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Jalousie

Variantes Singulier Pluriel
Féminin jalousie jalousies

Définitions de « jalousie »

Trésor de la Langue Française informatisé

JALOUSIE 1, subst. fém.

A. − Littér. Attachement vif et inquiet (pour ce qui tient à cœur). Il avait chez lui un tour, où il s'amusait à tourner des ronds de serviette dont il encombrait sa maison, avec la jalousie d'un artiste et l'égoïsme d'un bourgeois (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 86):
1. [La rive espagnole] est triste et dépouillée, de sable ou de roche nue, faite seulement pour ceux qui aiment la mer avec jalousie et constance, pour elle-même. T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 64.
B. −
1. Amour, amitié très exclusif qui prend ombrage de tout attachement de l'autre à un nouvel objet et de ses attachements anciens. Elle souffrait surtout d'une jalousie inapaisable contre cette femme inconnue qui lui avait ravi son fils (Maupass., Une vie,1883, p. 241).La jeune fille redoutait surtout la jalousie maternelle de Thérèse : « La petite me connaît bien mieux que sa mère (...) » Anne avait tort d'être gênée. Thérèse, à ce moment de sa vie, se sentait détachée de sa fille (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 236):
2. J'aimais Sophie et j'en étais doublement jalouse : jalouse parce qu'elle me préférait Isabelle, jalouse parce que Isabelle me la préférait. J'eus quelques jours de grand chagrin. Mais la jalousie en amitié n'est point mon mal, je la méprise et m'en défends assez bien. Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 156.
PSYCHOL. Désir de possession exclusive de l'autre. Vers trois ans, survient la « crise de personnalité » (...). La personnalité crève brusquement sa chrysalide : la jalousie, qui a fait son apparition vers le neuvième mois, s'exacerbe; l'enfant s'accroche à sa mère : c'est le plein moment du complexe d'Œdipe (Mounier, Traité caract.,1946, p. 540).
2. En partic. [Dans la relation amoureuse] Irritation et chagrin éprouvés par crainte ou certitude de l'infidélité de l'être aimé. J'aimais encore, sage lecteur; j'étais dans l'égarement, dans la jalousie, dans la douleur de l'infidélité, de l'abandon (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 157).Je me rendais compte que l'absence, tout en favorisant comme je le savais déjà, la cristallisation de l'amour, endort pour un temps la jalousie (Maurois, Climats,1928, p. 83):
3. ... ma vie a été rongée par une passion mauvaise : la jalousie. Jamais je n'ai tenu une femme aimée dans mes bras, sans voir se dresser entre elle et moi le spectre de ceux qui l'avaient possédée, et lorsque la pauvre créature fermait les yeux, je me disais : c'est pour ne pas me voir et se souvenir à son aise de ceux qu'elle a aimés autrefois. Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 299.
4. Mais aussitôt sa jalousie, comme si elle était l'ombre de son amour, se complétait du double de ce nouveau sourire qu'elle lui avait adressé le soir même − et qui, inverse maintenant, raillait Swann et se chargeait d'amour pour un autre, − de cette inclinaison de sa tête mais renversée vers d'autres lèvres et, données à un autre, de toutes les marques de tendresse qu'elle avait eues pour lui. Proust, Swann,1913, p. 276.
SYNT. Jalousie féroce, inavouée; jalousie de femme, de mari; accès de, amour et, cause de, colère et, démon de la, fureurs de, scènes de, tourments de jalousie; drame de la jalousie; dévoré de jalousie.
C. − Peine et irritation éprouvées par le désir de possession de biens (matériels ou immatériels) que d'autres détiennent; désir pour soi, du bien ou du bonheur d'autrui. Synon. envie (v. ce mot B).Lisbeth Fischer (...) était loin d'être belle comme sa cousine; aussi avait-elle été prodigieusement jalouse d'Adeline. La jalousie formait la base de ce caractère plein d'excentricités (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 28).Il est beau, intelligent, génial... Quand Morot verra ses derniers tableaux! Ils vont tous crever de jalousie... (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 171).Ce fut vraiment ce que les éditeurs d'aujourd'hui, dans leur patois, appelleraient un grand lancement, à faire pâlir de jalousie tous les confrères de Jean-Jacques (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 66):
5. Partout où on laissait les juifs exercer librement leurs talents naturels, une réussite trop fréquente excitait les jalousies et venait exaspérer les rancunes qu'on avait cru éteindre par des mesures libérales. Tharaud, An prochain,1924, p. 90.
Faire jalousie à qqn (vx). Inspirer de la jalousie à quelqu'un. (Ds Littré et Rob.).
Jalousie de métier. Rivalité entre personnes dans l'exercice d'une profession. Il [le président] se plaignait de sa cour. Les jurés, suivant lui, étaient détestables, le jury était une institution anglaise dont il était important de se délivrer au plus vite. « Ceci est jalousie de métier, » pensa Leuwen (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1836, p. 145).
En partic.
Sentiment de crainte d'avoir à perdre ou à partager avec autrui un avantage dont on aimerait garder la propriété exclusive. La ville qu'il avait conquise de haute lutte sur les Turcs, dont il avait subtilement éliminé les Grecs et qu'il avait dû, pour finir, disputer à la jalousie du comte de Toulouse (Grousset, Croisades,1939, p. 51).
ART MILIT., vx. Inquiétude que donne un État par sa force, sa puissance; en partic., inquiétude que donne un ennemi en menaçant certains points. (Dict. xixes.).
SYNT. Jalousie secrète, basse jalousie, mesquines jalousies; jalousies et haines, envie et jalousie; exciter la jalousie.
REM. 1.
Jalouseté, subst. fém.,région. et pop. Synon.Jacqueline : Allez-vous-en si vous continuez ainsi! − C'est ma jalouseté, dit-il avec une confusion qu'il exagérait (La Varende,Homme aux gants,1943,p. 312).
2.
Jalousite, subst. fém.,hapax. Attaques de jalousite aiguë, coup sur coup, soupçons, scènes, etc. (Bourget, Physiol. amour mod.,1890, p. 162).
Prononc. et Orth. : [ʒaluzi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1181-91 jalosie « sentiment d'inquiétude que l'on éprouve à l'égard de la fidélité de la personne aimée » (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 813); 2. mil. xiiies. gelosie « attachement farouche à un bien, à un avantage » (Macchabées, éd. E. Goerlich, 2, 26); 3. 1501 jalousie « envie, dépit que l'on éprouve à l'égard de ce qu'un autre obtient ou possède » (Chastel de joyeuse destinee ds Jardin de plaisance, XLV). Dér. de jaloux*, -ouse; suff. -ie*. Bbg. Hope 1971, p. 149, 203. - Vidos 1939, p. 26, 48, 80, 454, 455, 480.

JALOUSIE2, subst. fém.

Treillis de fer ou de bois permettant de voir sans être vu. P. anal. Contrevent formé de minces lattes parallèles et mobiles dont on peut faire varier l'inclinaison. Une double persienne et une jalousie les défendaient de la chaleur dévorante du ciel des tropiques (Sue, Atar-Gull,1831, p. 28).Ces jalousies fermées sont trop sombres; qu'on laisse entrer le jour sans laisser entrer le soleil (Musset, Caprices Mar.,1834, I, 2, p. 137).Par les jalousies baissées il venait assez de lumière pour accuser le désordre du matin dans la pièce (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 119).
Prononc. et Orth. : [ʒaluzi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1549 « treillis de bois ou de fer forgé derrière lequel on peut voir sans être vu » (Est.); 2. 1757 « volet mobile formé de lattes parallèles » (Annonces, affiches et avis divers, 24 août, no34, p. 135 ds Havard). Empr. à l'ital.gelosia, attesté au sens 1 dep. le xves. (av. 1494, G. Barbaro ds Batt.), ext. du sens « état de celui qui éprouve de la jalousie » (dér. de geloso, v. jaloux) : ce mot utilisé en ital. d'abord à propos de l'Orient (v. texte cité ds Batt.) désignait un treillis destiné à dissimuler les femmes aux regards. Fréq. abs. littér. : 2 466. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 166, b) 3 135; xxes. : a) 3 237, b) 3 305. Bbg. Tracc. 1907, p. 151.

Wiktionnaire

Nom commun 2 - français

jalousie \ʒa.lu.zi\ féminin

  1. (Menuiserie) Treillis de bois ou de fer au travers duquel on voit sans être vu.
    • Chemin faisant , j'eus le plaisir de voir plusieurs Portugaises qui soulevaient leurs jalousies pour nous examiner. Il y en avait très peu de jolies ; mais une navigation de trois mois, et la difficulté de les voir , les rendaient charmantes à mes yeux. — (Évariste de Parny, « Lettre à son frère, de Rio-Janéiro, septembre 1773 », dans le recueil Œuvres d'Évariste Parny, tome 1, Paris : chez Debray, impr. Didot l'aîné, 1808, page 213)
    • Madame Laure à son balcon, derrière une jalousie. — (Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, 1842)
    • Ce fut au pied de la tour de l’ouest qu’il s’arrêta. Il était seul en avant de Grandchamp et de sa petite escorte et ne descendit point de cheval ; mais s’approchant du mur de manière à y coller sa botte, il souleva la jalousie d’une fenêtre du rez-de-chaussée, faite en forme de herse, comme on en voit encore dans quelques vieux bâtiments. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, Michel Lévy frères, 1863)
    • — Montons au second étage, dit-elle ; nous pourrons voir, à travers les jalousies, ce qui se passe dehors. — (Anatole France, L’Étui de nacre, 1892, réédition Calmann-Lévy, 1923, page 202)
  2. (Menuiserie) Persienne formée de planchettes minces assemblées parallèlement, que l’on peut remonter et baisser à volonté au moyen d’un cordon, et qui servent à se garantir de l’action trop vive du soleil ou de la lumière.
    • Chemin faisant, j’eus le plaisir de voir plusieurs Portugaises qui soulevaient leurs jalousies pour nous examiner. — (Lettre d'Évariste Parny à son frère, septembre 1773)
    • Enfin, je vis les premiers rayons du jour se glisser dans ma chambre à travers les interstices des jalousies. — (Alexandre Dumas, Les Mille et Un Fantômes - Le Chat, l’huissier et le squelette)
    • Les jeunes gens, presque nus, couraient les rues, une poignée de verges à la main, se fouettaient publiquement. Les femmes les regardaient à travers les jalousies des fenêtres, et se fouettaient entre elles.— (Vincent Fournier Verneuil, Paris, tableau moral et philosophique, Paris : chez les principaux libraires, 1826, page 512)
    • L’éblouissante clarté du dehors plaquait des barres de lumière entre les lames des jalousies. — (Gustave Flaubert, Trois Contes : Un cœur simple, 1877)
    • Couloir obscur où sur une moquette on marche à pas silencieux, et dans la chambre, ce jour mourant à travers la jalousie : on est en deçà du monde, en congé de la vie. Ou peut-être n’a-t-on été mis au monde que pour ces moments heureux, et le reste de la vie n’est-il qu’un mauvais rêve. — (José Cabanis, Les cartes du temps, Gallimard, 1962, Le Livre de Poche, page 50)
    • La jalousie s'enroule dans sa partie supérieure autour d'un axe dissimulé sous une plaque de métal ou de bois, souvent ornée, appelée lambrequin. Cette jalousie s'intègre parfaitement à la morphologie des façades lyonnaises, filtrant la lumière chaleureuse du climat local tout en préservant l'intimité derrière les baies rapprochées et multiples. — (Nicolas Jacquet, Façades Lyonnaises, 2008, page 68)
  3. (Par analogie) Pâtisserie faite en pâte feuilletée, garnie frangipane ou de divers fruits et dont le dessus est recouvert d'un quadrillage fait de fines bandes de pâte ce qui la fait ressembler à un treillage en bois.

Nom commun 1 - français

jalousie \ʒa.lu.zi\ féminin

  1. Dépit que l’on a de ne pas obtenir ou posséder ce qu’un autre obtient ou possède, comme la richesse, les succès, la gloire, les talents, etc.
    • La jalousie est un sentiment qui semble être surtout propre aux êtres passifs ; les chefs ont des sentiments actifs, et la jalousie se transforme chez eux en une soif d’arriver, coûte que coûte, aux positions les plus enviées, […]. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chapitre V, « La grève générale politique », 1908, page 228)
    • Cette jalousie lui procurait plutôt une excitation agréable comme au morne Parisien qui quitte Venise pour retrouver la France, un dernier moustique prouve que l’Italie et l’été ne sont pas encore bien loin. — (Marcel Proust, Un amour de Swann, 1913, réédition Le Livre de Poche, page 243)
    • Ce qui détermina la chute de gros Zidore et de gros Léon ce fut tout simplement une petite jalousie de chasseurs provoquée par un malheureux renard, un vulgaire goupil, […]. — (Louis Pergaud, La Chute, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • J’adore cette vie plus simple que tu mènes à la campagne, loin de nos potins et de nos jalousies. — (Out-el-Kouloub, « Zaheira », dans Trois contes de l’Amour et de la Mort, 1940)
    • Notre bonheur ne prend sa pleine saveur que dans la jalousie de l’autre. — (David Goudreault, La bête et sa cage (2016), in La bête intégrale, Stanké, 2018, page 381)
  2. Crainte que la personne aimée éprouve un sentiment de préférence pour quelqu’un d’autre ; crainte que la personne aimée soit infidèle.
    • Quant à l’autre femme dont tu parles, elle provoqua les propos de madame de Mi. par sa folle jalousie , et même par des insolences. Cela étoit d'autant plus bizarre et impardonnable , qu’elle avoit alors deux ou trois hommes , et que presque certainement elle ne m’a jamais aimé. — (Lettre à Sophie, non datée, probablement début juillet 1779, dans les Lettres originales de Mirabeau, écrites du donjon de Vincennes, pendant les années 1777, 78, 79 & 80, recueillies par P. Manuel, tome 3, Paris : chez J.B. Garnery, Strasbourg : chez Treuttel & Londres : chez Boffe, 1792, page 323)
    • En voyant son amant si occupé de saisir les regards de Napoléon, Julie éprouva un moment de jalousie en pensant qu’il ne l’avait pas encore regardée. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • Et si les sentiments de jalousie demeurent dans le cœur de chacun vis-à-vis de l’autre, ce n’est pas dans la douleur d’une affection déçue qu’ils résident ; c’est dans l’instinct de propriété. — (Alfred Naquet, Vers l’union libre, E. Juven, Paris, 1908)
  3. (Par extension) Humeur jalouse.
    • La fierté de Modeste, son dédain alarmèrent le poète, il revint à elle en donnant le spectacle d’une jalousie d’autant plus visible qu’elle était jouée. — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

JALOUSIE. n. f.
Dépit qu'on a de ne pas obtenir ou posséder ce qu'un autre obtient ou possède, comme la richesse, les succès, la gloire, les talents, etc. Concevoir de la jalousie. La jalousie le tourmente. Vos succès lui inspirent de la jalousie. Il a fait cela par jalousie. Je suis l'objet de sa jalousie. Une basse jalousie. Une secrète jalousie. Il y a une vieille jalousie entre les deux cousins, entre les deux familles. Jalousie de métier. Il s'emploie particulièrement en parlant de l'Amour et se dit surtout de la Crainte que la personne aimée n'éprouve un sentiment de préférence pour quelque autre, ne soit infidèle. Les coquetteries de sa femme excitèrent sa jalousie. Vos assiduités risqueraient de faire naître sa jalousie. Il signifie aussi Humeur jalouse. La jalousie de sa femme lui rend la vie très difficile. Elle a beaucoup à souffrir de la jalousie de son mari.

JALOUSIE se dit en outre d'un Treillis de bois ou de fer au travers duquel on voit sans être vu. On le dit surtout d'une Espèce de persienne formée de planchettes minces assemblées parallèlement, qu'on peut remonter et baisser à volonté au moyen d'un cordon, et qui servent à se garantir de l'action trop vive du soleil ou de la lumière. Regarder par une jalousie, au travers d'une jalousie. Les cordons d'une jalousie. Baisser, lever la jalousie.

Littré (1872-1877)

JALOUSIE (ja-lou-zie) s. f.
  • 1Attachement pour, zèle pour. Un père [Philippe IV d'Espagne] qui sut conserver avec une grâce comme avec une jalousie particulière ce qu'on appelle en Espagne les coutumes de qualité et les bienséances du palais, Bossuet, Mar. Thér.
  • 2Mauvais sentiment qu'on éprouve quand on n'obtient pas ou ne possède pas les avantages obtenus ou possédés par un autre. Plus un pareil mérite aux grandeurs nous appelle, Et plus la jalousie aux grands est naturelle, Corneille, Pulch. II, 2. On voudrait, à quelque prix que ce soit, ternir la beauté de son action [la retraite du cardinal de Retz] ; mais j'en défie la plus fine jalousie, Sévigné, 21 août 1675. Là était l'idole de la jalousie ; ambition, c'est toi qui l'élèves ; autant que tu vois de concurrents, ce sont autant de victimes que tu voudrais immoler à cette idole, Bossuet, 3e sermon, Pâques, 3. Vous trouvez partout [à la cour] des intérêts cachés, des jalousies délicates qui causent une extrême sensibilité, Bossuet, Anne de Gonz. La jalousie se mit entre les deux ordres, Bossuet, Hist. III, 6. Le tranquille ministre, qui connaissait les dangereuses jalousies des cours et les sages tempéraments des conseils des rois, Bossuet, le Tellier. Et, dédaignant les trônes qui peuvent être usurpés, elle attacha son affection au royaume où l'on ne craint point d'avoir des égaux, et où l'on voit sans jalousie ses concurrents, Bossuet, Reine d'Anglet. Accommodant les différends que la discorde, la jalousie ou le mauvais conseil font naître parmi les habitants de la campagne, Fléchier, Lamoign. Il est très difficile de guérir la jalousie d'une communauté, Maintenon, Lett. à Mme de la Viefville, 23 fév. 1709. Fuyez surtout, fuyez ces basses jalousies, Des vulgaires esprits malignes frénésies, Boileau, Art p. IV. Le perfide intérêt, l'aveugle jalousie S'unissent contre toi pour l'affreuse hérésie, Racine, Esth. Prologue. La jalousie est comme un aveu contraint du mérite, La Bruyère, XI. Il comprit qu'il ne lui serait pas difficile de me mettre en défiance et en jalousie contre un homme qui…, Fénelon, Tél. XII. Les hommes sont si réels et si vrais dans leurs plaisirs… dans leurs animosités, dans leurs jalousies, Massillon, Carême, Véritable culte. Dans la jalousie, l'envie, la malice, les sourcils descendent et se froncent, les paupières s'élèvent et les prunelles s'abaissent, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 302. Jamais la jalousie du talent n'avait inspiré plus de haine qu'à la belle Gaussin pour la jeune Clairon, Marmontel, Mém. III.

    Faire la jalousie, exciter la jalousie, être envié. Ce Genlis gagna l'amitié de M. de Noailles jusqu'à faire la jalousie de toute sa petite armée, Saint-Simon, 25, 37. Aldobrandi fit [en Espagne] la jalousie des ministres étrangers par les distinctions qu'il y reçut, Saint-Simon, 489, 193.

    Une noble jalousie, synonyme d'émulation. Il est certain que ces deux prix mettent parmi nos jeunes écrivains une noble jalousie, qui sert infiniment à perfectionner leurs talents, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 15, dans POUGENS.

    Il se dit aussi des animaux. Ce chien témoigne de la jalousie quand il en voit caresser un autre.

  • 3Sentiment qui naît dans l'amour et qui est produit par la crainte que la personne aimée ne préfère quelque autre. Comme les bruits confus accompagnent le jour, Toujours la jalousie accompagne l'amour, Tristan, Panthée, IV, 1. La jalousie est le plus grand de tous les maux, et celui qui fait le moins de pitié aux personnes qui le causent, La Rochefoucauld, Réflex. mor. 503. Ô triste jalousie, ô passion amère, La Fontaine, Filles de Minée. Partout la jalousie est un monstre odieux, Molière, D. Garc. I, 1. La jalousie a des impressions Dont bien souvent la force nous entraîne, Molière, Amph. II, 6. Afin… que vous perdiez aujourd'hui toute la jalousie que vous pourriez avoir conçue de monsieur votre mari, Molière, Bourg. gent. V, 7. Tels deux fougueux taureaux, de jalousie épris, Auprès d'une génisse au front large et superbe…, Boileau, Art p. V. Le tempérament a beaucoup de part à la jalousie, La Bruyère, IV. La jalousie étouffe toutes les sages réflexions ; c'est une maladie que la raison seule ne guérit point, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 562, dans POUGENS. [L'eunuque du harem] qui se vante de cinquante ans de vie dans ce poste indigne, où, chargé de la jalousie de son maître, il a exercé toute sa bassesse, Montesquieu, Lett. pers. 34. La jalousie a beau s'imputer à l'amour, c'est toujours un manque d'estime, Lachaussée, Retour imprévu, II, 8. Suzanne : Pourquoi tant de jalousie ? - La comtesse : Comme tous les maris, ma chère, uniquement par orgueil, Beaumarchais, Mar. de Figaro, II, 1. La jalousie, Éraste, est le sel de l'amour, Boissy, Sage étourdi, III, 6. Rien ne fatigue plus que la jalousie d'une ancienne maîtresse, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p 248, dans POUGENS. Qui peut avec excès aimer sans jalousie ? Delavigne, Vêp. sicil. I, 3.

    Par extension. L'âme, se souvenant des tristes jalousies du monde, s'abandonne sans réserve aux douces jalousies d'un Dieu bienfaisant qui ne veut avoir les cœurs que pour les remplir des douceurs célestes, Bossuet, la Vallière.

    Lunettes de jalousie, lunettes qui consistent à avoir un miroir exposé obliquement dans une boîte percée à jour qui tient par des vis à l'extrémité de l'objectif ; par son moyen on voit directement les objets que l'on semble regarder de côté.

    Terme d'antiquité judaïque. Eau de jalousie, eau consacrée, dans laquelle on avait laissé infuser certaines herbes, et qu'on faisait boire, en prononçant des paroles de malédiction, à une femme soupçonnée d'infidélité envers son mari. L'eau de jalousie devait causer la mort de l'infidèle.

  • 4Ombrage qu'un État, un prince donne à d'autres par sa puissance, par ses forces. Par lui, j'ai jeté Rome en haute jalousie, Corneille, Nicom. I, 5. Que même votre Rome en a pris jalousie, Corneille, Nicom. IV, 2. Ils entrèrent en jalousie contre les Carthaginois, Bossuet, Hist. I, 8. Les progrès d'Annibal leur donnèrent de la jalousie, Bossuet, Hist I, 8. La chute de Charles et son absence réveillèrent les intérêts et les jalousies de tous ces princes, assoupies longtemps par des traités et par l'impuissance de les rompre, Voltaire, Charles XII, 5. On sait que la jalousie de commerce n'est qu'une jalousie de puissance, Raynal, Hist phil. XIX, 6. L'empire lent mais irrésistible de la raison l'emporte à la longue sur les jalousies nationales et sur tous les obstacles qui s'opposent au bien d'une utilité généralement sentie, Laplace, Exp. I, 14.
  • 5 Terme militaire. Inquiétudes que l'on fait naître chez l'ennemi, en menaçant certains points. J'envoyai ordre qu'on masquât le passage d'Aschaffenbourg, et que l'on s'en rendît maître, dans l'instant que les ennemis l'auraient évacué, afin d'être en état de leur donner de la jalousie pour leurs derrières (1743), Corresp. de Louis XV et de Noailles, t. I, p. 110. Le prince Charles, en donnant de la jalousie en plusieurs endroits, et faisant à la fois plus d'une tentative, avait enfin réussi du côté où était posté le comte de Seckendorf, Voltaire, Louis XV, 11.

    Tenir un pays en jalousie, l'environner de sujétions et d'alarmes.

  • 6Treillis de bois et de fer qui permet de voir à travers, sans que l'on soit vu. Anne ne craignait rien, des saules la couvraient, Comme eût fait une jalousie, La Fontaine, Cas de consc. Un amant ne s'expliquait pas autrement sous les fenêtres de sa maîtresse, qui ouvrait en ce moment-là ces petites grilles de bois nommées jalousies, tenant lieu de vitres, pour lui répondre dans la même langue, Voltaire, Mœurs, 177. Ceci doit vous apprendre à ne jamais ouvrir de jalousies sur la rue, Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 4. Nous avons la clef de la jalousie, et nous serons ici à minuit, Beaumarchais, ib. III, 12.

    Espèce de contrevent formé de planchettes minces assemblées parallèlement, de manière qu'on peut les remonter et les baisser à volonté au moyen d'un cordon.

    Petits treillis de bois pour boucher des ouvertures dans une porte de confessionnal et autres.

  • 7Fleur de jalousie, ou, simplement, jalousie, fleur que l'on cultive dans les jardins, dite aussi amarante tricolore.

    Jalousie désigne aussi l'œillet barbu, dit encore bouquet parfait, et œillet de poëte.

    Excellente poire d'automne.

  • 8Ancienne espèce de contredanse.

HISTORIQUE

XIIe s. E [il] defist l'autier [l'autel], e out gelosie [zèle] de sa loi, Machab. I, 2.

XIIIe s. Ains se doit on bien garder D'enquerre par jalousie Ce qu'on n'y voudroit trover, Romanc. p. 126. Li rois entra en jalousie, Crient qu'aucuns gise o s'amie, Fl. et Bl. 2605. De jalousie trestous art [il brûle], Car por voir [pour vrai] il ne cuidoit mie Que nus [nul] osast amer s'amie, ib. 2614.

XIVe s. Trop est crueux li maulz de jalousie, Et trop greveux qui en est entrepris, Machaut, p. 58.

XVe s. De grant jalousie de sçavoir qui estoient les chevaliers incongneuz, ils endurerent trop chault et trop froid…, Perceforest, t. VI, f° 96.

XVIe s. Telles amours sont licites, et jamais ces belles vierges [les vertus] n'entrent en jalousie, Lanoue, 198. L'Espagnol ayant tourné diverses testes aux villes frontieres, pour donner jalousie à toutes, prit parti d'assieger Saint-Quentin, D'Aubigné, Hist. I, 25. La mesme jalousie que nos femmes ont pour nous empecher de l'amitié d'aultres femmes, Montaigne, I, 245. Elle [la guerre] n'a aultre fondement parmy eulx que la seule jalousie de la vertu, Montaigne, I, 241. Siffler toute la nuit par une jalousie, Du Bellay, J. VI, 27.

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Étymologie de « jalousie »

Jaloux ; provenç. gelosia, gilosia ; portug. et ital. gelosia.

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(Nom commun 1) (XIIe siècle) Dérivé de jaloux avec le suffixe -ie.
(Nom commun 2) (XVe siècle) De l’italien gelosia, extension du sens de « jalousie » au sens premier, et comme le français, dérivé de geloso (« jaloux ») pour désigner un treillis destiné à dissimuler les femmes aux regards.
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Phonétique du mot « jalousie »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
jalousie ʒaluzi

Fréquence d'apparition du mot « jalousie » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « jalousie »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « jalousie »

  • Les destins sont jaloux de nos prospérités, Et laissent plus durer les chardons que les roses.
    Honorat de Bueil, seigneur de Racan — Sonnet, À Mgr le duc de Guise
  • La jalousie est un sentiment qui dérape !
    Jérôme Riquier
  • Amour, amour ! Ton véritable nom est jalousie.
    Eugène Achard — Le Tombeau du mont Saint-Grégoire
  • L'égoïsme, source du socialisme, la jalousie, source de la démocratie, ne feront jamais qu'une société faible, incapable de résister à de puissants voisins.
    Ernest Renan — La Réforme intellectuelle et morale de la France, I , Lévy
  • La jalousie est aussi une douleur physique.
    Daniel Poliquin — Visions de Jude
  • La jalousie est une tendance naturelle.
    John Grisham — L'associé
  • L’amour sans jalousie est comme un Polonais sans moustache.
    Proverbe polonais
  • La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse […].
    Charles Baudelaire — Les Fleurs du Mal, la Servante au grand cœur
  • Les femmes sont jalouses de tout, et même du malheur.
    Isaac Félix, dit André Suarès — Variables, Émile-Paul
  • La jalousie horrifie l'amour.
    Marcel Godin — La cruauté des faibles
Voir toutes les citations du mot « jalousie » →

Traductions du mot « jalousie »

Langue Traduction
Anglais jealousy
Espagnol celos
Italien gelosia
Allemand eifersucht
Chinois 妒忌
Arabe الغيرة
Portugais ciúmes
Russe ревность
Japonais 嫉妬
Basque jelosia
Corse celosi
Source : Google Translate API

Synonymes de « jalousie »

Source : synonymes de jalousie sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « jalousie »

Combien de points fait le mot jalousie au Scrabble ?

Nombre de points du mot jalousie au scrabble : 15 points

Jalousie

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