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Tradition

Variantes Singulier Pluriel
Féminin tradition traditions

Définitions de « tradition »

Trésor de la Langue Française informatisé

TRADITION, subst. fém.

A. − DR. Procédé consistant à transmettre à une personne la possession d'un objet par la remise de la main à la main, valable pour tous les objets mobiliers et notamment les titres au porteur et les effets de commerce (d'apr. Barr. 1974). La vente se consomme par la tradition de la chose vendue (Ac.).L'action peut être établie sous la forme d'un titre au porteur. Dans ce cas, la cession s'opère par la tradition du titre (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 267).
B. −
1. Action, façon de transmettre un savoir, abstrait ou concret, de génération en génération par la parole, par l'écrit ou par l'exemple. On a supposé (...) que toute lumière était au commencement, que de traditions en traditions, de transmissions en transmissions, cette lumière allait s'éteignant et que, sans nous en douter, nous marchions à la barbarie par le chemin de la civilisation (Jouffroy, Nouv. Mél. philos., 1842, p. 316).La tradition, ce n'est pas un passé irréductible à la raison et à la réflexion, qui nous contraint de tout son poids, c'est un processus par lequel se constitue une expérience vivante et adaptable (Boudon-Bourr.Sociol.1982).V. occultisme B ex. de Barrès.
Tradition orale; tradition écrite. La tradition orale doit constituer encore le principal mode de transmission universelle (Comte, Philos. posit., t. 5, 1894 [1841], p. 183).Notre connaissance provient-elle d'observation directe, de tradition écrite, ou de tradition orale? (Langlois, Seignobos, Introd. ét. hist., 1898, p. 243).
2. Ce qui est ainsi transmis. La tradition est (...) l'héritage par lequel le passé se survit dans le présent (Encyclop. univ.t. 161973, p. 230).La tradition est l'ensemble de la culture et de la civilisation en tant que conservé et transmis par les moyens et les modes de socialisation dont dispose le groupe (Thinès-Lemp.1975).V. examiner B 1 a ex. de Barrès.
SYNT. Tradition antique, immémoriale, millénaire, primitive, reculée, séculaire; tradition archaïque, authentique, désuète, obscure, universelle, vivante; ancienne, grande, haute, respectable, vénérable, vieille tradition; belle, bonne, brillante, forte, glorieuse, longue, noble, saine, solide, véritable, vraie tradition; attachement, fidélité, retour à la tradition; autorité, force, respect de la tradition; abandonner, conserver, continuer, garder, maintenir, perdre, perpétuer, rejeter, revendiquer, suivre, trahir, transmettre une tradition; renouer, rompre avec une tradition.
a) Information, opinion, croyance largement répandue, mais non confirmée, qui concerne des événements ou des faits situés entre la légende et l'histoire. La vieille histoire littérairecelle qui nous renseigne sur les faits de la vie des écrivains (...)celle qui recueille traditions et documents (Febvre, De Lanson à D. Mornet, [1941] ds Combats, 1953, p. 268).On ne saurait évoquer les légendes et traditions populaires de la vieille France sans donner, d'abord, aux fées la place qui leur revient de droit dans le folklore de nos campagnes (Devigne, Légend. de Fr., 1942, p. 11).V. légende B 2 ex. de Sand.
[La tradition est personnalisée] La tradition affirme, dit, prescrit, propose, raconte, veut (que); la tradition a conservé la mémoire de; la tradition est muette au sujet de. Un petit château que la tradition fit longtemps passer pour la demeure de Pétrarque (Dusaulx, Voy. Barège, t. 2, 1796, p. 101).Au bout de ce vestibule, nous nous trouvâmes sous la large coupole de l'église. Le centre de cette coupole, que les traditions locales donnent pour le centre de la terre, est occupé par un petit monument (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 442).
Loc. adv. Selon la tradition. Cette forêt qui, selon la tradition populaire, voit paraître le grand veneur de la mort quand un roi va descendre à Saint-Denis (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 483).[La vieille auberge d'Altore occupe] la place (...) où Guillaume Tell, selon la tradition, abattit la pomme sur la tête de son fils (Michelet, Chemins Europe, 1874, p. 414).
b) Doctrine, principe religieux ou philosophique.
α) [Avec adj. ou compl. déterminatif concernant]
[l'orig. de la tradition]
[pays ou peuple] Tradition chaldéenne, égyptienne, grecque, iranienne; tradition hébraïque, sémitique. Le domicile était inviolable. Suivant une tradition romaine, le dieu domestique repoussait le voleur et écartait l'ennemi (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 73).La tradition chinoise assigne à la mort du Buddha des dates toutes différentes de celles qui ont cours dans la tradition pâlie (Philos., Relig., 1957, p. 54-2).
[culte] Tradition catholique, islamique, juive, musulmane, protestante, puritaine; tradition judéo-chrétienne; tradition essénienne, pharisienne, sadducéenne; tradition païenne. P. méton. Toute la tradition chrétienne est d'accord sur un point: c'est que l'Évangile de S. Matthieu fut d'abord écrit en hébreu (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 791).
[philosophie] Tradition aristotélicienne, péripatéticienne, scolastique. La grande tradition humaniste, celle de Montaigne (Mauriac, Journal 1, 1934, p. 69).Descartes appartient à la grande tradition platonicienne et augustinienne (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 86).V. judaïque ex. de Dumazedier, Ripert et magique ex. 1.
[la source de la tradition] Tradition talmudique. Il y a (...) dans la tradition biblique (...) l'idée d'une communion effective de tous les hommes (Philos., Relig., 1957, p. 40-4).
[un vecteur de la tradition] Tradition de l'Église; tradition apostolique, rabbinique. Si grand que soit un saint Bernard et si indispensable que soit Pascal lui-même, ils ne sauraient remplacer à eux seuls la longue tradition des Pères de l'Église et des philosophes du moyen âge (Gilson, Espr. philos. médiév., t. 1, 1931, p. 112).
[un aspect de la tradition] Tradition exégétique, liturgique, théologique. Dieu, qui a été le fondateur de la société, en est le conservateur. Il la maintient par la force de son nom, qui s'y est perpétué sous la garde des traditions dogmatiques et des observances religieuses (Lacord., Conf. N.-D., 1848, p. 204).V. halakhique rem. s.v. rabbinisme ex. de Demann.
[un point de doctrine] Il y a un sens très profond, caché dans ce passage de la genèse: et spiritus Dei ferebatur super aquas. Toutes les nations les plus anciennes ont conservé la tradition d'un déluge (Maine de Biran, Journal, 1816, p. 158).
β) En partic. [P. oppos. à Écriture, Évangile, Tora, souvent avec majuscule et absol.] Source orale ou secondairement écrite d'une religion révélée, en dehors des Livres canoniques. En ce qui concerne la foi, Écriture sainte et Tradition se recouvrent (...). Mais (...) l'Écriture sainte ne trouve pas en elle-même sa propre interprétation: elle a, au contraire, besoin de la Tradition pour être expliquée (Friest. 41967).V. rabbinique ex., sad(d)ucéen A ex. de Weil:
En plus de la Torah il existe encore une Loi orale: le Talmud, qui n'est d'ailleurs qu'un complément de la Torah (...). Il est considéré comme la Tradition [it. ds texte] par excellence. Tradition révélée à Moïse par le Souverain Législateur et transmise fidèlement jusqu'à nous en une chaîne ininterrompue. W. Freyhan, Retour à la Tradition, trad. de l'all. par A. Dreyfus, 1960, p. 47.
c)
α) Façon de faire, de penser, héritée du passé, dans un groupe social ou professionnel. Quelle a été ma grosse dépense personnelle? Je puis répondre: service du roi, ou de la patrie, c'est la même chose (...). Prodigue dans l'emploi; c'est une tradition chez les Meximieu (R. Bazin, Blé, 1907, p. 150).V. classe ex. 5, novateur I ex. de Hourticq, particulariste ex.
[La tradition est personnalisée] Je me sentais, à la place que la tradition m'avait assignée dans le chœur, envahi des mêmes sentiments qui avaient exalté nos pères chaque fois que la gloire couronnait la patrie (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 252).
Expr. Les traditions se perdent; c'est la tradition; tradition oblige. Et, si jamais l'occasion se présente de décrocher ma pauvre arquebuse qui est au repos depuis six ans (...) monseigneur; les bonnes traditions se perdent (Dumas père, Henri III, i, 7, 1829, p. 138).Depuis ce temps-là (...) tous les Avesnes ont appelé leur fille Corysande (...) c'est la tradition! (Gyp, Mariage Chiffon, 1894, p. 250).Chez les Knie, le cirque esttradition obligeune affaire de famille (Le Point, 5 déc. 1977, p. 190, col. 1).
β) [Avec adj. ou compl. déterminatif faisant réf. à]
[une époque] Tradition médiévale; tradition de la Régence. L'industrie du cuir (...) s'appuie à la fois sur les traditions du passé et sur les progrès du présent (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p. 10).
[un lieu] Les manières, le parler, en un mot la tradition faubourg Saint-Germain est à Paris, depuis environ quarante ans, ce que la Cour y était jadis (Balzac, Langeais, 1834, p. 215).La France libre (...) attirait surtout les plus inquiets et les plus malheureux, tels les Polonais et les Tchèques. À leurs yeux, nous qui restions fidèles à la tradition de la France, représentions, par là même, une espérance et un pôle d'attraction (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 82).
[un groupe social] Tradition bourgeoise, paysanne; tradition militaire. Ce n'est évidemment pas la seule personnalité des parents qui agit sur l'enfant, mais transmise par eux, l'influence des traditions familiales, raciales et nationales (Freud, Abr. psychanal., trad. par A. Bermann, 1949, p. 5).Les caractérologues feront difficilement croire qu'un enfant amorphe a autant d'avenir qu'un autre et peut gagner une personnalité aussi riche. La tradition populaire ne s'y trompe point, qui aime qu'un enfant soit « vivant » (Jeux et sports, 1967, p. 102).
[une réalité pol.] Tradition démocratique, féodale, napoléonienne, républicaine, révolutionnaire. Sa mère était née Lepreux-Cadaillac, et touchait de près aux meilleures familles de tradition radicale (Bernanos, Joie, 1929, p. 585).Dans la tradition parlementaire, c'est au chef de l'État qu'il appartient de désigner le premier ministre (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 434).
[un domaine théor. ou prat.] Tradition artistique, esthétique, historique, juridique, poétique, romanesque, théâtrale; tradition astrologique, médicale; tradition mystique, philosophique, religieuse; tradition administrative, commerciale, industrielle. Retenus par la longue tradition littéraire et scientifique dont nous portons la chaîne, nous ne trouvons plus en nous la force et l'audace créatrice qui (...) [au moyen âge] animaient les hommes (Taine, Voy. Ital., t. 2, 1866, p. 57).Né corse et méditerranéen, (...) [Bonaparte] portait dans le sang la tradition politique qui domine toute l'histoire de la Méditerranée: l'instinct de la tyrannie (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 247).V. pharmacopée B 2 ex. de Menon, Lecotté et renfort A 1 c β ex. de Hist. gén. sc.
[un corps de métier, une activité partic.] Le poète, fidèle (...) aux traditions des troubadours (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 47).Les saines traditions de la grande vénerie, cette royale passion des gentilshommes (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 421).
[une qualité, une forme de l'art] Tradition académique, classique, folklorique; tradition des maîtres, des Primitifs; tradition d'écriture, du portrait, de la sculpture; tradition vocale. Il y a toujours à faire (...) pour perpétuer la tradition du beau! (A. Michel, Peint. fr. XIXes., 1928, p. 80).Au début du siècle, l'artisan français (...) reste dans la tradition réaliste du Moyen Âge (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 48).
γ) [Avec compl. de nom désignant le contenu de la tradition] Tradition d'accueil, d'hospitalité, de civisme, de courage, d'égalité, de fidélité, de gloire, d'honneur, de liberté, de tolérance, de sacrifice; tradition d'aveuglement, d'erreur. Son père (...) avait gardé, comme le mien, l'inflexible tradition de l'autorité paternelle absolue (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 227).Il fallait avoir derrière soi une sacrée tradition d'humanisme pour s'intéresser à des problèmes de culture face à Staline et à Hitler (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 34).
δ) Loc. adj. ou adv.
De tradition
Synon. de traditionnel.Rive gauche, nulle dérogation au cérémonial de tradition (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 764).Parmi les paysans (...) il est de tradition que le soin de découper les pièces appartient au maître (A. France, Bergeret, 1901, p. 3).
Synon. de traditionnaliste.Restés sans changement dans les communautés de tradition intégrale (...), la prière et le chant synagogal se sont occidentalisés dans les grandes communautés moins strictement conservatrices (Weill, Judaïsme, 1931, p. 157).Le projet dit de « l'école unique » (...) provoqua les critiques passionnées des milieux de tradition ou d'opposition, qu'ils fussent modérés ou réactionnaires, conservateurs ou extrémistes (Encyclop. éduc., 1960, p. 24).
Synon. de traditionnellement.Ce banquet qui de tradition réunissait les deux familles (à l'exclusion de toute personne étrangère) se tenait dans une grange des Dérivat (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 21).
Par tradition. J'étais alors en quatrième chez les petits. Nous avions pour régents deux hommes auxquels nous donnions par tradition le nom de pères, quoiqu'ils fussent séculiers (Balzac, L. Lambert, 1832, p. 33).Le sergent hurle, par habitude, par tradition (Green, Journal, 1942, p. 281).
Selon la tradition. La fête (...), selon la tradition, se terminait par un plantureux banquet offert par le patron à son personnel (Fillon, Serrurier, 1942, p. 37).
d) THÉÂTRE. Mot, phrase, jeu de scène introduit par un acteur et enseigné aux futurs interprètes avec le texte de l'auteur. Le répertoire classique fourmille de « traditions » que la C[oméd]ie F[rançai]se respecte; elles sont notées dans la mise en scène (Génin, Lang. planches, 1911, p. 71).
Prononc. et Orth.: [tʀadisjɔ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1268 dr. « remise, livraison » (Mémoire adressé au roi par le comte de Bar, J 582, Bar no16 ds Layettes du Trésor des Chartes, éd. A. Teulet et E. Berger, t. 4, p. 258a: en la tradition dou don); 1290 (Charte de La Rochelle ds Chartes et doc. poit. du XIIIes., éd. M. S. La Du, no389,6: par la tradicion de ceste presente chartre). B. 1. a) 1488 « doctrine ou pratique, religieuse ou morale, transmise de siècle en siècle » (Nicole Le Huen, Saintes peregrinations de Jherusalem, sign. C v ro, éd. 1488 ds Gdf. Compl.: traditions, fables et vanitez [de Mahomet]); 1541 (Calvin, Instit. de la relig. chrestienne, IV, X, 10, éd. J. D. Benoît, t. 4, p. 194: ces vaines traditions; IV, X, 18, p. 203: tyrannie des traditions humaines); 1636 (Monet: Traditions de l'Église); 1643 (A. Arnauld, De la Fréquente communion, p. 393: Tradition Ecclesiastique; p. 118: Tradition des Apostres; p. 491: Tradition Apostolique; p. 3: Tradition Divine); b) 1636 (Monet: Tradition, verbale, ou ecrite); 1704 (Trév.: tradition écrite, tradition non écrite); 1735 (Lenglet du Fresnoy, L'Hist. justifiée contre les romans, p. 100: tradition orale); 2. 1624 « manière, ou ensemble de manières, de penser, de faire ou d'agir, qui est un héritage du passé » (J. L. Guez de Balzac, Lettres, éd. H. Bibas et K. T. Butler, t. 1, p. 157: une tradition que les Gascons laissent en mourant à leurs enfans); 3. av. 1654 « information, plus ou moins légendaire, relative au passé » (Id., Dissertations pol., p. 439); 4. 1785 théâtre « mot, phrase ou jeu de scène dus à l'imagination d'un acteur » (Beaumarchais, Mariage de Figaro, Placement des acteurs ds Œuvres, coll. Génie de la France, t. 2, p. 33: relâchement dans la tradition donnée par les premiers Acteurs); 1835 (Ac.: ce jeu de théâtre est une tradition). Empr. au lat.traditio « action de remettre, de transmettre, remise, livraison; transmission, enseignement; relation, rapport, mention », lat. chrét. « tradition, enseignement oral; tradition (des apôtres, des Pères, de l'Église, p. oppos. à l'Écriture) »; dér. de tradere (supin traditum) « transmettre, remettre; transmettre oralement ou par écrit ». Fréq. abs. littér.: 2 805. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 722, b)2 707; xxes.: a) 4 134, b) 4 815.
DÉR.
Traditionnaire, adj. et subst.(Celui) qui, dans la religion juive, interprète la Bible selon la tradition talmudique. (Dict. xixeet xxes.). P. ext. (Celui) qui s'appuie sur une tradition, qui lui est fidèle. Nous ne demandons pas nous, socialistes traditionnaires, l'abolition, dans le sens communiste, de la propriété (Proudhon, Révol. soc., 1852, p. 218). [tʀadisjɔnε:ʀ]. Att. ds Ac. 1762-1878. 1resattest. a) α) 1696 juifs traditionaires « juifs qui font appel à la tradition talmudique pour interpréter la Bible (p. oppos. à juifs caraïtes) » (P.-Y. Pezron, Dissertation à la fin de l'Hist. évangélique, p. 45: les Juifs Traditionaires attachez au Talmud [...] les Juifs Caraïtes), 1701 subst. (Mém. de Trév., sept., p. 66 ds Fonds Barbier: rabbins Thalmudistes qu'on appelle autrement les Traditionnaires), β) 1697 relig. musulmane « sunnite (p. oppos. à chiite) » (B. d'Herbelot, Bibl. orientale, p. 629, ibid.: ces Sunnites ou Traditionnaires), b) 1852 adj. « fidèle à la tradition » (Proudhon, loc. cit.); de tradition, suff. -aire1 et 2*.
BBG.Goudet (J.). Vocab. relig. et théol. Foi Lang. 1977, no4, pp. 262-277.

Wiktionnaire

Nom commun - français

tradition \tʁa.di.sjɔ̃\ féminin

  1. (Droit) Déplacement de la possession d’une chose par la vente.
    • La délivrance ou la tradition est le transport de la chose vendue en la puissance ou possession de l’acheteur. — (A. J. Massé, Le parfait notaire ou la science des notaires, chez L. Tenré, 1821, page 126)
  2. Mode de transmission naturel de tout ou partie de la culture d’un peuple, de génération en génération, au sein de la vie ordinaire (par opposition à l’enseignement d’élite ou moderne, aux médias, etc.).
    • […] ; le système monétaire et le système du crédit reposent sur une vaine tradition de la valeur de l’or et offrent une instabilité presque fantastique. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 406 de l’édition de 1921)
    • D’après d’anciennes traditions, ce furent des peuples sarmates, habitant la Tauride (Crimée actuelle) ou la région de Kertch, riveraine de la mer d’Azov, qui, les premiers en Europe, apprirent à fabriquer des armes et des outils de fer. — (Maurice Lecerf, Le Fer dans le monde, Payot, 1942)
    • Il semble que la tradition politique de la classe ouvrière européenne soit encore vivace dans certains pays, alors qu’elle est étouffée en Amérique, où pourtant aussi elle a existé. — (Herbert Marcuse, Débat sur le problème de la violence dans l’opposition, dans La fin de l’Utopie, traduction de Liliane Roskoff & Luc Weibel, 1968)
    • La tradition en effet est une voix qui nous a été transmise par autrui, où notre volonté personnelle n’a pas eu de part, que nous avons trouvée comme un déjà-là nécessaire, mais qui a germé en nous à notre insu au point d’être devenue nôtre. — (Mona Ozouf, Composition française, Gallimard, 2009, collection Folio, page 152)
    • Ce sont des faits que la tradition seule nous a appris.
  3. Élément de la culture ainsi transmis naturellement, choses sues par la voie de la tradition : connaissances, pratiques, morale...
    • Une demi-heure plus tard, après avoir, suivant la tradition, placé dans une anfractuosité une bouteille cachetée contenant un document commémoratif que je leur passai, Moussard et Le François purent sauter de nouveau dans la baleinière […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Les blanquistes, qui se regardent comme les légitimes propriétaires de la tradition terroriste, estiment qu’ils sont, par cela même, appelés à diriger le mouvement prolétarien ; […]. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence Chap. III, Les préjugés contre la violence, 1908)
    • À Panama tout est pittoresque et imprévu et les traditions espagnoles ont survécu malgré le contact américain. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil ; tome 1 : De New-York à Tahiti, 1929)
    • Fierté des maîtresses de maison formées aux traditions familiales, la blanquette est, révérence gardée, à la cuisine française ce que Molière est au théâtre. Un symbole, un modèle éternel qui fait école, une sorte de mémoire collective. — (Sylvie Girard-Lagorce, Grandes et petites histoires de la gourmandise française : traditions et recettes, Plon, 2003, De Borée, 2005, page 95)
  4. Ensemble d’habitudes propres à un groupe social ou professionnel.
    • La Belle Époque! Il est de tradition aujourd’hui de placer entre guillemets cette expression forgée après le premier conflit mondial, dans une France fière de sa victoire […]. — (Serge Berstein & Pierre Milza, Histoire de la France au XXe siècle : 1900-1930, Éditions Complexe, 1999, page 99)
    • De tradition ardennaise, la fête de l’Assomption est un jour d’orage. Ce dicton, aujourd’hui, se confirmera: le tonnerre commence de se faire entendre. — (Isabelle Rimbaud, Dans les remous de la bataille (Journal de guerre), vol. 1 : 28 juillet-28 août 1914, Le Mercure de France, 15 juillet 1916)
  5. (Religion) Interprétation, par les théologiens, des textes sacrés des religions.
    • Faisons la remarque une fois pour toutes : le peuple breton, quand il s’agit de ses vieux saints nationaux, se soucie assez peu de la tradition ecclésiastique. — (Anatole Le Braz, Les Saints bretons d’après la tradition populaire en Cornouaille, Les Annales de Bretagne, 1893-1894, Calmann-Lévy, 1937, page 62)
  6. (Droit) Livraison d’une chose à quelqu’un.
    • La vente se consomme par la tradition de la chose vendue. — L’ordre de portier dans l’église se confère par la tradition des clefs.
  7. (Par métonymie) (Boulangerie) Variété de baguette, élaborée à l’ancienne.
    • Elle a acheté trois croissants, un bâtard et une tradition.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Littré (1872-1877)

TRADITION (tra-di-sion ; en vers, de quatre syllabes) s. f.
  • 1 Terme de jurisprudence et de liturgie. Action par laquelle on livre quelque chose à quelqu'un. La vente se consomme par la tradition de la chose vendue. L'ordre de portier, dans l'Église, se confère par la tradition des clefs. La tradition réelle, qui se faisait par le sceptre, constatait le fief, comme fait aujourd'hui l'hommage, Montesquieu, Espr. XXXI, 33. L'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes ; elle rend le créancier propriétaire, et met la chose à ses risques dès l'instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n'en ait point été faite, Code civ. Art. 1138. Dans la tradition de la terre, dans les débats qui s'y rapportent, le témoin principal c'est la terre elle-même, Michelet, Orig. du droit franç. Introd. XXVIII. La tradition par le fétu était d'usage en Hollande en 1764, Michelet, ib. CXXIII.

    Fig. Le sang, l'éducation, l'histoire des ancêtres, jette, dans le cœur des grands et des princes, des semences et comme une tradition naturelle de vertu, Massillon, Pet. carême, Respect que les gr. d. à la relig.

  • 2Transmission de faits historiques, de doctrines religieuses, de légendes, etc. d'âge en âge par voie orale et sans preuve authentique et écrite. La religion juive… dans la tradition du peuple, Pascal, Pens. XIX, 7, éd. HAVET. Une tradition aussi ancienne que le monde, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 296, dans POUGENS. Voilà quelle a été et quelle sera la récompense de l'impie qui préféra la philosophie à la tradition et au divin Alcoran, Diderot, Opin. des anc. philos. Sarrasins. Quoique la tradition fasse de Cadmus un fils du roi de Sidon…, Condillac, Hist. anc. I, 10. On prétend qu'Hérodote, pour des raisons personnelles, a rapporté des traditions injurieuses à certains peuples de la Grèce, Barthélemy, Anach. ch. 65. La tradition, qui, avant l'invention de l'écriture dépositaire de l'histoire des peuples, a tout confondu et tout défiguré, Bailly, Hist. d'astr. anc. p. 15. La tradition orale et les chants de différents poëtes avaient et conservé et altéré les événements de cette guerre célèbre [guerre de Troie], Levesque, Instit. Mém. sc. mor. et pot. t. II, p. 28.

    Les faits mêmes ainsi transmis. Beaucoup de traits d'histoire ne sont que de fausses traditions.

    Traditions judaïques, les interprétations que les docteurs juifs avaient données à la loi de Moïse, et les additions qu'ils y avaient faites, lesquelles ont été depuis recueillies par les rabbins. [Les pharisiens] se piquaient d'une observance exacte de la loi, et y ajoutaient un grand nombre de traditions qu'il prétendaient avoir reçues de leurs ancêtres, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IX, p. 393, dans POUGENS.

  • 3Particulièrement, dans l'Église catholique, transmission de siècle en siècle de la connaissance des choses qui concernent la religion et qui ne sont point dans l'Écriture sainte. La religion catholique est fondée sur l'Écriture sainte et la tradition. La tradition, c'est-à-dire la suite toujours manifeste de la doctrine laissée et continuée dans l'Église, Bossuet, 1re instr. past. 27. C'était la tradition qui interprétait l'Écriture ; on croyait que son vrai sens était celui dont les siècles passés étaient convenus, et nul ne croyait avoir droit de l'expliquer autrement, Bossuet, Hist. I, 11. Les évêques ainsi assemblés [en concile] portaient avec eux l'autorité du Saint-Esprit et la tradition des Églises, Bossuet, ib. I, 11. L'ancienne tradition du saint-siége et de l'Église catholique n'ont plus été, comme autrefois, des lois sacrées et inviolables, Bossuet, Reine d'Anglet. Les valentiniens, les gnostiques, et d'autres sectes impies combattaient l'Évangile par de fausses traditions, Bossuet, Hist. I, 10.

    Les choses mêmes que l'on sait par la voie de la tradition. Ce point de discipline ne se trouve pas dans l'Écriture sainte, ce n'est qu'une tradition.

  • 4Tout ce que l'on sait ou pratique par tradition, c'est-à-dire par une transmission de génération en génération à l'aide de la parole ou de l'exemple. Ce jeu de scène est une tradition, est de tradition. Laissez-en la décision aux Étruriens, qui ont la tradition des plus anciens oracles, et qui sont inspirés pour être les interprètes des dieux, Fénelon, Tél. XXIII. On croit… que des désordres manifestes, qui nous sont venus par tradition, sont des droits incontestables attachés à nos charges, Massillon, Carême, Confession. La langue hébraïque s'écrivait autrefois sans voyelles, il n'y avait que les seules consonnes, et c'était la tradition et l'usage qui apprenaient comment il fallait placer les voyelles pour la lire et la prononcer, Dumarsais, Œuv. t. VII, p. 42. J'étais à la répétition, à donner les traditions du Baron d'Albikrac [comédie de Th. Corneille] à cette troupe de comédiens qui est venue pour la foire, Picard, Vieux comédien, sc. 1.

HISTORIQUE

XVIe s. L'usage commun de parler est tel, que tous edicts procedez des hommes touchant le service de Dieu, soyent nommez traditions humaines, Calvin, Instit. 944. Dessaisine et saisine faite en presence de notaires et temoins vaut et equipolle à tradition et delivrance de possession, Loysel, 747. On fait bien fascher les huguenots, quand on leur monstre que l'autorité de l'Eglise et les traditions nous apprennent à reconnoistre les Escritures, D'Aubigné, Confession de Sancy, II, 2.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

TRADITION, (Théologie.) est l’action de remettre quelque chose entre les mains d’une personne. Du verbe tradere, livrer. La vente d’une chose mobiliaire se consomme par une simple tradition. Voyez Délivrance.

Tradition, en matiere de religion, signifie en général un témoignage qui répond de la vérité & de la réalité de tels ou tels points.

On en distingue de deux sortes ; l’une orale, & l’autre écrite. La tradition orale est un témoignage rendu de vive voix sur quelque chose : témoignage qui se communique aussi de vive voix des peres aux enfans, & des enfans à leurs descendans.

La tradition écrite est un témoignage, que les histoires & les autres livres rendent sur quelque point. Cette derniere, généralement parlant, est plus sûre que la premiere.

La tradition, soit orale, soit écrite, peut être considérée ou quant à son origine, ou quant à son objet, ou quant à son étendue.

1°. La tradition quelle qu’elle soit, envisagée quant à son origine, est ou divine lorsqu’elle a Dieu pour auteur, ou humaine lorsqu’elle vient des hommes ; & cette derniere se soudivise en apostolique, qui vient des apôtres ; en ecclésiastique, qui vient de ceux qui ont succédé aux apôtres dans le ministere de l’Evangile ; & en civile ou purement humaine, qui vient des hommes précisément considérés comme hommes.

2°. La tradition considérée quant à son objet est ou doctrinale, ou de discipline, ou historique. Par tradition doctrinale, on entend celle qui dépose en faveur d’une vérité qui fait partie des dogmes que Jesus-Christ a annoncés aux hommes. On entend par tradition de discipline celle qui fait voir que telle ou telle chose a été pratiquée dans tels ou tels tems ; & par tradition historique, on entend celle qui nous apprend que tel ou tel fait est arrivé.

3°. La tradition considérée quant à son étude, est ou particuliere ou générale par rapport aux tems, aux personnes & aux lieux. La tradition particuliere par rapport aux tems, aux personnes & aux lieux, est celle qui apprend qu’une chose a été observée par quelque personne pendant quelque tems, & dans certains lieux. La tradition universelle par rapport aux tems, aux personnes, aux lieux, est celle qui apprend qu’un chose a été observée par tout le monde, dans tous les lieux & dans tous les tems.

Les Protestans conviennent avec les Catholiques, qu’il y a des traditions divines & quant à l’origine, & quant à l’objet, comme celles, par exemple, qui nous enseignent que Jesus-Christ est le Messie, qu’il est Dieu, qu’il s’est incarné, qu’il est mort pour le salut du genre humain. 2°. Ils avouent qu’il y a des traditions humaines & quant à l’origine, & quant à l’objet ; d’apostoliques, comme celle qui nous apprend qu’on a toujours jeûné à Pâques ; d’ecclésiastiques, comme celles qui nous disent qu’on a observé telles ou telles cérémonies dans l’administration du Baptême & de la Pénitence ; d’humaines, comme celles qui nous instruisent de la vie des grands capitaines & des fameux conquérans. 3°. Ils reconnoissent des traditions particulieres & universelles ; de particulieres, comme celle qui nous apprend qu’on jeûnoit à Rome le samedi ; d’universelle, comme celle qui nous instruit de la célébration de la fête de Pâques.

Toute la question entr’eux & les Catholiques se réduit à savoir s’il y a une tradition divine, qui ne soit pas contenue dans l’Ecriture, & qui soit regle de foi ; c’est ce que nient les Protestans contre les Catholiques qui définissent la tradition, la parole de Dieu non-écrite par des écrivains inspirés, que les apôtres ont reçue de la propre bouche de Jesus-Christ, qu’ils ont transmise de vive voix à leurs successeurs, & qui a passé de main-en-main jusqu’à nous sans aucune interruption, par l’enseignement des ministres & des pasteurs, dont les premiers ont été instruits par les apôtres.

On en prouve l’existence contre les Protestans, 1°. par l’Ecriture qui fait une mention expresse des traditions, II. Thessalon. c. ij. vers. 14. I. ad Timoth. c. vj. vers. 20. II. ad Timoth. c. j. vers. 13. & c. ij. vers. 1. & 2. 2°. par les auteurs ecclésiastiques, & en particulier par S. Ignace, disciple des apôtres, cité par Eusebe, hist. eccles. lib. III. c. xxxvj. 3°. par l’exemple même des Protestans qui croient que Marie a conservé sa virginité après l’enfantement ; qu’on peut baptiser les enfans nouveaux-nés ; que le baptême des hérétiques est bon, & divers autres points qui ne sont pas contenus dans l’Ecriture, & qui ne sont fondés que sur la tradition.

Comme c’est principalement par le canal des auteurs ecclésiastiques qui ont écrit sur les matieres de religion dans les différens siecles de l’Eglise, qu’on peut parvenir à la connoissance des traditions divines, les Protestans n’ont rien oublié pour infirmer l’autorité des peres. Rivet & Daillé, deux de leurs plus célebres ministres ont objecté 1°. qu’il est impossible de trouver au juste le sentiment des peres sur quelque matiere que ce soit, leurs ouvrages ayant été ou supposés ou corrompus & altérés, n’étant pas sûr de leur sens, ni qu’ils ayent proposé tel ou tel point comme une tradition universelle ; 2°. que la notoriété du sentiment des peres n’impose aucune nécessité de le suivre ; 3°. que les peres se contredisent & donnent eux-mêmes la liberté de les abandonner ; 4°. que l’autorité des peres est toute humaine, & par conséquent qu’elle ne peut servir de fondement à la foi qui est toute divine ; 5°. que les peres ne sont recevables dans leur témoignage qu’autant qu’ils prouvent bien ce qu’ils avancent ; 6°. que l’autorité de la tradition est injurieuse à la plénitude de l’Ecriture. On peut voir ces difficultés exposées avec beaucoup d’art, & poussées avec assez de force dans le livre de Daillé, intitulé, du vrai usage des peres, liv. I. depuis le chap. j. jusqu’au xj.

Les controversistes catholiques ont répondu pleinement à ces objections, & en particulier M. l’abbé de la Chambre, docteur de Sorbonne, dans son traité de la véritable religion, d’où nous avons tiré tout cet article. On peut voir dans cet ouvrage, tome IV. p. 352 jusqu’à la p. 422, l’exposition fidele des objections de Daillé, & les réponses solides qu’y donne l’auteur moderne.

Nous observerons seulement que la tradition, selon les Catholiques, est regle de foi, & que c’est à l’Eglise seule qu’il appartient d’en juger & de discerner les fausses traditions d’avec les véritables, ce qu’elle connoît ou par le témoignage unanime des peres, ou par l’usage constant & universel des églises pour les choses qu’on ne trouve instituées ni par les conciles, ni par les souverains pontifes, selon les regles citées par S. Augustin, lib. IV. de baptism. cap. xxiv. & par Vincent de Lérins dans son opuscule intitulé, commonitorium primum.

Les Juifs ont aussi leurs traditions, dont ils font remonter l’origine jusqu’à Moïse qui les confia, disent-ils, de bouche aux anciens du peuple pour les faire passer de la même maniere à leurs successeurs. Ils ne les avoient point écrites avant les guerres que leur firent les Romains sous Vespasien, ensuite sous Adrien & sous Sévere. Alors le rabbin Judas, surnommé le saint, composa la misna, comme qui diroit seconde loi, qui est le plus ancien recueil des traditions qu’ayent les Juifs. On y ajouta la gemarre de Jérusalem & celle de Babylone, qui, jointes à la misna, forment le talmud de Jérusalem & celui de Babylone, lesquels sont comme l’explication ou le supplément de la misna, ou du code principal de leurs traditions qui sont fort respectées des rabbins, & rejettées par les caraïtes. Voyez Caraïtes.

Tradition des juifs, (Critique sacrée.) dogmes, préceptes, rites, observances ou cérémonies religieuses, qui ne sont point prescrites aux Juifs par Moïse, ni par les prophetes, mais qui s’établirent chez eux par la coutume, se multiplierent par succession de tems, & s’accrurent tellement qu’enfin elles étoufferent la loi écrite ; je ne répéterai point ici ce que j’en ai dit dans plusieurs endroits de cet ouvrage, comme aux articles Misna, Talmud & Pharisiens, qui en furent les principaux promoteurs ; les curieux peuvent y recourir : c’est assez d’observer qu’aucune tradition judaïque n’a de fondement solide, qu’elles sont toutes inutiles, incommodes ou onéreuses, & que la plûpart sont ridicules & méprisables. Cependant elles ont triomphé, parce qu’une religion chargée de beaucoup de pratiques, quelles qu’elles soient, attache plus à elle, que si elle l’étoit moins ; on tient beaucoup aux choses dont on est continuellement occupé. (D. J.)

Tradition des chrétiens, (Critique sacrée.) Clément d’Alexandrie la définit l’explication de la loi ou des prophetes, donnée de vive voix aux apôtres par notre Seigneur, qui s’en servoient dans leurs discours, mais qui n’en publierent rien par écrit. Ce n’est donc ni une doctrine secrette & profonde qu’on devoit cacher, ni le vrai sens des livres du nouveau Testament ; c’étoient des explications mystiques du vieux Testament, qui n’ont été connues que des apôtres.

Quand saint Paul dit dans sa premiere épître aux Thessaloniens, chap. ij. vers. xv. gardez nos traditions ; c’est la doctrine que nous vous avons enseignée, ou que vous avez apprise de nous (pour me servir de la version de M. Simon), l’apôtre n’entend par traditions que des instructions. Il convient même de remarquer que c’est le seul endroit du nouveau Testament où le mot tradition, παραδόσις, soit employé favorablement pour une bonne doctrine, une instruction utile & solide. Par-tout ailleurs il désigne des doctrines humaines & condamnables ; voyez-en des exemples dans Matth. xv. Marc vij. Coloss. ij. vers. 9. &c.

Je n’ignore pas que l’ancienne Eglise a approuvé des traditions ; mais ce n’étoient que des traditions concernant des usages, des pratiques, qui, au défaut de l’autorité de l’Ecriture, avoient été introduites par les premiers peres, & non pour établir des dogmes de foi. A ce dernier égard, l’Eglise ne recevoit que ce qui se trouvoit enseigné dans les livres sacrés, adorando plenitudinem scripturæ, comme s’exprime un des peres.

Il n’en est pas de même des rites & des cérémonies. Les successeurs recevoient celles qui avoient été instituées par leurs prédécesseurs, pourvu qu’elles leur parussent édifiantes & raisonnables. Tertullien, cap. iv. lib. de coronâ, traite de ces traditions reçues dans l’Eglise sans être fondées par l’Ecriture sainte, mais néanmoins appuyées d’une ancienne coutume, qui faisoient présumer qu’elles tiroient leur origine de quelque tradition apostolique. Cependant on lui contestoit ce principe ; il y avoit même de son tems des docteurs qui vouloient que toute tradition fût fondée sur l’autorité de l’Ecriture. Là-dessus il tâche de prouver par des faits qu’une tradition, quoique non écrite, doit être reçue. Il rapporte divers exemples de ces usages ecclésiastiques qui se pratiquoient, sans qu’on en trouvât rien dans l’Ecriture ; & entre ces usages, il y a celui-ci. Nous souffrons, dit-il, avec peine qu’il tombe à terre quelque chose du calice, du pain de l’Eucharistie, ou même de notre pain ordinaire. Si vous demandez, poursuit Tertullien, quelque passage de l’Ecriture qui ordonne ces observations, vous n’en trouverez point. La tradition les a introduites, la coutume les a confirmées, & la foi les garde ; si d’un autre côté vous les considérez, vous verrez que la raison autorise, à cet égard, la tradition, la coutume & la foi. Là-dessus M. Rigault ajoute cette remarque. « La tradition sans raison seroit vaine ; c’est pourquoi l’apôtre n’exige point d’obéissance qui ne soit raisonnable ».

En effet, comme tout s’altere avec le tems, & que rien n’est plus fautif que les témoignages de vive voix en matiere de doctrine, il en résulte que si la doctrine de Jesus-Christ n’eût pas été écrite par les apôtres, il eût été impossible de la conserver pure, & même elle ne fut que trop-tôt altérée par de fausses opinions. Entre des preuves sans nombre, ce que Clément d’Alexandrie dit de lui-même, peut suffire pour démontrer combien la tradition rendroit la religion incertaine sans l’Ecriture. Ce pere de l’Eglise, après avoir parlé des maîtres qu’il avoit eu, & qu’il nous donne pour des hommes du plus grand mérite & de la plus haute vertu, il ajoute : « Ceux qui ont conservé la véritable tradition de cette précieuse doctrine, transmise d’abord par les apôtres Pierre, Jacques, Jean & Paul, ensorte que le fils la recevoit de son pere (mais entre ces fils peu ressemblent à leurs peres) ; ceux-là nous ont fait parvenir par la volonté de Dieu ces semences apostoliques confiés à nos ancêtres ». Stromat. lib. I. p. 274 & 275. Cependant si l’on compare la doctrine de ce pere qu’il tenoit, comme il assûre, de grands hommes qui l’avoient reçue des apôtres ou de leurs disciples, & de disciples qui ressembloient à leurs maîtres ; si, dis-je, l’on compare cette doctrine en plusieurs articles avec celle que nous avons aujourd’hui, on y verra bien des différences. De-là vient que cet habile auteur n’est point honoré du titre de saint, comme quantité d’autres qui ne le veulent pas, & que l’on croit trouver beaucoup d’hérésies dans ses livres ; c’est aussi la raison pourquoi les Grecs en ont laissé périr plusieurs. (D. J.)

Tradition mythologique, (Mythol.) on nomme traditions mythologiques, les fables transmises à la postérité, & qui lui sont parvenues après s’être chargées d’âge en âge de nouvelles fictions, par lesquelles les poëtes ont cherché comme à-l’envi, à en augmenter le merveilleux.

Afin qu’une tradition historique, selon la judicieuse remarque de M. Freret, puisse avoir quelque autorité, il faut qu’elle remonte d’âge en âge jusqu’au tems dont elle dépose, que l’on puisse en suivre la trace sans interruption, ou que du-moins dans tout cet intervalle, on ne puisse en assigner le commencement, ni montrer un tems dans lequel elle ait été inconnue. C’est-là une des premieres regles de la critique, & l’on ne doit pas en dispenser les traditions mythologiques, & leur donner un privilege dont les traditions historiques n’ont jamais joui.

Tout ce que l’on a droit de conclure des traditions fabuleuses, les plus constamment & les plus universellement reçues, c’est que ces fables avoient probablement leur fondement dans quelque fait historique, défiguré par l’ignorance des peuples, & altéré par la hardiesse des Poëtes. Mais si l’on veut aller plus loin, & entreprendre de déterminer la nature & les circonstances de ce fait historique, quelque probable & quelque ingénieuse que soit cette explication, elle ne s’élévera jamais au-dessus de l’ordre conjectural, & elle sera toujours insuffisante pour établir une vérité historique, & pour en conclure l’existence d’une coutume ou d’un usage dans les tems fabuleux. Voyez Mythologie, Fable, &c. (D. J.)

Tradition, (Jurisp.) est l’action de livrer une chose.

La tradition est une des manieres d’acquérir, ou droit des gens, par laquelle en transférant à quelqu’un la possession d’une chose corporelle, on lui en transmet la propriété ; pourvû que la tradition ait été faite par le véritable propriétaire, pour une juste cause, & avec intention de transférer la propriété.

Suivant le droit civil, & parmi nous, la tradition est regardée comme l’accomplissement de la convention.

Il y a néanmoins des contrats qui sont parfaits sans tradition réelle, & pour lesquels une tradition feinte suffit ; comme la vente d’un immeuble, à la différence de la vente des choses qui se livrent au nombre, poids & mesure, laquelle n’est parfaite que par la tradition réelle : il en est de même des donations. Voyez les instit. tit. de acquir. rer. domin. & Donat, tit. des convent. & du contrat de vente.

Tradition par l’anneau, per annulum, étoit celle qui se faisoit en mettant un anneau au doigt de celui auquel on remettoit la possession d’une église, ou d’une dignité, d’un héritage, &c. Voyez l’article suivant.

Tradition par le bâton, per baculum, étoit une tradition feinte, qui se pratiquoit anciennement en remettant entre les mains de l’acheteur ou nouveau possesseur, un bâton en signe de la possession qu’on lui remettoit. Voyez Baton, Institut, & le glossaire de du Cange au mot investitura, où il explique toutes les différentes manieres d’investiture ou de tradition feinte qui se pratiquoient anciennement.

Tradition brevis manus, est une tradition feinte qui se fait pour éviter un circuit inutile de traditions, en compensant la tradition qu’il faudroit faire de part & d’autre ; comme dans la vente d’une chose que l’acheteur tient déja à titre de prêt. Pour que le vendeur remît la chose à l’acheteur, il faudroit que celui-ci commençât par la lui remettre ; & pour abréger, on suppose que cette tradition réciproque a été faite, c’est pourquoi on l’appelle brevis manus, parce que c’est l’acheteur qui se remet à lui-même. Instit. de acquir. rer. domin.

Tradition civile, est une tradition feinte, qui consiste dans la forme établie par la loi : elle est opposée à la tradition réelle. Voyez tradition feinte & tradition réelle.

Tradition par le couteau, per cutellum, c’étoit une mise en possession qui se faisoit en donnant un couteau plié. Voyez le glossaire de du Cange au mot investitura.

Tradition feinte ou fictive, est celle qui est faite pour opérer le même effet que la tradition réelle : on la divise en symbolique & non-symbolique.

Tradition par un festu, per festucam, c’est-à-dire un brin de paille, étoit une tradition fictive qui se pratiquoit autrefois assez communément en présentant un festu. Voyez du Cange au mot investiture.

Tradition fictive, Voyez ci-devant tradition feinte.

Tradition par un gazon de terre, c’étoit une façon de livrer un héritage, en donnant un gazon pour symbole de cet héritage. Voyez du Cange au mot investitura.

Tradition de longue main, longa manus, est une tradition fictive qui se fait montrant la chose, & donnant la faculté d’en prendre possession : elle se pratique ordinairement pour la délivrance des immeubles réels, & pour celle des choses mobiliaires d’un poids considérable. Voyez aux instit. le tit. de acquir. rer. dom.

Tradition de la main à la main, c’est lorsqu’une chose passe à l’instant de la main d’une personne en celle d’une autre, à laquelle la premiere la remet.

Tradition réelle, est celle qui consiste dans une remise effective de la chose.

Tradition symbolique, est celle qui se fait en donnant quelque symbole de la chose que l’on doit livrer ; comme quand on livre les clés du grenier où est le froment que l’on a vendu. Voyez aux instit. de acq. rer. dom.

Tradition non symbolique, est celle où on ne donne ni la chose réellement, ni aucun symbole ou signe de la chose ; mais où la tradition s’opere par d’autres fictions, comme dans la tradition appellée longa manus, & dans celle appellée brevis manus. Voyez ci-dessus tradition de longue main & tradition brevis manus. Voyez aussi sur la tradition en général, les mots Délivrance, Main assise, Mise de fait, Nantissement, Possession, Remise, Saisine. (A)

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Étymologie de « tradition »

Provenç. tradition ; espagn. tradicion ; ital. tradizione ; du latin traditionem, qui a donné, dans l'ancienne langue, trahison (voy. ce mot).

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(1694) Du latin traditio. Lui-même du latin trans, à travers et du latin dare, donner.
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Phonétique du mot « tradition »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
tradition tradisjɔ̃

Fréquence d'apparition du mot « tradition » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « tradition »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « tradition »

  • Enfreindre la tradition est aussi une tradition.
    Alexandre Blok — Calepin
  • Un classique est un écrivain qui veille sur la tradition.
    Jules Renard — Journal 1893 - 1898
  • La plus haute tâche de la tradition est de rendre au progrès la politesse qu'elle lui doit et de permettre au progrès de surgir de la tradition comme la tradition a surgi du progrès.
    Jean d'Ormesson — Réponse au discours de réception à l'Académie française de Madame Yourcenar
  • La tradition et le progrès sont deux grands ennemis du genre humain.
    Paul Valéry
  • Le vrai progrès, c’est une tradition qui se prolonge.
    Michel Crépeau
  • Une tradition, ce n’est jamais qu’un progrès qui a réussi.
    Maurice Druon — Le Pouvoir
  • Religion et tradition sont les mamelles des Canadiens.
    Roger Fournier — Journal d'un jeune marié
  • « Une cuisine traditionnelle revisitée. Et je ne travaille que des produits frais. Je suis maître restaurateur donc il est hors de question de ne pas travailler avec de bons produits. Le vrai goût de produits, c’est important. »
    Autres | « Le Floréal », la fidélité et la tradition
  • Le premier raisin jaumet cueilli dans un jardin du Riberal a été accroché à la statue de Saint-Jacques nichée au-dessus du portail de l’hospice éponyme. C’est une tradition que les habitants du quartier Saint-Jacques préservent et font perdurer.
    lindependant.fr — St-Jacques rime avec tradition - lindependant.fr
  • L’une des traditions estivales revient à Rouen. Pour le dernier mois des vacances scolaires, les habitants de la ville vont profiter des piscines rouennaises pour 1 € seulement, du 1er au 31 août 2020. Contrairement aux années précédentes, la piscine Diderot restera fermée pour maintenance. Les habitants devront donc se contenter d’un plongeon à la piscine Guy-Boissière de l’île Lacroix ou celle du Boulingrin.
    www.paris-normandie.fr — Tradition estivale à Rouen : la piscine à 1 € au mois d’août pour les habitants
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Images d'illustration du mot « tradition »

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Traductions du mot « tradition »

Langue Traduction
Anglais tradition
Espagnol tradicion
Italien tradizione
Allemand tradition
Chinois 传统
Arabe التقليد
Portugais tradição
Russe традиция
Japonais 伝統
Basque tradizio
Corse tradizione
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Synonymes de « tradition »

Source : synonymes de tradition sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « tradition »

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Tradition

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