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Analyse

Variantes Singulier Pluriel
Féminin analyse analyses

Définitions de « analyse »

Trésor de la Langue Française informatisé

ANALYSE, subst. fém.

I.− Décomposition d'une chose en ses éléments, d'un tout en ses parties.
A.− [En parlant de choses concr. ou abstr.] Examen permettant d'isoler ou de discerner les différentes parties d'un tout :
1. Aujourd'hui la science en est à l'analyse, à la minutieuse observation des détails; c'est par là seulement que son œuvre peut commencer. J. Michelet, Introduction à l'Histoire universelle,1831, p. 465.
2. Une analyse scrupuleuse suffit quelquefois pour nous faire connaître la nature d'une chose; d'autres fois elle ne nous est complètement révélée que par ses effets; et, de toutes manières, l'observation, quand nous ne pouvons avoir recours à des expériences faites exprès, est nécessaire pour confirmer ce que l'analyse a pu nous apprendre. J.-B. Say, Traité d'économie politique,1832, p. 4.
3. Parfaitement douée pour l'analyse et pour la logique, la tête française est d'une pauvreté d'imagination qui étonne, si on la compare aux têtes du Nord et à leur magique pouvoir de rêve, aux têtes du Midi et à leur magique pouvoir de vision. P. Bourget, Essais de psychologie contemporaine,1883, p. 109.
Par plaisant. :
4. Ils entrèrent dans le grenier, qui était plutôt complexe que sordide. On y reconnaissait par analyse une armoire sans porte, une porte sans armoire, un drapeau russe, un buste de Félix Faure ayant pour socle un bidet. J. Romains, Les Copains,1913, p. 20.
Rem. Syntagmes rencontrés analyse détaillée, électronique, exacte, laborieuse, microscopique, rapide, rigoureuse, scrupuleuse, sommaire...; esprit, faculté, méthode... d'analyse; éléments de l'analyse; analyse d'un problème, des résultats...; faire une analyse, soumettre à analyse, échapper à l'analyse...
En partic.
1. CHIM., MÉD. ,,Ensemble des procédés physiques, chimiques, biologiques, destinés à trouver les noms des corps simples ou composés formant un mélange ou une combinaison, puis à trouver suivant quel poids, quel volume, quels pourcentages ils sont unis.`` (Duval 1959). Analyse du sang, des urines :
5. Charles voulut feuilleter son dictionnaire de médecine; il n'y voyait pas, les lignes dansaient. − Du calme! dit l'apothicaire. Il s'agit seulement d'administrer quelque puissant antidote. Quel est le poison? Charles montra la lettre. C'était de l'arsenic. − Eh bien, reprit Homais, il faudrait en faire l'analyse. G. Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 172.
6. Lucas m'a remis les résultats de l'analyse sanguine. Nettement mauvais. Bardot, de sa voix traînante, a dû avouer : « pas fameux ». Mon beau sang d'autrefois! ma convalescence à Saint-Dizier, après ma première blessure, quelle confiance dans ma carcasse! Quelle fierté de la qualité de mon sang devant la rapidité des cicatrisations! Jacques aussi. Le sang des Thibault. R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 919.
7. ... au mois d'août 1953, l'écoute « radioactive » américaine décelait une nouvelle explosion atomique soviétique et l'analyse du nuage montrait non seulement qu'il s'agissait d'une bombe thermonucléaire, mais que celle-ci avait mis en jeu certains matériaux différents de ceux utilisés dans l'explosion américaine qui l'avait précédée de neuf mois. B. Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 88.
2. ÉCON. Analyse économique. Examen ,,qui consiste à suivre dans tous ses détails, dans l'espace comme dans le temps (...) le processus suivant lequel se déclenche l'action, s'engrènent et s'enchaînent les réactions, afin de montrer pourquoi et comment se trouve être constitué un phénomène économique.`` (Romeuf t. 1 1956) :
8. Les périodes de développement sont différentes dans l'histoire économique des périodes de croissance caractérisées par une accélération ou un ralentissement du taux d'accroissement du produit. Un économiste, aujourd'hui, les distingue afin de voir comment les secondes (périodes de croissance) se rattachent aux premières (périodes de développement). Il soumet ces périodes de développement elles-mêmes à l'analyse économique. F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, p. 162.
3. GRAMM. Analyse grammaticale. Décomposition d'une proposition en ses éléments grammaticaux et caractérisation grammaticale de ces éléments :
9. Ainsi, l'on fait faire à un enfant l'analyse grammaticale d'une phrase : c'est une véritable décomposition, ou une résolution du discours dans les éléments grammaticaux qui le constituent. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 382.
Analyse logique. Décomposition de la phrase en propositions et détermination de la fonction de ces propositions :
10. Deux ans plus tard on m'eût donné pour guéri : le prince avait disparu, le cordonnier ne croyait à rien, je n'écrivais même plus; jetés à la poubelle, égarés ou brûlés, les cahiers de roman avaient fait place à ceux d'analyse logique de dictées, de calcul. J.-P. Sartre, Les Mots,1964, p. 173.
4. LING. Étude des éléments d'un énoncé, considérés dans leurs combinaisons régulières avec certains éléments contextuels qui en déterminent l'emploi, l'ensemble de ces combinaisons permises constituant la distribution* d'un élément.
5. LOG. Un des procédés généraux de la pensée, qui consiste à décomposer un tout en ses éléments, à l'inverse de la synthèse qui (re)compose un tout à partir de ses éléments :
11. La synthèse doit se précéder d'analyse; et l'analyse, besoin de l'esprit, naît du sentiment de la complexité. A. Gide, Réflexions sur quelques points de littérature et de morale,1897, p. 417.
6. MATH. et STATIST. Analyse mathématique. ,,Ensemble des secteurs des mathématiques relevant du calcul infinitésimal, du calcul des variations et de leurs divers prolongements et applications.`` (Uv.-Chapman 1956). Anciennement, méthode de raisonnement consistant à poser au départ le problème comme résolu et à chercher ensuite quelles propositions doivent être admises pour que la solution posée soit juste :
12. Or, c'est cette méthode inverse dont les géomètres grecs regardaient Platon comme l'inventeur, et à laquelle ils donnaient le nom d'analyse, c'est-à-dire de résolution ou de solution à rebours, en appliquant celui de synthèse ou de construction à la méthode directe, dans laquelle on passe d'une vérité à une autre que les précédentes soutiennent, comme on irait, dans la construction d'un édifice, des assises inférieures aux assises superposées, ... A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 389.
Analyse séquentielle. ,,Méthode de jugement sur échantillon, qui consiste à consulter une table à mesure qu'on recueille les données, jusqu'à ce que, compte tenu de ces données, la table indique que l'échantillon est désormais assez grand pour qu'on puisse prendre une décision.`` (Lar. encyclop.).
7. TÉLÉV. Examen d'une image ,,point par point, suivant un ordre et dans un temps déterminé. On peut commencer par le centre et finir par la périphérie (analyse spirale), ou commencer en haut et à gauche suivant une série de lignes (...). Le nombre de lignes de lecture donnera « la définition » de l'analyse.`` (Électron. 1963-64).
B.− [En parlant de choses morales, des sentiments, des réactions, des passions...] Examen qui cherche à saisir les mobiles et (ou) les motifs profonds d'un état ou d'un processus :
13. ... l'analyse continuelle de soi-même est corrosive. Elle fait peut-être en somme plus de mal que de bien, et ôte plus de force qu'elle ne donne de lumière. H.-F. Amiel, Journal intime,6 juin 1866, p. 312.
14. Je ne pense pas que le métier d'historien dispose à l'analyse psychologique. Dans notre partie, nous n'avons affaire qu'à des sentiments entiers sur lesquels on met des noms génériques comme ambition, intérêt. Pourtant si j'avais une ombre de connaissance de moi-même, c'est maintenant qu'il faudrait m'en servir. J.-P. Sartre, La Nausée,1938, p. 17.
15. Il y joint de remarquables analyses de la peur active et passive, de la joie, de la tristesse, où chaque émotion est une attitude adoptée par la conscience à la place de la conduite supérieure trop difficile. P. Ricœur, Philosophie de la volonté,1949, p. 257.
Rem. Syntagmes rencontrés analyse de caractère, des passions, du cœur humain; facultés d'analyse; roman d'analyse.
1. PHILOS. Analyse réflexive. ,,Elle porte sur les conditions et la structure de la pensée; son objet est d'arriver à la connaissance de la nature originelle de l'esprit et fondamentalement de résoudre le problème de la liberté absolue ou de la prédestination.`` (Julia 1964) :
16. L'analyse réflexive, à partir de notre expérience du monde, remonte au sujet comme à une condition de possibilité distincte d'elle et fait voir la synthèse universelle comme ce sans quoi il n'y aurait pas de monde. M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. IV.
2. PSYCH. Synon. psychanalyse :
17. La caractérologie contenue en puissance dans le freudisme est donc une caractérologie dynamique et inductive. Des comportements significatifs : rêves, actes manqués, etc., l'analyse remonte, en suivant les schémas des mécanismes freudiens, jusqu'à cette anatomie psychologique qu'est la topographie des complexes individuels. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 36.
18. − Tu as beaucoup de complexes, dit Paule d'un ton méditatif. − Peut-être; mais tant qu'ils ne me gênent pas... − Tu n'admettras jamais qu'ils te gênent : ça fait partie précisément de tes complexes. Ta dépendance à l'égard de Robert : ça vient d'un complexe. Je suis sûre qu'une analyse te délivrerait. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 496.
C.− Loc. adv.
1. En dernière analyse. En allant à l'essentiel, en fin de compte, en conclusion :
19. L'empereur disait qu'il eût pu être fort utile au conseil, meilleur peut-être que les autres parce qu'il avait parfois des idées neuves et très lumineuses, mais que, du reste, il n'était pas du tout propre à gouverner. En dernière analyse, disait l'empereur, pour gouverner il faut être militaire : on ne gouverne qu'avec des éperons et des bottes. E.-D. de Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 871.
2. P. anal., rare. En première analyse. En premier lieu, dans une première approche :
20. En première analyse, et sans préjuger de facteurs plus profonds, le groupement des particules vivantes en organismes complexes est une conséquence presque inévitable de leur multiplication. P. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 112.
II.− Étude détaillée de quelque chose pour en rendre compte :
21. Nous étions si fatigués que le seul M. de Saint-Amans eut le courage d'entreprendre et la force d'exécuter cette nouvelle expédition. J'ai tout vu par ses yeux; j'en vais rendre compte. Je ne me contenterai pas ici d'une simple analyse, je copierai souvent M. de Saint-Amans, ... J. Dusaulx, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées,t. 1, 1796, p. 316.
22. Tu n'imagines pas le dossier qu'il m'a apporté. C'est une merveille. En tête, huit pages de rapport, où il résume les faits, et expose la question. Puis un répertoire des documents, avec trois ou quatre lignes d'analyse pour chacun. Ensuite les documents. À la fin, quatre pages de conclusions, où les mesures à prendre sont indiquées. J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 148.
23. Palewski m'apporte les télégrammes, missives, rapports, concernant la politique et la diplomatie, les analyses de presse et de radio françaises et étrangères, les messages qui arrivent de tous les points de la France et du monde. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 126.
En partic.
Analyse littéraire. Étude d'une œuvre du point de vue des idées, des sentiments, des intentions, de la structure, de l'expression, etc.
Rem. Syntagmes rencontrés analyse d'un discours, d'un poème, d'une pièce de théâtre, d'un roman.
DOCUM. Analyse de contenu, analyse documentaire. Opération qui consiste à traduire le contenu d'une information, d'une communication, d'un texte quelconque, sous une forme généralement réduite par rapport à la forme originale et dans un langage spécifique de descripteurs* correspondant à des catégories nettement définies.
Prononc. : [anali:z]. Enq. : /analiz/.
Étymol. ET HIST. − 1. [1578] Dauzat 1968, d'Aubigné; a) av. 1630 litt. « étude critique d'un ouvrage » (D'Aubigné, Sa vie à ses enfants ds Prose, Ides et calendes, Neuchatel, p. 41 : S'estant pourtant mis à une curieuse analyse [à propos du livre de Bellarmin], avec le secours de Vitaker & de Sibrand Lubert, il s'affermit plus que jamais en sa Religion); b) fin xviies. « compte rendu d'un ouvrage, sommaire » (Bossuet ds Pt Rob. : Je propose cette analyse des dix livres de ce Traité, afin que les lecteurs entendent toutes les démarches qu'on leur fera faire); d'où c) 1751 (Encyclop. t. 1, p. 403 : Analyse, − Littérature − se dit encore d'une espèce d'index ou table des principaux chefs ou articles d'un discours continu ... Les analyses contiennent plus de science que les tables alphabétiques, mais sont moins en usage parce qu'elles sont moins faciles à comprendre); 2. 1637 math. « méthode de résolution et de démonstration » (Descartes, Méth. 2 ds Œuvres Philosophiques, éd. F. Alquié, I, 589 : ... et que, par ce moyen, j'emprunterais tout le meilleur de l'analyse géométrique et de l'algèbre, et corrigerais tous les défauts de l'une par l'autre); 3. a) 1637 philos. « méthode de réflexion et d'exposition (empr. aux math.) » (Descartes, ibid.; cf. aussi 1641, Méditations, éd. Alquié, II, 581 : La manière de démontrer est double : l'une se fait par l'analyse ou résolution, et l'autre par la synthèse ou composition); b) 1746 ext. de cette méthode à la mor. et à la psychol. (Condillac, Essai sur l'orig. des connaissances hum., Corpus gén. des Philos. Franç., Condillac, I, 28 : Ces analyses nous conduisent à avoir de l'entendement une idée plus exacte que celle qu'on s'en fait communément); c) 1771 ext. à l'écon. pol. (Baudeau, Première Introd. à la Philos. Écon. ou Analyse des États Policés ds Brunot t. 6 1930, p. 31 : l'analyse des monarchies vraiment économiques); d) 1775 gramm. (Condillac, Cours d'études, Grammaire, Corpus gén. des Philos. Franç., Condillac, I, 427 : Dans la première partie, que j'intitule de l'analyse du discours, nous chercherons les signes que les langues nous fournissent pour analyser la pensée); 1835 (Ac. : Analyse grammaticale. Décomposition d'une proposition en ses parties, ...); 4. a) 1690 sc. « méthode qui emploie le raisonnement déductif à partir de la décomposition de l'objet étudié en ses différents éléments pour en retrouver les principes » (Fur. : ... Quand on fait l'anatomie d'un animal, c'est une espece d'analyse qui en fait connoistre toutes les parties. Messieurs de l'Académie des Sciences ont entrepris de faire l'analyse de toutes les plantes ...); d'où b) 1726 chim. « étude de la composition d'un corps, d'un mélange, etc... » (Mémoires de l'Académie, p. 306, Essai d'analyse ... eaux minérales de Passy : Plusieurs personnes ayant déjà examiné ces Eaux, et même communiqué au Public ce qu'ils ont pénétré par leur travail et leurs observations, on s'étonnera peut-être, que j'en entreprenne de nouveau l'analyse); non attesté ds Helvetius, Traité des maladies ..., Paris, 1703, malgré Quem. Méd. 1955; 5. 1770 loc. adv. en dernière analyse « toutes choses bien considérées » (P.-A. Alletz, Dict. des richesses de la langue françoise, citat. Desfontaine ds Brunot t. 6 1930, p. 1386 : Cette dangereuse passion se trouve, en dernière analyse, l'amour platonique). Empr. au gr. α ̓ ν α ́ λ υ σ ι ς, attesté dep. Aristote au sens de « dissolution » (Du monde, 4, 11 ds Bailly), et de « analyse, méthode de résolution (p. opp. à la synth.) » (Morale à Nicomaque, 3, 3, 12 ds Bailly).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 3 239. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 2 855, b) 3 016; xxes. : a) 4 954, b) 6 747.
BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Barr. 1967. − Battro 1966. − Birou 1966. − Bonnaire 1835. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Cham. 1969. − Charles 1960. − Chesn. 1857. − Colas-Cab. 1968. − Cros-Gardin 1964. − Dagn. 1965. − Delc. t. 1 1926. − Dem. 1802. − Duval 1959. − Éd. 1913. − Électron. 1959. − Électron. 1963-64. − Foi t. 1 1968. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Fromh.-King 1968. − Giteau 1970. − Goblot 1920. − Grand. 1962. − Guilh. 1969. − Hetman 1969. − Julia 1964. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Lafon 1969. − Lal. 1968. − Lapl.-Pont. 1967. − Lar. méd. 1970. − Lauzel-Muss. 1970. − Lav. Diffic. 1846. − Littré-Robin 1865. − Mar. Lex. 1961 [1951]. − Marcel 1938. − March. 1970. − Méd. Biol. t. 1 1970. − Miq. 1967. − Mont. 1967. − Moor 1966. − Mucch. Psychol. 1969. − Mucch. Sc. soc. 1969. − Muller 1966. − Nucl. 1964. − Num. 1969. − Nysten 1824. − Olmi-July 1970. − Pag. 1969. − Piéron 1963. − Piguet 1960. − Pil. 1969. − Plais.-Caill. 1958. − Poignon 1967. − Privat-Foc. 1870. − Psychol. 1969. − Pujol 1970. − Rolland-Coul. 1969. − Romeuf t. 1 1956. − Sill. 1965. − Sociol. 1970. − Springh. 1962. − Suavet 1963. − Tez. 1968. − Uv.-Chapman 1956. − Vachek 1960

Wiktionnaire

Nom commun - français

analyse \a.na.liz\ féminin

  1. Résolution d’un tout en ses parties.
    • À ce moment, Eurylokhos et Périmèdès délient (anelysan) Ulysse. Il se trouve aussi que c’est la première fois que le mot « analyse » apparaît dans un texte grec. — (Pascal Quignard, La haine de la musique, Gallimard, 1996, collection, Folio, page 167)
    • Faire l’analyse d’une fleur. L’analyse d’un mot composé.
    • (Par analogie) (Philosophie) L’analyse de nos facultés. L’analyse du cœur humain, des sentiments, des passions.
  2. Examen détaillé pour le discernement des constituants.
    • La méthode récente des analyses polliniques a permis d’avoir une opinion sur l’évolution de la végétation au voisinage de nombreuses tourbières d’Europe : […]. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 61)
  3. (Spécialement) (Chimie) Recherche, détermination, voire quantification, des éléments d’un corps composé. — Note : Elle est dite qualitative ou quantitative selon qu’on recherche la nature des éléments composants ou la proportion de chacun d’eux.
    • Nous donnons ci-après l’analyse d’un échantillon de tourbe provenant des tourbières de Beulotte-Saint-Laurent : Matières volatiles : 64,5 % ; Charbon : 23,3 % ; Cendres : 12,2 % (d’après Thirria [124]). — (Gustave Malcuit, Contributions à l’étude phytosociologique des Vosges méridionales saônoises : les associations végétales de la vallée de la Lanterne, thèse de doctorat, Société d’édition du Nord, 1929, p. 113)
  4. (Logique) Un des procédés généraux de la pensée, qui consiste à décomposer un tout en ses éléments, à l’inverse de la synthèse qui (re)compose un tout à partir de ses éléments .
    • Cette remarque pose, d’ailleurs, à l’historien, un problème. L’analyse qui est la sienne s’appuie sur SA lecture, véritable relecture dans un contexte parfaitement différent. — (Yvonne Turin, Littérature engagée et anticolonialisme européen dans l’Algérie du Centenaire: le cas singulier d’Albert Truphémus, dans la Revue d’Histoire moderne et contemporaine, tome XXIII, 1976, page 617)
  5. (Grammaire) Décomposition d’une phrase en ses éléments grammaticaux, tels que le nom, l’article, le pronom, le verbe, etc.
    • Analyse grammaticale,
  6. (Grammaire) Décomposition d’une proposition en ses parties, telles que le sujet, le verbe, l’attribut, etc.
    • Analyse logique,
  7. (Mathématiques) Emploi pour la démonstration d’un théorème, ou la solution d’un problème, du calcul algébrique, du calcul différentiel ou du calcul intégral.
    • Analyse mathématique,
  8. (Analyse) Domaine des mathématiques portant entre autres sur l’étude des fonctions.
    • Analyse réelle : portant spécifiquement sur les fonctions d’une variable réelle.
    • Analyse complexe : portant spécifiquement sur les fonctions d’une variable complexe.
  9. Résumé, précis raisonné d’un ouvrage d’esprit.
    • L’analyse d’un discours, d’un poème, d’une pièce de théâtre, d’un roman. Ce journal donne l’analyse de presque tous les ouvrages nouveaux.
    • Analyse incomplète. Une courte, une sèche analyse. Analyse rapide.
    • Faire l’analyse d’un dossier, l’analyse des travaux d’une société savante, etc.
  10. Psychanalyse.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ANALYSE. n. f.
Résolution d'un tout en ses parties. Faire l'analyse d'une fleur. L'analyse d'un mot composé. Par analogie, en termes de Philosophie, L'analyse de nos facultés. L'analyse du cœur humain, des sentiments, des passions. Analyse psychologique. Avoir l'esprit d'analyse. En termes de Logique, il se dit spécialement du Procédé de raisonnement qui va de la connaissance des parties à celle du tout, des idées particulières aux idées générales, et qui est l'opposé de la SYNTHÈSE. Les règles de l'analyse. Avoir l'esprit d'analyse. En termes de Grammaire, Analyse grammaticale, Décomposition d'une phrase en ses éléments grammaticaux, tels que le nom, l'article, le pronom, le verbe, etc. Analyse logique, Décomposition d'une proposition en ses parties, telles que le sujet, le verbe, l'attribut, etc. Analyse mathématique, Emploi pour la démonstration d'un théorème, ou la solution d'un problème, du calcul algébrique, du calcul différentiel ou du calcul intégral. Analyse chimique, Recherche des éléments d'un corps composé. Elle est dite qualitative ou quantitative selon qu'on recherche la nature des éléments composants ou la proportion de chacun d'eux. Analyse du sang, de l'eau, du lait.

ANALYSE signifie aussi Résumé, précis raisonné d'un ouvrage d'esprit. L'analyse d'un discours, d'un poème, d'une pièce de théâtre, d'un roman. Ce journal donne l'analyse de presque tous les ouvrages nouveaux. Analyse incomplète. Une courte, une sèche analyse. Analyse rapide. On dit de même Faire l'analyse d'un dossier, l'analyse des travaux d'une société savante, etc. En dernière analyse, loc. adv. En dernier résultat. Je ne vois pas, en dernière analyse, quelle utilité si grande on peut tirer de cette découverte.

Littré (1872-1877)

ANALYSE (a-na-li-z') s. f.
  • 1Résolution d'un tout en ses parties.
  • 2Analyse chimique, décomposition d'un composé au moyen de réactifs appropriés, et séparation de ses principes constituants. Cette tache était d'une encre tout extraordinaire, qui résistait à l'analyse, Courier, I, 79.

    Analyse qualitative, celle qui détermine la nature ou qualité des parties d'un composé, sans s'occuper de leur quantité.

    Analyse quantitative, celle dans laquelle on détermine le poids et le volume, absolu ou proportionnel, des parties obtenues par l'analyse qualitative.

    Analyse immédiate, celle qui sépare les parties dont un corps est composé. Exemple : Séparation d'un sel en son acide et sa base ou ses bases.

    Analyse élémentaire, celle dans laquelle on ne s'occupe que du poids et de la nature des éléments chimiques ou corps simples.

  • 3En grammaire, analyse, exposé que le maître fait faire de tous les accidents et des propriétés des mots ou des phrases.

    L'analyse grammatologique consiste à faire connaître les lettres, les syllabes, les signes orthographiques.

    L'analyse spécifique des mots est la décomposition d'une phrase ou d'un discours selon les espèces de mots qui y entrent.

    L'analyse étymologique consiste à décomposer tous les mots d'une phrase par rapport à l'étymologie, c'est-à-dire à indiquer les primitifs et les dérivés, les simples et les composés.

    L'analyse logique consiste à expliquer exactement la nature, le nombre et la composition des propositions, et à en distinguer et déterminer les différents termes.

    L'analyse syntaxique des phrases est celle qui nous fait connaître les rapports que les mots ont les uns aux autres.

    L'analyse grammaticale est l'analyse syntaxique et l'analyse spécifique réunies et faites toutes deux à la fois de la même phrase.

  • 4En logique, méthode par laquelle on remonte des effets aux causes, ou des conséquences aux principes, du particulier au général, du composé au simple. L'analyse est l'opposé de la synthèse.
  • 5En littérature, extrait, précis, examen d'un ouvrage. Je ferai l'analyse des notes et de l'instruction, Bossuet, Lett. quiét. 199. Si l'on faisait en toute rigueur l'analyse de ce discours, Bossuet, Or. 9. En faisant l'analyse des propositions de l'auteur, Bossuet, Préf. Voici le temps de lui apprendre à faire l'analyse d'un discours, Rousseau, Ém. IV.
  • 6Au moral, examen, recherche. L'analyse de nos facultés, des passions.
  • 7 En termes de mathématiques, l'analyse est l'algèbre. L'analyse transcendante est le calcul différentiel et intégral. On appelle aussi quelquefois analyse l'application de l'algèbre à la géométrie, ou géométrie générale.
  • 8En dernière analyse, loc. adv. En dernier résultat.

SYNONYME

ANALYSE, INDUCTION. L'analyse est proprement et essentiellement la résolution du composé en ses éléments, et la synthèse, la reconstitution des éléments en leur composé ; c'est ce que la chimie nous enseigne d'une manière nette et précise. Mais quand on dit que l'analyse est la méthode qui va des effets à la cause, des conséquences au principe, du particulier au général, on ajoute à l'analyse une idée qui en fait la méthode inductive, l'induction. L'induction est donc l'analyse considérée quant à la recherche de la cause, du principe, du général. C'est en ce sens que l'analyse a été dite souvent méthode des découvertes. L'astronomie offrit le plus bel exemple d'analyse ou induction, quand Newton trouva la gravitation, cause des faits particuliers, et de synthèse ou déduction, quand de la gravitation ou loi générale on tira les faits particuliers du système solaire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ANALYSE. Ajoutez : - REM. Le nom d'analyse donné à l'algèbre littérale vient de ce que c'est un puissant instrument d'analyse, ainsi que l'a entendu Viète, inventeur du nom, et qui a donné à son premier ouvrage le titre de In Artem analyticam.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ANALYSE (Ordre encyclop. Entend. Raison. Philosoph. ou Science, Science de la Nature, Mathématiques pures, Arithmétique littérale, ou Algébre, Analyse.) est proprement la méthode de résoudre les problèmes mathématiques, en les réduisant à des équations. Voyez Problème & Equation.

L’Analyse, pour résoudre les problèmes, employe le secours de l’Algebre, ou calcul des grandeurs en général : aussi ces deux mots, Analyse, Algebre, sont souvent regardés comme synonymes.

L’Analyse est l’instrument ou le moyen général par lequel on a fait depuis près de deux siecles dans les Mathématiques de si belles découvertes. Elle fournit les exemples les plus parfaits de la maniere dont on doit employer l’art du raisonnement, donne à l’esprit une merveilleuse promptitude pour découvrir des choses inconnues, au moyen d’un petit nombre de données ; & en employant des signes abregés & faciles pour exprimer les idées, elle présente à l’entendement des choses, qui autrement sembleroient être hors de sa sphere. Par ce moyen les démonstrations géométriques peuvent-être singulierement abregées : une longue suite d’argumens, où l’esprit ne pourroit sans le dernier effort d’attention découvrir la liaison des idées, est convertie en des signes sensibles, & les diverses opérations qui y sont requises sont effectuées par la combinaison de ces signes. Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est que par le moyen de cet art un grand nombre de vérités sont souvent exprimées par une seule ligne ; au lieu que si on suivoit la maniere ordinaire d’expliquer & de démontrer, ces vérités rempliroient des volumes entiers. Ainsi par la seule étude d’une ligne de calcul, on peut apprendre en peu de tems des sciences entieres, qui autrement pourroient à peine être apprises en plusieurs années. Voyez Mathématiques, Connoissance, , Algebre , &c.

L’Analyse est divisée, par rapport à son objet, en Analyse des quantités finies, & Analyse des quantités infinies.

Analyse des quantités finies, est ce que nous appellons autrement Arithmétique spécieuse ou Algebre. V. Algebre.

Analyse des quantités infinies, ou des infinis, appellée aussi la nouvelle Analyse, est celle qui calcule les rapports des quantités qu’on prend pour infinies, ou infiniment petites. Une de ses principales branches est la méthode des fluxions, ou le calcul différenciel. Voyez Fluxion, Infiniment petit & Différentiel

Le grand avantage des Mathématiciens modernes sur les anciens, vient principalement de l’usage qu’ils font de l’Analyse.

Les anciens Auteurs d’Analyse sont nommés par Pappus, dans la préface de son septieme livre des collections mathématiques ; savoir, Euclide, en ses Data & Porismata ; Apollonius, de Sectione Rationis, & dans ses Coniques ; Aristæus, de Locis solidis ; & Eratosthenes, de Mediis proportionalibus. Mais les anciens Auteurs d’Analyse étoient très-différens des modernes. Voyez Arithmétique.

L’Algebre appartient principalement à ceux-ci : on en peut voir l’histoire, avec ses divers Auteurs, sous l’article Algebre.

Les principaux Auteurs sur l’Analyse des infinis, sont Wallis, dans son Arithmétique des infinis ; Newton, dans son Analysis per quantitatum series, fluxiones, & differentias, & dans son excellent Traité qui a pour titre de quadraturâ curvarum : Leibnitz, act. eruditor. an. 1684. le marquis de l’Hopital, en son Analyse des infiniment petits, 1696. Carré, en sa méthode pour la mesure des surfaces, la dimension des solides, &c. par l’application du calcul intégral, 1700. G. Manfred, dans son ouvrage de constructione equationum differentialium primi gradûs, 1707. Nic. Mercator, dans sa Logarithmotechnia, 1668. Cheyne, dans sa Methodus fluxionum inversa, 1703. Craig, Methodus figurarum lineis rectis & curvis comprehensarum, quadraturas determinandi, 1685. & de quadraturis figurarum curvilinearum & locis, &c. 1693. Dav. Grégory, dans son Exercitatio geometrica de dimensione figurarum, 1684. & Nieuwentijt, dans ses Considerationes circa Analyseos ad quantitates infini è parvas applicatæ, principia, 1695.

L’Analyse démontrée du P. Reyneau de l’Oratoire, imprimée pour la premiere fois à Paris en 1708, en 2 volumes in-4°. est un livre auquel ceux qui veulent étudier cette science ne peuvent se dispenser d’avoir recours. Quoiqu’il s’y soit glissé quelques erreurs, c’est cependant jusqu’à présent l’ouvrage le plus complet que nous ayons sur l’Analyse. Il seroit à souhaiter que quelqu’habile Géometre nous donnât sur cette matiere un traité encore plus exact & plus étendu à certains égards, & moins étendu à d’autres que celui du P. Reyneau. On pourroit abreger le premier volume, qui contient sur la théorie des équations beaucoup de choses assez inutiles, & augmenter ce qui concerne le calcul intégral, en se servant pour cela des différens ouvrages qui en ont été publiés, & des morceaux répandus dans les Mémoires des Académies des Sciences de Paris, de Berlin, de Londres, & de Petersbourg, dans les Actes de Leipsic, dans les ouvrages de MM. Bernoulli, Euler, Maclaurin, &c. Voyez Calcul intégral.

Cet article Analyse est destiné au commun des lecteurs, & c’est pour cela que nous l’avons fait assez court : on trouvera à l’article Arithmétique universelle un détail plus approfondi ; & à l’article Application, on traitera de celle de l’Analyse à la Géométrie. L’article Algebre contient l’histoire de l’Analyse. (O)

Analyse, s. f. (Gram.) ce mot est Grec, ἀνάλυσις, formé d’ἀνὰ, rursùm, & de λυω, solvo, je résous. Il signifie, à proprement parler, la résolution ou le développement d’un tout en ses parties : ainsi on appelle Analyse d’un ouvrage, l’extrait de cet ouvrage, où l’on en développe les parties principales ; Analyse d’un raisonnement, l’examen qu’on fait d’un raisonnement en le partageant en plusieurs parties ou propositions, pour en découvrir plus facilement la vérité ou la fausseté. (O)

L’Analyse, s. f. en Logique, c’est ce qu’on appelle dans les écoles la méthode qu’on suit pour découvrir la vérité ; on la nomme autrement la méthode de résolution. Par cette méthode, on passe du plus composé au plus simple ; au lieu que dans la synthese, on va du plus simple au plus composé. Comme cette définition n’est pas des plus exactes, on nous permettra d’en substituer une autre. L’analyse consiste à remonter à l’origine de nos idées, à en développer la génération & à en faire différentes compositions ou décompositions pour les comparer par tous les côtés qui peuvent en montrer les rapports. L’analyse ainsi définie, il est aisé de voir qu’elle est le vrai secret des découvertes. Elle a cet avantage sur la synthese, qu’elle n’offre jamais que peu d’idées à la fois, & toûjours dans la gradation la plus simple. Elle est ennemie des principes vagues, & de tout ce qui peut être contraire à l’exactitude & à la précision. Ce n’est point avec le secours des propositions générales qu’elle cherche la vérité : mais toûjours par une espece de calcul, c’est-à-dire, en composant & décomposant les notions pour les comparer, de la maniere la plus favorable, aux découvertes qu’on a en vûe. Ce n’est pas non plus par des définitions, qui d’ordinaire ne font que multiplier les disputes : mais c’est en expliquant la génération de chaque idée. Par ce détail on voit qu’elle est la seule méthode qui puisse donner de l’évidence à nos raisonnemens ; & par conséquent la seule qu’on doive suivre dans la recherche de la vérité, & dans la maniere même d’en instruire les autres ; honneur qu’on fait ordinairement à la synthese. Il s’agit maintenant de prouver ce que nous avançons.

Tous les Philosophes, en général, conviennent qu’il faut dans l’exposition comme dans la recherche de la vérité, commencer par les idées les plus simples & les plus faciles : mais ils ne s’accordent pas sur la notion qu’ils se forment de ces idées simples & faciles. Presque tous les Philosophes, à la tête desquels on peut mettre Descartes, donnent ces noms à des idées innées, à des principes généraux, & à des notions abstraites, qu’ils regardent comme la source de nos connoissances. De ce principe, il s’ensuit nécessairement qu’il faut commencer par définir les choses, & regarder les définitions comme des principes propres à en faire découvrir les propriétés. D’autres en petit nombre, tels que Loke & Bacon, entendent par des idées simples les premieres idées particulieres qui nous viennent par sensation & par réflexion : ce sont les matériaux de nos connoissances que nous combinons selon les circonstances, pour en former des idées complexes, dont l’analyse nous découvre les rapports. Il ne faut pas les confondre avec les notions abstraites, ni avec les principes généraux des Philosophes ; ce sont au-contraire celles qui nous viennent immédiatement des sens, & à la faveur desquelles nous nous élevons ensuite par degrés à des idées plus simples ou plus composées. Je dis plus composées, parce que l’analyse ne consiste pas toûjours, comme on se l’imagine communément, à passer du plus composé au plus simple.

Il me semble que si l’on saisissoit bien le progrès des vérités, il seroit inutile de chercher des raisonnemens pour les démontrer, & que ce seroit assez de les énoncer ; car elles se suivroient dans un tel ordre, que ce que l’une ajoûteroit à celle qui l’auroit immédiatement précédée, seroit trop simple pour avoir besoin de preuve : de la sorte on arriveroit aux plus compliquées, & l’on s’en assûreroit mieux que par toute autre voie. On établiroit même une si grande subordination entre toutes les connoissances qu’on auroit acquises, qu’on pourroit à son gré aller des plus composées aux plus simples, ou des plus simples aux plus composées ; à peine pourroit-on les oublier, ou du moins, si cela arrivoit, la liaison qui seroit entr’elles faciliteroit les moyens de les retrouver.

Mais pour mieux faire sentir l’avantage de l’analyse sur la synthese, interrogeons la nature, & suivons l’ordre qu’elle indique elle-même dans l’exposition de la vérité. Si toutes nos connoissances viennent des sens, il est évident que c’est aux idées simples à préparer l’intelligence des notions abstraites. Est-il raisonnable de commencer par l’idée du possible pour venir à celle de l’existence, ou par l’idée du point pour passer à celle du solide ? Il est évident que ce n’est pas-là la marche naturelle de l’esprit humain : si les Philosophes ont de la peine à reconnoître cette vérité, c’est parce qu’ils sont dans le préjugé des idées innées, ou parce qu’ils se laissent prevenir pour un usage que le tems paroit avoir consacré.

Les Géometres mêmes, qui devroient mieux connoître les avantages de l’analyse que les autres Philosophes, donnent souvent la préférence à la synthese ; aussi, quand ils sortent de leurs calculs pour entrer dans des recherches d’une nature différente, on ne leur trouve plus la même clarté, la même précision, ni la même étendue d’esprit.

Mais si l’analyse est la méthode qu’on doit suivre dans la recherche de la vérité, elle est aussi la méthode dont on doit se servir pour exposer les découvertes qu’on a faites. N’est-il pas singulier que les Philosophes, qui sentent combien l’analyse est utile pour faire de nouvelles découvertes dans la vérité, n’aient pas recours à ce même moyen pour la faire entrer plus facilement dans l’esprit des autres ? Il semble que la meilleure maniere d’instruire les hommes, c’est de les conduire par la route qu’on a dû tenir pour s’instruire soi-même. En effet, par ce moyen, on ne paroîtroit pas tant démontrer des vérités déjà découvertes, que faire chercher & trouver des nouvelles vérités. On ne convaincroit pas seulement le Lecteur, mais encore on l’éclaireroit ; & en lui apprenant à faire des découvertes par lui-même, on lui présenteroit la vérité sous les jours les plus intéressans. Enfin, on le mettroit en état de se rendre raison de toutes ses démarches : il sauroit toûjours où il est, d’où il vient, où il va : il pourroit donc juger par lui-même de la route que son guide lui traceroit, & en prendre une plus sûre toutes les fois qu’il verroit du danger à le suivre.

Mais pour faire ici une explication de l’analyse que je viens de proposer, supposons-nous dans le cas d’acquérir pour la premiere fois les notions élémentaires des Mathématiques. Comment nous y prendrions-nous ? Nous commencerions, sans doute, par nous faire l’idée de l’unité ; & l’ajoûtant plusieurs fois à elle-même, nous en formerions des collections que nous fixerions par des lignes ; nous répeterions cette opération, & par ce moyen nous aurions bientôt sur les nombres autant d’idées complexes, que nous souhaiterions d’en avoir. Nous réfléchirions ensuite sur la maniere dont elles se sont formées ; nous en observerions les progrès, & nous apprendrions infailliblement les moyens de les décomposer. Dès-lors nous pourrions comparer les plus complexes avec les plus simples, & découvrir les propriétés des unes & des autres.

Dans cette méthode les opérations de l’esprit n’auroient pour objet que des idées simples ou des idées complexes que nous aurions formées, & dont nous connoîtrions parfaitement les générations : nous ne trouverions donc point d’obstacle à découvrir les premiers rapports des grandeurs. Ceux-là connus, nous verrions plus facilement ceux qui les suivent immédiatement, & qui ne manqueroient pas de nous en faire appercevoir d’autres ; ainsi après avoir commencé par les plus simples, nous nous éleverions insensiblement aux plus composés, & nous nous ferions une suite de connoissances qui dépendroient si fort les unes des autres, qu’on ne pourroit arriver aux plus éloignées que par celles qui les auroient précédées.

Les autres Sciences, qui sont également à la portée de l’esprit humain, n’ont pour principes que des idées simples, qui nous viennent par sensation & par réflexion. Pour en acquérir les notions complexes, nous n’avons, comme dans les Mathématiques, d’autres moyens que de réunir les idées simples en différentes collections : il y faut donc suivre le même ordre dans le progrès des idées, & apporter la même précaution dans le choix des signes.

En ne raisonnant ainsi que sur des idées simples, ou sur des idées complexes qui seront l’ouvrage de l’esprit, nous aurons deux avantages ; le premier, c’est que connoissant la génération des idées sur lesquelles nous méditerons, nous n’avancerons point que nous ne sachions où nous sommes, comment nous y sommes venus, & comment nous pourrions retourner sur nos pas : le second, c’est que dans chaque matiere nous verrons sensiblement quelles sont les bornes de nos connoissances ; car nous les trouverons lorsque les sens cesseront de nous fournir des idées, & que, par conséquent, l’esprit ne pourra plus former de notions.

Toutes les vérités se bornent aux rapports qui sont entre des idées simples, entre des idées complexes, & entre une idée simple & complexe. Par la méthode de l’analyse, on pourra éviter les erreurs où l’on tombe dans la recherche des unes & des autres.

Les idées simples ne peuvent donner lieu à aucune méprise. La cause de nos erreurs vient de ce que nous retranchons d’une idée quelque chose qui lui appartient, parce que nous n’en voyons pas toutes les parties ; ou de ce que nous lui ajoûtons quelque chose qui ne lui appartient pas, parce que notre imagination juge précipitamment qu’elle renferme ce qu’elle ne contient point. Or, nous ne pouvons rien retrancher d’une idée simple, puisque nous n’y distinguons point de parties ; & nous n’y pouvons rien ajoûter tant que nous la considérons comme simple, puisqu’elle perdroit sa simplicité.

Ce n’est que dans l’usage des notions complexes qu’on pourroit se tromper, soit en ajoûtant, soit en retranchant quelque chose mal-à-propos : mais si nous les avons faites avec les précautions que je demande, il suffira, pour éviter les méprises, d’en reprendre la génération ; car par ce moyen nous y verrons ce qu’elles renferment, & rien de plus ni de moins. Cela étant, quelques comparaisons que nous fassions des idées simples & des idées complexes, nous ne leur attribuerons jamais d’autres rapports que ceux qui leur appartiennent.

Les Philosophes ne sont des raisonnemens si obscurs & si confus, que parce qu’ils ne soupçonnent pas qu’il y ait des idées qui soient l’ouvrage de l’esprit, ou que s’ils le soupçonnent, ils sont incapables d’en découvrir la génération. Prévenus que les idées sont innées, ou que, telles qu’elles sont, elles ont été bien faites, ils croyent n’y devoir rien changer, & les prennent telles que le hasard les présente. Comme on ne peut bien analyser que les idées qu’on a soi-même formées avec ordre, leurs analyses, ou plûtôt leurs définitions, sont presque toûjours défectueuses ; ils étendent ou restreignent mal-à-propos la signification de leurs termes ; ils la changent sans s’en appercevoir, ou même ils rapportent les mots à des notions vagues, & à des entités inintelligibles. Il faut donc se faire une nouvelle combinaison d’idées ; commencer par les plus simples que les sens transmettent ; en former des notions complexes, qui, en se combinant à leur tour, en produiront d’autres, & ainsi de suite. Pourvû que nous consacrions des noms distincts à chaque collection, cette méthode ne peut manquer de nous faire éviter l’erreur. Voyez Synthese & Axiome. Voyez aussi Logique. (X)

Analyse, (Litterature.) d’un livre, d’un ouvrage, c’est un précis, un extrait fidele d’un ouvrage, tel qu’en donnent ou qu’en doivent donner les Journalistes. L’art d’une analyse impartiale consiste à bien saisir le but de l’auteur, à exposer ses principes, divisions, le progrès de sa marche, à écarter ce qui peut être étranger à son sujet, & sans lui dérober rien de ce qu’il a de bon ou d’excellent, ne pas dissimuler ses défauts. L’analyse demande de la justesse dans l’esprit pour ne pas prendre le change en appuyant sur des accessoires tandis qu’on néglige le principal. Les analyses des nouvelles de la République des Lettres de M. Bayle, & aujourd’hui celles du Journal des Savans, sont un modele d’impartialité : il seroit à souhaiter qu’on en pût dire autant de tous les Journaux. Les plaidoyers des Avocats généraux, lorsqu’ils donnent leurs conclusions, sont des analyses, dans lesquels ils résument les moyens des deux parties, exposés & débattus auparavant par leurs Avocats.

Analyse, (Litterature.) se dit encore d’une espece d’index ou table des principaux chefs ou articles d’un discours continu, disposés dans leur ordre naturel & dans la liaison & la dépendance qu’ont entr’elles les matieres. Les analyses contiennent plus de science que les tables alphabéthiques, mais sont moins en usage parce qu’elles sont moins faciles à comprendre. (G)

Analyse, est aussi en usage dans la Chimie pour dissoudre un corps composé, ou en diviser les différens principes. Voyez Principe de composition, Corps, &c.

Analyser des corps ou les résoudre en leurs parties composantes, est le principal objet de l’art chimique. Voyez Chimie. L’analyse des corps est principalement effectuée par le moyen du feu. Voyez Feu.

Tous les corps, par le moyen d’une analyse chimique, peuvent se résoudre en eau, esprit, huile, sel, & terre, quoique tous les corps ne fournissent pas tous ces principes également, mais les uns plus, les autres moins, & en différentes proportions, selon les différens corps, selon les différens genres dont ils sont. Voyez Principe.

L’analyse des animaux & celle des végétaux est aisée ; celle des minéraux, & en particulier des métaux & demi-métaux, est plus difficile. V. Animal, Végétal, & Métal.

Les différentes analyses de plantes n’ont pas réussi par rapport à aucune découverte des propriétés & vertus des plantes analysées. Les plantes les plus salutaires rendent par cette voie d’agir, à peu près les mêmes principes que les plus venimeuses ; la raison apparemment est, que l’action du feu dans la distillation change les plantes & leurs principes ; c’est pourquoi au lieu de distillation, M. Boulduc a fait ses analyses par décoction seulement. Voyez Mémoir. Acad. Roy. des Scienc. an. 1734. p. 139. hist. 63.

Quelques corps du genre des minéraux sont formés de particules si menues & si fortement unies, que leurs corpuscules ont besoin de moins de chaleur pour les emporter que pour les diviser en leurs principes, de sorte que l’analyse de tels corps est impraticable ; c’est ce qui fait la difficulté d’analyser le soufre, le mercure, &c.

La dissection anatomique d’un animal est aussi une espece d’analyse. Voyez Anatomie.

Il est du devoir d’un bon citoyen de faire connoître aux autres, autant qu’il lui est possible, les erreurs qui peuvent les séduire. L’analyse, qui est si difficile en Chimie, est aujourd’hui fort commune par la crédulité des hommes & la charlatanerie de ceux qui en abusent. Il est difficile de connoître par L’analyse la composition & les propriétés des choses ; il faut être savant & expérimenté en Chimie, pour séparer les principes qui composent les corps, & les avoir tels qu’ils y sont naturellement, afin de pouvoir dire ce qu’ils sont. Cependant on croit que tout homme de l’art, je veux dire tout homme qui tient à l’art de guérir, sait faire des analyses. On donne comme une chose possible à tout homme du métier, à faire l’analyse d’un rémede secret ou d’une eau qu’on veut connoître ; & on a la vanité de s’en charger, & le rapport qu’on en fait est une imposture. Ces faiseurs d’analyse trouvoient toûjours autrefois du nitre dans toutes les eaux, aujourd’hui c’est du sel selenite & du sel de Glauber : ils savent faire loucher de l’eau avec de la noix de galle ; ils la distillent ou la font évaporer, & ne savent pas même connoître le résidu de ces opérations, qui d’ailleurs sont insuffisantes. L’analyse des eaux est ce qu’il y a de plus difficile en Chimie, comme les expériences sur les fluides en Physique, sont en général les plus difficiles. Il faut pour pouvoir parler savamment des eaux & des principes qui les composent, être non-seulement versé dans la Chimie, mais même il faut y être très-habile. Pour connoître combien il est difficile d’analyser, & pour apprendre comment il faut s’y prendre pour analyser une eau minérale, il faut lire dans les Mémoires de l’Académie de 1726 l’analyse des eaux de Passy ; & dans les Mémoires de 1746, l’analyse de l’eau de Plombieres. (M)

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Étymologie de « analyse »

Ἀνάλυσις, de ἀναλύω, résoudre, de ἀνὰ et λύω, délier.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

(Siècle à préciser) Du grec ancien ἀνάλυσις, analysis, de ἁναλύω, analuô (« délier »), de ἀνά, ana (« en haut »), et λύω, luô (« relâcher »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « analyse »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
analyse analiz

Fréquence d'apparition du mot « analyse » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « analyse »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « analyse »

  • L'analyse est parfois un moyen de se dégoûter en détail de ce qui était supportable dans son ensemble.
    Paul Valéry — Mauvaises pensées et autres
  • 1: on écoute 2: on regarde 3: on analyse
    Aziz — Loft Story - Juin 2001
  • Trois ans d’analyse : soixante-dix mille francs. Tout ça pour apprendre que ta mère couche avec ton père. Et qu’en plus elle aime ça !
    Patrick Timsit — Fallait pas l’ouvrir
  • L'analyse géopolitique est aussi un moyen de conjurer des guerres ou de trouver une solution à certains conflits.
    Yves Lacoste — Samedis de la Connaissance - 6 Décembre 2003
  • L'analyse tue la vie.
    Eugène Cloutier — Les témoins
  • Kito de Pavant, trois participations au Vendée Globe à son actif, est l’un des chroniqueurs de luxe de Voiles et Voiliers pour cette 9e édition dont le départ a été donné le 8 novembre au large des Sables-d’Olonne. Dans cette nouvelle analyse instructive, il évoque les différents enjeux qui attendent les marins, à tous les niveaux de la flotte.
    voilesetvoiliers.ouest-france.fr — Vendée Globe. L’analyse de Kito de Pavant : le retour du poisson volant
  • L’antipathie analyse mieux, mais la sympathie seule comprend.
    André Siegfried — Quelques maximes
  • L'analyse a pour but l'avènement d'une parole vraie.
    Jacques Lacan — Ecrits
  • L'émotion artistique cesse où l'analyse et la pensée interviennent.
    Max Jacob — Le cornet à dés
  • En ultime analyse, toute chose n'est connue que parce que l'on veut croire la connaître.
    Koan zen
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Traductions du mot « analyse »

Langue Traduction
Anglais analysis
Espagnol análisis
Italien analisi
Allemand analyse
Chinois 分析
Arabe تحليل
Portugais análise
Russe анализ
Japonais 分析
Basque analisia
Corse analisi
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Synonymes de « analyse »

Source : synonymes de analyse sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « analyse »

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Nombre de points du mot analyse au scrabble : 10 points

Analyse

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