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Trop

Définitions de « trop »

Trésor de la Langue Française informatisé

TROP, adv.

I. − Adverbe
A. − [Adv. intensif marquant un degré excessif] Synon. exagérément, excessivement, au-delà de la mesure.
1. [Trop marque l'intensité excessive]
a) Trop + adj.Schmoûle est fin, très fin, trop fin même (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 135).C'est que c'est un prince qui ne me revient pas. Il est trop doux. Il est trop blond, il a des yeux trop bleus. On dit qu'il est russe (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 85).
b) Trop + subst. empl. adj.Elle a un grand nez pointu, des cheveux raides mal peignés... Et puis non, qu'est-ce que tu veux, c'est trop gosse (Aymé, Jument, 1933, p. 118).Ces souliers? Ils sont très jolis.Ils sont bien pour déjeuner à la campagne, mais beaucoup trop sport pour la ville (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 292).
c) Trop + adv.Suivant le dynamisme qui appartient à la suggestion, le lecteur peut aller plus loin, trop loin (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 63).
d) Trop + verbe.Que voulez-vous, Marguerite, je vous aime trop, et je suis jaloux de la moindre de vos pensées (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 143).Il est mort d'avoir trop mangé de dragées. Que son sort serve d'exemple aux enfants gourmands! (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 161).
Proverbe. Trop gratter cuit*, trop parler nuit.
e) Trop + loc. verb. (empl. critiqué).Avoir trop faim, trop honte. On avait trop froid. Les gens n'avaient pas eu le temps de se vêtir en quittant le bateau (Mille, Barnavaux, 1908, p. 277).
[Dans une loc. à la forme impers. désignant un phénomène météor.] Comme il faisait trop chaud, nous sommes revenus attendre le réveil de mon oncle dans un petit salon (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1727).
f) Trop + loc. prép.Être trop en colère. Un obus passait, d'un sifflement pressé. Un morceau de champ sauta.Mal visé, dit Gaspard, trop à gauche! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 61).
g) [Trop peut être modifié]
α) [Par un autre adv. (beaucoup, bien, un peu)] Il avait des lèvres un peu trop charnues, des yeux un peu trop expressifs (Billy, Introïbo, 1939, p. 74).V. infra ex. de Vailland.
β) Littér. [Par la prép. par] Sur ce costume par trop printanier à six heures du matin, car on touchait à peine au commencement de juin, il avait jeté un pardessus d'alpaga (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 396).Il est par trop facile de discuter comme vous, dit Parker: tout ce qui contrarie votre thèse est faux (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 205).
2. Fam. De trop.Trop. Verbe + de trop.Pas de branches, surtout, ça fume de trop (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 71).Il en avait de trop à bouffer le général, puisqu'il touchait d'après le règlement quarante rations pour lui tout seul (Céline, Voyage, 1932, p. 33).
3. [Trop, corrél. de pour ou de pour que indique qu'une intensité donnée est excessive pour produire la conséquence que l'on prévoyait]
Trop ... pour + inf.Mais son enfance avait été trop heureuse pour lui laisser des souvenirs attendrissants (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 185).Ce pauvre Robert est bien trop froussard pour faire du trafic d'armes (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 193).C'était trop beau pour durer (Sartre, Mots, 1964, p. 127).
Trop ... pour que + subj.Ma petite, même aussi sommairement nippée, tu es trop jolie, trop voyante, pour que je t'exhibe (Hermant, M. Courpière, 1907, i, 13, p. 11).Mais l'instinct du constructeur était trop profond chez Bergotte pour qu'il ignorât que la seule preuve qu'il avait bâti utilement et selon la vérité, résidait dans la joie que son œuvre lui avait donnée, à lui d'abord, et aux autres ensuite (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 556).
Rem. 1. Dans ces constr., on remarquera le comportement de la nég. dans la consécutive: Ainsi l'introduction de la négation dans la proposition (...) comportant le morphème trop inverse la polarité de la conséquence (...) qui lui est associée [« Ce livre est trop difficile pour qu'un enfant le comprenne » (un enfant ne le comprendra pas). « Ce livre n'est pas trop difficile pour qu'un enfant le comprennepour qu'un enfant ne le comprenne pas » (un enfant le comprendra)] (M.-A. Morel, Négation et coordination ds Cah. Lexicol. no37 1980, p. 41). V. Le Bidois 1967, § 1534. 2. Dans la sub. consécutive, aucun, personne, rien sont empl. avec leur valeur positive: il est trop tard pour rencontrer personne. Il faisait trop sombre pour que je pusse rien distinguer de la façade du château (Gide, Isabelle, 1911, p. 605).
B. − [Avec la valeur d'un superl. abs.]
1. [Dans des empl. vieillis ou littér.] Beaucoup. Hélas, ne le condamnez pas [ce jeune homme]; il a été trop puni! (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 418).
2. Synon. très, fort3.
a) [Dans des formules de politesse] Je répondis: « Vous êtes trop aimable, monsieur », et je tombai sur un siège (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Fam., 1886, p. 561).Vous êtes trop bon (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 306).
b) [Dans des tours hypocor.] Ils se retiraient sur la pointe des pieds en murmurant que j'étais trop mignon, que c'était trop charmant (Sartre, Mots, 1964, p. 119).
c) [Dans des phrases exprimant une appréciation subjective] Ah! non c'est trop drôle! Ah! ah! ah! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 8, p. 48).Ah! c'est trop con! (Sartre, Mains sales, 1948, 6etabl., 4, p. 243).
3. [Dans un cont. nég.]
a) Ne ... (pas/plus) ... trop ... + verbe.Pas très bien. Je ne sais plus trop ce que j'imaginais au delà des bois (Gide, Si le grain, 1924, p. 395).Henriette faisait le modèle, des ménages, couchait chez l'un et chez l'autre, et devint, on ne sait trop comment, une des attractions de Montparnasse (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 101).
b) Ne ... (pas/plus) ... trop ... + adj. ou adv.Très. Ah, monsieur, ce n'est pas trop tôt! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 129).Sous des conditions qui ne soient point trop étrangères à la réalité (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 151).
c) Ne ... que trop.Suffisamment, bien assez. Il n'y en a que trop. Hélas! je ne le sais que trop (Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 175). − (...) Je parle en homme, humainement.Je ne le sens que trop! (Bernanos, Joie, 1929, p. 698):
1. Il n'est que trop vrai, monsieur, la conduite de la personne au sujet de laquelle vous me demandez toute la vérité a pu sembler inexplicable ou même honnête. Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 448.
C. − Empl. adj., fam. [Sur le modèle de l'angl. too much, dans le lang. des jeunes]
1. Être trop. Être remarquable dans son genre, susciter l'admiration, l'enthousiasme. Synon. être épatant, formidable, sensationnel, terrible.Ils disent tous que j'suis exagérée, que j'suis « trop ». Dans la rue, les gens se retournent, ils s'donnent un coup de coude mais j'entends pas ce qu'y disent. Si, une fois j'ai saisi. Ils m'ont trouvée très très belle (Le Nouvel Observateur, 12 déc. 1977, p. 68, col. 3).
2. C'est trop! C'est extraordinaire! c'est formidable! Certains disent: « Le désert, c'est trop. On ne peut pas en parler. Il faut le vivre... » N'empêche, après un silence, ils ne peuvent en rester là. Commence alors un long récit, presque un aveu (Déclic, févr. 1984, p. 86).
II. − [En empl. nom.]
A. − [Empl. absolument, trop désigne une quantité excessive de choses (plus rarement de pers.)]
1. [En fonction de suj., en partic. dans des loc., des expr. proverbiales soulignant que tout excès est nuisible et condamnable] Trop ne vaut rien, trop et trop peu n'est pas mesure.
Trop est trop (vieilli). Je suis abattu par mes travaux. Trop est trop. Voici trois jours que je suis pris par d'invincibles sommeils qui annoncent le dernier degré de la fatigue cérébrale (Balzac, Lettres Étr., t. 1, 1834, p. 177).Mais pour une femme trop est trop, et tu as l'air de vouloir te faire remarquer (Sand, Pte Fad., 1849, p. 154).
Trop c'est trop. Faire la guerre aux images? Projet d'attardé. Trop c'est trop, mais trop tard est trop tard. Il y eut des siècles de fer, des siècles d'héroïsme, nous traversons le siècle de l'électron (Le Monde aujourd'hui, 23-24 févr. 1986, p. ii).
2. [En fonction d'attribut]
a) [Pour marquer que le nombre de ce qui est indiqué par le suj. est excessif] Les grands hommes sont trop. Tu t'épuises, patrie. Tu vas faire craquer les murs du Panthéon (Richepin, Paradis, 1894, p. 152).On les a oubliés tout de suite, au contraire, tes morts. Ils étaient trop (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1388).
b) [P. allus. à la parole historique qu'aurait prononcée un blessé à la bataille de Paris, le 30 mars 1814] Ils sont trop! À l'ombre, (...) De Ney, (...) Forçant la porte Serpenoise Nous ne dirons plus: ils sont trop! (Verlaine, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p. 305).
c) C'est trop!
[Comme formule de politesse, pour exprimer sa reconnaissance, ses remerciements] C'est trop... c'est trop pour moi. Georges: Rien n'est trop quand on aime (Cocteau, Parents, 1938, iii, 2, p. 280).
[Pour dire son indignation et affirmer que sa patience vient à bout] :
2. Nous aurions eu un petit royaume de France avec beaucoup de grands seigneurs et la masse des misérables pour les entretenir de leur travail comme avant 89. C'était trop! Le peuple de Paris, sous la conduite de Danton, sauva pour la seconde fois notre patrie, en se soulevant d'un coup et mettant la main sur les traîtres. Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 147.
C'en est trop! Non, non. C'en était trop à la fin! Il se vengerait; il allait se venger tout de suite puisqu'il les tenait sous la main (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 621).
Proverbe. À chacun le sien n'est pas trop. ,,Chacun doit conserver l'intégralité de ce qui lui appartient`` (Rey-Chantr. Expr. 1988).
3. [En fonction de compl. d'obj. dir.] C'est trop exiger des lecteurs ou des spectateurs, que de leur demander de renoncer à l'intérêt des circonstances pour s'attacher uniquement aux images et aux pensées (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 64).Il s'arrêta, craignant d'en trop dire (Zola, Nana, 1880, p. 1390).Mais vous buvez trop, une fois de plus. Donnez-moi votre verre (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 147).
En faire trop. Exagérer, être excessif. C'est au fond à la « performance » que j'en ai. Ce Léonard Bernstein en fait trop, pour mon goût, mais c'est parce qu'il n'y a rien qu'il ne puisse faire (Mauriac, Nouv. Bloc-Notes, 1958, p. 128).
Proverbe. Qui trop embrasse mal étreint. V. embrasser II A b.Qui trop embrasse mal étreint. C'est surtout dans les arts que l'éclectisme a eu les conséquences les plus visibles et les plus palpables (Baudel., Salon, 1846, p. 169).
Rem. Dans tous ces empl., trop peut être interprété aussi comme un adv. Comme dans le cas de peu, il est souvent difficile pour trop de distinguer les empl. nom. des empl. adv. Ranger trop dans la catégorie des nom. est plausible lorsqu'il sert à indiquer la mesure d'un excès ou une quantité excessive.
B. − [Empl. comme prédéterm. quantitatif] Trop de. Une quantité, une intensité excessive de.
1. [Le compl. est un subst. (ou en empl. nom.)] Trop d'argent, trop d'hommes, trop de peine. Mathilde avait trop de goût pour amener dans la conversation un bon mot fait d'avance (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 286).Avec la continuelle peur que sa petite bête d'apprentie ne fît éclater la fonte, en fourrant trop de coke (Zola, Assommoir, 1877, p. 497).Trop d'entre nous l'oublient (Larbaud, Journal, 1935, p. 368).
Ne ... que trop de. Il y avait à Port-Royal des consciences inquiètes, scrupuleuses, tourmentées et, qui n'avaient que trop de pente à s'appliquer à elles-mêmes, dans toute sa rigueur désespérante, la doctrine première d'Antoine Arnauld (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 428).
Trop de ... pour + inf.Elle a trop de fierté pour rester ici par tolérance, elle ne le souffrirait pas (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1156).
2. [Le compl. est un numéral désignant un nombre, une quantité en excès] Tout à l'heure, nous étions trop de deux; maintenant, nous ne sommes pas assez d'un (Dumas père, Reine Margot, 1847, i, 1ertabl., , 2, p. 3).Deux officiers hautement accusés, l'un de trahison, l'autre de faux, réduits, pour toute défense, à se taire: c'est trop de deux pour « l'honneur de l'armée » (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 26).
Rem. L'accord du verbe ou de l'adj. qui dépendent de trop de se fait gén. avec le compl.: Trop de réflexions m'agitoient (Fiévée, Dot Suzette, 1798, p. 48). Toutefois, pour mettre l'accent sur le coll. ou sur le terme quantitatif, on peut accorder aussi au masc. sing.: Trop de précipitation pourrait devenir dangereux (Martinon, Comm. on parle en fr., p. 325 ds Grev. 1969, § 376, p. 317).
C. − De trop, en trop. En excès, qui dépasse le nombre, la quantité exigée, souhaitable.
1. [Précédé d'un subst. (ou en empl. nom.) précisant la nature de l'excès] En rentrant le soirsouvent avec un verre de tropil s'arrêtait chez sa concierge (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 311):
3. Nulle finalité terrestre ne sépare les travailleurs de Dieu. Ils sont seuls dans cette situation. Toutes les autres conditions impliquent des fins particulières qui font écran entre l'homme et le bien pur. Pour eux, un tel écran n'existe pas. Ils n'ont pas quelque chose en trop dont ils doivent se dépouiller. S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 180.
En voilà de trop! (fam.). En voilà assez! Allons, en voilà de trop! dit-il enfin d'une voix brutale (Zola, Nana, 1880, p. 1294).
Proverbe. Rien de trop. ,,Tout excès est condamnable`` (Ac.).
2. [Précédé d'un numéral précisant la mesure de l'excès] J'ai pris trois kilos de trop. Elle me rend vingt francs de trop sur le billet de cinq cents (Bloy, Journal, 1892, p. 27).
3. [En fonction d'attribut]
a) [Le suj. désigne une chose] Inutile, superflu. La réflexion est de trop, et elle est d'un imbécile... (Gracq, Syrtes, 1951, p. 127).Après Donato, au delà des champs on voit luire le lac de Garde. D'abord, on pense (je pense) que ce lac est en trop. Il apporte de la vulgarité: guinguettes à fritures, bistrots, grand restaurant avec ombrelles (Giono, Voy. Ital., 1953, p. 79).
b) [Le suj. désigne une pers.] Indésirable, gênant, dont la présence est inopportune. Juliette se sentit de trop dans cet hôtel où on semblait ne pas aimer les clients (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 29).Je ne suis pas fait pour vivre, je ne sais pas ce que c'est que la vie et je n'ai pas besoin de le savoir. Je suis de trop, je n'ai pas ma place et je gêne tout le monde (Sartre, Mains sales, 1948, 6etabl., 2, p. 230).
III. − [Précédé d'un déterm., trop est empl. comme subst.]
A. − [Empl. seul, avec valeur de neutre] Ce qui dépasse le nombre, la quantité ordinaire. Synon. excès.La vieillesse aime le peu, et la jeunesse aime le trop (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 216).La passion? L'emportement? Le trop en quoi que ce fût? On ne savait ce que c'était dans cette vertueuse maison, et l'amour c'est du trop! (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 162).Ce jour-là, il y eut tant de colères et d'éclats dans la maison que l'on se tourna vers le temps et la première chaleur de l'année pour expliquer ce trop, les hommes tout seuls n'allant pas à un certain point (Valéry, Tel quel II, 1943, p. 193).
B. − [Suivi d'un compl. déterm.] Le trop de. J'ai dû vous pardonner un instant d'humeur que mon trop d'empressement a provoqué sans doute (La Martelière, Robert, 1793, iii, 4, p. 31).La mort l'a surpris trop prématurément, car probablement le sévère accusateur officiel, en sortant de sa colère contre le trop d'ampleur des jupes, eût passé à la seconde question, le trop de largeur des consciences (Hugo, Actes et par., 4, 1889 [1867], p. 342).
Prononc. et Orth.: [tʀo]. Liaison en [-p-], sauf en empl. nom. Vous êtes trop aimable (avec la liaison), mais Il y en a trop en France (sans la liaison) (Fouché Prononc. 1959, p. 465, 476). ,,Presque toujours proclitique, [le o de trop] a tendance à s'ouvrir`` (Mart. Comment prononce 1913, p. 100). Homon. trot. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adv. 1. a) ca 1100 « d'une manière excessive, abusive » (Roland, éd. J. Bédier, 1100: trop nus est loinz Carles; 1841: demurent trop; 3822: n'est gueres granz ne trop nen est petiz); b) ca 1165 trop modifié par un autre adv. précisant le degré de l'excès (Troie, éd. L. Constans, 21036: trop par i furent angoissos); ca 1350 par trop (Gilles li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 83); 1416 un peu trop (Alain Chartier, Le Livre des Quatre Dames, éd. J. C. Laidlaw, 337: un peu trop tart); 1539 beaucoup trop (Est., s.v. beaucoup); 1812 bien trop (Mozin-Biber); c) fin xiies. trop ... à ... empl. pour exclure une conséquence (Béroul, Tristan, éd. A. Ewert, 1269: Trop ert Tristran preuz et cortois A ocirre gent de tes lois), rare; 1456 trop ... pour ... (Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, éd. J. Misrahi et Ch. A. Knudson, p. 65: vous [...] estes trop grant pour estre paige); d) ca 1274 trop peu (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 838: je en ai trop po); 1601 le trop peu « le manque, l'insuffisance » (P. Charron, Sagesse, éd. 1797, p. 477: le trop, ou le trop peu); 2. a) ca 1100 « très suffisamment, très » (Roland, 317: tro avez tendre coer); 1668 (Racine, Plaideurs, II, 4, vers 415: vous êtes trop honnête); 1689 (Mmede Sévigné, Corresp., 25 juill., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 652: votre lettre [...] est trop aimable); b) 1385 ne ... pas trop (Eustache Deschamps, Miroir de mariage, éd. G. Raynaud, 1022: il n'est pas trop liez); 1385 sans trop (ibid., 9210: sanz trop lever ne trop fenir); 1673-76 (Retz, Mém., éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 4, p. 24: sans savoir trop pourquoi); 1456 ne ... que trop (Antoine de La Sale, op. cit., p. 293: nous n'avons que trop mangié). B. En empl. nom. 1. a) ca 1100 trop de « une quantité ou une intensité excessive de » (Roland, 2229: trop ad perdut del sanc), rare; 1387-89 (Gaston Phébus, L. de la chasse, éd. G. Tilander, chap. 45, 257: s'il y avoit trop de chienz); 1655 c'en est trop (Molière, Étourdi, I, 2, vers 86); 1868 en faire trop (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, p. 158: il en fait trop!); b) ca 1265 « une quantité excessive » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, p. 182: la vertu [...] corront et gaste par poi et par trop); c) 1450-65 c'est trop (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 242); 1669 spéc., en réponse à un compliment, en remerciement pour un cadeau (Molière, Tartufe, I, 5); d) α) 1669 de trop exprimant la mesure de l'excès (Boileau, Art poétique, éd. Ch. H. Boudhors, chant 1, 61: tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant); 1876 en trop (Lar. 19e: vous avez reçu dix francs en trop); β) 1670 être de trop « imposer une présence inutile ou inopportune » (Molière, Amants magnifiques, I, 1: vous n'estes point de trop); 1867 ne pas être de trop « être nécessaire » (Flaub., Corresp., t. 5, p. 273: Trois mois ne sont pas de trop pour tout ce que je veux faire); e) 1891 fam. de trop « trop » (Méténier, Lutte pour amour, p. 232: quand elle chahute de trop); 2. a) ca 1250 avec art. déf. « excès » (Robert de Blois, Chastiement des dames ds Bartsch-Horning 1887, col. 398, 30: tuit li trop font a blasmer); b) 1540 le trop de qqc. « l'excès de quelque chose » (Amadis, éd. H. Vaganay et Y. Giraud, p. 295: le trop d'affection qu'il avoit). D'un frq. *thorp, throp « amas, agglomération; village » (corresp. dans les lang. germ.: a. nord. þorp, all. Dorf, néerl. dorp, angl. thorp « village », dan. torp « hameau », a. nord. þorp « foule, troupe »; cf. Th. Braune ds Z. rom. Philol. t. 22, pp. 212-215; EWFS; FEW t. 17, p. 395), d'où le lat. médiév. troppus « troupeau » (700 (?) ds Bambeck 1959, p. 76: cum gregim ovium et troppo jumentorum; ca 720, Lex Alamannorum ds Nierm.: in troppo de jumentis; 806, en Suisse alémanique, ibid.). V. également troupe, troupeau. Fréq. abs. littér.: 52 373. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 65 451, b) 67 929; xxes.: a) 78 377, b) 83 355. Bbg. Falk (P.). De trop est bons à il est par trop bon. Studier i Modern Språkvetenskap. 1924, t. 9, pp. 199-226. − Jayez (J.). Trop: l'excès par défaut. Fr. mod. 1985, t. 53, pp. 22-48. − Morel (M.-A.). Rem. sur l'empl. de la nég. ds les struct. compar., conséc. et concess. Cah. Lexicol. 1980, t. 37, pp. 38-48. − Quem. DDL t. 38, 40. − Rouveret (A.). Les Conséc.: forme et interprétation. Ling. Investig. 1977, t. 1, pp. 197-234. − Togeby (K.). Gramm. fr. Copenhague, 1984, pp. 203-204, 255-256.

Wiktionnaire

Nom commun - français

trop \tʁo\ masculin invariable

  1. (Désuet) Excès.
    • Par son trop de caquet il a ce qu’il lui faut. — (Molière, L’École des femmes, 1662)
    • Il a été victime de son trop de confiance.

Adverbe - français

trop \tʁo\

  1. Plus qu’il ne faut ; avec excès.
    • Le kébab doit être servi brûlant. Quand la bouche peut le tolérer, il est déjà trop froid. — (Jane Dieulafoy, La Perse, la Chaldée et la Susiane: relation de voyage, Librairie Hachette, 1887, page 718)
    • A 11 heures, nous devons descendre au ras de la mer ; une masse nuageuse nous barre la route ; elle est beaucoup trop élevée pour être survolée. — (Jean Mermoz, Mes Vols, Flammarion, 1937, page 85)
    • […], j’étais venu à Tanger. Mais la ville des légations m’ayant encore parue trop européanisée, j’avais pris la résolution de venir me fixer à Casablanca. — (Frédéric Weisgerber, Au seuil du Maroc Moderne, Institut des Hautes Études Marocaines, Rabat : Les éditions de la porte, 1947, page 12)
    • Je pensai que j'avais été trop aimable ou familière avec Adam Johnson et je rédigeai un texte froid et distant: […]. — (Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements, Éditions Albin Michel S.A., 1999, page 11)
  2. (Avec de) Un nombre ou une quantité avec excès.
    • Il a trop de bon sens pour agir ainsi.
    • Si trop d’ardeur nous pousse à trop de liberté,
      Ne t’en réjouis point dans ta malignité :
      Nos passions du moins sont d’un ordre sublime !
      — (Leconte de Lisle, Hypatie et Cyrille, dans Poèmes antiques, 1852)
  3. (Par extension) Très, extrêmement.
    • Je suis trop heureux de vous voir.
    • Vous êtes trop aimable.
    • Toutes les autres me regardaient avec envie, en disant que j’avais trop de chance. — (Colette Vivier, La maison des petits bonheurs, 1939, éditions Casterman Poche, page 201)
    • – Je suis trop heureuse !
      – Jamais trop, Marie, jamais trop ! ai-je répondu en l’embrassant.
      — (Colette Vivier, La maison des petits bonheurs, 1939, éditions Casterman Poche, page 267)
  4. (Familier) Très, extrêmement.
    • J’adore les frites, c’est trop bon.
    • – Je suis content… Et toi, Polyte, t’as plus mal au pied ?
      – Ah ! non ! … C’est trop bath !
      — (Léon Frapié, Le sou, dans Les contes de la maternelle, 1910, éditions Self, 1945, page 181)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TROP. adv. de quantité
. Plus qu'il ne faut, avec excès. Trop vite. Trop avant. Trop loin. Trop tôt. Trop riche. Trop puissant. Trop fin. Trop bien. Cette viande est trop cuite. Il a trop travaillé. Il a bu trop de vin. Il en a trop, beaucoup trop, un peu trop. Il n'y a pas dans son discours un mot de trop. Il a trop de bon sens pour agir ainsi. Vous le traitez avec trop de rigueur. Cela n'est que trop vrai. C'en est trop, C'est aller trop loin, c'est dépasser la mesure. Je ne puis plus souffrir ses insolences, c'en est trop. Trop peu, Pas assez. Il n'en faut ni trop, ni trop peu. De trop, en trop, En excès. Vous m'avez donné cent francs de trop. Il faut retrancher ce qui est en trop. Fam., Vous n'êtes pas de trop se dit à une personne pour lui témoigner qu'elle peut rester, qu'on n'a rien à lui cacher de ce qu'on veut dire. On dit de même : Suis-je de trop? Fam., Par trop, Excessivement, d'une manière fatigante, importune, révoltante. Cet homme est aussi par trop ennuyeux, par trop complimenteur, par trop insolent. Ne... pas trop, Guère. Je ne voudrais pas trop m'y fier. Il ne se porte pas trop bien. Prov., Trop est trop, Rien de trop, Tout excès est condamnable. Prov. et fig., Qui trop embrasse mal étreint, Qui entreprend trop de choses à la fois ne réussit à rien.

TROP se dit encore, le plus souvent dans des phrases de politesse, pour Beaucoup, fort. Je suis trop heureux de vous voir. Vous êtes trop aimable.

TROP s'emploie aussi comme nom masculin et désigne l'Excès. Il a été victime de son trop de confiance.

Littré (1872-1877)

TROP (tro ; le p se lie : il va tro-p avant ; mais, pour peu qu'il y ait suspension, le p ne se fait pas sentir : le tro et le tro peu) s. m.

(Trop est essentiellement un substantif.)

  • 1Ce qui est en excès. Le trop de confiance attire le danger, Corneille, Cid, II, 7. Sa mère, que longtemps je voulus épargner… L'a de la sorte instruite ; et ce que je vois suivre Me punit bien du trop que je la laissai vivre, Corneille, Héracl. I, 1. Le trop d'expédients peut gâter une affaire… N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon, La Fontaine, Fabl. IX, 14. Il y en a beaucoup que le trop d'esprit gâte, Molière, Critique, 6.
  • 2Mon trop de…, son trop de, etc., l'excès de mon, de son, etc. Mais votre trop d'amour pour cet infâme époux Vous donnera bientôt à plaindre comme à nous, Corneille, Hor. III, 6. Il s'en est peu fallu que, durant mon absence, On ne m'ait attrapé par son trop d'innocence, Molière, Éc. des fem. III, 3. J'abuse, cher ami, de ton trop d'amitié, Racine, Andr. III, 1.
  • 3Sans article, trop de, un excès de. Je me suis accusé de trop de violence, Corneille, Cid, III, 4. Voilà les pauvres gens Malheureux par trop de fortune, La Fontaine, Fabl. VII, 6. Nos sens n'aperçoivent rien d'extrême : trop de bruit nous assourdit, trop de lumière éblouit…, Pascal, Pens. I, 1, éd. HAVET. Il nous sera toujours impossible de satisfaire pleinement les divers ordres de lecteurs ; le littérateur trouvera dans l'Encyclopédie trop d'érudition, le courtisan trop de morale, le théologien trop de mathématique, le mathématicien trop de théologie, l'un et l'autre trop de jurisprudence et de médecine, D'Alembert, Œuv. i. I, p. 372. Trop de sang, trop de pleurs ont inondé la France, Chénier M. J. la Promenade.

    C'est trop que ou de, il y a excès à. Ah ! ma bonne, que je voudrais bien vous voir un peu, vous entendre… vous voir passer, si c'est trop que le reste ! Sévigné, 18 févr. 1671. Si certains esprits vifs et décisifs étaient crus, ce serait encore trop que les termes pour exprimer les sentiments, La Bruyère, I. C'est trop contre un mari d'être coquette et dévote : une femme devrait opter, La Bruyère, III.

    C'en est trop, c'est aller trop loin. C'en est trop, madame, répliqua don Fadrigue ; je ne mérite pas que vous me regrettiez si longtemps, Lesage, Diable boit. 15.

  • 4Trop, régime direct d'un verbe. Non, je n'aurai pas trop de toute ma puissance Pour punir à mon gré mon odieux rival, Fontenelle, Thét. et Pol. IV, 4. Et qui peut nous combler de honte et de dépit, Moi d'en avoir trop su, vous d'en avoir trop dit, Voltaire, Indiscr. I, 3. Boileau restera un de nos bons auteurs classiques pour les vers ; on lui a peut-être trop accordé de son vivant ; peut-être lui refuse-t-on trop aujourd'hui, Duclos, Œuv. t. x, p. 85.
  • 5Trop précédé d'une préposition.

    De trop, qui est en excès. Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant, Boileau, Art p. I. Ignorez-vous qu'une multitude de vos frères périt ou souffre du besoin de ce que vous avez de trop ? Rousseau, Inég. 2e part. Mademoiselle, votre approbation est de trop, Diderot, Père de famille, III, 4.

    Vous n'êtes pas de trop, se dit pour engager à rester une personne qui craint que sa présence ne gêne. Vous savez que votre présence ne gâte jamais rien, et que vous n'êtes point de trop, en quelque lieu que vous soyez, Molière, Am. magn. I, 1. Un homme habile sent s'il convient, ou s'il ennuie : il sait disparaître, le moment qui précède celui où il serait de trop quelque part, La Bruyère, v. Oh ! ça, monsieur, voulez-vous que je vous parle franchement ? vous êtes de trop dans la maison, Dancourt, 2e chap. Diable boit. sc. 1. Tu la gênes ; tu es ici de trop, Boissy, Franç. à Lond. sc. 2.

    Par trop, à l'excès. Son style est par trop familier. Tu m'obliges par trop avec cette nouvelle : Va, je reconnaîtrai ce service fidèle, Molière, l'Ét. III, 8.

  • 6Trop d'un, de deux, de la moitié, un, deux, moitié de trop. Trop d'un Héraclius en mes mains est remis ; Je tiens mon ennemi, mais je n'ai plus de fils, Corneille, Hér. IV, 4. C'est trop, me disait-il, c'est trop de la moitié, Je ne mérite pas de vous faire pitié, Molière, Tart. I, 6. Nous sommes trois chez vous, c'est trop de deux, madame, Hugo, Hernani, I, 3.
  • 7Adv. de quantité. Plus qu'il ne faut, avec excès. C'est trop m'importuner en faveur d'un sujet, Corneille, Nicom. III, 2. Ce secret, qui fut gardé entre dix-sept personnes, est un de ceux qui m'ont persuadé que parler trop n'est pas le défaut le plus commun des gens qui sont accoutumés aux grandes affaires, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 137, dans POUGENS. Gens trop heureux font toujours quelque faute, La Fontaine, Berceau. Il ne fallait pas faire faire cela par un écolier ; et vous n'étiez pas trop bon vous-même pour cette besogne-là, Molière, Bourg. gentil. I, 2. Le trop riant espoir que vous leur présentez, Molière, Mis, II, 1. Je reçois votre lettre du 16 ; elle est trop aimable, et trop jolie, et trop plaisante, Sévigné, 25 juill. 1689. Ils [les rois] ont trop fait sentir aux peuples que l'ancienne religion se pouvait changer, Bossuet, Reine d'Angleterre. Trop faible pour expliquer avec force ce qu'il sentait, il empruntait la voix de son confesseur, Bossuet, Louis de Bourbon. Vous le savez trop bien : jamais, sans ses avis, Claude qu'il gouvernait n'eût adopté mon fils, Racine, Brit. III, 3. Il [le péché] nous paraît moins hideux, parce qu'on n'est jamais trop effrayé de ce qui nous ressemble, Massillon, Car. Pass. Je ne vous envoie jamais aucun des petits livrets peu orthodoxes qu'on imprime en Hollande et en Suisse…je n'ai été que trop calomnié, Massillon, Lett. Richelieu, 8 nov. 1769.

    Terme de manége. Trop assis, se dit du cheval dont les extrémités postérieures se rapprochent trop de la ligne du centre de gravité, ou qui la devancent.

    Trop ouvert, se dit lorsque les membres sont trop portés en dehors.

    Trop serré, se dit lorsque les membres sont trop portés en dedans.

    Pas trop, pas plus qu'il ne faut. Elle n'a pas trop dansé.

    Médiocrement. Je ne m'y fierais pas trop. M. de Vivonne est fort mal de sa blessure, M. de Marsillac pas trop bien de la sienne, et M. le Prince est quasi guéri, Sévigné, 153. Muréna, de retour à Rome, reçut l'honneur du triomphe, qu'il n'avait pas trop mérité, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. x, p. 179, dans POUGENS.

  • 8Trop peu, pas assez. Vous en avez plus qu'il ne vous en faut, et il en a trop peu. Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire, Corneille, Cid, II, 2. Joignez tous vos efforts contre un espoir si doux : Pour en venir à bout c'est trop peu que de vous ! Corneille, Cid, v, 1. Les dieux t'ont laissé vivre assez pour ta mémoire, Trop peu pour l'univers, Rousseau J.-B. Odes, II, 10.
  • 9Trop mieux, s'est dit pour beaucoup mieux. Pardonnez-moi toutes ces redites, vous qui savez et qui possédez trop mieux tous les points que je range ici, Saint-Simon, 300, 140. Trop mieux aimant suivre quelques dragons, Gresset, Ver-vert.

    Bossuet a employé trop dans le sens archaïque de beaucoup. Au premier avis que le hasard lui porta d'un siége important, il [Condé] traverse trop promptement tout un grand pays, et, d'une première vue, il découvre un passage assuré pour le secours…, Bossuet, Louis de Bourbon.

  • 10Assez et trop longtemps, pendant un temps trop long. Assez et trop longtemps ma lâche complaisance De vos jeux criminels a nourri l'insolence, Boileau, Sat. IX.

PROVERBES

Trop est trop, rien de trop, tout excès est blâmable. Rien de trop est un point Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point, La Fontaine, Fabl. IX, 11.

Trop et trop peu n'est pas mesure.

À chacun le sien n'est pas trop.

Il y a deux sortes de trop, c'est-à-dire le trop et le trop peu.

Qui trop embrasse mal étreint, qui entreprend trop de choses à la fois ne réussit à rien.

REMARQUE

Trop de avec un nom au pluriel veut au pluriel le verbe dont il est sujet : Trop de larmes ont été répandues.

HISTORIQUE

XIe s. Carles respunt : trop avez tendre cuer, Ch. de Rol. XXIII. Co dist li reis : trop avez maltalant, ib. XXIV.

XIIe s. Mais trop vient lent, dame, vostre secours, Couci, VII. Car nus [nul] dons n'est courtois qu'on trop delaie, ib. XVI. Certes, seigneur, dit-il, trop tost le saura-on, Sax. XX.

XIIIe s. À tels croisés sera Diex trop soufrans, Se ne s'en venge à po de demourance, Quesnes, Romancero, p. 97. Vertus corront et gaste par po [peu] et par trop, et si se conserve et maintient par la meenneté, Latini, Trésor, p. 267. Vous en avez assez, et je en ai trop peu, Berte, XXXII. Grant paour [elle] ot du vent, qui menoit trop grant bruit, ib. XXXVI. Se li souget le conte li fesoient avoir trop grant salaire, quant li enfant seroient aagié, il aroient action de demander le trop à lor tuteur, Beaumanoir, XVII, 8. Ha, pour Dieu, sire, lisies souvent ce livre ; car ce sont trop [très ] bones paroles, Joinville, 260. En [on] se doit assemer [parer] en robes et en armes en tel maniere, que les preudes hommes de cest siecle ne dient que on en face trop, ne les joenes gens de cest siecle ne dient que on en face pou, Joinville, 196.

XIVe s. Tel cas ne peut advenir fors trop [très ] peu souvent, Oresme, Eth. 164.

XVe s. Un trop [très ] beau chemin et plain à chevaucher, Froissart, II, III, 10. Il nous vaut trop mieux à mentir notre serment envers le duc d'Anjou que devers le roi d'Angleterre notre naturel seigneur, Froissart, II, II, 8. Elle leur fit rendre l'estimation de leurs chevaux qu'ils voulurent laisser, si haut que chacun vouloit estimer les siens, sans dire ni trop ni peu et sans debat, Froissart, I, I, 25. Laquelle jeune fille, pour ce que ledit Lechien mettoit trop [tardait trop] à l'espouser…, J. de Troyes, Chron. 1465. Le vin n'est point de ces maulvais breuvaiges Qui, beus par trop, font faillir les couraiges, Basselin, LIV. Sans nulle doubte le roy [Louis XI] en sens le passoit de trop [le duc de Bourgogne], et la fin l'a monstré par ses œuvres, Commines, III, 3.

XVIe s. Ilz sont en nombre trop plus dix foys que nous : chocquerons nous sus eulx ? Rabelais, Garg. I, 43. J'ai reçu les lettres que m'avez escriptes, par lesquelles j'ay congneu que vous estes trop meilleur parent que le roy de Navarre n'est bon mary, Marguerite de Navarre, Lett. 76. Il esclaireroit par trop la bestise des aultres [passages du livre], Montaigne, I, 156. Qu'il soit bien pourveu de choses, les paroles ne suyvront que trop, Montaigne, I, 187. La regle de Rien trop, commandée par Chilon, Montaigne, I, 202. La prudence enseigne le point du milieu, auquel consiste toute louable action entre deux vicieuses extremitez du peu et du trop, Amyot, Préf. XI, 38. Assez et trop malgré nos a vescu Ce sang maudit par tant de fois vaincu, Ronsard, 608. Partout, voire à estre bon et sage, il y peut avoir du trop, Charron, Sagesse, II, 11. Assez n'y a, si trop n'y a, Cotgrave Nul n'a trop pour soy De sens, d'argent, de foy, Cotgrave

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Étymologie de « trop »

Du vieux-francique *thorp (« village ») (cf. Dorf en allemand et dorp en néerlandais), par métathèse. Puis le substantif devient en latin médiéval troppus ("troupeau") (qui donnera en français les substantifs "troupe" et "troupeau") avec le sens d’« ensemble des habitants du village » puis « groupe » → voir troupe et troupeau. On assiste actuellement à une nouvelle évolution puisque l'adverbe trop est aussi utilisé comme adjectif, en général dans un sens positif : elle est trop pour dire « elle m’impressionne ».
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Patois des Fourgs, trou ; bourguig. trô ; génev. trop à bonne heure (dites de trop bonne heure) ; provenç. trop, troupeau, et trop, trop ; ital. troppo. C'est le mot trop, troupeau (voy. TROUPE) employé adverbialement pour signifier excès de quantité.

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Phonétique du mot « trop »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
trop tro

Fréquence d'apparition du mot « trop » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « trop »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « trop »

  • Des trois ou quatre lettres que je fis, il m’est resté ce commencement dont je ne fus pas content ; mais s’il me parut ne rien exprimer, ou trop parler de moi quand je ne devais m’occuper que d’elle, il vous dira dans quel état était mon âme.
    Honoré de Balzac — Le lys dans la vallée
  • Comment obtenir la béatitude ? En disant Dada. Comment devenir célèbre ? En disant Dada. D’un geste noble et avec des manières raffinées. Jusqu’à la folie. Jusqu’à l’évanouissement. Comment en finir avec tout ce qui est journalisticaille, anguille, tout ce qui est gentil et propret, borné, vermoulu de morale, européanisé, énervé ? En disant Dada. Dada c’est l’âme du monde, Dada c’est le grand truc. Dada c’est le meilleur savon au lait de lys du monde. Dada Monsieur Rubiner, Dada Monsieur Korrodi, Dada Monsieur Anastasius Lilienstein. Cela veut dire en allemand : l’hospitalité de la Suisse est infiniment appréciable. Et en esthétique, ce qui compte, c’est la qualité. Je lis des vers qui n’ont d’autre but que de renoncer au langage conventionnel, de s’en défaire. Dada Johann Fuchsgang Goethe. Dada Stendhal, Dada Dalaï-lama, Bouddha, Bible et Nietzsche. Dada m’Dada. Dada mhm Dada da. Ce qui importe, c’est la liaison et que, tout d’abord, elle soit quelque peu interrompue.Je ne veux pas de mots inventés par quelqu’un d’autre. Tous les mots ont été inventés par les autres. Je revendique mes propres bêtises, mon propre rythme et des voyelles et des consonnes qui vont avec, qui y correspondent, qui soient les miens. Si une vibration mesure sept aunes, je veux, bien entendu, des mots qui mesurent sept aunes. Les mots de Monsieur Dupont ne mesurent que deux centimètres et demi. On voit alors parfaitement bien comment se produit le langage articulé. Je laisse galipetter les voyelles, je laisse tout simplement tomber les sons, à peu près comme miaule un chat… Des mots surgissent, des épaules de mots, des jambes, des bras, des mains de mots. AU. OI. U. Il ne faut pas laisser venir trop de mots. Un vers c’est l’occasion de se défaire de toute la saleté. Je voulais laisser tomber le langage lui-même, ce sacré langage, tout souillé, comme les pièces de monnaie usées par des marchands. Je veux le mot là où il s’arrête et là où il commence. Dada, c’est le coeur des mots. Toute chose a son mot, mais le mot est devenu une chose en soi. Pourquoi ne le trouverais-je pas, moi ? Pourquoi l’arbre ne pourrait-il pas s’appeler Plouplouche et Plouploubache quand il a plu ? Le mot, le mot, le mot à l’extérieur de votre sphère, de votre air méphitique, de cette ridicule impuissance, de votre sidérante satisfaction de vous-mêmes. Loin de tout ce radotage répétitif, de votre évidente stupidité.Le mot, messieurs, le mot est une affaire publique de tout premier ordre.
    Hugo Ball —  Manifeste littéraire
  • Nous estimons trop peu ce que nous obtenons trop aisément.
    Thomas Paine — L’âge de raison
  • Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit.
    Jean Anouilh —  Antigone
  • Qui trop embrasse mal étreint.
    Albertano de Brescia
  • Néanmoins, comme à son habitude, tel un phénix, la star est une fois de plus renée de ses cendres. Dans ce clip vidéo tourné en pleine nature vauclusienne, tout près de L’Isle-surla-Sorgue où il vit, on peut donc voir l’artiste accompagné de ses copains musiciens, chacun masqué par un bandana rouge, réagir à la pandémie que nous venons de traverser. C’est « pour tous les potes qui ont souffert de ce putain de virus, pour les soignants ! » qu’il a écrit ce texte, a-t-il dit. Mais ne serait-ce pas la chanson de trop ?
    Renaud : La chanson de trop ! - France Dimanche
  • Enfin ! Étourdissons-nous avec le bruit de la plume et buvons de l’encre. Ça grise mieux que le vin. Quant à suivre les conseils du père Sainte-Beuve, « ménager la chèvre et le chou, mettre de l’eau dans son vin, s’arranger en un mot pour réussir près du public », c’est trop difficile et trop chanceux.
    Gustave Flaubert — Correspondance
  • […] Rien de trop est un point Dont on parle sans cesse et qu'on n'observe point.
    Jean de La Fontaine — Fables, Rien de trop
  • Les destins trop brillants amènent trop d’orages.
    Antoine de Rivarol — Rivaroliana
  • Celles et ceux qui ont franchi le pas vous le diront : ils ont tous vécu ce fameux « jour de trop ». La goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Appelez-le comme vous voulez, il aura toujours le même rôle : celui de déclencheur, de détonateur pour une nouvelle vie. En général, ça donne quelque chose du genre : « J'en peux plus de ces conneries ! Je vais aller élever des chèvres dans le Larzac. » Sauf que l'on est globalement infoutu de situer le Larzac sur une carte de France et qu'on ne connaît absolument rien au business caprin.
    Les Echos Start — Le « jour de trop » qui nous a poussés à nous reconvertir | Les Echos Start
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Traductions du mot « trop »

Langue Traduction
Anglais too much
Espagnol demasiado
Italien troppo
Allemand zu viel
Chinois 太多了
Arabe كثير جدا
Portugais demais
Russe перебор
Japonais 過度に
Basque gehiegi
Corse troppu
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Synonymes de « trop »

Source : synonymes de trop sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot trop au Scrabble ?

Nombre de points du mot trop au scrabble : 6 points

Trop

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