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Vérité
Sommaire
- Définitions de « vérité »
- Étymologie de « vérité »
- Phonétique de « vérité »
- Fréquence d'apparition du mot « vérité » dans le journal Le Monde
- Évolution historique de l’usage du mot « vérité »
- Citations contenant le mot « vérité »
- Traductions du mot « vérité »
- Combien de points fait le mot vérité au Scrabble ?
Variantes | Singulier | Pluriel |
---|---|---|
Féminin | vérité | vérités |
Définitions de « vérité »
Trésor de la Langue Française informatisé
VÉRITÉ, subst. fém.
Wiktionnaire
Nom commun - français
vérité \ve.ʁi.te\ féminin
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Caractère de ce qui est vrai, conformité d’un récit, d’une relation avec un fait, de ce que l’on dit avec ce que l’on pense.
- « Qu’est-ce que la vérité ? » — (Ponce Pilate, Évangile de Jean XVIII, 38)
- […] car la vérité est toujours étrange, plus étrange que la fiction. — (Lord Byron, Don Juan, 1824, Chant XIV)
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— On les condamne donc à mort ceux qui vont proclamant des vérités,
— Tiens !… Parbleu !… Il ne manquerait plus qu’on les nommât ministres ou archevêques… ou qu’on leur donnât la croix de la Légion d’honneur !… Ah! çà !… D’où venez-vous ? — (Octave Mirbeau, La vache tachetée, 1918) - La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer moi. — (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Denoël et Steele, Paris, 1932, édition 1942, page 156)
- Dieu me pardonne, mais je crois que son logis est encore plus humide que le mien ; la vérité, c’est qu’il faudrait installer partout des calorifères et que jamais on ne s’y résoudra, faute d’argent. — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
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(Religion) Ce qui est vrai de façon immuable et de toute éternité.
- Oui, l’agonisant est plutôt esprit que matière ; voilà pourquoi, à l’heure suprême, les hommes les plus athées sont revenus aux croyances éternelles et aux vérités de révélation. — (Hubert Lauvergne, Les Forçats, J.-B. Baillière, 1841, édition Jérôme Millon, 1991, page 60)
- Il ne fallait rechercher la vérité que dans la Révélation divine. — (Panayiotis Jerasimof Vatikiotis, L’Islam et l’État, 1987, traduction d’Odette Guitard, 1992)
- Ce qui est accepté comme étant vrai par un consensus général.
- On peut admettre qu’entre les vérités philosophiques et les vérités théologiques, il ne peut avoir ni entr’aide ni conflit, parce qu’il n’y a aucun point de contact : […]. — (Louis Rougier, Histoire d’une faillite philosophique : la Scolastique, 1925, édition 1966)
- Puisqu’il ne faut jamais mentir, alors il faut mentir de temps en temps : l’obligation d’être véridique à tout prix contraint à mentir quand la vérité elle-même est plus fallacieuse que le mensonge. — (Raphaël Enthoven, Le Mensonge, dans Philosophie magazine n° 20, novembre 2009)
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(Philosophie, Religion) Conformité de l’idée avec son objet, par opposition à erreur.
- Nous voyons ainsi que la conviction se fonde sur la concurrence de communions, dont chacune se considère comme étant l’armée de la vérité ayant à combattre les armées du mal. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chapitre VI, La moralité de la violence, 1908, page 301)
- Quant aux discussions philosophiques, je pense qu’elles sont absolument vaines. On ne peut rien contrôler, rien vérifier. La vérité, qu’est-ce que cela veut dire ?. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
- Elle prend fondamentalement appui sur l’intelligence pour bien faire comprendre des savoirs que la pensée rationnelle a permis d’acquérir. L’école n’a ainsi aucunement pour objet de transmettre « la » vérité, une vérité qui serait définitive et universelle. — (Eric Favey et Philippe Lazar, Education : « N’ayons donc pas peur d’exalter conjointement la liberté de conscience et la liberté d’enseigner ! », Le Monde. Mis en ligne le 26 décembre 2020)
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Personnification de cette vérité.
- Le flambeau, le miroir de la vérité.
- Tirer la vérité du puits.
- La Vérité est toute nue, comme vous, mais elle porte sa nudité ainsi qu’un uniforme, et elle s’accoude à chaque margelle pour regarder dans l’eau comment elle lui va. La Vérité se déshabillerait, et se déshabillerait encore, que cela ne nous étonnerait point, pas plus que le clown aux mille gilets. Elle se croit nue parce qu’elle n’a pas de vêtement, comme celles qui se croient belles parce qu’elles ne sont pas fardées. — (Jean Giraudoux, Provinciales, Grasset, 1922, réédition Le Livre de Poche, pages 124-125)
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Axiome, principe certain, maxime constante.
- À toutes ces expériences, la physiologie positive gagna deux grandes vérités, à savoir que certains animaux peuvent, comme les plantes, se reproduire par boutures et par bourgeons. — (Jean Louis Armand de Quatrefages de Bréau, Les Métamorphoses et la généagénèse, Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 3, 1856, pages 496-519)
- C’est une vérité reconnue de tout le monde.
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Sincérité ; bonne foi.
- La vérité est que je n’ai jamais vu de terrains si dénudés, si arides, à tel point réfractaires à la végétation, […]. — (Jules Verne, Claudius Bombarnac, chapitre VI, J. Hetzel et Cie, Paris, 1892)
- Il m’a parlé avec un air de vérité qui m’a persuadé. — Il y a dans tout ce qu’il dit un accent de vérité qui me touche.
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(Peinture & art) Imitation, expression fidèle de la nature.
- Ce portrait est d’une grande vérité.
- La vérité des caractères dans une pièce de théâtre, dans un roman.
- Le jeu de cet acteur est d’une vérité saisissante.
Littré (1872-1877)
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1Qualité par laquelle les choses apparaissent telles qu'elles sont.
La vérité ne fait pas tant de bien dans le monde que les apparences y font de mal
, La Rochefoucauld, Max. au mot Vérité.Mais que me répondrait votre incrédulité, Si je vous faisais voir qu'on vous dit vérité ?
Molière, Tart. IV, 3.Trop de longueur et trop de brièveté du discours l'obscurcit ; trop de vérité nous étonne
, Pascal, Pens. I, 1, éd. HAVET.Dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu'ils se font haïr
, Pascal, ib. II, 8.La justice et la vérité sont deux pointes si subtiles, que nos instruments sont trop émoussés pour y toucher exactement
, Pascal, ib. III, 3.Ce n'est point ici le pays de la vérité : elle erre inconnue parmi les hommes
, Pascal, ib. XXIII, 31.On peut avoir trois principaux objets dans l'étude de la vérité : l'un, de la découvrir quand on la cherche ; l'autre, de la démontrer quand on la possède ; le dernier, de la discerner d'avec le faux quand on l'examine
, Pascal, Géom. I.Je reviens de Versailles ; j'ai vu ces beaux appartements, j'en suis charmée ; si j'avais lu cela dans quelque roman, je me ferais un château en Espagne d'en voir la vérité
, Sévigné, 9 févr. 1683.Nous vous avons mandé toutes choses dans l'exacte vérité
, Sévigné, 29 janv. 1676.Madame avertit le comte de Guiche en diligence par le maréchal de Gramont, et lui conseilla d'avouer sincèrement toutes choses, ayant trouvé que, dans toutes les matières embrouillées, la vérité seule tire les gens d'affaire
, La Fayette, Hist. Henr. d'Anglet.Changeons-nous donc ; nous ne pouvons pas changer la vérité ; et qui serait le malheureux qui voudrait que la vérité ne fût pas ? nous ne subsistons nous-mêmes que par un trait de la vérité qui est en nous
, Bossuet, Méd. sur l'Év. la Cène, 81e jour.Le prince ne sait ce que c'est de prononcer de ces pompeuses sentences ; et dans la mort, comme dans la vie, la vérité fit toujours toute sa grandeur
, Bossuet, Louis de Bourbon.Le plus grand outrage qu'on puisse faire à la vérité est de la connaître, et en même temps de l'abandonner ou de l'affaiblir
, Bossuet, Var. XV, 82.La vérité est une reine qui a dans le ciel son trône éternel, et le siége de son empire dans le sein de Dieu
, Bossuet, Sermons, Haine de la Vérité, Préambule.Boileau, qui, dans ses vers pleins de sincérité, Jadis à tout son siècle a dit la vérité
, Boileau, Épît. I.Je répondrai, madame, avec la liberté D'un soldat qui sait mal farder la vérité
, Racine, Brit. I, 2.Peut-être, si la voix ne m'eût été coupée, L'affreuse vérité me serait échappée
, Racine, Phèdre, IV, 5.J'aimerais mieux vous déplaire que de blesser la vérité
, Fénelon, Tél. IX.La vérité n'a ni jeunesse ni vieillesse ; les agréments de l'une ne la doivent pas faire aimer davantage, et les rides de l'autre ne lui doivent pas attirer plus de respect
, Fontenelle, Doutes sur les causes occas.C'est un pesant fardeau, mon cher Usbeck, que celui de la vérité, lorsqu'il faut la porter jusqu'aux princes !
Montesquieu, Lett. pers. 140.Humainement parlant, définissons la vérité en attendant mieux : ce qui est énoncé tel qu'il est
, Voltaire, Dict. phil. Vérité.On n'a jamais tant aimé la vérité que dans ce temps-ci ; il ne reste plus qu'à la trouver
, Voltaire, D. Pèdre, Disc. hist.On sait bien qu'il faut dire la vérité ; mais les vérités contemporaines exigent quelque discrétion
, Voltaire, Lett. d'Argental, 2 avr. 1763.La vérité générale et abstraite est le plus précieux de tous les biens ; sans elle l'homme est aveugle ; elle est l'œil de la raison
, Rousseau, 4e prom.Tu n'ignores pas qu'aux yeux du public la vérité soupçonnée est bien près de l'évidence
, Rousseau, Hél. I, 62.Je sais seulement que la vérité est dans les choses et non pas dans mon esprit qui les juge
, Rousseau, Ém. IV.On doit exiger de moi que je cherche la vérité, mais non que je la trouve
, Diderot, Pensées philos. n° 29.Je pense, pour moi, qu'il faut toujours enseigner la vérité aux hommes, et qu'il n'y a jamais d'avantage à les tromper
, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 18 déc. 1769.Mille plumes et encore plus de clameurs se sont élevées contre moi, et m'ont fait éprouver que la vérité est comme les enfants, qu'on ne la met point au monde sans douleurs
, D'Alembert, Œuv. t. IV, p. 218.La vérité jaillit du plus léger indice
, Delavigne, Vêpres sicil. III, 3.Ah ! que la vérité nous donne d'éloquence !
Delavigne, Paria, I, 1.On dit qu'un homme est la vérité même, pour exprimer qu'il est toujours fidèle à la vérité.
Vous, Nelson, vous, la vérité même, vous voulez que je me déguise, que j'en impose à votre ami !
Marmontel, Cont. mor. Amit. à l'épr.Dieu est la vérité même.
Méchant, c'est bien à vous d'oser ainsi nommer Le Dieu que votre bouche enseigne à blasphémer ! Sa vérité par vous peut-elle être attestée ?
Racine, Athal. III, 4. Jésus-Christ a dit de lui-même, dans l'Évangile :Je suis la voie, la vérité et la vie
, Sacy, Bible, St Jean, XIV, 6.Ami de Platon, mais encore plus de la vérité, se dit quand on contredit sur quelque chose un ami.
Fig. La vérité est cachée au fond d'un puits, il faut tirer la vérité du puits, la vérité est difficile à découvrir et exige des efforts.
Ils tremblent qu'un censeur… N'aille du fonds du puits tirer la vérité
, Boileau, Disc. au roi. -
2 Par personnification. Le flambeau de la Vérité. Le miroir de la Vérité.
Jamais la Vérité, cette fille timide, Pour entrer chez les rois ne trouve qui la guide
, Rotrou, Antig. IV, 6.Une assemblée de juges [en Égypte], dont le président portait au cou une image de la Vérité qui avait les yeux fermés, et avait autour de lui un grand nombre de livres
, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 120. -
3Chose vraie.
Seigneur, les vérités font-elles quelque injure ?
Corneille, Sertor. III, 4.Amphitryon : Quels contes ! - Sosie : Non, monsieur, c'est la vérité pure
, Molière, Amph. II, 1.Il y a un art pour faire voir la liaison des vérités avec leurs principes
, Pascal, Géom. II.Ah ! Bourdaloue, quelles divines vérités vous nous avez dites aujourd'hui sur la mort !
Sévigné, 27.On y joue [en écoutant une pièce de théâtre] sa propre passion ; et la fiction au dehors est froide et sans agrément, si elle ne trouve au dedans une vérité qui lui réponde
, Bossuet, Comédie, 4.Nous aimons ceux qui prêchent les vérités et non pas nos vérités
, Bourdaloue, 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 148.Il n'est pas encore temps de dire ce que cela signifie ; les vérités sont des fruits qui ne doivent être cueillis que bien mûrs
, Voltaire, Lett. Mme de Bassevitz, 25 déc 1761.La vérité offense dans la bouche de l'envie
, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 12 août 1762.Du moins ajoutez à ce portrait que je sais écouter des vérités dures, non-seulement sans humeur, mais avec reconnaissance
, Genlis, Mlle de la Fayette, p. 242, dans POUGENS.Familièrement. La vérité vraie, se dit pour affirmer davantage qu'on ne dissimule rien.
Suzanne : Tu vas exagérer : dis ta bonne vérité. - Figaro : Ma vérité la plus vraie ? - Suzanne : Fi donc, vilain ! en a-t-on plusieurs ?
Beaumarchais, Mar. de Fig. IV, 1.Familièrement. Dire à quelqu'un ses vérités, lui dire librement ses fautes, ses défauts, ses vices.
N'apprêtons point à rire aux hommes, En nous disant nos vérités
, Molière, Amph. Prologue.Ils se disent leurs vérités, et souvent ce sont des injures
, Sévigné, 312.Puisque vous aimez que l'on vous dise vos vérités, apprenez qu'il n'y a rien dans le monde de plus impertinent que vous
, Legrand, Philanthr. sc. 14.Pardonnez à ces vérités que vous dit un vieillard qui a peu de temps à vivre
, Voltaire, Lett. au roi de Pr. 21 avril 1760. -
4Opinion conforme à ce qui est, par opposition à erreur, en parlant de doctrine, de religion. La vérité de la religion chrétienne. Les martyrs ont répandu leur sang pour la vérité. Confesser la vérité.
Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres
, Sacy, Bible, Évang. St Jean, VIII, 32.Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur
, Pascal, Pens. VIII, 6.Plaisante justice qu'une rivière borne ! vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà
, Pascal, ib. III, 8.L'inquisition et la Société [des jésuites], les deux fléaux de la vérité
, Pascal, ib. XXIV, 66.La vérité est un bien commun ; quiconque la possède la doit à ses frères, selon les occasions que Dieu lui présente
, Bossuet, Panég. Ste Cather. 2.Que veux-tu que je te dise ? vérité dans un temps, erreur dans un autre
, Montesquieu, Lett. pers. 75.Le caractère de la vérité, c'est son triomphe sur les cœurs et les esprits, et non pas cette impuissance que vous avouez, lorsque vous voulez la faire recevoir par des supplices
, Montesquieu, Esp. XXV, 13.En vérité, conformément à la vérité qu'enseigne la religion.
Le temps vient, et il est déjà venu, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité… Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité
, Sacy, Bible, St Jean, IV, 23, 24.Des vertus évangéliques pratiquées en esprit et en vérité
, Fléchier, Dauphine. -
5Principe certain.
Il y a un grand nombre de vérités et de foi et de morale, qui semblent répugnantes, et qui subsistent toutes dans un ordre admirable
, Pascal, Pens. XXIV, 12.Toutes ces vérités [axiomes] ne se peuvent démontrer ; et cependant ce sont les fondements et les principes de la géométrie ; mais, comme la cause qui les rend incapables de démonstration n'est pas leur obscurité, mais au contraire leur extrême évidence, ce manque de preuve n'est pas un défaut, mais plutôt une perfection
, Pascal, Géom. I.Si nous savons nous connaître, nous confesserons, chrétiens, que les vérités de l'éternité sont assez bien établies ; nous n'avons rien que de faible à leur opposer
, Bossuet, Duch. d'Orl.Selon moi, il n'y a pas jusqu'aux vérités à qui l'agrément ne soit nécessaire
, Fontenelle, Mondes, 1er soir.Il ne suffit pas de tenir une vérité ; il faut aussi, quand on veut la suivre un peu loin, en tenir la véritable cause ; autrement, la fausse cause d'une vérité revient à enfanter des erreurs, ses productions naturelles
, Fontenelle, Guglielmini.Il n'y a peut-être point de vérité qui ne soit à quelque esprit faux matière d'erreur
, Vauvenargues, Réfl. et max. 32.Une grande vérité approfondie vaut mieux que la découverte de mille mensonges
, Voltaire, Dict. phil. Apocryphes.Une répétition fréquente et une succession non interrompue des mêmes événements fait l'essence de la vérité physique
, Buffon, Hist. nat. 1er disc. t. I, p. 78.N'est-il pas de la nature de toute vérité d'être claire et d'éclairer ?
Diderot, Suffis. de la relig. nat. n° 5.Il s'agit moins de lui apprendre une vérité, que de lui montrer comment il faut s'y prendre pour découvrir toujours la vérité
, Rousseau, Ém. III.Toutes les vérités se bornent aux rapports qui sont entre des idées simples, entre des idées complexes, et entre une idée simple et une idée complexe
, Condillac, Conn. hum. II, II, 3.Il est bien plus facile de trouver une vérité nouvelle que de reconnaître une vieille erreur
, Gay-Lussac, Instit. Mém. scienc. 1812, 2° part. p. 122. - 6Sincérité, bonne foi. C'est un homme plein de vérité. Un accent de vérité. Un air de vérité.
-
7Réalité.
La vanité n'a jamais eu que le masque de la grandeur ; c'est la grâce qui en a la vérité
, Massillon, Or. fun. Louis XI.Cette conduite prouve la vérité de mon estime, et ce que j'ai pensé de vous dans tous les temps
, Rousseau, Lett. au duc de Choiseul, 27 mars 1768. -
8Caractère propre, en parlant d'une figure, d'une forme.
Cette espèce de coiffure empruntée [une perruque] altère la vérité de la physionomie
, Buffon, Hist. nat. Hom. Œuv. t. IV, p. 290.Terme de peinture et des autres arts d'imitation. Expression fidèle de la nature. Il y a bien de la vérité dans cette tête, dans le jeu de cet acteur, dans le style de ce poëte.
J'ai compris ce que c'était que finesse de dessin et vérité de nature
, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 3 et 4, dans POUGENS. - 9 Terme de jeux. Une vérité, sorte d'amusement de société qui consiste à dire à chacun, sur ses qualités et ses défauts personnels, une chose vraie et une chose fausse, de telle sorte que l'éloge et le reproche se confondent malicieusement et puissent être pris l'un pour l'autre.
-
10À dire vérité, pour s'exprimer franchement.
…il vaut bien mieux, à dire vérité, Que la femme qu'on a pèche de ce côté
, Molière, Éc. des f. III, 3.Et s'il avait mon cœur, à dire vérité, Il tournerait ses vœux tout d'un autre côté
, Molière, Mis. IV, 1. -
11En vérité, loc. adv. Certainement, assurément, sincèrement. Je vous le dis en vérité. En vérité vous avez tort.
En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui croit en moi, a la vie éternelle
, Sacy, Bible, Év. St Jean, VI, 47.En vérité, croyez-vous ? ou, simplement, en vérité ?
Je l'aurais préféré à tout autre, dit Alcimon. - En vérité ? - Rien n'est plus sincère
, Marmontel, Cont. mor. École pèr. -
12À la vérité, loc. adv. dont on se sert pour expliquer ou restreindre. À la vérité, je vous ai dit cela, mais j'étais dans l'erreur.
C'est un homme, à la vérité, dont les lumières sont petites… mais…
, Molière, Bourg. gent. I, 1. -
13De vérité, véritablement (locution vieillie).
Ils ont, de vérité, je ne sais quoi de plat
, Corneille, Mél. v, 2.
PROVERBES
Toutes vérités ne sont pas bonnes à dire. Celles qu'on sait sans oser les divulguer, car toute vérité n'est pas bonne à dire
, Beaumarchais, Mar. de Figaro, IV, 1.
Il n'y a que la vérité qui offense, les reproches qui offensent sont presque toujours mérités.
Le temps découvre la vérité.
La vérité comme l'huile vient au-dessus.
REMARQUE
Ami de Platon, mais encore plus de la vérité : ce dicton provient d'un passage d'Aristote, où il dit qu'il faut préférer la vérité à ses amis, Morale à Nicom. I, 4.
HISTORIQUE
XIIe s. Ne sai s'est veritez
, Ronc. p. 9. Dire [je] vous vel, sil sachiez [ainsi sachez-le] de verté
, ib. p. 35.
XIIIe s. On n'aime pas dame pour parenté [sa famille], Ains quant ele est bele, courtoise et sage ; Vous en saurez par tems la verité
, Quesnes, Romanc. p. 100. Et dont estes-vous née ? dites en verité
, Berte, XLV. Et veritez est la maçue Qui tot le mont [monde] occit et tue
, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 434. Li rois dit que il s'accordoit que en [on] lui donnast, mès qu'il [pourvu qu'il] tenist verité de ce que il promettoit
, Joinville, 223.
XIVe s. Et si voulons que de toutes les amandes et forfaitures en soient faites et oyes trois veritez [enquêtes] chacun an
, Ordonn. des rois de Fr. t. IV, p. 211. Et fu li jours et lieux noncez que on tenroit ladite verité [assise]
, Du Cange, veritas. Semblablement est-il verité que savoir la science de pollitiques prouffite moult aux saiges
, Oresme, Prol.
XVe s. Ce savoient-ils de verité par les prisonniers d'Escosse qu'ils avoient pris [qu'Edouard était à Bervick]
, Froissart, I, I, 163. En bonne verité, c'est l'imagination de plusieurs hommes…
, Froissart, II, III, 22. Je l'ay fait [écrit] le plus près de la verité que j'ay peu
, Commines, Prol. Le roy se trouvant chargé de ce cas contre verité
, Commines, I, 1.
XVIe s. Ils vindrent jusques à s'entre-charger et accuser, en se disant hault et clair leurs veritez l'un à l'autre, avec une grande vehemence
, Amyot, Brut. 42. J'en parlerai comme aiant presté serment à la verité, et comme y aiant esté emploié
, D'Aubigné, Hist. II, 457. Sur la langue d'aucun à present n'est porté Cet espineux fardeau qu'on nomme verité
, D'Aubigné, Tragiques, édit. LALANNE, p. 80. Quand quelque fait est descrit à la verité et avec ses circonstances, encor qu'il ne soit parvenu qu'à mi-chemin, si peut-on tousjours en tirer du fruict
, Lanoue, 662. En verité le mentir est un mauldict vice
, Montaigne, I, 36. Si, comme la verité, le mensonge n'avoit qu'un visage…
, Montaigne, I, 37. J'avois achevé mon cours, et, à la verité, sans aulcun fruit
, Montaigne, I, 196. Par trop debatre la verité, se perd
, Cotgrave †
Encyclopédie, 1re édition (1751)
VÉRITÉ, (Log.) toute idée, considérée en elle-même, est vraie, c’est-à-dire qu’elle représente exactement ce qu’elle représente, soit que ce qu’elle offre à l’esprit existe ou non. Pareillement toute chose, considerée en elle-même, est vraie, c’est-à-dire qu’elle est ce qu’elle est : c’est ce que personne ne révoquera en doute ; mais quelle utilité pourroit-il y avoir à envisager la vérité sous cette face ? Il faut considérer la vérité relativement à nos connoissances : considerée sous ce point de vue, on peut la définir une conformité de nos jugemens avec ce que sont les choses : en sorte que ce qu’elles sont en elles-mêmes, soit précisément ce que nous en jugeons.
Si la vérité est une conformité de notre pensée avec son objet, elle est donc une particularité ou circonstance de notre pensée ; elle en est donc dépendante, elle ne subsiste donc point par elle-même. S’il n’y avoit point de pensées & de connoissances au monde, il n’y auroit point de vérité ; mais comment cela peut-il s’accorder avec ce que les philosophes ont dit de plus beau touchant la nature des vérités éternelles ? ne craignez rien pour les vérités éternelles. Comme Dieu est un esprit qui subsiste nécessairement, & qui connoît de toute éternité ; c’est aussi en lui que les vérités subsisteront essentiellement, éternellement, & nécessairement ; mais par-là elles ne se trouveront pas indépendantes de la pensée, puisqu’elles sont la pensée de Dieu même, laquelle est toujours conforme à la réalité des choses. Mais, direz-vous, quand je détruirois dans ma pensée toutes les intelligences du monde, ne pourrois-je pas toujours imaginer la vérité ? La vérité est donc indépendante de la pensée. Point-du-tout ; ce que vous imagineriez alors seroit justement une abstraction, & non une réalité. Vous pouvez par abstraction penser à la vérité, sans penser à aucune intelligence ; mais réellement il ne peut y avoir de vérité sans pensée, ni de pensée sans intelligence ; ni d’intelligence sans un être qui pense, & qui soit une substance spirituelle. A force de penser par abstraction à la vérité, qui est une particularité de la pensée, on s’accoutume à regarder la vérité comme quelque chose d’indépendant de la pensée & de l’esprit ; à peu près comme les enfans trouvent dans un miroir la représentation d’un objet, indépendante des rayons de la lumiere, dont néanmoins elle n’est réellement qu’une modification.
L’objet avec lequel notre pensée est conforme, est de deux sortes ; ou il est interne, ou il est externe ; c’est-à-dire, ou les choses auxquelles nous pensons ne sont que dans notre pensée, ou elles ont une existence réelle & effective, indépendante de notre pensée. De-là, deux sortes de vérités, l’une interne & l’autre externe, suivant la nature des objets. L’objet de la vérité interne est purement dans notre esprit, & celui de la vérité externe est non-seulement dans notre esprit, mais encore il existe effectivement & réellement hors de notre esprit, tel que notre esprit le conçoit. Ainsi toute vérité est interne, puisqu’elle ne seroit pas vérité si elle n’étoit dans l’esprit ; mais une vérité interne n’est pas toujours externe. En un mot la vérité interne est la conformité d’une de nos idées avec une autre idée, que notre esprit se propose pour objet : la vérité externe est la conformité de ces deux idées réunies & liées ensemble, avec un objet existant hors de notre esprit, & que nous voulons actuellement nous représenter.
Il faut observer que nous jugeons des objets ou par voie de principe, ou par voie de conséquence. J’appelle jugement par voie de principe, une connoissance qui nous vient immédiatement des objets, sans qu’elle soit tirée d’aucune connoissance antérieure ou précédente. J’appelle jugement par voie de conséquence, la connoissance que notre esprit agissant sur lui-même, tire d’une autre connoissance, qui nous est venue par voie de principe.
Ces deux sortes de jugemens sont les deux sortes de vérités que nous avons indiquées, savoir la vérité externe, & la vérité interne. Nous appellerons la premiere vérité objective, ou de principe ; & l’autre, vérité logique, ou de conséquence. Ainsi vérité objective, de principe, externe, sont termes synonymes ; de même que vérité interne, logique, de conséquence, signifient précisément la même chose. La premiere est particuliere à chacune des sciences, selon l’objet où elle se porte ; la seconde est le propre & particulier objet de la logique.
Au reste comme il n’est nulle science qui ne veuille étendre ses connoissances par celles qu’elle tire de ses principes, il n’en est aucune aussi où la logique n’entre, & dont elle ne fasse partie ; mais il s’y trouve une différence singuliere : savoir, que les vérités internes sont immanquables & évidentes, au-lieu que les vérités externes sont incertaines & fautives. Nous ne pouvons pas toujours nous assurer que nos connoissances externes soient conformes à leurs objots, parce que ces objets sont hors de nos connoissances mêmes & de notre esprit : au-lieu que nous pouvons discerner distinctement, si une idée ou connoissance est conforme à une autre idée ou connoissance ; puisque ces connoissances sont elles-mêmes l’action de notre esprit, par laquelle il juge intimement de lui-même & de ses opération intimes ; c’est ce qui arrive dans les mathématiques, qui ne sont qu’un tissu de vérités internes, où sans examiner si une vérité externe est conforme à un objet existant hors de notre esprit, on se contente de tirer d’une supposition qu’on s’est mise dans l’esprit, des conséquences qui sont autant de démonstrations. Ainsi l’on démontre que le globe de la terre étant une fois dans l’équilibre, pourroit être soutenu sur un point mille & mille fois plus petit que la pointe d’une aiguille, mais sans examiner si cet équilibre existe ou n’existe pas réellement, & hors de notre esprit.
La vérité de conséquence étant donc la seule qui appartiennent à la logique, nous cesserons d’être surpris comment tant de logiciens ou de géometres habiles se trouvent quelquefois si peu judicieux : & comment des volumes immenses sont en même tems un tissu de la meilleure logique & des plus grandes erreurs : c’est que la vérité logique & interne subsiste très-bien sans la vérité objective & externe ; si donc les premieres vérités que la nature & le sens commun nous inspirent sur l’existence des choses, ne sont la base & le fondement de nos raisonnemens, quelque bien liés qu’ils soient, & avec quelque exactitude qu’ils se suivent, ils ne seront que des paralogismes & des erreurs. Je vais en donner des exemples.
Qu’il soit vrai une fois que la matiere n’est autre chose que l’étendue, telle que se la figure Descartes ; tout ce qui sera étendu sera matiere : & dès que j’imaginerai de l’étendue, il faut nécessairement que j’imagine de la matiere : d’ailleurs ne pouvant m’abstenir quand j’y pense, d’imaginer de l’étendue au-delà même des bornes du monde, il faudra que j’imagine de la matiere au-delà de ces bornes : ou pour parler plus nettement, je ne pourrai imaginer des bornes au monde ; n’y pouvant imaginer des bornes, je ne pourrai penser qu’il soit ou puisse être fini, & que Dieu ait pu le créer fini.
De plus, comme j’imagine encore, sans pouvoir m’en abstenir quand j’y pense, qu’avant même la création du monde il y avoit de l’étendue ; il faudra nécessairement que j’imagine qu’il y avoit de la matiere avant la création du monde : & je ne pourrai imaginer qu’il n’y ait pas toujours eu de la matiere, ne pouvant imaginer qu’il n’y ait pas eu toujours de l’étendue ; je ne pourrai imaginer non plus que la matiere ait jamais commencé d’exister, & que Dieu l’ait créée.
Je ne vois point de traité de géométrie qui contienne plus de vérités logiques, que toute cette suite de conséquences à laquelle il ne manque qu’une vérité objective ou de principe pour être essentiellement la vérité même.
Autre exemple d’évidentes vérités logiques. S’il est vrai qu’un esprit entant qu’esprit, est incapable de produire aucune impression sur un corps, il ne pourra lui imprimer aucun mouvement ; ne lui pouvant imprimer aucun mouvement, mon ame qui est un esprit, n’est point ce qui remue ni ma jambe ni mon bras ; mon ame ne les remuant point, quand ils sont remués, c’est par quelqu’autre principe : cet autre principe ne sauroit être que Dieu. Voilà autant de vérités internes qui s’amenent les unes les autres d’elles-mêmes, comme elles en peuvent encore amener plusieurs aussi naturellement, en supposant toujours le même principe ; car l’esprit entant qu’esprit, étant incapable de remuer les corps, plus un esprit fera esprit, plus il sera incapable de remuer les corps : de même que la sagesse entant que sagesse, étant incapable de tomber dans l’extravagance, plus elle est sagesse, & plus elle est incapable de tomber dans l’extravagance. Ainsi donc un esprit infini sera infiniment incapable de remuer les-corps, Dieu étant un esprit infini, il sera dans une incapacité infinie de remuer mon corps, Dieu & mon ame étant dans l’incapacité de donner du mouvement à mon corps, ni mon bras ni ma jambe ne peuvent absolument être remués, puisqu’il n’y a que Dieu & mon ame à qui ce mouvement puisse s’attribuer. Tout ceci est nécessairement tire de son principe par un tissu de vérités internes. Car enfin suppose le principe d’où elles sont tirées, il sera très-vrai que le mouvement qui se fait dans mon bras, ne sauroit se faire, bien qu’il soit très-évident qu’il se fait.
Quelque étranges que puissent paroître ces conséquences, cependant on ne peut trouver des vérités internes mieux soutenues, chacune dans leur genre ; & celles dont nous venons de rapporter des exemples, peuvent faire toucher au doigt toute la différence qui se trouve entre la vérité interne ou de conséquence, & la vérité externe ou de principe ; elles peuvent aussi nous faire connoître comment la logique dans son exercice s’étend à l’infini, servant à toutes les sciences pour tirer des conséquences de leurs principes, au lieu que la logique dans les regles qu’elle prescrit, & qui la constituent un art particulier, est en elle-même très-bornée. En effet elle n’aboutit qu’à tirer une connoissance d’une autre connoissance par la liaison d’une idée avec une autre idée.
Il s’ensuit de-là que toutes les sciences sont susceptibles de démonstrations aussi évidentes que celles de la géométrie & des mathématiques, puisqu’elles ne sont qu’un tissu de vérités logiques, en ce qu’elles ont d’évident & de démontré. Elles se rencontrent bien avec des vérités externes ; mais ce n’est point de-là qu’elles tirent leur vertu démonstrative ; leurs démonstrations subsistent quelquefois sans vérité externe.
Ainsi la géométrie démontre-t-elle, comme nous l’avons déja dit, qu’un globe mille fois plus grand que la terre peut se soutenir sur un essieu moins gros mille fois qu’une aiguille ; mais un globe & une aiguille, tels que la géométrie se les figure ici, ne subsistent point dans la réalité : ce sont de pures abstractions que notre esprit se forme sur des objets.
Admirons ici la réflexion de quelques-uns de nos grands esprits : il n’est de science, disent-ils, que dans la géométrie & les mathématiques. C’est dire nettement, il n’est de science que celle qui peut très-bien subsister sans la réalité des choses, mais par la seule liaison qui se trouve entre des idées abstraites que l’esprit se forme à son gré. On trouvera à son gré de pareilles démonstrations dans toutes les sciences.
La physique démontrera, par exemple, le secret de rendre l’homme immortel. Il ne meurt que par les accidens du dehors ou par l’épuisement du dedans ; il ne faut donc qu’éviter les accidens du dehors, & réparer au-dedans ce qui s’épuise de notre substance, par une nourriture qui convienne parfaitement avec notre tempérament & nos dispositions actuelles. Dans cette abstraction, voilà l’homme immortel démonstrativement & mathématiquement ; mais c’est le globe de la terre sur une aiguille.
La morale démontrera de son côté le moyen de conserver dans une paix inaltérable tous les états du monde. La démonstration ne se tirera pas de loin. Tous les hommes se conduisent par leur intérêt : l’intérêt des souverains est de se conserver mutuellement dans l’intelligence ; cet intérêt est manifeste par la multiplication qui se fait pendant la paix, & des sujets du souverain, & des richesses d’un état. Le moyen d’entretenir cette intelligence est également démontré. Il ne faut qu’assembler tous les députés des souverains dans une ville commune, où l’on conviendra d’en passer à la pluralité des suffrages, & où l’on prendra des moyens propres à contraindre le moindre nombre de s’accorder au plus grand nombre ; mais c’est le globe sur l’aiguille. Prenez toutes ces vérités par leur abstraction & sans les circonstances dont elles sont accompagnées dans la réalité des choses : ce sont-là autant de démonstrations équivalentes aux géométriques.
Mais les unes & les autres, pour exister dans la pratique, supposent certains faits. Si donc l’expérience s’accorde avec nos idées, & la vérité externe avec la vérité interne, les démonstrations nous guideront aussi sûrement dans toutes les sciences par rapport à leur objet particulier, que les démonstrations de géométrie par rapport aux démonstrations sur l’étendue.
Il n est point de globe parfait qui se soutienne sur la pointe d’une aiguille ; & la vérité géométrique ne subsiste point au-dehors, comme elle est dans la précision que forme notre esprit à ce sujet. Cette précision ne laisse pas d’être d’usage même au-dehors, en montrant que pour faire soutenir un globe sur un axe le plus menu, il faut travailler à faire le globe le plus rond, le plus égal de toutes parts, & le plus parfait qui puisse être fabriqué par l’industrie humaine.
Il n’est point aussi dans la nature aucune sorte de nourriture si conforme à notre tempérament & à nos dispositions actuelles, qu’elle répare exactement tout ce qui dépérit de notre substance ; mais plus la nourriture dont nous usons approche de ce caractere, plus aussi toutes choses demeurant égales d’ailleurs, notre vie se prolonge.
En un mot, qu’on me garantisse des faits, & je garantis dans toutes les sciences des démonstrations géométriques, ou équivalentes en évidence aux géométriques : pourquoi ? parce que toutes les sciences ont leur objet, & tous les objets fournissent matiere à des idées abstraites qui peuvent se lier les unes avec les autres : c’est ce qui fait la nature des vérités logiques, & le seul caractere des démonstrations géométriques. Voyez la Logique du pere Buffier.
Quand on demande s’il y des vérités, cela ne fait aucune difficulté par rapport aux vérités internes : tous les livres en sont remplis ; il n’y a pas jusqu’à ceux qui se proposent pour but d’anéantir toutes les vérités tant internes qu’externes. Accordez une fois à Sextus Empiricus que toute certitude doit être accompagnée d’une démonstration, il est évident qu’on ne peut être sûr de rien, puisque dans un progrès à l’infini de démonstrations on ne peut se fixer à rien. Toute la difficulté roule sur les vérités externes. Voyez les premiers principes.
Vérité métaphysique ou transcendentale ; on appelle ainsi l’ordre qui regne dans la variété des diverses choses, tant simultanées que successives, qui conviennent à l’être. Voyez l’article Ordre, où nous remarquons que ce qui distingue la veille du sommeil, c’est l’ordre qui regne dans les événemens vrais & réels de la veille ; au-lieu que les songes forgent des combinaisons où il n’y a ni vérité ni réalité, parce qu’elles sont destituées de raison suffisante, & qu’elles supposent même la coexistence des choses contradictoires. La vérité qui résulte de l’ordre & qui coïncide presque avec lui, convient donc à tout être, à Dieu, au monde, entant qu’on l’envisage comme une unité, & à tout individu existant dans le monde, homme, arbre, &c.
Tout être est donc vrai. Cette vérité est intrinseque à l’être, & ne dépend point de nos connoissances. Ce n’est pas comme en logique, où l’on appelle vrai ce qui est tel qu’il nous paroît. Quand je dis, par exemple, voilà un lingot de véritable or, la vérité n’a lieu qu’au cas que ce lingot soit effectivement ce que j’affirme qu’il est ; mais cette vérité est plutôt celle du jugement que celle de l’être même. Le lingot n’est pas tel que vous dites, mais il n’en a pas moins sa vérité transcendentale ; c’est une masse réelle qui ne sauroit être autre qu’elle est, & dont l’essence & les attributs sont liés par des raisons suffisantes.
Les deux grands principes, l’un de contradiction, l’autre de raison suffisante, sont la source de cette vérité universelle, sans laquelle il n’y auroit point de vérité logique dans les propositions universelles, & les singulieres elles-mêmes ne seroient vraies que dans un instant : car si un être n’est pas tellement ce qu’il est & qu’il ne puisse être autre chose, comment puis-je former les notions des genres & des especes, & compter sur elles ? Ces qualités & ces attributs que j’ai séparés comme fixes & invariables, ne sont rien moins que tels ; tout être est indifférent à tout autre attribut, il en reçoit & il en perd sans raison suffisante. Ce n’est donc qu’en supposant la vérité des êtres, c’est-à-dire l’immutabilité de leur essence, & la permanence de leurs attributs, qu’on peut les ranger dans ces classes génériques & spécifiques, dont la nécessité est indispensable pour former le moindre raisonnement. Les propriétés des nombres & des figures ne seroient pas plus constantes. Peut-être que demain deux & deux feront cinq, & qu’un triangle aura quatre angles : par-là toutes les sciences perdroient leur unique & inébranlable fondement.
Vérité éternelle, (Logiq. Métaphysiq. Morale.) c’est une proposition générale & certaine, qui dépend de la convenance, ou de la disconvenance qui se rencontre dans des idées abstraites.
Les propositions qui en découlent, sont nommées vérités éternelles, non pas à cause que ce sont des propositions actuellement formées de toute éternité, & qui existent avant l’entendement qui les forme en aucun tems ; ni parce qu’elles sont gravées dans l’esprit, d’après quelque modele qui soit quelque part, & qui existoit auparavant : mais parce que ces propositions étant une fois formées sur des idées abstraites, en sorte qu’elles soient véritables, elles ne peuvent qu’être toujours actuellement véritables, en quelque tems que ce soit, passé ou à venir, auquel on suppose qu’elles soient formées une autre fois par un esprit en qui se trouvent les idées dont ces propositions sont composées ; car les noms étant supposés signifier toujours les mêmes idées, & les mêmes idées ayant constamment les mêmes rapports l’une avec l’autre, il est visible que des propositions qui étant formées sur des idées abstraites, sont une fois véritables, doivent être nécessairement des vérités éternelles.
Ainsi ayant l’idée de Dieu & de moi-même, celle de crainte & d’obéissance ; cette proposition : les hommes doivent craindre Dieu & lui obéir, est une vérité éternelle, parce qu’elle est véritable à l’égard de tous les hommes qui ont existé, qui existent, ou qui existeront.
Ce sont des vérités éternelles que les rapports d’équité antérieurs à la loi positive qui les établit, comme par exemple, que supposé qu’il y eût des sociétés d’hommes raisonnables, il seroit juste de se conformer à leurs lois ; que s’il y avoit des êtres intelligens qui eussent reçu quelque bienfait d’un autre être, ils devroient en avoir de la reconnoissance ; qu’un être intelligent qui a fait du mal à un être intelligent, mérite de recevoir le même mal, & ainsi du reste. (D. J.)
Vérité fondamentale, (Logiq. Métaphysiq.) nos esprits sont si lents à pénétrer le fond des objets de leurs recherches, qu’il n’y a point d’homme qui puisse connoître toutes les vérités de son art. Il est donc sage de se fixer aux questions les plus importantes, & de négliger les autres qui nous éloignent de notre but principal.
Tout le monde sait combien de tems la jeunesse perd à se remplir la tête de choses la plûpart inutiles. C’est à-peu-près, comme si quelqu’un qui veut devenir peintre, s’occupoit à examiner les fils des différentes toiles sur lesquelles il doit travailler, & à compter les soies des pinceaux dont il doit se servir pour appliquer ses couleurs ; mais il suffit sans doute d’insinuer, que toutes les observations qui ne contiennent rien d’intéressant, & qui n’aident pas à pousser nos connoissances plus loin, doivent être négligées.
Il y a en échange des vérités fondamentales dont il faut nous occuper, parce qu’elles servent de base à plusieurs autres. Ce sont des vérités fécondes, qui enrichissent l’esprit, & qui semblables à ces feux célestes, qui roulent sur nos têtes, outre l’éclat qui leur est naturel, & le plaisir qu’il y a de les contempler, répandent leur lumiere sur bien d’autres objets qu’on ne verroit pas sans leur secours. Telle est cette admirable découverte de M. Newton, que tous les corps pesent les uns sur les autres ; découverte qu’on peut regarder comme la base de la Physique, & qui a donné à ce beau génie, les moyens de prouver au grand étonnement de tous les Philosophes, l’usage merveilleux de ce principe, pour entendre le système de notre tourbillon solaire.
En fait de morale, le précepte de Jesus-Christ, qui nous ordonne d’aimer notre prochain, est une vérité si capitale pour la conservation des sociétés humaines, qu’elle suffit toute seule, pour nous déterminer dans la plûpart des cas qui regardent les devoirs de la vie civile. Ce sont des vérités de cette nature, qu’on peut nommer fondamentales, & que nous devrions rechercher ou pratiquer avec ardeur. (D. J.)
Vérité métaphysique, (Métaphys.) on entend par vérité métaphysique, l’existence réelle des choses conforme aux idées auxquelles nous avons attaché des mots pour désigner ces choses ; ainsi connoître la vérité, dans le sens métaphysique, c’est appercevoir les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, & en juger conformément à leur nature ; mais comme le grand jour convient moins aux jeux du théatre que la lumiere, ainsi la vérité plait moins que l’erreur à la plûpart des hommes, cependant quelle que soit leur foible vue, ou leurs affections dépravées, l’amant de la vérité, qui la recherche, qui la connoît, & qui en jouit, possede le plus grand bien auquel on puisse aspirer ici-bas. Il est beau de considérer du haut d’un mont escarpé, les erreurs & les égaremens des foibles mortels, pourvû qu’on les regarde d’un œil compatissant, & non pas d’un œil orgueilleux. C’est du pic de cette montagne qu’on apprend pourquoi la vérité, fille du ciel, tombe flétrie sous le poids des chaînes de la superstition. (D. J.)
Vérité morale, (Morale.) conformité de la persuasion de notre esprit avec la proposition que nous avançons, soit que cette proposition soit conforme à la réalité des choses ou non. Voyez Véracité. (D. J.)
Vérité, (Critiq. sacrée.) en grec ἀληθέια ; ce mot a divers sens particuliers dans l’Ecriture, qu’il faut développer. Il se prend pour la justice de Dieu : tu m’as humilié dans ta justice, in veritate tuâ, ps. 118. 75. Pour la loi divine : la loi de l’Eternel sera méprisée sur la terre, prosternetur veritas in terrâ, Daniel, viij. 12. Pour l’intelligence qui paroît dans un ouvrage : opus textile viri sapientis judicio & veritate præditi, Ecclés. xxv. 12. Le rational étoit un ouvrage tissu par un homme habile & intelligent dans son art. Pour la charité, la clémence, la miséricorde, I. Cor. v. 8. & Prov. xx. 28. La garde des rois est la miséricorde & la vérité. ἐλεημοσύνη καὶ ἀληθεία. Ainsi faire, pratiquer la vérité, I. Cor. xij. 6, c’est faire de bonnes œuvres, des œuvres de miséricorde ; celui qui fait bien, ὁ ποιῶν ἀληθείαν, Jean, iij. 21, c’est-à-dire celui qui est juste, miséricordieux ; Jesus-Christ dit qu’il est la vérité & la vie, Jean, xiv. 6, non-seulement parce que sa doctrine est vraie, & qu’elle conduit au bonheur, mais parce qu’elle respire la justice & l’humanité.
Enfin le sens le plus ordinaire du mot vérité dans l’Ecriture, est ce qui est opposé à l’erreur & aux fausses opinions en matiere de religion ; sur quoi je me contenterai de rapporter un beau passage de Tertullien. « La vérité, dit ce pere de l’Eglise, n’est point sujette à la prescription ; ni la longueur du tems, ni l’autorité de personne ne peuvent rien contr’elle ; c’est de semblables sources, que des coutumes qui doivent leur naissance à l’ignorance, à la simplicité, à la superstition des hommes, acquérant de la force par l’usage, s’élevent insensiblement contre la vérité ; mais notre seigneur a pris le nom de vérité & non pas de coutume. Si sa doctrine a toujours été la vérité, que ceux qui l’appellent une nouveauté, nous disent ce qu’ils entendent par ce qui est ancien. On n’attaque bien les hérésies, continue-t-il, qu’en prouvant qu’elles sont contraires à la vérité. » (D. J.)
Vérité, (Antiq. égypt.) nom de la pierre précieuse que portoit au col le chef-juge des Egyptiens. Nous apprenons de Diodore de Sicile, l. I. p. 48, que le tribunal où l’on rendoit la justice parmi les Egyptiens, n’étoit pas moins célebre par la sagesse des magistrats, que l’aréopage d’Athènes & le senat de Lacédémone. Il étoit composé de trente juges, sous un président qu’ils choisissoient eux mêmes, & à qui l’on donnoit le nom de chef-juge ou de chef de la justice. Il portoit au cou une chaîne d’or à laquelle étoit suspendue une pierre précieuse qu’on appelloit la vérité, soit qu’effectivement elle en portât l’empreinte, soit qu’elle n’en fût que le symbole. Ce sénat étoit représenté sur un des murs du superbe monument ou tombeau qu’on avoit élevé à Thèbes en l’honneur du roi Osymandias. Les juges y étoient sans mains, pour marquer qu’ils ne devoient pas être sensibles à l’intérêt, & pour montrer que leur chef ne devoit se proposer dans ses jugemens d’autre regle que la vérité. Il regardoit fixement cette pierre qu’il avoit sur la poitrine. Antiq. égyp. de M. de Caylus, tom. I. (D. J.)
Vérité, (Mythol.) en grec ἀληθεία ; les payens ont déifié la vérité, en la faisant fille du tems ou de Saturne pris pour le tems, & mere de la justice & de la vertu. Pindare dit que la vérité est fille du souverain des dieux. On la représente comme une jeune vierge d’un port noble & majestueux, couverte d’une robe d’une extrème blancheur. Quelqu’un a dit qu’elle se tenoit ordinairement cachée au fond d’un puits, pour exprimer la difficulté qu’il y a de la découvrir. Apelles, dans son fameux tableau de la calomnie, personnifia la vérité, sous la figure d’une femme modeste laissée à l’écart ; c’est une idée bien vraie & bien ingénieuse. (D. J.)
Vérité, (Peint.) ce terme s’emploie en peinture pour marquer l’expression propre du caractere de chaque chose, & sans cette expression il n’est point de peinture. (D. J.)
Étymologie de « vérité »
Prov. veritat, vertat ; esp. verdad ; ital. verità ; du lat. veritatem, de verus, vrai.
- (Xe siècle) veritet, du latin vēritatem, accusatif de vērĭtas, dérivé de verus (« vrai »). En ancien français, un doublet populaire verté est attesté jusqu’au XIVe siècle.
Phonétique du mot « vérité »
Mot | Phonétique (Alphabet Phonétique International) | Prononciation |
---|---|---|
vérité | verite |
Fréquence d'apparition du mot « vérité » dans le journal Le Monde
Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.
Évolution historique de l’usage du mot « vérité »
Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.
Citations contenant le mot « vérité »
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L'art se situe dans l'intervalle, mince comme la peau, qui sépare la vérité du mensonge.
Sugimori Nobumori, dit Chikamatsu Monzaemon — Entretiens avec Hozumi Ikkan -
Il ne faut pas s'offenser que les autres nous cachent la vérité, puisque nous nous la cachons si souvent à nous-mêmes.
François, duc de La Rochefoucauld — Maximes -
Une vérité accommodante est une vérité accommodée.
Louis Veuillot -
L'aphorisme ne coïncide jamais avec la vérité : il est soit une demi-vérité, soit une vérité et demie.
Karl Kraus — Aphorismes -
Il n'y a peut-être point de vérité qui ne soit à quelque esprit faux matière d'erreur.
Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues — Réflexions et Maximes -
Deux demi-vérités ne font pas une vérité.
Multatuli — Idées -
Rien n'est vrai, rien n'est faux ; tout est songe et mensonge, Illusion du cœur qu'un vain espoir prolonge. Nos seules vérités, hommes, sont nos douleurs.
Alphonse de Prât de Lamartine — Harmonies poétiques et religieuses, le Tombeau d'une mère -
Une nation périclite quand l'esprit de justice et de vérité se retire d'elle.
Jean Paulhan — Réponse à Martin-Chauffier -
Une erreur n'est souvent qu'une vérité coupée en herbe.
Jules Romains pseudonyme littéraire devenu ensuite le nom légal de Louis Farigoule — Lucienne, Gallimard -
Trois ordres de vérités nous guident : les vérités effectives, les vérités mystiques, les vérités rationnelles.
Gustave Le Bon — Les Opinions et les Croyances
Traductions du mot « vérité »
Langue | Traduction |
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Anglais | truth |
Espagnol | verdad |
Italien | verità |
Allemand | wahrheit |
Chinois | 真相 |
Arabe | حقيقة |
Portugais | verdade |
Russe | правда |
Japonais | 真実 |
Basque | egia |
Corse | verità |
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