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Censeur

Variantes Singulier Pluriel
Masculin censeur censeurs

Définitions de « censeur »

Trésor de la Langue Française informatisé

CENSEUR, subst. masc.

I.− Détenteur de l'autorité chargée d'une fonction de surveillance.
A.− HIST. ROMAINE. Magistrat chargé d'établir le cens et de surveiller les mœurs des citoyens. Caton le censeur. Les censeurs recommandaient les mariages (Say, Traité d'écon. pol.,1832, p. 424).Avant le sacrifice chacun devait donner au censeur l'énumération des personnes et des choses qui dépendaient de lui (Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 204).
B.− P. anal.
1. [Sous la Révolution] Censeur public :
1. Depuis quatre années que j'exerce les fonctions de censeur public pour le salut de la patrie, j'ai démasqué une foule de traîtres et de conspirateurs. Marat, Les Pamphlets,Marat, l'ami du peuple, à ses concitoyens les électeurs, 1792, p. 325.
2. [Dans un lycée] Fonctionnaire adjoint au proviseur ou à la directrice, chargé de veiller à la bonne marche des études et à la discipline générale de l'établissement. J'ai reçu à sept heures, chez M. Briand, un billet du censeur pour remplacer le matin même en quatrième (Michelet, Journal,1821, p. 149).
P. ext. [En parlant d'élèves-surveillants] :
2. C'est un élève-moniteur qui est chargé de tenir la classe en ordre; des élèves-surveillants, changés tous les mois, sous le nom de décurions et de censeurs, l'aident dans sa tâche. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 26.
Rem. ,,Censeur, se disait également, dans l'ancienne Université, de certains officiers nommés pour examiner la capacité des récipendiaires. En Sorbonne, les censeurs donnaient leur suffrage par billets`` (Ac. 1798-1878).
II.− [Avec une valeur gén. péj.]
A.− Personne qui critique avec sévérité la conduite, l'opinion ou les écrits d'autrui :
3. Il y avait alors, en cet homme extraordinaire, du redresseur de torts et même, chose inimaginable quand on songe à la suite de son existence, du censeur et du moraliste. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 121.
PSYCHANALYSE :
4. Cette instance qui surveille, nous la connaissons : c'est le censeur du moi, c'est la conscience; c'est la même qui exerce la nuit la censure de rêves, c'est d'elle que partent les refoulements de désirs inadmissibles. S. Freud, Introd. à la psychanal.,1959, p. 458.
B.− Personne chargée par un gouvernement d'examiner les journaux, les revues, les œuvres littéraires ou dramatiques (aujourd'hui cinématographiques) avant d'en permettre la publication ou la représentation; membre d'une commission de censure :
5. ... le ministre consentit à ne livrer Marion de Lorme qu'à un seul censeur, et me laissa le choix de ce censeur unique, que je n'eus pas cependant la faculté de choisir hors du bureau de censure. Je désignai un homme de lettres... Hugo, Correspondance,1830, p. 463.
1. [Avec un adj. spécifiant]
a) [L'autorité qui institue la censure] Censeurs royaux.
b) [Le domaine sur lequel s'exerce la censure] Censeur dramatique :
6. Quelle place peut bien donner ce gouvernement-ci à un homme qui n'a vécu que dans le jeu et dans les putains? Une place de censeur littéraire, de juge de la moralité des livres, d'octroyeur d'estampille aux bons ouvrages moraux en faveur de la famille, de la religion, de l'ordre et de la propriété. E. et J. de Goncourt, Journal,1868, p. 416.
2. Spécialement
a) DR. CANONIQUE. Personne chargée de juger l'orthodoxie d'un écrit, d'une doctrine :
7. Lors de la Paix de l'église, Arnauld et Messieurs de Port-Royal, (...) avaient désiré et obtenu Bossuet pour censeur et arbitre équitable dans la publication du livre de la Perpétuité de la Foi, ... Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 358.
b) DR. COMMUN. [Dans les sociétés financières] Personne ayant une fonction de contrôle et de surveillance sur l'administration. Synon. commissaire aux comptes.Commissaire(-)censeur (Zola, L'Argent,1891, p. 139).
Prononc. et Orth. : [sɑ ̃sœ:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1213-14 Antiq. romaine (Faits des Romains d'apr. L.-F. Flutre, Vocab. ds Romania, t. 65, 1939, 484 : Censor estoient cil qui jugement donoient des patremoines et des muebles); 2. xvies. « celui qui critique ou exerce un prétendu contrôle sur les actions et les opinions des autres » (J. Du Bellay, Œuvres poétiques, éd. Chamard, t. 5, p. 143 : rigoureux censeur); 3. 1671 Censeur de livres (Pomey); 1704 Censeur des livres (Trév.); 4. a) 1732 (Trév. : Les Censeurs sont parmi les écoliers ceux que le Régent choisit pour l'aider à maintenir le bon ordre, et la discipline scholastique) d'où b) 1802 « fonctionnaire chargé de la discipline et du contrôle des études dans un lycée » (Loi sur l'Instruction Publique, Lycées, Recueil des textes d'hist., dir. L. Gothier et A. Troux, Époque contemp., I, 1789-1869, p. 121). Empr. au lat. class. censor qui désignait un magistrat romain (sens 1), attesté en partic. en parlant des fonctions de contrôle des mœurs (Cicéron ds TLL s.v., 798, 38), d'où l'emploi au sens fig. pour désigner toute personne critiquant ou contrôlant les actions ou les opinions des autres (Cicéron, ibid., 801, 28). Fréq. abs. littér. : 305. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 742, b) 404; xxes. : a) 98, b) 387.
DÉR.
Censorat, subst. masc.a) Hist. romaine. Exercice de la censure*; temps pendant lequel un censeur exerce ses fonctions. b) Fonction de censeur dans un lycée. [sɑ ̃sɔ ʀa]. Ds Ac. 1932. 1reattest. 1878 (Lar. 19eSuppl.); de censeur, suff. -at*.
BBG. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 300.

Wiktionnaire

Nom commun - français

censeur \sɑ̃.sœʁ\ masculin (pour une femme, on peut dire : censeure, censeuse)

  1. (Antiquité) Magistrat romain en charge d’établir le cens, c’est-à-dire le recensement des citoyens, le contrôle de l’état de leur fortune, et la légitimité de leur appartenance à telle ou telle classe (sénatoriale ou équestre).
    • Caton le censeur était réputé pour sa rigueur.
  2. Envieux qui reprend ou qui contrôle les actions d’autrui, sans pour autant être le moins du monde qualifié pour ça. Casse-pied qui trouve à redire à tout.
    • J'offre ici aux moralistes une occasion facile de triompher de moi. Mes censeurs s'apprêtent à montrer dans mon malheur les suites d'un égarement, le résultat d'un excès : il m'est d'autant plus difficile de les contredire que je vois mal en quoi consiste l'égarement, et où se situe l'excès. Je m'efforce de ramener mon crime, si c'en est un, à des proportions justes : […]. — (Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, éditions Plon, 1951)
    • Un censeur doux et équitable est rare.
    • Un censeur rigoureux, obtus, partial, illettré, incompétent, complaisant, complice.
    • Le censeur des opinions ou du travail de quelqu’un.
    • Censeur rigoureux d’autrui, indulgent à soi-même.
    • Si l’on y songe bien, il n’est pas étonnant que l’ignorant se drape en censeur.
    • Ah ! quittez d’un censeur la triste diligence. — (Jean Racine, Britannicus, 1669)
  3. Personne qu’un gouvernement prépose à l’examen des livres, des journaux, des pièces de théâtre, etc., avant d’en permettre la publication ou la représentation.
    • Sous l’ancien régime, avec l’approbation d’un censeur, — qu’il était permis de choisir, — on était sûr de pouvoir sans danger produire ses idées, et la liberté dont on jouissait était extraordinaire quelquefois. — (Gérard de Nerval, Les Filles du feu, Angélique, 1854)
    • Le censeur refusa son approbation.
    • On lui donna un censeur très sévère.
    • Censeur des pièces de théâtre.
  4. Personne chargée de surveiller les études et de maintenir le bon ordre et la discipline dans un lycée en tant qu’adjoint du proviseur.
    • Le censeur de l’internat nous était mieux connu. Il n’avait pas de guêtres, et il était petit. De plus, pendant la récréation de midi et demi, c’est lui qui faisait appeler dans son cabinet les zéros de conduite, pour leur administrer une homélie, et tirer les conséquences pénitentiaires de ce fâcheux incident. — (Marcel Pagnol, Le temps des secrets, 1960, collection Le Livre de Poche, page 317)
    • Des professeurs d’Histoire et leurs élèves de première ont réuni le 4 mars au lycée Mme Strauss, Mme Fuks et Mr Leser, enfants juifs cachés dans le lycée par Melle Simone Caudmont, censeure du lycée Fénelon pendant la Seconde [G]uerre mondiale, qui a reçu le titre de Juste des Nations par le mémorial Yad Vashem en 1997. — (Lycée Fénelon, « Lycée Fénelon » (Archive • Wikiwix • Que faire ?))
  5. (Désuet) Personne chargée de contrôler la partie financière de certains établissements ou de certaines sociétés.
    • Les censeurs de la Banque de France.
    • Cette société vient d’élire de nouveaux censeurs.
  6. Critique qui juge des œuvres littéraires.
    • Consulter un censeur éclairé avant de publier un recueil de poésie.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CENSEUR. n. m.
Celui qu'un gouvernement prépose à l'examen des livres, des journaux, des pièces de théâtre, etc., avant d'en permettre la publication ou la représentation. Le censeur refusa son approbation. On lui donna un censeur très sévère. Censeur des pièces de théâtre ou Censeur dramatique. Censeur des journaux. Il désigne encore Celui qui est chargé de surveiller les études et de maintenir le bon ordre et la discipline dans un lycée. Censeur des études. Le censeur du Lycée Louis-le-Grand. Il désigne aussi Ceux qui sont chargés de contrôler la partie financière de certains établissements ou de certaines sociétés. Les censeurs de la Banque de France. Cette société vient d'élire de nouveaux censeurs. Il se disait, chez les Romains, du Magistrat qui tenait un registre du nombre des citoyens et de leurs biens et qui avait en outre le droit de contrôler leurs mœurs et leur conduite. Caton le censeur. Il signifie par analogie Celui qui reprend ou qui contrôle les actions d'autrui. Un censeur équitable. Un rude censeur. Un censeur sévère, chagrin, injuste, pointilleux. Sans épithète, il se prend d'ordinaire en mauvaise part. C'est un censeur, C'est un homme qui trouve à redire à tout. Il se dit aussi d'un Critique qui juge des ouvrages d'esprit. Consulter un censeur éclairé.

Littré (1872-1877)

CENSEUR (san-seur) s. m.
  • 1Magistrat dans l'ancienne Rome. Les censeurs, qui étaient au nombre de deux, dénombraient les citoyens, estimaient les biens et veillaient au maintien des mœurs.
  • 2Dans le langage général, celui qui censure la conduite, les actions d'autrui. Un censeur malveillant. Tout babillard, tout censeur, tout pédant Se peut connaître au discours que j'avance, La Fontaine, Fabl. I, 19. Tout ce que je désire Trouve en vous un censeur prêt à me contredire, Racine, Brit. III, 9. Ah ! quittez d'un censeur la triste diligence, Racine, ib. I, 2. Je converse avec moi-même comme avec le plus légitime censeur de ma vie, Bossuet, Pensées chrétiennes, 32. On s'érige en censeur de ces faits éclatants, Massillon, Myst. Incarn. Un censeur des défauts qu'on trouve en leur conduite, Molière, D. Garcie, II, 1. Jean-Baptiste devient le censeur d'une cour voluptueuse, Massillon, Car. Mélang. Vous devez être un censeur rigoureux de votre propre conscience, Massillon, Car. Parole. Des attentions si religieuses trouvèrent des censeurs dans le monde, Massillon, Panég. S. Louis. Ce rigide censeur, La Bruyère, XII. Ô juges, quelle majesté de vos séances ! quel président [Dieu] de vos assemblées, mais aussi quel censeur de vos jugements ! Bossuet, le Tellier. Le public, rigide censeur des hommes de cette fortune et de ce rang, Bossuet, ib.

    Adj. Les plus censeurs ne me reprochent rien, Rotrou, St-Genest, III, 2.

    Celui qui censure les écrits, y relève les fautes. Je vous arrête à cette rime, Dira mon censeur à l'instant… Maudit censeur ! te tairas-tu ? La Fontaine, Fabl. II. Ainsi s'expliqueront nos censeurs sourcilleux, Boileau, Ép. X. Puis-je lui dénier quelque part dans mes discours, après qu'il en a été si souvent et le censeur et l'arbitre ? Bossuet, Or. fun. Cornet. Et peut-être ta plume aux censeurs de Pyrrhus Doit les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus, Boileau, Ép. VII.

  • 3Agent préposé à l'examen des livres, journaux, pièces de théâtre, dessins, etc. Le censeur refusa son approbation. Censeur royal. Censeur dramatique.
  • 4Officier de l'ancienne université qui examinait les récipiendaires. En Sorbonne, les censeurs donnaient leur suffrage par billets.
  • 5Censeur des études, surveillant des études et de la discipline dans un lycée. Le censeur du lycée de Louis le Grand.
  • 6Censeur de la banque, censeur d'une société commerciale, mandataire des intéressés pour le contrôle des actes des administrateurs.

HISTORIQUE

XIVe s. Li cenceur nombroient le peuple, Bercheure, f° 2, verso.

XVe s. Quelques censeurs de ce temps ont descouvert que nous n'en feuilletasmes pas un, D'Aubigné, Conf. II, 6.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

CENSEUR, s. m. (Hist. anc.) l’un des premiers magistrats de l’ancienne Rome, qui étoit chargé de faire le dénombrement du peuple, & la répartition des taxes pour chaque citoyen. Ses fonctions avoient encore pour objet la police, & la réformation des mœurs dans tous les ordres de la république.

Le nom de censeur vient de censere, estimer, évaluer, parce que cet officier évaluoit les biens de chacun, enregistroit leurs noms, & distribuoit le peuple par centuries. Selon quelques auteurs, ce terme est dérivé de l’inspection que les censeurs avoient sur les mœurs & sur la police.

Il y avoit à Rome deux censeurs. Les premiers furent créés en 311, c’étoient Papirius & Sempronius : Le sénat qui voyoit que les consuls étoient assez occupés du militaire, & des affaires du dehors, imagina cette nouvelle dignité pour veiller à celles du dedans, & tira de son corps ceux qui en furent revêtus : mais depuis que les plébéiens eurent été admis au consulat, ils aspirerent aussi à la censure, & parvinrent au moins à faire remplir une des deux places de censeur par un sujet tiré du corps du peuple. Il y eut sur cela une loi de portée en 414, & elle fut en vigueur jusqu’en 622, qu’on nomma deux censeurs plébéiens ; ils partagerent toûjours cette charge avec les patriciens, jusqu’au tems des empereurs, qui la réunirent en leur personne.

L’autorité des censeurs étoit fort étendue, puisqu’ils avoient droit de reprendre les citoyens les plus élevés en dignité ; aussi cette charge ne s’obtenoit-elle qu’après qu’on avoit passé par toutes les autres. On trouva étrange que Crassus en eût été pourvû avant que d’avoir été ni consul ni préteur. L’exercice de la censure duroit d’abord cinq ans : mais cet usage ne dura que neuf ans ; le dictateur Mamercus ayant porté, l’an de Rome 420, une loi qui réduisit le tems de la censure à dix-huit mois ; ce qui fut dans la suite observé à la rigueur.

Outre les fonctions des censeurs, dont on a déjà parlé, ils étoient spécialement chargés de la sur-intendance des tributs, de la défense des temples, du soin des édifices publics, de réprimer le libertinage, & de veiller à la bonne éducation de la jeunesse. Si quelque sénateur deshonoroit par ses débauches l’éclat de cet illustre corps, ils avoient droit de l’en chasser ; & l’histoire fournit des exemples de cette sévérité. Ils ôtoient aux chevaliers leur cheval, & la pension que leur faisoit l’état, s’ils se comportoient d’une maniere indigne de leur rang ; & quant au menu peuple, ils en faisoient descendre les membres d’une tribu distinguée dans une plus basse, les privoient du droit de suffrage, ou les condamnoient à des taxes & des amendes.

Cette autorité n’étoit pourtant pas sans bornes, puisque les censeurs eux-mêmes étoient obligés de rendre compte de leur conduite aux tribuns du peuple, & aux grands édiles. Un tribun fit mettre en prison les deux censeurs M. Furius Philus, & M. Attilius Regulus. Enfin, ils ne pouvoient pas dégrader un citoyen sans avoir préalablement exposé leurs motifs, & c’étoit au sénat & au peuple à décider de leur validité. (G)

A Lacédémone, dit l’illustre auteur de l’Esprit des Lois, tous les vieillards étoient censeurs. Le même auteur observe que ces magistrats sont plus nécessaires dans les républiques, que dans les monarchies & dans les états despotiques. La raison en est facile à appercevoir.

La corruption des mœurs détruisit la censure chez les Romains ; cependant César & Auguste voyant que les citoyens ne se marioient pas, rétablirent les censeurs qui avoient l’œil sur les mariages. (O)

Censeurs de livres, (Littérature.) nom que l’on donne aux gens de lettres chargés du soin d’examiner les livres qui s’impriment. Ce nom est emprunté des censeurs de l’ancienne Rome, dont une des fonctions étoit de réformer la police & les mœurs.

Ces censeurs ont été établis dans les différens états pour examiner les ouvrages littéraires, & porter leur jugement sur les livres qu’on se propose d’imprimer, afin que rien ne soit rendu public, qui puisse séduire les esprits par une fausse doctrine, ou corrompre les mœurs par des maximes dangereuses. Le droit de juger des livres concernant la religion, & la police ecclésiastique, a toûjours été attaché en France à l’autorité épiscopale : mais depuis l’établissement de la faculté de Théologie, il semble que les évêques ayent bien voulu se décharger de ce soin sur les docteurs, sans néanmoins rien diminuer de leur autorité sur ce point. Ce droit de juger des livres concernant la foi, & l’Ecriture sainte, a été plusieurs fois confirmé à la faculté de Théologie, par arrêt du parlement de Paris, & singulierement à l’occasion des hérésies de Luther & de Calvin, qui produisirent une quantité prodigieuse de livres contraires à la religion Catholique. Ce jugement devoit être porté, non par quelques docteurs en particulier, mais par la faculté assemblée. L’usage étoit de présenter à la faculté ce qu’on vouloit rendre public ; elle nommoit deux docteurs pour l’examiner ; & sur le rapport qu’ils en faisoient dans une assemblée, la faculté, après un mûr examen des raisons pour ou contre, donnoit son approbation à l’ouvrage, ou le rejettoit. Les prélats même n’étoient point dispensés de soûmettre leurs ouvrages à l’examen de la faculté de Théologie, qui, en 1534, refusa son approbation au commentaire du cardinal Sadolet, évêque de Carpentras, sur l’épître de saint Paul aux Romains, & qui, en 1542, censura le bréviaire du cardinal Sanguin, évêque d’Orléans. Le parlement de Paris, toûjours attentif à la conservation de la religion Catholique dans toute sa pureté, autorisa, par arrêt de la même année 1542, la faculté de Théologie à examiner les livres qui venoient des pays étrangers ; cet arrêt fut occasionné par le livre de l’Institution chrétienne, que Calvin avoit fait imprimer à Bâle.

Les livres s’étant considérablement multipliés au commencement de l’année 1600, le nombre des docteurs chargé de les examiner fut augmenté ; il en résulta différens abus, ces docteurs se dispenserent du rapport qu’ils étoient obligés de faire à la faculté assemblée, & approuverent des livres qu’elle trouva repréhensibles. Pour remédier à cette espece de desordre, la faculté publia un decret par lequel elle défendit à tous docteurs de donner inconsidérément leur approbation, sous peine de perdre pendant six mois l’honoraire & les priviléges attachés au doctorat, & pendant quatre ans le droit d’approuver les livres : elle fit encore plusieurs autres reglemens, mais qui ne firent qu’aigrir les esprits. Enfin en 1623 l’harmonie cessa tout-à-fait dans la faculté à l’occasion d’une question de Théologie, qui partagea tous les docteurs ; il s’agissoit de décider si l’autorité du pape est supérieure ou inférieure à celle des conciles. Chacun prit parti dans cette affaire, chacun écrivit pour soûtenir son opinion ; le docteur Duval, chef de l’un des deux partis, craignant de se voir accabler par les écrits multipliés de ses adversaires, obtint du roi des lettres patentes, en 1624, qui lui attribuerent, & à trois de ses confreres, à l’exclusion de tous autres, le droit d’approuver les livres, avec une pension de 2000 livres à partager entr’eux. Ces lettres de création chagrinerent la faculté, qui se voyoit dépouiller d’un droit qu’elle croyoit devoir lui appartenir toûjours. La pension d’ailleurs accordée aux quatre nouveaux censeurs, lui parut deshonorante pour des gens consacrés par état au maintien de la saine doctrine. Elle fit remontrances sur remontrances, & ne cessa de demander avec instance la révocation de ces lettres : mais elle ne put l’obtenir ; le roi au contraire les confirma par de nouvelles, dans lesquelles il étoit dit que par la suite ces quatre censeurs créés par lettres patentes, seroient pris dans la maison de Sorbone, & élûs à la pluralité des voix dans une assemblée à laquelle seroient appellés deux docteurs de la maison de Navarre. Cette espece d’adoucissement ne satisfit pas encore la faculté ; elle continua, mais inutilement, les sollicitations. La discorde régna plus que jamais parmi les docteurs, & pendant plus de trois ans, les nouveaux censeurs essuyerent tant de desagrémens de la part de leurs confreres, que Duval, en 1626, prit enfin le parti de se démettre en pleine assemblée de ses fonctions de censeur. On ne sait pas bien positivement si après cette démission de Duval, les lettres patentes qui avoient été données singulierement en sa faveur, furent supprimées ou non : mais il paroît par différens decrets des années 1628, 1631 & 1642, que la faculté recommença, comme par le passé, à charger des docteurs de l’examen des livres, & qu’elle prit les précautions les plus sages pour empêcher les approbations inconsidérées. Son honneur & ses intérêts le demandoient : cependant tous ses soins furent inutiles ; il s’éleva dans l’Eglise des disputes sur la grace, qui donnerent naissance à une prodigieuse quantité d’écrits de part & d’autre : chacune des deux partis fit approuver ses livres par les docteurs qui lui étoient favorables, & ces docteurs donnerent leurs approbations sans avoir été commis par la faculté. Ces irrégularités durerent jusqu’en 1653. Pour y mettre fin, M. le chancelier Seguier se détermina à ôter encore une fois à la faculté le droit d’approuver les livres ; il créa quatre nouveaux censeurs, mais sans lettres patentes, & sans autre titre que la seule volonté du roi, avec chacun 600 livres de pension. Depuis ce tems, le nombre des censeurs a été considérablement augmenté ; il y en a pour les différentes matieres que l’on peut traiter : le droit de les nommer appartient à M. le chancelier, à qui ils rendent compte des livres dont il leur confie l’examen, & sur leur approbation est accordé le privilége de les imprimer. Il arrive quelquefois que le grand nombre de livres qu’ils sont chargés d’examiner, ou d’autres raisons, les mettent dans la desagréable nécessité de réduire les auteurs ou les libraires qui attendent leur jugement, à l’état de ces pauvres ames errantes sur les bords du Styx, qui prioient longtems Caron de les passer.

Stabant orantes primi transmittere cursum,
Tendebantque manus ripæ ulterioris amore.
Navita sed tristis nunc hos nunc accipit illos :
Ast alios longe summotos arcet arena.

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Étymologie de « censeur »

Censor, censeur, proprement celui qui compte.

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(1213) Du latin censor.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « censeur »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
censeur sɑ̃sœr

Fréquence d'apparition du mot « censeur » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « censeur »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « censeur »

  • Pourvu que je ne parle ni de l'autorité, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, je puis tout imprimer librement, sous la direction, néanmoins, de deux ou trois censeurs.
    Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais — Le Mariage de Figaro
  • Les censeurs ont perdu d'avance la bataille d'internet…
    Robert Ménard — Paris Match - Novembre 2000
  • Les bibliothèques devraient être ouvertes à tous sauf aux censeurs.
    Anonyme
  • Les livres ne brûleront pas, les idées ne seront pas emprisonnées. Les censeurs et les inquisiteurs ont toujours perdu dans l’Histoire.
    Alfred Whitney Griswold — Essai sur l’éducation, 1954
  • Les pires censeurs sont ceux qui osent réprimer les idées et font taire les contestations.
    Michael Moore — When You Wish Upon A Star... - 7 Mai 2004
  • Le téléphone de l'ancien boxeur (65 ans) a chauffé hier durant toute la journée. Après les déclarations de Mourad Boudjellal, indiquant qu'il aimerait le faire revenir à l'OM, Louis Acariès a d'abord eu une pensée pour... Pape Diouf, décédé fin mars du Covid-19. En tant que "censeur" du club et proche conseiller de Robert Louis-Dreyfus, c'est lui qui avait oeuvré en coulisses pour que le Sénégalais soit nommé président en 2005.
    LaProvence.com — OM | Rachat de l'OM : Louis Acariès serait partant | La Provence
  • La même source renseigne que M. Apélété, censeur d’une école technique privée ‘Etoiles du Matin’, se serait donné volontairement la mort par pendaison depuis dimanche le 31 mai.
    Africa Top Success — Togo : un censeur retrouvé mort dans sa chambre à Lomé (photo)
  • Les inventions qui ne sont pas connues ont toujours plus de censeurs que d’approbateurs.
    Blaise Pascal — Lettres dédicatoires à Monsieur le Chancelier
  • Faites choix d'un censeur solide et salutaire, Que la raison conduise et le savoir éclaire.
    Nicolas Boileau dit Boileau-Despréaux — L'Art poétique
  • La cooptation de Holding Malakoff Humanis en tant qu'administrateur a été agréée. Monsieur J.P. Letartre a été nommé administrateur. Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France n'ayant pas justifié d'une détention substantielle du capital (8 à 10%), celle-ci n'est pas nommée administrateur. Le mandat de Censeur de G. Hennique a été renouvelé. J.P. Guillon a été nommé censeur.
    Bourse Direct — IRD Bord Pas de Calais : Jean-Pierre Letartre succède à Gérard Meauxsoone à la présidence du Conseil d'administration
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Traductions du mot « censeur »

Langue Traduction
Anglais censor
Espagnol censor
Italien censore
Allemand zensor
Portugais censor
Source : Google Translate API

Synonymes de « censeur »

Source : synonymes de censeur sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « censeur »

Combien de points fait le mot censeur au Scrabble ?

Nombre de points du mot censeur au scrabble : 9 points

Censeur

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