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Croître

Définitions de « croître »

Trésor de la Langue Française informatisé

CROÎTRE, verbe intrans.

Grandir en développant de façon progressive des qualités intrinsèques par rapport à une échelle de valeur (explicitement exprimée ou non).
A.− [Le suj. désigne un être, un ensemble d'êtres ou un procès doué d'une certaine autonomie; l'action est envisagée du point de vue du suj.]
1. Augmenter, devenir plus grand (en nombre, étendue, durée, intensité, qualité, etc.). L'aube croître, et le jour tomber (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 218):
1. G. Cassel a présenté le modèle d'une économie en croissance régulière et sans changements dans les proportions entre les flux. La population croît : la production globale croît dans la même proportion que la population : Perroux, L'Écon. du XXes.,1964, p. 142.
2. En partic.
a) [Le suj. désigne une pers.] Grandir, passer par toutes les phases du processus vital. Que nous croissons vite (E. de Guérin, Lettres,1834, p. 57).Se reproduire, ce n'est qu'une autre manière de croître (Alain, Propos,1922, p. 445):
2. Que de gens boivent, mangent et se marient; achètent, vendent et bâtissent; ont des amis et des ennemis, des plaisirs et des peines; naissent, croissent, vivent et meurent, mais endormis! (...). Il faut, tandis qu'on croît, vivre soumis à la volonté de ses parents. Il faut, plus tard, fonder, gouverner. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 226.
Expr. littér. Ne faire que croître et embellir. On dit (...) d'une jeune personne qui devient tous les jours plus belle, qu'elle ne fait que croître et embellir (J.-F. Rolland, Dict. du mauvais langage,1813, p. 46).P. ext. [À propos d'une qualité hum.] Votre santé n'aura fait que croître et s'embellir (Balzac, Corresp.,1828, p. 348).
RELIG. [P. allus. à la Genèse I, 22, etc.] Croissez et multipliez. Le peuple croît (...) à vue d'œil, comme le fils de Gargantua, et paye (...). Le peuple croît et multiplie; se peut-il autrement? (Courier, Pamphlets pol.,Lettres au rédacteur du « Censeur », 1819-20, p. 23).
b) [Le suj. désigne un végétal] Pousser. Jusqu'aux bords de la tombe il croît encor des roses (Lamart., Harm., Âme triste, 1830, p. 482).
P. métaph. Voilà pourtant comment naissent et croissent les anecdotes, les biographies de salon; et puis le diable ne les déracinerait plus (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 641).
Expr. syntagm. Croître en + subst. α) [Le subst. exprime une qualité intrinsèque du suj.]L'homme, comme l'enfant, doit croître en liberté, à mesure qu'il croît en intelligence (Lamennais, L'Avenir, 1831, p. 209). β) [Le subst. exprime le résultat d'une transformation] Les pelouses avaient crû en prairies; les bassins s'étaient élargis en étangs (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 69).Verbe + croître.Aller croissant. Le commencement des difficultés qui nous attendent, et qui vont toujours croissant à mesure que l'édifice de nos connaissances s'élève et s'agrandit (Destutt de Tr., Idéol.3, 1805, p. 309).Faire croître. Le temps vous fera croître et le temps vous tuera : Et, comme toute chose humaine et périssable, Votre œuvre ira dormir dans l'ombre irrévocable! (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1874, p. 285).Laisser croître. Pour laisser croître mes moustaches et ma barbe (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 10).
Loc. Croître comme un champignon. Croître rapidement. Mauvaise herbe croît toujours. On dit prov. et par plaisanterie des enfans qui croissent beaucoup, mauvaise herbe croît toujours (J.-P. Rolland, Dict. du mauvais lang.,1813, p. 46).
B.− [L'action est envisagée du point de vue d'un agent, le plus souvent avec une notion de volume ou d'intensité]
1. Être, devenir plus grand sous l'effet de facteurs extérieurs (directement désignés ou non). Ce bruit décevant, qui croît, (...) puis continue, décroît et s'éloigne (Maurois, Climats,1928, p. 253).L'huile monte par capillarité le long de rotins ou de mèches et son débit, nul au repos, croît avec la vitesse (Chartrou, Pétroles nat. et artif.,1931, p. 136):
3. ... L'eau vive en murmurant filtre par mille issues, Croît, déborde, et remue en son cours diligent La mélisse odorante et les cailloux d'argent. Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1874p. 221.
Emploi factitif, vx et rare. (Quasi-)synon. accroître.Je croîtrai mon bonheur dans les cieux de celui que j'aurai pu procurer aux infortunés sur la terre (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 369).
2. Exister, être produit. Ses vaisseaux alloient lui chercher le produit crû des terres plus fécondes (Chateaubr., Essai Révol.,t. 1, 1797, p. 312).L'homme n'apporte rien en épousant. Rien, sinon sa force, ses bras et son cœur. Il est celui par qui le pain croît (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 65).
Prononc. et Orth. : [kʀwa:tʀ ̥] ou [kʀ ɑ:tʀ ̥w], (je) croîs [kʀwa] ou [kʀwɑ]; crû [kʀy]. La tendance mod. est de prononcer [a] ant. C'est la transcr. de Dub., Pt Rob., Pt Lar. 1968 (mais cf. déjà Nod. 1844). De nombreux dict. plus anc. notent [ɑ] post. cf. Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Gattel 1841, Fél. 1851, Littré (mais cf. encore Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Lar. Lang. fr. et comme 1revar. à côté de [a] ant. Warn. 1968). D'apr. Rouss.-Lacl. 1927, p. 138 ce ne sont plus que les personnes âgées de Paris et les provinciaux qui persistent à prononcer [ɑ] post. Le timbre post. s'explique comme pour le verbe croire par l'infl. de r vélaire du groupe cr. L'accent circonflexe qui trahit la disparition de l's de l'anc. forme croistre peut contribuer à maintenir le timbre post. Comme pour croire le lang. cour. à partir du xives., a réduit la diphtongue -oi- à [ε] ouvert : crestre, souvent écrit crètre ou craître. Cette dernière forme est encore mentionnée ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787 et Gattel 1841 alors que Bourc.-Bourc. 1967, p. 54 souligne qu'il y a hésitation entre [ε] et [wa] jusqu'au xviies. Conjug. L'accent circonflexe évite la confusion dans la graph., entre certaines formes du verbe croire et certaines formes du verbe croître. Ainsi je crois (croire) et je croîs (croître). Cet accent est présent dans presque toute la conjug. de croître même au subj. imp. : que je crûsse et au part. masc. sing. crû. Il est absent des formes croissons, croissez, croissent et du part. passé au fém. et au plur. crue, crus, crues. Comparer avec accroître et décroître qui ne prennent pas d'accent aux formes suiv. : j'accrois, je décrois, tu accrois, tu décrois, j'accrus, je décrus, il accrut, il décrut, ils accrurent, ils décrurent, accru, décru (masc. sing. comme au fém. et au plur.). Enq. : (il) croît/ kʀwa, (D)/; (ils) croissent/kʀwas, (D)/. Le verbe est attesté ds Ac. 1694 et 1718 s.v. croistre; ds Ac. 1740-1932 sous la forme moderne. L'Ac. ne met pas d'accent circonflexe au subj. imp. : que je crusse (cf. aussi Lar. 19e-Lar. encyclop.). Homon. : formes du verbe croire; cru (non cuit) et part. passé crû; croix et formes du verbe croître : croîs, croît. Étymol. et Hist. Ca 1100 « pousser, prospérer (de plantes) » (Roland, éd. J. Bédier, 980). Du lat. class. crescere « naître, d'où pousser en parlant des plantes » et « grandir, augmenter (au propre et au fig.) ». Fréq. abs. littér. : 1 881. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 270, b) 2 453; xxes. : a) 2 049, b) 1 808. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 124. − Cohen 1946, p. 34. − Gottsch. Redens. 1930, p. 25, 26, 64, 194.

Wiktionnaire

Verbe - français

croître \kʁwatʁ\ intransitif 3e groupe (voir la conjugaison) (orthographe traditionnelle)

  1. Se développer, en parlant des êtres humains, des animaux, des plantes.
    • Croître très vite, en peu de temps, à vue d’œil, insensiblement.
    • Croître à une certaine hauteur.
    • Se laisser croître la barbe, les cheveux.
    • Les herbes, les arbres croissent.
    • Cette pluie a fait croître les blés.
    • Ces animaux croissent jusqu’à tel âge.
    • Bien plus commode à exploiter que le bois, le bambou croît très rapidement. — (Palissades en bambou: techniques traditionnelles de construction et d'assemblage de Isao Yoshikawa, Eyrolles, 2006, page 5)
    • Pour croître, un arbre a besoin d'eau, d'oxygène, de lumière, d'éléments nutritifs tirés du sol, etc. — (Mathieu Ricard, Plaidoyer pour l'altruisme, NiL, Paris, 2013, page 173)
  2. Augmenter de quelque façon que ce soit, en parlant des choses.
    • La vitesse de circulation de la monnaie croissait ainsi de jour en jour et sa répudiation définitive semblait devoir être prochaine. — (Wilfrid Baumgartner, Le Rentenmark (15 octobre 1923 - 11 octobre 1924), Les Presses Universitaires de France, 1925 (réimpression 2e édition revue), page 93)
    • La rivière a crû, est crue. - Les pluies, les neiges l’ont fait croître.
  3. Naître, pousser, en parlant des herbes, des plantes, des fruits, etc.
    • La laine apparait au mois de septembre, croît pendant l’hiver et tombe au printemps, au moment de la mue ; on peigne tous les deux jours, sur l’animal vivant, la toison avec un démêloir jusqu’à ce que celui-ci n’amène plus de duvet. — (D. de Prat, Nouveau manuel complet de filature ; 1re partie : Fibres animales & minérales, Encyclopédie Roret, 1914)
    • Cette stérilité contraste avec les nombreuses touffes de retems et de verdure qui croissent dans le lit de la vallée. — (Antonin Jaussen & ‎Raphaël Savignac, Mission archéologique en Arabie: Les châteaux arabes de QueṣairʾAmra, Ḫarâneh et Ṭûba, E. Leroux, 1922, volume 1, page 25)
    • Ce pays est bon, toutes sortes de plantes y croissent.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CROÎTRE. (Je croîs ; nous croissons. Je croissais. Je crûs. Je croîtrai. Crois. Que je croisse. Que je crusse. Croissant. Crû.) v. intr.
Se développer, en parlant des Hommes, des animaux, des plantes. Croître très vite. Croître en peu de temps, à vue d'œil, insensiblement. Croître à une certaine hauteur. Se laisser croître la barbe, les cheveux. Les herbes, les arbres croissent. Cette pluie a fait croître les blés. Ces animaux croissent jusqu'à tel âge. Prov., Mauvaise herbe croit toujours, se dit par plaisanterie des Enfants qui grandissent beaucoup. Fig., Ne faire que croître et embellir, se dit d'une Jeune personne qui devient tous les jours plus grande et plus belle. On le dit, par plaisanterie, de Certaines choses qui augmentent, soit en bien, soit plutôt en mal. Il se gâte tous les jours de plus en plus, cela ne fait que croître et embellir. Fig., Croître en beauté, en sagesse, en vertu, etc., Acquérir chaque jour plus de beauté, de sagesse, de vertu, etc. Il se dit aussi des Choses et signifie alors Augmenter de quelque façon que ce soit. La rivière a crû, est crue. Les pluies, les neiges l'ont fait croître. Les jours croissent. Sa fièvre croît tous les jours. Les marées croissent dans l'équinoxe. Le bruit croît. Le tumulte allait croissant. Il signifie en outre Naître, pousser, en parlant des Herbes, des plantes, des fruits, etc. Cette plante croît dans les plaines, dans les marais, sur le bord des ruisseaux, etc. Il croît de bon blé sur cette terre. Il croît du lin dans ce pays. Ce pays est bon, toutes sortes de plantes y croissent.

Littré (1872-1877)

CROÎTRE (kroî-tr' ; au XVIIe siècle plusieurs prononçaient craître ; et en effet les poëtes font rimer croître avec des sons en aître ; La victoire aura droit de le faire renaître ; Si ma haine est trop faible, elle la fera croître, Corneille, Sert. III, 4. Celui qu'ils craignaient fut le maître ; Proposez-vous d'avoir le lion pour ami, Si vous voulez le laisser croître, La Fontaine, Fab. II, 1. À de moindres objets tu peux le reconnaître ; Contemple seulement l'arbre que je fais croître, Racine L. Religion, I. Quel parti prendre ? où suis-je ? Et qui dois-je être ? Sur quel terrain puis-je espérer de croître ? Voltaire, Pauvre diable. Cette prononciation est tout à fait abandonnée par l'usage) je croîs, tu croîs, il croît, nous croissons, vous croissez, ils croissent ; je croissais ; je crûs, tu crûs, il crût, nous crûmes, vous crûtes, ils crûrent ; je croîtrai ; je croîtrais ; croîs, croissons ; que je croisse, que nous croissions ; que je crusse ; crû, crue ; croissant v. n. irrég.
  • 1Acquérir une taille plus grande, se développer, en parlant des êtres animés. Cette pluie a fait croître les blés. Ils sont crûs de six grands doigts, Voiture, Lett. 42. Laissez-le croître, ce roi chéri du ciel ; il saura tantôt se servir, tantôt se passer de ses plus fameux capitaines, Bossuet, Louis de Bourbon. Ainsi l'on vit l'aimable Samuel Croître à l'ombre du tabernacle, Racine, Athal. II, 9. Le bois qui, dans le même terrain, croît le plus vite est le plus fort ; celui qui a crû lentement est plus faible que l'autre, Buffon, Exp. sur les végét. 1er mém. Toutes les parties d'un corps organisé ont à croître, et, tandis qu'elles croissent, elles continuent à s'acquitter des fonctions qui leur sont propres, Bonnet, Consid. corps organ. Œuvres, t. V, p. 300. Ce jeune homme qui croissait pour changer la face de la botanique, Condorcet, Linné. Ce retard donnait aux moissons nouvelles des Russes le temps de croître ; elles nourriront sa cavalerie [de Napoléon] ; son armée traînera moins de transports à sa suite, Ségur, Hist. de Nap. II, 5.

    Ne faire que croître et embellir, se dit d'une jeune personne qui devient plus belle en devenant plus grande.

    Fig. Des caresses qui ne faisaient que croître et embellir, Hamilton, Gramm. 11. Une passion qui ne fait que croître et embellir, Voltaire, Lett. à Cath. 63.

    Ironiquement. L'approche de l'air de la cour a donné à son ridicule de nouveaux agréments, et sa sottise tous les jours ne fait que croître et embellir, Molière, Comt. d'Escarb. 1.

    Il est crû comme un champignon, tout en une nuit, se dit d'un homme de néant qui a fait une grande fortune en peu de temps.

  • 2 Par extension. Croître en beauté, en sagesse, en vertu, acquérir progressivement plus de beauté, plus de sagesse, plus de vertu.
  • 3Provenir, en parlant des végétaux. Il ne croît pas de blé en ce pays. La vigne ne croît pas dans les pays du nord.

    Par extension, en parlant de choses inanimées. Cette pierre est crue en une grande montagne, Pascal, Proph. 25.

    Fig. Il y croît [à Paris] des badauds autant et plus qu'ailleurs, Corneille, Ment. I, 1.

  • 4Devenir plus grand, en parlant des choses inanimées. Les pluies ont fait croître la rivière. La lune commence à croître. Le Dieu de Seine était dehors à regarder croître l'ouvrage, Malherbe, II, 3. Puisque le jugement nous croît par le dommage, Régnier, Épît. II. Ton nom ne peut plus croître, il ne lui manque rien, Corneille, Hor. II, 5. Ainsi l'ont autrefois versé [leur sang] Brute et Manlie ; Mais leur gloire en a crû loin d'en être avilie, Corneille, Poly. V, 4. Mais malgré ma bonté qui croît plus tu l'irrites, Corneille, ib. V, 2. Votre péril croîtrait, et je serais perdue, Corneille, Rodog. III, 1. Malgré tous mes respects je vois de jour en jour Croître sa résistance autant que mon amour, Corneille, Perthar. II, 3. …Un si rare mérite Semble croître de prix quand par force on le quitte, Corneille, Sertor. I, 3. Vos impostures croissent tous les jours, Pascal, Prov. 15. C'est ainsi que vous faites croître peu à peu vos opinions, Pascal, ib. 13. La faveur de Mme de Maintenon croît toujours, Sévigné, 432. Les persécutions feront croître l'Église, Bossuet, Hist. II, 7. Sa grandeur est crue selon la mesure de sa bassesse, Bossuet, Asc. I. Cependant l'empire des Perses allait croissant, Bossuet, Hist. I, 8. Que le trouble, toujours croissant de scène en scène, à son comble arrivé, se débrouille sans peine, Boileau, Art p. III. [Cet amour] Dont les feux avec nous ont crû dans le silence, Racine, Baj. II, 5. Je sens croître ma joie et mon étonnement, Racine, Iphig. II, 2. Je vois mes honneurs croître et tomber mon crédit, Racine, Brit. I, 1. Ah ! laisse à ma fureur le temps de croître encore, Racine, Andr. II, 1. Le trouble semble croître en son âme incertaine, Racine, Phèd. V, 5. Votre douleur redouble et croît à chaque pas, Racine, Iphig. II, 1. Plus la dépravation sembloit croître parmi les hommes…, Massillon, Av. Noël. Il y a, dans la cour d'une mosquée, une colonne où l'on marque les degrés de l'accroissement du Nil, et, chaque jour, des crieurs publics annoncent dans tous les quartiers de la ville de combien il est crû, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. I, p. 37, dans POUGENS. De sorte que le pouvoir va croissant et la sûreté diminuant, jusqu'au despote, sur la tête duquel est l'excès du pouvoir et du danger, Montesquieu, Esp. VIII, 5. La quantité de marchandises et denrées croît par une augmentation de commerce, Montesquieu, ib. XXII, 8. Depuis les Perses nous voyons croître le luxe en Asie et, par conséquent, les dépenses ; mais nous ne voyons pas croître les richesses prises pour la masse des denrées et des matières premières, Condillac, Hist. anc. Lois, ch. 9. Comme si l'objet de l'intrigue n'était pas rempli quand l'intérêt croît d'acte en acte, Marmontel, Rép. à La Harpe, Œuvres, t. XVII, p. 31 dans POUGENS. Et les maux de l'exil et de l'oppression Croissent au souvenir de sa chère Sion, Delille, Pitié, IV.
  • 5 V. a. Augmenter, accroître. Qu'à des cœurs bien touchés tarder la jouissance C'est infailliblement leur croître le désir, Malherbe, II, 8. M'ordonner du repos, c'est croître mes malheurs, Corneille, Cid, II, 8. Regarde-le plutôt pour exciter ta haine, Pour croître ta colère et pour hâter ma peine, Corneille, ib. III, 4. Mais la plus belle mort souille notre mémoire, Quand nous avons pu vivre et croître notre gloire, Corneille, Cinna, II, 1. Ma mort était ma gloire, et le destin m'en prive Pour croître mes malheurs et me voir ta captive, Corneille, Pomp. III, 4. Loin de me soulager, vous croissez mes tourments, Corneille, Médée, V, 3. De ceux qui m'ont trahi croissez l'indigne nombre, Corneille, Perthar. V, 3. Me plaindre à l'empereur serait croître ma peine, Rotrou, Bélis. III, 3. Peuvent-ils [les domestiques] croître leurs gages en se garnissant ? Pascal, Prov. 6. Je ne prends point plaisir à croître ma misère, Racine, Baj. III, 3. Que ce nouvel honneur va croître son audace, Racine, Esth. III, 3. Tu verras que les Dieux n'ont dicté cet oracle Que pour croître à la fois sa gloire et mon tourment, Racine, Iphig. IV, 1. Faut-il payer si cher cette paix d'un moment Qui croîtrait à la fois ma honte et mon tourment ? Delille, Par. perdu, IV. Pourquoi chercher vous-même à croître vos ennuis ? Ducis, Othello, V, 2.

    PROVERBE

    Mauvaise herbe croît toujours, se dit par plaisanterie des enfants qui grandissent beaucoup.

    À chemin battu il ne croît point d'herbe.

    On disait par plaisanterie à ceux qui se plaignent qu'une chose n'est pas assez grande : Faites-la éternuer et lui dites : Dieu vous croisse.

REMARQUE

1. Croître se conjugue avec l'auxiliaire avoir quand il exprime l'action de croître : La rivière a crû d'un pied ; cet enfant a crû de trois centimètres. Il se conjugue avec l'auxiliaire être, quand il exprime l'état : La rivière est crue ; cet enfant est crû de deux pouces.

2. Croître a été employé activement ; c'est du reste un archaïsme, mais qui est de très bon usage dans la poésie et la prose élevée.

SYNONYME

CROÎTRE, AUGMENTER. Croître se dit des êtres animés dont la taille devient plus grande : Cet enfant croît rapidement ; cet arbre a crû beaucoup dans l'année. Augmenter ne peut se dire des êtres animés : ni un enfant ni un arbre n'augmentent ; augmenter implique une idée d'agrandissement en tous sens qui n'est pas dans croître. Mais quand il s'agit de choses au propre ou au figuré, croître et augmenter sont synonymes ; sa générosité croît ou augmente tous les jours ; l'incendie croît ou augmente ; avec cette nuance cependant que croître porte à l'esprit l'idée d'un développement semblable à celui d'un être animé, et augmenter celle d'un agrandissement brut et en tout sens.

HISTORIQUE

XIe s. Soleil n'i luist, ne blet n'i puet pas creistre, Ch. de Rol. LXXVI.

XIIe s. En France crut si dolereus tourment, Ronc. p. 67. Dex ! puis leur est si grant peine creüe, ib. p. 69. Par Guenelon me croist peine mout grant, Ronc. p. 86. Car sor chascun [il] fist croistre un aubespin, ib. p. 155. Croistre [il] vous veut d'onor et de bernage, ib. p. 159. Belle niece Aude, or vous croist segnorie, ib. p. 160. Ja n'i croistra vos los ne vos honors, Couci, VII. Si [la reine Blanche] fait fermer [fortifier] chastiaus, pour mieus valoir ; De tant sont jà par lui [elle] creü Si hoir, Hues de la Ferté, Romancero, p. 183.

XIIIe s. Dame, ce dist li rois, honor vous est creüe, Berte, LXXX. En plorant s'en part Berte, cui Diex croisse bontés, ib. CXXXII. Et tout adiès croissoit li os [l'armée] de jor en jour, H. de Valenciennes, 11. Et bien saciez de voir que vous avez aillours deux tans de gens que vous n'avez chi, et se iestes en vostre terre, et toujours vous croistront gent, Chr. de Rains, p. 76. Devant els [ils] virent un enfant ; Genz ert et grant et ben creüz, Lai del desiré. Car les gens le conte croissoient, Qui plus et plus tous jours venoient, Bl. et Jeh. 4236. Toute autre maniere de fruit crut en regne de France, aus, oignons, Liv. des mét. 32. Quant li arbres furent creü, la Rose, 599. Et si estoit [un pin] si haut creüs, Qu'ou vergier n'ot nul si bel arbre, ib. 1438. Cil qui à lui ira de moi iert afiés ; Si li croistrai sa rente de mil mars d'or pesés ; Si iert tote sa vie mes drus et mes privés, Ch. d'Ant. V, 470. Tout soit-il ainsi que li vin ou li blé soient encore sor les liex où il crurent, Beaumanoir, XLIV, 41. Et se le [la] mesure est plus grans qu'à Clermont, si comme ele est en aucunes viles, on doit croistre du pris, Beaumanoir, XXVII, 16.

XIVe s. Donnons povoir de mander et assembler gens d'armes et de pié, de les croistre et amenuiser toutes et quantes fois que bon vous semblera, Ord. des rois, t. III, p. 160. Et les richesses de celui qui pesche [pèche] en prodigalité ne croissent pas moult, Oresme, Eth. 108.

XVe s. Finalement leur defense ne valut neant, car gens d'armes frisques et nouveaux croissoient toudis sur eux, Froissart, I, I, 108. Les saisons passerent, et ce jeune duc de Guerles cresist en honneur, en force, en sens et en grand vouloir de faire armes, Froissart, II, III, 94. Afin qu'en eulx dignité plus en cresse, Orléans, Compl. de la France. Estez nourrist et croist selon raison Vignes et blez et tous biens de nature, Deschamps, Adieu jeunesse. Afin que chascun soit engrant [désireux] De croistre [enchérir], et que au plus offrant…, Deschamps, Poésies mss. f° 407, dans LACURNE. Pour lorsle cueur lui estoit creu, et ne se trouvoit point humble envers ledit duc comme autrefois, Commines, II, 5.

XVIe s. Ce qu'ilz ont fait, car par rapt, tromperie, Ont augmenté et creu leur seigneurie, Malle nerbe croist trop plus que l'on ne veut, Marot, J. V, 69. Il mesloit dans sa mangeaille des pierres pour en croistre la mesure, Montaigne, II, 176. En la grande place de Syracuse l'herbe estoit crue si haulte et si forte que les chevaux y paissoient, Amyot, Timol. 32. Au moyen de quoy le cueur leur estant creu, ilz allerent incontinent mettre le siege devant la ville d'Acerres, Amyot, Marcel. 6. En une abbaye au dessous de Beaurevoir, où croist la rivière de l'Escaut, Du Bellay, M. 43.

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Étymologie de « croître »

(XIIe siècle) Du moyen français croistre, de l’ancien français creistre (« pousser, prospérer »), du latin crescere (« croître, pousser »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Berry, crêtre ; wallon, crèhe, au participe, créhou, crû ; namurois, crèche, au participe, créchu ; rouchi, crécher ; saintong. crétre ; provenç. crescer, creisser ; catal. crexer, espagn. crecer ; ital. crescere ; du latin crescere.

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Phonétique du mot « croître »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
croître krɔitr

Fréquence d'apparition du mot « croître » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « croître »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « croître »

  • Tout ce qui doit durer est lent à croître.
    Louis de Bonald
  • La sagesse, c'est laisser croître ce qui naît, savourer ce qui est mûr et laisser aller ce qui est mort.
    Shafique Keshavjee — Le Roi, le sage et le bouffon
  • Lorsque l'on tarde pour la cueillette, les fruits pourrissent. Mais quand on repousse les problèmes, ils ne cessent de croître.
    Paulo Coelho — La cinquième montagne
  • Si tu aimes une femme laide, ton amour ne peut que croître de plus en plus, puisqu'elle devient de plus en plus laide.
    Arthur Miller
  • La mort est une valeur invariable alors que la douleur est une variable susceptible de croître indéfiniment.
    Georg Christoph Lichtenberg
  • Le quotidien avec son cortège de bonnes et de mauvaises choses peut nous apporter l'occasion de croître, si l'on sait rester ouvert et vigilant.
    Anonyme
  • C'est le propre de l'amour d'être forcé de croître, sous peine de diminuer.
    André Gide
  • Il ne faut pas laisser croître l’herbe sur le chemin de l’amitié.
    Proverbe français
  • L'amour décroît quand il cesse de croître.
    François René de Chateaubriand
  • Intermarché mise sur ses prix bas pour croître
    LEFIGARO — Intermarché mise sur ses prix bas pour croître
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Synonymes de « croître »

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Antonymes de « croître »

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Croître

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