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Question

Variantes Singulier Pluriel
Féminin question questions

Définitions de « question »

Trésor de la Langue Française informatisé

QUESTION1, subst. fém.

I. − Demande adressée en général oralement à quelqu'un, soit sous la forme d'une phrase incomplète qui appelle un complément, une confirmation, ou une dénégation, soit sous la forme d'une interrogation, pour en apprendre quelque chose, en obtenir une réponse, en connaître l'opinion; l'énoncé de cette demande. Accabler de questions, adresser des questions, cribler de questions, détourner la question, éluder la question, formuler une question, harceler de questions, préciser sa question, presser de questions, renouveler sa question, répéter une question, répondre à une question; question absurde, compromettante, déplacée, directe, ennuyeuse, fondamentale, franche, inattendue, insidieuse, perfide, rituelle, saugrenue; belle, bonne question. D'abord, Nana avait eu peur de rencontrer d'anciennes amies qui lui auraient fait des questions bêtes (Zola, Nana, 1880, p. 1301).Et de quoi vivez-vous? demanda M. Seurel, qui suivait tout cela avec sa curiosité un peu puérile de maître d'école et qui posait une foule de questions (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 149):
1. Quand le feuilleton quotidien « Irène » fut suspendu (écoute féminine de l'après-midi), 350 000 auditrices demandèrent qu'il fût repris. Et quand il fut ressuscité sous le nom de « Tarville », et qu'on eût posé cette question sur l'antenne: « Voulez-vous qu'il soit édité? » 55 000 demandes favorables ont été adressées au producteur de l'émission. Weinand, Public. radioph., 1964, p. 23.
Rem. Au xixes. la loc. usuelle était faire une question, des questions; auj., la loc. cour. est poser une question.
A. − Spécialement
1. DR. CIVIL. Mode d'instruction par voie de questions. Synon. interrogatoire.Prévenu de l'attaque, et pour y faire face, M. Prouteaux, chef de cabinet du gouverneur, avait courageusement pris place aux côtés du ministère public; ce que certains ne manquèrent pas de trouver « déplacé ». À noter l'effarante insuffisance des deux interprètes; parfaitement incapables de comprendre les questions posées par le juge (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 693).
P. plaisant. La princesse m'a dit ce soir (sans question préalable de ma part) qu'elle avait écrit à M. Serres qui ne lui a pas répondu (Flaub., Corresp., 1865, p. 36).
2. DR. CONSTIT. Questions écrites, orales, inscrites à l'ordre du jour, d'actualité; questions orales au gouvernement. Demandes d'explications adressées par un député à un ministre, soit par écrit, soit au cours d'une séance du parlement. Les questions écrites constituent un bel exemple d'institution détournée de son objet primitif. En fait, elles sont le plus souvent le moyen pour le parlementaire, à la demande d'un électeur, d'obtenir un renseignement de l'administration sur un cas personnel et précis (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 455):
2. Les questions orales. La question orale est un procédé de contrôle assez délaissé dans la pratique parlementaire française, alors qu'elle tient une large place dans la vie politique britannique. L'assemblée réserve chaque mois une séance pour les questions orales. Vedel, Dr. constit., 1949, p. 455.
Question de confiance. ,,Demande du gouvernement à l'assemblée d'apprécier sa politique, mettant en jeu la responsabilité du gouvernement s'il est mis en minorité`` (Barr. 1974):
3. La pratique parlementaire a essayé d'assouplir le plus possible le jeu de l'article 49 notamment en admettant que le président du conseil pouvait recevoir du conseil des ministres une autorisation de principe lui permettant dans un débat donné de poser la question de confiance autant de fois et dans toutes les occasions où cela lui paraîtrait nécessaire. Vedel, Dr. constit., 1949, p. 465.
3. PÉDAG., ENSEIGN. Interrogation sur un programme d'enseignement; question posée par écrit; liste de questions; manuel par questions et réponses; questions d'examen; questions d'un questionnaire. − Une composition de chimie, consistant en une question de cours avec application numérique (coefficient 2); − une composition de sciences naturelles, consistant en une question de cours (coefficient 2). Durée des épreuves: 3 heures (Encyclop. éduc., 1960, p. 212).
4. PSYCHOL. SOC. Partie, élément d'un questionnaire d'enquête:
4. ... le ministère de l'agriculture adressait aux vétérinaires français un questionnaire très précis, relatif à la contagion de la fièvre aphteuse à l'homme. À la première question: « La fièvre aphteuse est-elle susceptible de se transmettre à l'espèce humaine connaissez-vous des exemples de transmission accidentelle? » Presque tous répondirent par la négative. L'enquête faite en Suisse, en 1876, par le professeur Pütz, a donné des résultats à peu près semblables. Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux, 1896, p. 345.
Question ouverte. Dans une enquête ,,question pour lesquelles les catégories de réponses ne sont pas imposées à l'interviewé`` (Public. 1976).
Question fermée. ,,Question dont la réponse est à choisir dans une série de réponses préétablies`` (Public. 1976).
Question piège. ,,Question dont le but est de vérifier et d'apprécier la validité des autres réponses`` (Public. 1976).
Question à choix multiple. ,,Question dont la réponse est à choisir dans une série de propositions pré-établies`` (Public. 1976).
Technique des questions. ,,Technique utilisée par l'animateur dans la conduite des réunions pour obtenir la participation du groupe`` (Tez. 1968).
B. − P. ext. Interrogation plus ou moins explicite que l'on se pose à soi-même. S'adresser une question, se poser des questions, se torturer de questions. Je me pose cette question avec tristesse, quand sœur Séraphique − la représentation étant terminée − abandonne son poste auprès de la fenêtre et se rapproche de mon lit (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 36).Plusieurs voies d'approche s'offrent à celui qui s'est posé la question des rapports qui existent entre nous-mêmes et nos rêves (Béguin, Âme romant., 1939, p. xiv):
5. Je reviens à la connaissance de Dieu: il y avait deux partis à prendre (...) montrer Dieu comme aboutissement de la théorie extraordinairement précise de Claudel (...). Montrer délibérément Dieu comme la seule promesse de l'éternelle question de notre cœur, le seul baume à notre blessure, le seul apaisement plus nécessaire que la vérité − et aussi vrai qu'elle. Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p. 55.
II. − Sujet sur lequel on a des connaissances qui prêtent à confusion, pouvant donner lieu à discussion; centre d'intérêt considéré comme matière à réflexion. Question approfondie, capitale, complexe, controversée, débattue, délicate, discutée, élémentaire, facile, générale, importante, insoluble, juive, particulière; vaste question; question à l'étude; aborder une question; étudier, traiter une question; entrer dans le vif de la question; mettre une question sur le tapis; s'occuper d'une question; régler, résoudre, sortir de la question; soulever une question; voilà l'état de la question. À quelle idée cette génération va-t-elle se dévouer? Elle sait qu'elle doit s'emparer des hautes questions, qu'elle doit résoudre les questions sociales et religieuses. Et comment le faire? (Barrès, Cahiers, t. 11, 1914, p. 114).Il n'en demeure pas moins vrai qu'à la fin du XIXesiècle deux difficultés chroniques continuent de menacer le capitalisme: la question sociale qui subsiste malgré l'amélioration certaine du sort des ouvriers, et surtout les crises de surproduction (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1968, p. 31):
6. Les faits intervenus depuis quelque temps dans les rapports de valeur entre les métaux précieux, et les discussions de l'opinion publique ont rapidement mûri parmi nous, chez plusieurs esprits, la question monétaire longtemps si mal comprise, bien que, dès 1815, la Grande-Bretagne ait posé en cette matière des principes, qui ont groupé sous leur application, des populations d'un nombre toujours croissant depuis lors. Shaw, Hist. monnaie, 1896, p. 156.
Locutions
Là est la question. Comment la volonté profonde de chacun produit-elle cette extension restreinte, de manière à ratifier à la fois l'ampleur et l'étroitesse de la vie nationale? Là est vraiment la question (Blondel, Action, 1893, p. 262).
C'est toute la question. Et Rosny, dis-je, parle depuis un quart d'heure. Il n'a pas prononcé une fois le mot « morale »: c'est toute la question. C'était notre point de départ (Renard, Journal, 1908, p. 1157).
Ce n'est pas la question. On peut construire la morale pratique, sans évoquer le libre arbitre; elle est à pratiquer: cela est nécessaire; voilà tout. Qu'elle soit pratiquée ou non, qu'elle soit telle ou telle, que même elle soit praticable en effet, ce n'est point la question (Blondel, Action, 1893, p. 302).
C'est une autre question. Cependant, objectait Jacques, les colonies de ces voisins sont productives, les nôtres onéreuses. − Ça, c'est une autre question. Gagner de l'argent n'est pas notre affaire, mais la vôtre, à vous les civils (Vogüé, Morts, 1899, p. 261).
Il n'en est pas/plus question. Mon cher, il n'en est plus question, répondis-je, ajoutant aussitôt, d'un ton qui coupait court à toute nouvelle question: − et cela vaut beaucoup mieux ainsi (Gide, Porte étr., 1909, p. 527).
DR. Question préjudicielle. ,,Problème juridique particulier qui peut être d'ordre administratif, civil ou pénal, qui doit être résolu par la juridiction normalement compétente avant que la juridiction saisie d'un litige dont la solution dépend de celle qui sera donnée à ce problème particulier, puisse statuer au fond`` (Barr. 1974).
A. −
1. Question de.Question concernant, ayant trait à. Question d'argent, de droit, d'éducation, de fond, de forme, de goût, de santé, de service (ce qui concerne la compétence d'un service). Non! il n'y a pas trop d'horreurs (pour mon goût personnel il n'y en a même pas assez! mais ceci est une question de tempérament) (Flaub., Corresp., 1861, p. 439).L'autre [inconvénient], plus général, et qui pose, malgré tout, une question de méthode (L. Febvre, De Linné, [1927] ds Combats, 1953, p. 324):
7. La question des écoles normales propres à les former; la question de l'enseignement exclusivement laïque ou mixte, au choix des parents; la question, comme conséquence, de la séparation de l'Église et de l'État; la question du travail des enfants dans les fabriques ou aux champs; et, comme conséquence, l'obligation d'indemniser les parents vieux ou infirmes, ou trop pauvres, ou trop chargés de famille, qui vivent du travail de ces enfants. J'en passe. Surgit la question de l'impôt; aussitôt cent autres questions vitales se présentent. Il en est ainsi de tout ce que nous voulons toucher. Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 411.
Question de fait. C'est une simple question de fait, qui s'éclaircit facilement par les registres du greffe (Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 27).Je n'oublie pas que le marxisme (...), met ses fidèles en possession d'une théorie (...) qui les pourvoit, antérieurement à toute enquête proprement historique portant sur les questions de fait, de la vérité sur le sens de l'histoire (Marrou, Connaiss. hist., 1954, p. 218).
Question de principe(s). Ce jour se lève à certaines époques dans l'histoire des nations − où on mettra les questions de principes avant les questions de personnes (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 154).Laisse-moi au moins te parler en homme de loi et agiter une question de principe (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 95).
Rem. Question peut souvent, dans la lang. cour., être remplacé par le mot problème empl. abusivement. V. infra ex. de Camus.
HIST. Ensemble des problèmes soulevés par une situation historique dans une région du monde. Question d'Orient. Le pays (...) a pu croire que la question du Maroc sommeillait (Jaurès, Eur. incert., 1914, p. 163).
2.
a) Il est question de; il n'est pas question de. Il s'agit de; on a parlé de; il ne s'agit pas de. Il a été fort question de politique et du mécanisme du gouvernement anglais etc... Mmede Staël a été très piquante avec le vicomte de Montmorency (Maine de Biran, Journal, 1816, p. 232).Les uns diront: tout est langage, il n'est pas question d'une relation directe de l'objet au sujet (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 169):
8. Il n'est pas question ici de développer des méthodes: disons seulement qu'il n'existe pas qu'une seule méthode pour apprendre à aimer un art et s'y éduquer, et que la technique de formation artistique ne doit surtout pas cacher et précéder la sensibilisation... B. Schwartz, Réflex. prospectives, 1969, p. 17.
P. ell., fam. Pas question! [Ce fil téléphonique?] Tu crois quand même pas qu'ils auraient [ces fripouilles] le toup' d'appeler Police-Secours? (...) − Pas question, mais (...) quelques malfrats à la rescousse (Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 154).
Il est hors de question de. V. hors II B 2 d ex. de Beauvoir.
b) Il est question de. On envisage de. Il est toujours question d'ouvrir cette rue du Dix-Décembre, qui doit aller du nouvel Opéra à la Bourse (Zola, Pot-Bouille, 1882, p. 172).
c) C'est une question de + subst. C'est un problème qui concerne tel ou tel point, tel ou tel aspect. Question de jours, de bon sens. Vous posez mal le problème. Ce n'est pas une question de vocabulaire, c'est une question de temps (Camus, Peste, 1947, p. 1256):
9. Quand on examine attentivement la question de l'irritabilité et de la sensibilité, l'on s'aperçoit bientôt que ce n'est guère qu'une question de mots, comme beaucoup d'autres qui divisent le monde depuis des siècles. Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 76.
En partic. C'est une question de temps, de jours, de mois. Il n'y a plus que quelques mois, jours à attendre. Le mieux serait de planquer Juliette pendant quelque temps, dit la voix du docteur, après tout, maintenant ce n'est peut-être plus qu'une question de mois (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 92).V. aussi supra ex. de Camus.
d) P. ell. et pop. Affaire de. Il me venait, question de gonzes et de mistonnes, une lucidité de gamberge stupéfiante. Non seulement à propos des présents, mais encore de tous ceux que j'avais connus (Simonin, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 229).
e) Fam. Question + nom en appos. avec omission de l'art. déf.Question église, mariage, santé. Beaucoup de libérés vivent par deux − non pas (...) question relations sexuelles − non! mais pour s'entraider (Dussort, Journal, 1930, dép. par G. Esnault, 1953, p. 6).
f) Il n'y a pas de question. Sans aucun doute certainement!
Rem. ,,Dans la langue contemporaine la locution il n'y a pas de question s'est répandue pour signifier « il n'y a pas d'hésitation, la chose va de soi ». Elle appartient surtout au langage parlé. On observe la tendance à la généralisation d'une locution formée par analogie à partir du mot problème: il n'y a pas de problème`` (Dupré 1972).
B. − En question
1. [À propos d'une pers.] Se dit de quelqu'un dont on parle ou/et qui est mis en cause. Oui, mais on prétend qu'à Saint-Andréol, le particulier en question a battu plus de dix fois ces deux cardeurs, sans compter Xandri cœur d'hérétique et Spirillo le charmeur d'abeilles (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 218):
10. Des soldats anglais cantonnés le long de la voie du chemin de fer ont pris l'habitude de faire chaque matin leurs ablutions en plein air, ce qui constitue un spectacle choquant pour la demoiselle en question, appelée par son service à leur faire face. Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 178.
2. [À propos d'une chose] Qui pose un problème, qui est sujet à discussion. Voilà justement ce qui est en question, dit Trarieux. Je finance le journal du S. R. L. et j'entends lui assurer le maximum de chances (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 236):
11. Ceux-là mêmes pour qui elle est l'instance suprême et qui se prévalent de leur patriotisme peuvent, surtout lorsque l'existence même de la nation n'est pas en question, être en même temps, et d'abord, les hommes d'un groupe, d'une classe ou d'une province... Traité sociol., 1968, p. 393.
Mettre, remettre en question. Contester l'existence de quelque chose en faisant naître des incertitudes à son sujet. Synon. mettre en cause*.On remet tout en question; c'est intolérable (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 336):
12. Envisagée sous l'aspect dogmatique, cette connexité fondamentale représente la science proprement dite comme un simple prolongement méthodique de la sagesse universelle. Aussi, bien loin de jamais remettre en question ce que celui-ci a vraiment décidé, les saines spéculations philosophiques doivent toujours emprunter à la raison commune leurs notions initiales, pour leur faire acquérir, par une élaboration systématique, un degré de généralité et de consistance qu'elles ne pouvaient obtenir spontanément. Comte, Esprit posit., 1844, p. 71.
C. − Littér. Faire question.Être sujet à discussion, être douteux.
[À la forme nég.] Cela ne fait pas question. C'est certain. Quant au congé, comme il m'est absolument nécessaire, il faut que je l'obtienne ou que je donne ma démission; de sorte que cela ne fait pas une question et le plus petit embarras pour moi (Chateaubr., Corresp., t. 2, 1821, p. 206).
Rem. Les dict. indiquent faire question. Besch. 1845-46: ,,Ceci fait question, ne fait pas question. Ceci est douteux, ceci est hors de doute``.
REM.
Question(-),(Question , Question-) élém. de compos.Le 2eélém. désigne le but ou le contenu de la question. a)
Question piège, subst. fém.V. supra I.
b)
Question-concours, subst. fém.Le lendemain du premier passage à l'antenne (...), plus de 7.000 lettres d'auditeurs répondent à la question-concours (L'Express, 31 mars 1969ds Gilb. 1980).
c)
Questions-réponses, subst. fém. plur.Le soir, dans un auditorium en bois ciré comme une église, le jeu des questions-réponses reprend (L'Express, 17 mai 1976, p. 83, col. 2).
Prononc. et Orth.: [kεstjɔ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1119 « point sur lequel on a des connaissances imparfaites, qui est à examiner ou à discuter » (Philippe de Thaon, Comput, éd. I. Short, 1157: questiun); 1174 il aveit bien solu ses questiuns (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2371); 2. ca 1160 « demande qu'on adresse à quelqu'un en vue d'apprendre quelque chose de lui » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave2, 8499). Empr. au lat.quaestio « recherche », qui a pris dans la lang. jur. le sens de « enquête, interrogatoire » et spéc. celui de « enquête avec torture » (v. question2), de quaesitum, supin de quaerere, v. quérir.

QUESTION2, subst. fém.

HIST. [Dans l'anc. procédure criminelle] Tourments gradués infligés à un accusé fortement soupçonné pour lui arracher des aveux ou le nom de ses complices. Question définitive, préparatoire; être, mettre à la question; donner, subir la question. Gérard Laguette, receveur général des revenus de la couronne, mourut dans les tortures de la question (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 3, 1831, p. 358).Cette pratique atroce de donner la question n'est abolie en France que depuis la Révolution (Stendhal, Napoléon, t. 1, 1842, p. 81).
Question préalable. Tortures infligées à un condamné à mort, avant son exécution, pour qu'il livre ses complices. Le légat impérial étant arrivé, le procès [des chrétiens, à Lyon] commença. La question préalable fut appliquée avec une extrême cruauté (Renan, Marc-Aurèle, 1881, p. 306).
Question ordinaire. V. ordinaire I A 1 b.Question extraordinaire. [Le grand-prévôt] revint se placer auprès de Christophe, auquel il dit fort doucement: − Mon ami, le Chancelier ayant appris que vous refusiez de répondre d'une manière satisfaisante à mes demandes, a résolu que vous seriez appliqué à la question ordinaire et extraordinaire (Balzac, Martyr calv., 1841, p. 157).V. extraordinaire I A 2 ex. de Villiers de L'Isle-Adam.
Chaise de question. Chaise sur laquelle on subissait cette torture. On s'empare de Coconnas, on l'étend sur la chaise de question, on le garrotte (Dumas père, Reine Margot, 1847, iv, 9, p. 159).
Chambre de question. Pièce dans laquelle on était soumis à la question. M. Lebel me dit: − Voici [à la Conciergerie] un endroit curieux. Et il me fit entrer dans une salle ronde, voûtée (...). J'avais reconnu la fameuse chambre de la question (Hugo, Choses vues, 1885, p. 102).
Au fig. Connaître, c'est là notre faim. (...) Que la matière avoue enfin, Mise à la question par l'âme (Hugo, Chans. rues et bois, 1865, p. 298).Les sots sont de misérables infirmes, des bègues qui essaient de parler. À quoi bon les mettre à la torture, leur donner la question? (Green, Journal, 1953, p. 230):
Puisque toute action aujourd'hui débouche sur le meurtre, direct ou indirect, nous ne pouvons pas agir avant de savoir si, et pourquoi, nous devons donner la mort (...). Au temps de la négation, il pouvait être utile de n'interroger que le problème du suicide. Au temps des idéologies, il faut se mettre en règle avec le meurtre (...). Il nous revient, en tout cas, de répondre clairement à la question qui nous est posée, dans le sang et les clameurs du siècle. Car nous sommes à la question. Camus, Homme rév., 1951, p. 15.
Prononc. et Orth. V. question1. Étymol. et Hist. 1321 hist. (Extraits du Secundus Liber Jornalis Camere ds Notices et extraits des mss de la B. N., t. 40, 1916, p. 254). V. question1. Déjà att., en a. gasc., à partir de 1309 (Coutumes de Pujols, § 47 ds Arch. hist. du département de la Gironde, t. 17, 1877, p. 70).
STAT.Question1 et 2. Fréq. abs. littér.: 18 829. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 21 667, b) 23 966; xxes.: a) 24 518, b) 34 004.
BBG.Dub. Pol. 1962, p. 394. − Noailly-Le Bihan (M.). Côté, question et qq. autres. Ling. Investig. 1982, t. 6, n o2, pp. 333-341. − Quem. DDL t. 11. − Spitzer (L.). Fr. pop. question de, comme « en fait de ». Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 19-26.

Wiktionnaire

Préposition - français

question \kɛs.tjɔ̃\

  1. (Familier) Quant à
    • Vois-tu, dans le monde entier, question rigolade et satisfaction, il n'y a que Paris qui compte, et dans Paris, Montmartre. — (Francis Carco, Images cachées, Éditions Albin Michel, Paris, 1928)
    • En plus, il y avait cette fille, une certaine Melissa, qui non seulement parlait comme un moulin mais, à première vue, battait Siobhan à plate couture question nunucherie. — (Tina Seskis, Six femmes, traduit de l'anglais, Le Cherche-Midi, 2016, chap.9)

Nom commun - français

question \kɛs.tjɔ̃\ féminin

  1. Interrogation, demande que l’on fait pour s’informer de quelque chose.
    • Dumay ne demanda rien à son patron, il ne lui fit pas de questions sur ses projets. — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844 ; page 132 de l’édition Houssiaux de 1855)
    • Ils firent mille questions sur Julien. Elle répondait à chacune, mais eut soin de taire l’idée funèbre qui les concernait. — (Gustave Flaubert, Trois Contes : La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, 1877)
    • L’incrédulité de Bert était ébranlée. Il posait des questions, et le soldat y répondait complaisamment. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 24 de l’édition de 1921)
    • […], n’avait-il point remarqué une superbe truite qui se calait sous un rocher de la rive.[…]. La question se posait seulement de savoir s’il la prendrait au filet ou à la main. — (Louis Pergaud, L’Évasion de Kinkin, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Quand nous blâmons les Bas-Alpins de déserter leur pays, ayons la franchise de nous poser cette question : et moi-même, si j’avais vingt ans, y resterais-je ? — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • L'a remplacée un petit bonhomme sans un poil sur le caillou, qui m'a bombardée de questions carrément barbantes, comme mes rêves, ma vie sexuelle et j’en passe. — (Meg Cabot, Missing, t. 1 : Coup de foudre , traduit de l'anglais (USA) par ‎Luc Rigoureau, Hachette Livre, 2006, Le Livre de Poche Jeunesse, 2007, chapitre 14)
  2. (Grammaire) Type de phrase pour demander une information, généralement avec un syntagme ou un particule interrogatif, ou avec l’ordre des mots spécial. → voir phrase interrogative.
  3. (En particulier) (Dans la narration littéraire) Phrase dont le but est d’inviter un auditeur, un lecteur à donner une explication, un renseignement, ou tout cas appelant une réponse.
    • Question. Où parlez-vous français ? Réponse. Je parle français à la classe de français. — (Arthur Gibbon Bovée, Première année de française: avec notation phonétique, page 53, Ginn, 1922)
  4. (En particulier) Interrogations que l’on adresse à un élève dans un examen.
    • Cet élève répondit fort bien aux questions qu’on lui adressait.
  5. Proposition qu’il y a lieu d’examiner, de discuter, difficulté dont on cherche la solution.
    • La question du déplacement des pôles n'a pas encore rallié, non plus, tous les suffrages, j'y ferai simplement allusion. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 51)
    • Toutefois, pas un seul d'entre nous ne douta que nous arriverions à y prendre pied : ce n’était à nos yeux, qu’une question de patience ; […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Je n’insiste pas, car il existe des ouvrages sur ces questions, tels l’important mémoire de De Candolle et les travaux de A. Chevalier. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 97)
    • La France demande que soit soumise au Tribunal de La Haye la question de savoir si le pacte franco-soviétique est compatible avec Locarno. — (Victor Margueritte, Le cadavre maquillé : La S.D.N. (Mars-Septembre 1936), Flammarion, 1936, page 34)
    • La question d’argent devient épineuse. Je ne peux plus vivre que pauvrement dans cette grande ville. — (Albert Camus, L'Envers et l'Endroit, Gallimard, 1958, page 82)
    • Cette anthropologie approximative du peuple satyresque laisse de côté l'embarrassante question des satyreaux, dont on se demande comment ils ont bien pu être engendrés dans cet univers sans femmes: […]. — (Françoise Lavocat, La syrinx au bûcher: Pan et les satyres à la Renaissance et à l'âge baroque, Librairie Droz, 2005, page 357)
  6. (Politique) Affaire considérable soumise à l’examen du gouvernement, d’une assemblée, du public.
    • M. Thiers revint alors au pouvoir le 1er mars 1840. A cette époque, le problème de la question d’Orient s’agitait en Europe, […]. — (Alfred Barbou, Les Trois Républiques françaises, A. Duquesne, 1879)
    • Les rapports s’étaient tendus aussi entre les États-Unis et le Japon, à cause de l’éternelle question de la naturalisation des jaunes. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 125 de l’édition de 1921)
  7. (Histoire) Torture qui était infligée aux accusés, en matière criminelle, pour leur arracher des aveux.
    • Mais elle nia d’abord tout obstinément jusqu’à ce qu’on l’appliquât à la question ; alors, ne pouvant résister à l’excès de la douleur, elle avoua que depuis longtemps, et de concert avec le démon, elle avait pratiqué la magie et les maléfices, … — (E.T.A. Hoffmann, Le Diable à Berlin, 1820, Traduit par Henry Egmont)
    • — Reste, reste, dirent toutes les femmes, reste, mon enfant, n’aie pas peur, et dis-nous bien ce que tu vois.
      — Eh bien, c’est qu’on a couché le curé entre deux grandes planches qui lui serrent les jambes, et il y a des cordes autour des planches.
      — Ah ! c’est la question, dit un homme de la ville. Regarde bien, mon ami, que vois-tu encore ?
      — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, Michel Lévy frères, 1863)
    • Sur 3 027 condamnés à des peines corporelles, 115 sont soumis à la question (3,7%), dont 63 à la question préparatoire et 52 à la question préalable. Rapportés au total des inculpés, ces chiffres montrent que la torture est une pratique exceptionnelle. — (Benoît Garnot, Les peines corporelles en Bourgogne, dans Beccaria et la culture juridique des Lumières, Droz, 2007, page 219)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

QUESTION. n. f.
Interrogation, demande que l'on fait pour s'informer de quelque chose. Il m'a fait cent questions. Il m'a fait question sur question. Accabler, presser quelqu'un de questions. Qu'avez-vous répondu à cette question? C'est une question captieuse. Ce n'est pas là une question à faire. Vous éludez ma question. Je n'ai pas entendu, je n'ai pas compris votre question. Ma question est restée sans réponse. Ironiquement, Belle question! se dit à une personne qui fait une question inutile ou ridicule. On dit dans le même sens : Quelle question!

QUESTION se dit particulièrement des Interrogations que l'on adresse à un élève dans un examen. Cet élève répondit fort bien aux questions qu'on lui adressait. Il se dit aussi d'une Proposition qu'il y a lieu d'examiner, de discuter, d'une Difficulté dont on cherche la solution. Question de morale, d'histoire, de physique, etc. Question épineuse. Question insoluble. Examiner, traiter, agiter une question. Diviser une question. Proposer une question. Résoudre une question. Vider la question. Soulever une question. Détourner, déplacer une question. Vous embrouillez la question au lieu de l'éclaircir. Cela est hors de doute, il ne faut pas le mettre en question. Question de droit. Question de fait. C'est une question de goût, de tempérament. Voilà le nœud, le point de la question. Vous n'entendez pas la question. Ce n'est pas là la question. Vous êtes hors de la question. Sortir de la question. Revenir à la question. Je vous rappelle à la question. Mettre une question sur le tapis. La question a été jugée. Être ou ne pas être, c'est la question, voilà la question. La question est là, toute la question est là. Question personnelle, Affaire où l'on est engagé de sa personne, où l'on se met personnellement en cause. J'en fais une question personnelle. Faire question, Être douteux, discutable. Sa bonne foi ne fait pas question en cette affaire. Il est question, il n'est pas question de, Il s'agit, il ne s'agit pas de. Il n'est pas question de ce que vous avez dit, mais de ce que vous avez fait. Il est question de savoir s'il le voudra. De quoi est-il question? On dit de même : Voici la chose, la personne dont il est question; et familièrement : Voici la personne en question. Il est question de signifie aussi On parle de, on songe à. Il est question de lui donner cette place. Il est question de lui pour cet emploi.

QUESTION se dit, par extension, dans le langage politique, de Toute affaire considérable soumise à l'examen du gouvernement, d'une assemblée, du public. La question d'Orient. La question financière. Les questions économiques. La question sociale. La question de confiance, Celle qu'un président du Conseil pose au Parlement et qui a pour effet, selon le vote qui la suit, le maintien ou la chute du cabinet. Demander la question préalable, Demander qu'on décide s'il y a ou s'il n'y a pas lieu de délibérer sur une proposition qui vient d'être faite; et, dans l'usage ordinaire, Demander qu'on ne délibère pas sur cette proposition. On dit de même : Cette proposition fut écartée par la question préalable.

QUESTION désigne aussi la Torture qui était infligée aux accusés, en matière criminelle, pour leur arracher des aveux. Question ordinaire, extraordinaire. Question préparatoire. Présenter un criminel à la question. On l'a mis à la question pour lui faire déclarer ses complices. Donner la question. Souffrir la question. Louis XVI abolit la question préparatoire.

Littré (1872-1877)

QUESTION (kè-stion ; en vers, de trois syllabes) s. f.
  • 1Demande à l'effet de s'informer de quelque chose. Il m'a fait à l'abord cent questions frivoles, Molière, Fâch. I, 1. Il sait vous embrasser, prendre part à votre joie, vous faire coup sur coup des questions empressées sur votre santé, sur vos affaires, La Bruyère, VIII. Dans l'usage ordinaire, la première question qu'on fait sur une femme que l'on ne connaît point, c'est, est-elle belle ? la seconde, a-t-elle de l'esprit ? il arrive rarement qu'on fasse une troisième question, Fontenelle, Dial. 3, Morts anc. Je suis venu voir votre pays, parce que j'aime assez les Français, quand ils ne font pas trop de questions, Voltaire, l'Ingénu, 1. Qui es-tu ? d'où viens-tu ? que fais-tu ? que deviendras-tu ? c'est une question qu'on doit faire à tous les êtres de l'univers, mais à laquelle nul ne répond, Voltaire, Philos. ignorant, 1. Docteur, vous éludez plutôt mes questions que vous n'y satisfaites, Diderot, Mém. t. IV, p. 204, dans POUGENS. Il faudrait l'interroger avec adresse [un aveugle-né opéré de la cataracte], et éviter toutes les questions qui indiquent la réponse, Condillac, Traité sens. III, 6.

    Ironiquement. Quelle question ! Belle question ! se dit d'une question inutile ou ridicule. Corbinelli me faisait l'autre jour une belle question…, Sévigné, 437.

  • 2Interrogation que l'on adresse à un élève pour s'assurer s'il sait les matières qu'il a étudiées. On lui a fait des questions difficiles. Il a mal répondu sur les questions d'histoire.
  • 3Proposition à examiner, à discuter. On examine deux questions, l'une de fait, l'autre de droit : celle de fait consiste à savoir si M. Arnaud est téméraire pour avoir dit…, Pascal, Prov. I. Il est très informé des questions du temps, et il sait parfaitement le secret des jésuites, chez qui il est à toute heure, Pascal, ib. II. Ce n'est pas qu'ils ne traitent des questions assez curieuses, Pascal, ib. IX. C'est sortir de la question, Pascal, ib. XII. Sans entrer dans la question, si Dieu a résolu de toute éternité…, Bossuet, Ét. d'or. IV, 1. Ne croyez pas que ce soit seulement la question de l'épiscopat, ou quelques chicanes sur la liturgie anglicane, qui aient ému les communes, Bossuet, Reine d'Anglet. Comme il est impossible [dans l'administration de la justice] qu'il ne se trouve des difficultés et des questions compliquées, Bossuet, Polit. VIII, III, 5. Quelque temps après, l'empereur Héraclius entreprit de décider la question [des monothélites] de son autorité, Bossuet, Hist. I, 11. On demande si, en comparant les conditions… on n'y remarquerait pas une espèce de compensation de bien et de mal… celui qui est puissant, riche, et à qui il ne manque rien, peut former cette question ; mais il faut que ce soit un homme pauvre qui la décide, La Bruyère, IX. Ensuite on proposa la seconde question en ces termes : Quel est le plus malheureux de tous les hommes ? Fénelon, Tél. v. Lorsque ces deux grands prélats [Bossuet et Fénelon] furent brouillés par une question subtile et délicate, qui ne pouvait guère être une question que pour d'habiles théologiens, Fontenelle, Malezieu. Une malheureuse question d'académie qu'il [J. J. Rousseau] lut dans un Mercure vint tout à coup dessiller ses yeux, débrouiller ce chaos dans sa tête, lui montrer un autre univers, Rousseau, 2e dialogue. Toute discussion philosophique ou oratoire suppose un doute à éclaircir, et l'objet du doute est la question, le point de la question, Marmontel, Œuv. t. IX, p. 542. Toujours dans les questions douteuses, l'ignorant croit, le demi-savant décide, l'homme instruit examine, Biot, Inst. Mém. scienc. 1806, 2e sem. (hist.), p. 226.

    Une question bien posée est à moitié résolue, se dit en adage pour exprimer que, quand la question est claire et précise, les difficultés de la solution sont diminuées.

    Aborder la question, expression née pendant la Révolution, et blâmée par Mme de Genlis, Mém. t. V, p. 91, édit. 1825.

    Être en question, être l'objet d'une discussion. Ce qui est en question entre nous, c'est de savoir…, Bossuet, Euch. III, 3. J'admire comme cet écrivain soutient la vérité par des bévues continuelles, et suppose toujours ce qui est en question, Voltaire, Lett. Morellet, 22 janv. 1768.

    Mettre en question, révoquer en doute. Vous ne mettez pas mon apostasie en question, Pascal, Prov. XVII. On ne met guère en question dans le monde, si la loi de Dieu nous fait un précepte de l'aumône, Massillon, Carême, Aumône.

    Fig Mettre en question, compromettre, ébranler. Cela mit en question l'existence du ministère.

    Venir en question, être soumis au doute. Tout jusqu'aux articles les plus importants, jusqu'à celui de la Trinité, viendraient l'un après l'autre en question, Bossuet, 1er avert. 39.

    C'est une question, la chose est douteuse.

  • 4Il est question de, il s'agit de ; il n'est pas question de, il ne s'agit pas de. Il n'est pas toujours question des propositions d'Euclide pour se casser la tête ; un certain point d'épuisement fait le même effet, Sévigné, 24 avr. 1689. Rien ne se tourne du côté de la paix ; ainsi vendons nos grains… tout le monde me le conseille… il est présentement question de le pouvoir, Sévigné, 25 janvier 1693. Il n'est pas ici question d'examiner si ces idées [du gouvernement républicain] sont aussi solides que spécieuses, Bossuet, Hist. III, 5. Idoménée est dans les sentiments où je suis sûr que vous voudriez qu'il fût ; il n'est question que de vous en persuader, Fénelon, Tél. X. Je crus qu'il n'était question que d'un peu d'esprit et que j'étais impératrice, Fontenelle, Athénaïs. Il était question de déterminer la courbe décrite par un projectile dans un milieu résistant, suivant une certaine loi qui renfermait une infinité de cas, et dont un seul jusqu'alors avait été résolu, D'Alembert, Éloges, Bernoulli.

    Il n'est point question que, avec le subjonctif. Il n'est point question qu'elle [une huile] guérisse si promptement, pourvu qu'elle guérisse, Sévigné, 29 janv. 1685.

    On dit de même : voici la chose, la personne dont il est question, dont est question.

    L'affaire en question, l'affaire dont il s'agit. L'île en question est formée par le confluent de l'Isère et du Rhône, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. Ier, p. 392, dans POUGENS.

    L'homme en question, l'homme dont on parle. Nous étions prêts de nous mettre à table, quand on nous annonça l'ecclésiastique en question, Marivaux, Pays. parv. 2e part.

    Il est question de, on parle de ; il n'est pas question de, on ne parle pas de. Il n'en est plus question présentement, Sévigné, 21. Il est fort question de vous dans sa lettre, Sévigné, 576. Il fut question de ce que je deviendrais ; et, pour en causer plus à loisir, elle me retint à dîner, Rousseau, Confess. II.

    Qu'il n'en soit plus question, qu'on n'en parle plus, que ce soit chose mise de côté. J'y vais et pour y aller, et pour y être un peu, et pour y avoir été et qu'il n'en soit plus question, Sévigné, 416. Ne connaissons-nous pas une princesse qui se dépêcha de marier son amant, afin qu'elle n'eût plus envie de l'épouser, et qu'il n'en fût plus aucune question ? Sévigné, 30 juin 1680.

  • 5Dans les assemblées délibérantes, la question préalable, question préliminaire pour savoir si on délibérera oui ou non sur la chose proposée. Demander la question préalable sur une proposition, c'est demander qu'on n'en délibère pas. Cette proposition fut écartée par la question préalable.

    Question de cabinet, se dit d'une proposition faite par les ministres aux chambres, en déclarant qu'elle est à leurs yeux d'une importance assez grande pour leur faire quitter le portefeuille si elle est rejetée.

  • 6Question pour l'ami, cause problématique et que l'on peut décider, par faveur, dans un sens ou dans l'autre, sans trop blesser l'équité.
  • 7La torture infligée aux accusés et aux condamnés pour leur arracher des aveux. Question préparatoire, question ordonnée sur de simples indices. Question définitive, question ordonnée pour découvrir les complices, lorsque le criminel est condamné à mort. La question définitive est ou ordinaire ou extraordinaire, c'est-à-dire plus ou moins violente. Appliquer, mettre à la question. Après cette confession, on n'a pas laissé de lui donner [à la Voisin], dès le matin, la question ordinaire et extraordinaire ; elle n'en a pas dit davantage, Sévigné, 296. La question est une invention merveilleuse et tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible, et sauver un coupable qui est né robuste, La Bruyère, XIV. On dit que les Cappadociens s'accoutumaient dès l'enfance à résister aux tourments, et qu'ils se donnaient la question les uns aux autres, pour s'endurcir contre les peines à quoi leurs faux témoignages les pourraient un jour exposer, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IX, p. 568, dans POUGENS. J'ai toujours présumé que la question, la torture, avait été inventée par des voleurs qui, étant entrés chez un avare, et ne trouvant point son trésor, lui firent souffrir mille tourments jusqu'à ce qu'il le découvrît, Voltaire, Dict. phil. Question. Peña nous apprend que les inquisiteurs n'emploient ordinairement que cinq espèces de tourments dans la question, quoique Marsilius fasse mention de quatorze espèces, Voltaire, Dict. phil. Inquisition. Il faut dire un mot de la torture, autrement nommée question, c'est une étrange manière de questionner les hommes, Voltaire, Dict. phil. Torture. On a tant dit que la question est un secret presque sûr pour sauver un coupable robuste, et pour condamner un innocent d'une constitution faible, que ce raisonnement a enfin persuadé des nations entières, Voltaire, Pol. et législ. Fragm. des instr. 4. Le courage avec lequel il [Machiavel] résista aux tourments de la question qu'il subit, lui sauva la vie, Diderot, Opin. des anc. philos. (machiavélisme). L'accusateur peut demander qu'on applique à la question les esclaves de la partie adverse ; conçoit-on qu'on exerce une pareille barbarie contre des hommes dont il ne faudrait que tenter la fidélité ? Barthélemy, Anach. ch. 18. Les Francs ne subissaient pas l'épreuve honteuse de la question ; ils n'étaient point passibles de châtiments serviles, Naudet, Instit. Mém. inscr. et belles-lett. t. VIII, p. 467.

    Fig. Il se dit, par exagération, de quelque souffrance. Figurez-vous la question qu'au sire On donna lors, La Fontaine, Lun.

    Il ne faut pas lui donner la question pour lui faire dire tout ce qu'il sait, il parle légèrement et dit ses secrets.

HISTORIQUE

XIIe s. Et quant il aveit bien solu ses questions, Th. le mart. 58.

XIIIe s. Chascuns doit obeir simplement, sans noise et sans question, Latini, Trésor, p. 433.

XIVe s. En tex [tels] cas et semblables, il est doubte et question se telles choses doivent estre dites voluntaires ou involuntaires, Oresme, Eth. 48. Ce de quoy estoit la question, c'est assavoir…, Oresme, ib. 24. Et felicité, de quoy nous faisons question [traitons], est propre à homme ou à nature humaine, Oresme, ib. IX, 15. Dame, vous devez commencer. - Non fais, dit-elle, par raison Que par vous must [fut soulevée] la question, Modus, f° CV, verso. Si se esmut entre eus une question de leur fames, Bercheure, f° 26, verso.

XVe s. Il y avoit eu aucunes questions [différends] entre lesdits roy et duc de Bourgogne, Math. de Coucy, Hist. de Charles VII, p. 723, dans LACURNE.

XVIe s. C'est se desborder par trop, de mettre en question ce que chacun voit à l'œil, Calvin, Instit. 42. Qui plus est, la response de l'ange en oste toute question [doute], Calvin, ib. 78. Seulement je leur demanderay une question, Calvin, ib. 943. S'il eust souhaité monter es cieux dedans un chariot flamboyant comme Helie… l'eust il impetré ? c'est une question, Rabelais, IV, Prologue de l'autheur. On leur faisoit des questions sur le jugement des hommes et de leurs actions, Montaigne, I, 151.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

QUESTION. Ajoutez :
8Sorte de jouet composé d'anneaux ou de boules embrouillées, et destiné à occuper l'enfant pour les débrouiller ; ces jouets ont été ainsi dénommés en raison de questions politiques (par exemple, dans le temps, la question romaine), qui demeuraient sans solution. La question de la place que la logique occupe parmi les sciences m'a toujours rappelé ces jouets ingénieux qu'on fabriquait naguère sous le nom de question romaine, question d'Orient, etc. c'est un divertissement philosophique plutôt qu'un problème sérieux, E. de Roberty, la Phil. positive, sept.-oct. 1876, p. 208.
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Encyclopédie, 1re édition (1751)

QUESTION, s. f. (Gram.) discours adressé à quelqu’un sur une chose dont on veut être instruit. Il se dit aussi des différens points d’une science ou d’un art qu’on peut avoir à discuter ; de quelques traités composés d’une maniere sceptique & inquisitive.

Question, (Jurisprudence.) est un point sur lequel on n’est pas d’accord, & qui est soumis à la décision du juge.

Question agitée, est celle qui est débattue par les auteurs ou par les parties.

Question appointée, est lorsque dans une cause d’audience les parties ont été appointées à écrire & produire.

Question controversée, est celle sur laquelle les parties, les juges, ou les auteurs sont partagés.

Question départagée, est celle où il y a eu partage d’opinions entre les juges, lesquels ont depuis pris un parti à la pluralité des voix.

Question de droit, est celle qui roule sur un point de droit, comme quand il s’agit d’expliquer le sens d’une loi dont on fait l’application à la cause, ou de déterminer quel est le droit d’une partie dans telle ou telle circonstance.

Question de droit public, est celle où le public se trouve intéressé, & qui doit se décider par les principes du droit public.

Question d’état, est celle qui concerne l’état d’une personne, c’est-à-dire sa liberté, les droits de sa naissance, tels que sa filiation, sa légitimité, la validité de son mariage.

Question étrangere, est celle qui n’a point de rapport à celle qui fait le véritable objet de la contestation.

Question de fait, est celle dont la décision ne dépend que de la discussion des faits.

Question indécise, est celle qui est encore pendante devant le juge, & soumise à sa décision.

Question majeure, est celle qui intéresse directement ou indirectement beaucoup de personnes ; on l’appelle majeure, parce qu’elle est plus importante que les questions ordinaires.

Question mixte, est celle qui naît de la contrariété des lois, coutumes, statuts & usages de deux pays différens ; par exemple, lorsque la coutume du domicile répute un homme majeur à 20 ans, & que celle du lieu où les biens sont situés ne répute majeur qu’à 25 ans ; dans ce cas, il s’agit de savoir, si on doit se régler par la coutume du domicile, ou par celle de la situation des biens, c’est une question mixte, parce qu’il se trouve deux lois différentes, qui sont pour ainsi dire, mêlées ensemble sur les questions mixtes. Voyez Dumolin, Dargentré, Stokmans, Voet, Rodemburge, Burgundus, Froland, Boulenois.

Question mue, est celle qui est déja élevée à la différence de celle qui n’est pas encore née.

Question partagée, est celle sur laquelle les opinions des auteurs ou des juges sont partagées de maniere qu’il s’en trouve autant pour soutenir un parti que pour l’autre. Voyez Question départagée.

Question pendante, est celle qui est actuellement soumise à la décision du juge.

Question de pratique, est celle qui ne roule que sur quelque point d’usage de la pratique judiciaire.

Question problématique, est celle sur laquelle il y a des raisons & des autorités pour & contre, tellement que l’on est embarrassé à la décider.

Question de procédure, est celle qui ne touche que l’ordre de la procédure & l’instruction.

Question triviale, est celle qui est déja rebattue, & dont la décision est notoire & connue de tout le monde. Voyez Cause, Contestation, Instance, Procès. (A)

Question ou Torture, (Jurisprudence.) est une voie que l’on emploie quelquefois dans les affaires de grand criminel pour faire avouer à l’accusé le crime dont il est prévenu, ou pour avoir révélation de ses complices.

Cette voie consiste à faire souffrir à l’accusé des tourmens violens, qui ne sont pas néanmoins ordinairement capables de lui causer la mort.

On appelle cette torture question, parce qu’à mesure que l’on fait souffrir l’accusé, on lui fait des questions sur son crime & sur ses complices, si l’on soupçonne qu’il en ait.

L’usage de la question est fort ancien, puisqu’on la donnoit chez les Grecs ; mais les citoyens d’Athenes ne pouvoient y être appliqués, excepté pour crime de lése-majesté : on donnoit la question 30 jours après la condamnation ; il n’y avoit pas de question préparatoire. Voyez Cursius Fortunatus, rhetor. schol. l. II.

Chez les Romains, la loi 3 & 4, ad leg. pul. majest. fait voir que la naissance, la dignité & la profession de la milice garantissoient de la question ; mais on exceptoit, comme à Athènes, le crime de lése-majesté.

Ce qu’il y avoit de plus étrange, c’est que l’on donnoit la question à des tiers, quoique non-accusés, & seulement dans la vue d’acquérir des preuves ou témoignages du crime & des coupables ; c’est ainsi que par le S. C. Silanien, qui fut fait du tems d’Auguste, il fut défendu d’ouvrir ni de publier un testament quand le testateur avoit été tué dans sa maison, avant d’avoir mis à la question les esclaves, & fait punir ceux qui étoient coupables de la mort du défunt.

Mais, selon nos usages, on ne traite point ainsi les domestiques, lesquels sont personnes libres ; on n’ordonne d’ailleurs la question, que quand la nature du crime & la qualité des preuves le permettent, & on ne la fait point subir à d’autres personnes qu’aux accusés, & seulement lorsqu’il y a des indices qui ne sont pas suffisans pour condamner l’accusé, mais qui sont assez forts pour déterminer les juges à ordonner la question.

Les lois des Wisigoths commencerent à mettre plusieurs sages restrictions à l’usage de la question.

Suivant la loi salique, on la donnoit seulement aux esclaves, & celui qui avoit fait mourir dans les tourmens de la question l’esclave innocent d’un autre maître, étoit obligé de lui en donner un autre pour toute satisfaction.

Les anciennes ordonnances portent que les nobles de Champagne ne pouvoient être appliqués à la question, sinon pour crime qui mérite la mort ; que les capitouls de Toulouse étoient pareillement exempts de cette épreuve. On en usoit de même pour toutes les personnes qualifiées, mais cela ne s’observe plus.

Pour ordonner la question, il faut un crime constant qui mérite peine de mort, & que la preuve soit considérable. Un seul indice ne suffit point, ni la déclaration d’un seul témoin, si elle n’est accompagnée d’autres indices.

La confession seule de l’un des accusés ne suffit pas non plus pour condamner les autres accusés à la question.

La déclaration d’un condamné à mort, & celle d’un blessé, en mourant, sont pareillement insuffisantes.

Les juges peuvent condamner l’accusé à la question les preuves tenantes, & ensuite condamner l’accusé à telle peine qu’il y échet, excepté celle de mort, à laquelle il ne peut plus être condamné, à moins qu’il ne survienne de nouvelles preuves depuis la question.

On peut, par le jugement de mort, ordonner que le condamné sera préalablement applique à la question, pour avoir révélation de ses complices ; c’est ce qu’on appelle la question préalable.

Il n’appartient qu’aux cours souveraines d’ordonner que l’accusé sera seulement présenté à la question sans y être appliqué ; c’est une grace qu’on accorde aux impuberes, aux veillards décrépits, aux malades & valétudinaires, auxquels la question ne pourroit être donnée sans danger de la vie ; on présente l’accusé à la question pour tâcher de tirer de lui la vérité par la terreur des peines.

Les femmes grosses ne peuvent être appliquées ni présentées à la question, mais on ne s’en rapporte pas à leur déclaration, on les fait visiter.

Les sentences de condamnation à la question ne peuvent être exécutées qu’elles n’ayent été confirmées par arrêt avant la question.

L’accusé doit être interrogé après avoir prété serment.

La question se donne en présence des commissaires, & l’on doit dresser procès-verbal de l’état de la question, & des réponses, confessions, dénégations & variations à chaque article de l’interrogation.

Les commissaires peuvent faire modérer & relâcher une partie des rigueurs de la question, si l’accusé confesse son crime, & s’il varie, le faire mettre dans les mêmes rigueurs ; mais lorsqu’il a été délié, & entierement ôté de la question, il ne peut plus y être remis.

L’accusé étant ôté de la question doit être de nouveau interrogé sur les déclarations & sur les faits par lui confessés ou déniés.

Quelque nouvelle preuve qui survienne, l’accusé ne peut être appliqué deux fois à la question pour un même fait.

Tous juges, tant royaux que subalternes, peuvent condamner à la question, à l’exception des juges ecclésiastiques, quoique quelques auteurs aient avancé le contraire.

On appelle question préparatoire celle qui est ordonnée avant le jugement définitif ; il faut de puissans indices pour ordonner la question préparatoire : la question définitive est celle que l’on donne au condamné avant l’exécution pour avoir révélation de ses complices.

Ce jugement de mort porte que le condamné sera préalablement appliqué à la question ordinaire & extraordinaire.

La question ordinaire à Paris, se donne avec si pots d’eau & le petit tréteau ; l’extraordinaire, avec six autres pots & le grand tréteau, qui serre & étend davantage le criminel.

On la donne ailleurs avec des coins & des brodequins ; on se sert aussi à Paris de cette sorte de question, quand l’accusé est condamné à mort.

En quelques endroits, comme dans les Pays-bas, on donne la question en chauffant les piés.

Dans le nord, on met l’accusé dans la boue.

En Angleterre, l’usage de la question est inconnu.

Sur la question, voyez les traités faits par Odofredus, Ambertus de Astramonia, Antonius de Canavio, Baldus de Periglis, Bartolus à Saxoferrato, Jacobus de Arena, Paulus Grillandus Cursius, & voyez aussi Fontanon, Imbert, Bouchel, le tit. 19 de l’ordon. criminelle. (A)

Question, (Procédure criminelle.) on vient de lire des détails instructifs pour des juges criminels ; mais puisqu’il n’est point défendu d’examiner les matieres les plus délicates du droit, nous profiterons de ce privilege en suivant l’exemple de plusieurs savans & citoyens, qui de tout tems ont osé exposer les inconvéniens qu’ils croyoient appercevoir dans la pratique de la question, ou pour mieux parler de la torture. La soumission des sujets demande bien qu’on obéisse aux magistrats, mais non pas qu’on les croie infaillibles, & qu’entre deux usages, ils n’aient pû embrasser le pire. C’est pour cela qu’il est permis de représenter avec respect les abus, afin d’éclairer le souverain, & de le porter par sa religion & par sa justice, à les réformer.

Je pourrois remarquer que les Athéniens n’usoient de la question qu’en cas de crime de lèse-majesté, & qu’ils ne connoissoient point la question préparatoire ; que chez les Romains, la naissance, la dignité, la profession militaire garantissoient de ce tourment, & que les seuls esclaves sur lesquels on avoit droit de vie & de mort, y étoient exposés ; que semblablement du tems de Charlemagne, la question ne se donnoit qu’aux esclaves : mais ces remarques sont foibles dès que la loi de la nature crie contre cette pratique, sans y mettre aucune exception vis-à-vis de qui que ce soit.

Indépendamment de la voix de l’humanité, la question ne remplit point le but auquel elle est destinée. Que dis-je, c’est une invention sûre pour perdre un innocent, qui a la complexion foible & délicate, & sauver un coupable qui est né robuste. Ceux qui peuvent supporter ce supplice, & ceux qui n’ont pas assez de force pour le soutenir, mentent également. Le tourment qu’on fait souffrir dans la question est certain, & le crime de l’homme qui souffre ne l’est pas ; ce malheureux que vous appliquez à la torture songe bien moins à déclarer ce qu’il sait, qu’à se délivrer de ce qu’il sent. Ainsi, comme le dit Montagne, les gehennes sont d’une dangereuse invention ; c’est, continue-t-il, « un essai de patience plus que de vérité ; car, pourquoi la douleur fera-t-elle plûtôt confesser à un malheureux ce qui est, qu’elle ne le forcera de dire ce qui n’est pas ? & au rebours, si celui qui n’a pas fait ce dont on l’accuse, est assez patient que de supporter ces tourmens, pourquoi ne le sera celui qui a fait un crime, un si beau guerdon que celui de la vie lui étant assuré ? en un mot, c’est un moyen plein d’incertitude & de danger : que ne diroit-on, que ne feroit-on pas pour fuir à si grieves douleurs ? D’où il advient que celui que le juge a gehenné pour ne le faire mourir innocent, il le fasse mourir innocent & géhenné ».

Un état bien lamentable est donc celui d’un homme innocent, à qui la question arrache l’aveu d’un crime ; mais l’état d’un juge qui se croyant autorisé par la loi, vient de faire souffrir la torture à cet homme innocent, doit être selon moi, un état affreux. A-t-il quelques moyens de le dédommager de ses souffrances ? Il s’est trouvé dans tous les tems des hommes innocens, à qui la torture a fait avouer des crimes dont ils n’étoient point coupables. La véhémence de la douleur, ou l’infirmité de la personne, fait confesser à l’innocent ce qu’il n’a pas commis ; & l’obstination des coupables qui se trouvent robustes & plus assurés dans leurs crimes, leur fait tout dénier.

Charondas, liv. IX. rép. 1. en rapporte un exemple très-déplorable. Un mari accusé d’avoir assassiné sa femme, nie le fait ; les présomptions étoient toutes contre lui, & même le soir de sa retraite, il avoit violemment maltraité cette femme, & s’étoit ensuite sauvé du logis. Sur ces demi-preuves, on l’applique à la question ; il confesse le meurtre ; on le condamne à la mort. Appel du jugement. Dans le tems qu’on fait le rapport du procès, tout entier à sa charge, la femme qui s’étoit cachée dans la maison d’un prêtre, son corrupteur, se représente. On comprend bien que l’arrêt qui intervint, déchargea de l’accusation le prétendu coupable : mais la torture qu’il avoit soufferte, le juge, ou si l’on veut, la loi, pouvoit-elle réparer les maux qu’il avoit endurés ?

Si je le voulois bien, il me seroit facile de citer plusieurs autres exemples de gens appliqués à la question, qui préférant une prompte mort à de longs supplices, ont, pour s’en délivrer, confessé des crimes dont ils n’étoient pas coupables. Voyez S. Jerôme, épit. 34. & Papon, l. XXIV. tit. 8. nomb. 1. & Louis Vivès, dans son comment. sur S. Augustin, de civit. Dei, liv. XIX. ch. vj. où il se déclare hautement contre la torture.

Je ne serois pas même embarrassé d’alléguer de nouvelles raisons contre la torture, qu’on a point encore proposées. Il est du-moins certain que si l’on ne peut ôter la vie à un homme sur une preuve douteuse, celle que l’on arrache par la force des tourmens, sera toujours douteuse ; & par conséquent la confession extorquée ne peut servir de fondement à une condamnation à la mort. Si l’on croit ne devoir pas prononcer de jugement sur la confession volontaire d’une personne, on ne peut pas mieux ordonner le dernier supplice sur la confession que l’on arrache à force de supplices.

Une autre réflexion s’offre à mon esprit ; comme nous prétendons que la religion, la justice & les mœurs s’opposoient au combat judiciaire, nous devrions trouver également que les tortures y sont contraires ; autrement nous sommes inconséquens dans nos principes ; car il n’est pas moins possible qu’un accusé criminel résiste à la violence de la question, qu’il l’étoit que ce même homme vainquit & subjuguât son accusateur ; cependant, malgré cet inconvénient commun aux duels & aux tortures, on a gardé l’usage des tortures dans ces mêmes pays, où l’on a sévérement réprimé les duels, du-moins par les lois.

J’ajoute que la question, loin d’être utile pour découvrir les vrais complices d’un crime, pourroit quelquefois nuire à ce projet. Lorsque Guillaume Laud, évêque de Londres, menaça Felton, qui avoit assassiné le duc de Buckingham, de le faire appliquer à la torture, s’il ne déclaroit ses complices, il lui répliqua : « Mylord, je ne sais ce que les tourmens de la question me feront dire, mais il se pourra que je vous nommerai comme le premier de mes complices, ou quelqu’autre membre du conseil du roi ; ainsi vous ferez bien de m’épargner des tourmens inutiles ».

Enfin la question contre les criminels n’est point dans un cas forcé : nous voyons aujourd’hui une nation très-polie, & aussi éclairée que respectueuse envers l’humanité, qui a rejetté ce supplice sans inconvénient, même dans le cas de haute trahison ; il n’est donc pas nécessaire par sa nature. Mais tant d’habiles gens & de beaux génies ont écrit sur cette matiere, qu’il est inutile que je m’étende davantage à la discuter. Ainsi pour exemple, je renvoie le lecteur en particulier, à l’ouvrage de Jean Grevius. Il est intitulé, Tribunal reformatum, in quo sanioris & tutioris justitia via judici christiano in processu criminali demonstratur, rejectâ & fugatâ torturâ, cujus iniquitatem, multiplicem fallaciam, atque illicitum inter christianos usum, aperuit, Joh. Grevius Clivensis Homb. 1624, in-4°. Cet ouvrage a produit des effets salutaires en Hollande. On a laissé dormir la loi qui prescrivoit la question ; on n’en a fait aucun usage dans les Provinces-Unies depuis plus de cent ans.

Je couronne mon article par ces paroles de Quintilien, Inst. Orat. lib. V. c. iv. Sicut in tormentis quoque, qui est locus frequentissimus, cùm pars altera quaestionem, vera fatendi necessitatem vocet, altera sæpè etiam causam falsa dicendi, quòd aliis patientia, facilè mendacium faciat, aliis, infirmitas necessarium. Ajoutez le passage du jurisconsulte Ulpien, in lib. I. §. quaest. de quaest. Statutum est non semper fidem tormentis, nec tamen nunquam adhibendam fore. Etenim res est fragilis, quaestio & periculosa, veritatem fallat ; nam plerique patientiâ, sive duritiâ tormentorum, ita tormenta contemnunt, ut exprimi eis veritas, nullo modo possit : alii tantâ sunt impatientiâ, ut quoevis mentiri, quam pati tormenta velint. Ita fit, ut etiam vario modo fateantur, ut non tantùm se, verùm etiam alios criminentur. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Questions perpétuelles, (Hist. romaine.) c’est ainsi qu’on appelloit chez les Romains, les matieres criminelles, dont le jugement étoit commis à des magistrats particuliers, que le peuple créoit à cet effet, & qui furent nommés quæsitores parricidii, questeurs du parricide.

Ce fut seulement l’an de Rome 604, que quelques-unes de ces commissions furent rendues permanentes. On divisa peu-à-peu toutes les matieres criminelles en diverses parties, qu’on appella des questions perpétuelles, quæstiones perpetuæ, c’est-à-dire des recherches perpétuelles. On créa divers préteurs pour faire ces recherches, & on en attribua un certain nombre à chacun d’eux, suivant les conjonctures. On leur donna pour un an la puissance de juger les crimes qui en dépendoient, & ensuite ils alloient gouverner leurs provinces. Voyez de plus grands détails au mot Recherches perpétuelles. (Jurisprud. rom.)

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Étymologie de « question »

Provenç. questio, question ; espagn. question ; ital. questione ; du lat. quæstionem, de quæstum, supin de quærere (voy. QUERIR).

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin quaestio.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « question »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
question kɛstjɔ̃

Fréquence d'apparition du mot « question » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « question »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « question »

  • Lorsque l’on commence à s’intéresser au monde de l’électromobilité, les questions autour de la recharge se posent rapidement. Comment et où vais-je pouvoir recharger ? Avec quel câble ? Combien de temps cela me prendra-t-il ? Quel en sera le coût ? Des questions légitimes pour lesquelles il n’est pas toujours aisé d’avoir une réponse. C’est pourquoi nous vous proposons d’aborder ces sujets au travers d’une série de vidéos pédagogiques publiées tout au long de l’été.
    Automobile Propre — Voiture électrique : l’épineuse question du temps de recharge
  • La question actuelle est de déterminer si le SARS-CoV-2 se répand aussi par voie aérienne. Cette expression ne signifie pas que le virus se déplace de maison en maison au gré des courants d'air, mais plutôt qu'on peut tomber malade en inhalant des aérosols, de microscopiques particules en suspension dans l'air.
    lejdd.fr — Covid-19 : pourquoi la question de la transmission aérienne est cruciale pour lutter contre le virus
  • Chronique. Ce fut une question lancinante, qui a hanté les experts de l’après-guerre froide : qui a perdu la Russie ? L’interrogation résumait les regrets des Occidentaux de n’avoir pas pu, ou pas su, arrimer la Russie postsoviétique à la communauté des démocraties, ni contenir les visées expansionnistes de son maître, Vladimir Poutine. A qui la faute ? Aurait-on pu s’y prendre autrement ?
    Le Monde.fr — « Qui a perdu la Turquie ? La question risque de se poser aux Européens »
  • Tout l’été, nous vous proposons de répondre à des questions « pas si bêtes ». Aujourd’hui, on s’interroge sur l’absence du métro à Wattrelos.
    La Voix du Nord — La question pas si bête: pourquoi Wattrelos n’est pas desservie par le métro?
  • L'amour, une question de lubrifiants.
    Roque Dalton — Taberna y otros lugares
  • Le génie est une question de muqueuses. L'art est une question de virgules.
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  • La trahison est une question de dates.
    André Thérive — Essai sur les trahisons
  • Regardez, pour Bayonne ou la gendarme Mélanie. J'ai été choqué par le silence de tous ces artistes engagés : Omar Sy, Yannick Noah, Camélia Jordana. Ils sont toujours solidaires lorsque cela concerne un jeune noir ou arabe. Mais on ne les entend jamais lorsqu'un blanc se fait tuer lâchement et gratuitement alors même qu'il ne faisait que son travail. L'indignation ne doit pas être une question de couleur de peau.
    leparisien.fr — Patrice Quarteron : «L’indignation ne doit pas être une question de couleur de peau» - Le Parisien
  • S’engager pour le féminisme est une tâche difficile, car il faut déjà sortir de chez soi, trouver un lieu approprié et s’équiper en conséquence : tuba, bouclier, trébuchet. Didier, peut-être futur féministe, a eu samedi dernier la brillante idée de se demander s’il pourrait peut-être devenir féministe pour mieux s’intégrer dans la sphère féminine. Cependant, le problème est que Didier n’a absolument pas envie de céder sur la question du droit des femmes, ainsi que celui des libertés individuelles des femmes.
    Francheinfo — Il est féministe sauf sur la question des droits des femmes
  • Déconfinement. C’est la question que se pose un habitant de la commune de Julienne: est-il possible aujourd’hui de louer une salle des fêtes en Charente, en cette période de crise sanitaire?
    CharenteLibre.fr — La question: peut-on louer une salle des fêtes pendant la crise ? - Charente Libre.fr
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Traductions du mot « question »

Langue Traduction
Anglais question
Espagnol pregunta
Italien domanda
Allemand frage
Chinois
Arabe سؤال
Portugais questão
Russe вопрос
Japonais 質問
Basque galdera
Corse quistione
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Synonymes de « question »

Source : synonymes de question sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « question »

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Question

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