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Sang

Variantes Singulier Pluriel
Masculin sang sangs

Définitions de « sang »

Trésor de la Langue Française informatisé

SANG, subst. masc.

I. − [Le sang, liquide biologique]
A. −
1. Liquide organique rouge, cheminant par les artères et les veines dans les diverses parties du corps de l'homme et des animaux supérieurs et qui y entretient la vie. Œil injecté de sang. Après le repas de midi, le sang battait plus vite dans ses tempes (Mille,Barnavaux, 1908, p. 302):
1. ... il dit comment il avait eu très chaud aux joues, comment il s'était blotti davantage contre la chair brûlante de la fille (...), comment (...) [sous la caresse] il avait senti tous ses nerfs se tendre, tout son corps vibrer, tout son sang lui bousculer le cœur... Adam,Enf. Aust., 1902, p. 224.
2. Empl. adj.
a) Subst. + de sang.[P. oppos. à ce qui est esprit, en tant que caractéristique du corps, de la matière vivante] Des ombres familières semblent sortir des murailles pour se mêler, sous la lampe, aux êtres de chair et de sang (Duhamel,Suzanne,1941,p. 197).
Notamment dans des loc. De chair et de sang. Bien réel. Bizet, par le sortilège de sa musique, allait rendre à Carmen son vrai visage de fille passionnée, en faire la créature de sang et de volupté pour qui rien ne compte hormis son caprice, hormis le plaisir de soumettre l'orgueil du mâle en l'abaissant jusqu'au déshonneur et jusqu'au crime (Dumesnil,Hist. théâtre lyr., 1953, p. 152).
b) Domaine de la coul.
α) Subst. + de sang.Rouge vermeil. Ce rideau de pourpre, à travers lequel tremblote la lumière d'une lampe, répand sur les meurtriers un reflet de sang d'un effet terrible et lugubre [dans la Clytemnestre de Guérin] (Gautier,Guide Louvre, 1872, p. 16).Augmentez progressivement l'ardeur du foyer. Vous verrez s'élever des vapeurs (...). Les premières se condenseront (...); les secondes se sublimeront et garniront la voûte et la naissance du col de fins cristaux (...). Leur couleur, d'un rouge de sang magnifique, prend l'éclat des rubis quand (...) quelque vive lumière vient les frapper (Fulcanelli,Demeures philosophales, 1929, p. 138).
MINÉR. Pierre de sang. [N. comm. de l'hématite] L'hématite (...). Cet oxyde de fer est naturellement lourd (...); il est d'un beau noir brillant, mais son égrisée est rouge, d'où son nom commercial de « pierre de sang » (Metta,Pierres préc., 1960, p. 91).
Sang de pigeon*.
β) En appos. Couleur sang de bœuf. V. bœuf B ex. de Goncourt.Rouge sang. Géomancie: Rubeus, Puer. Couleur: rouge sang. Gemmes: rubis, grenat, sanguine, escarboucle (Divin.1964, p. 218).
γ) En compos., au fig. La prise de Jérusalem, d'après la Bible et l'histoire; avec la couleur rouge-sang qui en découle (Artaud,Théâtre et son double, 1938, p. 119).
3. P. anal.
ALCHIM. Sang des philosophes. Esprit minéral que les alchimistes supposaient être dans les métaux. (Dict. xixeet xxes.).
MÉD. VÉTÉR. Sang de rate (autrefois dans diverses régions, en Beauce notamment). Charbon des moutons. Ainsi le sang de rate, maladie spéciale à l'espèce ovine, transmise aux bêtes à cornes, devient chez celles-ci le charbon, chez l'homme elle donne la pustule maligne (Trousseau,Hôtel-Dieu, 1895, p. 105).
4. P. métaph. [P. réf. notamment à]
a) [la couleur du sang qui participe de la symbolique gén. du rouge] Le sang des coquelicots; le sang du raisin, des muscats de la vigne, des mûres; figues pleines de sang. La rougeur du couchant Se fond dans le gris bleu des brumes qu'elle teinte D'incendie et de sang (Verlaine,Poèmes saturn., 1866, p. 83).Il se mettait dans les yeux l'azur du saphir, le sang du rubis, l'orient de la perle, l'eau du diamant (Goncourt,Man. Salomon, 1867, p. 429).
b) [l'aspect fluide du sang, son caractère essentiel à la vie] Le cocher lui indiqua triomphalement le Corso (...) était-ce donc là le cœur de la ville, la promenade célébrée, la voie vivante où affluait tout le sang de Rome? (Zola,Rome, 1896, p. 2).L'argent est, à notre époque, le sang de l'humanité; quelque mal qu'on en dise, il représente l'élément fondamental de la circulation du travail unissant en un même corps toutes les nations qui, grâce à lui, peuvent échanger leurs produits et transformer leurs biens (Divin.1964, p. 205).
Au fig. La sensibilité, c'est le sang de l'âme, et, par ma blessure, ça s'en allait à torrents (Balzac,Lettres Étr., t. 3, 1846, p. 180).Mais la maison entière en gardait le frisson [des sonneries des cloches de la cathédrale] scellée à ces vieilles pierres, fondue en elles, vivant de leur sang (Zola,Rêve, 1888, p. 20).
P. anal. Sève. Un hêtre vigoureux étreignait un chêne élancé (...) [le chêne] portait (...) les deux entailles (...) que les branches irrésistibles du hêtre avaient creusées dans son écorce. Soudés à jamais par ces blessures (...) ils poussaient ensemble, et dans les veines de l'arbre violé coulait (...) le sang de l'arbre vainqueur (Maupass.,Notre cœur, 1890, p. 497).
Au fig. La force est la sève, le sang du rythme, elle suit la veine mélodique (...) répandant la vie, la chaleur, et produisant la beauté (Mocquereau,Nombre mus. grégor., 1927, p. 403).
P. métaph. Lazare venait de saisir la main de Pauline, dans un geste d'abandon charmant (...). N'était-elle pas le bon ange, comme il la nommait, la passion toujours ouverte d'où il ferait couler le sang de son génie? (Zola,Joie de vivre, 1884, p. 892).
[P. réf. au sang, principe corporel, véhicule des passions] Enfin la décroissance commençait. Il était authentique dans Alençon que le sang tourmentait mademoiselle Cormon (Balzac,Vieille fille, 1836, p. 314).
c) [à l'aspect vital et stimulant, notamment à propos d'un sang nouveau] Insuffler un sang nouveau. Offenbach, avec sa nature primesautière, son instinct merveilleux des ressources du théâtre, infusait à l'Opéra-Comique un sang nouveau (Saint-Saëns,Harm. et mélod., 1885, p. 219).
En partic. Sang(-)frais. Éléments nouveaux et notamment nouveaux capitaux. À cet apport en « oxygène » ou en « sang-frais » s'ajoutent d'ailleurs ceux de la technique d'Outre-Atlantique: il est difficile de nier qu'en matière de génie industriel alimentaire la plupart des grandes inventions nous viennent des États-Unis (L.-V. Vasseur, J.-J. Bimbenet, M. Hillairet, Les Industr. de l'alim., 1966, p. 82).
5. Loc. Au sang, jusqu'au sang. Jusqu'à ce que le sang affleure. Mordre, pincer, se gratter jusqu'au sang. Il se rongeait les ongles jusqu'au sang, ce qui lui gâtait les mains (France,Vie fleur, 1922, p. 400):
2. Il y eut un temps où les enfants étaient fouettés au sang. L'enfance de Gorki retardait seulement d'un siècle sur la nôtre. Locke que les pédagogues lisent encore, je ne sais pourquoi, ne connaît d'autre moyen que le fouet pour corriger l'enfant menteur. Alain,Propos, 1921, p. 312.
En sang. Couvert de sang. Bloch fut arrêté, jeté dans une cellule du sinistre fort Montluc, battu, torturé par des brutes. On le vit dans les locaux de la Gestapo, le visage en sang (L. Febvre,M. Bloch et Strasbourg, [1947] ds Combats, 1953, p. 407).
6. BIOL., MÉD.
a) Liquide rouge des vertébrés (blanc ou diversement coloré chez les autres animaux), visqueux, d'une odeur fade, légèrement salé, constitué d'une partie liquide (le plasma) et d'éléments figurés (les globules, les plaquettes) et qui, propulsé par le cœur dans un système fermé de vaisseaux (appareil circulatoire), remplit de multiples fonctions essentielles à l'organisme (notamment la fonction nutritive, respiratoire, excrétoire, immunisante). La moelle osseuse (...) semble posséder les mêmes fonctions hématopoïétiques − fabrication des globules rouges du sang − que la rate et les ganglions lymphatiques (G. Gérard,Anat. hum., 1912, p. 7).[Ludwig] a étudié (...) les gaz du sang au cours du travail musculaire (...), la pression du sang dans les capillaires (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 477).
b) Sang artériel/sang veineux
Sang artériel. Sang circulant dans les artères, enrichi par l'oxygène dû à la respiration et qui est d'un rouge vif. [Le foie] reçoit d'une part du sang artériel par l'artère hépatique et d'autre part la quasi-totalité du sang veineux provenant du tube digestif par la veine porte (Quillet Méd.1965, p. 128).
Sang veineux. Sang que les veines ramènent au cœur et qui est d'un rouge foncé. Il n'est nullement exact que le sang veineux soit radicalement impropre à entretenir la vie (Cadet de Gassicourt,Mal. enf., t. 2, 1882, p. 26).
c) Sang laqué*.
d) Coup de sang. Congestion. Mourir d'un coup de sang. De ces lettres disparues, brûlées, des phrases entières retenues par cœur hantaient la mémoire de l'amoureux, lui montaient au visage en coups de sang (A. Daudet,Sapho, 1884, p. 83).
e) ZOOL., vieilli
(Animaux) à sang chaud. Synon. mod. homéotherme.Abats. Les animaux à sang chaud fournissent des parties accessoires d'une valeur alimentaire variable (Macaigne,Précis hyg., 1911, p. 217).
(Animaux) à sang froid. Synon. mod. poïkilotherme (s.v. pœcilo-).Pendant les époques sèches ils [les escargots] se retirent dans les fossés (...). Sans doute y voisinent-ils avec d'autres sortes de bêtes à sang froid, crapauds, grenouilles (Ponge,Parti pris, 1942, p. 30).
SYNT. Sang épais et noir (ou noirâtre); sang rapide (et riche); sang vif (et vermeil); sang pauvre ou appauvri; sang extravasé; faire une prise de sang; tirer (à qqn) une palette de sang; caillot de sang; sang coagulé; types de sang (groupes sanguins); purifier, rafraîchir le sang; circulation du sang; régulation du sang; teneur du sang en (eau, glucides, protides, sels); taux du sucre dans le sang; sérum, fibrine, plaquettes du sang; (remède) qui arrête le sang (synon. hémostatique); coagulation du sang; hémoglobine du sang; la masse du sang; tension du sang dans les vaisseaux; transfusion du sang; poison, altération, maladies du sang; don, banque du sang; prise de sang; donneurs de sang bénévoles; sang frais, rouge, vivant; sang séché; sang hémorroïdal; sang menstruel; cracher du/le sang (à pleine bouche); rendre le sang par la bouche; pisser le sang; vomissement de sang.
7. ART CULIN. [En parlant d'une viande] Faire du sang (Ac.1878).Canard au sang. Caneton nantais de six à huit semaines que l'on rôtit une vingtaine de minutes et dont les cuisses découpées et les filets levés et coupés en fines tranches sont ensuite mêlés à une préparation faite à partir du sang de la carcasse pressée sous une presse spéciale, auquel sont ajoutés un consommé (préparé à partir d'une autre carcasse), un verre de porto, un autre de cognac et du foie haché cru (d'apr. La Reynière, Le Canard de la Tour [d'argent à Paris] ds Le Monde, 21 juill. 1990, p. 13). De cette dernière espèce est aussi le canard de Rouen, mort étouffé, plus connu sous le nom de canard au sang sur les cartes (La Reynière,Le Canard de la Tour [d'argent à Paris]ds Le Monde, 21 juill. 1990, p. 13).
8. Dans le domaine alim. ou agro-alim. (notamment dans la fabrication du boudin, d'engrais).Sang cuit, desséché, pulvérisé; farine de sang:
3. Ce soir là (...) Quenu (...) dut s'occuper du boudin (...). − Passez-moi le sang! cria Quenu (...). Auguste apporta les deux brocs. Et, lentement, il versa le sang dans la marmite, par minces filets rouges, tandis que Quenu le recevait, en tournant furieusement la bouillie qui s'épaississait. Zola,Ventre Paris, 1873, p. 689.
9. PÊCHE. Pêche au sang. L'emploi du sang semble réservé à la capture des Chevaines, mais certaines autres espèces n'en font pas fi, notamment les Gardons, les Rotengles, les Brèmes et même les Anguilles. (...) la pêche du Chevaine au sang demande de rôder (Pollet1970).
10. Au fig. ou p. métaph.
a) Avoir un/le sang chaud. Être ardent ou irascible. Ce Laroche, le vieil ouvrier délinquant, ne valait absolument rien; il n'avait pas, comme Tonsard, un sang chaud et vicieux, il était animé d'une haine sourde et froide, il travaillait en silence, il gardait un air farouche (Balzac,Paysans, 1850, p. 339).Avoir un/le sang froid. Être glacial, indifférent. La Môle: Patience, mon cher compagnon! (...) Cocomas: Mordi! comme vous avez le sang froid (Dumas père, Reine Margot, 1847, i, 1ertabl., 2, p. 6).
b) Être piqué au sang. Être piqué au vif. Elle s'arrêta enfin à une lettre anonyme (...). Si Ragu n'était pas, d'un coup, piqué au sang, exaspéré jusqu'à la démence, frapperait-il jamais? (Zola,Travail, t. 2, 1901, p. 28).
c) Faire bouillir le sang à qqn. Émouvoir. Je n'avais rien en tête, tu sais. C'était une escapade de collégien. La guerre du Farghestan ne me fait pas bouillir le sang, je t'avoue (Gracq,Syrtes, 1951, p. 67).Avoir le sang qui bout, bouillonne (ou pétille dans ses veines); son sang n'a fait qu'un tour. S'enflammer. Ce garçon est vierge et a atteint l'âge où le sang bouillonne (Huysmans,À rebours, 1884, p. 95):
4. ... le lion baissa la tête et, prenant dans sa gueule une sébile en bois posée devant lui sur le trottoir, il la tendit humblement du côté de Tartarin immobile de stupeur (...). Alors Tartarin comprit tout (...). Le sang du Tarasconnais ne fit qu'un tour: « Misérables », cria-t-il d'une voix de tonnerre, « ravaler ainsi ces nobles bêtes! » Et, s'élançant sur le lion, il lui arracha l'immonde sébile d'entre ses royales mâchoires... A. Daudet,Tartarin de T., 1872, p. 112.
d) Glacer le sang à; (son) sang (qui) se glace (dans ses veines); sang qui se glace d'effroi. Causer de l'effroi, ressentir de l'effroi. Le seul mot de république aurait suffi pour égarer sa raison, pour glacer son sang dans ses veines. La république n'avait jamais représenté pour lui que l'incendie, le meurtre et le pillage (Sandeau,Sacs, 1851, p. 45).L'étudiant retournait dans sa tête des idées contradictoires, auxquelles il était facile de répondre. Mais soudain, son sang se glaça (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 374).
e) Avoir du sang dans les veines/ne pas avoir de sang dans les veines ou, fam., avoir du sang de poulet, de navet. Être/ne pas être énergique ou courageux. MmeRenard répétait: « T'es pas un homme, t'es pas un homme. T'as du sang de poulet dans les veines » (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Trou, 1886, p. 580).V. navet B 1 a ex. de Montherlant.
f)
α) Fam. Se faire du bon sang; se payer une pinte de bon sang. S'en donner à cœur joie, s'amuser. [Le gamin] siffla, il eut un de ses rires aigus de vaurien échappé de l'école, qui se faisait du bon sang (Zola,Débâcle, 1892, p. 283).Chaque matin je me fais une pinte de bon sang à la lecture de ces fariboles et prévisions [des affiches électorales], que les événements démentent avec une remarquable régularité (L. Daudet,Brév. journ., 1936, p. 229).
β) Se faire du mauvais sang; se faire un sang d'encre. Se faire du souci, se tourmenter. M. de Charlus, se rappelant qu'il était de race plus pure que la Maison de France, se disait qu'il était bien bon de se faire tant de mauvais sang pour le fils d'un maître d'hôtel (Proust,Sodome, 1922, p. 1067).
γ) Au plur. ds des loc., pop., vieilli
Se faire des sangs; se manger, se ronger le/les sang(s); se rouiller les sangs (rare). S'inquiéter terriblement. Elle dépérissait de chagrin; son mari aussi vieillissait, « se mangeait les sangs », disait-on, se consumait en espoirs inutiles (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Hist. fille de ferme, 1881, p. 41).Demain, ils vont m'enlever l'eau!... Monsieur est en bombe!... Moi, je me rouille les sangs!... Ce sale raté! (...) avec ce détraqué depuis trente-cinq ans bientôt, je ne sais même pas ce qu'il va faire d'une minute à l'autre (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 489).Je m'en doute, que Monsieur se fait des sangs, et je le comprends (L. Daudet,Phryné, 1937, p. 135).
Faire tourner/retourner les sangs (à qqn); se tourner les sangs ou en avoir les sangs tournés (rare). Ah! madame, dit mademoiselle Joséphine (...) j'en ai les sangs tournés! (Mérimée,A. Guillot, 1847, p. 91).Gervaise se tournait les sangs: ce n'était pas l'occupation d'un homme, de faire du café (Zola,Assommoir, 1877, p. 470).Elle a vu dans la rue Vivienne un cheval emballé! Elle est revenue décomposée! Ça lui a retourné tous les sangs!... Jamais je l'avais vue si nerveuse! (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 383).
B. − En partic.
1.
a) [À propos du sang versé, du sang tel qu'il peut s'écouler pour des raisons pathol., traumatiques ou seulement physiol.] Émission, grande perte de sang; (être) couvert, fumant de sang; altéré, avide de sang; bain, effusion de sang; nager dans son sang; filet, jet de sang tiède; écraser, noyer (une insurrection, une révolte) dans le sang; inonder un pays, une ville de sang; inonder la terre d'un sang innocent, du sang des martyrs; répandre à flots le sang humain; le sang coule d'une plaie; le sang jaillit, ruisselle; fleuve, flot, ruisseaux de sang; flaque, mare, mer(s) de sang; la terre étant toute abreuvée, baignée, trempée de sang; abhorrer le sang. Dans une chambre tiède (...) Un cadavre sans tête épanche, comme un fleuve, Sur l'oreiller désaltéré Un sang rouge et vivant, dont la toile s'abreuve Avec l'avidité d'un pré (Baudel.,Fl. du Mal, 1857, p. 197).La peur de verser le sang n'est pas le respect de la vie d'autrui. Cette horreur du sang répandu est aujourd'hui généralisée chez les hommes (Mounier,Traité caract., 1946, p. 136).
b) Spécialement
α) RELIG. CHRÉT. Le Sang Sacré, le Sang Précieux. Le sang de Jésus-Christ qu'il a répandu (à la flagellation, au couronnement d'épines, à la crucifixion) pour le rachat des hommes. Contre ces Manichéens, le pape Gélase écrivait (...): « Nous avons découvert que quelques-uns prennent seulement le saint corps et s'affranchissent du sang sacré. Il faut que ceux-là reçoivent les deux parties ou soient privés des deux (...). » (Boegnerds Foi et vie, 1936, p. 124).Je m'attendais à communier de sa main, et seulement sous l'espèce du pain, mais il avait laissé du Précieux Sang dans le calice et me le désigna (Billy,Introïbo, 1939, p. 153).
P. ext. Le ,,sang de Jésus-Christ, dans le calice, après la « conversion » du vin`` (Marcel 1938). Synon. le vin eucharistique*.
La Chair et le Sang (de Jésus-Christ). Le Chapelain: Je n'aurais jamais cru que Rubens fût un prédicateur de l'Évangile. Le Vice-roi: Et qui donc mieux que Rubens a glorifié la Chair et le Sang; cette chair et ce sang mêmes qu'un Dieu a désiré revêtir et qui sont l'instrument de notre rédemption? (Claudel,Soulier, 1929, 2ejournée, 5, p. 735).
β) VÉN. Faire sang. ,,En parlant de l'animal blessé, semer des taches de sang sur sa voie de fuite`` (Burn. 1970).
Chien de sang. Chien spécialisé dans la recherche du grand gibier blessé. Synon. chien de rouge*.Le chien de rouge ou de sang ne doit pas être confondu avec le chien de rapport ou retriever, car sa tâche est de retrouver et il lui serait impossible même de traîner un grand animal (Duchartre1973, s.v. rouge).
2. Locutions
a) Avec valeur d'adj. Subst. + de sang
[Le subst. désigne un individu] Qui ne répugne pas à répandre le sang, sanguinaire. On s'est attaché particulièrement à prouver que le Tribunal Révolutionnaire était un tribunal de sang, créé par moi seul... Ce cri retentissait dans toutes les prisons (Robesp.,Discours, 1794ds Rec. textes hist., p. 86):
5. Le curé ne s'était nullement refusé à recevoir (...) des soldats prussiens (...) mais il ne fallait pas lui demander un seul tintement de sa cloche (...). C'était sa manière à lui de protester contre l'invasion (...) la seule (...) qui convînt au prêtre, homme de douceur et non de sang. Maupass.,Contes et nouv., t. 2, MlleFifi, 1881, p. 159.
[Le subst. désigne l'acte à l'orig. de l'effusion de sang] Crime de sang. Synon. de assassinat, homicide, meurtre.À côté de l'homicide et de ses variétés, englobés dans l'appellation générale de « crimes de sang » (...), la création de la propriété individuelle a déterminé l'apparition d'une autre catégorie délictuelle, les crimes contre les biens (Traité sociol., 1968, p. 214).
P. métaph. Tandis que les cuivres de l'orchestre crachent des notes de sang et de carnage, les ténors et les basses hurlent, au-dessus des lignes, le bonheur barbare des tueries héroïques (Bruneau,Mus. Russie, 1903, p. 185).
Au fig. Écrire, graver (qqc.) en lettres de sang. V. lettre I A 2.
[P. réf. à certains rites de fraternité de sang] Les hommes qui ont accompli les rites de la fraternité de sang ont acquis les mêmes droits que leurs nouveaux frères sur les épouses de ceux-ci: l'échange des femmes paraît comme un sceau supplémentaire au pacte qu'a déjà scellé l'échange du sang (Cuisinier,Danse sacrée, 1951, p. 32).
Vieilli. [À propos d'un duel] Duel au dernier sang. Duel à mort. P. oppos. Duel au premier sang. Duel avec arrêt à la première blessure de l'un des adversaires. (Dict. xixes.).
b) Loc. verb.
Le sang a coulé, a été répandu. Il y a eu des morts et/ou des blessés. Et le sang qui arrive et qui coule à grands flots Avec le nouveau-né... Avec l'enfant nouveau... La mère qui crie... L'enfant pleure... Le sang coule... La terre tourne La terre n'arrête pas de tourner Le sang n'arrête pas de couler Où s'en va-t-il tout ce sang répandu (Prévert,Paroles, 1946, p. 120).La plupart des journaux (...), des placards invectivaient contre les lois de messidor. (...) on en vint aux mains. Dans plusieurs villes, à Rouen, Amiens, Caen, des conflits semblables troublèrent l'ordre; à Bordeaux, le sang coula (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 543).
[À propos du sang sacrificiel] Demander à Dieu d'agréer le sang. Le fait du sacrifice de quelqu'un ou de quelque chose pour le bénéfice du croyant (Christ, bouc émissaire) est une idée absolument étrangère à l'islâm (...); de même celle en vertu de laquelle il pourrait être agréable à Dieu d'agréer le sang, la fumée, l'odeur du sacrifice (G.-H. Bousquet, Prat. rit. Islâm, 1949, p. 115).
c) Au fig. ou p. métaph.
Le cri du sang (de la victime, qui réclame vengeance). Le cri du sang a pour toujours séparé ces deux hommes [le juge et le frère du condamné] (Chateaubr.,Mél. pol., t. 1, 1814, p. 101).
Le prix du sang d'un soldat. Le prix de sa vie. C'est pourtant ce système entier [de l'équilibre européen] (...) que tous les maîtres de notre jeunesse nous avaient appris à considérer avec respect comme (...) le prix du sang de nos soldats, c'est tout cela (...) qui a été mis (...) à l'écart et à l'index par les théoriciens du droit nouveau (A. de Broglie,Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 238).
Arg. des soldats. Le sang des autres. ,,La Décoration de la Légion d'honneur ou de la Croix de guerre, quand elle est attrapée par faveur ou atteinte à l'ancienneté`` (Esn. Poilu 1919, p. 480).
Loc. verb.
Avoir les mains pleines de sang. Être coupable ou responsable de meurtre, d'assassinat. Les habitants de Juda étaient des enfants rebelles; ils étaient couverts de crimes. Non seulement Jahvé les en punit; mais il rejette encore leur culte purement extérieur, parce que leurs mains sont pleines de sang (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 990).
Boire, sucer le sang (à qqn). (L')affaiblir, (l')épuiser dangereusement. [La Bohémienne à sa bru:] Mon Tiarko malade, c'est à cause de toi, qui lui buvais le sang (...) tu l'empêchais de dormir (Richepin,Miarka, 1883, p. 32).Buveurs de sang (d'un peuple). Exploiteurs féroces, forcenés. Les Thermidoriens pourchassèrent les Jacobins et disloquèrent le gouvernement révolutionnaire; sous le couvert de la réaction contre les « buveurs de sang » et de la Terreur blanche (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 433).
Donner, verser son sang pour la patrie, pour défendre quelqu'un; verser (pour qqn) la dernière goutte de son sang. Donner sa vie pour. Je verserois mon sang pour le défendre; mais celui des chrétiens m'est trop cher pour rendre la liberté au vainqueur de Jérusalem (Cottin,Mathilde, t. 2, 1805, p. 297).Nous sommes prêts à verser pour vous la dernière goutte de notre sang (Chateaubr.,Mém. , t. 2, 1817, p. 308).
S'emparer (de qqc.) par le sang. S'emparer (de quelque chose) par la force des armes, en faisant couler le sang. Après avoir anéanti ceux qui, comme Carthage, avaient essayé de lui tenir tête; après s'être emparé, par le sang et la terreur, de l'Espagne et de la Gaule, le colosse [l'empire romain] exploitait méthodiquement son butin (P. Rousseau,Hist. transp., 1961, p. 46).
Mettre à feu et à sang. Saccager en brûlant et en massacrant. Le pays, qui avait été mis à feu et à sang, n'eut à donner, en échange des marchandises qu'on lui apportait, ni son coton, ni son indigo (L. Blanc,Organ. trav., 1845, p. 74).Vous n'allez tout de même pas mettre Paris à feu et à sang? (Dabit,Hôtel Nord, 1929, p. 194).
Payer de son sang. Payer de sa vie; p. ext., payer très cher. Depuis qu'Anna est là, mes oiseaux sont plus heureux, et moi, je suis plus calme. Elle vous montrera les bêtes qu'elle sauve et je vous apprendrai la vérité. J'ai payé de mon sang pour la connaître (Peyré,Matterhorn, 1939, p. 147).
Suer* sang et eau (fam.).
[Notamment en assoc. avec chair] Substance, réalité concrète. Ce que les illettrés de la musique appellent non sans mépris, « des accompagnements », ou ironiquement « de la science », c'est la chair et le sang de l'art musical, c'est sa substance tout simplement (Saint-Saëns,Harm. et mélod., 1885, p. 272).La cohésion de l'interprétation lui vaut aussi son unité dramatique, par son rythme, qui est le faisceau de tous les rythmes individuels, par sa note dominante: passion, folie, horreur ou allégresse. L'œuvre prend vie du sang de tous (Serrière,T.N.P., 1959, p. 156).
3. HIST. DE LA RELIG. CATH. Baptême du sang. Le martyre souffert sans avoir reçu le baptême. Le baptême du sang suffit pour acquérir la gloire éternelle (Ac.1878).
Au fig. Mes tendresses (...), si j'en ai jamais eues de véritables, puisaient une force nouvelle dans ces tortures de toutes les minutes. Il faut peut-être que l'amour soit comme les religions viables et qu'il ait son baptême de sang (Du Camp,Mém. suic., 1853, p. 299).
4. [Dans des jurons]
Vieilli. (Par le) sang de Dieu! (Par le) sang du Christ! Synon. p. euphém. palsambleu.« Qui est-ce là? » répéta le Suisse d'une voix tremblante, son arquebuse couchée en joue (...). « Ohé! ohé! l'ami, gardez-vous bien de bouter le feu à votre escopette. Là, là! sang de Dieu! Vous ne respirez que morts et carnage! » s'écria le nain (Bertrand,Gaspard, 1841, p. 146).Ulric: Sang du Christ! laisse-moi passer, Mansfeld! Mansfeld: Non! (Il tire son épée). Ulric: Ah! c'est ainsi! Ah! tu le veux! (Feuillet,Scènes et prov., 1851, p. 226).
En compos. Sang-dieu! Il faudrait un dithyrambe Pour célébrer tes appas. Car, sang-dieu! ton bas de jambe Ne ment pas (Richepin,Caresses, 1877, p. 103).
Bon sang! bon sang de bon sang! bon sang de + subst. Bon sang de bon sort, quelle course! râla Croquebol époumonné (Courteline,Train 8 h 47, 1888, 2epart., 8, p. 190).Ah! Cette bon sang de guerre, les Boches seront les seuls à s'en relever vite (Proust,Temps retr., 1922, p. 844).
Au plur., rare, vieilli. [Le chemineau:] Tout ça ne compte pas, peut-être? Mais, bons sangs! Tu m'en offrirais pour des mille sur des cents (...) Que je ne voudrais pas troquer! (Richepin,Chemineau, 1897, iv, 5, p. 118).
5. P. méton. Violence. S'agissant de la Tunisie, l'orateur voudrait que M. Edgar Faure dît (...) s'il ne reconnaît pas que la violence et le sang ont toujours été le prix de la faiblesse (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 5, col. 5):
6. Ces feuilles, auxquelles on a donné le nom de « canards », qui comportent à la fois un texte et une gravure (...), sont les lointaines aïeules de l'illustré (...). Elles sont consacrées aux événements militaires, aux massacres, aux faits singuliers (...). C'est déjà dans le domaine graphique la recherche du sensationnel, le goût trop humain du sang et du mystère. Civilis. écr., 1939, p. 34-9.
Sang à la une. ,,Fait divers violent qui figure habituellement en page une des journaux à grand tirage pour en favoriser la vente`` (cfpj Presse 1982).
P. méton. ,,Exploitation systématique des informations ayant trait aux crimes et catastrophes`` (cfpj Presse 1982).
II. − [Le sang traditionnellement considéré comme le vecteur des caractères héréditaires et raciaux]
A. −
1. [À propos de l'hérédité de caractères biol., mor.] Celui-là, incontestablement, par un lignage quelconque, a reçu du sang infusé dans ses veines les vertus supérieures, les mérites sacrés que l'on voit exister en lui, que le monde ambiant ne lui a pas communiqués (Gobineau,Pléiades, 1874, p. 20).La seconde partie a plus d'élan (...) le sang italien y coule et l'anime (P. Lalo,Mus., 1899, p. 387).
Loc. Avoir (qqc.) dans le sang. L'avoir par nature, de naissance. Avoir le métier dans le sang. Les Espagnols ont les courses dans le sang et les leur interdire serait « grande violence » (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 514).
Il a ça dans le sang. C'est inné, c'est d'instinct. Il avait ça dans le sang, disait-il, ça le démangeait d'en descendre quelques-uns, depuis les récits de 1814, dont on avait bercé son enfance, là-bas en Alsace (Zola,Débâcle, 1892, p. 217).
Pop. Avoir (qqn) dans le sang. L'aimer follement. Synon. avoir (qqn) dans la peau (v. peau A 2 a β).[Berthe:] On sait ce que c'est que d'avoir un homme dans le sang (L. Daudet,Ariane, 1936, p. 151).
2.
a) Extraction, souche, lignée, famille. Être lié par le sang; être du même sang; être d'un sang illustre; être de sang auvergnat, breton; d'un sang breton, méditerranéen, du vieux sang florentin; avoir du sang irlandais, portugais. Ah! monsieur et cher père, est-ce bien vous? (...) Et vous m'apportez les papiers à l'aide desquels il me sera possible de constater le sang dont je sors? (Dumas père, Villefort, 1851, i, 2etabl., 10, p. 159):
7. Si nous avons, nous modernes, une sensibilité si fine et une « nervosité » dont nous sommes fiers (...), c'est peut-être que les hommes du moyen âge, dont nous sommes le sang, ont eu des passions autrement violentes, ce semble, des douleurs, des aspirations, des épouvantes intimes autrement variées que les Grecs anciens. Lemaitre,Contemp., 1885, p. 159.
Tenir qqc. du sang paternel/maternel. MlleJudici tenait du sang paternel cette peau jaunâtre au jour, qui, le soir, aux lumières, devient d'une blancheur éclatante (Balzac,Cous. Bette, 1846, p. 406).
Le sang de/des. Les Français n'ont-ils pas essayé assez longtemps le sang des Capets? Ils savent par une expérience de huit siècles que ce sang est doux; pourquoi changer? (J. de Maistre,Consid. sur Fr., 1796, p. 101).
Frère, sœur de sang. Du même sang, issu(e) des mêmes parents. À une certaine distance [du tombeau] elles [les femmes qui célèbrent le rite de clôture du deuil] rencontrent un frère de sang de la morte qu'accompagnent quelques-uns de ses frères tribaux (Durkheim,Formes élém. vie relig., 1912, p. 564).
b) Les liens du sang, le sang. Liens de parenté, attachement entre les membres d'une même famille. Le sang est plus fort que les décrets de la politique et que les commandements de la religion (Barrès,Amit. fr., 1903, p. 208).Ce fut une théorie chère aux encyclopédistes que celle de l'indifférence aux origines des individus; pour eux les liens du sang étaient des puérilités, le milieu social ne comptait pas, seul valait l'homme (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 725).
P. métaph. (La) voix du sang. Sentiment d'affection instinctive liant les membres d'une même famille. Les voix des générations disparues se répondaient en lui, mêlées aux échos du terroir, ces voix du sang qui ne se taisent plus, une fois éveillées (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 182).
(Avoir du) sang bleu. (Être d')origine aristocratique. V. bleu I B 1.
Droit du sang. Droit que la naissance donne. Il parvint à la couronne par le droit du sang (Ac.1935).
Prince, princesse du sang. Prince, princesse issu(e) de la famille royale par les mâles. [Les notables] le déçurent et, le 12 décembre, les princes du sang remirent à Louis XVI une supplique qui, par sa clarté et son accent pathétique, peut être considérée comme le manifeste de l'aristocratie (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 122).
Proverbe. Beau/bon sang ne peut/ne saurait mentir. Les qualités (ainsi que les défauts) des parents se retrouvent chez les enfants. Bon sang ne peut mentir, après tout. Le papa vend de la mauvaise bière, et la fille... On vend ce qu'on a (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 88).
B. − [À propos de l'hérédité de caractères phys., notamment raciaux]
1. Race d'hommes. Antagonisme de deux sangs. Le nez, droit quand le sang est pur, s'élargit vers la base, quand il n'y a qu'un faible mélange de sang nègre (Fromentin,Été Sahara, 1857, p. 160).
2. En partic.
a) Mêler les sangs. Croiser des races. Mélange des sangs. Pour la première fois les anarchistes avaient voté, afin d'obtenir la libération des prisonniers des Asturies. C'étaient des sangs asturiens mêlés que montaient l'unité de Barcelone et l'espoir qu'avait Puig de voir se maintenir cette oriflamme rouge et noire enfin déployée, et qui jusqu'alors n'avait été qu'un drapeau secret (Malraux,Espoir, 1937, p. 451).
Loc. adj. ou subst. Subst. + au/de sang mêlé.Des femmes qui ne sont plus les Allemandes de Berlin, mais des femmes au sang mêlé, des femmes sensuelles (...); des femmes brunes, des métisses de Russes, de Hongroises, de Croates et de Bohêmes (Goncourt,Journal, 1860, p. 816).
Empl. subst. Un/une sang-mêlé*.
b) [À propos des animaux, notamment des chevaux] Cheval de sang/de pur sang. Cheval de race. [Montluc] avoue ses opiniâtretés, ses colères, qui sentent le cheval de sang et de race (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 11, 1854, p. 64).
Cheval demi-sang, pur-sang, p. ell. demi-sang*, pur-sang*.
P. anal. [En parlant d'une pers.] Authentique, véritable. Je dis à mon compagnon, M. Martini, un méridional pur sang: « Voilà, certes, un des plus rares spectacles qu'il m'ait été donné d'admirer (...) » (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, MmeParisse, 1886, p. 729).
REM.
Sanguette, subst. fém.,art culin. Mets préparé avec du sang de volaille, mêlé d'ail, de persil et de petits lardons, et poêlé. Le goût de la sanguette est, à peu de choses près, celui du boudin (Ac. Gastr.1962).
Prononc. et Orth.: [sɑ ̃]. Homon. sans, cent et formes de sentir. Pas de liaison sauf parfois dans La Marseillaise: sang impur [sɑ ̃kε ̃py:ʀ] et dans suer sang et eau [sɑ ̃keo]. V. joug. Étymol. et Hist. A. 1. a) Fin xes. « liquide rouge qui, circulant par les artères et les veines, entretient la vie » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 386); 1520 sang arterial, sang veynal (Jean Falcon, Notables sur le Guidon, f o71 ds Sigurs, p. 299); spéc. α) 1781 zool. animaux à sang chaud, à sang rouge, à sang froid, à sang blanc (Valmont de Bomare, I, 272 d'apr. FEW t. 11, p. 170a); β) 1740 cuis. lièvres au sang, pigeons au sang (Ac.); b) ca 1050 relig. chrét. sanc precïus en parlant du sang que Jésus Christ a répandu pour la rédemption des hommes (Alexis, éd. Chr. Storey, p. 67); 2. ca 1100 « le sang évoquant la mort violente » (Roland, éd. J. Bédier, 2872); 1remoit. xiies. humes de sancs (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, 58, 2); id. mains laver en sanc del pecchedur (ibid., 57, 10); 1574 se baigner dans le sang (Garnier, Cornelie, III, 817 ds M. Wiedemann, Le Thème du sang dans les tragédies de Corneille et de Racine, p. 34); 1625 tremper ses mains dans le sang (Hardy, Mariamme, II, 1, 343, 344, ibid.); 1636 mettre en sang (Tristan, Mariane, V, 2, 1622, ibid.); 1694 se battre au premier sang (Ac.); 3. a) ca 1165 en parlant de divers états de l'âme qui semblent correspondre à divers états du sang (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 8853: Mout fut iriez Polidamas E sanc mua e la color); 1176 (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4964: Li sans au la face li monte); 1574 le sang gèle à qqn dans les veines (Garnier, op. cit., II, 403 ds M. Wiedemann, loc. cit.); 1583 le sang de qqn se glace dans les veines (Id., Les Juifves, IV, 1351, ibid.); 1624 le sang bout a qqn dans les veines (Hardy, Didon, II, 3, 502, ibid.); 1673 rafraîchir le sang (Molière, Malade imaginaire, I, 1); 1685, 15 août échauffer le sang (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 232); 1718 cela fait faire du mauvais sang (Ac.); b) α) 1346 « ardeur, énergie de tempérament » a sang rassis (Miracles de Nostre Dame, éd. G. Paris et U. Robert, I, 366); 1538 estre de sang rassis (Est., s.v. sanus); 1456-67 ravoir son sang (Les Cent Nouvelles nouvelles, II, 135, éd. F. P. Sweetser, p. 35); 1554 avoir du sang aux ongles « être brave » (Thevet, Cosmogr., IX, 17 ds Hug.); 1798 n'avoir pas de sang dans les veines (Ac.); β) 1608 un sanc bouillant « un homme vif, impétueux » (Palma Cayet, Chron. nov., p. 673 ds Gdf. Compl.); 4. 1600 « le sang considéré comme le bien le plus précieux » (Fauchet, De l'origine des dignitez de France, II, p. 59 ds La Curne); 1588 suer sang et eau (Ollenix du Mont-Sacré, Sec. liv. des berg. de Julliette, f o419 r ods Gdf. Compl., s.v. suer); 1647 donner son sang pour qqn (Corneille, Rodogune, II, 4, vers 702); 1690 payer de son sang (Fur.). B. 1. Fin xiie-déb. xiiies. « famille » (Le Chastoiement d'un père à son fils, éd. A. Hilka et W. Söderhjelm, p. 160); 1368 estre du sang de (Ord., V, 113 ds Gdf. Compl.); 1360-70 boins sans ne poet falir (Baudoin de Sebourc, IX, 441, ibid.); 1577 le vray sang qui ne peut mentir (Belleau, La Reconnue ds Anc. théâtre fr., t. 4, p. 433); 2. 1625 « le sang; les sentiments d'affection entre les membres d'une même famille » (Hardy, La Force du sang); 1677 liens du sang (Racine, Phèdre, IV, 1); 1715 la voix du sang (Lesage, Gil Blas, X, 2); 3. 1718 en parlant de races d'hommes (Ac.). Du lat. sanguem (ca 200, CIL 6, 2104, 22 d'apr. FEW t. 11, p. 178a), acc. d'une forme parisyllabique issue du lat. class. sanguis, sanguinis « sang qui coule », « sang en tant que constituant la parenté ou la descendance », « sang en tant que symbole de la force ». Fréq. abs. littér.: 15 407. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 22 759, b) 24 744; xxes.: a) 25 204, b) 17 685. Bbg. Godineau (D.). Buveur de sang, sang, sanguinaire (an III). Dict. des usages socio-politiques (1770-1815). 1. Paris, 1985, pp. 39-53. − Kristol (A. M.). Color. Berne, 1978, p. 209. − Mon sang n'a fait qu'un tour. Fr. mod. 1943, t. 11, pp. 139-145. − Quem. DDL t. 2, 10, 12, 13, 16, 19, 25, 28, 31, 32. − Sacré (J.). Un Sang maniériste. Neuchâtel, 1977, 183 p. − Sangs. Prés. par M. Milner. Romantisme. 1981, n o31, pp. 5-245.

Wiktionnaire

Adjectif - français

sang \sɑ̃\ invariable

  1. De couleur rouge sombre et brillant. #850606
    • Exemple d’utilisation manquant. (Ajouter)

Nom commun - français

sang \sɑ̃\ masculin

  1. (Anatomie) Organe liquide constitué de globules rouges, de cellules immunitaires (globules blancs) et de plaquettes sanguines, baignés dans le plasma sanguin et servant à l’oxygénation du corps animal ou humain.
    • Les Naïs ont quelque analogie avec les Lombrics ; leur sang est rouge et leur circulation très-facile à observer. — (Dictionnaire Pittoresque d’Histoire Naturelle & des Phénomènes de la Nature, sous la direction de F.E. Guérin, tome5, 1837, page 581)
    • Vuillet était la bête noire d’Aristide. Il ne se passait pas de semaine sans que les deux journalistes échangeassent les plus grossières injures. En province, où l’on cultive encore la périphrase, la polémique met le catéchisme poissard en beau langage : Aristide appelait son adversaire « frère Judas », ou encore « serviteur de saint Antoine », et Vuillet répondait galamment en traitant le républicain de « monstre gorgé de sang dont la guillotine était l’ignoble pourvoyeuse. » — (Émile Zola, La Fortune des Rougon, G. Charpentier, Paris, 1871, chapitre III ; réédition 1879, page 99)
    • D’un coup de rasoir, je lui coupai la tête, et le tronc, d’où un flot de sang s’échappait, gigota quelques secondes sur le parquet. — (Octave Mirbeau, La tête coupée)
    • La sérine du sang ressemble beaucoup à l’albumine de l’œuf ; elle constitue également l’albumine pathologique des urines. — (Cousin & Serres, Chimie, physique, mécanique et métallurgie dentaires, 1911)
    • Et Jourgeot, d’un œil hagard, dilaté, le rouge au front, le sang aux tempes, voyait tout cela, un étrange pincement au cœur. — (Louis Pergaud, La Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • La respiration demeure calme, le cœur est encore bon, mais le sang lui dégouline du crâne sur le nez, dans les yeux, poisse la chemise. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • La plus récente causerie de Wambery portait sur l’existence d’un tyran walachien, le Voïvode Drakula (ou Vlad Drakul), réputé buveur de sang humain. Le tout-Londres ne parle bientôt plus que de vampires. — (François Rivière, Dracula, cent ans et toutes ses dents, dans Libération (journal), 31 décembre 1987)
    • Le sang est un organe liquide du fait que, contrairement aux autres organes, il contient un pourcentage exceptionnel de tissu liquide. — (Katrin Tarnowski, ‎Wolfgang Tarnowski, ‎J. Laversanne, Notre corps, Éd. Chanteclerc, 1975)
  2. (Figuré) Ce fluide qui coule dans les combats et les massacres.
    • Hélas ! que sont devenues aujourd’hui ces glorieuses conquêtes enviées par l’Europe entière, où le sang des bourreaux s’est confondu avec le sang des victimes au profit de cette autre nation si fière. — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, Éditions Amyot, Paris, 1858)
    • Le sang de ces chiens maudits, dit le grand maître, sera une offrande agréable et douce aux saints et aux anges qu’ils méprisent et qu’ils blasphèment. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • Étonnez-vous donc, après tout ça, que les Évêques aient chanté le Te Deum pour Napoléon III ; l’homme couvert de sang ne leur déplait pas ; c’est peut-être même à cela qu’ils reconnaissent le favori de Dieu. — (Émile Thirion, La Politique au village, Fischbacher, 1896, page 132)
    • Admettre cette préséance, c’est léser l’esprit républicain, porter atteinte aux principes de 89, faire fi des sacrifices consentis par les révolutionnaires de 1830 à 1871, c’est accepter de voir rétablir les iniquités qu’ils ont combattues au prix de leur sang ! — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • (Par analogie) On peut même couper avec des ciseaux les deux antennes d’un Zygène sans troubler son repas, bien qu’une goutte de sang jaune vienne perler sur la surface de section. — (Paul Portier, La biologie des lépidoptères, Éditions P. Lechevalier, 1949, note 1 page 445)
  3. Race ; famille ; lignée ; lignage → voir liens du sang.
    • Sa figure intelligente, dont les traits et le teint trahissaient une assez forte proportion de sang soudanais, […], prenait par moments une expression de grande affabilité. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 67)
    • Elle était née à Pondichéry, d’un père philippin et d’une mère hindoue, l’un et l’autre de sang mêlé. — (Pierre Louÿs, Psyché, 1927, page 57)
    • Par ailleurs, l’une de ses arrière-arrière-grand-mères étant née à La Nouvelle-Orléans dans une famille d’origine martiniquaise. John Lewis a aussi un peu de sang français... — (Thierry Lalo, John Lewis, Éditions du Limon, 1991, page 10)
    • La psychanalyse pourrait expliquer et éclairer de nombreux mécanismes de la Mafia. Tuer le père pour un mafieux est presque naturel, car l’appartenance à l’organisation se base sur le sang. — (Roberto Saviano : « Tout ce que montre “Gomorra” est vrai » propos recueillis par Daniel Psenny publiés dans Le Monde le 24 septembre 2016)
  4. Essence d’un être définissant profondément le groupe auquel il appartient, comme à une race ou à une famille.
    • – Bon, dit Monsieur, j’espère que le cardinal ne va pas nous allier avec les protestants.
      – Eh! dit M. le Prince, si c’était cependant, le seul moyen de contenir en Allemagne Wallenstein et ses bandits, pour mon compte je n’y mettrais point d’opposition.
      – Allons, fit Gaston d’Orléans, voilà le sang hugenot qui parle.
      – J’aurais cru, dit en riant M. le Prince, qu’il y avait bien autant de sang huguenot dans les veines de Votre Altesse que dans les miennes : de Henri de Navarre à Henri de Condé, la seule différence qu’il y ait, c’est que la messe a rapporté à l’un un royaume et à l’autre rien du tout.
      — (Alexandre Dumas, Le comte de Moret (Le sphinx rouge), 1865, II, 4)
  5. Enfants par rapport à leurs parents.
    • C’est votre fils, c’est votre sang.
    • La voix du sang, L’attrait secret qu’on prétend que la nature donne quelquefois pour une personne de même sang, quoiqu’on ne la connaisse pas.
  6. (Hippologie) Race, en parlant des chevaux.
    • Si ce sont des chevaux de distinction, ayant une certaine dose de sang anglais, on les chausse avec de vieux fers à l’anglaise à leur passage à Nîmes ou tout autre ville, et on les dit originaires d’outre-Manche. — (Gabriel Maury, Des ruses employées dans le commerce des solipèdes, Jules Pailhès, 1877)
  7. Goûts, disposition innée.
    • J’ai cela dans le sang.
    • Les deux mille hectares de Bernard ne l’avaient pas laissée indifférente. « Elle avait toujours eu la propriété dans le sang. » — (François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, Grasset, 1927)
  8. (Familier) Personne à qui l’on fait confiance, et que l’on considère comme faisant partie de sa famille.
    • Yasmine, c’est le sang.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SANG. n. m.
Liquide rouge qui, circulant par les artères et les veines dans les diverses parties du corps de l'homme et des animaux y entretient la vie. Sang artériel. Sang veineux. Sang extravasé. Un caillot de sang. Le sang coule, circule dans les veines. La circulation du sang. Tirer à quelqu'un une palette de sang. Un sang riche. Un sang pauvre, appauvri. Ce remède purifie, rafraîchit le sang. Le sang coulait, ruisselait de sa plaie. Il est tout en sang. Il crache du sang, le sang. On le trouva baigné dans son sang. Il était couvert de sang. Il perdait tout son sang. Elle a eu une grande perte de sang. Le sang lui monte à la tête, au visage. Éviter l'effusion du sang. Des ruisseaux de sang. La terre était toute trempée de sang. Transfusion du sang. Le sang des martyrs. Le sang précieux de Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST ou simplement le Précieux sang. Il a donné son sang pour nous racheter. Le corps et le sang de Notre-Seigneur JÉSUS-CHRIST dans le mystère de l'Eucharistie. Coup de sang, Hémorragie cérébrale. Il y a eu beaucoup de sang répandu dans cette guerre, dans cette bataille, Beaucoup d'hommes y ont péri. Faire couler le sang, Être cause d'une guerre ou d'une rixe sanglante. On dit de même : Le sang a coulé, a été répandu, Il y a eu des personnes blessées dans cet engagement, dans cette rixe. Se battre au premier sang, Se battre en duel, sous la condition de cesser le combat aussitôt qu'un des deux adversaires aura été blessé. Mettre un pays à feu et à sang, Le ravager et y commettre toutes sortes de cruautés. Mettre quelqu'un en sang, tout en sang, Blesser quelqu'un de manière qu'il soit couvert de sang. Fouetter, mordre jusqu'au sang, Jusqu'à entamer la chair et en faire sortir le sang. Fig., Il aime le sang, il est altéré de sang, il se plaît dans le sang, il se repaît de sang se dit d'un Homme cruel qui aime à répandre le sang. On dit de même : Se baigner dans le sang, Faire mourir beaucoup de monde, par cruauté. Fig., Verser le sang, répandre le sang, tremper ses mains dans le sang, Donner la mort à un homme, à des hommes. Épargner le sang, Épargner la vie des hommes. Fig., Le sang de cet homme crie vengeance, demande vengeance, Il faut que le meurtre de cet homme soit vengé. Fig., Que son sang soit sur nous et sur nos enfants, Que la responsabilité de sa mort retombe sur nous et nos enfants. Fig., Payer une chose de son sang, Être mis à mort pour l'avoir faite ou dite. Fig., Laver son injure dans le sang, Se venger de quelque insulte flétrissante, en tuant ou blessant celui de qui on l'a reçue. Fig., Je donnerais de mon sang, le plus pur de mon sang pour... se dit quand on veut exprimer les Sacrifices que l'on serait disposé à faire pour une personne ou pour une chose. On dit aussi familièrement : Je voudrais qu'il m'en eût coûté une pinte de mon sang et que cela fût ainsi, ne fût pas ainsi. Fig., Je le signerais de mon sang se dit pour Assurer la vérité d'une chose. Fig., Je n'avais pas une goutte de sang dans les veines se dit pour exprimer qu'on était saisi d'effroi, d'horreur. Fig., Cela rafraîchit le sang, calme le sang se dit de Ce qui arrive d'agréable. Fig., Cela fait faire du mauvais sang se dit de Ce qui arrive de fâcheux. On dit familièrement dans un sens analogue : Se faire du mauvais sang, Éprouver de l'ennui, de l'impatience, de l'inquiétude; et dans le sens contraire : Se faire du bon sang, se faire une pinte de bon sang, Éprouver du contentement, du plaisir. Fig., Cela glace le sang se dit de Ce qui cause un grand effroi. Cette nouvelle a glacé mon sang dans mes veines. Fig., Cela fait bouillir le sang se dit de Ce qui cause beaucoup d'impatience. Mon sang bout quand je vois de pareilles choses. Fig., Le sang lui bout dans les veines se dit d'un Jeune homme ardent, fougueux, qui est dans la première vigueur de l'âge. Fig., Le sang lui monte à la tête, Il est près de se fâcher, de se mettre en colère. Le sang lui monte facilement à la tête. Fig. et fam., Tout mon sang n'a fait qu'un tour, J'ai été vivement ému, j'ai été bouleversé. Fig., Pleurer des larmes de sang, Répandre des larmes amères, avoir un extrême regret. Fig., Suer sang et eau, Faire de grands efforts, se donner beaucoup de peine. Fig., Sucer le sang du peuple, s'engraisser du sang du peuple se dit des Gens en place qui font des concussions, qui pillent le peuple. Fig., Cet homme a du sang dans les veines, Il est sensible à l'injure, il sait la repousser avec vigueur. Il n'a pas de sang dans les veines, Il n'a pas de vivacité, d'énergie. Fig., Il a le sang chaud, Il est prompt et colère. Fam. et pop., Avoir du sang de poulet, du sang de navet se dit d'une Personne sans énergie, d'un poltron. Fig., Avoir du sang bleu, Être d'une origine aristocratique. Fig., Impôt du sang, Service militaire. En termes de Théologie, Baptême de sang, Martyre souffert sans avoir reçu le baptême. En termes d'Histoire naturelle, Animaux à sang blanc, Les mollusques et autres animaux dont le sang est blanc; par opposition aux Animaux à sang rouge, Les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles et les poissons. Animaux à sang froid, Animaux dont le sang n'est pas sensiblement plus chaud que le milieu qu'ils habitent. Sang-froid. Voyez ce mot à son rang alphabétique.

SANG, en termes de l'Écriture sainte, désigne la Nature humaine; et dans cette acception il est ordinairement joint au mot Chair. JÉSUS-CHRIST a dit à saint Pierre : Ce n'est point la chair et le sang qui vous l'ont révélé. On dit dans une acception analogue : Les affections de la chair et du sang, Les sentiments naturels. Il signifie aussi, figurément, Race, extraction, famille. Être de noble sang, d'un sang vil, d'un sang abject. Être d'un sang illustre, de sang royal. Les liens du sang. Il est du sang de ce héros. Le sang des du Guesclin. Princes du sang, Les princes qui sont de la maison régnante. Droit du sang, Le droit que la naissance donne. Il parvint à la couronne par le droit du sang. Un homme de sang mêlé et elliptiquement Un sang mêlé, Un homme issu du croisement de races différentes. Cela est dans le sang se dit quand Une personne a quelque bonne ou quelque mauvaise qualité, qu'elle tient de famille. Il se dit aussi de Goûts, de dispositions innées. J'ai cela dans le sang.

SANG se dit aussi, dans un sens moins étendu, des Enfants par rapport à leur père. C'est votre fils, c'est votre sang. Je reconnais mon sang à cette noble résolution. La voix du sang, L'attrait secret qu'on prétend que la nature donne quelquefois pour une personne de même sang, quoiqu'on ne la connaisse pas. Prov. et fam., Bon sang ne peut mentir, Les personnes nées d'honnêtes parents ne dégénèrent point.

SANG se dit aussi dans le sens de Race, en parlant des Chevaux. Un cheval de sang arabe. Un cheval de pur sang et elliptiquement Un pur sang. Demi-sang, Produit d'un cheval de pur sang avec un autre de race commune.

Littré (1872-1877)

SANG (san ; devant une voyelle ou une h muette, le g se lie et se prononce k ; un san-k illustre ; suer san-k et eau ; c'est aussi la règle que dans le XVIIe siècle donne Chifflet, Gramm. p. 213) s. m.
  • 1Liquide assez épais, d'une couleur rouge tantôt claire et vermeille, tantôt foncée et comme noire, qui remplit le système entier des vaisseaux artériels et veineux. Le sang est employé dans les raffineries de sucre pour clarifier les sirops. Il tombe dans son sang, Corneille, le Ment. IV, 1. Ayant présenté les fils d'Aaron, il prit du sang du bélier qui avait été immolé, en toucha l'extrémité de l'oreille droite de chacun d'eux et les pouces de leur main droite et de leur pied droit, Sacy, Bible, Lévit. VIII, 24. Gardez-vous seulement de manger du sang de ces bêtes ; car leur sang est leur vie, et ainsi vous ne devez pas manger avec leur chair ce qui est leur vie, Sacy, ib. Deutéron. XII, 21. La belle [Fontanges] perdant tout son sang, pâle, changée, accablée de tristesse, Sévigné, 441. Les jésuites sont plus puissants que jamais : ils ont fait défendre aux pères de l'Oratoire d'enseigner la philosophie de Descartes, et, par conséquent, au sang de circuler, Sévigné, 12 oct. 1678. On le vit à la bataille de Cerné charger trois fois les ennemis, couvert de sang et de poussière, Fléchier, Duc de Mont. Dans leur sang odieux [des Romains] j'ai pu tremper mes mains, Racine, Mithr. V, 5. Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses ? Racine, Athal. I, 1. Il [un guerrier] paraissait comme le dieu Mars : des ruisseaux de sang coulaient autour de lui ; les roues de son char étaient teintes d'un sang noir, épais et écumant, Fénelon, Tél. II. Un seul de ces animaux [lions marins] auquel on coupa la gorge, et dont on recueillit le sang, en donna deux barriques, sans compter celui qui restait dans les vaisseaux de son corps, Buffon, Quadr. t. VI, p. 298. On a démontré que le sang mis en contact avec le gaz oxygène prend une couleur rouge très vive, tandis que dans une atmosphère de gaz azote ou hydrogène il devient très noir, Sennebier, Ess. art d'obs. t. II, p. 139, dans POUGENS. La température du sang artériel n'est que d'environ un degré plus élevée que celle du sang veineux, Thenard, Traité de chim. t. III, p. 596, dans POUGENS. En montant à cet assaut [de Smolensk], nos colonnes d'attaque laissèrent une longue et large traînée de sang, de blessés et de morts, Ségur, Hist. de Nap. VI, 4.

    Baptême de sang, le martyre souffert sans avoir reçu le baptême.

    Tout en sang, couvert de sang. Une belle nuit, il [un fou] se donna cinq ou six coups de couteau, et, tout nu et tout en sang…, Sévigné, 143. J'ai vu le triste Hémon abandonner son rang Pour venir embrasser ce frère tout en sang, Racine, Théb. III, 3.

    Mettre en sang, battre, blesser jusqu'à ce que le sang coule abondamment. Le père [de Rosimond], fort emporté, battit cruelle ment son fils, et le mit en sang, Fénelon, t. XIX, p. 21.

    Fouetter, pincer, mordre jusqu'au sang, jusqu'à entamer la peau et faire paraître le sang.

    Se battre au premier sang, se battre en duel à condition que le combat cessera à la première blessure d'un des deux adversaires. Il y a, je l'avoue, une autre sorte d'affaire où la gentillesse se mêle à la cruauté, et où l'on ne tue les gens que par hasard ; c'est celle où l'on se bat au premier sang ; au premier sang ! grand Dieu ! et qu'en veux-tu faire de ce sang, bête féroce ! le veux-tu boire ? Rousseau, Nouv. Héloïse.

    Fig. et familièrement. Suer sang et eau, se donner beaucoup de peine. Je suais sang et eau pour voir si du Japon Il viendrait à bon port au fait de son chapon, Racine, Plaid. III, 3.

    Fig. Je donnerais de mon sang, le plus pur de mon sang, je répandrais tout mon sang, jusqu'à la dernière goutte de mon sang pour…, se dit pour exprimer la grande affection qu'on a pour quelqu'un ou pour quelque chose. Je donnerais mon sang pour vous soulager et pour vous servir, Maintenon, Lett. à Mme des Ursins, 4 juillet 1706. Je donnerais de mon sang pour entendre dire : M. le cardinal est bien déclaré contre les jansénistes, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 24 oct. 1708.

    On dit de même, familièrement : Je voudrais qu'il m'en eût coûté une pinte de mon sang, et que cela fût ainsi, ne fût pas ainsi.

    Fig. Je le signerais de mon sang, se dit quelquefois pour assurer la vérité d'une chose. Léonor : Me le signerez-vous ? - Moncade : De mon sang s'il le faut, Baron, Hom. à bon. fort. III, 3.

    Fig. Le sang de l'âme, les larmes. Les larmes que saint Augustin appelle si élégamment le sang de l'âme, Bossuet, Sermons, Parole de Dieu, 2.

  • 2Le sang de Jésus-Christ, le sang de l'Agneau, le sang que Jésus-Christ a versé pour la rédemption des hommes, et sa présence dans l'eucharistie. Il leur dit : Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui sera répandu pour plusieurs, Sacy, Bible, Évang. St Marc, XIV, 24. On voit Madame présenter son corps à cette huile sacrée, ou plutôt au sang de Jésus-Christ, qui coule si abondamment avec cette précieuse liqueur, Bossuet, Duch. d'Orl. Elle souhaite mille fois d'être plongée au sang de l'Agneau, Bossuet, ib. Si le sang des veaux et des boucs rendait accessible le saint des saints, bien qu'une loi si rigoureuse en fermât l'entrée, le sang de l'homme-Dieu, Jésus-Christ n'ouvrira-t-il pas le sanctuaire ? Bossuet, Sermons, Ascension, 1.
  • 3 Terme de zoologie. Animaux à sang rouge, les vertébrés.

    Animaux à sang blanc, les mollusques et autres animaux dont le sang est blanc. Le sang des insectes est une liqueur subtile, transparente et ordinairement sans couleur, et qui, quoiqu'elle ne soit pas naturellement inflammable, résiste dans quelques espèces à un degré de froid supérieur à nos plus rudes hivers, Bonnet, Contempl. nat. Œuv. t. VIII, p. 116, dans POUGENS.

    Animaux à sang froid, animaux dont le sang n'est pas sensiblement plus échauffé que le milieu qu'ils habitent.

  • 4Il se dit de différents états physiques définis par un certain état du sang. Sang allumé. Rafraîchir le sang. Le sang lui monte facilement à la tête, et il a des étourdissements. De peur de troubler mon sang, je ne veux rien envisager dans l'avenir qui me puisse déplaire, Sévigné, 26 août 1685. On a le mal dans le sang et dans les entrailles, avant qu'il éclate par la fièvre, Bossuet, Comédie, 8.
  • 5 Fig. Il se dit de différents états de l'âme définis par un certain état du sang. Tel Sophocle à cent ans charmait encore Athènes, Tel bouillonnait encor son vieux sang dans ses veines, Corneille, Au Roi, 1676. Oh ! si M. le chevalier avait une telle cause en main, avec ce beau sang bouillant qui fait les héros et la goutte, il la saurait bien soutenir d'une autre manière que je fais, Sévigné, 584. Cette force, cette vigueur, ce sang chaud et bouillant, semblable à un vin fumeux, ne leur permet [aux jeunes gens] rien de rassis ni de modéré, Bossuet, Panég. St Bernard, 1. Il se pique d'avoir le sang chaud et l'estomac dévorant, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 8 mai 1675. Tout mon sang de colère et de honte s'enflamme, Racine, Esth. III, 4.

    Il a le sang chaud, il est prompt et colère.

    Cela rafraîchit le sang, calme le sang, met du baume dans le sang, ce qui arrive est agréable et de nature à tranquilliser. Il n'y a rien qui rafraîchisse le sang comme d'avoir su éviter de faire une sottise, La Bruyère, XI.

    Cela glace le sang, cela cause de l'effroi.

    Le sang se glace, on éprouve un grand effroi. Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace, Racine, Esth. I, 3. À ce nom redoutable, mon sang se glaça dans mes veines, Lesage, Gil Blas, III, 1.

    Je n'ai pas une goutte de sang dans mes veines, je suis saisi d'effroi, d'horreur.

    Vous me faites tourner le sang, vous me causez des émotions pénibles.

    Cela fait bouillir le sang, vous me faites bouillir le sang, cela me cause, vous me causez une impatience extrême.

    Le sang bout, se dit d'une extrême impatience. Le sang me bout sur les Calas ; quand la révision sera-t-elle donc ordonnée ? Voltaire, Lett. d'Argental, 19 fév. 1763.

    Le sang lui bout dans les veines, se dit aussi de la première vigueur de l'âge. Tant que le sang bout dans nos veines, Corneille, Imit. I, 13.

    Cela allume le sang, cela irrite, anime excessivement. Cette lecture m'allumait le sang.

    Le sang lui monte à la tête, il est près de se fâcher.

    Le sang lui est monté au visage, il a été ému de honte ou de colère.

    Tout son sang bouillonne, son courroux est extrême.

    Familièrement, faire du bon sang, se faire du bon sang, prendre du plaisir, éprouver du contentement. Je ne ferai de bon sang qu'à mon arrivée, Marivaux, Pays. parv. 3e part.

    On dit aussi : Se faire une once de bon sang, s'amuser à une chose plaisante.

    Faire du mauvais sang, de mauvais sang, éprouver de la contrariété, prendre de l'humeur. La lecture des malheurs imaginaires de Cleveland, faite avec fureur et souvent interrompue, m'a fait faire, je crois, plus de mauvais sang que les miens, Rousseau, Confess. V. Je ne doute point que le mauvais sang que je me fis durant cette absence n'ait contribué à la maladie où je tombai après son retour, Rousseau, ib. VIII.

    Fig. Cet homme a du sang dans les veines, il est sensible à l'injure, il est hardi, résolu ; et, par la forme négative, il n'a pas de sang dans les veines, il n'est pas sensible aux injures, il est timide, irrésolu.

    Avoir du sang aux ongles, sous les ongles, au bout des ongles, savoir bien se défendre en toute manière, soit en action, soit en paroles ; avoir de la force et du courage. Si nos ennemis avaient du sang aux ongles, Sévigné, 301. ig. La vie des hommes, en parlant de mort, de meurtre, de carnage. Vous perdez en la mort d'un homme de son rang ; Vengez-la par une autre, et le sang par le sang, Corneille, Cid, II, 9. La terre ne cachera plus le sang qui a été répandu, Sacy, Bible, Isaïe, XXVI, 21. Seigneur, soyez favorable à votre peuple d'Israël que vous avez racheté, et ne lui imputez pas le sang innocent qui a été répandu au milieu de votre peuple, Sacy, Deutéron. XXI, 8. Je ne veux point ici rappeler le passé, Ni vous rendre raison du sang que j'ai versé, Racine, Athal. II, 5. Je meurs, mais mon ombre s'envole bien accompagnée : je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacriléges [les eunuques d'un sérail] qui ont répandu le plus beau sang du monde [tué une belle femme], Montesquieu, Lett. pers. 161. Serions-nous donc pareils au peuple déicide, Qui, dans l'aveuglement de son orgueil stupide, Du sang de son Sauveur teignit Jérusalem ? Lamartine, Harm. I, 6.

    Le prix du sang, le prix payé à un homme qui a livré un condamné à mort. Il ne nous est pas permis de le mettre [l'argent payé à Judas] dans le trésor, parce que c'est le prix du sang, Sacy, Bible, Évang. St Math. XXVII, 6.

    Fig. Je [moi, Palmire] suis le prix du sang du malheureux Zopire, Voltaire, Mahom. IV, 3.

    Se baigner dans le sang, faire mourir beaucoup de monde. Dans l'infidèle sang baignez-vous sans horreur, Racine, Ath. IV, 3.

    Épargner le sang, épargner la vie des hommes.

    Verser le sang, répandre le sang, tremper ses mains dans le sang, donner la mort à un homme, à des hommes. Personne n'ignore les dérèglements de ce prince [Henri VIII], ni l'aveuglement où il tomba par ses malheureuses amours, ni combien il répandit de sang depuis qu'il s'y fut abandonné, Bossuet, Var. VII, 1. Ils répandraient avec plaisir le sang du fils d'Ulysse, Fénelon, Tél. I. Exterminez, grands dieux, de la terre où nous sommes, Quiconque avec plaisir répand le sang des hommes, Voltaire, Mahomet, III, 8.

    Aimer le sang, être altéré de sang, se repaître de sang, se plaire dans le sang, aimer à donner la mort.

    Il y a eu beaucoup de sang répandu dans cette guerre, beaucoup d'hommes y ont péri.

    Faire couler le sang, être cause d'une guerre ou d'une rixe sanglante.

    Le sang a coulé, a été répandu, il y a eu des personnes blessées dans cet engagement, dans cette rixe.

    Par exagération. Inonder de sang un pays, y faire périr beaucoup de personnes.

    Mettre un pays à feu et à sang, y commettre toutes sortes de cruautés.

    Fig. Ils se font la guerre à feu et à sang, ils sont fort irrités les uns contre les autres et cherchent à se nuire de toutes les façons.

    Laver son injure dans le sang, se venger en tuant celui de qui on l'a reçue. Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage, Corneille, Cid, I, 8.

    Payer une chose de son sang, être mis à mort pour l'avoir faite ou dite.

    Le sang de cet homme crie vengeance, il faut que le meurtre de cet homme soit vengé.

    Fig. Son sang est sur lui, c'est sur lui que retombe la responsabilité de sa mort ou de tout autre malheur. Puisque M. Jurieu ne veut pas suivre ces belles lumières, son sang est sur lui, et son crime est inexcusable, Bossuet, 6e avert. 21.

  • 6De sang, de nature sanguinaire. Je pense que vous aimez particulièrement cette histoire [Judith et Holopherne], et que vous êtes bien aise de voir une action de sang et de meurtre approuvée dans l'Écriture, Voiture, Lett. 25. Et dont l'âme de sang, injuste et déloyale, Souille avec tant d'horreur la majesté royale, Du Ryer, Scévole, III, 3. Sauvez-moi de tous ces hommes de sang, Sacy, Bible, Psaumes, LVIII, 3. Un tribunal de sang te condamne au supplice, Voltaire, Alz. V, 4. En Saxe, Charlemagne fit des lois de sang, Voltaire, Mœurs, 82. Son insensibilité [du peuple romain] allait au point qu'au milieu des plus belles scènes [de Térence], il demandait un ours, des athlètes ou des gladiateurs ; il fallait à ce peuple des spectacles de sang, Condillac, Hist. anc. XI, 1. On se rappellera longtemps ces jours où des hommes de sang prétendirent élever des autels aux vertus sur les ruines du christianisme, Chateaubriand, Génie, I, I, 4.

    Tribunal de sang, tribunal établi en 1567, dans les Pays-Bas, par le duc d'Albe.

  • 7 Fig. Le sang, la substance du peuple, des pauvres. Je ne m'étonne point que les fripons engraissés de notre sang se déclarent contre M. Turgot, qui veut le conserver dans nos veines, Voltaire, Lett. La Lande, 19 déc. 1774. On a presque regret d'être homme quand on songe aux malheureux dont il faut manger le sang, Rousseau, Hél. V, 7.

    Sucer le sang du peuple, s'engraisser du sang du peuple, se dit de gens en place qui s'enrichissent en appauvrissant le peuple.

  • 8Race, extraction, famille. Seigneur, je suis Romain et du sang de Pompée, Corneille, Cinna, V, 1. La mère sort d'un sang fécond en procureurs, Hauteroche, Bourg. de qual. I, 1. Je n'ai pas reconnu mon sang dans votre style, Sévigné, à Bussy son cousin, 9 juin 1669. Il était juste que ce précieux dépôt [les princes de Condé, de Conti et de Longueville emprisonnés] demeurât entre les mains du roi, et il lui appartenait de garder une si noble partie de son sang, Bossuet, le Tellier. Quelque glorieuse que fût la source dont il sortait, l'hérésie des derniers temps l'avait infectée ; il recevait avec ce beau sang des principes d'erreur et de mensonge, Fléchier, Turenne. Sorti de l'ancienne et illustre maison de la Tour d'Auvergne, qui a mêlé son sang à celui des rois et des empereurs, Fléchier, ib. Tous les liens du sang n'ont pu le retenir, Racine, Phèdre, IV, 1. Je n'ai pu conserver Que la fierté d'un sang que je ne puis prouver, Racine, Iphig. II, 1. Rome, par une loi qui ne se peut changer, N'admet avec son sang aucun sang étranger, Racine, Bérén. II, 2. Ce que le sang peut communiquer de dispositions et de talents est fort douteux, Mairan, Elog. Bremond. Quoique le sang des Jagellons eût régné longtemps, ces princes ne furent jamais ni absolus par leur royauté, ni rois par droit de naissance, Voltaire, Mœurs, 119. Le roi [Henri VIII] fit périr par la main du bourreau la mère de ce cardinal [de Pole], sans respecter la vieillesse, ni le sang royal dont elle était, Voltaire, ib. 135. Plus le sang de Charlemagne s'éloignait de sa source, plus il dégénérait, Voltaire, ib. 24.

    La pureté du sang, se dit d'une famille de haute extraction dans laquelle il n'y a point eu mésalliance. La pureté du sang ne fit que servir de motif à la pureté des mœurs de Mme la Dauphine, Fléchier, Dauphine.

    En Espagne, pureté de sang, absence de toute hérésie dans une famille.

    Les enfants par rapport à leurs pères, les membres de la famille par rapport les uns aux autres. Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte, Corneille, Cid, I, 8. Ne me dis point qu'elle est et mon sang et ma sœur, Corneille, Hor. IV, 6. N'écoutez point pour lui ces maximes cruelles : En épousant Pauline il s'est fait votre sang, Corneille, Poly. III, 3. N'aie point peur, je ne suis pas mort ; va, tu es mon vrai sang, ma véritable fille, et je suis ravi d'avoir vu ton bon naturel, Molière, Mal. imag. III, 21. Si vous dites vrai, nous la renoncerons pour notre sang, Molière, G. Dand. II, 9. Enfin, vous voyez comme votre sang [votre parente] prend mon parti, Molière, Critique, 3. Adieu, mon sang, Sévigné, à Bussy, son cousin, 19 mai 1671. Ces monstres… Qui, prenant en dégoût les fruits nés de leur flanc, S'irritent sans raison contre leur propre sang, Boileau, Sat. X. David m'est en horreur, et les fils de ce roi, Quoique nés de mon sang, sont étrangers pour moi, Racine, Athal. II, 7. Et, quand je veux chercher le sang qui m'a fait naître…, Racine, ib. II, 1. Songe au moins, songe au sang qui coule dans tes veines, Voltaire, Zaïre, II, 3.

    Mauvais sang, les membres pervers d'une famille. Et quand nos vieux héros avaient de mauvais sang, Ils eussent, pour le perdre, ouvert leur propre flanc, Corneille, Poly. V, 4.

    En une autre acception, mauvais sang, personne ou personnes dignes de réprobation. Et depuis quand, seigneur, la soif du premier rang Craint-elle de répandre un peu de mauvais sang ? Corneille, Sertor. I, 1.

    Les princes du sang, les princes qui sont de la maison royale ou impériale. Enfin il [M. de Pompone] ne sera plus que le plus honnête homme du monde : vous souvenez-vous de Voiture, en parlant de M. le Prince : Il n'avait pas un si haut rang ; Il n'était que prince du sang, voilà justement l'affaire, Sévigné, 388. Vieillir fille est un piètre état ; les princesses du sang ont bien de la peine à soutenir cet état contre nature, Voltaire, Lett. Thiriot, 21 déc. 1737.

    Droit du sang, celui que donne la naissance. Henri IV arriva au trône par le droit du sang.

    Cela est dans le sang, se dit d'une personne qui a de bonnes ou de mauvaises qualités qu'elle tient de famille.

    Il se dit aussi d'une bonne ou d'une mauvaise qualité qui vient du tempérament. Cela est dans ton sang d'adorer le vrai mérite, Legrand, Triomphe du temps futur, 3e part. sc. 1.

    La vertu des pères ne passe pas toujours avec le sang dans leurs enfants, ne se transmet pas toujours avec le sang, les enfants n'ont pas toujours les bonnes qualités de leurs pères.

    Le plus pur du sang, le membre de la famille le plus chéri. Pourquoi, moi-même enfin me déchirant le flanc, Payer sa folle amour [de Ménélas] du plus pur de mon sang ? Racine, Iphig. IV, 4.

    Fig. Il lui en a coûté le plus pur de son sang, il a donné le plus pur de son sang, il a sacrifié la meilleure partie de ce qu'il possédait.

  • 9Le sang, les sentiments d'affection entre les membres d'une même famille. Elle est mère, et le sang a beaucoup de pouvoir, Corneille, Rodog. II, 4. …De ce soupir que faut-il que j'augure ? Du sang qui se révolte est-ce quelque murmure ? Racine, Iphig. I, 3. Et le sang reprendra son empire ordinaire, Racine, Théb. III, 5. Ceux qui l'ont connu croiront aisément que les affections communes, le sang, le nom n'avaient pas beaucoup de pouvoir sur lui, et qu'il se tenait isolé de tout sans se faire violence, Fontenelle, Littre.

    Le murmure du sang, la force du sang, la voix du sang, les sentiments qui parlent en faveur des membres de notre famille. La voix du sang se fit entendre, je me rappelai tous mes devoirs envers mes parents, Lesage, Gil Bl. X, 2.

    En un sens particulier, la force du sang, les sentiments que l'on ressent quelquefois pour une personne de même sang, bien qu'on ne la connaisse pas.

    La chair et le sang, même signification. Le combat d'une femme chrétienne, non pas contre les persécuteurs de la foi, mais contre la chair et le sang, contre ses proches, Bourdaloue, 1er dim. après l'Épiphan. Dominic. t. I, p. 26. La nature en cette occasion [dans une contagion] relâche beaucoup de ses droits et de ses obligations ordinaires ; les lois de la chair et du sang ne sont pas si fortes que l'horreur d'une mort presque inévitable, Fléchier, Duch. de Mont.

    Terme de l'Écriture. La chair et le sang, la nature corrompue. La multitude adore des divinités de chair et de sang, Fénelon, t. XVII, p. 240.

  • 10Sang se dit de races d'hommes, par rapport aux croisements. Le sang tartare s'est mêlé d'un côté avec les Chinois et de l'autre avec les Russes orientaux, Buffon, Hist. nat. Hom. Œuv. t. V, p. 20.

    Sang mêlé, se dit de populations où il y a eu des croisements. Le sort des Espagnols, dans tous les pays du monde, est d'être un sang mêlé ; celui des Maures coule encore dans leurs veines en Europe, et celui des sauvages dans l'autre hémisphère, Raynal, Hist. phil. VIII, 7.

    Un sang-mêlé, un homme qui provient de pareils croisements.

    Au pluriel. Des sang-mêlé, c'est-à-dire des hommes à sang mêlé. On dit que les sang-mêlé sont moins prolifiques que les individus de race pure.

    Le sang est beau dans ce pays, les hommes y sont beaux et bien faits. Ce qui rend le sang si beau en Perse, c'est la vie réglée que les femmes y mènent, Montesquieu, Lett. pers. 34. Le sang de Géorgie est encore plus beau que celui de Cachemire ; on ne trouve pas un laid visage en ce pays, Buffon, Hist. nat. Hom. Œuv. t. V, p. 94. C'est une ville fort agréable ; l'air y est bon, les promenades y sont délicieuses, et le sang y est superbe, Picard, Petite ville, IV, 5.

    C'est un beau sang, se dit d'une famille composée de beaux enfants.

  • 11 Terme d'hippologie. Pur sang, ou, simplement, sang, ensemble, chez le cheval, de caractères extérieurs et de qualités innées qu'on ne rencontre que chez les races nobles. Les chevaux de pur sang ont de la distinction, de l'élégance et de la grâce dans les formes ; la peau fine et souple ; les crins fins et soyeux ; les muscles fermes, bien dessinés sous la peau ; les os durs et compactes ; les vaisseaux sous-cutanés très apparents ; les allures très rapides ; le système nerveux et les facultés intellectuelles bien développés, Vallon, Cours d'hippologie.

    Demi-sang, ou deuxième sang, produit d'un individu de pur sang avec un individu de race commune.

    Trois-quarts de sang, produit d'un pur sang et d'un demi-sang, sept-huitième, quinze-seizième de sang, en suivant le croisement dans le même sens.

    Aujourd'hui, on s'accorde à reconnaître deux chevaux de pur sang : le cheval arabe, chez qui le sang est d'origine et un don de la nature ; et le coureur anglais, qui, n'ayant du sang que par des croisements, n'en a pas moins acquis tous les caractères, et chez qui le sang est de seconde main et un don de l'hérédité.

    On ne confondra pas pur sang avec pure race, qui appartient à tout animal descendant directement de la souche de la race elle-même.

    Par abréviation, un pur sang, un cheval de pur sang.

    Au plur. Des pur sang, des demi-sang. On sous-entend chevaux : des (chevaux à) pur sang, des (chevaux à) demi-sang.

  • 12 Terme de vétérinaire. Sang de rate, maladie propre aux bêtes à laine et aux bêtes à cornes. Plus d'un mal contagieux s'étend de l'animal à son gardien ; il en est ainsi pour la morve, pour le sang de rate et pour d'autres maladies encore, Bayle-Mouillard, Projet de code rural, page 90.
  • 13Sang-froid, voy. SANG-FROID, à son rang alphabétique.
  • 14 Terme d'alchimie. Sang des philosophes, esprit minéral que l'on supposait être dans les métaux.

PROVERBES

Bon sang ne peut mentir, les personnes nées d'honnêtes parents ne dégénèrent point.

Il exprime aussi que l'affection naturelle entre personnes de même sang ne manque pas de se déclarer, de se découvrir dans l'occasion. Bon sang ne peut mentir ; je t'aime toujours, Dancourt, Bourg. à la mode, I, 10.

Il se dit parfois, par ironie, d'une fille qui n'est pas moins coquette que sa mère l'a été ou l'est encore.

Qui perd son bien perd son sang, perdre son bien c'est presque la même chose que de perdre la vie.

HISTORIQUE

XIe s. Nos les ferons [nos espées] vermelles de chald sanc, Ch. de Rol. LXXIV.

XIIe s. Ilec sanc de pechié covint par sanc laver, Th. le mart. 149. Delivre mei des ovranz [ceux qui opèrent] iniquitet, e des humes de sanc salve mei, Liber psalm. p. 76.

XIIIe s. Home de sanc et tricheur aura nostre sire Deux en contre cuer, Psautier, f° 10. Tel coup que li clairs sans en conviendra issir, Berte, XII. Quant Berte l'entendi, tous li sans lui remue, ib. LII. Si te fremira tous li sans, Parole te faudra et sens, Quant tu cuideras commencier, la Rose, 2407. …Si comme aucuns fiert autrui par mal talent en liu saint, ou bat, ou fet sanc, ou tue, Beaumanoir, XI, 15.

XIVe s. Boins sans ne poet falir, adès se monterra [montrera], Baud. de Seb. IX, 411. Quelconque personne soit du sang ou lignage royal ou d'autre, Ordonn. des rois de France, t. V, p. 113. Garin ala devers le maire de la justice et se plaignit du sang que lui avoit fait ladite femme, Du Cange, sanguis. Le suppliant frappa un petit cop de la main sur le visage ledit homme, et lui fist un pou de sang volage parmi les dens, Du Cange, ib.

XVe s. À son costé dextre estoit tout le sang de France, c'est assavoir tous les grans seigneurs de France, comme Anjou, Berry, Bourgogne…, Journ. de Paris sous Charles VI et VII, an 1431. A peu qu'il ne chut à la renverse, tant fort fut effrayé ; et quand il eut son sang, il…, Louis XI, Nouv. II. Quand la jeune meuniere ouit qu'on trouveroit bien remede à son fait, le sang lui commença à revenir, Louis XI, ib. III. Et en lisant, le sang lui monte et le cœur lui fremit, Louis XI, ib. XXVI.

XVIe s. Il la battit à sang et à marque, Marguerite de Navarre, Nouv. XLVI. Elle s'osta la vie aussi magnanimement comme il appartenoit à sa vertu et au noble sang dont elle estoit issue, Amyot, Cat. d'Ut. 9. Gens de sang, de sac et de corde, Qui vous faites nommer zelez, Sat. Mén. p. 213. Pour curer les cors, il les faut couper jusques au sang, Paré, V, 21. Nul sang blanc, nulle puce blanche, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 358. Les seigneurs françois aimoient mieux employer à la guerre le sang de leur corps que le sang de leur bourse, ainsi qu'on l'appelle communement, Fauchet, De l'orig. des dignitez de France, liv. II, p. 59, dans LACURNE. Par laditte coustume les viscontiers ont le sanc et le larron ; est à sçavoir cognoissance de meslée, de debat fait à sang courant, et du larron prins en icelle seigneurie, posé qu'il doive estre pendu et estranglé, Coust. génér. t. I, p. 645.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SANG.
6Ajoutez :

Mettre la main au sang, verser le sang. Celui qui s'est mis sur un chemin pour voler et pour tuer est voleur devant que de mettre la main au sang, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.

16 Sang bleu, nom, dans l'Amérique du Sud, des métis nés d'un croisement d'indigène, de nègre et d'Européen (sangre azul), Journ. offic. 22 avril 1877, p. 2998, 1re col.

On voit par ce sens précis combien Lamartine s'est mal exprimé en comparant : " Le sang rouge du Franc au sang bleu du Germain. " Il a sans doute pris sang bleu métaphoriquement et a voulu signifier par là le tempérament flegmatique des Allemands.

17 Arbre à sang, un millepertuis arborescent de la Guyane, Baillon, Dict. de botanique, p. 248.
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Encyclopédie, 1re édition (1751)

SANG, s. m. (Anat. & Physiol.) est le nom que l’on donne à la liqueur renfermée dans les arteres qui battent, & dans les veines correspondantes à ces arteres. Voyez Artere & Veine.

Le sang paroît à la premiere inspection, homogene, rouge & susceptible de coagulation dans toutes les parties du corps ; mais différentes expériences nous ont appris qu’il a différens caracteres.

L’hydrostatique nous fait découvrir qu’il y a dans le sang quelque chose de volatil, qui s’exhale continuellement du sang en forme de vapeur, & dont l’odeur tient le milieu entre la mauvaise odeur de l’urine, & celle de la sueur. Cette vapeur contenue dans ses propres vaisseaux, paroît aqueuse, & comme chargée d’une couleur qui tire sur l’alkali.

Le sang de l’homme le plus sain se coagule en une masse tremblante, facile à rompre : il s’épaissit davantage si on l’expose à une chaleur moindre que celle de l’eau bouillante, & même de 150 degrés. On l’a vu se réunir en forme de gelée dans les veines pendant la vie, & dans ceux qui mouroient de fievres violentes. La partie rouge du sang constitue la partie principale de ce coagulement, auquel cette couleur rouge est propre, & qui la communique à toutes les autres parties du sang. Cette même partie du sang, qui peut se réunir en une masse confuse lorsqu’elle est en repos, exposée à un petit froid, à une chaleur de 150 degrés, & mêlée avec l’esprit de vin, avec les acides minéraux, est cependant molle, à-moins qu’elle ne soit endurcie par une trituration pareille à celle qu’elle supporte pendant la vie, ou par quelques secousses semblables. Elle est pesante, & presque plus d’un onzieme qu’un pareil volume d’eau ; elle est toute inflammable lorsqu’elle est dépouillée de son phlegme : la partie rouge fait la moitié & plus de la masse du sang dans les tempéramens sanguins, & le séreux un tiers de la masse ; dans la fievre il se réduit à la quatrieme ou la cinquieme partie.

Ce qui se présente ensuite, c’est la partie blanchâtre & jaunâtre du sang ; & quoiqu’elle paroisse aussi homogene, elle ne l’est cependant pas. Elle est en général plus pesante d’un trente-huitieme qu’un égal volume d’eau ; & plus légere d’un douzieme que le coagulum. Elle se coagule si on l’expose à une chaleur de 150 degrés, qu’on la mêle avec les acides & l’esprit de vin, & qu’on l’agite, ses caillots sont plus durs que ceux de la partie rouge du sang. Ils sont si glutineux, qu’on ne peut les résoudre, en membrane, & enfin en un corps aussi solide que de la corne. C’est cette humeur qui produit la couënne que l’on remarque dans le sang des pleurétiques, les polipes & les membranes artificielles. On découvre dans ce séreux, outre la partie albumineuse qui peut se coaguler, une eau simple qui en constitue la plus grande portion, & quelque chose de muqueux qui file, & qui néanmoins ne se coagule pas comme la partie albumineuse, par le feu, ni par les acides.

Il n’est que la pourriture & la force de l’air échauffé à 96 degrés, qui puissent occasionner une dissolution fétide dans toute la masse du sang, & sur-tout dans le serum ; car la partie séreuse en est la plus susceptible : la partie rouge l’est moins. A la longue, la partie rouge & la lymphe se changent enfin en une exhalaison fétide & volatile, & déposent un sédiment au fond du vase dans lequel elles se sont corrompues.

Le sang une fois dissous par la pourriture ne peut plus se coaguler ; & lorsqu’une fois il a été coagulé par l’esprit de vin, il ne peut plus se dissoudre.

Outre toutes ces parties que l’on découvre avec facilité dans le sang, il est encore chargé d’une assez grande quantité de sel marin, que l’on distingue par sa saveur légèrement salée, & quelquefois avec le microscope. La nutrition, de même que l’analyse chimique, font voir qu’il est aussi chargé de terre, mêlée avec les parties les plus fluides, & sur-tout avec l’huile. Enfin il y a dans le sang un air non élastique qui est en assez grande quantité, & on s’en assure par la pourriture du sang & du serum, & en pompant l’air qui l’environne. Il ne s’ensuit pas de-là que les globules soient des bulles aériennes, puisqu’elles sont spécifiquement plus pesantes que le serum.

La Chimie nous a fourni différens moyens pour découvrir la nature du sang. Si on expose le sang que l’on a tiré d’un homme sain à un petit feu, il s’en évapore une grande quantité d’eau qui faisoit plus des de toute la masse ; elle est presque insipide, & cependant empreinte d’une huile fétide qui se fait sentir de plus en plus, à mesure que la distillation approche plus de sa fin. En exposant le reste à un feu plus fort, il fournit des liqueurs alkalines de différentes especes, dont la premiere est fétide, âcre, rousse & formée d’un sel volatil dissous dans de l’eau, fait environ la douzieme partie de tout le sang.

Il s’éleve avant, & pendant que l’huile s’en détache, un sel volatil sec, qui s’attache par flocons rameux aux parois du ballon : il est en petite quantité, & ne fait pas moins de la cinquantieme partie du sang.

L’autre liqueur qui s’éleve plus lentement est plus pesante, & d’abord jaunâtre, puis noire, ensuite aussi tenace que de la poix, âcre & inflammable ; c’est l’huile du sang humain, elle est en petite quantité, & en fait environ la cinquantieme partie.

Il reste au fond le charbon du sang, tout poreux, inflammable, qui détonne lorsqu’on l’enflamme & se réduit en cendres. L’on retire de cette cendre, après la lessive, un sel mêlé de sel marin & d’un alkali fixe, & un peu de terre ; le sel fixe fait à-peine la quatre-vingtieme partie du sang, dont presque la quatrieme est alkaline. On tire au moyen d’un feu violent, de cet alkali quelque chose d’acide, qui tire en partie sur celui de l’esprit du sang, & qui a en même tems quelque rapport avec les alimens tirés des végétaux, dont le caractere n’est pas encore totalement détruit ; c’est ce qui fait qu’on le trouve dans les animaux qui vivent des végétaux, de même que dans l’homme. La terre qui est la cent cinquantieme partie environ, est chargée de quelques particules que l’aiman attire. Le serum distillé donne les mêmes principes que tout le sang ; il fournit cependant moins d’huile & beaucoup plus d’eau.

Cette analyse fait voir qu’il y a dans le sang des liquides plus pesans & plus tenaces les uns que les autres ; qu’il y en a d’aqueux, d’inflammables, & qu’une très-grande partie du sang tend plus à la pourriture & à la nature alkaline : car tant que le sang n’est pas altéré, & qu’il est à-couvert de la pourriture & d’une trop grande chaleur, il ne s’alkalise, ni ne s’aigrit, il est au contraire doux & peu salé ; il est cependant âcre dans certaines maladies, & très-disposé à la pourriture. Par exemple, dans le scorbut dans lequel il ronge les vaisseaux qui le renferment ; dans l’hydropisie où l’eau devient presque alkaline. On trouve dans celui des insectes une chaux alkaline, qui fait effervescence avec les acides.

Les acides violens & l’esprit de vin coagulent le sang. Les acides doux, les sels alkalis, même fixes, & sur-tout les volatils, les acides végétaux & le nitre, le dissolvent ; il ne fait effervescence avec aucun sel. Le mouvement violent, une trop grande chaleur extérieure, fait tomber le sang en pourriture.

Si l’on examine le sang nouvellement tiré dans un tuyau de verre, ou dans les veines des animaux vivans, à-travers le microscope, on y distingue des globules rouges, mols, de figure variable, & qui constituent ce qu’on appelle proprement le cruor, ou la partie du sang renfermée dans les arteres & les veines sanguines.

Ces globules nagent dans un fluide moins dense, dans lequel on distingue avec le microscope, des globules jaunes, plus petits que les rouges, qui ont été auparavant de cette couleur ; & qui par la chaleur & le frottement se changent en de plus petits semblables. De grands hommes après bien des expériences, ont évalué le diametre d’un globule rouge de sang, à pouce.

On observe, après un examen le plus recherché à-travers le microscope, dans l’eau pâle qui reste & dans laquelle les premiers globules nageoient, des globules aussi transparens que l’eau, & quelques petites pointes de sel.

C’est de ces expériences, comparées les unes avec les autres, que l’on a tiré toutes ces connoissances que l’on a sur le sang. On sait donc que le sang est composé de globules qui se réunissent en une masse confuse lorsque la vapeur qui les tenoit en dissolution s’en exhale, & parce qu’alors leur force d’attraction est plus grande. La partie rouge du sang desséchée & qui s’enflamme, nous fait voir la nature inflammable de ces globules si on la jette dans le feu ; c’est ce que prouve aussi le pyrophore qu’on tire du sang humain, & il est très-vraissemblable que l’huile poisseuse que l’on retire du sang par un feu violent, vient encore de-là.

Le serum jaunâtre qui paroît aussi composé de globules nageant dans l’eau, est tel que nous l’avons décrit ci-dessus. Il se trouve dans une espece de liquamen aqueux & plus fin, dont on ne peut distinguer les particules de l’eau des autres principes, mais en plus petite quantité, dont il est composé ; principes que le feu fait dégénérer en sels alkalis. Les distillations de la salive, du mucus, de l’humeur de l’insensible transpiration, en fournissent autant de preuves.

On ne peut déterminer au juste la quantité du sang ; il est constant que le poids des humeurs surpasse de beaucoup celui des parties solides ; mais plusieurs de ces humeurs ne circulent point, telles sont la graisse & le suc glutineux qui unit les différentes parties. Si on en peut juger par les grandes hémorrhagies qui n’ont cependant pas fait perdre la vie, par les expériences faites sur les animaux, desquels on a tiré tout le sang, par la capacité des arteres & des veines, les humeurs qui circulent peuvent s’évaluer au moins à 50 livres, dont la cinquieme partie constitue ce qu’on appelle le vrai sang ; les arteres en contiennent environ la cinquieme partie, & les veines les quatre autres.

La proportion de ces élémens n’est pas toujours telle que nous l’avons dit jusqu’à présént : l’exercice, l’âge viril augmente le sang renfermé dans les vaisseaux sanguins, sa rougeur, sa force, sa densité, la cohésion de ses parties, la dureté du serum coagulé, son poids & ses principes alkalis ; au contraire, si on est jeune, oisif, qu’on ne boive que de l’eau, & qu’on ne vive que de végétaux, toutes ces causes diminuent le volume du sang des vaisseaux sanguins, rendent les parties aqueuses plus abondantes, & augmentent à proportion le serum & le mucus qu’il contient ; la vieillesse en augmente la partie rouge, & diminue la partie gélatineuse.

La partie rouge du sang paroît sur-tout propre à produire la chaleur, puisque la chaleur est toujours proportionnée à cette partie : elle l’arrête dans les vaisseaux du premier genre, parce que la grosseur de ses globules l’empêche de passer outre ; & comme ils reçoivent du cœur un mouvement commun à toutes les autres parties, elles ont plus de vîtesse qu’elles, à raison de leur plus grande densité ; de-là ils impriment par cette raison le mouvement aux liqueurs des genres inférieurs ; c’est là pourquoi la partie rouge de sang étant trop diminuée par de fréquentes saignées, le sang séjourne dans les plus petits vaisseaux ; on devient gros, hidropique, & ainsi le renouvellement de la masse du sang paroît dépendre de la présence de la quantité convenable de cette partie rouge ; en effet, les hémorrhagies font dégénérer le sang, qui de sa nature est rouge & épais, en une humeur pâle & séreuse.

Le serum, principalement celui qui se coagule, est sur-tout destiné à la nutrition des parties, à la dissolution des alimens, à arroser la surface externe & interne des cavités du corps humain, à entretenir la souplesse dans les solides, au mouvement des nerfs, à la vue, &c. M. Haller, Physiol.

Les globules rouges du sang ne different de ceux qu’on trouve dans le chyle, qu’en ce qu’ils sont composés de plusieurs ; leur couleur ne dépend que de cet assemblage, car quand on les sépare, ils reprennent leur blancheur ; de-là vient que tout ce qui paroît rouge dans un sang qu’on expose à l’air, se convertit enfin en sérosité ; car les petits globules qui se séparent les uns des autres recouvrent leur blancheur. La même chose arrive dans le sang lorsqu’il est renfermé dans le corps ; car lorsqu’il a roulé un certain tems dans ses vaisseaux, il change de nature ; ses globules sont fouettés continuellement par les vaisseaux, qui étant aidés de l’action de la chaleur qui survient, divisent les parties du sang, & les réduisent enfin en une sérosité, laquelle se filtre par les couloirs des visceres, ou s’exhale par les pores des poumons & de la peau.

La cause de cette rougeur a fait former bien des systèmes ; celle qui a été reçue le plus généralement est le mélange du nitre de l’air avec le sang dans les poumons ; quelques expériences chimiques paroissent confirmer cette idée. Mais 1°. avec des sels alkalis on donne de la rougeur au lait : quelle raison aura-t-on donc d’attribuer la couleur du sang au nitre plûtôt qu’à des sels alkalis ? l’on peut dire avec autant de vraissemblance qu’un sel lixiviel sorti de la terre ou mêlé avec les alimens, produit la couleur rouge, quand il vient à s’alkaliser par la chaleur du corps : d’ailleurs ne pourra-t-on pas trouver dans l’air quelque miniere de sel alkali, de même qu’on y trouve du nitre ? 2°. on ne sauroit prouver qu’il y ait du nitre dans l’air ; du-moins n’est-il pas concevable qu’il se trouve dans ce fluide une si grande quantité de ce sel.

Je ne parlerai pas ici de ceux qui ont autrefois attribué au foie la rougeur de sang ; on sait que Bartholin l’a dépouillé de cette faculté ; mais je crois qu’on peut lui rendre en partie les fonctions qu’on lui a refusées : il n’est pas prouvé que le chyle ne passe pas des veines mésentériques dans le foie ; au contraire, nous savons que cela arrive dans les oiseaux : des expériences mêmes semblent prouver que la même chose se trouve dans l’homme.

Mais comment est-ce que les globules unis peuvent prendre la couleur rouge par cette union précisément ? On a dit que les couleurs consistoient dans les modifications de la lumiere ; mais par des expériences réitérées, on s’est convaincu que les couleurs étoient particulieres à certains rayons de lumiere.

Les globules dans les gros vaisseaux teignent en rouge toutes les liqueurs qui s’y trouvent ; il ne faut pas pour cela qu’ils soient en une quantité extraordinaire ; on voit qu’il ne faut que peu de vin rouge pour teindre un grand verre d’eau.

La petite quantité des globules rouges fait que les extrémités capillaires des arteres ne sont pas colorées ; car comme ces globules ne peuvent passer que l’un après l’autre dans les filieres, il s’ensuit que pour un globule rouge il y aura une grande quantité d’eau & de limphe, & par là la couleur rouge doit se trouver absorbée ; de plus, ces petits globules se trouvant comprimés, leur figure doit changer, ainsi la couleur doit souffrir quelque changement ; aussi a-t-on remarqué que les globules en passant par les extrémités artérielles, s’applatissent & prennent une couleur jaunâtre ; on apperçoit de petits globules blancs & diaphanes, qui ne sont autre chose que les parties huileuses de la limphe, qui n’ont encore ni assez de mouvement, ni assez de pression pour changer de couleur.

La rougeur du sang est-elle absolument nécessaire ? On trouve des insectes qui n’ont dans leurs vaisseaux qu’une liqueur blanchâtre & diaphane ; avec ce fluide ils vivent, ils font tous les mouvemens dont leurs petits muscles sont capables.

Le sang n’a pas la même couleur dans tous ses vaisseaux : si l’on ouvre un chien d’abord après qu’il a mangé, on verra qu’il se trouve dans les arteres pulmonaires une matiere blanchâtre mêlée avec le sang ; mais dans les veines le sang est plus rouge ; cela s’ensuit évidemment de ce que nous avons dit. La rougeur du sang dépend de la cohésion des globules du chyle ; ces globules, par la pression qu’ils ont soufferte, ont été unis dans les arteres capillaires ; il est donc nécessaire que le sang soit plus rouge dans la veine pulmonaire que dans l’artere.

Il y a encore une autre différence de couleur dans le sang qui se trouve en divers vaisseaux ; le sang artériel est fort rouge, mais le sang veineux est noirâtre ; cela s’ensuit de même de ce que nous avons établi. La rougeur du sang dépend du mouvement qui se trouvant moins fort dans les veines, doit aussi produire moins d’effet ; mais il y a une raison qui prouve mieux que cette différence doit arriver : c’est que le sang artériel est rempli de lymphe, au lieu que le sang veineux en est privé ; par conséquent les globules rouges se trouvent en plus grande quantité à proportion dans les veines, & le sang doit y paroître d’une rougeur plus foncée & approchante du noir.

Quand on tire du sang des veines & des arteres du même animal, on y remarque une différence : le sang des arteres a à-peu-près la même couleur dans sa surface & dans le fond ; mais le sang veineux est fort noirâtre au fond ; je suppose au reste que l’on mette ce sang dans un vaisseau un peu profond : la différence de couleur ne vient que de ce que le sang artériel est beaucoup plus raréfié & plus mêlé que le sang veineux ; le mouvement qui se trouve dans les arteres & qui manque dans les veines, doit nécessairement produire cet effet.

Outre la partie rouge dont nous venons de parler, y a-t-il dans le sang des parties fibreuses ? Il s’est trouvé des anatomistes qui avec raison, ont nié l’existence de ces parties ; mais il s’est trouvé des physiciens qui leur ont fait divers réponses pour prouver qu’il y avoit dans le sang de ces sortes de parties. Voyez M. Senac, ess. de Physiq.

Toutes ces matieres qui composent le sang sont agitées de deux mouvemens ; l’un est le mouvement de circulation dont nous avons parlé, & l’autre le mouvement intestin, c’est-à-dire le mouvement des parties sanguines en tout sens. Voyez Circulation.

Le mouvement intestin n’est point prouvé comme le mouvement circulaire, au contraire il souffre beaucoup de difficulté ; on ne nie pas que les parties qui composent le sang n’aient des mouvemens différens dans leurs vaisseaux ; leurs diverses réflexions, l’élasticité de l’air, l’action des vaisseaux ; tout cela doit imprimer divers mouvemens aux diverses parties qui composent le sang ; mais ce qu’on nie, c’est que le mouvement intestin soit essentiel à sa fluidité, c’est-à-dire que le sang ne soit fluide que parce que ses parties sont diversement agitées : une matiere peut être très-fluide quoique toutes ses parties soient dans un repos parfait ; il suffit seulement que ces parties puissent céder à la moindre impulsion ; or cela arrivera nécessairement dès qu’elles ne seront pas unies. Je crois qu’il n’y a personne qui puisse soutenir que la désunion ou la non-adhérence des parties de la matiere, ne puisse exister sans mouvement ; ce sentiment ne souffre pas tant de difficulté que l’autre, on s’épargne par-là la peine de chercher une cause de cette agitation, qu’on a cru trouver dans la matiere subtile, mais que rien ne sauroit prouver ; on ne peut concevoir dans ce fluide un mouvement continuel qui porte ces parties de tous côtés, la raison en est évidente ; car si l’on veut établir un mouvement en tous sens, il faut qu’on dise qu’il n’y a pas d’endroits vers lequel quelque partie de ce fluide ne se meuve ; or si cela est, il n’y aura point de partie en mouvement qui n’en trouve quelqu’une qui aura autant de force qu’elle dans son chemin ; elle ne pourra donc pas se mouvoir, ni par conséquent aucune des autres. Enfin nous nions qu’il y ait dans le sang un principe qui par lui-même donne la fluidité, laquelle ne dépend absolument que du mouvement des vaisseaux ; car les grumeaux qu’on voit dans les vaisseaux de la grenouille qui a été exposée à un froid vif, ne peuvent pas se dissoudre par la chaleur qu’on leur communique en approchant la grenouille du feu ; mais dès que le mouvement du cœur augmente, les grumeaux se divisent dans un instant. Les mouvemens de circulation & de fluidité ne sont pas les seuls qu’on a attribués au sang ; on lui a encore voulu donner un mouvement de fermentation : le sang, dit-on, a des principes acides & alkalis qui, heurtant continuellement les uns contre les autres, doivent nécessairement produire le mouvement que l’on nomme fermentation, comme cela arrive aux liqueurs qui ont ces principes ; mais comme ces principes sont mêlés de parties sulphureuses qui les séparent, il s’ensuit que la fermentation ne doit se faire que peu-à-peu ; au premier instant quelques parties sulphureuses sortiront de l’entre-deux de quelques acides & de quelques alkalis ; au second instant la même chose arrivera à d’autres parties ; ainsi la fermentation se fera successivement : on apporte encore plusieurs autres raisons pour prouver qu’il y a dans le sang un tel mouvement fermentatif. 1°. Dit-on, le chyle se change en sang ; or dans le sang les parties sont changées, & la proportion des principes qui le composent n’est pas la même que dans les parties du chyle ; tout cela, selon plusieurs, ne peut se faire sans fermentation. 2°. Le sang se change en diverses humeurs, & dans ce changement il y a un changement de substance qui ne peut se faire sans fermentation. 3°. Dans le foin & l’avoine, on ne trouve pas de sel urineux ; cependant les animaux qui se nourrissent de ces matieres donnent beaucoup de ce sel par l’analyse ; or ce sel ne sauroit se former sans la fermentation non-plus que le sel salé ; toutes ces raisons sont soutenues de l’analyse de toutes les liqueurs du corps humain, que l’on peut voir à leurs articles particuliers, Salive, Suc pancréatique, Semence, Urine, Urine &c.

Quelque chose que l’on dise, on ne sauroit établir de fermentation dans le sang ; les matieres qui le composent sont fort huileuses : or on sait par la Chimie que l’huile empêche les fermentations ; les acides du vinaigre qui ont dissout le plomb, & qui sont mêlés avec beaucoup d’huile, comme l’analyse nous l’apprend, ne bouillonnent point avec les alkalis : il y a plusieurs autres exemples que je ne rapporterai pas. 2°. Jamais il n’y a eu de fermentation sans repos ; or comment trouver ce repos dans le sang qui est porté partout le corps avec une grande rapidité.

3°. Mais, objectera-t-on, comment se peut former du sel salé du sang, s’il n’y a pas de fermentation ? A cela je réponds que les acides du vinaigre qui a dissout le plomb, formeront le sel salé avec des alkalis ; cependant on n’y remarque pas de fermentation : d’ailleurs la pression du cœur & des vaisseaux, & la chaleur du sang, feront entrer les acides dans les alkalis, & cela suffira pour former un sel salé, &c.

Toutes ces raisons étant supposées, on peut prouver qu’il n’est pas besoin de fermentation pour former & entretenir la chaleur dans le corps humain. 1°. Les parties solides du corps humain sont très propres à s’échauffer par les frottemens : on l’expérimente à chaque moment par l’action des mains ou de quelque autre partie. 2°. Dès que le cœur viendra à agir par ses mouvemens alternatifs, il poussera les parois artérielles, qui par leurs vibrations fréquentes s’échaufferont peu-à-peu. 3°. Les vibrations des arteres ayant fort échauffé les autres parties solides, il arrivera que cette chaleur se communiquera aux fluides, ainsi les solides seront la seule cause de la chaleur dans le corps humain. 4°. Les parties fluides qui sont dans les vaisseaux, sont très-propres à s’échauffer, puisqu’elles sont fort huileuses ; ainsi elles pourront s’échauffer beaucoup. 5°. Par ce que nous venons de dire, on se débarrasse facilement de la difficulté qu’on fait d’ordinaire contre ce sentiment ; savoir comment il se peut faire que les fluides s’échauffent beaucoup dans notre corps sans fermentation, puisque l’eau qu’on bat ne s’échauffe jamais. On en trouve aisément la raison dans ce que nous venons de dire ; s’il n’y avoit que de l’eau dans le corps, la chaleur seroit suffoquée, mais il y a d’autres matieres : d’ailleurs si les parois des vaisseaux étoient bien fortes, & que l’eau n’empêchât pas l’esprit animal de couler dans les nerfs, la chaleur pourroit se faire sentir. On n’a qu’à imbiber d’eau des pieces de bois qui s’échauffent facilement, on verra que si on les frotte long-tems l’une contre l’autre, elles s’échaufferont : or cela ne peut se faire qu’il ne survienne quelque chaleur dans l’eau contenue dans les pores ; de plus, s’il y avoit un principe d’élasticité dans l’eau comme dans le sang, la chaleur surviendroit de même par les mouvemens de ce fluide, comme par le mouvement du sang. 6°. Il y a une expérience qui prouve que la cause primitive de la circulation & de la chaleur, est l’action des vaisseaux. Qu’on prenne une grenouille, qu’on l’ouvre & qu’on l’expose au froid, on verra que le sang qui est dans le mésentere se coagulera & se réduira en grumeaux. Si l’on présente ces vaisseaux au feu, les grumeaux subsistent toujours, l’action des parties ignées ne les résout point ; mais dès qu’on présente le cœur de la grenouille au feu, & qu’il commence à battre, dès lors tous les grumeaux disparoissent, & la circulation se revivifie, comme nous avons déja dit. De-là il s’ensuit évidemment que ce n’est pas la chaleur qui donne la fluidité au sang, que ce n’est que l’action des parties solides qui le divisent ; que sa chaleur est un effet du mouvement des vaisseaux, & qu’elle n’est pas même absolument nécessaire, puisqu’elle n’est qu’une suite du ressort des fibres. S’il arrivoit que ces fibres pussent avoir assez de force pour diviser le sang, mais qu’elles n’en eussent pas assez pour s’échauffer, le sang ne seroit nullement chaud, quoiqu’il fût fluide. 7°. On peut voir par tout cela que le sang qui sera trop agité par les parties solides, s’échauffera davantage, tendra à s’alkalifier, deviendra plus âcre. 8°. On peut expliquer pourquoi la chaleur devient plus forte quand la circulation trouve quelque obstacle : les arteres se trouvant plus dilatées, agissent avec plus de force ; ainsi la chaleur doit se faire sentir plus fortement. Voyez M. Senac, essais phys.

On peut concilier tout ce que nous venons de dire du sang, avec les différentes especes de tempéramens que les anciens ont établies. Si le sang abonde en globules rouges ou du premier genre, cet état sera celui que les anciens appelloient tempérament sanguin ; & on rendra raison par-là des symptomes particuliers à ce tempérament. Si les globules rouges sont en petite quantité dans le sang, & que celui-ci soit fluide & séreux, ce sera ce qu’ils appelloient tempérament phlegmatique. S’il arrive, par quelque cause que ce soit, que le sang se trouve surchargé de parties grossieres, épaisses, & difficiles à mettre en mouvement, parties que les anciens ont regardées comme les principaux ingrédiens de l’atrabile, ce sera pour lors cette constitution qu’ils ont appellée mélancolique, temperamentum melancolicum. Nos alimens en général sont d’une matiere acide, ou participent de cette qualité ; mais par les altérations qu’ils ont à souffrir dans notre corps, ils passent bientôt dans un état neutre : la structure du corps des animaux est telle, que la circulation par sa force en atténuant de plus en plus les parties du sang, corrige leur acidité, & les animalise pour ainsi dire ; elle les rend volatils & en état de passer par la voie de la transpiration : c’est cette même force qui les dispose enfin à devenir alkalins ; si rien ne s’oppose à cette transformation, l’haleine devient forte & le sang se corrompt. On voit que la bile avant que de se séparer du reste de la masse du sang, a subi une longue circulation : c’est une des liqueurs animales les plus parfaites, & qui s’éloignent le plus de la nature des acides ; elle est abondante & bien conditionnée dans ceux en qui les liqueurs circulent avec force, & en qui toutes les fonctions s’exécutent bien. C’est cette constitution portée à un degré trop fort, qui mérite à juste titre d’être appellée avec les anciens, tempérament cholérique, ou chaud & bilieux ; la constitution directement contraire à celle-là, dans laquelle la circulation se fait d’une maniere foible & irréguliere, & où le mouvement n’est point assez fort pour changer la qualité de nos alimens, paroit convenir avec la cachexie des anciens, que l’on peut en quelque façon regarder comme une sorte de tempérament, & comme une disposition différente de l’état naturel & régulier. Elle n’est pas, à proprement parler, une maladie particuliere, telle que le seroit une disposition du corps propre à donner lieu à un grand nombre d’incommodités ; cette constitution se trouve communément confondue avec le tempérament phlegmatique, de même le tempérament sanguin & bilieux se trouvent souvent réunis dans un même sujet. On trouve encore dans le corps humain d’autres dispositions générales & différentes de l’état moyen ; & ces différentes dispositions peuvent être désignées par les noms du tempérament sulphureux. salin, chaud, froid, &c. selon la maniere dont on considere les diverses parties qui entrent dans la composition du sang, leur combinaison, & les différentes opérations du corps. Voyez Cœur.

Quant à la dépuration du sang, & à la maniere dont les différentes liqueurs sont séparées, voyez Secrétions.

Pour ce qui est de la transfusion du sang d’un animal dans les veines d’un autre, voyez Transfusion.

Nous avons dans les Transactions philosophiques. plusieurs exemples extraordinaires d’hémorrhagies volontaires ; il est fait mention sur-tout d’un enfant qui rendit le sang par le nez, les oreilles & le derriere de la tête pendant trois jours. Depuis ce tems jusqu’au sixieme, il rendit le sang par les sueurs de la tête : au sixieme jour il le rendit par la tête, les épaules & le milieu du corps pendant trois jours. Il continua à saigner des orteils, des jointures des bras, & des doigts de chaque main, & de l’extrémité des doigts, ce qui dura jusqu’à sa mort. Dans l’ouverture que l’on en fit, on trouva dans les endroits d’où le sang sortoit de petits trous semblables à une piquûre d’aiguille. Voyez Hémorrhagie.

Pour la maniere d’étancher le sang, voyez Styptique.

Pierre de sang, voyez Sanguine & Hématites.

Mains sanglantes (avoir les) c’est une des quatre sortes de délits que l’on peut commettre sur les pays de chasse du roi d’Angleterre. Si on trouve un homme ayant les mains ou une autre partie sanglante, il est condamné comme ayant tué une bête fauve, quand même on ne l’auroit point trouvé chassant. Voyez Forêt.

Pluie de sang, voyez Pluie.

Flux de sang, voyez Flux & Dyssenterie.

Urine de sang, c’est une maladie dans laquelle l’urine sort mêlée avec du sang, en quantité plus ou moins grande. Voyez Urine.

Le sang qui sort ainsi vient des reins, quelquefois aussi de la vessie ou des ureteres. Cette maladie est causée quelquefois par une émotion violente, ou par une chûte en arriere qui cause la rupture de quelques-uns des vaisseaux urinaires : quelquefois aussi elle se trouve à la suite des suppressions subites des hémorrhoïdes ou des regles. La pierre sur-tout dans les reins, occasionne aussi de fréquens paroxismes de cette maladie ; & les cantharides prises intérieurement, ou même appliquées extérieurement sans acides, produisent le même effet. L’urine de sang est un trés-mauvais symptome dans la petite vérole & les fievres malignes, quoique dans quelques occasions elle ait paru servir de crise, & être un indice de la fin de la maladie.

Sang de bouc, (Pharmacie.) la préparation consiste à le faire sécher pour le garder & le réduire en poudre quand on voudra.

On fera nourrir à la maison un chevreau avec la pimprenelle, le persil, la mauve, la saxifrage ; on lui ouvrira les arteres, & on ramassera le sang qui en découlera ; on le laissera rasseoir ; on en séparera la sérosité, & ensuite on le fera sécher au soleil, ou à une chaleur douce de feu.

Ses vertus sont d’être sudorifique, alexipharmaque ; on l’ordonne dans la pleurésie, à la dose d’un scrupule. Voyez Bouc. C’est ainsi que l’on prépare le sang humain.

Sang, (Critiq. sacrée.) ce mot, dans l’Ecriture, marque la vie ; de-là ces expressions figurées, teindre son pié, ses habits de sang, pour dire faire un grand carnage de ses ennemis ; porter sur quelqu’un le sang d’un autre, c’est charger quelqu’un du meurtre d’un autre. Sang se prend aussi pour parenté, alliance. Je vous livrerai à ceux de votre sang qui vous poursuivront, Ezech. xxxv. 6. Ce mot désigne encore la nature corrompue par le péché, Matth. xvj. 17. Il signifie quelquefois le jus du raisin. Judas lavera son manteau dans le vin, in sanguine uvæ, Genese. ixix. 11. C’est une expression figurée pour peindre la fertilité des vignobles de la tribu de Juda. Malheur à celui qui bâtit une ville dans le sang, Habac. ij. 12. c’est-à-dire par l’oppression des malheureux. O Dieu, délivrez-moi des sangs, dit David, ps. l. 16. c’est-à-dire des peines que je mérite par le sang que j’ai répandu. Ce devroit être la priere de tous les rois qui ont aimé la guerre. (D. J.)

Sang, pureté de, (Hist. d’Espag.) en Espagne on fait preuve de pureté de sang, comme on fait preuve en France de noblesse pour être chevalier de Malte, ou du Saint-Esprit, &c. Tous les officiers de l’inquisition, ceux du conseil suprème & des autres tribunaux doivent prouver leur pureté de sang, c’est-à-dire qu’il n’y a jamais eu dans leur famille ni juifs, ni maures, ni hérétiques. Les chevaliers des ordres militaires, & quelques chanoines sont pareillement obligés de joindre cette preuve aux autres, qu’on exige d’eux. On les dispense de la pureté de sang au propre, la figurative en tient lieu. (D. J.)

Sang de Jesus-Christ, ordre du, (Ordre milit.) nom donné à un ordre militaire institué à Mantoue en 1608, par Vincent de Gonzagues, quatrieme du nom, duc de Mantoue. On peut lire, sur cet ordre, Donnemundi, dans son histoire de Mantoue, le Mire, Faryn, Justiniani & le pere Helyot. Je dirai seulement que l’habit des chevaliers de cet ordre, à commencer par leur collier jusqu’à leurs bas de soie cramoisi, est assez bisarrement imaginé ; mais c’est à-peu-près la même chose de presque tous les autres ordres militaires de l’Europe. (D. J.)

Sang, conseil de, (Hist. mod.) est un tribunal qui fut établi en 1567, dans les Pays-Bas, par le duc d’Albe, pour la condamnation ou justification de ceux qui étoient soupçonnés de s’opposer aux volontés du roi d’Espagne Philippe II. Ce conseil étoit composé de douze personnes. c

Sang-dragon, s. m. (Hist. des drog. exot.) sorte de résine connue de Dioscoride, sous le nom de κιννάβαρις, & des Arabes, sous celui de alachnem ; on l’appelle sanguis draconis dans les boutiques. C’est une substance résineuse, seche, friable, inflammable,

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Étymologie de « sang »

Provenç. sang, sanc ; espagn. sangre ; portug. et ital. sangue ; du lat. sanguis, sanguinem.

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(Date à préciser) De l’ancien français sanc, issu du latin sanguis (« sang »).
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Phonétique du mot « sang »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
sang sɑ̃

Fréquence d'apparition du mot « sang » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « sang »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « sang »

  • Surprenant, au vu de l'état dans lequel avait été découvert le cadavre de Jesussthan. Il avait été découvert, par le propriétaire, gisant dans son sang, dans un studio situé à l'angle du boulevard Edouard-Vaillant et de la rue Béranger à Aubervilliers. Des traces de sang menaient du portillon noir de l'entrée de la résidence, jusque dans l'escalier extérieur menant au premier étage de l'appartement désormais sous scellés.
    leparisien.fr — Aubervilliers : le mystère reste entier après la mort de Jesussthan, retrouvé gisant dans une mare de sang - Le Parisien
  • Que je meure au combat, ou meure de tristesse, Je rendrai mon sang pur comme je l'ai reçu.
    Pierre Corneille — Le Cid, I, 6, Rodrigue
  • Gond : limites du sang froid.
    Tristan Bernard — Mots-croisés
  • C'est un portillon noir discret qui donne sur un passage étroit longeant un petit immeuble d'un étage, s'apparentant à un vieux pavillon. Derrière le portail, un amas de taches de sang recouvre le sol. Des traces qu'on retrouve tout le long du passage, puis dans l'escalier extérieur menant au 1 er étage de l'appartement désormais sous scellé. C'est ici, dans un studio situé à l'angle du boulevard Edouard-Vaillant et de la rue Béranger à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), qu'a été retrouvé jeudi soir le corps de Jessuthan, un Sri-Lankais de 43 ans.
    leparisien.fr — Aubervilliers : un homme retrouvé mort chez lui dans une mare de sang - Le Parisien
  • La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort de la mort.
    Joseph de Maistre — Les soirées de Saint-Pétersbourg
  • Il n'est pas une idée née d'un esprit humain qui n'ait fait couler du sang sur la terre.
    Charles Maurras — La Dentelle du rempart, Grasset
  • L'été est traditionnellement la saison phare pour les acheteurs et les vendeurs de pur-sang. Arqana : la maison de vente aux enchères détenue majoritairement par le Prince Aga Khan aux côtés d' Artcurial , passe sur le ring de Deauville les yearlings les plus prometteurs - ces poulains de dix-huit mois qui conjuguent excellence génétique et physique d'athlète. Mais cette année, coronavirus oblige, Arqana se contente le 20 juillet d'organiser une vente de 250 chevaux de plat et d'obstacle. Il faudra attendre les 24,25,26 septembre pour voir l'élite de la production française .
    Les Echos — La saison chamboulée des ventes de pur-sang d'exception | Les Echos
  • Une pinte de sueur économise un gallon de sang.
    George S. Patton
  • Le sang est la sueur des héros.
    S.G. Champion — Proverbes raciaux
  • Je n'ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur.
    sir Winston Leonard Spencer Churchill
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Images d'illustration du mot « sang »

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Traductions du mot « sang »

Langue Traduction
Anglais blood
Espagnol sangre
Italien sangue
Allemand blut
Chinois 血液
Arabe دم
Portugais sangue
Russe кровь
Japonais 血液
Basque odol
Corse sangue
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Synonymes de « sang »

Source : synonymes de sang sur lebonsynonyme.fr

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Nombre de points du mot sang au scrabble : 5 points

Sang

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