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Ténèbres

Variantes Singulier Pluriel
Féminin ténèbre ténèbres

Définitions de « ténèbres »

Trésor de la Langue Française informatisé

TÉNÈBRES, subst. fém. plur.

I.
A. − Absence (quasi) totale de lumière, naturelle ou artificielle, dans un espace matériellement délimité en général et évoquant un corps, une matière, un contenu sensible. Synon. obscurité.D'épaisses ténèbres avaient envahi la montagne. Ni lune ni étoiles ne troublaient la profonde obscurité (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 143):
1. Comme certains volets, un mouvement à peine perceptible de deux doigts ouvre leurs lattes, et la pièce qui était dans les ténèbres devient une féerie ensoleillée: ainsi, une simple modification d'attitude − il se rebiffe au lieu d'accepter, − et tout son paysage intérieur passe de l'ombre au soleil. Montherl., Célibataires, 1934, p. 901.
SYNT. a) Ténèbres blafardes, blanches, denses, glaciales, humides, impénétrables, lourdes, mystérieuses, opaques, noires, profondes, propices; froides, grandes, immenses, pâles ténèbres. b) Les ténèbres de l'abîme, de la chambre, du chemin, du ciel, de l'eau, de l'escalier, du jardin, de la nuit. c) L'épaisseur, l'heure, l'immensité, l'inconnu, l'intensité, la masse, le monde, la profondeur, la surface des ténèbres; un ciel, une mer, un mur, une nuit, un océan de ténèbres. d) Les ténèbres descendent, se dissipent, disparaissent, se déchirent, s'épais-sissent. e) Avancer, s'aventurer, disparaître, s'enfoncer, se dresser, marcher, se noyer, passer, se perdre, être plongé dans les ténèbres; briller, luire dans les ténèbres; augmenter, chasser, chercher, dissiper, percer, éclairer les ténèbres; être couvert, enveloppé, environné de ténèbres; (être) au cœur, au fond, au milieu, au sein des ténèbres.
[Dans un cont. nég., où les ténèbres sont assimilées à la peur et au sentiment d'insécurité qu'engendre l'obscu-rité] Ténèbres affreuses, effrayantes, redoutables; l'horreur des ténèbres; avoir peur des ténèbres. Le terrible dans le sombre n'est pas difficile à concevoir. Les ténèbres logent aisément les épouvantes, mais l'horreur blanche se fait moins comprendre (Gautier, Fracasse, 1863, p. 143).Alors il eut peur des soirs, peur de l'ombre tombant autour de lui. Il ne savait pas encore pourquoi les ténèbres lui semblaient effrayantes; mais il les redoutait d'instinct; il les sentait peuplées de terreurs (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Pte Roque, 1885, p. 1042).
[Plus rarement, dans un cont. positif] Ténèbres délicieuses, heureuses. Il était sur son lit. De douces ténèbres l'enveloppaient, un silence profond versait le calme sur ses sens (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 353).
Rem. La forme au sing., inus. dans le lang. parlé, se rencontre parfois dans la lang. littér. ou poét.: La nuit était devenue absolument calme et silencieuse, d'une ténèbre douce et ouatée (L. Daudet, Bacchantes, 1931, p. 143). Au lieu de la ténèbre brumeuse qui faisait alors un halo aux lanternes et à leurs fantômes, régnait une lune tranquille (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 264).
Loc., vieilli. À ténèbre(s). À la nuit tombée. Triste comme à Ténèbre au milieu de mon âme, Je fuyais (Desb.-Valm., Élégies, 1859, p. 108).Jamais Longchamp n'eut plus d'éclat que lorsqu'on cessa d'y aller à ténèbres (P. Lalo, Mus., 1899, p. 402).
En partic.
Obscurité d'une prison, d'un cachot. Ils étaient soumis au régime des arrêts de rigueur (...). C'est-à-dire que trois jours durant on les enfermait dans les ténèbres absolues, avec pour tout aliment du pain et de l'eau (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 92).P. méton., littér. Cachot, geôle. Silence! Qu'on le mène aux ténèbres.Allez! (Leconte de Lisle, Poèmes trag., 1886, p. 99).Sans trêve (...) bourdonnent dans ma tête les propos cent fois entendus de mes compagnons de ténèbres (Tharaud, Relève, 1919, p. 102).
État d'une personne non voyante, cécité. Avant de perdre la vue, elle était allée contempler la tombe de Caroline. Cette dernière image resta colorée dans ses ténèbres comme le spectre rouge du dernier objet vu brille encore, après qu'on a fermé les yeux par un grand jour (Balzac, Modeste Mignon, 1844, p. 32).
Couleur sombre, noire, suggérée par les ténèbres. Une chevelure, une couleur, des yeux de ténèbres. Dans leurs différentes nuances de ténèbres, elles [les montagnes] ressemblent à des lithographies grises, noires, bistrées (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 126).Le cheval trotte (...); derrière lui flotte le sillage de ses crins de ténèbres (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 236).
P. métaph. Sa robe (...) d'un ton clair et rose, tranche vivement sur les ténèbres de sa peau (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 117).Abrite-moi comme d'une magique mante, Des ténèbres de ta chevelure d'oubli (Moréas, Cantil., 1886, p. 117).
B. − Au fig.
1. Domaine intellectuel.[Souvent opposé à clarté, lumière, limpidité, évidence]
a) Manque de clarté dans l'exposition d'un fait, d'un événement, d'un raisonnement, d'un ouvrage. Que d'obscurité! que de ténèbres dans l'accusation!... Quelle clarté dans nos actions! (Balzac, Annette, t. 4, 1824, p. 62).À travers les ténèbres de cet ouvrage, se glisse un rayon de la lumière chrétienne qui brilla sur mon berceau (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 492).
b) Privation de connaissances apportées par un enseignement. Anton. lumière.Ils disent (...) qu'ils enseignent ainsi les éléments des sciences et donnent aux filles des clartés de tout. Mais (...) ils leur donnent seulement des ténèbres de tout (A. France, Jard. Épicure, 1895, p. 199).
c) Ignorance, manque de compréhension dû à l'éloignement dans le temps d'un événement passé ou à venir. Synon. obscurité, nuit.Au milieu des ténèbres de l'avenir on peut déjà découvrir trois vérités très claires (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 50).Tout cela m'apparaissait comme perdu dans les ténèbres d'un très ancien passé sur lequel, déjà, l'oubli jetait ses voiles (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 180).
2. Domaine affectif et mor.[Souvent opposé à certitude, vérité, raison]
a) État de doute, d'incertitude, de tâtonnement dans lequel se trouve parfois plongée l'âme humaine. Elle éprouvait quelquefois de ces momens de découragement et de ténèbres intérieures où les âmes les plus avancées dans la voie du ciel succombent sous le poids de leur vie mortelle (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. 257).Je n'aperçois autour de mon présent que les ténèbres blanches de l'incertitude, de l'indifférence et de l'hésitation (Amiel, Journal, 1866, p. 142).
b) Parties les plus cachées, les plus insondables de l'âme humaine. Ne désespérons pas de percer nos propres ténèbres. Simple, impénétrable encore, léger sur ses pieds de songe, peut-être l'invisible s'approche-t-il enfin de nous? (Colette, Pays connu, 1949, p. 192).
c) Trouble mental, égarement, folie. Aucune lueur n'a éclairci les ténèbres de son esprit depuis son retour dans sa famille (Nodier, Jean-François, 1832, p. 15).
d) RELIG. Ce qui échappe à l'entendement, ne trouve aucune explication rationnelle. Ce sont les « ténèbres de la foi », comme dit Fénelon, qui permettent les convictions religieuses (Gide, Journal, 1943, p. 198).
3. Domaine soc.[Souvent opposé à savoir, connaissance, clairvoyance]
a) Manque de savoir, état engendré par l'absence de connaissances sur un point particulier. Mes frères dont les yeux ne sont pas encore éclairés par la vérité sociale (...) mes frères, plongés dans les ténèbres de l'ignorance (Sandeau, Sacs, 1851, p. 52).
Être, marcher dans les ténèbres. Être ignorant. Jonas maintenant faisait école. Il en avait d'abord été surpris, ne voyant pas ce qu'on pouvait apprendre de lui qui avait tout à découvrir. L'artiste, en lui, marchait dans les ténèbres; comment aurait-il enseigné les vrais chemins? (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1636).
b) État de ce (ou de celui) qui n'a pas été touché par les lumières du progrès, de la connaissance scientifique. Synon. obscurantisme.Selon lui, nous n'avons pas encore réussi à nous dégager du Moyen Âge, qui est à ses yeux une époque de ténèbres (Green, Journal, 1943, p. 35).
c) Période sombre et difficile de l'histoire. Nous avons vu notre bien-aimée ville de Paris sortir des ténèbres et reprendre sa belle allure de capitale du continent (Larbaud, Jaune, 1927, p. 9).
d) [Souvent en mauvaise part] Ce qui aveugle l'esprit, dicte une conduite erronée et parfois dangereuse. Synon. erreur, égarement, aveuglement.Il faudra bien, dans les ténèbres et les poussières du XXesiècle, qu'il y ait au moins une nation qui conserve, en quelques-unes de ses unités raisonnables, ce que l'Europe entière semble avoir perdu: le besoin vivant de la lumière et de la beauté (Bloy, Journal, 1899, p. 301).Soyez le roi de tout ceux qui sont encore égarés dans les ténèbres de l'idolâtrie et de l'islamisme (Maritain, Primauté spirit., 1927, p. 142).
II.
A. − LITURG. CATH. Office de(s) Ténèbres. Office religieux qui se déroulait les trois derniers jours de la semaine sainte, d'abord la nuit, puis le soir, et au cours duquel on éteignait une à une toutes les lumières de l'église. Comme les quinze cierges sur la herse à l'Office de Ténèbres que l'on éteint l'un après l'autre, ainsi les psaumes de Matines, un à un, se sont effacés sous mes doigts (Claudel, Poète regarde Croix, 1938, p. 146).
(Chants de) ténèbres. Textes récités ou chantés à cet office (généralement tirés des « Lamentations »). Chanter, réciter les ténèbres. Des têtes d'hommes en toques noires (...) psalmodiaient sur de grands livres, avec des voix de nuit, des chants de ténèbres (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p. 200).
B. − THÉOL., MÉTAPHYS., SYMBOLISME RELIG.
1. Ténèbres (initiales, premières). Ténèbres dans lesquelles était plongé l'univers avant la création du monde. [Nuit] La même qui viens tous les soirs et qui étais venue tant de fois depuis les ténèbres premières (Péguy, Myst. Sts Innoc., 1912, p. 26).
2. Les ténèbres de la mort. Obscurité dans laquelle se trouvent plongés les mourants; absol., symbole de la mort, du néant. Le jour le plus long viendra qui sera le jour de ma mort, Le jour de ténèbres viendra où je passerai le seuil de la mort! (Claudel, Processionnal, 1910, p. 301).Herminien, peu à peu, sortit des ténèbres de la mort et, bientôt, on put entendre son pas encore incertain (Gracq, Argol, 1938, p. 157).
3. Séjour des damnés. Le royaume des ténèbres; les ténèbres infernales. Qui m'appelle devant le trône de Dieu? vais-je être précipitée pour jamais dans le séjour des éternelles ténèbres? (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 334).
Locutions
L'ange des ténèbres, l'esprit de(s) ténèbres, le prince des ténèbres. Satan. Synon. ange des nuits (v. nuit).Esprit de ténèbres, arrière! Satan, je te brise du pied, vermisseau plein d'orgueil (Flaub., Smarh, 1839, p. 119):
2. Une autre beauté, selon moi, qui se tire encore du langage chrétien, c'est l'affectation de Satan à parler comme le Très-Haut; il dit toujours ma Droite au lieu de mon bras: j'ai mis une grande attention à rendre ces tours; ils caractérisent merveilleusement l'orgueil du Prince des Ténèbres. Chateaubr., Paradis perdu, 1836, p. XVI.
Les anges de(s) ténèbres. [P. oppos. à anges de lumière*] Anges déchus, suppôts du démon. Du Tillet ne soutint pas le regard de cet homme, et lui voua sans doute en ce moment cette haine sans trêve que les anges des ténèbres ont conçue contre les anges de lumière (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 63).P. anal. [Appliqué à un homme] N'allons pas le grandir, ce brave homme d'Arnauld, en faire un Calvin, un Luther, un ange de ténèbres (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 285).
Les ténèbres extérieures, du dehors. [P. réf. à la parabole de la robe nuptiale, Matt. 22, 13] Lieu de châtiment situé en dehors du ciel où sont rejetés les incroyants et les âmes perdues. Le Paradis est pour ceux qui y croient. Nous autres, nous restons dans ce que vous appelez les ténèbres extérieures. Nous sommes rejetés. Le mot est dur, mais il est dans l'Évangile (Green, Chaque homme dans sa nuit, 1960, p. 302).
4. [Souvent opposé à lumière et à bien, dans une perspective manichéenne] Symbole du mal, du péché, d'un monde où Dieu n'a pas sa place. Je ne crois pas en Dieu. Mais si jamais quelque chose peut influer sur une puissance, qu'elle soit du mal ou du bien, de la lumière ou des ténèbres, c'est la prière murmurée par un tel homme (Benoit, Atlant., 1919, p. 106).La victoire de la lumière sur les ténèbres sera d'autant plus éclatante que les puissances infernales auront eu plus de chances de réussir dans leurs desseins (Béguin, Âme romant., 1939, p. 290).
Locutions
Les puissances de(s) Ténèbres. Principe mauvais qui pousse l'homme à faire le mal. Si (...) on y voit [dans la religion] le bien l'emporter sur le mal, la vie sur la mort, les puissances de lumière sur les puissances de ténèbres, c'est qu'il n'en est pas autrement dans la réalité (Durkheim, Formes élém. vie relig., 1912, p. 601).
L'esprit des ténèbres. Même sens. L'esprit du mal, l'esprit des ténèbres, s'était installé au cœur de son enfant! (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 663).
REM.
Demi-ténèbre(s),(Demi-ténèbre, Demi-ténèbres) subst. fém.,en compos. État intermédiaire entre la lumière et l'obscurité, le jour et la nuit. Dans les demi-ténèbres épaisses et dorées, se modelaient mystérieusement certaines figures, dont le charme inconnu et l'extase muette attiraient les regards et le cœur de Christophe (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 798).Les yeux grand ouverts sur la demi-ténèbre, l'oreille tendue, elle percevait le bruissement de sa propre respiration (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 19).P. métaph. Les vérités éternelles (...) ne se dévoilent pas qu'aux yeux portant lunettes de philosophes... Ces demi-ténèbres cependant finirent par avoir leur charme de clair-obscur (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 85).
Prononc. et Orth.: [tenεbʀ ̥]. Ac. 1718: tenebres; dep. 1740: ténèbres. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 plur. « privation totale de lumière, obscurité » (Roland, éd. J. Bédier, 1431); 2. fig. a) cont. biblique α) 1remoit. xiies. désigne le néant, la mort, l'état de l'âme privée de Dieu, de la grâce [antithèse 'tenèbres'/'lumière'] (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XVII, 28: tu enlumineras les meies teniebres); ca 1200 (Job, éd. W. Foerster, p. 314, 16: A ceaz qui en tenebres et en umbre de mort seoient, est lumiere neie [Is. IX, 1; cf. Job III, 5]); id. désigne l'ignorance (ibid., p. 324, 6: De tenebres est li hom avironeiz car il est apresseiz de le oscuriteit de son non savoir); β) av. 1250 désigne l'enfer aler en tenebres (Guillaume Le Clerc, Tobie, 567 ds T.-L.); b) cont. non relig. α) 1225-30 désigne une atmosphère de tristesse, de langueur (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2729: Douz Regarz achace Les teniebres ou li cuers gist); β) 1580 désigne l'ignorance (Montaigne, Essais, II, 12, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 489: ce sont elles [les lettres] qui ont arraché nostre ame des tenebres pour luy faire voir toutes choses); 3. 1270 liturg. aler as tenebres (Philippe de Beaumanoir, Manekine, 7721 ds T.-L.). Empr. au lat.tenebrae, subst. fém. plur. « obscurité, nuit; ténèbres de la mort, de la cécité; enfers (Virgile; Horace); (fig.) obscurité de l'esprit; ténèbres de l'oubli; d'une situation embrouillée, difficile; du malheur ». Enrichissement sém. dans la lang. chrét.: le mot désigne l'enfer chrét.; les démons (fin ives. Prudence); le néant de l'ignorance, de l'incroyance, du péché: tenebrae mentis (Vulgate), iniquitatis (fin ives. Maximus Taurinensis), ignorantiae (ves. St Léon le Grand ds Blaise Lat. chrét.). Terme de liturg. (xiies. ds Blaise Latin. Med. Aev. et Nierm.) en raison des ténèbres qui accompagnèrent la mort du Christ (cf. Marc XV, 33) et que rappelait lors de la célébration de cet office l'extinction progressive des cierges allumés dans le chœur; ceux-ci figuraient la gloire de Dieu semblant disparaître peu à peu jusqu'à la mort du Christ. Fréq. abs. littér.: 3 904. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 162, b) 6 620; xxes.: a) 7 082, b) 4 390.

Wiktionnaire

Nom commun - français

ténèbres \te.nɛbʁ\ féminin pluriel

  1. Privation de lumière ; obscurité.
    • Ils sont encore une foule de subtiles niaiseries bien plus spirituelles que toutes celles là. Ce sont des notions, des relations, des formalités, des quiddités, des eccéités, toutes choses qui ne peuvent être aperçues que par ceux qui ont d'assez bons yeux pour voir au milieu des plus épaisses ténèbres, ce qui n'existe nulle part. — (Érasme; Éloge de la folie,1509. Traduction de Thibault de Laveaux en 1780)
    • N’est-il pas nécessaire d’ordonner aux maîtres de poste de loger et nourrir les courriers, au lieu de les renvoyer bien fatigués, au milieu des ténèbres de la nuit, chercher un gîte dans de mauvais cabarets ? — (Comte de Sanois, Questions proposées à toutes les assemblées, par un membre de la noblesse de celle de Meaux, 13 mars 1789)
    • Les ténèbres étaient épaisses, et, malgré sa connaissance des lieux, le capitaine n’avançait que difficilement à travers les ronces et les broussailles. — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, Éditions Amyot, Paris, 1858)
    • Après une minutieuse préparation, tant de la machine que du passager, à 4 heures du matin, je décolle dans les ténèbres, emmenant un solide gaillard Serbe, ex-chef célèbres de comitadjis. — (Jacques Mortane, Missions spéciales, 1933, page 223)
    • Gigantesque boucan à la dérive, le village reculait dans les ténèbres tandis que s’illunait la voile lancée dans l’estuaire. — (Patrick Cuenot, Phénix d'Oppède : aventure fabuleuse d'un cannibale du Brésil, L'Harmattan, 2011, page 202)
  2. (Religion) Enfer.
    • Les mots sacramentels : Venite, exultemus Domino, si souvent chantés par les templiers au moment d’attaquer leurs ennemis terrestres, furent jugés par Lucas convenables pour célébrer le triomphe prochain qu’il allait remporter sur les puissances des ténèbres. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • Pour guérir le dernier-né de la Reine, qui souffrait d'un abcès à la gorge et qu’Hadès semblait encore une fois attirer dans ses ténèbres, le médecin Olympos avait jugé qu'il fallait prendre les grands moyens : une incubation, et à Canope. — (Françoise Chandernagor, Les Enfants d'Alexandrie, éd. Albin Michel, 2011)
  3. (Catholicisme) Matines qui se chantent l’après-midi du mercredi, du jeudi et du vendredi de la semaine sainte.
    • Aller à Ténèbres. Entendre les ténèbres.
    • Car personne, chez nous, ne touche à l'amandier au moment de la floraison. L'arbre semble sacré ; et, même pour fleurir l'autel de la Vierge (qui pourtant en aurait bien besoin avant les dernières épreuves de la Semaine Sainte, et Ténèbres, et les temps de la mort qui précèdent Pâques), il ne se trouvera jamais une femme de nos villages qui consente à offrir à son église un de ces beaux rameaux fragiles et odorants qu'aimerait, j'en suis sûr, la mère de Dieu. — (Henri Bosco, L’Âne Culotte, 1937)
  4. (Figuré) Choses obscures ou incompréhensibles
    • Ils eurent un instant d'anéantissement ineffable, après lequel ils se réveillèrent, l'âme illuminée d'une lumière nouvelle, comme s'ils venaient de sortir des ténèbres. — (Isabelle Eberhardt, Yasmina, 1902)
    • Tout, autour de moi, s’est écroulé en ténèbres. Au milieu de ce noir, je me suis accoudé sur ma table ronde, que la lampe ensoleille. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TÉNÈBRES. n. f. pl.
Privation de lumière, obscurité. Les ténèbres de la nuit. Se trouver dans les ténèbres. Être enveloppé d'épaisses ténèbres. Dissiper les ténèbres. Dans le langage de l'Écriture, Les Ténèbres extérieures, Le séjour des réprouvés.

TÉNÈBRES se dit, en termes de Liturgie, des Matines qui se chantent l'après-dîner du mercredi, du jeudi et du vendredi de la Semaine sainte. Aller à Ténèbres. Entendre les Ténèbres. Il s'emploie aussi figurément. Les ténèbres de l'idolâtrie, du péché, de l'ignorance. Marcher dans les ténèbres. Des œuvres de ténèbres. Toute cette matière est pleine de ténèbres. Percer les ténèbres des temps anciens. L'ange des ténèbres, l'esprit des ténèbres, le prince des ténèbres, Le diable.

Littré (1872-1877)

TÉNÈBRES (té-nè-br') s. f. pl.
  • 1Obscurité, absence de lumière. Ô combien d'actions, combien d'exploits célèbres Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres ! Corneille, le Cid, IV, 3. Étendez votre main vers le ciel, et qu'il se forme sur la terre de l'Égypte des ténèbres si épaisses qu'elles soient palpables, Sacy, Bible, Exode, x, 21. Mille oiseaux effrayants, mille corbeaux funèbres De ces murs désertés habitent les ténèbres, Boileau, Lutr. III. Le fils d'Ulysse, l'épée à la main, s'enfonce dans ces ténèbres horribles [de l'enfer], Fénelon, Tél. XVIII. Mon penchant naturel est d'avoir peur des ténèbres, Rousseau, Confess. X. Je ne sens rien là de ces ténèbres visibles avec lesquelles la lumière se mêle, et qu'elle rend presque lumineuses, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 454, dans POUGENS.
  • 2Obscurcissement de la vue, qui se manifeste dans les défaillances. D'épaisses ténèbres lui couvrent les yeux ; les mains lâchent les rênes ; il tombe de son cheval, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 424, dans POUGENS.

    Les ténèbres de la mort, l'obscurité qui s'empare du mourant. Aussitôt ses beaux yeux noirs s'éteignirent et furent couverts des ténèbres de la mort, Fénelon, Tél. XX.

  • 3 En termes de l'Écriture, la sombre malfaisance des démons. Les temps de trouble arrivaient ; c'était l'heure de la puissance des ténèbres ; les apôtres étaient déjà comme au milieu de ces troubles, Bossuet, Méd. sur l'Év. la Cène, 78e jour. Ces esprits lumineux [les anges tombés] devinrent esprits de ténèbres, Bossuet, Hist. II, 1. Qu'a fait le démon, ce prince des ténèbres, ennemi de Dieu et jaloux de sa gloire ? Bourdaloue, Myst. Pent. t. I, p. 444. Et l'enfer, couvrant tout de ses vapeurs funèbres, Sur les yeux les plus saints a jeté ses ténèbres, Racine, Esth. Prol.

    Fig. Œuvre de ténèbres, œuvre aussi méchante que les œuvres du diable, Cet ouvrage de ténèbres [Histoire du ministère du cardinal de Richelieu], plus flétri sans doute par le mépris public que par l'arrêt qui le condamne, Voltaire, Mensonges impr. test. Richel. IX. Cette production de ténèbres est l'ouvrage ou d'un diable en trois personnes ou d'une personne en trois diables, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 10 oct. 1764.

    J. J. Rousseau a dit dans un sens analogue : L'immense édifice de ténèbres qu'ils ont élevé autour de lui, ne suffit pas pour les rassurer, 3e dial.

  • 4Dans le langage biblique, les ténèbres extérieures, la perdition, la damnation. Liez-lui les pieds et les mains, dit le roi [dans la parabole de l'Évangile], ôtez-lui la liberté dont il a fait un si mauvais usage, jetez-le dans les ténèbres extérieures, Bossuet, Méd. sur l'Évang. La dern. sem. du Sauveur, 34e jour. Ah ! si le serviteur inutile est jeté dans les ténèbres extérieures…, Massillon, Avent, Jugem. univ.
  • 5 Fig. Ce qui est comparé aux ténèbres. Prenez garde que Dieu ne vous laisse dans les ténèbres, Pascal, Prov. II. Jésus-Christ même se voyait contraint de chercher d'autres voiles et d'autres ténèbres que ces voiles et ces ténèbres mystiques dont il se couvre volontairement dans l'eucharistie, Bossuet, Reine d'Anglet. Ce fait nous montre de quelles ténèbres la prétendue sagesse des païens était accompagnée, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 311, dans POUGENS. Comme le monde entier est dans l'erreur et dans les ténèbres sur les devoirs de la foi, Massillon, Carême, Inconstance. L'homme plein de ténèbres et de passions depuis le péché, Massillon, Carême, tiéd. 1. Des systèmes établis dans des temps de ténèbres doivent disparaître dans notre siècle, Voltaire, Lett. Prost de Royer, 1er oct. 1763. Il [Fréret] avait fait dans les langues orientales et dans les ténèbres de l'antiquité autant de progrès qu'on en peut faire, Voltaire, Mél. litt. Lett. au prince de ***, 7, Fréret. Ténèbres de l'entendement humain, quelle main téméraire osa toucher à votre voile ? Rousseau, Ém. III. Souvent aussi cette lumière de l'Église [Bossuet] porte la clarté dans les discussions de la plus haute métaphysique ou de la théologie la plus sublime ; rien ne lui est ténèbres, Chateaubriand, Génie, III, IV, 4.
  • 6Dans la liturgie catholique, matines qui se chantent l'après-dînée du mercredi, du jeudi et du vendredi de la semaine sainte (il s'écrit avec une majuscule). J'ai trouvé de la douceur dans la tristesse que j'ai eue ici ; une grande solitude, un grand silence, un office triste, des Ténèbres chantées avec dévotion…, Sévigné, 26 mars 1671. L'autre… Pense être au jeudi saint, croit que l'on dit Ténèbres, Boileau, Lutr. IV. Jeudi saint 19 avril 1685 : à Ténèbres la roi entendit pour la première fois Quare fremuerunt de Lulli, qui fut fort loué, Dangeau, I, 157.

HISTORIQUE

XIe s. Cuntre midi tenebres i a granz, Ch. de Rol. CIX.

XIIe s. De cez tenebres soi vit avironeit li prophetes, Job, p. 469.

XIIIe s. Saint Matheus dit : Se ta lumiere est tenebre, les tenebres de toi que seront ? Latini, Trésor, p. 339. Et par la joie convient lors Que li cuers oblit ses dolors Et les tenebres où il iere [était], la Rose, 2755.

XIVe s. J'estoie toute nue, vous m'avez fait vestir ; Je vivoie en tenebres, fait m'avez esclacir [sic, lisez : esclarir], Guesclin. 8856.

XVe s. Car, ce disoit Socrate, la pensée des mortels est enveloppée de très espaisses tenebres, Bouciq. IV, 3.

XVIe s. La tenebre obscure, Marot, J. v, 295. Toute l'eaue de la mer ne seroit suffisante à effacer ceste tache, ne toutes les tenebres du monde pour la cacher, Du Bellay, M. 227. Tout ainsi que la lumiere Les tenebres devant soy chasse, Tout ainsi doulx regart defface Les tenebres où le cueur gist, Palsgrave, p. 877.

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Étymologie de « ténèbres »

(Date à préciser) Du latin tenebrae de même sens.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Provenç. tenebras ; espagn. tinieblas ; ital. tenebra, tenebria ; du lat. tenebræ. L'ancienne langue avait formé un substantif tenebror, beaucoup plus usité que ténèbres. Tenebræ est rattaché par les étymologistes au sanscr. tamas, obscurité, avec m changé en n à cause du b suivant.

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Phonétique du mot « ténèbres »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
ténèbres tenɛbr

Fréquence d'apparition du mot « ténèbres » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « ténèbres »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « ténèbres »

  • Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres.
    Lao-Tseu
  • Qui doit se casser le cou trouve un escalier dans les ténèbres.
    Proverbe italien
  • Trois bougies repoussent les ténèbres ; la vérité, la connaissance et les lois de la nature.
    Proverbe celtique
  • Plutôt que de maudire les ténèbres, allumons une chandelle, si petite soit-elle.
    Confucius
  • Il faudrait parvenir à cette sagesse élémentaire de considérer les ténèbres où nous allons sans plus d’angoisse que les ténèbres d’où nous venons. Ainsi, la vie prend son vrai sens : un moment de lumière.
    Paul Guimard — Le Mauvais temps
  • Oh ! combien d'actions, combien d'exploits célèbres Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres.
    Pierre Corneille — Le Cid, IV, 3, Rodrigue
  • L'homme fut sûrement le voeu le plus fou des ténèbres ; c'est pourquoi nous sommes ténébreux, envieux et fous sous le puissant soleil.
    René Char — Feuillets d'Hypnos
  • Vaincre les ténèbres par la science.
    Proverbe belge
  • Les disciples de la lumière n'ont jamais inventé que des ténèbres peu opaques.
    Robert Desnos — Corps et biens, Gallimard
  • On ne pourrait pas apprécier la lumière, si nous ne connaissions pas les ténèbres.
    Mick Deev
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Traductions du mot « ténèbres »

Langue Traduction
Anglais darkness
Espagnol oscuridad
Italien buio
Allemand dunkelheit
Chinois 黑暗
Arabe الظلام
Portugais trevas
Russe темнота
Japonais
Basque iluntasuna
Corse a bughjura
Source : Google Translate API

Antonymes de « ténèbres »

Combien de points fait le mot ténèbres au Scrabble ?

Nombre de points du mot ténèbres au scrabble : 8 points

Ténèbres

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