La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « nourrir »

Nourrir

Définitions de « nourrir »

Trésor de la Langue Française informatisé

NOURRIR, verbe trans.

A. − Fournir les aliments nécessaires.
1. Qqn nourrit qqn (un enfant, un nourrisson) (de qqc.)
a) Alimenter de son propre lait un nouveau-né. [Cette femme] a dans sa mamelle une goutte de lait pour nourrir son fils, et dans ses haillons un coin de manteau pour l'envelopper (Chateaubr.,Génie, t.1, 1803, p.261).Il lui conseillait de nourrir l'enfant qu'elle attendait, célébrait les douceurs de la famille (Guéhenno,Jean-Jacques, 1952, p.266).
Nourrir (un nouveau-né) de. Perdre un enfant qu'on a nourri de son lait et porté tout un an attaché à son sein (Sand,Lélia, 1839, p.400).
Absol. À l'époque, les mères nourrissaient elles-mêmes et longtemps (Sartre,Mots, 1964, p.9).
Emploi pronom. réfl. Un nouveau-né se nourrit de qqn. Clotilde gardait son inconscient sourire, à le voir, si vigoureux, se nourrir d'elle (Zola,Dr Pascal, 1893, p.341).
P. anal. [En parlant d'animaux] Les génisses pleines, qui doivent nourrir leurs enfants, étaient plus lentes dans le grand rythme (Montherl.,Pasiphaé, 1936, p.112).
b) Alimenter quelqu'un (un enfant, un malade). Nourrir qqn à la cuillère. Elle donnait à boire à son enfant, elle le nourrissait au biberon, car elle avait été forcée de renvoyer la nourrice par économie (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.613).
P. anal. Qqn nourrit un animal.Il avait demandé un chien à un camarade d'atelier et il avait eu celui-là très jeune. Il avait fallu le nourrir au biberon (Camus,Étranger, 1942, p.1156).
2. Qqn/qqc. nourrit qqn/un animal.Donner à manger à une personne, un animal.
Qqn nourrit qqn.Nous étions mal habillés et mal nourris, souvent nos souliers étaient percés, nos pantalons déchirés et rapiécés et notre linge sale (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.270).Le curé ne s'était nullement refusé à recevoir et à nourrir les soldats prussiens (Maupass.,Contes et nouv., t.2, MlleFifi, 1881, p.159):
1. Parce qu'on a dans sa maison une femme et trois petits, il faut bien se remettre au travail. (...) il faut bien rapporter au nid de quoi nourrir toute la couvée. Genevoix,Raboliot, 1925, p.168.
Nourrir qqn de, nourrir un animal de.Certains peuples, par leur position, sont réduits à vivre presque uniquement de poisson; ils en nourrissent pareillement leurs animaux de travail (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p.92).Emploi pronom. réfl. Se nourrir de.Prendre pour aliment. Se nourrir de légumes, de riz. Les Quérolle, c'est des gens sérieux et regardants: ça se nourrit de rien, d'une soupe et d'un bout de fromage (Martin du G.,Vieille Fr., 1933, p.1035).Il me montra (...) les docks où il se nourrissait de bananes volées (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.423).Au fig. Se nourrir de rêves, d'illusions. Synon. se repaître de.Emploi abs. (Il faut) se nourrir. (Il faut) manger, se sustenter.
P. plaisant. Nourrir les poux, les puces. Emploi pronom. réfl. Les puces se nourrissent de. Tous les quinze ans, les générations de poux, qui se nourrissent de l'homme, diminuent d'une manière notable (Lautréam.,Chants Maldoror, 1869, p.189).
P. anal. [En parlant d'animaux] Dans le temps où les oiseaux nourrissent leurs petits, on a occasion d'observer un signe étonnant. Le nourrisson, dès qu'il aperçoit le nourricier, soulève un peu ses ailes, et leur imprime un tremblement de pauvre (Alain,Propos, 1925, p.660):
2. La cigale est ta proie, hirondelle inhumaine; Et nourrit tes petits qui, débiles encor, Nus, tremblants, dans les airs n'osent prendre l'essor. Chénier,Bucoliques, 1794, p.241.
[P. méton.] Qqc. nourrit qqc.Pourvoir en produits alimentaires. Les plus généreux se font peu à peu agressifs à cause de l'absurde de cette invasion (...). Une seule province ne peut ni loger ni nourrir la France! (Saint-Exup.,Pilote guerre, 1942, p.316).
3. Qqc. nourrit qqn/un animal.Être un aliment pour l'organisme. Les réservoirs des montagnes hydrauliques, c'est-à-dire les lacs, nourrissent une infinité de plantes, de poissons et d'oiseaux, qu'on ne trouve point ailleurs (Bern. de St-Pierre,Harm. nat., 1814, p.227).L'herbe nourrit les animaux divers qui la broutent (Claudel,Art poét., 1907, p.158).
P. anal. Nourrir le bois, le cuir. Enduire le bois, le cuir avec de l'huile de lin, de la cire, du cirage, afin qu'il garde ses qualités mécaniques. Cette émulsion (...) est employée (...) pour nourrir le cuir (Wurtz,Dict. chim., 2esuppl., t.7, 1908, p.661).
4. Qqn/qqc. nourrit qqn.Pourvoir aux moyens d'existence de; subvenir aux besoins matériels de. Synon. entretenir.Nourrir sa famille; nourrir qqn à ne rien faire; nourrir une bouche inutile.
En partic. Apporter une aide aux indigents. Se retirer dans le désert au pied d'une croix, pour panser les malades, pour nourrir les pauvres (Claudel,Otage, 1911, ii, 2, p.268).
P. ext. Qqc. (un travail) nourrit qqn.Faire vivre; assurer un revenu, des ressources pour vivre. Il n'y a que la mauvaise littérature qui puisse nourrir son homme. La bonne ne le peut pas faire (Vigny,Journal poète, 1832, p.946).
B. − Au fig. Qqn/qqc. nourrit qqn/qqc.
1. Qqn/qqc. nourrit qqc.Développer quelque chose en lui fournissant les ressources nécessaires. Nourrir la fièvre, la guerre. Cet événement artistique considérable [la venue à Paris du «Schillertheater» de Berlin] contribuera largement à nourrir les relations de culture entre la France et l'Allemagne (L'OEuvre, 12févr. 1941).La tradition inaugurée par Plotin, dont l'action sur saint Augustin fut si profonde, n'est pas éteinte! C'est elle qui avant de peser sur les siècles romans, nourrit l'art byzantin (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p.132).
Spécialement
[En parlant d'une banque] Nourrir un crédit. Financer un crédit ,,à partir des dépôts qu'elle reçoit de ses clients`` (Gestion fin. 1979).
BEAUX-ARTS
DESSIN, GRAV. Nourrir son trait. Le faire large. Le rôle principal [de l'encre] est de nourrir les traits dessinés sur la pierre [lithographique] (Chelet,Lithogr., 1933, p.43).
PEINT. Nourrir sa couleur. Empâter la couleur. (Dict. xixeet xxes.).
LING., STYL. Nourrir son style. L'étoffer, lui donner de la force et de la vigueur, de la richesse (Dict. xixeet xxes.).
2. Qqn/qqc. nourrit qqn/qqc.
a) Apporter à quelqu'un et, p. méton., à quelque chose (coeur, âme, esprit) ce qui peut l'enrichir (sur le plan intellectuel ou moral). Nourrir l'âme, l'esprit, l'intelligence. C'est une chose bien certaine que les Paroles du Saint Livre nourrissent l'âme et même l'intelligence, à la manière de l'Eucharistie, sans qu'il soit nécessaire de les comprendre (Bloy,Journal, 1900, p.37).
b) Qqc./qqn nourrit qqn (à, dans) qqc.
α) Vx, littér. [P. allus. à Racine] Élever, éduquer. Elle se tourna tout de suite, en pensée, vers ses camarades, parce qu'ils avaient été nourris dans le sérail [théâtre], parce qu'ils en connaissaient les familiers et les moeurs (Duhamel,Suzanne, 1941, p.80).
Nourrir qqn à.Instruire dans l'étude de, former à. Il a été nourri aux lettres latines (Ac.1935).La nièce des Bignon (...) avait été nourrie aux observances du palais et dans la religion de la justice (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.4, 1859, p.111).
Nourrir qqn dans.Former, éduquer selon certains principes, dans le respect de certaines valeurs. Il dit que l'enfance et la jeunesse devraient être nourries dans le culte de la plus haute beauté (Barrès,Cahiers, t.3, 1903, p.159).Le tout est d'être nourri dans les principes. Il faut bien penser avant que de penser (A. France,Île ping., 1908, p.200).
Loc. verb. fig. Nourrir un serpent dans son sein. Élever, assister quelqu'un qui se retourne ensuite contre soi. Bernadotte a été le serpent nourri dans notre sein; à peine il nous avait quittés, qu'il était dans le système de nos ennemis (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.977).
β) Vx, littér. Porter dans son sein; produire. (Dict. xixeet xxes.).
3. Littér. Qqn/qqc. nourrit qqc. (pour, envers, contre qqn).
a)
α) Entretenir un sentiment, une pensée dans l'esprit. Nourrir l'espérance, l'espoir, l'orgueil, la haine, l'imagination, la passion, la rêverie. Parmi les trente-neuf millions de Français qui ne passent jamais le seuil d'une librairie, quelques centaines de mille au hasard d'un voyage (...) pour nourrir quelques rêveries et susciter quelques images, ont une fois commis cet acte étrange (...): ils ont acheté un livre (Mauriac,Journal occup., 1941, p.317).
β) Entretenir un sentiment, une pensée pour, envers, contre quelqu'un. Je les hais, et de toute la haine que peut nourrir une âme basse de paria pour les castes supérieures (Larbaud,Barnabooth, 1913, p.118).Un petit monde de commerçants (...) qui, tout en nourrissant une haine muette pour les fonctionnaires en général, ne parvenait pas à dépouiller, en présence de l'ennemi, le respect ancestral (Estaunié,Ascension M. Baslèvre, 1919, p.7).
b) Former des projets. Nourrir le dessein, le projet de. L'espoir de vaincre la mer l'enfiévrait. Il avait conservé contre elle une rancune, depuis qu'il l'accusait sourdement de sa ruine (...). S'il n'osait l'injurier tout haut, il nourrissait l'idée de se venger un jour (Zola,Joie de vivre, 1884, p.903).
Prononc. et Orth.: [nuʀi:ʀ], (il) nourrit [nuʀi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 2emoitié xes. «élever un enfant» (Saint-Léger, éd. J. Linskill, 27); ca 1500 nourrir à «élever à» (Philippe de Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, I, p.69); 1636 nourrir dans «former dans» (Corneille, Le Cid, vers 589: son bras nourri dans les alarmes); 1690 nourrir un serpent dans son sein «élever un ingrat» (Fur.); 2. 1636 «produire» (Corneille, op. cit., vers 1560 : Et tout ce que l'Espagne a nourri de vaillants). II. 1. Mil. xies. «alimenter un enfant nouveau-né» (Alexis, éd. Chr. Storey, 32); ca 1180 «alimenter un animal» (Marie de France, Fables, 32-5 ds T.-L.); 2. ca 1100 «pourvoir à l'entretien complet de quelqu'un» (Roland, éd. J. Bédier, 2380); 3. ca 1225 «fournir des aliments nécessaires à un être vivant» (Gautier de Coinci, Mir. de la Vierge, II, Mir. 22, éd. V. F. Koenig, IV, p.191); 4. ca 1500 «constituer un aliment pour un organisme» (Jardin de santé, I, 374 ds Gdf. Compl.); 5. 1524-27 «faire vivre» (P.Gringore, Vie Ms. S. Loys, II, 29 ds IGLF: Nostre moulin certainement nous nourrist); 6. 1580 «former dans son esprit, méditer» (Montaigne, Essais I, XXVI, éd. P. Villey, I, 174); 7. 1582 p. ext. «en parlant d'un pays, approvisionner en produits alimentaires» (R. Garnier, Bradamante, 139, IV, p.11 ds IGLF: et mille autres et mille que l'Espagne et l'Afrique ont nourris). III. Verbe pronom. 1. ca 1269-78 «prendre des forces» (Jean de Meun, Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 18943); 2. 1485 «prendre de la nourriture de» (Mist. du Viel Testament, XXXVII, 34658, IV, 330 ds IGLF: Courges, pompons se nourrissent dessoubz); 3. id. fig. (ibid., V, 3038, I, 116, ibid.: Or fault il que je me nourrisse Desormais de peine et tormens). Du lat. nutrire «nourrir, alimenter, entretenir». Fréq. abs. littér.: 3798. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6438, b) 4683; xxes.: a) 5209, b) 5015.
DÉR. 1.
Nourrissage, subst. masc.a) Agric. ,,Activité agricole qui s'applique à l'élevage et à l'engraissement des animaux domestiques`` (Fén. 1970). b) Peauss. Action de graisser et de nourrir le cuir. Les produits extraits du pétrole brut possèdent encore de nombreux usages; sulfonées, certaines huiles conviennent au nourrissage des cuirs de chamoiserie (Chartrou,Pétroles natur. et artif., 1931, p.148). [nuʀisa:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1798. 1reattest. 1482 «action d'élever du bétail» norrisaige (Franch. de Franquemont, Arch. mun. Montbéliard ds Gdf.); de nourrir, suff. -age*.
2.
Nourrissement, subst. masc.Action de nourrir. Apic. ,,Fourniture artificielle de nourriture à une colonie d'abeilles soit pour compléter ses provisions, soit pour stimuler la ponte`` (Agric. 1977). [nuʀismɑ ̃]. 1resattest. a) fin xiies. «nourriture, aliment» nurissement (Gregoire Le Pape, Homelies, p.59, Hofmann ds Gdf.), b) 1907 «action de fournir de la nourriture à une ruche pendant la mauvaise saison» (Nouv. Lar. ill. Suppl.); de nourrir, suff. -ment1*.

Wiktionnaire

Verbe - français

nourrir \nu.ʁiʁ\ transitif 2e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se nourrir)

  1. Sustenter, servir d’aliment.
    • Les aliments propres à nourrir l’homme.
    • Cette fertile région produit tout ce qui est nécessaire pour nourrir hommes et animaux.
    • (Absolument)Le pain nourrit beaucoup. — Certaines viandes nourrissent trop.
  2. (Par analogie) (Jardinage) Donner des engrais, engraisser, fumer.
    • Cet arbre n’a pas de quoi se nourrir dans ce sol peu fertile.
  3. Élever un nouveau-né en l’allaitant.
    • Mounira était malade depuis quelques jours. Elle devait renoncer à nourrir son bébé. Gasbieha demandait anxieusement à son amie d’enfance de chercher une nourrice. — (Out-el-Kouloub, Zaheira, dans « Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • Jusqu'à la Première Guerre mondiale, la plupart de nos grands-mères – les arrière-arrière-grands-mères de notre petit-enfant – nourrissent leurs bébés, c'est-à-dire nos mères et nos pères, au sein, comme cela s'est fait depuis des millions d'années. — (Sylvie Marion, Les Nouvelles Grands-mères: L'art et la manière d'être grand-mère aujourd'hui, Librairie Hachette, 1995)
  4. Entretenir d’aliments.
    • Petite et misérable gargote de la rue Sainte-Geneviève où je me nourrissais jadis si mal que j’en ai, quand j’y pense, encore faim, je ne vous oublie pas […]. — (Francis Carco, Maman Petitdoigt, La Revue de Paris, 1920)
    • Les biquettes se nourrissent des broussailles. Elles permettent l'entretien de la végétation de cette réserve naturelle. — (« Chevrettes du terril » dans le Dictionnaire amoureux du Nord, de Jean-Louis Fournier, Éditions Plon, 2018)
    • Les enfants sont obligés de nourrir leur père et leur mère dans le besoin.
    • Je lui donne tant par an pour me loger et pour me nourrir.
    • On est bien nourri, on est mal nourri dans cette pension, dans cet hôtel.
  5. (Figuré) Instruire, élever.
    • Ce jeune homme a été nourri dans l’amour de la vertu, dans la haine du vice.
  6. (Figuré) Approvisionner de vivres.
    • La Sicile nourrissait la Rome antique.
  7. (Figuré) Procurer un revenu, une rente.
    • Cette terre le nourrit, lui et toute sa famille. - Ce métier ne nourrit pas son homme.
  8. (Quelquefois) (Vieilli) Produire, porter, renfermer.
    • L’Afrique nourrit beaucoup d’animaux féroces.
    • Cette terre nourrit une race d’hommes forts et courageux.
  9. (Figuré) Donner un aliment.
    • Nourrir son imagination de chimères. - Il se nourrit d’idées tristes.
  10. (Figuré) Entretenir ; faire subsister ; faire durer.
    • Votre silence peut confirmer des doutes que je nourris depuis longtemps. — (Alfred de Musset, Le Chandelier, 1835, acte I, scène 1)
    • Toute passion se nourrit de négation, parce qu’elle assume et souffre l’exception, au sens kierkegaardien du terme. Elle exile celui qui la vit. — (Denis de Rougemont, Comme toi-même : Essais sur les Mythes de l'Amour, Albin Michel, 1961, p.77)
    • Nourrir une base de données.
  11. Entretenir, faire profiter de certaines choses.
    • La bonne terre nourrit les plantes, les arbres. - Mettre du fumier au pied d’un arbre pour le nourrir.
    • Le bois nourrit le feu.
    • (Figuré)Nourrir un dossier d’éléments constitutifs. - Les services mutuels nourrissent l’amitié.
    • (Figuré)L’étude, la lecture, la conversation des hommes éclairés nourrit l’esprit.
  12. (Musique) (Figuré) Faire que les sons soient pleins et les soutenir pendant leur durée.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

NOURRIR. v. tr.
Sustenter, servir d'aliment. Les aliments propres à nourrir l'homme. Cette fertile région produit tout ce qui est nécessaire pour nourrir hommes et animaux. Absolument, Le pain nourrit beaucoup. Certaines viandes nourrissent trop. Cet enfant, cet animal se nourrit bien, se nourrit mal, Les aliments lui profitent bien, ne lui profitent pas. Par analogie, Cet arbre n'a pas de quoi se nourrir, Il est planté dans une mauvaise terre où il ne trouve pas un suc convenable et suffisant. Fig., Ce blé, ce grain est bien nourri, Il est bien plein, bien rempli. Fig., Un style nourri, Un style riche, plein, abondant. Un ouvrage nourri de pensées, de réflexions, Un ouvrage où les pensées justes, les réflexions judicieuses abondent. On dit aussi Un écrivain nourri des bons auteurs, Un écrivain qui fait preuve d'une grande connaissance des bons auteurs. En termes de Peinture, Une couleur nourrie, Une couleur bien empâtée. Un trait nourri, Un trait qui n'est pas trop fin. En termes de Calligraphie, Cette lettre est bien nourrie, Les traits qui la forment ont beaucoup de corps. Elle n'est pas bien nourrie, Elle est plus déliée qu'il ne faut. En termes de Musique, Nourrir les sons, Faire qu'ils soient pleins et les soutenir pendant leur durée. En langage militaire, Feu nourri, fusillade nourrie, Fusillade violente.

NOURRIR signifie aussi Élever un nouveau-né on l'allaitant. Elle a nourri ses trois enfants. Absolument, Cette femme nourrit. Il signifie encore Entretenir d'aliments. Je l'ai vêtu et nourri pendant dix ans. Les enfants sont obligés de nourrir leur père et leur mère dans le besoin. Je lui donne tant par an pour me loger et pour me nourrir. On est bien nourri, on est mal nourri dans cette pension, dans cet hôtel. Être logé et nourri. Les oiseaux de proie se nourrissent de chair. L'homme se nourrit de pain, de viande, de légumes, etc. Cet anachorète ne se nourrit que de racines sauvages. Fig., N'être pas nourri, N'être pas suffisamment nourri, être mal nourri. Les enfants ne sont pas nourris dans cette pension, dans ce collège. Les domestiques ne sont pas nourris dans cette maison. Par plaisanterie, Cet homme est bien nourri, Il a beaucoup d'embonpoint.

NOURRIR signifie au figuré Instruire, élever. Ce jeune homme a été nourri dans l'amour de la vertu, dans la haine du vice. Il a été nourri aux lettres latines. Fig., Il nourrit un serpent dans son sein, Il élève, il protège, il assiste un ingrat, un méchant qui le perdra, qui le ruinera quelque jour.

NOURRIR se dit aussi d'un Pays qui ordinairement en fournit un autre de vivres, d'une terre, d'un domaine qui donne au propriétaire de quoi le faire subsister, d'une profession qui procure de quoi vivre à celui qui l'exerce. La Sicile nourrissait Rome. Cette terre le nourrit, lui et toute sa famille. Ce métier ne nourrit pas son homme. Il signifie quelquefois Produire, porter, renfermer. L'Afrique nourrit beaucoup d'animaux féroces. Cette terre nourrit une race d'hommes forts et courageux. Cette mer nourrit des poissons voraces et destructeurs. En ce sens, il vieillit.

NOURRIR signifie, au figuré, Donner un aliment. Nourrir son imagination de chimères. Se nourrir de la parole de Dieu. Il se nourrit d'idées tristes. Il signifie aussi, figurément, Entretenir, faire subsister, faire durer. Nourrir l'espoir, le mécontentement, l'orgueil de quelqu'un. Nourrir dans son âme une passion malheureuse, un amour sans espérance, des souvenirs pleins de charmes. Nourrir en soi une illusion. Nourrir un numéro à la loterie, Mettre sur le même numéro à chaque tirage, en augmentant toujours la mise.

NOURRIR se dit également de Certaines choses qui en entretiennent d'autres, qui les font profiter. La bonne terre nourrit les plantes, les arbres. Mettre du fumier au pied d'un arbre pour le nourrir. Le bois nourrit le feu. Fig., Nourrir un dossier. Les services mutuels nourrissent l'amitié. L'étude, la lecture, la conversation des hommes éclairés nourrit l'esprit.

Littré (1872-1877)

NOURRIR (nou-rir) v. a.
  • 1Allaiter un enfant (ce qui est le premier sens de nutrire en latin). Et qui [une fille] sous de feints noms, pour ne rien découvrir, Par son époux aux champs fut donnée à nourrir, Molière, Éc. des f. V, 9. Au sein qui m'a nourri cette main s'est plongée, Voltaire, Sémiram. V, 8. Le fils que j'ai nourri périrait à son tour, Voltaire, Oreste, I, 5. Jeune femme, voulez-vous travailler à vous rendre heureuse, commencez d'abord par nourrir votre enfant, Rousseau, Lett. à Mme B. Corresp. t. II, p. 206, dans POUGENS.

    Cette femme ne saurait nourrir d'enfants, c'est-à-dire elle a le malheur de perdre tous ses enfants dès le bas âge.

    Absolument. Cette femme nourrit.

  • 2Entretenir la vie par ce qui en répare les déperditions, alimenter. Les aliments les plus propres à nourrir l'homme. Les fruits de la terre nourrissent l'homme et les animaux. Trois lapins… qui… Sentaient encor le chou dont ils furent nourris, Boileau, Sat. III.

    N'être pas nourri, n'avoir pas des aliments en qualité ou quantité suffisante.

    Absolument. Il y a des aliments qui nourrissent trop. Le vin nourrit.

  • 3Entretenir d'aliments, fournir des aliments. Il ne nourrit pas ses domestiques, il leur donne leurs vivres en argent. On est bien nourri, on est mal nourri dans cette pension. Il nourrit tant de chiens, de chevaux. Que Sibâ le [David] nourrissait, Bossuet, Reine d'Anglet. Tous les jours je l'invoque [le Seigneur] ; et d'un soin paternel Il me nourrit des dons offerts sur son autel, Racine, Ath. II, 7. Les chevaux que sa main a nourris, Racine, Phèdre, V, 5. On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir, Racine, Bajaz. I, 1. La loi naturelle ordonne aux pères de nourrir leurs enfants, mais elle n'oblige pas de les faire héritiers, Montesquieu, Esp. XXVI, 6. Il a poussé si loin l'ardeur philanthropique, Qu'il nourrit tous ses gens de soupe économique, Étienne, les Deux gendres, I, 1.
  • 4 Par extension, élever, mener au terme de la croissance. Attale qu'en otage ont nourri les Romains, Corneille, Nicom. I, 1. Rome, qui m'a nourri, vous parlera pour moi, Corneille, ib. I, 2. Dieu lui nourrissait un vengeur, Bossuet, Hist. I, 6. Il fut nourri par les ministres mêmes de l'erreur [le protestantisme], Fléchier, Duc de Mont. Ô cher enfant que j'ai nourri, et qui m'as coûté tant de soins, je ne te verrai plus ; mais je verrai ta mère qui mourra de tristesse en me reprochant ta mort, Fénelon, Tél. XVII.

    Nourrir à, élever dans. J'ai été nourri aux lettres dès mon enfance, Descartes, Méth. I, 6.

    Nourrir dans, donner, par l'éducation, certaines habitudes, certaines idées, etc. Les pères nourrissaient leurs enfants dans cet espoir, Bossuet, Hist. III, 5. Idoménée a été nourri dans des idées de faste, Fénelon, Tél. XI. Il avait été nourri dans la mollesse, Fénelon, ib. II. Il est vrai, ma cruelle prudence, Dans une erreur coupable a nourri son enfance, Briffaut, Ninus II, III, 7.

    Fig. Il nourrit un serpent dans son sein, il protége, il assiste un ingrat, un méchant qui le perdra.

    Dans un sens analogue. Votre soin téméraire Nourrit un ennemi dont il faut se défaire, Voltaire, Orph. I, 4.

  • 5Élever des bestiaux, en trafiquer. Nourrir des moutons, des bœufs, des chevaux.

    Nourrir des vers à soie, les élever jusqu'à ce qu'ils soient en cocons et en soie.

  • 6Il se dit de ce qui donne, fournit de quoi vivre. La Sicile nourrissait Rome. Ces provinces nourrissaient la capitale. Cette terre le nourrit, lui et toute sa famille. Je veux un métier qui me nourrisse. Entends ce jeune abbé, sophiste bel esprit : Monsieur fait le procès au Dieu qui le nourrit, Gilbert, Le 18e s.
  • 7Produire, porter. Ce pays nourrit une nombreuse population. Et tout ce que l'Espagne a nourri de vaillants, Corneille, Cid, V, 1. Son menton nourrissait une barbe touffue ; Toute sa personne velue Représentait un ours, mais un ours mal léché, La Fontaine, Fabl. XI, 7.
  • 8 Fig. Il se dit des aliments intellectuels et moraux. …Notre plus grand soin, notre première instance Doit être à le nourrir [l'esprit] du suc de la science, Molière, Femmes sav. II, 7. Quand je veux nourrir mon esprit et ma pauvre âme, Sévigné, 14 juill. 1680. Vous dites que l'espérance est si jolie ; hélas ! il faut qu'elle le soit encore au delà de ce que vous dites, pour nourrir plus de la moitié du monde comme elle fait, Sévigné, 11 sept. 1675. Vous m'occupez toute la semaine ; le lundi au matin je les reçois [vos lettres], je les lis… le jeudi j'attends le vendredi matin ; en voilà encore : cela me nourrit de la même sorte jusqu'au dimanche, Sévigné, 12 juin 1680. Le troupeau que je dois nourrir de la parole de vie, Bossuet, Louis de Bourbon. Aimez-donc la vertu, nourissez-en votre âme, Boileau, Art p. IV.

    En un sens défavorable. Nourrir son imagination de chimères.

  • 9Entretenir, faire profiter. La bonne terre nourrit les plantes, les arbres. Mettre du fumier auprès d'un arbre pour le nourrir. La pommade nourrit les cheveux. Je vous souhaite souvent à l'air de ces bois [aux Rochers], qui nourrit le teint comme à Livry, Sévigné, 11 déc. 1675. Assur, dit le saint prophète, s'est élevé comme un grand arbre ; le ciel l'a nourri de sa rosée, la terre l'a engraissé de sa substance, Bossuet, Serm. Ambition, 2.
  • 10Particulièrement, entretenir, faire durer, en parlant de choses matérielles qui consument ou se consument. Ils lancent des torches ardentes et telles autres choses propres à nourrir le feu, Vaugelas, Q. C. IV, 3. Il est probable que des comètes tombent dans le soleil ; les newtoniens conjecturent même que cela arrive, et ils le croient nécessaire pour nourrir cet astre, qui s'épuiserait insensiblement, puisqu'en répandant la lumière il perd continuellement de sa substance, Condillac, Art de rais. III, 5.

    Nourrir le feu, entretenir une canonnade, une fusillade non interrompue. [À Fontenoy] la masse anglaise, faisant face de tout côté… nourrissait ce feu continu quand elle était attaquée, Voltaire, Louis XV, 15.

  • 11 Fig. Faire durer en soi des sentiments, des passions, etc. Et [son esprit] nourrissait ainsi d'éternelles douleurs, Corneille, Hor. I, 1. Et l'accueil gracieux qu'il recevait de vous Lui permet de nourrir un espoir assez doux, Corneille, ib. I, 3. Souvenez-vous de votre dernière fin, et cessez de nourrir de l'inimitié contre personne, Sacy, Bible, Ecclésiastiq. XXVIII, 6. Tu nourrissais dans ton cœur une secrète estime de toi-même, Bourdaloue, Serm. 24, Dim. après la Pentecôte, Domin. t. IV, p. 429. Cette vive et constante tendresse qu'elle nourrissait pour lui [le roi] dans son cœur, Fléchier, Mar.-Thér. Pourquoi nourrissez-vous le venin qui vous tue ? Racine, Brit. I, 1. Qui, dans l'obscurité nourrissant sa douleur,…, Racine, ib. II, 3. Je nourrissais encore un malheureux amour, Racine, Mithr. I, 2. Vous nourrissez un feu qu'il vous faudrait éteindre, Racine, Phèdre, III, 1. La haine qu'il avait nourrie dans son cœur contre Ulysse, Fénelon, Tél. X. Nourrir des envies, des animosités, Massillon, Avent, Disp. Des passions que vous nourrissez dès l'enfance, Massillon, Carême, Impén. J'ai nourri mes chagrins sans les manifester, Voltaire, Sémir. I, 5. Je nourris dans mon cœur le mépris des richesses, Saint-Lambert, Sais. II.

    Il se dit des personnes ou des choses qui entretiennent, font durer un sentiment, une chose morale en quelqu'un. Toujours pour nourrir mon souci S'offrira-t-il à ma pensée ? Régnier, Ode. Son humeur satirique est sans cesse nourrie Par le coupable encens de votre flatterie, Molière, Mis. II, 5. C'est [Issy] un lieu où je vous ai vue ; cela nourrissait fort la tendresse, Sévigné, 13 mai 1671. Perte de temps et lettres inutiles, qui ne sont bonnes qu'à nourrir la lenteur et la nonchalance de mes yeux, Sévigné, 20 juillet 1694. Je connais les manières des provinces, et je sais le plaisir qu'on y prend à nourrir les divisions, Sévigné, 28 nov. 1670. Ma douceur a nourri son criminel espoir, Th. Corneille, Cte d'Ess. II, 2. Il [Jurieu] n'oublie rien pour nourrir en eux [les protestants réfugiés] ces sentiments qui les poussent à la révolte, Bossuet, 5e avert. § 11. Puisse le juste ciel dignement te payer, Et puisse ton supplice à jamais effrayer Tous ceux qui, comme toi, par de lâches adresses, Des princes malheureux nourrissent les faiblesses ! Racine, Phèdre, IV, 6. C'est ma mère, et je veux ignorer ses caprices ; Mais je ne prétends plus ignorer et souffrir Le ministre insolent qui les ose nourrir, Racine, Brit. II, 1. Ces lits où la mollesse S'unit avec les maux, Nourrissent la paresse, Sans donner le repos, Favart, Annette et Lubin. sc. 8. Ses périls nourrissaient ma tendresse inquiète, Voltaire, Mérope, I, 1. Et qu'elle serait assez heureuse pour se guérir d'un amour que rien ne nourrirait plus, Voltaire, Cosi sancta. Ici votre indulgence et le nom de son père Nourrissent son orgueil au sein de la misère, Voltaire, Oreste, II, 4. Mme de Maintenon, qui blâmait Louis XIV, le laissait faire et l'a même excité plus d'une fois à être sévère ; elle nourrissait donc en lui des défauts qu'elle condamnait, Condillac, Art d'écrire, II, 5. Sa passion préparerait votre malheur et le sien, si vous la nourrissiez, Diderot, Père de famille, II, 4.

  • 12Nourrir une action, fournir un supplément de finance au capital d'une action. Soit honneur, soit raison, soit impuissance, un grand nombre de personnes ne nourrissaient pas leurs actions, qui perdaient alors les trois quarts de leur prix originaire, Raynal, Hist. phil. IV, 16.

    Nourrir un numéro à la loterie, mettre sur le même numéro à chaque tirage, en augmentant toujours la mise.

  • 13 Terme de peinture. Nourrir un tableau de couleurs, mettre les couleurs assez abondamment pour qu'on puisse les mêler aisément et les empâter.

    Nourrir le trait, éviter la maigreur, la sécheresse.

    Terme de calligraphie. Nourrir ses lettres, faire que les traits soient suffisamment chargés d'encre, pour qu'ils ne soient pas trop maigres.

    En termes de musique, nourrir les sons, faire qu'ils soient pleins et retentissants, et les soutenir exactement pendant leur durée.

  • 14Nourrir le style, le fortifier soit par des expressions abondantes, soit par des citations, etc.
  • 15Nourrir ses grades, en matière bénéficiale, c'était renouveler l'insinuation dans le temps prescrit pendant le carême (voy. INSINUATION, n° 2).
  • 16Se nourrir, v. réfl. Prendre pour aliment. Se nourrir de pain. Maintenant, pour nous nourrir, il faut répandre du sang malgré l'horreur qu'il nous cause naturellement, Bossuet, Hist. II, 1. C'est un personnage illustre dans son genre, et qui a porté le talent de se bien nourrir jusques où il pouvait aller ; on ne reverra plus un homme qui mange tant et qui mange si bien, La Bruyère, XI. Les hommes qui ne se nourrissent que de chair crue ou de poisson sec, de sagou ou de riz, vivent aussi longtemps que ceux qui se nourrissent de pain ou de mets préparés, Buffon, Hist. nat. Homme, Œuvr. t. IV, p. 357.

    Cet enfant, cet animal se nourrit bien, se nourrit mal, les aliments lui profitent bien, ne lui profitent pas.

    Cet arbre n'a pas de quoi se nourrir, il est planté dans une mauvaise terre.

  • 17 Fig. Il se dit des aliments intellectuels et moraux. Votre frère est tout à fait tourné du côté de la dévotion… il viendra un jour [la mort] où l'on sera bien heureux de s'être nourri dans ces sortes de pensées chrétiennes, Sévigné, 27 déc. 1684. Il fait un carême éternel ; et, durant ce carême, il semble qu'il ne se nourrisse que d'oraisons et de jeûnes, Bossuet, 2e panég. St Franç. de Paule, 1. Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée, Racine, Phèdre, IV, 6. Il apprit à se nourrir de la vérité, Fénelon, Tél. XX. Cet édifice et le terrain qui l'entoure appartenait jadis au célèbre Lebrun, qui se plut à le bâtir et le décorer avec ce goût exquis d'ornement et d'architecture dont le grand peintre s'était nourri, Rousseau, Confess. X.
  • 18 Terme de marine. Se nourrir, se dit de l'état du ciel qui annonce quelque tempête. Le ciel commence à se nourrir.

PROVERBES

Il n'y a point de petit métier, il n'y a si petit métier qui ne nourrisse son maître, c'est-à-dire le travail, quelque peu lucratif qu'il soit, donne de quoi vivre.

Une besace bien promenée nourrit son maître.

SYNONYME

NOURRIR, ALIMENTER. Nourrir, c'est proprement fournir l'aliment à l'enfant, au petit qui vient de naître. Alimenter est plus général ; il se dit de toute espèce de choses qui entretiennent la vie. Mais, quand nourrir passe à son sens plus général, il devient alors tout à fait synonyme d'alimenter ; seulement, alimenter en ce sens a toujours quelque chose de technique.

HISTORIQUE

XIe s. Li mien baron, nurrit [je] vous ai long temps, Ch. de Rol. CCXLV.

XIIe s. Pese moi [je suis fâché] quant [je] fui onques en son ostel norris, Puisqu'estre me convient [il me faut] ses mortex enemis [son ennemi mortel], Sax. XXVI. Qui molt fu ses norriz [de ses familiers], Ronc. p. 9.

XIIIe s. Car je ne fu pas norriz à Pontoise, Quesnes, Romancero, p. 83. Ai-ge paour que Diex me faille, Qui norrist les oiseaux aux chans ? Nouv. rec. de fabl. et contes anc. t. II, p. 452. Leans out un lion nourri d'ancesserie [depuis longtemps], Berte, II. Jà fu Berte ma fille en si bon lieu nourrie [élevée en si bonne famille], ib. LXXII. [Symon et Constance] Qui l'ont [Berte] avec leur fille mout doucement nourrie, ib. CIX. Car li rois de Hongrie fu en France nourris, ib. v.

XVe s. Or vous vueil je recorder par quel moyen la paix y a esté mise et nourrie, Froissart, II, III, 12. Ces haines couvertes estoient de longtemps nourries entre celles deux parties, Froissart, II, II, 52. Adonc amour et ses nourris [élèves] Auront de Dangier moins doubtance, Orléans, Ball. 25. Mais passent temps en esbas et en ris, Et s'en tournent gras, gros et bien nourris, Chartier, le Débat des deux fortunes. Dissimuler toutes ces desobeissances, affin de ne nourrir guerres à ses subjectz, Commines, II, 4. Le mariage du roy qui est aujourd'huy avec la fille aisnée du roy Edouard… et la duché de Guyenne pour le nourrir, Commines, IV, 8. Il fait mal nourrir autruy enfant ; Car il s'en va quand il est grand, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 309.

XVIe s. Les malfaiteurs jadis avoyent de coustume de se vestir de noir, nourrir leurs barbes, et user d'autres signes de dueil pour fleschir leurs juges à misericorde, Calvin, Instit. 997. … De ne nourrir leurs cheveux, mais de les raser en rond, Calvin, ib. 1182. Il fut nourri à Thebes en la maison de Pammenes, Amyot, Pélop. 43. Sylla se partit du païs de l'Attique, qui estoit maigre, et qui en pleine paix ne l'eust sceu nourrir, Amyot, Sylla, 34. Il apparut un esprit à sa nourrice, lequel luy predit qu'elle nourrissoit un enfant qui seroit un jour cause d'un grand bien à tous les Romains, Amyot, Cicér. 2. Gargantua, depuis les troys jusques à cinq ans, feut nourry et institué en toute discipline convenante, Rabelais, I, 11. Nos souhaits interieurs pour la pluspart naissent et se nourrissent aux despens d'aultruy, Montaigne, I, 105. S'il estoit adonné d'une application trop indiscrete à l'estude des livres, je ne vouldrois qu'on la luy nourrist, Montaigne, I, 181. Je nourrissois des imaginations hardies, Montaigne, I, 195. Je veulz seulement faire luicter ensemble les traicts de cinq poëtes latins… or debvra l'enfant bien nourry [instruit] trouver, au prix des aultres, les deux premiers traisnants, Montaigne, II, 265. Un grain d'orge bien nourri, Paré, XXV, 21. La litharge doit estre nourrie avec deux onces d'huile, Paré, XXV, 26. Il a été nourri en un tonneau, il n'a rien vu que par le bondon, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 204. Celui-là est bon pere qui nourrit, Cotgrave Qui veut avoir bon chien, il faut qu'il le nourrisse, Cotgrave Tel le chien nourrit, qui puis mange la courroie de son soulier, Cotgrave M. Cossains estoit vieux soldat et capitaine, gentilhomme nourry en Piedmont de M. de la Mothe Gondrin, Brantôme, Cap. franc. t. IV, p. 284. Le capitaine Bequin, aussi sage et bon capitaine, qui fut blessé et mourut à la Rochelle, nourry laquais de M. de Nemours, Brantôme, ib. p. 126. Nourri aux pieds de mon roi, desquels je faisois mon chevet en toutes les saisons de ses travaux, D'Aubigné, Hist. Préface.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Encyclopédie, 1re édition (1751)

NOURRIR, (Jardinage.) cet arbre, ce bois est nourri par une bonne terre. Ces palissades sont bien nourries. Voyez Nutrition.

Nourrir les sons, en Musique, c’est les soutenir exactement durant toute leur valeur, au lieu de les laisser éteindre comme on fait souvent : c’est faire tout le contraire de ce qu’on fait en les détachant. Voyez Détaché.

Wikisource - licence Creative Commons attribution partage dans les mêmes conditions 3.0

Étymologie de « nourrir »

(Vers 1000) Évolution du latin nutrire après assimilation de -tr- en -rr- Référence nécessaire. L’orthographe nourrir est donc étymologiquement correcte Référence nécessaire.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Bourg. norri ; picard, norir ; wallon, noûri ; Hainaut, norir ; provenc. nurir, noirir ; cat. nudrir ; esp. nutrix ; ital. nutrire ; du lat. nutrire, nourrir. Selon la conjecture de Corssen (Nachtraege, p. 293), nutrire est le verbe dénominatif de nulrix, comme pistrire de pistor ; il explique nutrix par chute de l's initiale, comme étant snutrix, du radical sanscrit snu, couler, goutter : celle qui fait couler [le lait], la nourrice. Snu a déjà perdu son s dans νέω, nare, etc.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Phonétique du mot « nourrir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
nourrir nurir

Fréquence d'apparition du mot « nourrir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « nourrir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « nourrir »

  • La plus belle Muse du monde ne peut suffire à nourrir son homme.
    Alfred de Vigny — Stello
  • Un père peut nourrir cent enfants mais cent enfants ne nourrissent pas un père.
    Proverbe français
  • Mieux vaut nourrir son chat que de nourrir le rat.
    Proverbe français
  • Qui ne veut nourrir le chat doit nourrir le rat.
    Proverbe occitan
  • C'est aux pensées à nourrir les paroles, aux paroles à vêtir les pensées.
    Proverbe oriental
  • Paris finit toujours par vous nourrir.
    Alfred Capus — Les Pensées
  • Dieu a créé les seins pour nourrir les enfants et on y met des prothèses pour nourrir les docteurs.
    Patrick Sébastien — Carnet de notes
  • Si vous ne pouvez pas nourrir cent personnes, nourrissez-en au moins une.
    Mère Teresa
  • Vivre, c'est se nourrir du monde.
    Jean-François Somcynsky — Encore faim
  • Si tu traites la nasse avec patience, elle ne manquera pas de te nourrir.
    Proverbe des Balari
Voir toutes les citations du mot « nourrir » →

Images d'illustration du mot « nourrir »

⚠️ Ces images proviennent de Unsplash et n'illustrent pas toujours parfaitement le mot en question.

Traductions du mot « nourrir »

Langue Traduction
Anglais feed
Espagnol alimentar
Italien nutrire
Allemand futter
Chinois 饲料
Arabe إطعام
Portugais alimentação
Russe подача
Japonais フィード
Basque feed
Corse nutriscia
Source : Google Translate API

Synonymes de « nourrir »

Source : synonymes de nourrir sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « nourrir »

Combien de points fait le mot nourrir au Scrabble ?

Nombre de points du mot nourrir au scrabble : 7 points

Nourrir

Retour au sommaire ➦

Partager