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Rancune

Variantes Singulier Pluriel
Féminin rancune rancunes

Définitions de « rancune »

Trésor de la Langue Française informatisé

RANCUNE, subst. fém.

A. − État affectif durable fait d'aigreur, de ressentiment, du désir de se venger, lié au souvenir d'une offense, d'une frustration ou d'une injustice et, généralement, cristallisé sur la personne que l'on tient pour responsable de ces préjudices. Synon. ressentiment.Il se rappelait les conversations; il les déformait. Il sentait le remords d'accusations grossies et inexactes, mais une rancune amère lui ôtait le désir de les rectifier (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 246):
1. En ne se décidant pas pour moi, Zaza pactisait avec des adversaires acharnés à me détruire et je lui en voulus. Elle redoutait le voyage qui lui était imposé, elle se tourmentait; je marquai ma rancune en refusant d'entrer dans ses soucis... Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 287.
[Constr. avec un compl. désignant la pers. sur laquelle est cristallisé ce sentiment, introd. par contre, plus rarement à l'égard de, envers, pour] Elle se couchait sous les coups sans honte, souhaitait d'être morte, incapable de rancune envers son bourreau (Bernanos, Mouchette, 1937, p. 1301).Sa rancune à l'égard de Dubreuilh ne mourrait pas de sitôt (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 255).Rare. [Le compl. prép. désigne un objet, une entité] Leur passé, leur jeunesse, leur rancune à l'égard des idées et des mots, leurs rêves d'aventure, leurs ambitions incertaines (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 216).
Loc. adj., rare. De rancune. Synon. de rancunier.La population hâve et maigrie dont elles [les usines] inondaient le pavé boueux, gardait des yeux de rancune (Zola, Travail, t. 1, 1901, p. 15).
B. −
1. Au plur. Moments de rancune (liés à des souvenirs ou des personnes différentes); sentiments de rancune éprouvés par plusieurs personnes. Je ferai des vœux pour que la France (...) sorte enfin du cercle étroit des partis et des rancunes politiques (Lamart., Corresp., 1832, p. 285).[Les perversités] suivent des déceptions, des rancunes, des haines infantiles, des chocs affectifs inconscients, ou même la fréquentation quotidienne, depuis l'enfance, d'un milieu immoral (Mounier, Traité caract., 1946, p. 728).V. coriace ex. 2.
2. [Dans diverses combinaisons]
a) [Combiné avec une prép.]
[Avec avec] Elle parlait devant elle avec de la rancune, mais le fond de son cœur est tout résigné (Noailles, Visage émerv., 1904, p. 122).Les enfants se rappellent avec rancune ceux qui ont été mauvais pour eux (Proust, Sodome, 1922, p. 1122).
[Avec dans] [L'huissier] implora d'un regard le père Fouan. Celui-ci continuait de fumer tranquillement sa pipe, dans sa rancune féroce contre les frais de justice et l'homme qui les incarne, aux yeux des paysans (Zola, Terre, 1887, p. 331).
[Avec de; constr. avec un verbe ou un adj. décrivant un état ou un comportement] Louchant de rancune, ils descendaient du trottoir mince pour faire place au grand patron (Hamp, Marée, 1908, p. 63).Contre Raboliot, il y avait Volat; un Volat fiévreux de rancune, gonflé de griefs venimeux, le vrai Volat, le dangereux, le mauvais (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 91).
[Avec en] Rare. Il n'y a que les Français (...) qui abattent les croix, dévastent les églises, en rancune du clergé de l'an de grâce 1 000 ou 1 100 (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 434).
[Avec par] Combien n'est-il pas plus flatteur de voir un critique, par rancune ou dépit, se forcer au dénigrement, que, par camaraderie, à l'indulgence (Gide, Journal, 1927, p. 848).
[Avec sans] Elle pensait à Jean sans rancune, sans haine, à cette malheureuse femme, à son petit (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 448).
[Formule de réconciliation invitant l'interlocuteur à oublier un reproche, une critique que l'on vient de faire] C'est une gaucherie à toi de venir me tourmenter sur un caractère que tu sais bien que j'ai, et qu'on ne pourrait modifier qu'en se montrant aimable et non en faisant le métier de précepteur. Sans rancune au reste, et bonsoir (Staël, Lettres jeun., 1790, p. 358).
b) [Combiné avec un verbe]
[Avec avoir] Avoir rancune (vieilli), de la rancune (contre qqn); (avoir) une rancune (combiné avec un syntagme déterm.); (expr. quantifiante) + rancune, des rancunes.Avoir de la rancune au cœur. Le préfet avait une rancune contre la marquise, mais sa galanterie n'hésita pas (Zola, Curée, 1872, p. 559).J'ai de rancune pour personne, dit Madelon les dents serrées (Giono, Gd troupeau, 1931, p. 30):
2. − C'est que... vous savez... elle a de la rancune, MmeBondel. − Oui, mais je vous assure qu'elle ne vous en veut plus. Je suis même convaincu que cela lui fera grand plaisir de vous voir comme ça, à l'improviste. − Vrai? − Oh! vrai. − Eh bien? allons, mon cher. Maupass., Contes et nouv., t. 1, Épreuve, 1889, p. 1125.
Avoir de la rancune de qqc. (désignant le préjudice dont le souvenir cause de la rancune). Ils avaient une rancune noire de leur marmite renversée trop tôt, sans qu'ils pussent comprendre la nécessité de cette précipitation (Zola, Débâcle, 1892, p. 29).
[Avec garder] Garder rancune à qqn; garder de la rancune, une rancune (combiné avec un syntagme déterm.); ne pas garder rancune à qqn. Il était encore dans la grosse douleur de son sacrifice, il gardait une rancune contre ces gens qui lui avaient acheté son rêve (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 600).Celui-ci gardait rancune au baron, qui lui-même ne lui disait pas bonjour (Proust, Prisonn., 1922, p. 319).
Garder (de la) rancune de qqc., de + verbe à l'inf., pour qqc. (désignant le préjudice dont le souvenir cause de la rancune).Elle rêvait mariage, − elle aussi! Frédéric en fut exaspéré (...) il lui gardait rancune pour sa longue résistance (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 242).Au fond, dans son ancienne toquade tournée à la haine, il lui gardait une rancune féroce de ses dévouements, de sa beauté, de cette vie à deux dont il n'avait plus voulu, par une perversion de ses goûts de monstre (Zola, Nana, 1880, p. 1330).Elle me garde rancune d'avoir omis le rendez-vous au palais de justice (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 532).
[Avec se prendre, tenir] Vous avez beau vouloir tenir rancune à notre France et la rendre responsable de l'injustice dont vous avez été victime; vous êtes misanthrope par principes et français au fond du cœur (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 348).Elle se prit d'une rancune pour le docteur, d'une rancune qui grandissait sourdement et tournait à la haine, à mesure qu'elle se portait mieux (Zola, Page amour, 1878, p. 944).SYNT. Éprouver de la rancune, un sentiment de rancune contre qqn; nourrir de la rancune contre, à l'égard de qqn; la rancune de qqn éclate; être dévoré, plein de rancune; (avoir) une voix chargée de rancune, un cœur gonflé de rancune; dire qqc. sur un ton de rancune; rancune obscure, secrète, sourde, tenace; ancienne, longue, profonde, vieille rancune; aigreur, amertume, animosité, colère, envie, haine, mauvaise humeur, jalousie, rage, rancœur et rancune.
Prononc. et Orth.: [ʀ ɑ ̃kyn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 2301); spéc. 1670 point de rancune (Mmede Sévigné, Lettre 6 juill. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 128); 1718 sans rancune (Ac.). Issu, par substitution de suff. (-une < lat. -udine; cf. amertune, att. en a. fr. à côté d'amertume*, v. FEW t. 24, p. 391a), de rancure (att. de ca 1165, Benoît de Sainte-Maure, Troie ds T.-L., à fin xives., Jehan des Preis ds Gdf.), d'un lat. vulg. *rancura, lui-même issu par substitution de suff. du lat. rancor, -oris (rancœur*). Voir FEW t. 10, p. 55. Fréq. abs. littér.: 1 463. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 617, b) 2 429; xxes.: a) 3 010, b) 2 582. Bbg. Foerster (W.). Etymologisches. Z. rom. Philol. 1881, t. 5, pp. 98-99. − Kleiber (G.). Le Mot ire en anc. fr. Paris, 1978, pp. 395-397.

Wiktionnaire

Nom commun - français

rancune \ʁɑ̃.kyn\ féminin

  1. Ressentiment tenace, sentiment profond de mal-être, opinion négative envers quelqu’un suite à du mal, des offenses subies.
    • Le gros Léon, se montrant plus généreux, avait généralement de meilleurs tuyaux que son confrère, lequel, en secret, lui gardait bien un peu rancune de la chose. — (Louis Pergaud, Un renseignement précis, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • La Pauvreté, ah! la garce! Elle va dans un cortège d'humiliations, de basses rancunes, de fangeuses abdications. Elle traîne, derrière elle, sa sœur la Misère, au rire édenté, aux orbites desséchées, aux doigts mous. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 34)
    • Il m’arrivait de ne pouvoir retenir une moquerie qui les blessait mortellement et dont ils me gardaient rancune. — (François Mauriac, Le Nœud de vipères, Grasset, 1933, réédition Le Livre de Poche, page 31)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RANCUNE. n. f.
Ressentiment tenace. Vieille rancune. Il lui garde rancune. Il a une rancune, il a de la rancune contre lui. Fam., Sans rancune, point de rancune, Oublions les anciens torts, les sujets que nous pouvons avoir de nous plaindre l'un de l'autre.

Littré (1872-1877)

RANCUNE (ran-ku-n') s. f.
  • Ressentiment tenace et qu'on n'oublie pas. De mon côté, moi, j'ai une vieille rancune contre le financier, Dancourt, Foire de Besons, sc. 13. Ce qui me retient, c'est la peine que cela vous fera, c'est la rancune que vous en prendrez contre moi, Marivaux, Marianne, 4e part. Bien rosser et garder rancune est aussi par trop féminin, Beaumarchais, Mar. de Figaro, V, 8. Les rancunes de l'amitié sont plus durables que toutes les autres ; elles survivent à la colère, Genlis, Vœux témér. t. III, p. 133, dans POUGENS. J'ai de la rancune de prince ; Mon bon roi, vous me le paierez, Béranger, M. jours gras.

    Sans rancune, ou point de rancune, c'est-à-dire oublions le passé, oublions nos sujets de plainte. Amour… Qui fut (soit dit sans rancune) Si sujet à caution, Chaulieu, Voyage de l'amour et de l'amitié.

    Rancune tenant ou tenante, se dit pour signifier qu'on se rapproche tout en gardant son inimitié. Comptez sur moi comme sur vous-même dans ce moment, mais rancune tenant toujours, Voltaire, Socrate, II, 8.

    Rancune à part, se dit lorsque, n'étant pas bien avec quelqu'un, et ayant néanmoins un intérêt commun avec lui, on oublie de part et d'autre pour un temps les griefs réciproques.

    Fig. et en forme de dicton populaire, en parlant d'une étoffe, d'un cuir, etc. : C'est de la rancune de prêtre, ou c'est fait en rancune de prêtre, ça durera toujours, c'est inusable.

HISTORIQUE

XIe s. Diz cops il fiert par duel [deuil] e par rancune, Ch. de Rol. CLXVIII.

XIIIe s. Et se descovri lors aparantment la rancune, Hist. occid. des crois, t. II, p. 348. Amors a tele nature, Que sa joie fait torner à rancure, Ms. de poésies franç. avant 1300, t. I, p. 51, dans LACURNE.

XIVe s. Li rois fut de mal cuer et de felon coraige, Et fut pleins de rancune, de corroux et de raige, Girart de Ross. V. 3191.

XVe s. Et estoit tenu Pietre du Bois en paix parmi tant qu'il avoit juré qu'il ne traiteroit jamais ni ne procureroit nulle guerre ni rancunes des bonnes gens de Gand envers le duc de Bourgogne, Froissart, II, II, 241.

XVIe s. Ame exempte de vengeance et de rancune, Montaigne, I, 402.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « rancune »

Berry, rancure ; prov. rancura ; anc. espagn. rencura ; ital. rancura ; du lat. rancus, rance, avec la finale ura ou una.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

En ancien français rancure, où le suffixe -ure a été remplacé par -une (du latin -udine), lui-même provenant du latin vulgaire rancura, issu du latin rancor (« rancœur »), lui-même du verbe latin inusité *ranceo dont est issu aussi le français rance.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « rancune »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
rancune rɑ̃kyn

Fréquence d'apparition du mot « rancune » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « rancune »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « rancune »

  • Coup pour coup n'a pas de rancune.
    Proverbe guadeloupéen
  • L'âme haute et l'esprit pur Se nourrissent de rancune.
    Patrice de La Tour du Pin — Une somme de poésie, Gallimard
  • Toutes les rancunes viennent de ce que, restés au-dessous de nous-mêmes, nous n'avons pu nous rejoindre. Cela, nous le pardonnons jamais aux autres.
    Emil Michel Cioran — Syllogismes de l’amertume
  • Il serait malséant de tenir trop ardente rancune au bon Dieu. Songez, Messieurs, qu'il n'a mis que six jours pour créer l'Univers. Et, six jours pour venir à bout d'une tâche de cette importance, c'est un tantinet court !
    Alphonse Allais
  • La vie n'est qu'un noeud de rancunes inextricables.
    Gao Xingjian — La montagne de l'âme
  • Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
    Ancien Testament, Lévitique XIX, 18
  • La haine n'est-elle pas aussi douloureuse que l'amour ? Celui qui déteste son semblable s'enchaîne à sa rancune, se fait prisonnier de son ressentiment. Il n'est plus un être libre.
    Jeannette Massie — Jeunesse libre
  • La peur de l'ennemi détruit jusqu'à la rancune à son égard.
    Fiodor Dostoïevski — Les Démons
  • «Ne gardez pas de rancune.» « J’ai fait campagne avec moi et Jill. » « Talentueux. » « Une aide précieuse pour la campagne. » «Grand respect pour elle.»
    News 24 — `` Ne gardez pas rancune '' contre Kamala Harris - News 24
  • Quoiqu'il en dise, et à son insu, l'homme garde toujours au fond de son coeur un reste de rancune envers celui qui lui a fait du mal, même s'il est bien convaincu qu'il n'en est rien.
    Adrien Therio — Les Brèves Années
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Traductions du mot « rancune »

Langue Traduction
Anglais grudge
Espagnol resentimiento
Italien rancore
Allemand groll
Chinois 怨恨
Arabe ضغينة
Portugais rancor
Russe недоброжелательство
Japonais 恨み
Basque grudge
Corse scuderia
Source : Google Translate API

Synonymes de « rancune »

Source : synonymes de rancune sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « rancune »

Combien de points fait le mot rancune au Scrabble ?

Nombre de points du mot rancune au scrabble : 9 points

Rancune

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