1.[Opposé à noble pris au sens soc.]Qui n'est pas noble, qui est de basse extraction.Synon. roturier, plébéien.Gustave partagea quelque temps la captivité de son père, après avoir été déclaré indigne du trône à cause de son origine ignoble (Mérimée, Faux Démétrius,1853, p. 41) :
1. ... Flins avait reçu une éducation fort négligée; au demeurant, homme d'esprit et parfois de talent. On ne pouvait voir quelque chose de plus laid : court et bouffi, de gros yeux saillants, des cheveux hérissés, des dents sales, et malgré cela l'air pas trop ignoble.
Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 179.
− P. métaph. :
2. Oui, je suis ce Danton! Je suis ce Robespierre!
J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Hugo, Contempl., t. 1, 1856, p. 56.
− P. méton.Qui est propre à une personne de basse condition.Nous respectons d'ailleurs ces ignobles travaux que vous savez ennoblir (Sénac deMeilhan, Émigré,1797, p. 1677).Je travaillerai. Ignoble mot, langage de roturier né pour toujours l'être (Courier, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1820, p. 34).
♦ P. ext.[Parfois repris dans la lang. mod.]Qui appartient à la réalité commune, qui est trivial, prosaïque.Les écrivains de la génération précédente [de J. Renard] (...) avaient entrepris un vaste recensement du réel : il s'agissait de conquérir à l'art des régions nouvelles et d'assouplir la langue littéraire de telle sorte qu'elle se pliât à décrire des objets ignobles comme une machine, un jardin, une cuisine (Sartre, Sit. I,1947, p. 305).Emploi subst. avec valeur de neutre.Ce qui est vulgaire, prosaïque.Ces effets pittoresques des sons seroient très-hasardés en français. L'ignoble nous menace sans cesse : nous n'avons pas, comme presque tous les autres peuples, deux langues, celle de la prose et celle des vers (Staël, Allemagne, t. 2, 1810, p. 180).
2.FAUCONN.Oiseaux ignobles.,,Oiseaux de proie qui refusent de se laisser dresser`` (Littré).Les oiseaux ignobles (l'aigle, le milan, etc.), sont la plupart voiliers; ils agissent des griffes, déchirent et étouffent la proie (Michelet, Oiseau,1856, p. 304).
B. −Usuel
1.[Opposé à noble pris au sens moral]Qui a un caractère de bassesse extrême, de vilenie; qui inspire le dégoût ou l'horreur par sa laideur morale.Synon. abject, infâme, vil.
a)[Appliqué à une pers.]Un homme ignoble; un ignoble individu; la foule ignoble; des bourgeois ignobles; une âme ignoble.Des nobles ignobles qui venaient bassement venger, dans les comices nationaux, de misérables ressentiments (J. deMaistre,
Œuvres compl., t. 1, Fragm. Fr., 1821, p. 214).Il rugissait de plaisir, il se traînait comme un porc dans sa fange; avec toutes ses richesses il n'était qu'ignoble, avec toute sa gloire il était vil (Flaub., Smarh,1839, p. 68) :
3. ... le marché des consciences parlementaires parut se tenir ouvertement (...). Tous ces gros garçons besogneux (...) discutaient de leur prix d'achat, comme ils l'eussent fait de celui d'une vache ou d'un veau (...). Quand s'annonça la menace de la déconfiture, l'ignoble troupeau s'affola...
Bernanos, Gde peur,1931, p. 270.
− Emploi subst. masc. :
4. ... s'il y en a là dedans des immondes qui se refusent à comprendre ces choses sublimes, ils n'ont qu'à aller s'enterrer tout de suite avec les autres, pas tout à fait cependant, mais au fin bout du cimetière sous l'épitaphe infamante des lâches sans idéal, car ils auront perdu, ces ignobles, le droit magnifique à un petit bout d'ombre du monument adjudicataire et communal élevé pour les morts convenables.
Céline, Voyage,1932, p. 89.
b)[Appliqué à une chose, à un acte, un sentiment, une parole]Conduite, procédé, crime ignoble; une ignoble affaire; des histoires ignobles; des sentiments ignobles; une joie ignoble; ignobles propos; ignobles calomnies; injures ignobles; c'est ignoble!Mon intelligence est trop faible pour que je puisse voir clair dans ces ténébreuses intrigues, si perverses, ignobles, infâmes (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 248).La vanité est absence d'orgueil, soumission à la populace, humilité ignoble. Mais tu cherches la populace pour qu'elle te fasse croire à tes fruits (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 657) :
5. Le bonheur d'ici-bas est ignoble − il faut avoir les mains bien calleuses pour le ramasser. Dire : « Je suis heureux! » c'est dire : « Je suis un lâche » − et plus souvent : « Je suis un niais ». Car il faut ne pas voir au-dessus de ce plafond de bonheur le ciel de l'idéal, ou fermer le yeux exprès.
Mallarmé, Corresp.,1863, p. 90.
− P. hyperb.Les arguments d'une ignoble platitude que l'ordinaire de nos sous-vétérinaires introduit dans la discussion du problème religieux (Barrès, Cahiers, t. 7, 1909, p. 263).
− Emploi subst. avec valeur de neutre.Ce qui est vil, caractère vil (d'une chose).Il lui était difficile [à Gide], ayant de la noblesse, d'imaginer l'ignoble de certains actes (Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 230) :
6. Moi, mon pain est le dégoût. Dieu m'a donné à profusion la vertu d'écœurement. Cette horreur et cette lamentation qui sont ma vie et dont je me nourris... Mais vous, pleins d'indifférence ou d'indulgence pour l'ignoble, vous pactisez avec lui, vous vous faites ses complices! Hommes de terre! Chevaliers de terre!
Montherl., Maître Sant.,1947, I, 4, p. 617.
2.P. anal.[Du point de vue phys. ou esthétique, opposé à bon et à beau]Qui choque violemment les sens ou le bon goût, qui cause une vive répugnance.Synon. dégoûtant, hideux, horrible, immonde.Je suis, depuis deux jours, harcelée d'un misérable air de la rue, un air ignoble qui me dégoûte et me répugne (Duhamel, Cécile,1938, p. 72).Un ignoble morceau de raie, acheté au rabais sans doute à la poissonnerie de Segré et qui puait l'ammoniaque (H. Bazin, Vipère,1948, p. 185) :
7. La rue Grenétat est une rue où toutes les maisons, envahies par une multitude de commerces, offrent un aspect repoussant. Les constructions y ont un caractère horrible. L'ignoble malpropreté des fabriques y domine.
Balzac, C. Birotteau,1837, p. 338.
− [Appliqué à une pers.]Qui est très mauvais dans son rôle.Hier, ils [les amis de Lyon] m'ont assassinée en me faisant entendre Guillaume Tell, abominablement écorché et massacré par le plus plat orchestre et les plus ignobles chanteurs que j'aie jamais entendus (Sand, Corresp., t. 2, 1836, p. 28).
REM.
Ignobiliser,verbe trans.Rendre ignoble, répugnant.Il se met à injurier Degas qui, dans sa série des tubs, a cherché à ignobiliser les formes secrètes de la femme (Goncourt, Journal,1894, p. 674).
Prononc. et Orth. : [iɳ
ɔbl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xives. « qui n'est pas noble, roturier » (E. Deschamps, éd. Queux de Saint-Hilaire et G. Raynaud, t. 9, p. 241); xves. fauconn. (Traité de fauconn., p. 39, Martin-Dairvault ds Gdf.); 2. 1694 « qui est sans distinction, se conduit comme un roturier de basse extraction » (Ac. : air ignoble, procédé ignoble); 1835 p. ext. (Ac. : ignoble réduit). Empr. au lat.ignobilis « de basse naissance; inconnu, obscur », ce dernier sens empr. au xvies., v. Hug.Fréq. abs. littér. : 1 249. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 519, b) 1 825; xxes. : a) 2 608, b) 1 467. Bbg. Quem.DDL t. 14 (s.v. ignobiliser).
Wiktionnaire
Adjectif - français
ignoble\i.ɲɔbl\masculin et féminin identiques
(Désuet) De caractère non noble.
Qui est bas, sans noblesse, qui marque une âme dépourvue de sentiments nobles.
Langage ignoble.
Expressions ignobles.
Il n’y a rien de plus ignoble qu’un pareil procédé.
Vuillet était la bête noire d’Aristide. Il ne se passait pas de semaine sans que les deux journalistes échangeassent les plus grossières injures. En province, où l’on cultive encore la périphrase, la polémique met le catéchisme poissard en beau langage : Aristide appelait son adversaire « frère Judas », ou encore « serviteur de saint Antoine », et Vuillet répondait galamment en traitant le républicain de « monstre gorgé de sang dont la guillotine était l’ignoble pourvoyeuse. »— (Émile Zola, La Fortune des Rougon, G. Charpentier, Paris, 1871, ch. III ; réédition 1879, p. 99)
(Plus ordinairement) Qui est sale, sordide, hideux.
…de même qu’en allant au bal, parée des œuvres resplendissantes du joaillier, vous ne pensez pas aux bras nerveux, aux ouvriers en veste, aux ignobles ateliers d’où s’élancent, radieuses, ces fleurs du travail.— (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)
IGNOBLE. adj. des deux genres . Qui est bas, sans noblesse, qui marque une âme dépourvue de sentiments nobles. Langage ignoble. Expressions ignobles. Il n'y a rien de plus ignoble qu'un pareil procédé.
Il signifie aussi et plus ordinairement Qui est sale, sordide, hideux. Il se cacha dans un ignoble réduit.
Littré (1872-1877)
IGNOBLE(i-gno-bl')adj.
1Qui est sans noblesse, sans distinction. Des sentiments ignobles. Une diction ignoble. Leur port [des goëlands et des mouettes] ignoble, leurs cris importuns, leur bec tranchant et crochu, présentent les images désagréables d'oiseaux sanguinaires et bassement cruels, Buffon, Ois. t. XVI, p. 173.Il défend tant qu'il peut, en mémoire du vieux âge, les ronces, les broussailles, les landes féodales que d'ignobles guérets chaque jour envahissent, Courier, Lett. V.
Dans un sens analogue. Il se cacha dans un réduit ignoble.
2 Terme de fauconnerie. Oiseaux ignobles, oiseaux de proie qui refusent de se laisser dresser.
3 Terme de minéralogie. Filons ignobles, filons métalliques trop peu riches pour mériter qu'on les exploite.
HISTORIQUE
XVIe s. Le noble a davantage d'obligation que l'ignoble à se porter vertueusement, Lanoue, 186.Les playes se font les unes es parties nobles, les autres es ignobles, Paré, IX, 1.
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Étymologie de « ignoble »
Lat. ignobilis, de i pour in privatif, et gnobilis ou, par aphérèse, nobilis, noble.
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Du latin ignobilis (« inconnu, obscur », « de basse naissance »), de là le sens de « qui n’est pas noble, qui est roturier », puis, au XVIIe siècle « sans distinction, digne d’un roturier de basse extraction, vil » (un procédé ignoble).
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Phonétique du mot « ignoble »
Mot
Phonétique (Alphabet Phonétique International)
Prononciation
ignoble
iɲɔbl
Fréquence d'apparition du mot « ignoble » dans le journal Le Monde
Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.
Évolution historique de l’usage du mot « ignoble »
Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.
Citations contenant le mot « ignoble »
La civilisation a rendu l'homme sinon plus sanguinaire, en tout cas plus ignoblement que jadis.
Fiodor Dostoïevski
Tant qu'on n'est pas propriétaire, on ne peut s'imaginer combien il est ignoble de porter atteinte à la propriété.
Tristan Bernard — Le fardeau de la liberté - 1897.
Un bossu a l'air d'un humoriste qui se moque de nous et dont nous ne pouvons nous moquer, parce que ce serait ignoble.
Ramon Gomez de la Serna — Echantillons
Alors c’est ça l’âge adulte : un tissu sordide de relations intimes, aussi complexes qu’ignobles.
Daphné du Maurier — La poupée
Le procureur : "C'est pourtant ignoble de tuer". L'avocat : - Oui, mais ça fait vivre tant de monde à commencer par vous et moi".
Sacha Guitry — La Poison
Travail. Cette ignoble invention de l'homme.
Pan Bouyoucas — Une bataille d'Amérique
Savoir reconnaître l'humain jusque dans l'inhumain. L'ignoble est souvent du noble mal tourné.
Jean Rostand — Carnet d'un biologiste, Stock
La vengeance n'est pas un mobile ignoble lorsqu'elle sert à des fins utiles.
Jack Vance — Le Prince des étoiles
Savoir reconnaître l'humain jusque dans l'inhumain. L'ignoble est souvent du noble ayant mal tourné.
Jean Rostand — Carnet d’un biologiste
C'est ignoble une collectivité, peu importe le nom que tu lui donnes : elle attend de nous des gestes, des actes. Elle nous impose le monde puis elle exige que nous fassions nos preuves.
Jean-Guy Rens — La mort du coyote