La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « deuil »

Deuil

Variantes Singulier Pluriel
Masculin deuil deuils

Définitions de « deuil »

Trésor de la Langue Française informatisé

DEUIL, subst. masc.

A.− [À propos de la mort d'une pers.]
1. Douleur, affliction, profonde tristesse que l'on éprouve à la suite de la mort de quelqu'un. Un deuil inconsolable; jour de deuil national. Elle [Fanny] marcha vers la salle de bains (...) raidie d'attention, sourdement infatuée de son deuil tout neuf (Colette, Seconde,1929, p. 109).De tout temps, les femmes se sont reconnues dans le deuil (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 284):
1. ... tout un peuple agité par la souffrance, assombri par des deuils domestiques (...) les Orléanais faisaient dans les sorties des pertes fréquentes et cruelles. France, Vie de Jeanne d'Arc,t. 1, 1908, p. 272.
2. En partic. Marques extérieures de cette douleur, réglées par l'usage.
a) Ensemble des signes extérieures (notamment le vêtement) liés à la mort d'un proche. Cérémonies du deuil; habits de deuil (noirs, sombres dans nos cultures); maison, salle tendue de deuil. Habillée de deuil, mais pauvrement, sans gants, sans chapeau (Mérimée, A. Guillot,1847, p. 90).
Porter le deuil :
2. Tandis que Miss Mabel l'habillait, Jean-Noël se mit à danser autour de sa sœur en criant : − Elle n'est pas en noir! Elle n'est pas en noir! − Et puis après? répliqua Marie-Ange acide. Le deuil se porte aussi bien en blanc, n'est-ce pas Miss Mabel? Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 87.
Au fig. D'avance, je portais le deuil de mon passé (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 106).
En deuil. Habillé pour un deuil. Synon. endeuillé.Elle a eu l'air très surprise de me voir avec une cravate noire et elle m'a demandé si j'étais en deuil (Camus, Étranger,1942, p. 1137).
Grand deuil, petit deuil, demi-deuil. Vêtements qui sont portés traditionnellement aux différents moments du deuil et dont l'aspect devient moins sévère à mesure qu'on s'éloigne de l'époque du décès. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa (Baudel., Fl. du Mal,1857-61, p. 161).
Fam. Avoir les ongles en deuil. Avoir les ongles bordés de noir. En agitant au-dessus de sa tête des mains gonflées, aux ongles en deuil (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 26).
P. ext. Frais nécessaires pour prendre le deuil. La veuve a le droit de prélever son deuil sur la communauté (Quillet, 1965).
b) Couleur de deuil. Le deuil est noir pour les particuliers. Le violet est le deuil des rois (Littré).
P. métaph. Aux yeux en grand deuil violet comme des pensées (Laforgue, Poés.,1887, p. 207).Ces poussières de charbon, elles avaient noirci de leur deuil la gorge entière, elles ruisselaient en flaques sur l'amas lépreux des bâtiments de l'usine, elles semblaient salir jusqu'à ces nuages sombres qui passaient sans fin (Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 2).
c) Temps pendant lequel doivent apparaître certains signes du deuil. Le deuil des veuves ne dure plus qu'un an (Ac.1835-1932).Les coutumes du deuil chassent de l'activité collective, les parents du mort : ils ne vivent plus qu'au présent (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 179).
3. P. méton.
a) Fait de perdre un parent ou un proche; situation consécutive à cette perte. Une épreuve ou un deuil; être atteint par un deuil. Trois deuils en trois ans, un dur lot à supporter pour une famille (Guèvremont, Survenant,1945, p. 158).Le deuil général ne peut être fait que de la mise en commun de tous les deuils particuliers (Gide, Journal,1940, p. 39).
b) Cortège funèbre. À onze heures, le convoi se met en marche. Les fils de la défunte conduisent le deuil (Zola, Cap. Burle,1883, p. 83):
3. Mais bientôt je prendrai, comme on fait au village, Alors qu'on mène un deuil, lourde comme du plomb, La croix dont le sommet parfois touche au feuillage, La croix qui t'étonnait, ô fille d'Apollon! Jammes, De tout temps à jamais,1935, p. 11.
Au fig. :
4. Il lui semblait [au duc] qu'elle menait [cette lamentation funèbre] le deuil de tout ce qu'il avait connu et aimé, le deuil de ses enfants, le deuil de lui-même, et le deuil des rois, dont il voyait l'agonie en quelque sorte, et le crépuscule de ces dieux. Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 338.
B.− P. ext.
1. Sentiment de profonde tristesse liée à une cause occasionnelle (départ, rupture, etc.). Il me fait deuil de ne pas connaître encore ma bien-aimée petite-fille Berthe Bovary (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 8).Et moi j'ai tout un deuil blanc et bleu dans mon cœur (Noailles, Éblouiss.,1907, p. 233).Et puis il avait bu pour ce deuil de partir [à l'armée] (Giono, Gd troupeau,1931, p. 31):
5. Et le plus beau printemps je ne saurais qu'en faire Sans toi mais le plus bel avril le plus doux mai Sans toi ne sont que deuil ne sont sans toi qu'enfer Rendez-moi rendez-moi mon ciel et ma musique Ma femme sans qui rien n'a chanson ni couleur... Aragon, Le Crève-cœur,Le Printemps, 1941, p. 37.
Au fig. et fam. Faire son deuil d'une chose. Renoncer à, admettre la perte de. Je fais mon deuil de ce qui me choque [en Michelet] (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 2, 1863-69, p. 112).Le domaine spirituel était le seul auquel nous puissions prétendre. Il faut en faire notre deuil (Cocteau, Maalesh,1949, p. 139).
2. En partic. Impression de profonde tristesse liée au spectacle de la nature, et souvent produite par des teintes sombres. Le deuil de la nature, de la tempête. Les immenses rideaux de pluie qui couvraient la campagne d'un deuil plus sombre que les frimas (Fromentin, Dominique,1863, p. 61).Je sens monter vers moi Le deuil d'une vallée où j'eusse été le roi (Jammes, De tout temps à jamais,1935p. 57):
6. Sous le ciel couleur d'ardoise, sous ce deuil d'hiver si rare, la ville prenait une sorte de majesté... Zola, Rome,1896, p. 470.
C.− Emplois spéc. (BOT., ENTOMOL.). Êtres qui dans leur coloration sont noirs et blancs.
Grand(-)deuil, petit(-)deuil (vulg.). ,,Papillons du genre nymphé`` (Besch. 1845).
Rem. Attesté aussi ds Ac. Compl. 1842, Lar. 19e-20e, Littré.
Prononc. et Orth. : [dœj]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xes. dol « affliction » (Saint-Léger, éd. J. Linskill, 63); 1467 doeil [Exec. test. de Catherine Dattre, A. Tournai ds Gdf. Compl.], qualifié de ,,vieux`` par Ac. 1718-40; surtout employé dans la lang. littér. av. 1742 « aspect lugubre » (Mass., Car. Passion ds Littré); spéc. 2. ca 1050 duel « affliction causée par la mort de quelqu'un » (Alexis, éd. Chr. Storey, 462), graphie attestée jusqu'au xvies. ds Hug., deuil − 1611, Cotgr.; xves. deuil « perte d'un être cher » d'apr. FEW t. 3, p. 121a 1595 fig. passer son deuil « prendre son parti de » (21 mars, D'Ossat, Lett. à M. de Villev. ds Gdf. Compl.); 1823 (Boiste : faire son deuil de, se consoler de); 3. ca 1050 dols « lamentations, signes extérieurs d'affliction » (Alexis, 104); ca 1170 guarnemenz de dol (Rois, éd. E. R. Curtius, IV, XXII, 11, p. 220); ca 1450 deuil (Myst. Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 44, 46869); 1680 deuil (Rich.); 4. 1549 (Est. : Achever son deuil. Elugere); 1559 deuz « temps durant lequel on porte le deuil » (Péronne, ap. La Fons. ds Guérin); 1670 deuil (Racine, Bérénice, I, 4); 5. 1606 dueil « cortège funèbre » (Nicot); 1658 deuil (Bordeaux à Brienne, 9 déc., Arch. aff. étrang. ds Guérin). Du b. lat. dolus « douleur » (v. Ern-Meillet, p. 181a), la forme deuil étant due à une réfection de l'a. fr. duel, plur. dueus sur le modèle d' œil/yeux*. L'hyp. d'un rattachement au b. lat. dŏlium « chagrin » [attesté en lat. class. sous la forme composée cordolium] (DG) ne rend pas compte des formes de l'a. fr. (FEW, loc. cit., note 2). Fréq. abs. littér. : 2 577. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 677, b) 4 556; xxes. : a) 4 728, b) 2 535.
DÉR.
Deuilleur, euse, subst.a) Deuilleur, subst. masc. Homme ayant pour tâche de chanter et pleurer aux funérailles chez les peuples primitifs. Le 3 [l'observateur no3] sera mêlé au groupe tumultueux des porteurs de torches, sans cesse accru par les apports des deuilleurs venus de la maison mortuaire (Griaule, Méth. ethnogr.,1957, p. 49).b) Deuilleuse, subst. fém. Deuilleuse à la main. ,,Ouvrière réalisant à la main, avec précision, les bordures de deuil sur les papiers à lettres et enveloppes`` (Mét. 1955, p. 98), p. oppos. à deuilliste machine ,,ouvrière réalisant à la machine les bordures noires des enveloppes et papiers à lettres`` (Mét. 1955, p. 98, p. 49). 1reattest. 1936 (Lowie, Anthropol. cult., p. 346); de deuil, suff. -eur2*.
BBG. − Darm. Vie 1932, p. 191. − Gottsch. Redens. 1930, p. 274, 404.

Wiktionnaire

Nom commun - français

deuil \dœj\ masculin

  1. Affliction, douleur qu’on éprouve lors du décès de quelqu’un, ou suite à une autre perte importante.
    • Suis-je heureux ? Oui ; je n’ai ni deuil, ni regrets, ni désir compliqué ; donc, je suis heureux. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Ici bas, quand le deuil fond sur nous, nous ne pouvons hélas! que nous arrêter un instant pour pleurer. Il nous faut très vite nous remettre en marche. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • Oui, mon père à peine en terre, j’étais coupable, oubliant mon deuil, trahissant mon chagrin et son souvenir. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 33)
    • Les deux compères se mirent à rire du fond de la gorge, laissant échapper des bouffées d’air saccadées, mais tout en maintenant leurs lèvres et leurs mâchoires en position de deuil, jusqu’à en être endolories. — (Amin Maalouf, Le rocher de Tanios, Grasset, 1993, collection Le Livre de Poche, page 102.)
  2. (Par extension) Grande tristesse causée par une chose funeste, déplorable.
    • Le jour où l’on apprit la mort de ce grand homme d’état fut un jour de deuil.
  3. (Poétique) Aspect triste de la nature pendant la mauvaise saison.
    • Le deuil de la nature. – La nature est en deuil.
  4. (Par extension) Code vestimentaire qui caractérise la tristesse à l’occasion de la mort.
    • La veuve de Henri II était vêtue de ce deuil qu’elle n’avait point quitté depuis la mort de son mari. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre VI)
    • La mère de Zariffa, déjà prévenue, et la figure couverte de pâte bleue en signe de grand deuil, arriva en hurlant […] — (Out-el-Kouloub, « Zariffa », dans Trois Contes de l’Amour et de la Mort, 1940)
  5. Décorum funéraire, marque extérieure de la douleur réglée par l’usage.
    • Tendre une église de deuil. – Magasin de deuil. – Papier de deuil.
  6. Temps pendant lequel se porte le deuil.
    • On a abrégé les deuils. – Le deuil des veuves ne dure plus qu’un an. – L’année de deuil.
  7. Cortège des parents qui assistent aux funérailles de quelqu’un.
    • J’ai vu passer le deuil. – Mener, conduire le deuil.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DEUIL. n. m.
Affliction, douleur qu'on éprouve de la perte de quelqu'un. Cette guerre a plongé beaucoup de familles dans le deuil. Donner des signes de deuil. Il se dit, par extension, d'une Grande tristesse causée par une chose funeste, déplorable. Le jour où l'on apprit la mort de ce grand homme d'État fut un jour de deuil. Poétiq. et fig., Le deuil de la nature se dit de l'Aspect triste de la nature pendant la mauvaise saison. On dit, dans le même sens, La nature est en deuil. Il désigne par extension les Vêtements noirs, le crêpe, les voitures drapées, et tout ce qui, à l'extérieur, caractérise la tristesse à l'occasion de la mort. Vêtu de deuil. S'habiller de deuil. Prendre le deuil. Être en deuil. Être en deuil de quelqu'un. Quitter le deuil. Habit de deuil. Voiture de deuil. Demi-deuil. Porter le deuil. Il porte le deuil de son frère. Tendre une église de deuil. Magasin de deuil. Papier de deuil. Il se dit encore du Temps pendant lequel se porte le deuil. On a abrégé les deuils. Le deuil des veuves ne dure plus qu'un an. L'année de deuil. Il se dit en outre du Cortège des parents qui assistent aux funérailles de quelqu'un. J'ai vu passer le deuil. Mener, conduire le deuil. Fam., Faire son deuil d'une chose, La regarder comme une chose sur laquelle il ne faut plus compter, ou comme une chose perdue, et se résigner à s'en passer.

Littré (1872-1877)

DEUIL (deull, ll mouillées) s. m.
  • 1Profonde tristesse causée par une grande calamité, par la perte de quelqu'un. La perte de plusieurs navires, corps et biens, jeta ce port de mer dans le deuil. Le jour de sa naissance fut un jour de deuil pour sa mère. … L'extrême deuil dont mon âme est atteinte, Mairet, Sophon. I, 3. Il est très assuré que je mourrais de deuil, Si le glaive des miens l'avait mis au cercueil, Mairet, ib. II, 2. Et la peur d'être ingrat étouffe votre deuil, Corneille, Tois. I, 1. Où prends-tu cette audace et ce nouvel orgueil De paraître en des lieux que tu remplis de deuil ? Corneille, Cid, III, 1. Et vous, allez au temple Y changer l'allégresse en un deuil sans pareil, Corneille, Rodog. V, 4. Une consolation si peu attendue redouble son deuil, Saint-Évremond, Matrone d'Éphèse, dans RICHELET. Sa mort mit en deuil une armée de trois cent mille hommes, et fit pleurer tous les princes chrétiens, Sévigné, 230. Achille mit vingt fois tout Ilion en deuil, Boileau, Ép. I. Ils pleurèrent beaucoup Jonathas et ceux qui étaient avec lui, et tout Israël en fit un grand deuil, Sacy, Bible, Machab. I, XII, 52. Votre fin soudaine et surprenante répandra le deuil parmi nous, Massillon, Car. Impénit. Les marques de deuil, chez les Israélites, étaient de déchirer ses habits, sitôt que l'on apprenait une mauvaise nouvelle, Fleury, Mœurs des Israélites, titre XVIII, 2e part. p. 222, dans POUGENS. On venait d'apprendre la mort d'Alfieri ; c'était un deuil général pour tous les Italiens qui voulaient s'enorgueillir de leur patrie, Staël, Corinne, XIX, 5. Toutes [les nymphes] frappant leur sein, et traînant un long deuil, Répétèrent hélas ! autour de son cercueil, Chénier, Élég. 20. Les cieux nous enviaient Sombreuil ; Ils ont repris leur exilée : Nous tous, bannis, traînons le deuil ! Hugo, Odes, II, 9.

    Familièrement. Faire son deuil d'une chose, n'y plus compter, et se résigner à sa perte.

  • 2 Fig. et poétiquement. Le deuil de la nature, l'aspect triste de la nature par l'effet de l'hiver ou de toute autre cause. La terre qui s'ébranle et se couvre de deuil, Massillon, Car. Passion. De la croix où ton œil sonda ce grand mystère, Tu vis ta mère en pleurs et la nature en deuil, Lamartine, Médit. II, 22. Salut ! derniers beaux jours ; le deuil de la nature Convient à la douleur, et plaît à mes regards, Lamartine, ib. I, 29.
  • 3Il se dit des signes extérieurs du deuil. On prend ici le deuil de M. le duc d'Anjou, Sévigné, 69. Mlle Duplessis en grand deuil, Sévigné, 431. Elle est en deuil de son beau-frère, Sévigné, 459. On prend aujourd'hui le deuil de la reine d'Espagne, Sévigné, 523. Il faut porter un deuil éternel au dehors, Bossuet, Lett. Corn. 83. Ce long deuil que Titus imposait à sa cour, Racine, Bérén. I, 4. Ses nymphes de regret prirent toutes le deuil, Racine, Poésies, 1. Un amant en grand deuil a toujours son mérite, Regnard, Distrait, II, 7. C'est à Misène, dans le lieu même où nous sommes, que la veuve de Pompée, Cornélie, conserva jusqu'à la mort son noble deuil, Staël, Corinne, XIII, 4.

    Grand deuil, le costume de deuil dans toute sa rigueur pendant les premiers temps qui suivent la mort de la personne perdue. Petit deuil, costume de deuil devenu moins sévère à mesure qu'on s'éloigne davantage de l'époque de la mort. Une dame là-bas, monsieur, avec sa suite, Qui porte le grand deuil, vient vous rendre visite, Regnard, Légat. III, 5.

    Deuil de cour, costume de deuil que prend la cour quand meurt quelqu'un de la famille régnante ou quelqu'un des princes des maisons souveraines de l'Europe. Ne vois-tu pas, Hector, que c'est un deuil de cour ? Regnard, le Joueur, II, 14.

  • 4Couleur de deuil. Le deuil est noir pour les particuliers. Le violet est le deuil des rois.

    Très familièrement. Avoir les ongles en deuil, les avoir noirs, malpropres.

  • 5Dépenses faites pour prendre le deuil. Donner tant à une veuve pour son deuil.
  • 6Le temps du deuil. Elle attend la fin de son deuil.
  • 7Cortége de parents et d'amis dans les funérailles.

    Conduire le deuil, être en tête du cortége funéraire. Le chevalier n'aura point un enterrement magnifique, comme on prétendait : ils voulaient un prince du sang pour conduire le deuil ; M. le prince a dit qu'il était incommodé ; M. le duc, que cela était bon du temps passé, et que les princes du sang de ce siècle-ci sont plus grands seigneurs qu'ils n'étaient, Sévigné, 127.

  • 8Les étoffes, ordinairement noires, dont on tend une chambre, une église, etc. Tendre une chambre, une église de deuil.
  • 9Demi-deuil, moitié du temps du deuil.

    Costume que les parents d'un défunt portent après que la moitié du temps de leur deuil est expirée. Le demi-deuil n'est pas aussi sévère que le grand deuil.

    Fig. À l'heure où de la nuit le lugubre flambeau D'un pâle demi-deuil revêt tes sept collines, Lamartine, Médit. II, 20.

  • 10Dans la botanique et l'entomologie, deuil se dit d'êtres qui, dans leur coloration, offrent un mélange de noir et de blanc.

    Grand deuil, petit deuil, espèces de papillons.

    Demi-deuil, nom vulgaire de l'argé galatée (lépidoptères diurnes), appelée aussi galatée, et par certains auteurs, satyre galatée ; tandis que d'autres la nomment satyre demi-deuil, Legoarant

    PROVERBE

    Faire le deuil sur la fosse, acquitter sur-lechamp une dette peu honnête du défunt.

HISTORIQUE

XIe s. Donc [il] ad tel doel, pour poi d'ire ne fent, Ch. de Rol. XXII. Dient Franceis : Deus ! quel doel de [de la mort du] prodhome, ib. CXV. Charles se gist, mais doel a de Rolant, ib. CLXXX. Ce dist li reis : Seigneur, vengez vos doels, ib. CCLXV.

XIIe s. Les dox [régime pluriel], Ronc. p. 4. Voir, dit Rolant, ce est diaus et pitiés, ib. p. 66. Comenciez est li dex et li estriz, ib. p. 72. Charles fait duel, onques hon ne fit tel, ib. p. 149. Car cil qui voit tel amor desevrer [séparer], A assez plus de duel et de pesance Que n'auroit jà li rois s'il perdoit France, Couci, XXIV. De duel pleure li dux, et de pitié souspire, Sax. X. Deus ! quel duel des prelaz que lur mestier ne funt ! Mucie est la lumiere qui esclaire le munt [le monde], Th. le mart. 69.

XIIIe s. Blanchefleurs fait tel duel, que près li cuers lui fent, Berte, IX. Qant li dels fu un poi lessiez Et il fu del tot abessiez, Emperere, font li baron…, Ren. 10131. Du duel lessier moult la requistrent, Moult de beles raisons li distrent, la Rose, 8659. Mais ele qui son duel menoit, Ung coutel en son sein tenoit Repost [caché]…, ib. 8671. Por que cis duel plus ne te tiengne, De Mainfroi voil qu'il te soviengne, De Henri et de Corradin, ib. 6777. El [tristesse] ne se vosist [voulût] pas retraire Ne reconforter à nul fuer Du duel qu'ele avoit à son cuer, ib. 310. Maint grant deul en furent en cest monde, et maintes grans joies en sont en paradis, Joinville, 201.

XIVe s. Si comme Dido la royne, qui mourut de deul que elle perdit son amant, Oresme, Eth. 83. Il n'est doelz c'on n'oublie à terme bien prochain, Baud. de Seb. I, 865.

XVIe s. Pense il que la pelade soulage le dueil [affliction] ? Montaigne, I, 22. Les chiens se laissent mourir de dueil de la perte de leurs maistres, Montaigne, I, 101.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Encyclopédie, 1re édition (1751)

DEUIL, s. m. (Hist. anc.) espece particuliere d’habit pour marquer la tristesse qu’on a dans des occasions fâcheuses, sur-tout dans des funérailles.

Les couleurs & les modes des deuils sont différentes en différens pays : à la Chine on porte le deuil en blanc ; en Turquie on le porte en bleu ou en violet ; en Egypte, en jaune ; en gris chez les Ethiopiens. Les dames de Sparte & de Rome portoient le deuil en blanc ; & le même usage a eu lieu en Castille à la mort des princes. Cette mode finit en 1498 à la mort du prince dom Jean, comme dit Herrera. Chaque nation a eu ses raisons pour choisir une certaine couleur particuliere pour marquer le deuil : on suppose que le blanc marque la pureté ; le jaune ou feuille morte, fait voir que la mort est la fin des espérances humaines & de la vie, parce que les feuilles des arbres, quand elles tombent, & les herbes quand elles sont flétries, deviennent jaunes. Le gris signifie la terre où les morts retournent. Le noir marque la privation de la vie, parce qu’il est une privation de la lumiere. Le bleu marque le bonheur dont on desire que les morts joüissent. Et le violet étant une couleur mêlée de bleu & de noir, marque d’un côté la tristesse, & de l’autre ce qu’on souhaite aux morts. Dictionn. de Trév. & Chambers. (G)

Voilà bien des explications qu’il faut regarder comme celles que l’on donne aux songes allégoriques. On en donneroit bien d’autres aussi peu vraissemblables, si l’on portoit le deuil en rouge. Et pour conclure, tout ne dépend que de l’usage des nations, qui appliquent aux différentes couleurs des signes de joie, de pleurs & de tristesse. (a)

Les Orientaux se coupoient les cheveux en signe de deuil ; les Romains au contraire les laissoient croître, ainsi que leur barbe. Les Grecs avoient imité les peuples d’Orient ; non-seulement à la mort de leurs parens & de leurs amis ils se coupoient les cheveux sur leur tombeau, mais encore les crins de leurs chevaux. Ils pratiquoient la même chose dans les calamités publiques, après la perte d’une bataille, &c. (G)

Deuil, s. m. (Jurispr.) Il y a plusieurs objets à considérer dans cette matiere, relativement à la jurisprudence ; savoir, l’obligation respective de porter le deuil entre mari & femme ; les habits de deuil qui peuvent leur être dûs ; les peines des femmes qui vivent impudiquement pendant l’année du deuil, ou qui se remarient avant ou après l’année du deuil ; enfin les réglemens qui ont été faits pour le tems du deuil, & le droit de deuil qu’ont les commensaux de la maison du Roi.

Suivant les lois du digeste, la femme survivante étoit obligée de porter le deuil de son mari, lugubria sumere, pendant un an, à peine d’infamie : l’année n’étoit alors que de dix mois.

Par le droit du code, les femmes furent dispensées de porter les ornemens extérieurs du deuil.

En France, dans les pays coûtumiers, comme dans les pays de droit écrit, la femme est obligée de porter le deuil de son mari pendant un an ; & comme personne n’est obligé de porter le deuil à ses dépens, les héritiers du mari doivent fournir à la femme des habits & équipages de deuil pour elle & ses domestiques, selon la condition & les facultés du défunt.

Ce que l’on donne à la femme pour son deuil, n’est point considéré comme un gain de survie, mais comme une indemnité & une créance pour laquelle elle a hypotheque du jour de son contrat de mariage : cette reprise est même privilégiée, étant réputée faire partie des frais funéraires, excepté au parlement de Bordeaux, où la femme n’a point de privilége à cet égard.

Pour ce qui est du mari, il n’est point obligé de porter le deuil de sa femme, suivant ce que dit Tacite en parlant des mœurs des Germains, dont les François tirent leur origine ; feminis lugere honestum est, viris meminisse : de sorte que si le mari porte le deuil de sa femme, comme cela se pratique ordinairement parmi nous, c’est par bienséance, & sans y être obligé. Il n’y a que dans le ressort du parlement de Dijon où le mari y est obligé ; aussi les héritiers de la femme lui doivent-ils fournir des habits de deuil.

Outre l’obligation dans laquelle sont les femmes, de porter le deuil de leurs maris, il y a encore une observation essentielle à faire à cet égard ; c’est que dans les pays de droit écrit la femme qui vit impudiquement pendant l’année du deuil, ou qui se remarie avant la fin de cette année, perd non-seulement son deuil, mais tous les avantages qu’elle pouvoit prétendre sur les biens de son mari, à quelque titre que ce soit : elle est privée de la succession de ses enfans & de ses parens au-delà du troisieme degré, incapable de toutes dispositions, & ne peut donner à son second mari plus du tiers de ses biens.

Il y avoit même autrefois peine d’infamie contre les femmes qui se remarioient avant la fin du deuil ; mais le droit canonique a levé cette tache.

A l’égard des autres peines, elles étoient autrefois observées dans tout le royaume, comme il paroît par différentes dispenses accordées à des femmes pour se remarier avant la fin de l’an du deuil ; il y en a au thresor des chartres du tems de Philippe-le-Long. M. Bretonnier en ses questions, rapporte même une semblable dispense accordée sous Louis XIV. mais il falloit que ce fût par rapport aux droits que la femme avoit à prendre dans quelques pays de droit écrit ; car présentement les peines des secondes noces contractées pendant l’an du deuil, n’ont plus lieu que dans quelques-uns des parlemens de droit écrit.

Suivant les arrêtés de M. de Lamoignon, la veuve qui se remarie dans l’année du deuil, devoit être privée de son doüaire ; mais ce projet de lois n’a point reçu le caractere d’autorité publique, que méritoit la sagesse de leurs dispositions.

Les personnes qui se remarient après l’an du deuil, sont seulement sujettes aux peines ordinaires des secondes noces. Voyez Secondes noces.

On a déjà vû ci-devant que l’année du deuil pour les femmes, qui n’étoit anciennement que de dix mois, fut mise sous les empereurs à douze mois, comme l’année civile.

En France l’ordonnance du 23 Juin 1716 a réduit à moitié le tems des deuils de cour & de famille ; & depuis, par une autre ordonnance du 8 Octobre 1730, ils ont encore été réduits à moitié du tems réglé par l’ordonnance de 1716 ; ensorte que les plus longs deuils ne doivent durer que trois mois, excepté les deuils de mari & femme, pere, mere, ayeuls & ayeules, & autres dont on est héritier ou légataire, pour lesquels seuls on peut drapper, & qui demeurent fixes, suivant l’ordonnance de 1716.

Les commensaux de la maison du Roi, de la Reine, des enfans de France, & des princes du sang qui ont une maison couchée sur l’état du Roi, ont droit de manteaux ou habits de deuil lors du décès des Rois & Reines. Les officiers de la chambre des comptes & ceux de la cour des monnoies ont pareillement droit de deuil, comme étant réputés commensaux de la maison du Roi. Voyez les lois 1. 8. & 9. ff. de his qui not. infam. & la loi 15. au code ex quibus causis infam. irrog. l. 1. cod. de secund. nupt. Loisel, instit. coût. liv. I. tit. ij. regl. 29. & 33. le traité des peines des secondes nôces, de Dupin ; le traité des gains nupt. ch. 11. (A)

Wikisource - licence Creative Commons attribution partage dans les mêmes conditions 3.0

Étymologie de « deuil »

Du latin dolium (« douleur, chagrin ») ; (Xe siècle) sous la forme dol ; (XIe siècle) duel avec diphtongaison du o, amuïssement du l avec un pluriel dueus, deuz ; (XVIIe siècle) l’orthographe actuelle est une réfection sur le modèle œil, yeux avec création d’un pluriel régulier.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Voy. DOULOIR. Picard (Boulonnais), dol ; Mayenne, duel ; wallon, doû ; rouchi, doel ; provenç. dol ; espagn. duelo ; ital. duolo. Il est très probable que l'auteur du jeu des trois rois (mystère du XVe s.) prononçait duel comme on prononce dans la Mayenne ; car il fait rimer avec hardel ce mot, qui pour lui est de deux syllabes, tandis que dans les textes plus anciens duel, prononcé deul, est constamment monosyllabe : Tuer nous fault, par grand desroy, Tous les enfans que trouverons… Tant qu'arons tué le hardel, Qui tant de peine et de duel Nous fait ; avant, ne lessons rien. Dans l'ancienne langue, au nominatif, li dels, li dex, li diaux, au régime, le duel.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Phonétique du mot « deuil »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
deuil dœj

Évolution historique de l’usage du mot « deuil »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « deuil »

  • Pour une femme tout événement, même un deuil, se termine par un essayage. De Marcel Proust , 
  • Pour honorer les morts, les uns portent leur deuil, les autres leurs bijoux. De Gaston Andréoli , 
  • Ne ris pas de mon deuil, Quand le mien sera vieux, le tien sera neuf. De Proverbe provençal , 
  • On ne devrait porter le demi-deuil que pour les parents qui sont à moitié morts. De Alphonse Allais , 
  • Quand un deuil se prolonge, d'autres viennent s'y ajouter. De Proverbe des Balari , 
  • Tous vont au convoi du mort et chacun pleure son deuil. De Proverbe français , 
  • En France, le deuil des convictions se porte en rouge et à la boutonnière. De Jules Renard / Journal , 
  • Les parapluies sont des veufs qui portent le deuil des ombrelles disparues. De Ramon Gomez de la Serna / Greguerias , 
  • Tuer est une forme de notre deuil vagabond Rainer Maria Rilke, Les Sonnets à Orphée, II, XI Die Sonette an Orpheus, II, XI
  • Condoléance : Manière de démontrer que le deuil est un moindre mal à côté de la sympathie. De Ambrose Bierce / Le dictionnaire du diable , 
  • La gloire est le deuil éclatant du bonheur. De Madame de Staël , 
  • Le sage fait son deuil de sa mort. De Roger Judrin / Miroir d'ombre , 
  • Un seul oiseau en cage la liberté est en deuil. De Jacques Prévert / Fatras , 
  • Les larmes empêchent de voir, le deuil encore plus. De Jean-Marie Poupart / Ma tite vache a mal aux pattes , 
  • Les chapeaux, le deuil et les scrupules ne se portent plus. De Albert Willemetz , 
  • En Corse, c'est l'âne qui porte tout, sauf le deuil. De José Artur , 
  • Si je voyais la fin de l'âge qui te reste Ma raison tomberait sous l'excès de mon deuil Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste, Et ferais, jour et nuit, l'amour à ton cercueil. François Maynard, Stances, la Belle Vieille
  • À l'ouïr sangloter et les nuits et les jours, On jugea que son deuil ne lui durerait guère. Charles Perrault, Peau-d'Âne
  • Il y a peu, Demi Lovato apprenait le décès de son grand-père. En deuil, la jeune femme a alors décidé de lui rendre hommage en postant un message ainsi que plusieurs photos de ce dernier sur les réseaux. On vous raconte !  Gossip Room, Demi Lovato en deuil : elle rend hommage à son grand-père décédé
  • Ce vendredi 3 juillet aurait dû être la journée d'ouverture du Festival d'Avignon. Mais en raison de la crise sanitaire, la 74e édition a été annulée. Pour les habitants de la cité des Papes, c'était une journée historique et très particulière. "Une journée de deuil" pour Olivier Py. France Bleu, Festival d'Avignon annulé : journée de "deuil" pour son directeur, énorme tristesse pour les Avignonnais
  • Pour une femme tout événement, même un deuil, se termine par un essayage. De Marcel Proust , 
  • Pour honorer les morts, les uns portent leur deuil, les autres leurs bijoux. De Gaston Andréoli , 
  • Ne ris pas de mon deuil, Quand le mien sera vieux, le tien sera neuf. De Proverbe provençal , 
  • On ne devrait porter le demi-deuil que pour les parents qui sont à moitié morts. De Alphonse Allais , 
  • Quand un deuil se prolonge, d'autres viennent s'y ajouter. De Proverbe des Balari , 

Images d'illustration du mot « deuil »

⚠️ Ces images proviennent de Unsplash et n'illustrent pas toujours parfaitement le mot en question.

Traductions du mot « deuil »

Langue Traduction
Anglais bereavement
Espagnol luto
Italien lutto
Allemand trauer
Chinois
Arabe الحداد
Portugais luto
Russe траур
Japonais 喪中
Basque dolu
Corse dolu
Source : Google Translate API

Synonymes de « deuil »

Source : synonymes de deuil sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « deuil »

Combien de points fait le mot deuil au Scrabble ?

Nombre de points du mot deuil au scrabble : 6 points

Deuil

Retour au sommaire ➦

Partager