Arabe شفقة
Portugais pena
Russe жалость
Japonais 同情
Basque pena
Corse pietà
Source : Google Translate API

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Nombre de points du mot pitié au scrabble : 6 points

Pitié

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