La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « culte »

Culte

Variantes Singulier Pluriel
Masculin culte cultes

Définitions de « culte »

Trésor de la Langue Française informatisé

CULTE, subst. masc.

A.− Hommage religieux rendu à Dieu, à quelque divinité, à un saint; p. ext., vénération de caractère religieux accordée à un être, à un objet privilégié :
1. C'est toujours, si l'on veut, l'âge du Fils de l'homme : mais où l'homme passe du culte de l'homme-Dieu, du Verbe fait homme, au culte de l'Humanité, du pur Homme. Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 23.
2. ... comme organe national le Shintoïsme comprenait le culte de l'Empereur (Tennoïsme), le culte de la famille impériale, le culte des temples. Le culte de l'Empereur repose sur la croyance que l'Empereur est l'incarnation de la Déesse du soleil. Philos., Relig., 1957, p. 5413.
Culte domestique ou privé (p. oppos. au culte public). Lectures pieuses, prières faites en commun à l'intérieur d'une même famille.
THÉOL. CATH. Culte de latrie. Culte dû à Dieu seul. Culte de dulie. Culte rendu aux saints. Culte d'hyperdulie. Culte rendu à la Sainte Vierge. Cf. auxiliateur, ex. 1 :
3. Le majestueux Mahométan, si noblement hospitalier, trouve naturel de punir de mort ce qu'il nomme idolâtrie, et notamment la Trinité de nos théologiens, le culte de la Vierge, les autels dressés à tel saint ou à tel autre. Alain, Propos,1931, p. 1041.
Au fig. Vénération très profonde portée à une personne, à une chose. Vouer un culte à qqn. Le culte d'adoration que Racine voue à Louis XIV n'est limité par rien, sauf par Port-Royal (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 148):
4. Le besoin de se soustraire à la tyrannie du temps et de se dissoudre dans l'extase répond chez lui [Baudelaire] à ce goût de l'infini et à ce culte de la beauté qu'il n'a cessé d'associer jusqu'au moment de ses dernières tortures spirituelles et morales. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 380.
Culte de la personnalité. Vénération excessive manifestée par une collectivité à l'image d'un chef politique, au détriment des intérêts de cette collectivité.
Poét. Se vouer au culte des Muses. S'adonner aux belles-lettres, à la poésie :
5. L'auteur d'Épicharis, d'Abel, du Mérite des femmes, enlevé avant le tems au culte des Muses, emporte leurs regrets et vivra dans leur souvenir. Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 2, 1812, p. 392.
SYNT. a) Le culte des ancêtres, des héros, des morts; le culte de la cité, de la famille, de la patrie, de la tribu; le culte de la terre (cf. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 156); le culte de l'amitié, de l'art, de la force, de l'honneur, de la raison. b) Le culte de l'argent (Rob.), des idoles.
B.− P. méton.
1. Ensemble des formes extérieures, des manifestations collectives par lesquelles l'homme honore Dieu et, éventuellement, les saints. Cf. affectation3, ex. 3.
Ministre du culte. Personne officiellement assignée aux célébrations liturgiques :
6. Tout ce qu'on demande aux ministres du culte, c'est de remplir, à cet égard comme à tous les autres, les intentions de Jésus-Christ. Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 2, 1817, p. 443.
Objets du culte. Objets destinés aux célébrations liturgiques.
En partic.
a) CATHOLICISME
Congrégation pour le culte divin. Congrégation fondée par Paul VI le 8 mai 1969 pour l'aménagement des nouveaux rites liturgiques.
Denier du culte. Contribution volontaire des fidèles à l'entretien de leurs prêtres, instaurée en France en 1905.
b) PROTESTANTISME. Office religieux protestant. Le pasteur, souffrant, n'a pu présider le culte (Davau-Cohen1972) :
7. Il tenait l'harmonium, le dimanche matin, au culte de la rue Madame où prêchaient tour à tour M. Hollard et M. de Pressensé, un vieux pasteur sénateur... Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 495.
2. P. ext.
a) Religion en tant qu'exprimée, manifestée, confession religieuse; cérémonial pratiqué dans telle ou telle confession religieuse. Temple protestant du culte évangélique anglican (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 177).Obsèques célébrées selon le culte catholique (Davau-Cohen1972) :
8. Il y a là tout un ensemble de prescriptions légales qui font ressembler le culte musulman à celui du catholicisme, ou du judaïsme talmudique, et l'éloignent radicalement du culte protestant, dont la valeur est purement intérieure et ne peut jamais se mesurer par des éléments extérieurs. G.-H. Bousquet, Les Grandes pratiques rituelles de l'Islam,1949, p. 112.
DR. La liberté des cultes. La liberté des cultes n'est pas illimitée. Elle est restreinte, dans l'intérêt de l'ordre public (Réau-Rond.1951).Le ministre des cultes (avant 1905, date de la séparation des Églises et de l'État).
b) Religion en général. Renoncer, revenir, retourner au culte de ses pères (Ac. 1835-1932). Il ne pratique, il ne suit aucun culte (Ac. 1835-1932). Cf. abhorrer, ex. 9 :
9. L'Islamisme est le culte le plus immobile et le plus obstiné : il faut bien que les peuples qui le professent périssent, s'ils ne changent de culte. Vigny, Le Journal d'un poète,1840, p. 1141.
Prononc. et Orth. : [kylt]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [1532 d'apr. Bl.-W3-5]; 1570 culte « hommage religieux rendu à une divinité ou à un saint » (Gentian Hervet, Cité de Dieu, I, 276 ds Hug.); 1592 cult « ensemble des pratiques par lesquelles l'homme honore Dieu » (Du Vair, Actions et traictez oratoires, Exhort. à la Paix, p. 66 ds Hug.); 1835 liberté des cultes (Ac.); 2. av. 1690 fig. « vénération vouée à quelqu'un (ou quelque chose) » (Boursaut ds Fur.); 1812 culte des Muses, supra ex. 5; 3. 1835 « religion, confession » (Ac.); 4. 1897 fr. région. de Suisse romande « office protestant » (W. Pludhun ds Pat. Suisse rom.); 1924, supra ex. 7. Empr. au lat. class. cultus proprement « action de cultiver, de soigner » spéc. « action d'honorer [dieux, parents] ». Fréq. abs. littér. : 3 653. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 607, b) 7 517; xxes. : a) 4 459, b) 3 186. Bbg. Giraud (J.), Pamart (P.), Riverain (J.). Mots ds le vent. Vie Lang. 1970, p. 49. − Gohin 1903, p. 259.

Wiktionnaire

Nom commun - français

culte \kylt\ masculin

  1. (Religion) Honneur que l’on rend à la divinité par des actes de religion.
    • L'histoire du culte de saint Bond à Sens, à Paris et dans le diocèse de Soissons, de même que l'histoire de ses reliques, ont fait l’objet d'un long développement en 1867 de la part des bollandistes, travail nécessitant une actualisation. — (Pierre Glaizal & Étienne Dodet, L'ermitage Saint-Bond à Paron; la légende et l'histoire, société archéologique de Sens, 2006, page 40)
    • Le culte zoroastrique, organisé par une caste de prêtres au pouvoir quasi souverain, consistait en purifications qui se déroulaient autour du feu sacré. — (Claude Meyers, Mythologies, histoires, actualités des drogues, L'Harmattan, 2007, page 144)
    • L'instruction très complète, à laquelle cette affaire a donné lieu, a permis de vérifier que l'église de Grisy-Suisnes se trouvait dans le cas prévu par l'article 13 § 2, de la loi du 9 décembre 1905, d'après lequel la désaffectation d'un édifice du culte peut être prononcé par décret en Conseil d’État lorsque le culte a cessé d'y être célébré pendant plus de six mois consécutifs. — (Jean-Pierre Chantin & ‎Daniel Moulinet, La séparation de 1905: les hommes et le lieux, Éditions de l'Atelier, 2005, page 32)
  2. Religion.
    • Les desservants peuvent, désormais, disparaître ; le peuple tiendra. […]. Il tiendra, car, de son sein, des chefs surgissent qui organisent un nouveau culte. — (Auguste Billaud, La Petite Église dans la Vendée et les Deux-Sèvres, 1800-1830, page 594, Nouvelles Éditions Latines, 1961)
    • Il faut ensuite établir la relation exacte, au sein même de la réforme protestante, entre le culte réformé par Bucer et le culte réformé, une seconde fois, par Marbach et Pappus. — (René Bornert, La réforme protestante du culte à Strasbourg au XVIe siècle: (1523-1598), E.-J. Brill, 1981, p.4)
    • Ainsi parlait Hérodote des Sassanides, soulignant la particularité du zoroastrisme, culte officiel de l’État perse de l'époque : son monothéisme. — (Célian Macé, Ainsi parlait le zoroastrien, dans Libération (journal), du 3 août 2012, p.IV)
    1. (En particulier) Religion peu ou pas reconnue.
      • Culte des fétiches, fétichisme.
      • Culte druidique, druidisme.
  3. (Figuré) Grande admiration, vénération ou tendresse profonde.
    • Depuis les Hervieu, les Bernstein, les Marguerite[sic], les Paul Adam, les Pierre Louys et leur séquelle de journalistes caudataires, prêchèrent l'émancipation sexuelle, le bris des tenailles et le culte d'Aphrodite. — (Abbé Paul Buysse, Vers la Foi catholique : L’Église de Jésus, 1926, page 188)
    • Le culte de l’ancêtre doit beaucoup à l’intérêt commercial. En se proclamant descendants de l’inventrice du camembert, les petits-enfants de Marie Harel s’attribuaient un label d’authenticité et de tradition. — (Pierre Boisard, Le Camembert, mythe français, Éditions Odile Jacob, 2007)
    • Avoir le culte du drapeau, le culte de la patrie, le culte de la tradition.

Adjectif - français

culte \kylt\ masculin et féminin identiques, singulier et pluriel identiques

  1. Qui a, ou a eu, un grand succès auprès d’un certain public et est devenu presque légendaire
    • [Titre] Les secrets de fabrication de la série culte « Le Bureau des légendes » — (Samuel Blumenfeld, Les secrets de fabrication de la série culte « Le Bureau des légendes », Le Monde. Mis en ligne le 11 octobre 2018)
    • En fin de compte, qu’est-ce qu’un film « culte », sinon un film décrété tel par quelques apôtres de la branchitude ? — (Chronique du film L’Attaque de la moussaka géante', site Nanarland.com)
    • Décors éblouissants, costumes merveilleux, rythmes inspirés, ballets étourdissants et chansons culte, elles offrent des possibilités infinies qui ont poussé les plus grands artistes à se saisir de ce genre à part entière. — (Isabelle Wolgust, Dictionnaire de la comédie musicale. Description. Quatrième de couverture., site Franceculture.fr)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CULTE. n. m.
Honneur qu'on rend à la divinité par des actes de religion. Culte divin. Culte religieux. Le culte du vrai Dieu. Le culte des faux dieux. Le culte de Jupiter. Le culte public. L'exercice du culte. Les cérémonies du culte. Les différents cultes. La liberté des cultes. Interdire, abolir, rétablir un culte. Il se dit aussi de l'Honneur que l'on rend à la Vierge et aux saints. Le culte extérieur, Les cérémonies religieuses qui se pratiquent en public, par opposition au Culte intérieur, Celui qui est rendu à Dieu par chaque chrétien au-dedans de lui-même. En termes de Théologie, Culte de latrie de dulie, d'hyperdulie. Voyez ces mots. Il se prend quelquefois pour Religion. Changer de culte. Renoncer, revenir, retourner au culte de ses pères. Il ne pratique, il ne suit aucun culte. Il se dit aussi figurément d'une Grande admiration, d'une vénération ou même d'une tendresse profonde. Cet enfant a un culte pour sa mère. Ils ont voué un culte à sa mémoire. Avoir le culte du drapeau, le culte de la patrie, le culte de la tradition.

Littré (1872-1877)

CULTE (kul-t') s. m.
  • 1Honneur qu'on rend à la divinité. Le culte du vrai Dieu. Le culte divin. Les théologiens distinguent trois sortes de culte : celui de latrie qui n'appartient qu'au souverain être ; celui de dulie, qui se rend aux saints ; et celui d'hyperdulie qu'on doit à la sainte Vierge. La réponse des Juifs était aisée : Les illusions des magiciens n'ont jamais un effet durable, ni ne tendent à établir, comme a fait Moïse, le culte du Dieu véritable et la sainteté de vie, Bossuet, Hist. II, 12. Quel est cet aveuglement dans une âme chrétienne, et qui le pourrait comprendre, d'être incapable de manquer aux hommes et de ne craindre pas de manquer à Dieu ; comme si le culte de Dieu ne tenait aucun rang parmi les devoirs, Bossuet, Anne de Gonz.
  • 2Dans les religions polythéistiques, honneurs qu'on rend aux dieux. Le culte des idoles, des faux dieux. Les Chinois rendent à leurs ancêtres une espèce de culte. Qui oserait raconter les cérémonies des dieux immortels et leurs mystères impurs ? Leurs amours, leurs cruautés, leurs jalousies et tous leurs autres excès étaient le sujet de leurs fêtes, de leurs sacrifices, des hymnes qu'on leur chantait, et des peintures que l'on consacrait dans leurs temples ; ainsi le crime était adoré et reconnu nécessaire au culte des dieux, Bossuet, Hist. II, 5. Platon, qui voyait la Grèce et tous les pays du monde remplis d'un culte insensé et scandaleux, ne laisse pas de poser comme un fondement de sa république, qu'il ne faut jamais rien changer dans la religion qu'on trouve établie et que c'est avoir perdu le sens que d'y penser, Bossuet, ib. Ces enseignes étaient aux soldats un objet de culte, Bossuet, ib. II, 9. Il se mêlait de la politique dans les honneurs qu'ils [les païens] rendaient à Jésus-Christ : ils prétendaient qu'à la fin les religions s'uniraient et que les dieux de toutes les sectes deviendraient communs ; les chrétiens ne connaissaient pas ce culte mêlé et ne méprisèrent pas moins les condescendances que les rigueurs de la politique romaine, Bossuet, Hist. II, 12. Ne descendez-vous pas de ces fameux lévites Qui, lorsqu'au dieu du Nil le volage Israël Rendit dans le désert un culte criminel…, Racine, Ath. IV, 3.

    Fig. Se vouer au culte des muses, s'adonner à la poésie, aux arts libéraux.

  • 3Religion considérée dans ses manifestations extérieures. Interdire, abolir, rétablir un culte. La liberté des cultes. Après avoir marqué que les Romains avaient honoré les dieux sans statues pendant plus de 170 ans, Varron ajoute que, si l'on avait conservé cette coutume, le culte des dieux en serait plus pur et plus saint, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. II, p. 442, dans POUGENS. Moins un culte est raisonnable, plus on cherche à l'établir par la force, Rousseau, Lettre à l'arch. de Paris. Ne confondons point le cérémonial de la religion ; le culte que Dieu demande est celui du cœur, et celui-là, quand il est sincère, est toujours uniforme, Rousseau, Ém. IV. Je lui dirai le culte où mon cœur est lié, Voltaire, Zaïre, V, 3. Pour un de ces tyrans que notre culte abhorre, Voltaire, Tancr. II, 6.

    Le culte extérieur, les cérémonies qui se pratiquent au dehors des temples. La religion des Natchez se bornait à l'adoration du soleil ; mais cette croyance était accompagnée de beaucoup de culte, et, par conséquent, suivie de mauvais effets, Raynal, Hist. phil. XVI, 7.

    Le culte domestique, les prières, les lectures pieuses, etc. qui se font en commun dans la famille.

  • 4 Par extension, vénération profonde. Ils rendaient à sa mémoire une sorte de culte. Impatient des cultes qu'on rend à la fortune d'un ministre, Hamilton, Gramm. 5. Fagon aimait en tout la médecine jusqu'au culte, Saint-Simon, 11, 158. Oui, j'eus pour Scipion Ce culte qu'il est doux d'accorder au génie, Chénier M. J. Gracques, II, 3. Eh ! qui pourrait compter tous les cultes divers Qui font de l'intérêt le dieu de l'univers ? Delille, Imag. VIII.

REMARQUE

Vaugelas observe que culte est fort nouveau dans la langue ; que Coeffeteau n'en a jamais usé, le rejetant à cause de sa rudesse et de la mauvaise équivoque, et que plusieurs personnes de la cour, hommes et femmes, le condamnent et ne le peuvent souffrir ; mais pourtant qu'il est employé par les meilleurs écrivains, Bossuet, Bourdaloue, Fléchier, etc. Culte a heureusement triomphé de tous ces obstacles.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Encyclopédie, 1re édition (1751)

CULTE, s. m. (Théol. Morale, Droit nat.) hommage que nous devons à Dieu parce qu’il est notre souverain maître. On distingue deux sortes de culte, l’un intérieur, & l’autre extérieur : l’intérieur est invariable, & de l’obligation la plus absolue ; l’extérieur n’est pas moins nécessaire dans la société civile, quoiqu’il dépende quelquefois des lieux & des tems.

Le culte intérieur réside dans l’ame ; la pente naturelle des hommes à implorer le secours d’un Etre suprème dans leurs calamités, l’amour & la vénération qui les saisissent en méditant sur les perfections divines, montrent que le culte intérieur est une suite des lumieres de la raison, & découle d’un instinct de la nature. Il est fondé sur l’admiration qu’excite en nous l’idée de la grandeur de Dieu, sur le ressentiment de ses bienfaits, & sur l’aveu de sa souveraineté : le cœur pénétré de ces sentimens, les exprime par la plus vive reconnoissance & la plus profonde soûmission. Voilà les offrandes & les sacrifices dignes de l’Etre suprème ; voilà le véritable culte qu’il demande & qu’il agrée : c’est aussi celui que vouloit rétablir dans le monde J. C. quand la femme samaritaine l’interrogeant si c’étoit sur la montagne de Sion ou sur celle de Séméron qu’il falloit adorer : le tems viendra, lui dit-il, que les vrais adorateurs adoreront en esprit & en vérité. C’est ainsi qu’avoient adoré ces premiers peres du genre humain qu’on appelle patriarches. Debout, assis, couchés, la tête découverte ou voilée, ils loüoient Dieu, le bénissoient, lui protestoient leur attachement & leur fidélité ; la divinité étoit sans cesse & en tous lieux présente à leur esprit, ils la croyoient par-tout : toute la surface de la terre étoit leur temple ; la voûte céleste en étoit le lambris. Ce culte saint & dégagé des sens, ne subsista pas long-tems dans sa pureté ; on y joignit des cérémonies, & ce fut là l’époque de sa décadence. Je m’explique.

Les hommes justement convaincus que tout ce qu’ils possédoient appartenoit au maître de l’univers, crurent devoir lui en consacrer une partie pour lui faire hommage du tout : de-là les sacrifices, les libations, & les offrandes. D’abord ces actes de religion se pratiquoient en plaine campagne, parce qu’il n’y avoit encore ni villes, ni bourgades, ni bâtimens : dans la suite, l’inconstance de l’air & l’intempérie des saisons en fit naître l’exercice dans des cavernes, dans des antres, ou dans des huttes construites exprès ; de-là l’origine des temples. Chacun au commencement faisoit lui-même à Dieu son oblation & son sacrifice ; ensuite on choisit des hommes qu’on destina singulierement à cette fonction ; de-là l’origine des prêtres. Les prêtres une fois institués, étendirent à vûe d’œil l’appareil du culte extérieur ; de-là l’origine des cérémonies : ils inventerent des jeux, des danses, que le peuple confondit avec la religion ; ce qui n’en étoit que l’ombre & l’écorce, en parut l’essentiel ; il n’y eut plus qu’un petit nombre de sages qui en conservassent l’esprit.

Cependant l’origine du culte extérieur étoit très pure & très-innocente : les premiers hommes se flatoient par des cérémonies significatives de produire dans le cœur les sentimens qu’elles exprimoient : il en arriva tout autrement ; on prit les symboles pour la chose même ; on ne fit plus consister la religion que dans les sacrifices, les offrandes, les encensemens, &c. & ce qui avoit été établi pour exciter ou affermir la piété, servit à l’affoiblir & à l’éteindre. Comme les lumieres de la raison ne dictoient rien de précis sur la maniere d’honorer Dieu extérieurement, chaque peuple se fit un culte à sa guise : de ce partage naquit un affreux desordre, également contraire à la sainteté de la loi primitive & au bonheur de la société : les différentes sectes que forma la diversité du culte, conçurent les unes pour les autres du mépris, des animosités, & de la haine ; de-là les guerres de religion qui ont fait couler tant de sang.

Mais de ce qu’il y a d’étranges abus dans la pratique du culte extérieur, s’ensuit-il que le culte de cette espece soit à rejetter ? Non sans doute, parce qu’il est loüable, utile, & très-avantageux ; parce que rien ne contribue plus efficacement au regne de la piété, que d’en avoir sous les yeux des exemples & des modeles. Or ces exemples & ces modeles ne peuvent être tracés que par des actes extérieurs de religion, & des démonstrations sensibles qui les présentent. Il est certain que l’abolition d’un culte extérieur nuiroit directement au bien de la société humaine en général, & à celui de la société civile en particulier, quand même le culte intérieur ne seroit pas éteint. J’avoue que comme Dieu est suffisant à lui-même, tous nos hommages n’ajoûtent rien à sa gloire ; cependant ils servent à nous mettre en état de nous mieux acquiter de nos autres devoirs, & de travailler ainsi à notre propre bonheur. En un mot, la nécessité des actes d’un culte extérieur, quoiqu’on en ait malheureusement abusé, est néanmoins fondée sur la nature même de l’homme & sur l’intérêt de la société. Cette société est faite de maniere qu’il ne paroît pas qu’une religion purement spirituelle y fût d’un grand usage, parce que tous les hommes ne sont pas également capables de connoître ce qu’ils doivent à Dieu, ni également soigneux de le pratiquer ; ensorte que la plûpart d’entr’eux ont absolument besoin d’y être portés par les instructions & par l’exemple des autres. De simples discours seroient insuffisans pour les ignorans & pour le peuple, c’est-à dire pour la plus grande partie du genre humain ; il faut des objets qui frappent les sens, qui réveillent l’attention ; il faut des signes & des marques représentatives perpétuellement renouvellées, sans quoi l’on oublieroit aisément la Divinité.

Enfin on ne peut se dispenser des actes d’un culte extérieur, que dans de certains tems & dans certains cas rares ; par exemple, lorsqu’on s’exposeroit en les exerçant à quelque grand mal, & lorsque d’ailleurs leur omission n’emporte aucune abnégation de la religion, ni aucun indice de mépris pour la Majesté divine. Si le sage est citoyen de toutes les républiques, il n’est pas le prêtre de tous les dieux ; il ne doit ni abjurer le culte de religion qu’il approuve dans l’ame, ni troubler celui des autres : si leur culte paroît à ses yeux mêlé de pratiques superstitieuses & blâmables, il réprouve cet alliage impur, plaint l’ignorance de ceux qui l’adoptent, & tâche de les éclairer, sans oublier jamais que la persécution est un fruit du fanatisme & de la tyrannie, que la religion réprouve.

Au reste toutes les nations chrétiennes pratiquent soigneusement un culte extérieur de religion ; & suivant le génie de chacune, la pratique de ce culte s’exerce avec plus ou moins de pompe & de simplicité, avec des démonstrations de pénitence ou d’allégresse plus ou moins sensibles. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner les divers cultes du Christianisme qui subsistent de nos jours, & d’en peser les avantages ou les défauts ; il nous suffira de dire que le plus raisonnable, le plus digne de l’homme, est celui qui en général est le plus éloigné de l’enthousiasme & de la superstition.

Le culte rendu au vrai Dieu seul, s’appelle latrie ; ce même culte transporté du Créateur aux créatures, s’appelle idolatrie. Voyez Latrie & Idolatrie. Les Catholiques nomment culte d’hyperdulie celui qu’ils rendent à la Vierge, & dulie celui qu’ils rendent aux autres Saints. Voyez Dulie & Hyperdulie. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Wikisource - licence Creative Commons attribution partage dans les mêmes conditions 3.0

Étymologie de « culte »

Lat. cultus, de cultum, supin de colere, cultiver.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

(Nom commun) (XVIe siècle) Du latin cultus (« action de cultiver », spécialement : « action d'honorer (les dieux, les parents) »), dérivé de colere (« cultiver »).
(Adjectif) De anglais cult (« secte »)[1][2].
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « culte »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
culte kylt

Fréquence d'apparition du mot « culte » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « culte »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « culte »

  • Le meilleur remède contre la vie quotidienne, c’est le culte du quotidien, dans sa fluidité.
    Frédéric Beigbeder — Mémoires d’un jeune homme dérangé
  • La religion, comme l'art, est par-dessus tout un culte désintéressé.
    François Hertel — Le beau risque
  • Quand la nudité rend au corps un culte pur, c'est la chair qui est humiliée.
    Eugenio d’Ors Y Rovira — Les Idées et les formes
  • Ayez le culte de l'esprit critique.
    Louis Pasteur
  • La religion sans la conscience morale n'est qu'un culte superstitieux.
    Emmanuel Kant — Réflexions sur l'éducation
  • Il est plus facile d'élever un temple que d'y faire descendre l'objet du culte.
    Samuel Beckett — L'Innommable, Éditions de Minuit
  • Glorifier le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion).
    Charles Baudelaire — Mon cœur mis à nu
  • La presse étant un sacerdoce, il faut bien pourvoir aux frais du culte.
    Émile Augier — Les Effrontés, III, 3, le marquis , Michel Lévy
  • C'est insane idolâtrie qu'un culte l'emporte en grandeur sur le dieu.
    William Shakespeare — Troïlus and Cressida, II, 2, Hector
  • Le culte des héros c'est le culte de la veine.
    Louis Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand Céline — Bagatelles pour un massacre, Denoël
Voir toutes les citations du mot « culte » →

Images d'illustration du mot « culte »

⚠️ Ces images proviennent de Unsplash et n'illustrent pas toujours parfaitement le mot en question.

Traductions du mot « culte »

Langue Traduction
Anglais worship
Espagnol adoración
Italien culto
Allemand anbetung
Chinois 崇拜
Arabe عبادة
Portugais adoração
Russe поклонение
Japonais 崇拝
Basque gurtza
Corse venerazione
Source : Google Translate API

Synonymes de « culte »

Source : synonymes de culte sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « culte »

Combien de points fait le mot culte au Scrabble ?

Nombre de points du mot culte au scrabble : 7 points

Culte

Retour au sommaire ➦

Partager