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Compter

Définitions de « compter »

Trésor de la Langue Française informatisé

COMPTER, verbe.

I.− Emplois trans.
A.−
1. Déterminer une valeur ou une grandeur numérique par un calcul ou une suite de calculs, ou, le plus souvent, par une énumération, un dénombrement. Compter son argent. J'essayai de m'endormir en comptant des moutons (Maurois, Climats,1928, p. 105).Le garçon comptait et recomptait son addition (Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 384):
1. Sous prétexte d'être fidèle au mécanisme philosophique, préférer, en physique, les modèles mécaniques à des exposés mathématiques, serait aussi enfantin que de vouloir compter les objets en calculant sur ses doigts au lieu de faire une opération avec des chiffres, sous prétexte que l'on n'accepte pas la conception idéaliste du nombre. Ruyer, Esquisse d'une philos. de la struct.,1930, p. 231.
a) [Le verbe est suivi d'une complétive ou d'une interr. indir.] On ne saurait compter combien de désastres auraient pu être épargnés à la France, si ce parti de jeunes gens se fût réuni avec les modérés (Mmede Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 1, 1817, p. 240):
2. La fenêtre lui ayant enfin donné tout ce qu'il attendait d'elle, il revint sur la chaise longue. Largilier compta que c'était la quatrième fois qu'il se déplaçait ainsi. Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 480.
b) Emploi pronom.
Passif :
3. Il y a du temps dans l'éternité même; mais ce n'est pas un temps terrestre et mondain, qui se compte par le mouvement et la succession des corps; ... J. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 330.
Réfléchi. Ne recommençons pas la pagaille. Comptez-vous par dix (Malraux, L'Espoir,1937, p. 486).
c) Emploi abs. Elle avait dix-huit ans et un mois. Je comptai sur mes doigts et trouvai qu'elle ne serait pas majeure avant deux ans et onze mois (A. France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 454).Je compte : 1903 moins 69. Cela fait 1834 (Léautaud, In memoriam,1905, p. 186).
Spécialement
Énumérer la suite des nombres entiers. Les petites filles qui veulent apprendre à compter jusqu'au milliard (Giraudoux, Intermezzo,1933, II, 1, p. 85).Je compte jusqu'à 3. 1... 2... 3... (Camus, Révolte dans les Asturies,1936, II, 4, p. 419).
À compter de. En prenant comme début, à partir de. Qu'on ne tire rien sans mon « bon », à compter de la feuille 16 inclusivement que j'ai (Balzac, Correspondance,1838, p. 501).C'est à compter du quinzième siècle que nous rencontrons, non plus des chanteurs ambulants, mais de vrais écrivains (A. France, La Vie littér.,t. 1, 1888, p. 50).
Faire des comptes d'argent. Il [Graslin] voulut compter avec la cuisinière, il entra dans les minuties de la dépense (Balzac, Le Curé de village,1839, p. 44).Rare. Compter de :
4. Ne vous donnez nul souci de ces quatre cents francs; je les donnerai le mois prochain à Lisette, et, à notre première rencontre, nous en compterons. Balzac, Lettres à l'Étrangère,t. 2, 1850, p. 450.
Savoir compter. Savoir veiller à ses intérêts.
Vieilli. Compter sans son hôte. Ne pas prendre en considération l'avis d'une personne avec laquelle on est en relations d'affaires, au risque d'essuyer un mécompte; p. ext. se tromper. Qui compte sans son hôte, compte deux fois :
5. ... elle [Jeanne] avait fait raser ses magnifiques cheveux (...) elle espérait que ce pénible sacrifice (...) lui en épargnerait de plus pénibles encore. Elle avait compté sans son hôte. M. de Maurescamp (...) trouva que cette coiffure de petit soldat lui prêtait quelque chose d'original et de piquant. O. Feuillet, L'Histoire d'une Parisienne,1881, pp. 29-30.
d) Loc. proverbiales
Brebis comptées, le loup les mange (vx). L'excès de précautions peut être funeste.
Compter (tous) les pas de qqn. Surveiller quelqu'un très attentivement.
Compter les clous de la porte (fam.). Attendre devant une porte fermée. Il la prend par la main, la ramène jusque sur les marches. Maintenant, compte les clous de la porte, tu sauras combien il y en a (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 133).
Compter les points, les coups. Assister sans intervenir à une discussion, une lutte. MM. Philip et Gazier menèrent l'attaque avec passion, soutenus par les applaudissements de leurs collègues socialistes; les radicaux comptant les coups (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 279).
e) Littér. [La chose à dénombrer est quantifiable par suite d'une décision de la pers. qui compte] L'heure où l'on compte ses fatigues, où l'on regarde avec épouvante les gerçures de sa peau (Flaubert, Correspondance,1853, p. 342).
Emploi abs. Compter avec soi-même. Examiner sa conduite, se fournir des explications :
6. Son premier projet [de l'auteur] (...) était de donner l'œuvre toute seule au public (...). C'est après l'avoir dûment close et terminée, qu' (...) il s'est déterminé à compter avec lui-même dans une préface... Hugo, Préf. de Cromwell,1827, p. 36.
Emploi pronom. passif. Toute une ville se repent pour lui [Égisthe]. Ça se compte au poids, le repentir (Sartre, Les Mouches,1943, I, 1, p. 18).
2. Spécialement
a) [Le compl. d'obj. désigne une unité de temps] Dénombrer les unités écoulées en trouvant le temps long. Tout le monde bâille en comptant les heures qui jamais ne finissent (E. de Guérin, Journal,1835, p. 80).Trois jours s'écoulèrent, soixante-douze mortelles heures comptées minute par minute! (A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 173).Scott comptait les jours quand il était dans la tranchée : or celui-ci était le premier de dix (Maurois, Les Silences du colonel Bramble,1918, p. 86).
b) [Le compl. d'obj. désigne une somme d'argent] Déterminer sa valeur pour la payer et, p. méton., la payer. Veuillez (...) me compter la somme convenue (Nerval, Petits châteaux de Bohême,1853, p. 32).Le monsieur, alors, l'a prié de signer un billet et lui a compté autant d'argent qu'il en a voulu (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 98).Il n'était point d'homme un peu raisonnable qui voulût compter monnaie à une vertu d'aussi piètre ragoût (Aymé, Le Vaurien,1931, p. 91).
c) Déterminer la valeur d'une chose pour la faire payer à quelqu'un. Vous m'avez compté le mètre de terrain à deux cent cinquante francs (Zola, La Curée,1872, p. 358).Oh! On la connaît! On lui comptera du brut et on nous servira du mousseux (Anouilh, La Sauvage,1938, I, p. 149).
d) Attribuer, utiliser avec parcimonie. Il lui mesurait le vin, il lui pesait la viande, il lui comptait le sommeil (Hugo, L'Homme qui rit,t. 2, 1869, p. 6).Le rêve est à la terre dont les jours sont comptés, la réalité est à l'éternel (O.-V. Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 244).Que ne pouvons-nous, sans compter notre temps, ouvrir le dossier? (Barrès, Le Génie du Rhin,1921, p. 57).
Emploi abs. :
7. Il n'a pas simplement emprunté aux mystiques allemands de nombreuses expressions, puisant sans compter dans l'immense richesse de leur admirable vocabulaire; ... Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 88.
Spéc. [Le compl. d'obj. sous-entendu désigne de l'argent, des biens matériels] Le music-hall (...) fit (...) de moi, tout étonnée de compter, de débattre et de marchander, une petite commerçante honnête et dure (Colette, La Vagabonde,1910, p. 35).Elle recevait à ravir avec beaucoup d'aisance, et dépensait sans compter son énorme fortune (Gyp, Souvenirs d'une petite fille,1928, p. 222).
Locutions
Compter les morceaux à/de qqn. (vieilli). Le réduire à la portion congrue.
Compter ses pas. Marcher lentement. Au fig. Agir avec circonspection.
e) Indiquer, marquer.
Vx, littér. [Le suj. désigne une pers.] Cet homme, puissant à briser les obstacles, Comptait depuis longtemps ses jours par des miracles (A. Dumas Père, Caligula,1837, I, 2, p. 42).
[Le suj. désigne une chose] La lampe à huile compte goutte à goutte les secondes (Colette, L'Ingénue libertine,1909, p. 1).La trotteuse qui compte les secondes, bonds par bonds (A. Arnoux, Visite à Mathusalem,1961, p. 15):
8. Les campanes de Venise Et les cloches de Moscou, l'horloge de la Porte-Rouge qui me comptait les heures quand j'étais dans un bureau... Cendrars, Du Monde entier au cœur du monde,Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, 1913, p. 48.
3. P. ext.
a) [Le compl. d'obj. fait partie d'un ensemble dénombrable] Inclure dans un ensemble, un total. Une facture de deux cent soixante-et-dix francs sans compter les centimes (Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 28).Ces gars-là, en février, étaient deux ou trois mille si l'on compte les communistes (Malraux, La Condition humaine,1933, p. 237).
Emploi pronom.
Passif. Dès l'an neuf cent, les Laginski se comptaient parmi les familles illustres du Nord (Balzac, La Fausse maîtresse,1841, p. 8).
Réfl. Quand il faut donner la pâtée à une famille de sept personnes, sans se compter, il y a du tirage! (Sue, Les Mystères de Paris,1842-43, p. 122).
b) Au fig., littér. Prendre en considération, tenir compte. Le forfait/N'est pas toujours compté pour celui qui le fait (A. Dumas Père, Christine,1830, 6, p. 300).Un effort qui, je l'espère me sera compté par vous (Colette, Claudine s'en va,1903, p. 105).
[Le verbe est suivi d'une complétive] Elle [la princesse] n'eut alors que vingt ans! Mais comptez qu'elle s'était préparée à cette heure de comique mensonge avec un art inouï dans sa toilette (Balzac, Les Secrets de la princesse de Cadignan,1839, p. 349).
Cour. Sans compter que :
9. On remarquera enfin que le rouge et la poudre, de même que les ornements plus primitifs, comme tatouages ou plumes, ont pour effet de dissimuler et d'affaiblir la plupart des mouvements de la physionomie, sans compter qu'ils obligent aussi à les retenir; ainsi naît l'expression, toujours composée. Alain, Système des beaux-arts,1920, p. 63.
Emploi abs., cour. Compter avec qqn, qqc.L'armée hollandaise (...) représente une force avec laquelle toute puissance militaire (...) doit compter (Jaurès, L'Armée nouvelle,1911, p. 493):
10. Le pouvoir de tous ne compte avec personne, le pouvoir d'un seul est obligé de compter avec les sujets, avec les grands comme avec les petits. Balzac, Sur Catherine de Médicis,1843, introd., p. 11.
[Le compl. est suivi d'un déterminant] La maladie à laquelle nous consentons, nous est comptée à crime, comme si nous l'avions provoquée et voulue (Amiel, Journal intime,1866, p. 415).[Il] avait laissé percer des opinions et des sentiments qui ne lui furent pas comptés pour bons (Gobineau, Les Pléiades,1874, p. 288):
11. Monsieur prend femme, c'est fort bien, Il la prend jeune et belle : Mais, comptant ses amis pour rien, Monsieur la prend fidèle. Béranger, Chansons,t. 1, Le Célibataire, 1829, p. 149.
12. ... l'homme qui paye bien n'a pas pour cela toutes les vertus, cela est certainement religieux, mais serait aisément compté comme irreligieux orgueil. Alain, Propos,1933, p. 1129.
En partic. Attribuer une grande valeur. Du Guet dont les opinions étaient fort comptées dans l'Oratoire (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 367):
13. ... je ne me vante pas d'avoir tenu le premier rang parmi les illustres, mais je n'ai pas non plus été relégué au dernier; on me compte; enfin je suis quelqu'un; mon opinion a du poids au club, ... Gobineau, Les Pléiades,1874, p. 82.
Emploi pronom. réfl. :
14. L'insouciance que j'avais de ma personne me trompa sur l'importance des faits : la plupart des hommes ont le défaut de se trop compter; j'ai le défaut de ne me pas compter assez : je m'enveloppai dans le dédain habituel de ma fortune; ... Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 621.
4. P. méton.
a) Avoir, comporter.
[Le suj. désigne une pers. ou un ensemble de pers. ou de choses relatives à des pers.] Clapart ne pouvait pas prétendre à une retraite, ne comptant point assez d'années de services au Trésor (Balzac, Un Début dans la vie,1842, p. 420).Ma cousine Éva (...) comptait dix-neuf ans (Jammes, Les Robinsons basques,1925, p. 173):
15. Papa était l'un des plus grands sirphidiens du monde. C'est, il est vrai, une corporation qui ne compte pas cent membres. H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 41.
Compter dans.Ces enfants mores de haut rang, princes sordides sous la djellaba bleue, qui comptent dans leur ascendance quelque chrétienne capturée (Montherlant, Les Bestiaires,1926, p. 425).Le parti autrichien (...) devait bientôt compter dans ses rangs le nouvel empereur (Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 167).
[Le compl. d'obj. est suivi d'un attribut] Si je le contredis, il me brisera. Et il compte ma sœur pour alliée (Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 470).
P. ext. [Le suj. désigne une chose] Trois corps de bâtiment comptant à chaque étage trente-huit fenêtres (Verlaine, Œuvres posthumes,t. 1, Souvenirs, 1896, p. 236).Le bourg ne comptait qu'une trentaine d'électeurs (Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 80).Une jeune futaie compte ordinairement de quarante à soixante ans (Pesquidoux, Le Livre de raison,1928, p. 21).
b) [Le suj. est un indéf.] Pouvoir compter. En un an, on compte quatorze cents meurtres à Gand (Taine, Philos. de l'art,t. 2, 1865, p. 3).Sur le côté ouest, on comptait d'abord trois tours, puis les deux tours de la porte (A. France, Vie de Jeanne d'Arc,t. 1, 1908, p. 126).
En partic.
Compter les os, les côtes (d'une pers., d'un animal très maigre). Un seul cheval! − Et pas beau. On lui compte les côtes (R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 351).
[Le compl. d'obj. désigne une chose rare, ou, avec l'emploi d'une négation, une chose abondante] :
16. Ces faux biens nous abusent; on ne recherche plus Dieu, parce qu'on ne voit pas qu'on est pauvre. On se croit riche parce qu'ils sont nombreux; on en a tant; on ne les compte plus... Il n'y a qu'un bien qui fasse riche : c'est Dieu. Gide, Journal,1891, p. 27.
Emploi pronom. passif :
17. La Providence, pour une fois, faisait bien les choses; cela lui arrive, exceptionnellement; ses ratages ne se comptent plus. A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 210.
B.− Au fig. Déterminer une valeur ou une grandeur numérique future, la probabilité de réalisation d'une chose espérée.
1. [Constr. nom.] Prévoir, s'attendre à. Je suis parti (...) pour le col de Bormes. Il faut compter six bonnes heures de chemin (H. Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 329):
18. Mais un enfant comprendrait qu'à partir de la seconde année l'affaire entre en pleine prospérité et que tout le monde achètera l'alcool Mazarakis-Meillan et Compagnie. Ce n'est donc pas dix mille, c'est trente mille litres par jour qu'il faut compter au minimum. Miomandre, Écrit sur de l'eau,1908, p. 83.
2. [Constr. verbale] Espérer, avoir l'intention de.
a) Compter que + complétive.Je compte que l'on me régalera à mon arrivée d'un trio piano, violon et cor de chasse (Flaubert, Correspondance,1858, p. 284).Je compte bien que vivre ne deviendra jamais pour moi une habitude (Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1356).
b) Compter + infinitive.J'ai découvert ce matin un cheval qui vaut de l'or (...) je compte le faire courir à Chantilly (E. Labiche, Le Misanthrope et l'Auvergnat,1852, 4, p. 143).Le sujet dont je compte vous entretenir cette année est l'histoire de l'art (Taine, Philos. de l'art, t. 1, 1865, p. 1).
Vx. Compter de + infinitive :
19. Ah! qu'ils ne reposent point leur confiance dans leurs bienfaits, ceux qui commandent à la terre! Qu'ils sèment, mais sans compter de recueillir. Chateaubriand, Fragments du Génie du christianisme primitif,1800, p. 218.
3. Emploi abs. Compter sur qqn, qqc.
a) Compter sur qqn.S'attendre à un comportement favorable de la part de quelqu'un, lui faire confiance. Ne pouvoir compter sur personne. J'ai compté sur vous pour me rendre un petit service (E. Labiche, Le Misanthrope et l'Auvergnat,1852, 4, p. 142):
20. C'est toujours la même histoire, dans la vie : il y a des gens sur qui l'on compte, et dont on a besoin, qui ne font pas leur devoir; de sorte que ceux qui continuent de faire le leur font figure de poires et paraissent être joués. Gide, Journal,1918, p. 648.
P. ext. Ça, question de nous en faire baver, on peut compter sur Simon (Aymé, Vogue la galère,1944, p. 161).
Par antiphrase, fam. Compte sur moi!
b) Compter sur qqc.S'attendre à, espérer. Compter sur l'aide, l'appui, la reconnaissance de qqn. Il [Riesener] remportait l'inquiétude d'avoir par trop compté sur ma bénignité (E. Delacroix, Journal,1854, p. 146):
21. − C'te ferme, vous n'voulez toujours point m'la vendre? − Pour ça, non. N'y comptez point. C'est dit, c'est dit, n'y r'venez pas. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Le Petit fût, 1884, p. 147.
Par antiphrase, fam. Compte là-dessus et bois de l'eau fraîche! :
22. Tu sais, il y en a qui disent aux pisseuses qu'ils veulent envoyer dinguer : je pars pour l'Algérie, bonsoir, mon andalouse, geins pas, je t'enverrai des dattes, − et intérieurement ils pensent : compte là-dessus, il pleut! Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 125.
II.− Emplois intrans.
A.− Être inclus dans un ensemble, un total. N'être plus là, compter au rang des cœurs cachés (Verlaine, Œuvres complètes,t. 2, Amour, 1888, p. 14):
23. Celui-là peut compter parmi les grands défunts, Car son bras a guidé la première carène À travers l'archipel des Jardins de la Reine... Hérédia, Les Trophées,1893, p. 114.
B.− Avoir une certaine importance. Paris est superbe. Les journées y comptent double pour la pensée et pour la vie (O. Feuillet, M. de Camors,1867, p. 260).Elle n'avait jamais compté pour rien dans sa famille (Maupassant, Une Vie,1883, p. 49).L'honneur est pour moi la chose qui compte le plus au monde (Aymé, Uranus,1948, p. 268):
24. Hugo se plaît à faire rimer deux sonorités diphtongues, l'une comptant pour deux syllabes, l'autre pour une. Gide, Journal,1949, p. 343.
Pop. Compter pour du beurre. N'avoir aucune importance, ne pas être pris en considération. « Ça compte pour du beurre », disent les enfants quand la vraie partie n'est pas encore commencée, quand on joue à l'essai (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 13).
[Sans déterm.] Avoir une grande importance. Je compte dans le pays; on me salue très bas quand je passe (Becque, La Parisienne,1885, III, 2, p. 319).Ces jours terribles, où nous savons tous que chaque geste compte, que chaque parole a son poids éternel (Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 474):
25. Les seuls livres qui comptent sont ceux dont on peut dire que l'auteur serait mort étouffé s'il ne les avait pas écrits. Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 190.
Rem. 1. On rencontre ds la docum. quelques ex. du part. passé adj. a) Vous êtes serré, ficelé, harnaché dans vos habits de bal; vous allez à pas comptés, regardant, observant (Balzac, Petites misères de la vie conjugale, 1846, p. 29). Je le savais bien, va, que c'était fini (...). Ah! pauvres jours comptés, qu'on n'a pas pu passer ensemble (A. Daudet, L'Évangéliste, 1883, p. 64) (cf. I A 2 d). b) Bien compté. Au moins. C'était quinze kilomètres bien comptés, au retour, avec deux mille kilos pour les cailloux seulement (Pesquidoux, Le Livre de raison, 1932, p. 76). Cf. de bon compte. 2. On rencontre ds la docum. a) Le subst. masc. compte-globules. Instrument qui compterait les globules. Le docteur avait eu le temps (...) de lire (...) le compte rendu (...) d'un mémoire qu'il avait présenté (...) au grand Congrès international d'Hygiène, sur un « compte-globules du sang » dont il était l'inventeur (Verne, Les 500 millions de la Bégum, 1879, p. 6). b) Le subst. masc. compte-paroles. Instrument qui compterait les paroles. MmeVernet continue. Elle a produit son effet et laisse tomber sa phrase comme avec un compte-paroles (Renard, L'Écornifleur, 1892, p. 245). c) Le subst. fém. compterie. Action de compter. J'adore beaucoup de vos pièces et non des moins hardies, dans l'envoyage faire foutre des rimes minutieuses et des compteries par trop sur les doigts (Verlaine, Correspondance [avec G. Kahn], 1887, p. 188).
Prononc. et Orth. : [kɔ ̃te], (je) compte [kɔ ̃:t]. Pour la non-prononc. de p, cf. compte. Ds Ac. 1694-1932. Homon. comté, conter. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 intrans. cunter « calculer » (Roland éd. J. Bédier, 2759); mil. xiies. trans. cunter « dénombrer, faire le compte de » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, CXLVI, 4); spéc. a) 1172-75 conter les jorz (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 2758-59); b) 1348 a compter du « à partir du » (S. Vinc. de Senlis, A. Oise, II, 653 ds Gdf. Compl.); c) 1680 compter les morceaux « mesurer avec parcimonie » (Rich.); 1669 en parlant du temps qui est imparti (Molière, Tartuffe, 1300); 2. 1115-30 cunter « comprendre (quelqu'un) dans un dénombrement » (Ph. de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 2114); 1172-75 le conter antre « le mettre au nombre de » (Chr. de Troyes, op. cit., 6098); av. 1778 compter qqc. « avoir, pouvoir justifier de » (Volt. ds Lav. 1820); 3. fin xiies. conter (son souper) « évaluer à un certain prix (aux fins de paiement) » (Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 5769); 1687 fig. compter qqc. à qqn (Boss., Louis de Bourbon ds Littré); 4. a) 1172-75 conter (qqc.) a « (le) considérer comme » (Chr. de Troyes, Chevalier Charrette, éd. W. Foerster, 2774); ca 1306 conter (qqc.) pour (G. Guiart, Royaux Lignages, éd. J.-A. Buchon, 6890); 1562 tout conté « tout considéré » (Calvin, Serm. sur le Deuter., 60 [XXVI, 623] ds Hug.); 1835 sans compter que (Ac.); b) ca 1280 ne conter rien a « ne faire aucun cas de » (G. d'Amiens, Escanor, 430 ds T.-L.); 1674 compter « faire cas de » (Corneille, Suréna, I, 1, vers 74); c) av. 1703 compter « avoir de l'importance, entrer en ligne de compte » (St. Evremont ds Boiste 1819); 1820 compter pour rien (Lav.); 1863 « être considéré » (Littré : Il compte parmi les hommes les plus habiles de sa profession); 5. [xiies. « avoir l'intention de » d'apr. FEW t. 2, p. 992b] 1685 (Sév., 975 ds Rob.); 6. 1220-25 conter « rendre compte » (G. de Cambrai, Barlaam et Josaphat, éd. H. Zotenberg et P. Meyer, 74, 24); qualifié de ,,vieilli`` par DG; 7. av. 1483 compter avec qqn « régler ses affaires avec lui » (Louis XI, Nouv. LXXIII ds Littré); av. 1758 « tenir compte de quelque chose (ou quelqu'un) » (Fonten., Marsigli, ibid.); 8. av. 1680 compter sur « se fier à » (Benserade, Rondeaux ds Rich.). Du lat. class. computare « compter, calculer, comprendre dans un compte; faire les comptes; calculer, être avare; faire entrer en ligne de compte; mettre au nombre de, considérer comme », b. lat. « avoir l'intention de ». La graphie étymol. compter (xiiies. d'apr. Bl.-W.1-5; 1317-40 Regist. du Parlem. ds Gdf. Compl.; fréquente à partir du xves.), s'est spécialisée au sens de « calculer », la graphie conter étant réservée au sens de « raconter », v. conter. Fréq. abs. littér. : 11 998. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 16 250, b) 17 178; xxes. : a) 16 108, b) 18 276.
DÉR.
Comptage, subst. masc.Action de compter. Radioactivité des solides déterminée par comptage de rayons α (Journal de chim. et de phys.,1936, p. 78).Les repérages de la présence de choses agglomérées dans un lieu sont utilement complétés par le dénombrement des quantités transportées d'un point vers un autre, ou le comptage des passages d'un objet en un point (Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 202). [kɔ ̃ta:ʒ]. Pour la non-prononc. de p, cf. compte. Ds Ac. 1694-1878. Homon. contage. 1resattest. 1415 droit de comptage (Rec. gén. des anc. lois fr., t. 8, p. 477) − 1567 comptage ds Barb. Misc. 9, no9; av. 1778 comptage « action de compter » (J.-J. Rouss. ds Lar. 19e); 1797 (Prieur, in Ann. de Chimie, xx, 230 ds Barb. Misc. 9, no9); de compter, suff. -age*. Fréq. abs. littér. : 1.
COMP. 1. Compte-fils, subst. masc. Petit instrument constitué d'une loupe surmontant une ouverture carrée, servant à compter les fils d'un tissu. Attesté ds la plupart des dict. gén. [kɔ ̃tfil]. Cf. compte. 1reattest. 1832 (Raymond); comp. de la forme verbale compte (de compter) et de fil*. 2. Compte-pas, subst. masc. Petit instrument servant à compter les pas effectués par celui qui le porte. Synon. odomètre, podomètre. Attesté ds la plupart des dict. gén. Dernière transcr. ds DG : kont'-pá. Pour la non-prononc. de p, cf. compte. Inv. (cf. compte). 1reattest. 1647 comtepas (Mersenne, in Chr. Huygens, Œuvr. compl., i, 74 ds Barb. Misc. 24, no4); comp. de la forme verbale compte (de compter) et de pas*. 3. Compte-tours, subst. masc. Mécanisme permettant de déterminer le nombre de tours effectués dans un temps donné par l'arbre d'un moteur; p. méton., le cadran indiquant ce nombre. Synon. vieilli compteur de tours. L'avion volait à 30 degrés soutenu par un seul moteur. Langlois, le second pilote, indiqua de l'index le compte-tours : 1 400 au lieu de 1 800 (Malraux, L'Espoir, 1937, p. 822). [kɔ ̃ttu:ʀ]. Pour la non-prononc. de p, cf. compte. Inv. (cf. compte). 1reattest. 1907 (L. Pévisse, Traité général des automobiles à pétrole, p. 440); comp. de la forme verbale compte (de compter) et de tour* « révolution, rotation »; cf. compteur de tours 1861 (J. Armengaud, Traité des moteurs à vapeur, t. 2, p. 582). Fréq. abs. littér. : 4.
BBG. − Bambeck (M.). Galloromanische Lexikalia... In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 58. − Entraygues (M.). Compter et conter. Vie Lang. 1954, pp. 303-304. − Gir. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 22. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Goug. Mots t. 1. 1962, p. 16. − La Landelle (G. de). − Le Lang. des mar. Paris, 1859, p. 324.

Wiktionnaire

Verbe - ancien français

compter \Prononciation ?\

  1. Variante de conter.


Verbe - français

compter \kɔ̃.te\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Déterminer (une quantité, un nombre), plus particulièrement par un dénombrement, sinon par un calcul.
    • Des joueurs de belote, assis au fond d'une buvette, comptaient leurs points parmi les rires, les plaisanteries, les grosses bourrades, […]. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • Onze heures sonnaient à Saint-Germain-l’Auxerrois. Maurevel compta l’un après l’autre chaque battement de marteau qui retentissait vibrant et lugubre dans la nuit, […]. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre VII)
    • Mon bide a fait un gros bruit creux, j'avais une super dalle. En comptant vite fait, je me suis rendu compte que ça faisait bien deux ou trois jours que j'avais rien bouffé. — (Mélisa Godet, Les Augustins, J.-C. Lattès, 2014)
    • Une tradition proverbiale dit qu’un nommé Martin, huché sur un de ses ânes, n’en retrouvait pas le nombre, parce qu’il oubliait de se compter, c’est-à-dire l’âne sur lequel il était monté. — (Pierre-Marie Quitard, Dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des proverbes et des locutions proverbiales de la langue française, Paris : chez P. Bertrand, 1842, pp. 528)
  2. (Absolument) Calculer.
    • Il sait lire, écrire et compter.
    • Voyons ce que vous avez reçu, ce que vous avez dépensé, il faut compter.
    • Ce n’est pas le tout que de compter, il faut payer.
    • Il ne veut ni compter ni payer.
    • Compter vite, avec une règle à calcul.
  3. (Absolument) (Spécialement) Énoncer successivement les nombres entiers naturels.
    • Compter jusqu’à vingt, jusqu’à cent.
    • Compter sur ses doigts.
  4. (Par extension) Lésiner.
    • Ils comptent les salaires qu'il nous donnent.
  5. (Par extension) Trouver trop grande une quantité.
    • Lorsque j'ai fait paroître mes voyages, je comptois vingt-sept olympiades ; c'est à dire que le soleil avoit décrit, depuis ma naissance, cent-huit fois son cercle annuel. — (E.-F. Lantier, Voyages d'Anténor en Grèce et en Asie, Paris : chez Belin & chez Bernard, 2e édition revue, an VI, tome 1er, page XI (préface d'Anténor))
    • Compter les jours, les heures, les moments, etc.
    • Je compte les moments passés loin de toi.
    • Compter les kilomètres à pied.
  6. Payer une somme à quelqu’un.
    • De Termes ne pouvant lui faire compter cette somme , lui envoya son neveu en otage , et il partit pour le Levant le 22 septembre , au moment où sa coopération eût été le plus nécessaire. — (François-Guillaume Robiquet, Recherches historiques et statistiques sur la Corse, texte, Paris : chez le frère de l'auteur & Rennes : chez Duchesne, 1835, p. 177)
    • L'homme qui, au bout d'un certain temps, renvoie chez elle la jeune fille qu'il a enlevée, sous prétexte qu'elle ne lui convient pas, est obligé de compter aux parents la dot qu'il leur eût versée s'il l'eût gardée. — (Antoine de Tounens, Orllie-Antoine Ier : roi d'Araucanie et de Patagonie, son avénement au trône, et sa captivité au Chili, Paris : Librairie Thevelin, 1863, p.10)
    • On lui compta cent cinquante euros.
    • Plusieurs sommes lui ont été comptées.
  7. Tenir compte d’une chose à quelqu’un.
    • Nous lui compterons sa trahison.
  8. (Figuré) (Soutenu) Marquer, signaler. — Note : Et alors, il est toujours suivi de la préposition par.
    • Compter ses jours par des bienfaits.
    • Toutes les années de son règne furent comptées par des triomphes.
  9. Ranger une personne, une chose parmi d’autres.
  10. Comprendre dans un compte, dans une énumération.
    • L’admirable Calvignac, en équilibre au bord de sa falaise, n’a plus que 386 habitants après en avoir compté, en 1789, 900. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • La paroisse compte une trentaine de feux, assez peu de fidèles. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • Elle, les yeux en trou de bite, le cheveu filasse et gras, la face violette, a peut être la cinquantaine, mais les années de bibine comptant double on a vite fait le compte. — (Jean-Yves Cendrey, Schproum: roman avorté et récit de mon mal, Éditions Actes Sud, 2013)
    • Sans compter que vous serez nourri et logé.
    • Voyez combien nous sommes, et n’oubliez pas de vous compter.
    • On comptait parmi les coupables tels et tels.
    • Cet exploit doit être compté parmi les plus glorieux.
    • Mais la plus forte tête du salon jaune était à coup sûr le commandant Sicardot, le beau-père d’Aristide. Taillé en Hercule, le visage rouge brique, couturé et planté de bouquets de poil gris, il comptait parmi les plus glorieuses ganaches de la grande armée. — (Émile Zola, La Fortune des Rougon, G. Charpentier, Paris, 1871, ch. III ; réédition 1879, p. 93)
  11. Comprendre.
    • Il comptait parmi ses provinces tel ou tel pays.
    • Cette ville compte dix mille habitants.
  12. Être compté.
    • Cela ne compte pas, ne peut pas compter, ne doit pas compter.
    • Il a cessé de compter parmi les vivants.
  13. Régler, solder le compte qu’on a avec quelqu’un.
    • J’ai compté avec un tel, je ne lui dois rien.
  14. (Figuré) Tenir compte à quelqu’un ou quelque chose, de ce qu’il veut, de ce qu’il peut, de ce qu’on lui doit.
    • Compter avec quelqu’un.
    • Ce personnage a désormais de l’autorité, il faut compter avec lui.
    • (Par extension) Il faut compter avec l’opinion publique, avec les circonstances.
    • (Par extension) Tenez compte davantage du trafic. (Si vous traversez une rue à pied.)
  15. Se proposer ; croire ; projeter.
    • Après un long et intéressant trajet à travers les provinces de la Russie méridionale, j’avais franchi le Caucase et je comptais bien me reposer dans la capitale de la Transcaucasie… — (Jules Verne, Claudius Bombarnac, chapitre I, J. Hetzel et Cie, Paris, 1892)
    • Nous sommes donc revenus à Kimberley fiers comme Artaban, avec un magnifique échantillonnage de diamants que nous comptions faire expertiser. — (Agatha Christie, L'Homme au complet marron, 1924, Librairie des Champs Élysée, 1930, nouvelle traduction révisée de Sylvie Durastanti, Éditions Le Masque, 2013)
  16. (Intransitif) Avoir de l'importance.
    • Vois-tu, dans le monde entier, question rigolade et satisfaction, il n’y a que Paris qui compte, et dans Paris, Montmartre. — (Francis Carco, Images cachées, Éditions Albin Michel, Paris, 1928)
    • Voilà des mois et des années
      Que j’essaye d'augmenter
      La portée de ma bombe
      Et je n’me suis pas rendu compte
      Que la seule chos’ qui compte
      C'est l'endroit où s’qu’elle tombe.
      — (Boris Vian, La Java des bombes atomiques, 1955)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

COMPTER. v. tr.
Calculer une quantité, tel ou tel ensemble de choses. Compter de l'argent. Comptez combien il y a de personnes là. Compter les heures. Compter les voix. Compter les suffrages. Compter des soldats. Je les ai comptés un à un. Compter les mois par les révolutions lunaires. Chaque semaine, on compte le linge à remettre à la blanchisseuse. Absolument, Compter vite, avec une règle à calcul. Compter jusqu'à vingt, jusqu'à cent. Compter sur ses doigts. Par extension, Compter les jours, les heures, les moments, etc., se dit pour exprimer qu'on trouve très longs les jours, etc. Je compte les moments passés loin de toi. Compter une somme à quelqu'un, La lui payer. On lui compta mille francs. Plusieurs sommes lui ont été comptées. Compter une chose à quelqu'un, Lui en tenir compte. Dieu nous comptera un verre d'eau et un soupir donnés en son nom. Fig. et fam., Compter les morceaux, Tenir compte de ce que quelqu'un mange, et, par extension, Tenir compte de ce qu'il dépense, pour quelque chose que ce soit. Fig. et fam., Compter les morceaux à quelqu'un, Ne lui donner que le juste nécessaire. Fig. et fam., Compter ses pas, Marcher lentement, ou, par extension, Ne pas marcher volontairement. Marcher à pas comptés. Compter tous les pas de quelqu'un, L'observer de fort près, le surveiller attentivement. Compter tant d'années de service, d'exercice, etc., Avoir servi, avoir été dans un emploi pendant tant d'années. Il comptait dix années de service. Ce prince comptait déjà vingt années de règne. On dit de même, en parlant des Monuments, des institutions, des peuples, etc., Compter tant d'années, de siècles, etc., d'existence. Compter tant d'années, de printemps, etc., Être âgé de tant d'années. Elle comptait à peine seize printemps. Il comptait déjà soixante hivers. Fig., Ses jours sont comptés, Le terme de sa vie est proche, il n'a plus que quelques jours à vivre. Fig., Tout compté, ou Tout bien compté, Tout bien examiné, tout compensé. Tout bien compté, nous n'aurons pas à regretter d'avoir agi ainsi.

À COMPTER DE, loc. prép. À partir, à dater de. À compter de demain, le prix des places sera augmenté. Il signifie quelquefois figurément, dans le style élevé, Marquer, signaler, et alors il est toujours suivi de la préposition par. Compter ses jours par des bienfaits. Toutes les années de son règne furent comptées par des triomphes. Il signifie aussi Comprendre dans un compte, dans une énumération. Nous étions douze, en comptant les femmes, sans compter les enfants. Sans vous compter. En vous comptant. Vous avez oublié de compter un tel. Je ne compte pas la perte qu'il a faite, on l'en a suffisamment dédommagé. Sans compter tout ce qu'il a déjà reçu. Sans compter que vous serez nourri et logé. Voyez combien nous sommes, et n'oubliez pas de vous compter. Compter parmi ses aïeux, parmi ses ancêtres, etc., Avoir au nombre de ses aïeux, de ses ancêtres, etc. Il compte des rois parmi ses aïeux. Il compte des maréchaux de France et des connétables parmi ses ancêtres. On dit de même, Compter une personne, une chose parmi d'autres, en parlant d'une Personne, d'une chose qui est ou que l'on range parmi d'autres. On comptait parmi les coupables tels et tels. Cet exploit doit être compté parmi les plus glorieux. Il comptait parmi ses provinces tel ou tel pays. Dans ce sens, il signifie souvent Comprendre. Cette ville compte dix mille habitants. On dit aussi Compter au nombre. Je crois pouvoir vous compter au nombre de mes amis. Il se prend aussi dans le sens passif d'Être compté. Cela ne compte pas, ne peut pas compter, ne doit pas compter. Il a cessé de compter parmi les vivants. Il s'emploie aussi intransitivement et signifie Calculer. Il sait lire, écrire et compter. Voyons ce que vous avez reçu, ce que vous avez dépensé, il faut compter. Ce n'est pas le tout que de compter, il faut payer. Il ne veut ni compter ni payer. Fig., Savoir compter, Être fort attentif à ses intérêts. C'est un excellent homme, mais il sait compter. Recevoir, prendre, donner sans compter, Recevoir, prendre, donner à pleines mains. Compter avec quelqu'un, Régler le compte qu'on a avec lui. J'ai compté avec un tel, je ne lui dois rien. Fig., Compter avec quelqu'un, Tenir compte à quelqu'un de ce qu'il veut, de ce qu'il peut, de ce qu'on lui doit. Ce personnage a désormais de l'autorité, il faut compter avec lui. Il se dit aussi des Choses. Il faut compter avec l'opinion publique. Il faut compter avec les circonstances. Fig., Compter avec soi-même, Régler les comptes que l'on a avec sa conscience. Prov. et fig., Qui compte sans son hôte, compte deux fois, On se trompe ordinairement quand on compte sans celui qui a intérêt à l'affaire, quand on espère ou qu'on promet une chose qui ne dépend pas absolument de nous. On dit de même, Il a compté sans son hôte. Il signifie aussi Se proposer, croire. Il compte partir demain. Comptez que vous me trouverez toujours prêt à vous servir. Compter sur quelqu'un, Faire fond sur lui, comme sur un homme dont on est assuré. On dit dans le même sens, Compter sur quelque chose. Compter sur ses forces, sur sa jeunesse, sur ses grands biens, sur son crédit, sur son savoir. Il ne faut compter sur rien de ce qu'il promet. Ne comptez pas sur ses promesses. Compter pour signifie Réputer, estimer. Il faut le compter pour mort. Il compte pour rien tous les services qu'on lui rend. Il compte cela pour beaucoup. Pensez-vous qu'il se compte pour rien?

Littré (1872-1877)

COMPTER (kon-té) v. a.
  • 1Faire un calcul. Compter de l'argent. Il compta les baliveaux. Et tout ce peuple ingrat pour qui je périrai, S'enivrant du plaisir de compter mes blessures, Delavigne, Vêpr. sicil. II, 6. Voyez, chrétiens, comme les temps sont marqués, comme les générations sont comptées ; Dieu détermine jusqu'à quand doit durer l'assoupissement, Bossuet, Reine d'Anglet. En un mot, qui voudrait épuiser les matières, Peignant de tant d'esprits les diverses manières, Il compterait plutôt combien dans un printemps Guenaud et l'antimoine ont fait périr de gens, Boileau, Sat. IV.

    Compter quelque somme à quelqu'un, lui faire un payement en comptant les espèces. Je lui ai compté mille francs.

    Fig. Ah ! souffrez qu'un couvent dans les austérités Use les tristes jours que le ciel m'a comptés, Molière, Tart. IV, 3. Sais-je combien le ciel m'a compté de journées ? Racine, Bér. IV, 4.

    Fig. Compter les heures, les jours, éprouver l'impatience que donne l'inquiétude ou l'attente. Il commençait à compter les moments dans l'attente de son retour, Hamilton, Gramm. 7. Tu comptes les moments que tu perds avec moi, Racine, Andr. IV, 5. Ces maximes sévères Qui font que les enfants comptent les jours des pères, Molière, Écol. des Mar. I, 2.

    Compter par, signaler par. Vous ne comptez vos jours que par des sacriléges, Massillon, Avent. Jugem. Vous comptez tous vos jours et marquez tous vos pas Par des plaisirs affreux ou des assassinats, Voltaire, Catilin. I, 5. Et qui, faisant fléchir les plus superbes têtes, Comptera désormais ses jours par ses conquêtes, La Fontaine, Fabl. Dédic. au Dauph.

    Compter dix, vingt années de services, avoir servi l'État pendant dix, vingt années.

    Compter tant d'années, de siècles d'existence, se dit des monuments, des institutions, des peuples qui durent depuis tant d'années, de siècles.

    Poétiquement. Compter tant d'années, tant de printemps, tant d'hivers, être âgé de tant d'années. Cette jeune fille comptait seize printemps. Ce vieillard compte quatre-vingts hivers.

    Compter les morceaux, se dit d'un avare qui regrette ce qu'il donne à manger. Compter les morceaux de quelqu'un, ne lui donner que le juste nécessaire. Compter les morceaux à quelqu'un, tenir compte de ce qu'il mange et, en général, de ce qu'il dépense.

    Compter ses pas, marcher lentement ; et fig. Faire les choses avec mesure et circonspection.

    Compter tous les pas de quelqu'un, l'observer de fort près.

    Absolument, dans la musique, suivre la mesure sans jouer ni chanter.

  • 2Faire le compte de. Compter la dépense. Comptez, je vous prie, ce que nous coûte notre séjour à l'hôtel.

    Absolument. Avant de partir il faut compter.

  • 3Comprendre en un compte, porter en compte. Comptez-vous ce que je vous ai avancé ? Je ne compte pas cela.

    Par extension. Vous ne devez compter à vous de vos revenus que ce qui est nécessaire pour soutenir l'état…, Massillon, Carême, Aum.

    Compter quelque chose à quelqu'un, mettre sur son compte : Il m'a tout compté, jusqu'à la bougie ; et fig. lui en tenir compte. Servez donc ce roi immortel et si plein de miséricorde, qui vous comptera un soupir et un verre d'eau donnés en son nom, plus que tous les autres ne feront jamais tout votre sang répandu, Bossuet, Louis de Bourbon. Il est doux pour un amant de faire des sacrifices qui lui soient tous comptés, Rousseau, Hél. I, 10.

    Ne compter à rien quelque chose, n'en pas faire cas. Je ne vous compte à rien le nom de mon époux, Corneille, Poly. IV, 3. Depuis quand le retour d'un cœur comme le mien Fait-il si peu d'honneur qu'on ne le compte à rien ? Corneille, Suréna, II, 3.

  • 4Ranger quelqu'un, quelque chose parmi d'autres personnes, parmi d'autres choses. On comptait parmi les conjurés des hommes considérables. Rome comptait la Gaule parmi ses provinces. Je vous compte au nombre de mes amis. Vous que l'Orient compte entre ses plus grands rois, Racine, Bérén. I, 1. En combattant pour vous, me sera-t-il permis De ne vous point compter parmi mes ennemis ? Racine, Andr. I, 4. Il vous compte déjà pour un de ses sujets, Corneille, Cinna, III, 1.

    Compter parmi ses aïeux, ses ancêtres, avoir au nombre de ses aïeux, de ses ancêtres. Silanus, sur qui Claude avait jeté les yeux Et qui comptait Auguste au rang de ses aïeux, Racine, Brit. I, 1.

  • 5Énumérer. Baruc, Daniel, sans compter les autres, Bossuet, Hist. II, 13.
  • 6Dater. [Rome] Du règne de Néron compte sa liberté, Racine, Brit. I, 2.
  • 7Réputer, regarder comme. Mais peut-être que, prêt à mourir, on comptera pour quelque chose cette vie de réputation ou cette imagination de revivre dans sa famille qu'on croira laisser solidement établie, Bossuet, le Tellier. Comptons donc comme très court, chrétiens, ou plutôt comptons comme un pur néant tout ce qui finit, Bossuet, ib. St Paul ne comptait pour rien d'être jugé des hommes, Fléchier, Serm. I, 222. Il comptait pour rien les hommes, Fénelon, Tél. II. Vous ne comptez pour rien l'immortalité, Fénelon, ib. VII. Pour quelque chose, Esther, vous comptez votre vie ? Racine, Esther, I, 3. Et comptez-vous pour rien Dieu qui combat pour vous ? Racine, Athal. I, 2. Comptez-vous vos soldats pour autant de héros ? Racine, Mithr. III, 1. Un esprit frivole et léger n'est capable de rien ; et tout ce qu'il entreprend, on le compte déjà pour échoué, Massillon, Carême, Inconstance. Cette passion honteuse ne compte-t-elle pas pour rien tous les devoirs ? compte-t-elle pour beaucoup les bienséances mêmes ? Massillon, Le jour de Noël. Si vous êtes désabusé du monde, pourquoi comptez-vous encore pour quelque chose ses jugements ? Massillon, Carême, Resp. hum.
  • 8Faire cas de. On ne daigne peser ni compter mon suffrage, Corneille, Suréna, I, 1.
  • 9 V. n. Calculer. Il sait lire, écrire et compter.

    Savoir compter, être très éveillé sur ses intérêts. On siffle le patriotisme ; Ce qu'on sait le mieux c'est compter, Béranger, Poëte de cour.

    Sans compter, c'est-à-dire à pleines mains, quand il s'agit de prendre ou de recevoir ou de donner.

    Ne pas compter après quelqu'un, accepter de confiance ce qu'il dit ou croit, etc. Je trouve vos résultats si probables que je ne compte pas après vous, Voltaire, Lett. Dionis du Séjour, 18 janv. 1775.

    Compter par bref, c'est compter sommairement et sur de simples mémoires ou bordereaux de compte.

    Cette femme ne compte plus, se dit d'une femme enceinte qui, près du terme, attend de jour en jour son accouchement.

  • 10Arrêter un compte. Nous comptons chaque soir.

    C'est un homme qui ne veut ni compter ni payer, se dit d'un mauvais payeur.

    Compter avec quelqu'un, régler le compte qu'on a avec lui.

    Et fig. Ils comptaient en toutes choses avec eux-mêmes, La Bruyère, V. Comptons avec nous-mêmes avant que Dieu compte avec nous, Massillon, Orais. fun. Madame. Mon père devint tout à fait favori [de Louis XIII] et ne compta jamais avec aucun ministre, Saint-Simon, 6, 81. La valeur et la capacité les plus réelles n'auraient pas suffi, il faut toujours dans de semblables choix compter avec l'opinion des hommes, Fontenelle, Marsigli. Que les plaisirs vous couvrent de leurs ailes, Avec le temps vous compterez plus tard, Béranger, Bon vieillard.

  • 11Rendre compte. Il faut examiner si M. Fouquet et tout autre surintendant peut être obligé ; en aucun cas, de compter de son administration, Pellisson, II, 62. De cette pratique de vertu [la dévotion], le comble de toutes les autres pour le commun des hommes, il [le duc de Bourgogne] ne doit pas être en crainte d'en compter un jour devant Dieu, Saint-Simon, 265, 74.
  • 12Se proposer. Il compte partir demain, Acad. Il compte de se retirer dans un village, Fénelon, Tél. XXIV. Il compte d'aller à Versailles, Sévigné, 509. On compte de faire rebâtir cet appartement, Sévigné, 20. C'est qu'ils comptent de n'être jamais hommes, Rousseau, Ém. IV. Je compte de me reposer le reste de mes jours, Montesquieu, Correspondance, 20. Son inflexibilité leur assurait combien il comptait d'avoir pris le bon parti, Fontenelle, Chirac. Je n'ai qu'à vivre de la manière dont j'ai vécu jusqu'à présent ; et pourquoi ? parce que je compte de me repentir quelque jour, et de me repentir véritablement d'avoir ainsi vécu, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 387.

    Compter que, compter de, estimer, croire. Comptez que vous me trouverez toujours prêt à vous servir. Dubois comptait d'avoir fait beaucoup en réduisant l'Angleterre à consentir à la disposition des successeurs de Parme et de Toscane en faveur des descendants d'Espagne, Saint-Simon, 490, 118. Peut-elle compter d'en être crue sur sa parole ? Massillon, Myst. Assompt. Après la réprimande qu'elle comptait qu'on lui eût faite, Hamilton, Gramm. 4.

  • 13Compter sur, avoir espoir, confiance. On ne pouvait jamais compter sur lui, Hamilton, Gramm. 4. Personne n'ose lui dire qu'il ne doit plus compter sur la vie, Massillon, Mort. Nous comptons tous sur toi, comme si dans ces lieux Nous entendions Caton, Rome même et nos dieux, Voltaire, Mort de César, III, 3.
  • 14Dater. La république romaine compte de l'expulsion des Tarquins.

    À compter de, à partir, à dater de. À compter de demain, cet enfant ira au collége.

  • 15Être compté. Une syllabe élidée ne compte pas dans les vers latins. Il compte parmi les hommes les plus habiles de sa profession. Les pleurs comptent pour le sourire, Les nuits d'exil pour de beaux jours, Lamartine, Harm. III, 4.

    Familièrement. Il ne compte pour rien, il n'a aucune influence personnelle.

    Cela ne compte pas, n'entre pas en compte ; et, figurément, cela ne fait rien à l'affaire.

  • 16Se compter, v. réfl. Se mettre au nombre de. Je ne me compte point pour un de vos sujets, Corneille, Hor. II, 1. Elle apprend à se compter pour rien, Bossuet, Lett. abb. 118. Le triste Antiochus Se compta le premier au nombre des vaincus, Racine, Bérén. I, 4.

    Être compté. Cela se compte. Cela ne se compte pas.

    PROVERBE

    Qui compte sans son hôte compte deux fois, c'est-à-dire quand on fait son compte dans une auberge sans l'hôtelier, il se trouve qu'on n'a pas évalué la dépense assez haut, et, en général, quand on fait des arrangements sans consulter les personnes qui y sont intéressées, on court risque d'avoir des mécomptes.

REMARQUE

1. Racine a dit : Et l'on sait que toujours la Colchide et ses princes Ont compté le Bosphore au rang de leurs provinces, Racine, Mithr. I, 1.. On a critiqué compter au rang, objectant qu'on dit mettre au rang et compter au nombre. Mais cette critique n'est pas fondée ; et l'on peut aussi bien compter dans un rang que dans un nombre.

2. Compter de faire, ou compter faire. L'un et l'autre se disent ; le dernier est plus usité présentement ; l'autre l'était plus autrefois.

HISTORIQUE

XIe s. Je ai cunté, n'i a mais que sept lieues, Ch. de Rol. CXCIV.

XIIe s. Or menrez [mènerez] vous honteuse vie ci ; Si vous conte on avoec les recreans, Hues D'Oisi, Romancero, p. 103.

XIIIe s. Sans les autres richesses que je ne sai conter, Berte, XCVII. Et quant le [la] coze faut, et il ont conté ensanlle de la perte ou du gaaing qu'il y orent, la compaingnie est faillie, Beaumanoir, XXI, 30. Et qui ainsi conte, il conte sagement et loialment, Beaumanoir, XXIX, 14. Tuit li enfant d'un mariage, quant il vienent en compaignie avec le secont mariage ou avec le tiers, ne sont conté que por une sole personne, Beaumanoir, XXI, 8.

XVe s. Il [Charles VI] pensoit les [Bretons, Normands, etc.] embesogner sur les Parisiens qui avoient fait faire et forger les maillets ; et compteroit-on à eux [leur demanderaiton compte], Froissart, II, II, 103. Et si ne leur vint à nul profit qui à compter fasse, Froissart, I, I, 138. Au fort, martir on me devra nommer, Se Dieu d'amours fait nulz amoureux saints, Car j'ay des maulx plus que ne sçay compter, Orléans, Bal. 10. Si veit [elle vit] que sa philozomie donnoit à congnoistre qu'elle comptast pou [peu] à une telle adventure dont elle se complaignoit, Perceforest, t. II, f° 137. Affermant que, s'il l'y trouvoit, il compteroit avec lui [aurait affaire à lui] et le feroit retourner outre son plaisir, Louis XI, Nouv. LXXIII.

XVIe s. Compte nous entierement l'ordre, le nombre et la forteresse de l'armée, Rabelais, Pant. II, 26. Vous comptez sans vostre houste, Rabelais, ib. Mon cousin, ce porteur vous sçaura bien au long compter de l'empeschement que j'ay eu jusques icy, Marguerite de Navarre, L. 29. Vous ne vous repentirés d'avoir prochassé de l'honneur à ceulx desquels vous pouvés conter la maison la vostre mesmes, Marguerite de Navarre, ib. 147. En un beau corps il ne fault qu'on y puisse compter les os et les veines, Montaigne, I, 192. Tout compté, il y a plus de peine à garder l'argent qu'à l'acquerir, Montaigne, I, 315. Je ne sçais compter ny à ject ny à plume, Montaigne, III, 59. Qui compte seul, compte deux fois, comme celui qui compte sans son hoste, Loysel, 206. Comptant le nombre des victoires qu'il avoit emportées, Amyot, Péric. 73.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

COMPTER, (art de) Métaph. Logiq. faculté de l’ame, attent. mém. opération de l’esprit qui joint par des noms & des signes différens plusieurs choses d’une même espece, comme sont les unités, & par ce moyen forme l’idée distincte d’une dixaine, d’une vingtaine, d’une centaine ; dix, 10 ; vingt, 20 ; cent, 100.

La plûpart des hommes savent compter, sans entendre le moins du monde cette méchanique, sans se rappeller la peine & les soins qu’ils ont eu pour l’apprendre, comment ils y sont parvenus, pourquoi ils ne confondent pas les noms & les signes, pourquoi cette variété de noms & de signes ne cause cependant pas d’erreur, quelle en est la raison, &c. Le lecteur pourra trouver ces explications dans l’ouvrage de Locke sur l’entendement humain, & dans celui de M. de Condillac sur l’origine des connoissances humaines. Nous nous bornerons à la simple exposition qu’ils donnent de l’opération que l’esprit doit faire pour compter.

Compter, est joindre à l’idée que nous avons de l’unité qui est la plus simple, une unité de plus, dont nous faisons une idée collective que nous nommons deux ; ensuite avancer en ajoûtant toûjours une unité de plus à la derniere idée collective ; enfin donner au nombre total, regardé comme compris dans une seule idée, un nom & un signe nouveau & distinct, par lesquels on puisse discerner ce nombre de ceux qui sont devant & après, & le distinguer de chaque multitude d’unités qui est plus petite ou plus grande.

Celui donc qui sait ajoûter un à un, 1 à 1, ce qui forme l’idée complexe de deux, 2, & avancer de cette maniere dans son calcul, marquant toûjours en lui-même les noms distincts qui appartiennent à chaque progression, & qui d’autre part ôtant une unité de chaque collection, peut les diminuer autant qu’il veut ; celui-là est capable d’acquérir toutes les idées des nombres dont les noms & les signes sont en usage dans sa langue : car comme les différens modes des nombres ne sont dans notre esprit que tout autant de combinaisons d’unités, qui ne changent point, & ne sont capables d’aucune autre différence que du plus ou du moins ; il s’ensuit que des noms & des signes particuliers sont plus nécessaires à chacune de ces combinaisons distinctes, qu’à aucune autre espece d’idées. La raison de cela est que sans de tels noms & signes qui les caractérisent, nous ne pouvons faire aucun usage des nombres en comptant, sur-tout lorsque la combinaison est composée d’une grande multitude d’unités ; car alors il seroit difficile, ou presqu’impossible, d’empêcher que de ces unités étant jointes ensemble, sans avoir distingué cette collection particuliere par un nom & un signe précis, il ne s’en fasse un parfait chaos.

C’est là la raison pourquoi certains peuples ne peuvent en aucune maniere compter au-delà de vingt, de cent, de mille ; parce que leur langue uniquement accommodée au peu de besoins d’une pauvre & simple vie, n’a point de mots qui signifient vingt, cent, mille ; de sorte que lorsqu’ils sont obligés de parler de quelque grand nombre, ils montrent les cheveux de leur tête, pour marquer en général une grande multitude qu’ils ne peuvent nombrer.

Jean de Léry qui a été chez les Toupinambes, peuple sauvage de l’Amérique méridionale au Bresil, nous apprend dans son voyage fait en la terre du Bresil, ch. xx. qu’ils n’avoient point de nombres au-dessus de cinq ; & que lorsqu’ils vouloient exprimer quelque nombre au-delà, ils montroient leurs doigts & les doigts des autres personnes qui étoient avec eux ; leur calcul n’alloit pas plus loin : ce qui prouve que des noms distincts sont absolument nécessaires pour compter, & que pour aller aux progressions les plus étendues du calcul, les langues ont besoin de dénominations propres, & de signes propres que nous appellons chiffres, pour exprimer ces progressions. Or voici comment cela s’exécute dans notre langue.

Lorsqu’il y a plusieurs chiffres sur une même ligne, pour éviter la confusion, on les coupe de trois en trois par tranche, ou seulement on laisse un petit espace vuide, & chaque tranche ou chaque ternaire a son nom : le premier ternaire s’appelle unité ; le second, mille ; le troisieme, million ; le quatrieme, billion ; le cinquieme, trillion ; le sixieme, quatrillion, puis quintillion, sextillion, septillion ; ainsi de suite, la dénomination des nombres & des signes peut être infinie.

Les enfans commencent assez tard à compter, & ne comptent point fort avant ni d’une maniere fort assûrée, que long-tems après qu’ils ont l’esprit rempli de quantité d’autres idées ; soit que d’abord il leur manque des mots pour marquer les différentes progressions des nombres, ou qu’ils n’ayent pas encore la faculté de former des idées complexes de plusieurs idées simples & détachées les unes des autres, de les disposer dans un certain ordre régulier, & de les retenir ainsi dans leur mémoire, comme il est nécessaire pour bien compter. Quoi qu’il en soit, on peut voir tous les jours des enfans qui parlent & raisonnent assez bien, & ont des notions fort claires de bien des choses, avant que de pouvoir compter jusqu’à vingt.

Il y a des personnes qui faute de mémoire, ne pouvant retenir différentes combinaisons de nombres, avec les noms qu’on leur donne par rapport aux rangs distincts qui leur sont assignés, ni la dépendance d’une si longue suite de progressions numérales dans la relation qu’elles ont les unes avec les autres, sont incapables durant toute leur vie de compter, ou de suivre régulierement une assez petite suite de nombres : car qui veut compter quatre-vingts, ou avoir une idée de ce nombre, doit savoir que soixante-dix-neuf le précede, & connoître le nom ou le signe de ces deux nombres, selon qu’ils sont marqués dans leur ordre ; parce que dès que cela vient à manquer, il se fait une breche, la chaîne se rompt, & il n’y a plus aucune progression.

Il est donc nécessaire, pour bien compter, 1°. que l’esprit distingue exactement deux idées, qui ne different l’une de l’autre que par l’addition ou la soustraction d’une unité : 2°. qu’il conserve dans sa mémoire les noms des différentes combinaisons depuis l’unité jusqu’à ce nombre qu’il a à compter, & cela sans aucune confusion, & selon cet ordre exact dans lequel les nombres se suivent les uns les autres : 3°. qu’il connoisse sans aucune erreur chaque chiffre ou signe distinct, inventé pour représenter précisément la collection des diverses unités, qui ont aussi chacune leurs noms distincts & particuliers : il doit savoir bien que le signe 9 représente la collection que nous appellons neuf ; que les deux chiffres 19 représentent cette collection que nous appellons dix-neuf, tandis que les deux chiffres 91 représentent la collection que nous appellons quatre-vingt-onze, & ainsi de suite pour l’assemblage de toutes les collections.

Nous ne discernons différentes collections, que parce que nous avons des chiffres qui sont eux-mêmes fort distincts : ôtons ces chiffres, ôtons tous les signes en usage ; & nous appercevrons qu’il nous est impossible d’en conserver les idées. Le progrès de nos connoissances dans les nombres, vient uniquement de l’exactitude avec laquelle nous avons ajoûté l’unité à elle-même, en donnant à chaque progression un nom & un signe qui la fait distinguer de celle qui la précede & de celle qui la suit. Je sai que cent (100) est supérieur d’une unité à quatre-vingts-dix-neuf (99), & inférieur d’une unité à cent un (101), parce que je me souviens que 99, 100, 101, sont les trois signes choisis pour désigner ces trois nombres qui se suivent.

Il ne faut pas se faire illusion, en s’imaginant que les idées des nombres séparées de leurs signes, soient quelque chose de clair & de déterminé : il est même hors de doute que quand un homme ne voudroit compter que pour lui, il seroit autant obligé d’inventer des signes, que s’il vouloit communiquer ses comptes.

Voilà comme s’exécute l’opération que nous nommons compter : cette opération est la mesure de tout ce qui existe ; la Métaphysique, la Morale, la Physique, toutes les sciences y sont soûmises. Concluons avec M. l’abbé de Condillac, que pour avoir des idées sur lesquelles nous puissions réfléchir, nous avons besoin des signes qui servent de liens aux différentes collections d’idées simples ; & pour le dire en un mot, nos notions ne sont exactes, qu’autant que nous avons inventé avec ordre les signes qui doivent les fixer. Des gestes, des sons, des chiffres, des lettres, c’est avec des instrumens aussi étrangers à nos idées, que nous les mettons en œuvre pour nous élever aux connoissances les plus sublimes. Les matériaux sont les mêmes chez tous les hommes ; mais l’adresse à s’en servir les distingue. V. Arithmétique, Binaire, Calcul, Caractere, Chiffre, Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Compter, (Comm.) On compte aux jettons ou à la plume ; c’est dans l’un & l’autre cas exécuter les différentes opérations d’arithmétique. Il se dit 1°. des payemens qui se font en especes ou monnoies courantes ; il m’a compté 400 livres : 2°. relativement aux arrêtés de payement ou de compte que font entre eux les Marchands ou Négocians. Les Marchands doivent compter tous les six mois, tous les ans au moins avec les personnes auxquelles ils font crédit, pour éviter les fins de non recevoir.

Compter par bref état ; c’est compter sommairement sur de simples mémoires ou bordereaux de compte. Voyez Bordereau.

Compter en forme ; c’est lorsque le compte qu’on présente est en bonne forme, ou bien libellé. On le dit encore lorsqu’on examine un compte avec le légitime contradicteur.

Compter de clerc à maître ; c’est lorsqu’un comptable ne compte que de ce qu’il a reçû, sans qu’on le rende responsable d’autre chose que de la recette des deniers.

Compter une chose à quelqu’un, c’est quelquefois lui en tenir compte, & quelquefois la mettre sur son compte.

Compter par pieces, c’est compter en détail ; ce qui est opposé à compter en gros. Voyez les dictionn de Comm. Trév. Dish. Chamb.

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Étymologie de « compter »

Provenç. comtar, condar ; anc. catal. comptar ; espagn. contar ; ital. contare ; du latin computare, compter, de cum, et putare, penser (voy. PUTATIF).

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De l’ancien français conter, du latin computare (« compter, calculer, prendre en compte, énumérer »). La graphie savante compter, apparue au XIIIe siècle (spécialisée au sens de « calculer ») et qui s’est imposée progressivement, est un dédoublement artificiel du verbe conter.
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Phonétique du mot « compter »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
compter kɔ̃te

Fréquence d'apparition du mot « compter » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « compter »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « compter »

  • Ce qui est tordu ne peut être droit, ce qui manque ne peut se compter.
    Ancien Testament, Ecclésiaste I, 15
  • En fait de masturbation, tant qu’on ne peut pas compter sur autrui, il faut compter sur ses doigts.
    Léo Campion
  • Il ne faut pas trop compter sur Dieu, mais peut-être que Dieu compte sur nous...
    Louis Pauwels — Les Dernières Chaînes
  • Le nombre parfait est celui qui exclut toute idée de compter.
    Anonyme
  • On peut compter le nombre de pommes dans un arbre, mais l’on ne peut jamais compter le nombre d’arbres dans une pomme.
    Proverbe romani
  • On ne doit pas compter sur le miracle.
    Le Talmud
  • Un ami, c’est quelqu’un sur qui vous pouvez compter pour compter sur vous.
    Jean Paulhan
  • Compter sur des regrets, c’est compter sans son hôte.
    Antoine Houdar de la Motte — Fables
  • Tâtons : une façon de compter sur ses doigts.
    Bertrand Bell
  • Tenir constamment pour ennemi celui qu'on ne peut compter pour ami, et ne compter pour ami que celui qui a intérêt à l'être.
    Denis Diderot — Principes de politique des souverains
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Images d'illustration du mot « compter »

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Traductions du mot « compter »

Langue Traduction
Anglais count
Espagnol contar
Italien contare
Allemand anzahl
Chinois 计数
Arabe العد
Portugais contagem
Russe подсчитывать
Japonais カウント
Basque zenbatu
Corse cuntà
Source : Google Translate API

Synonymes de « compter »

Source : synonymes de compter sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « compter »

Combien de points fait le mot compter au Scrabble ?

Nombre de points du mot compter au scrabble : 13 points

Compter

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