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Politique

Variantes Singulier Pluriel
Masculin et féminin politique politiques

Définitions de « politique »

Trésor de la Langue Française informatisé

POLITIQUE1, adj. et subst.

I.− Adjectif
A.− Relatif à l'État.
1. Vx. Qui a rapport à la société organisée. Il les a vues [les âmes des justes], formant, de leurs splendeurs groupées ensemble, ces mots écrits en lettres de feu, comme la loi fondamentale des cités politiques : Diligite justitiam, qui judicatis terram (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 183):
1. ... l'information a pour nature et pour objet de faire participer l'individu à la vie sociale par la connaissance, afin de lui permettre d'y participer de manière plus lucide et plus consciente par l'action : à cet égard, elle est essentiellement « politique », au sens plein du mot − l'homme est un « animal politique » − que son contenu soit politique stricto sensu, économique, religieux, scientifique, etc..., ou purement « événementiel » (faits « divers » de tous ordres). Salleron, Comment informer,1965, p. 10.
Animal politique. Condorcet ou Saint-Simon, écrivant aujourd'hui sur le sujet qui occupait Platon dans sa République, prendraient pour fanal, non pas le principe que l'homme est purement un être raisonnable et sociable, ou, comme disaient les anciens, un animal politique, mais le principe que l'homme est perfectible, et que la société humaine est perfectible (P. Leroux, Humanité,1840, p. 151).Que veut dire « l'homme est un animal politique »? Cela signifie que l'homme ne peut vivre qu'en société, par conséquent que l'autonomie de la volonté est soumise à des lois sociales (Scelle, Fédéralisme eur.,1952, p. 2).V. supra ex. 1.
Arithmétique*politique. Arithméticien politique. Spécialiste d'arithmétique politique. En France, le meilleur « arithméticien politique » est, sans doute, Lavoisier qui évalue le revenu national et compare la structure des consommations aux besoins de la population (Hist. sc.,1957, p. 1609).
Économie politique (usuel). V. économie1B.
2. Qui concerne chaque État considéré sur le plan administratif comme une entité souveraine. Cette méthode, suivie par mon maître P. Vidal de La Blache, est clairement exposée dans la préface de son atlas : « La carte politique du pays à étudier est accompagnée d'une carte physique... etc. » (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 11).Un simple coup d'œil sur les religions nous laisse entrevoir de profondes différences : leur lien peut être déterminé par la nature : famille, clan, tribu; ou par la géographie politique : village, cité, nation (Traité sociol.,1968, p. 80):
2. Conflits ou rencontres pacifiques, l'effet de ces rapports a été de mettre en branle les forces vives de la géographie politique. Nulle contrée [celle correspondant à la Belgique] n'a subi plus de vicissitudes, plus d'attractions en sens contraire; n'a vu plus de remaniements territoriaux. Les frontières politiques n'ont pas cessé de varier. Vidal de La Bl., Tabl. géogr. fr.,1908, p. 58.
B.− Relatif aux affaires de l'État et à leur conduite.
1. [Sans valeur de caractérisation] Aspect, caractère politique de qqc.
a) [Le déterminé évoque un élément du cadre institutionnel]
α) [Le déterminé fait réf. à l'exercice du pouvoir] Direction, choix, fonction politique. La prérogative, usurpée par d'autres chefs inférieurs, de partager seuls l'autorité politique, et d'exercer les fonctions du gouvernement, comme celles de la magistrature (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 32).Sur le seuil de la carrière politique, j'avais peur de manquer de lumières et de prendre parti à l'aveugle (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 336):
3. ... l'État n'est plus en mesure de remplir son rôle fonctionnel fondamental : être le centre dont émanent des décisions respectées par tous. D'abord les décisions politiques essentielles n'émanent plus de l'État : en 1956, il se soumet à la rue algéroise, puis aux initiatives de ses commis civils ou militaires. Belorgey, Gouvern. et admin. fr.,1967, p. 30.
SYNT. Expansion, hégémonie, pouvoir, responsabilité politique; mesure politique; accord, alliance politique; mandat, poste, représentation politique.
[En parlant d'un agent] Qui exerce son action dans le domaine des affaires de l'État. Chef, commissaire, corps, instances, ministre, personnel, représentant politique(s). M. Hoskier n'était pas seulement un des financiers les plus estimés de la place de Paris, mais une personnalité politique (Barrès, Cahiers, t. 11, 1915, p. 123):
4. ... lorsqu'on confie un pouvoir à une Assemblée politique, elle a tendance à l'interpréter politiquement. Ainsi, le Sénat de 1852 devait examiner essentiellement les lois du point de vue de leur constitutionnalité, ce qui est une appréciation juridique; mais le Sénat examina les lois du point de vue de leur opportunité, ce qui est une appréciation politique. Vedel, Dr. constit.,1949, p. 83.
Homme ou (plus rare) femme politique. N'affectez pas de me faire comprendre par ce haussement d'épaules votre dédain bien connu pour les femmes politiques! (Gobineau, Pléiades,1874, p. 101).Il indique et détaille spirituellement la recherche par les hommes politiques du militaire le plus bête dans l'armée pour en faire le ministre de la guerre, parce que les hommes politiques sentent qu'il arrive toujours un jour où ce ministre de la guerre a la tentation de chambarder les pékins, ses collègues (Goncourt, Journal,1894, p. 699).Un auteur britannique écrit que le diplomate doit combiner les talents de l'homme politique, sans l'avantage d'avoir affaire à des compatriotes, et de l'administration coloniale, sans celui de pouvoir recourir à la force (Chazelle, Diplom.,1962, p. 115).
Qui régit la conduite des affaires de l'État. Organisation, structure politique; constitution, législation, loi politique. Notre régime politique sera dans mille ans universellement considéré comme plus monstrueux que l'esclavage (Maurois, Sil. Bramble,1918, p. 34).Au nom de la démocratie, une autre transformation importante du système politique anglais [la limitation du pouvoir de la Chambre des Lords] venait d'être réalisée au début du XXesiècle (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 39).
β) [Le déterminé fait réf. à une entité géogr. ou admin.] Considéré relativement à l'exercice d'un pouvoir souverain dans le domaine des affaires de l'État. Circonscription, collectivité, communauté, contrée, pays, région politique. Il ne s'agit pas non plus de plusieurs langues nettement séparées territorialement, mais comprises dans les limites d'un même état politique, comme c'est le cas en Suisse (Sauss.1916, p. 265).À mesure que la puissance politique s'y est formée et que s'y sont développées des relations commerciales, des villes, capitales politiques, sont nées soit sur les côtes, soit sur les promontoires formant acropoles (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 89).
Indépendance, morcellement, stabilité politique; nationalisme, régionalisme politique; histoire politique d'une région. L'Allemagne comme l'Italie désire aujourd'hui l'unité politique (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 79).Rares sont les cantons qui, comme l'Andorre, ont pu par hasard garder une autonomie politique (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr.,1908, p. 356).Le conseil de l'Europe, destiné à coiffer toutes les autres organisations politiques, et que dans un avenir plus ou moins lointain on pourrait appeler essai de fédéralisme politique (Scelle, Fédéralisme eur.,1952, p. 47).
γ) [Le déterminé fait réf. à la participation des citoyens] Émancipation, liberté politique; consultation politique. Ils n'ont jamais abjuré cette détestation de l'égalité politique conférée à tous et à chacun par le droit de suffrage, base inébranlable de la démocratie, cause efficiente et génératrice, perpétuellement génératrice de la république (Gambetta, 1877ds Fondateurs 3eRépubl., p. 285).Non seulement il y a une liste [électorale] et une seule dans chaque commune (à Paris dans chaque quartier), mais cette liste est valable pour toutes les élections politiques aussi bien à l'Assemblée Nationale qu'aux conseils généraux ou aux conseils municipaux (Vedel, Dr. constit.,1949p. 345).
Domicile politique. Domicile où le citoyen exerce ses droits politiques. Le domicile politique de tout Français est dans le département où il a son domicile réel (Courier, Pamphlets pol.,À Conseil préfect. Tours, 1820, p. 52).
Droits politiques. Droit de participer à la conduite des affaires de l'État. Déclarer que tels citoyens ne seront point actifs, ou dire qu'ils n'exerceront plus les droits politiques attachés au titre de citoyen, c'est exactement la même chose dans l'idiôme de ces subtils politiques (Robesp., Discours,Marc d'argent, t. 7, 1791, p. 163):
5. ... il ne peut pas y avoir de citoyenneté véritable s'il n'y a pas la conjonction de ce que nous appelons à la fois les droits civiques, sociaux, c'est-à-dire notre liberté d'agir, et les droits politiques, en dernier lieu, ou le droit d'influer directement sur la direction de la communauté ou des communautés successives auxquelles nous appartenons. Scelle, Fédéralisme eur.,1952p. 16.
b) [Le déterminé évoque un élément de situation, une activité, un comportement]
α) Actualité, climat, événement, facteur, vicissitudes politique(s). Chaque science donne à l'esprit de celui qui la cultive, une direction exclusive qui devient dangereuse dans les affaires politiques, à moins qu'elle ne soit contre-balancée (Constant, Princ. pol.,1815, p. 61).Préoccupations visant à pousser aux regroupements nécessaires, à la clarification de la vie politique française (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 263):
6. Ce changement [voter à nouveau pour le parti républicain], s'il se produit, modifiera la situation politique, mais il ne bouleversera aucune « loi » du comportement, puisque faute d'avoir étudié d'assez près les conditions dans lesquelles se produit la liaison appartenance à la race noire-vote démocrate, on n'est pas allé au delà de la simple constatation. Traité sociol.,1968, p. 72.
SYNT. Agitation, appui, avantage, aventure, bouleversement, changement, circonstance, conditions, conflit, conjoncture, contexte, crise, difficulté, division, entente, équilibre, évolution, fait, intérêt, mœurs, mouvement, obstacle, pression, problème, réalité, révolution, rivalité, transformation politique(s).
Échiquier politique. La notion de classe sociale explique sans doute la sympathie des syndicats ouvriers pour les partis de gauche, la place éventuelle de ces organisations sur l'échiquier politique (Reynaud, Syndic. en Fr.,1963, p. 27).
β) Acte, action, comportement, conduite, intrigue, jeu, lutte, revendication, rôle politique. Honoré (...) avait fini par se résigner à cette plaie d'orgueil, lorsque, par un caprice du hasard, l'activité politique du vétérinaire remit toute l'affaire en question et lui donna un développement nouveau (Aymé, Jument,1933, p. 41).
Attentat, crime, délit politique. C'est aussi le type qui, à vingt ans, a descendu Hoederer au milieu de ses gardes du corps et s'est arrangé pour camoufler un assassinat politique en crime passionnel (Sartre, Mains sales,1948, 1ertabl., 3, p. 28).
P. méton. Détenu, prisonnier politique. De quatorze à dix-huit ans elle a eu pour maîtres une série de réfugiés politiques, qui payaient ainsi en leçons les bienfaits reçus des parents (Amiel, Journal,1866, p. 194).La Haute Cour disparut, puis le tribunal du 17 août, en sorte que les procès politiques rentrèrent dans la compétence des tribunaux ordinaires (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 415).Police politique. V. police1D.
Empl. subst., p. ell. Prisonnier politique. Tandis que le gardien refermait rageusement l'énorme verrou, les condamnés qu'il quittait se tordaient. Ils haïssaient les « politiques » (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 391).Je voudrais bien savoir combien il y a de détenus, combien sont des politiques, combien sur le nombre sont condamnés à vie (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 373).
Ligne, tendance politique. La netteté de son attitude politique me fait sentir mes négligences comme les petites lâchetés supplémentaires dont un poltron prétentieux couvre son recul (J. Bousquet, Trad. du sil.,1936, p. 190).
Conservatisme, libéralisme, réalisme, réformisme politique. Ils savaient aussi que ces avantages ils pouvaient, en faisant appel à M. de Norpois, les recueillir sans avoir à craindre de celui-ci un manque de loyalisme politique contre lequel la naissance du marquis devait non pas les mettre en garde, mais les garantir (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 435).Les réactions contre le conformisme politique et social qui s'avérait de plus en plus rigide dans ces formations (Civilis. écr.,1939, p. 36-12).
Aspiration, but, orientation, programme politique. L'annonce que Maurice Barrès prend la direction de la cocarde, qui me fait dire que la littérature n'a été qu'un moyen et qu'il a surtout une ambition politique (Goncourt, Journal,1894, p. 632).La sollicitation d'une aide monétaire est souvent le prélude à un engagement politique ou un facteur de son renforcement (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958, p. 335).
Jargon, langue politique. La constitution de 1946 a profondément altéré le sens d'un mot fondamental du vocabulaire politique et juridique français, le mot de citoyen (Vedel, Dr. constit.,1949p. 340).
[Le déterminé évoque une activité de l'esprit] Qui a pour objet le domaine des affaires de l'État et de leur conduite, qui traite de ce qui a rapport à ce domaine.
Conception, conviction, école, éthique, idéal, idée, idéologie, pensée, théorie politique. Si mes opinions politiques me l'eussent permis, j'aurais accompagné Napoléon à Sainte-Hélène (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 224).Ainsi s'exprime Michelet, penseur politique en même temps qu'historien (Lévi-Strauss, Anthropol. struct.,1958, p. 231):
7. Tous deux, partisans d'un droit naturel individualiste, aboutissaient pourtant, après avoir transformé la société identifiée à l'État en un individu grossi projeté en dehors de la totalité concrète de ses membres, à des doctrines politiques opposées (absolutiste chez Hobbes, démocratico-libérale chez Spinoza), fondées sur leurs métaphysiques dogmatiques. Traité sociol.,1967, p. 30.
Appréciation, étude politique. L'analyse politique commettrait une grande faute si elle négligeait de tenir compte des différences individuelles (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958p. 17).Certains ont pu estimer que lorsque l'Assemblée, dans sa résolution d'Avril 1959 par exemple, ne porte pas seulement un jugement politique, mais suggère certaines mesures, elle interfère dans ce pouvoir réglementaire (Ginestet, Ass. parlem. eur.,1959, p. 46).
Institut d'études politiques. École supérieure où l'on étudie les faits politiques. C'est dans le cadre de l'enseignement public, sous la direction et le contrôle de l'État, que doivent être organisés demain les instituts d'études politiques, l'école nationale d'administration et le centre de hautes études administratives (Encyclop. éduc.,1960, p. 250).
Historien politique; philosophie, psychologie, sociologie politique :
8. L'histoire politique est presque suffoquée par le foisonnement des recherches concernant les histoires « spéciales », histoire économique et sociale, histoire des idées, des mentalités (...), histoire des sciences, de la philosophie, de la religion, de l'art... Marrou, Connaiss. hist.,1954, p. 62.
Science politique. Synon. usuel politologie.Il voyait l'Europe et le monde selon l'histoire et la science politique et économique qu'il avait apprises dans la première moitié du XIXesiècle (Valéry, Variété IV,1938, p. 201).
Sciences politiques. Sciences qui étudient les faits politiques. P. méton. (abrév. fam. sciences-po). Établissement où s'enseignent ces sciences. Être à sciences po. Hélène Carrère d'Encausse (...) assure à Sciences Po le cours sur l'histoire de l'U.R.S.S. (Télé Poche,22 janv. 1985, no989, p. 113).
Droit politique. Partie du droit qui envisage les institutions gouvernantes sous leur aspect juridique. Il y a le droit politique, plus ordinairement qualifié de constitutionnel, qui envisage sous leur aspect juridique les institutions gouvernantes (M. Prélot, La Sc. pol.,1969 [1961], p. 45).
Éducation politique. Il allait se dresser un plan d'études soigneux et il arriverait peut-être d'ici un an ou deux à avoir au moins un embryon de culture politique (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 226).Au quatrième rang, on devrait placer la connaissance politique, liée de préférence à l'entourage du chef charismatique, ainsi qu'à l'activité de scribes (Traité sociol.,1968, p. 128).
Auteur, discussion, journal, littérature politique. Passons au roman politique. Celui-ci, comme l'épopée, s'attache à de grands intérêts, peint les mœurs des nations, fait agir de grands hommes, et au lieu des vertus privées, enseigne les vertus publiques (Marmontel, Essai sur rom.,1799, p. 346).Richelieu (mort en 1642) avait écrit dans son testament politique qu'il fallait... « à un état bien réglé plus de maîtres ès arts mécaniques, que de maîtres ès arts libéraux » (Encyclop. éduc.,1960, p. 160):
9. Chaque fois que nous essayons de dégager les idées encloses dans les mots bourgeoisie, culture, humanités, nation, révolution, paix, guerre, classes ou lutte de classes, nous constatons que ces mots n'adhèrent plus strictement aux faits. Les écrivains et les orateurs politiques le savent bien, qui s'étonnent de ne plus intéresser ni émouvoir avec les formules mêmes qui étaient comprises de tous, il y a quinze ans, et projetaient, alors, dans tous les esprits, des ramifications vivantes. J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 190.
SYNT. Article, bulletin, chanson, chansonnier, débat, document, écrit, éloquence, essai, essayiste, hebdomadaire, journalisme, pamphlet, périodique, revue, théâtre politique.
γ) Adversaire, milieu, opposant politique. Ils ont aussi presque perdu la sympathie de leurs anciens amis politiques, parce que leur politique a dû nécessairement (être) et a été, en effet, autant qu'il a dépendu d'eux, conservatrice (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p. 116).Le régime électoral subsistant tel quel, le monde politique attendait avec anxiété le renouvellement qui remettrait en question, à la fin du printemps, les résultats du 18 fructidor (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 502).
Classe politique. Ensemble des personnes qui s'occupent des affaires de l'État. Quand les Assemblées votèrent en faveur de la création d'une armée allemande, intégrée dans l'OTAN, ni dans la classe politique ni dans l'opinion publique le débat [sur la Communauté Européenne de Défense] ne se prolongea (R. Aron, Mém.,1983, p. 276).
Association, cercle, faction, forces politique(s). Ma décision provoqua des remous au sein des petits groupes français qui, sous prétexte d'être politiques, s'agitaient plus ou moins en Grande-Bretagne et aux États-Unis (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 220).La prolifération des formations politiques entraînerait une sorte d'assimilation entre les plus faibles d'entre elles (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958, p. 38).
HIST. [Corresp. à infra II A 2 a] L'opinion modérée, celle qui avait en vain conseillé la tolérance et la paix, se souleva et fit sortir du sein de la France catholique, une faction sans esprit de secte, un troisième parti armé qui reçut le nom de politique et s'unit aux protestants pour soutenir, dans leur cause, la cause des droits humains et de la justice (Thierry, Tiers État,1853, p. 124).Le duc de Mayenne, encouragé par les ligueurs « politiques » qui, au fond, étaient les plus nombreux dans la population parisienne, brisa la faction des Seize dont quelques-uns furent pendus à leur tour (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 190).
Parti politique. V. parti C 2 b.Sa voix trouvait des accents sublimes pour faire appel à tous les partis politiques : légitimistes, orléanistes, impérialistes, républicains, et à toutes les capacités, savants, ingénieurs, artistes, industriels, banquiers et poètes (A. France, Vie fleur,1922, p. 515).
c) [Le déterminé évoque une faculté, un mode de comportement] Dont une personne fait preuve dans le domaine des affaires de l'État et de leur conduite. Art, audace, bon sens, courage, expérience, habileté, honnêteté, lâcheté, maturité, prudence, vertu politique. Ses talents politiques se firent si bien connaître que tous les partis le tenaient en haute estime (About, Roi mont.,1857, p. 28).Comme si la conscience plus aiguë que prenait ainsi Orsenna dans les sommets de ses exigences profondes avait accumulé, avec cette quintessence de haute sagesse politique, une menace latente de dislocation (Gracq, Syrtes,1951, p. 143).V. politicien ex. 2.
Esprit politique. Les artisans principaux sont au XVIesiècle : le génie politique d'Elisabeth, le sens liturgique et littéraire de Cranmer, la pensée théologique de Hooker ont imprimé à l'anglicanisme leur marque indélébile (Philos., Relig., 1957, p. 5-11).
2. [Avec valeur de caractérisation, souvent déterminé par un adv. intensif] Tourné vers les affaires de l'État et leur conduite, essentiellement déterminé par des critères touchant aux affaires de l'État et à leur conduite. J'ai causé une heure avec lui, d'abord de l'élection [à l'Académie], puis du sens général des élections académiques, auxquelles je reprochais d'être trop politiques (Vigny, Journal poète,1863, p. 1170):
10. − J'ai cru comprendre que Ricarda était mieux introduit à l'Intérieur qu'à la Guerre. − Oui, c'est ce qu'il m'a dit. − À l'Intérieur, ils sont plus politiques. Ils suivent de plus près les événements. Abellio, Pacifiques,1946, p. 187.
Qui est compétent, qui s'y connaît en matière de conduite des affaires de l'État. Encore une fois, la guerre d'Espagne de 1823 m'appartient en grande partie; je ne crains pas d'assurer que les esprits politiques m'en feront un mérite, comme homme d'État, dans l'avenir (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 139):
11. ... le nouveau sultan d'Égypte comptait parmi les esprits les plus politiques et les plus libéraux de cette glorieuse dynastie kurde, politique autant que son père El-Adil qui avait failli devenir le beau-frère de Richard Cœur de Lion, libéral et généreux autant que son oncle, le grand Saladin. Grousset, Croisades,1939, p. 302.
C.− P. méton. Qui fait preuve d'habileté, qui est avisé dans ses rapports avec autrui, en vue d'atteindre un certain but.
1. [En parlant d'une pers.] Pour un prêtre érudit, courtois, politique, qu'est-ce que le diable, je vous demande? À peine ose-t-on le nommer sans rire (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 257):
12. En ce moment, la ville de Saumur était plus émue du dîner offert par Grandet aux Cruchot qu'elle ne l'avait été la veille par la vente de sa récolte qui constituait un crime de haute trahison envers le vignoble. Si le politique vigneron eût donné son dîner dans la même pensée qui coûta la queue au chien d'Alcibiade, il aurait été peut-être un grand homme; mais trop supérieur à une ville de laquelle il se jouait sans cesse, il ne faisait aucun cas de Saumur. Balzac, E. Grandet,1834, p. 132.
Empl. subst. De plus politiques n'auraient point fait à l'avance une pareille condition de nature repoussante au puissant allié qui s'offrait (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 125).Oh! Pardonnez, Elzéar, c'est eux qui parlent de la sorte; des politiques, des calculateurs. Moi, femme, je ne juge pas si vite (Vogüé, Morts,1899, p. 184).
2. [En parlant d'un comportement] Louise avait présentes à la mémoire les paroles sages et politiques que du Châtelet lui avait dites sur Lucien en revenant du Vaudeville (Balzac, Illus. perdues,1839, p. 190).
Il est politique de + inf. Il serait politique d'embellir les grandes familles, en forçant leurs héritiers à n'épouser que de belles femmes (Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 425).Elle crut politique de se tenir à l'écart, ne voulant, disait-elle, feindre d'approuver par sa présence une union monstrueuse (Mauriac, Baiser Lépreux,1922, p. 172).Léopold jugeait politique de ménager la Prusse (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 224).
II.− Substantif
A.− gén. masc., au sing. ou au plur.
1. Personne qui s'occupe de la conduite des affaires de l'État :
13. Combien de politiques, spéculatifs ou pratiques, ont vu les choses humaines comme Machiavel et comme Hobbes, parce qu'ils voyaient l'homme psychologique à travers le même verre qu'eux! Voilà Rousseau à son tour, le politique du sentiment. Il sent dans son cœur que l'homme est né libre ou doit être libre, et il le voit partout dans les fers. Il veut chercher s'il n'y a pas quelque forme d'administration légitime, c'est-à-dire propre à restituer cette liberté naturelle de l'homme. P. Leroux, Humanité,1840, p. 131.
a) Vx. Personne qui possède l'art de conduire les affaires de l'État, la science du gouvernement. Tacite et Machiavel, les plus grands politiques qui aient jamais existé (Desmoulinsds Vx Cordelier,1793-94, p. 48).
b) [Souvent avec nuance iron.] Personne qui se prétend compétente en ce qui concerne la conduite des affaires de l'État et tout ce qui s'y rapporte. Ils font la paix! s'écrièrent les politiques du village (Mérimée, Colomba,1840, p. 111).[Ma femme de chambre] tenait cette belle nouvelle des politiques de l'auberge (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p. 86):
14. ... Plassans demeura tout surpris, le soir de l'élection, d'avoir eu une volonté si unanime (...). Les politiques du cercle du commerce se regardaient d'un air perplexe, en hommes que la victoire confond. Zola, Conquête Plassans,1874, p. 1153.
c) Usuel. Personne qui joue un rôle actif dans la conduite des affaires de l'État. Faire entendre les protestations généreuses dont les politiques autrefois faisaient leur gloire (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 114).Les politiques savent que leur fonction est de comprendre toutes les sociétés organisées dans un état (Philos., Relig., 1957, p. 44-11):
15. Toute politique tend à traiter les hommes comme des choses (...). Le politique se représente ces unités comme des éléments arithmétiques puisqu'il se propose d'en disposer. Même l'intention sincère de laisser à ces individus le plus de liberté possible et de leur offrir à chacun quelque part du pouvoir, conduit à leur imposer, en quelque manière, ces avantages dont il arrive parfois qu'ils ne veulent guère, et parfois qu'ils pâtissent indirectement. Arts et litt.,1936, p. 40-2.
[P. oppos. à une autre catégorie] Aussi Goethe dit-il dans sa pièce que les deux personnages qu'il met en contraste, le politique et le poëte, sont les deux moitiés d'un homme (Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 59).Comme dans tout dialogue entre le stratège et le politique, le stratège ne peut que faire valoir les limites de ses possibilités et recommander les formules qui lui paraissent les plus favorables, mais c'est le politique qui décide en fonction d'une gamme de données plus étendues (Beaufre, Dissuasion et strat.,1964, p. 200).De par la division du travail, les idéologues sont rarement les hommes d'action − les politiques − et d'ailleurs, ils constituent un groupe qui a ses intérêts et ses aspirations dans la classe, ou partiellement hors d'elle (Traité sociol.,1968, p. 367).
[Avec qualificatif (surtout grand)] Fin, mauvais politique. Bonaparte ne rêva pas un duché du Rhin, comme l'avaient fait quelques politiques médiocres dans la longue lutte de la maison de France contre la maison d'Autriche (Hugo, Rhin,1842, p. 123).Nous n'avons pas ce qu'ont eu les monarchies absolues, de grands politiques comme Richelieu, même comme Dubois, gouvernant l'État ou par la force ou par la ruse, et maîtres d'agir dans toute l'étendue de leurs desseins (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 381):
16. Je ne dis rien d'un monde où les grands politiques parlent paix quand ils songent guerre; ordre quand ils songent massacre; et noblesse, dévouement ou chevalerie, quand il songent Dieu sait quoi. Paulhan, Fleurs Tarbes,1941, p. 22.
P. anal., au masc. ou au fém. Personne qui mène ses affaires avec les autres de telle ou telle manière. « Ma voix m'a bien servi, pensa M. Leuwen. Cela est juste de ton et expressif. » Mais M. Leuwen n'était pas fait, après tout, pour être un grand politique, un Talleyrand, un ambassadeur auprès de personnages graves (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1835, p. 301).Ah! C'est un grand politique! Sa femme l'assure contre Don Camille et Don Camille l'assure contre moi (Claudel, Soulier,1944, 1repart., 2ejournée, 6, p. 1016):
17. Que je puisse agacer maman en me baignant ici... ne me serait jamais venu à l'idée... Et c'est vrai! Tu es comme tante Léo, une grande politique. Cocteau, Parents,1938, II, 1, p. 228.
2. Personne dont l'action se situe essentiellement dans le domaine des affaires de l'État et de tout ce qui s'y rapporte.
a) HIST., gén. au plur. Membre d'un parti qui, à l'époque de la Ligue, prétendait ne s'occuper que des affaires de l'État et non de la question religieuse. La noblesse logée en divers quartiers de la ville étant égorgée avec les politiques et les suspects, on crieroit : vive la messe! tous les bons catholiques prendroient les armes, et le même jour les villes de la Ligue imiteroient Paris (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist.,t. 4, 1831, p. 309).Au dix-septième siècle la tentative de Saint-Cyran et des Arnauld fut un second acte, une reprise à un étage moindre, mais aussi suivie et prononcée, d'organisation religieuse pour la classe moyenne élevée, la classe parlementaire, celle qui, sous la Ligue, était plus ou moins du parti des politiques (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 16).Par Henri IV, l'homme aux deux religions, la France allait retrouver la paix intérieure. Par ce prince politique, l'heure des « politiques », l'heure du tiers parti, approchait (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 186).
b) Personne dont l'action se détermine en fonction de critères touchant à la conduite des affaires de l'État. Enfin, les « politiques », convaincus que notre cause était celle de la France et la servant de leur mieux, ne s'empêchaient pas cependant de penser à leur carrière, de manœuvrer pour se faire valoir suivant les normes de leur profession, de considérer l'avenir sous l'angle de l'élection, des fonctions, du pouvoir, qu'il pourrait un jour leur offrir (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 153):
18. Seul, avec un petit groupe d'amis, Jaurès a fait entendre l'appel de générosité, a formulé l'argument de raison. Comme il est chef, on a haussé les épaules, et les « politiques » ont fait preuve d'indulgence en se bornant à empêcher le parti de se compromettre dans cette « sentimentalité ». Clemenceau, Iniquité,1899, p. 261.
c) Partisan de négociations par opposition à une action armée (le plus souvent) ou motivée par des raisons catégorielles. Des chances de pourparlers existaient; pendant un court moment, du côté F.L.N., les « politiques » ont paru avoir le pas sur les militaires, ou du moins ceux-ci laissaient-ils le champ libre à ceux-là (Mauriac, Nouv. Bloc-Notes,1961, p. 18).
d) P. ell. Prisonnier politique. V. supra I B 1 b β
B.− masc. sing. à valeur de neutre. Tout ce qui a trait à la conduite des affaires de l'État. La civilisation moderne semble bien se caractériser par un régime de séparation du politique et du religieux (Philos., Relig., 1957, p. 46-9).À la naissance des institutions révolutionnaires, le politique commande le technique (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 29).Il faut que l'homme fasse peu à peu le dur effort de comprendre que le social, le juridique et le politique sont dépendants de l'économique, c'est-à-dire des conditions matérielles de la vie en société (Fourastié, Gd espoir du XXes.,1969, p. 325).
Prononc. et Orth. : [pɔlitik]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. a) 1365 « propre à un bon gouvernement, bon, judicieux » (Oresme, Traictié de la première invention des monnoies, éd. L. Wolowski, p. XIII); b) ca 1485 « sage et adroit dans le gouvernement des hommes » (Viel Testament, XIX, 11543, éd. J. de Rothschild, t. 2, p. 117); 1636 Homme Politique, bien versé au fait de police (Monet); c) 1636 Homme Politique « homme s'accommodant à toutes occasions » (ibid.); 2. ca 1370 « qui concerne le gouvernement des hommes entre eux » (Oresme, Ethique, éd. A. D. Menut, p. 303, note 1); fin xives. droit politique « lois qui règlent les formes du gouvernement » (E. Deschamps, Chançons Royaulx ds Œuvres, éd. De Queux de Saint-Hilaire, t. 3, p. 184); 1615 (A. de Montchrestien, Traité de l'économie politique, v. éd. Th. Funck-Brentano, Paris, 1889); 1721 corps politique (Montesquieu, Lettres persanes, t. 2, p. 107); 1734 chef politique (Dubos, Hist. crit. monarchie fr., p. 463); 1734 journaux politiques (Id., ibid., p. 401); 1770 science politique (Galiani, Dialogues, p. 279); 1789 droits politiques « droits du citoyen ou d'un ensemble de citoyens dans le gouvernement de leur pays » (Sieyès, Tiers état, p. 31); 1790 opinions politiques (Staël, Lettres jeun., p. 399); 1815 délits politiques (Constant, Princ. pol., p. 80); 1848 détenus politiques (Chateaubr., Mém., t. 3, p. 344). B. Subst. masc. 1. 1559 « sorte d'officier de police » (Marguerite de Navarre, Heptameron, 44 ds Hug.), sens encore indiqué par Hulsius 1602; 2. [vers 1568 d'apr. Trév.] 1589 « membre d'un parti prônant des solutions politiques au problème des conflits de religion » (P. de L'Estoile in Mém. Soc. Hist. Paris, XXVII, 28 ds Fonds Barbier); cf. 1933 les politiques « ceux qui mettent en avant les critères politiques ou prônent des solutions politiques » (Lénine, Que faire? [trad.], p. 510); 3. av. 1621 « homme qui s'occupe du gouvernement civil, qui exerce un pouvoir civil » (E. Pasquier, Recherches de la France, éd. 1665, p. 872 ds IGLF); 4. 1656 « homme habile, compétent dans les affaires civiles » (Pascal, Provinciales, XII ds Œuvres, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p. 425); 5. 1678 « spécialiste de l'étude de la politique » (La Rochefoucauld, Maximes, éd. J. Truchet, 7, p. 8); 6. 1858 « détenu politique » (Michelet, Journal, p. 418); 7. 1927 « ce qui a trait au gouvernement des sociétés » (Maritain, Primauté spirit., p. 27). Empr. au lat. politicus, -a, -um « relatif au gouvernement des hommes », du gr. π ο λ ι τ ι κ ο ́ ς « de citoyen, qui concerne les citoyens, populaire, qui concerne l'État, public ».

POLITIQUE2, subst. fém.

A.−
1. Au sing. [Avec art. déf.] Art de conduire les affaires de l'État, science et pratique du gouvernement de l'État. Pascal (...) serait bien près d'entendre le droit comme Hobbes et la politique comme Machiavel (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 312).Rapprochement de la médecine et de la politique. En politique, il en est de même; les gouvernements systématiques sont renversés par des révolutions. Un gouvernement théorique ou expérimental, qui modifie ses idées à mesure que les faits se présentent, n'aura plus de révolution (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 116):
1. J'ai assez étudié, dit le seigneur du village, tous les livres qui traitent de la politique; j'ai lu les mémoires de mon bisaïeul, qui était un homme de sens; sans compter tous vos journaux. Je tiens pour le pouvoir absolu, parce que c'est selon moi le plus faible, le plus doux, le plus facile, le moins exigeant des pouvoirs. Alain, Propos,1924, p. 596.
[Dans ses rapports avec la mor.] Quant à la politique, la vie morale de chaque homme était tellement liée, pour lui [Platon], à la vie civile, qu'il dit que celui qui, à l'aide de la philosophie, s'est maintenu pur de l'injustice et de l'impiété, n'est cependant pas arrivé au plus haut degré, s'il n'a pu vivre dans un État bien constitué (P. Leroux, Humanité,1840, p. 63).Les philosophes du XVesiècle sont des moralistes préoccupés de définir les règles individuelles de la conduite humaine dans ses rapports avec la politique (Hist. sc.,1957, p. 1632):
2. Ce qu'ils appellent morale, c'est uniquement, exclusivement, la morale individuelle, celle qui règle les relations privées de personne à personne. Et ils s'imaginent que nous prétendons réduire la politique à la morale ainsi entendue, ce qui serait évidemment vider la politique de son contenu propre. Non, nous ne disons pas, et personne, je crois, n'a jamais eu la naïveté de dire que la politique se réduit à la morale individuelle ou n'est qu'une application de celle-ci... Maritain, Human. intégr.,1936, p. 230.
Étude, connaissance des phénomènes relatifs à la conduite des affaires de l'État. L'éducation était chez les Grecs une partie importante de la politique (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 59):
3. L'ouvrage que M. Littré a publié en 1879 sous ce titre : Conservation, révolution et positivisme est rempli des méprises que la doctrine positiviste lui a fait commettre en politique et en sociologie. Pourquoi en serait-on surpris? La politique et la sociologie sont des sciences où la preuve est trop difficile à donner. Pasteurds Travaux,1882, p. 430.
[Avec déterm. (adj. ou de + subst. ou équivalent) désignant une pers.] Conception ou théorie concernant la conduite des affaires de l'État :
4. À la différence de Platon qui procède par construction, Aristote base sa politique sur l'expérience. Dans un écrit malheureusement perdu on a vu qu'il avait étudié les constitutions de divers États grecs. Pourtant il partage avec Platon les préjugés communs à toute l'antiquité. Platon et Aristote confondent en effet la politique et la morale. Pour eux d'abord la politique est une science pratique qui consiste à rendre les hommes vertueux et heureux. C'est la science de l'éducation par l'État. A. Barre, Aristote,Paris, Méricant, s.d., p. 38.
P. méton. [Avec majuscule] Je pioche le plan de ma Politique (Flaub., Corresp.,1878, p. 98).La diversité des cités, écrit saint Thomas dans son commentaire sur la Politique [d'Aristote], provient de la diversité des fins, ou de manières différentes de tendre à une même fin (Maritain, Human. intégr.,1936p. 150).
2. Au sing. ou au plur. [Avec art. déf. ou indéf.]
a) Conduite effective des affaires publiques, menée, suivant certains principes, par les gouvernants d'un État. Politique actuelle, à court/long terme; choix, efficacité, principes, responsable d'une/de la politique; adopter, orienter, suivre une/la politique; changer de politique. On peut (...) définir le gouvernement comme l'organe qui est chargé d'appliquer le droit positif en vigueur et d'élaborer et conduire la politique de la nation dans des conditions de relations avec l'organe délibératif et de partage des facultés de décision qui varient selon la nature du régime (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 19).
SYNT. Politique du jour, à suivre; adoption, application, conduite, continuation, définition, élaboration, exécution, lignes, mise en œuvre d'une politique; appliquer, avoir, coordonner, diriger, mener, pratiquer une politique.
[Avec déterm. évoquant l'agent d'application]
[Déterm. adj. ou de + subst.] Politique alliée, bismarckienne, soviétique; politique de la France, d'un gouvernement. Il est évident que ces trois actes de la politique de Bonaparte, la paix, le concordat, le consulat à vie, sont les trois aspects d'une même pensée, d'une volonté toute personnelle (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 2).En plein XXesiècle l'Otan est une phase de cette lutte (qui dure depuis la politique de Richelieu contre la maison d'Autriche) pour l'équilibre international (Sibert, O.T.A.N.,1956, p. 16):
5. La manière dont procédera la politique britannique à propos de la Syrie sera un critérium d'une très grande importance. C'est la première fois que les forces britanniques, unies à celles de la France libre, pénètrent sur un territoire soumis à l'autorité de la France. Il se trouve, en outre, que les tendances de la politique britannique y ont rarement coïncidé avec les tendances de la politique française. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 432.
SYNT. Politique allemande, américaine, espagnole, européenne, gouvernementale, occidentale; politique de l'Angleterre, de l'Europe, des grandes puissances, d'un ministre, d'un pays, du président.
[Déterm. subst. en appos.] Quand on la suppose fondée sur le réel, au lieu de poser sur des imaginations, la politique Delcassé réalise le bon sens même (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 218).Mais c'est Paris, quand même, qui a permis au petit mécanicien [René Monory] devenu chef d'entreprise prospère, au maire devenu sénateur, à l'obscur notable devenu ministre de faire mettre en œuvre, grâce au soutien de Barre, la « politique Monory » (L'Express,16 juill. 1980, p. 44, col. 2).
[Avec déterm. adj. ou de + subst. évoquant la manière particulière de mener une politique] Politique astucieuse, conventionnelle, évasive, incohérente, inflationniste, opportuniste, pragmatique, réaliste; politique en accordéon, de l'escarpolette. Sa propension [de Spears] à mener une politique personnelle entre celle de son gouvernement et celle de l'autorité auprès de laquelle il se trouve en mission (De Gaulle, Mém. guerre,1954p. 590).La politique des « petits pas », brillamment mise en œuvre par M. Henry Kissinger au lendemain de la guerre d'octobre 1973, a fait son temps. Elle a permis d'éviter une reprise des hostilités et de rétablir une solide influence américaine sur le monde arabe, mais elle s'est dangereusement enlisée (L'Express,18 juill. 1977, p. 38, col. 2).Politique de la « chaise vide ». Le Général De Gaulle avait choisi de pratiquer − notamment à Genève − la politique de la « chaise vide ». Son objectif : signifier ainsi bien haut aux deux Grands (le Russe et l'Américain) que la France n'entendait pas (...) se voir imposer une politique de défense contraire à ses intérêts (Le Point,8 mai 1978, p. 68, col. 2).
[Avec déterm. évoquant ce qui inspire la politique suivie (tendance, principe, idéologie)] Politique belliqueuse, centriste, contractuelle, écologique, idéaliste, libérale, néo-libérale, pacifiste, socialiste; politique proarabe, antinucléaire; politique du bâton, de droite, de gauche, du levier, de la main tendue; politique d'austérité, de grandeur, anti-hausse, extrémiste, jusqu'auboutiste, modérée. En cette année 1903, la politique anticléricale de Combes atteignit un rare degré de violence (Billy, Introïbo,1939, p. 104).V. politique1I B 1 b γ ex. de Gobineau :
6. Il s'agit de se représenter l'homme de notre temps, et cette idée de l'homme dans le milieu probable où il vivra doit être d'abord établie. Elle doit résulter de l'observation précise, et non du sentiment et des préférences des uns et des autres, − de leurs espoirs politiques, notamment. Rien de plus coupable, de plus pernicieux et de plus décevant que la politique de parti en matière d'enseignement. Valéry, Variété III,1936, p. 275.
[Avec déterm. évoquant le domaine où s'exerce la politique] Politique agricole, culturelle, générale, internationale, scientifique, touristique; politique de l'éducation, des prix, des transports. Le malheur des pays libres est de ne pouvoir presque jamais faire de la diplomatie au moyen des tarifs, les moindres changements introduits dans ceux-ci ayant immédiatement un contre-coup sur la politique intérieure (Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], 1850, p. 148).La coordination mondiale des politiques économiques s'est épuisée en rapports, en résolutions vaines, auxquelles aucun gouvernement n'a jamais prêté la moindre attention (Univers écon. et soc.,1960, p. 40-2).Un changement radical des pratiques actuelles de l'urbanisme s'impose, dont les exigences se combinent avec celles de la politique du logement (Univers écon. et soc.,1960p. 26-1).
SYNT. Politique aéronautique, budgétaire, coloniale, commerciale, commune, douanière, énergétique, étrangère, extérieure, financière, fiscale, foncière, forestière, industrielle, laitière, locale, militaire, monétaire, mondiale, nataliste, nationale, régionale, sociale, tarifaire; politique du crédit, de la fonction publique, du pétrole, des revenus, des salaires, de la santé; politique de l'environnement, des loisirs, du temps libre.
[Déterm. adj. évoquant un pays qui est l'objet de la politique] La politique russe de Poincaré est effarante (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 138).L'armée constituait le fer de lance de la politique algérienne du pouvoir (Serv. milit. et réf. arm.,1963, p. 45).
[Avec déterm. de + subst. évoquant le but visé, l'orientation] Politique d'aide à la famille, de croissance, de décentralisation, de développement, de désarmement, de dissuasion, d'expansion, de paix, de plein emploi, de reboisement. Du jour où vous êtes entré dans la politique d'action au dehors (Clemenceau, 1884ds Fondateurs 3eRépubl., p. 224).Pour que la politique de réformes soit possible, pour qu'elle soit efficace, pour qu'elle inspire confiance au peuple allemand, il faudra que le parti socialiste contribue à la diriger (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 57):
7. La politique des nationalisations aboutit donc à mettre entre les mains des gouvernements un puissant moyen d'agir sur l'ensemble de l'économie. Encore faut-il que ce levier, qui peut soulever un monde, soit manié par un pouvoir habile et ferme en ses desseins. Chenot, Entr. national.,1956, p. 31.
b) P. anal. Ligne de conduite raisonnée, en particulier d'une entreprise, d'une institution.
[Sans qualificatif, mais avec déterm. adj. ou de + subst.]
[Avec déterm. évoquant l'agent] Politique des éditeurs, des employeurs, d'un syndicat. Venons à la politique de la compagnie [l'Académie royale des sciences] (Marat, Pamphlets,Charlatans mod., 1791, p. 289).La famille Cruchot, dont la politique était sagement dirigée par le vieil abbé (Balzac, E. Grandet,1834, p. 228).La promotion peut être l'objet d'une politique de l'usine (Traité sociol.,1967, p. 457).
[Avec déterm. à valeur de caractérisation] Politique de facilité, du moindre effort. J'écoute leur effet [des objets sonores] au micro. Politique d'autruche, puisque le micro ne donne que le son brut avec quelques effets secondaires, et que, qualitativement, il n'ajoute rien (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 14):
8. éva : Quoi! Cela ne vous séduirait pas d'embrouiller si bien les gobelets de ce saltimbanque, qu'il ne se retrouvât plus dans ses muscades? Mais ce serait joli, ça, ce serait piquant, ce serait drôle! le prince : Très-drôle!... Mais politique de femme. éva : Pas si sotte... Ne jamais aborder l'obstacle, mais le tourner!... Sardou, Rabagas,1872, I, 14, p. 43.
[Avec déterm. définissant le domaine] Si je commençais de jeter les dés sur un papier, je n'amenais que les mots témoins de l'impuissance de la pensée : génie, mystère, profond..., (...). J'avais beau chercher à me leurrer, cette politique mentale était courte (Valéry, Variété[I], 1924, p. 188).Chaque tempérament appelle ainsi toute une politique de l'ambiance : alimentation, boisson, vêtement, habitation, hydrothérapie, luminosité, repos, etc. (Mounier, Traité caract.,1946, p. 185).
[Avec déterm. subst. en appos., avec ou sans trait d'union] [Le directeur de marketing] devra, en relation avec l'équipe de ventes : déterminer notre politique-clients (L'Express,20 juin 1977, p. 138, col. 2).[Le Directeur des ventes] animera la force de ventes et il assistera, aux côtés de la Direction Générale, à l'élaboration de la politique commerciale et de la politique produit (L'Express,11 sept. 1981, p. 165).
[Avec déterm. définissant l'orientation] Politique de financement, d'investissements d'une entreprise; politique du silence. Degas, Gustave Moreau ont chéri la politique du mystère; plus ils se claquemuraient, cachaient leurs toiles, plus s'affermissait leur influence sur disciples et amateurs (Blanche, Modèles,1928, p. 202):
9. Cette vipère, ma vipère, dûment étranglée mais partout renaissante, je la brandis encore et je la brandirai toujours, quel que soit le nom qu'il te plaise de lui donner : haine, politique du pire, désespoir ou goût du malheur! H. Bazin, Vipère,1948, p. 276.
[Avec qualificatif] Commencez-vous d'entrevoir qu'un mariage entre le fils Stamply et Mademoiselle de La Seiglière serait, de votre part, un acte de politique haute et profonde? (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 222).La passion était venue ainsi qu'il arrive, à force de la simuler, et l'adroite politique d'Émilia l'avait rapidement portée au comble (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 63).
Il est d'une (vieilli), de bonne/mauvaise politique de + inf. Il serait d'une bonne politique d'exiger d'un botaniste, d'un conchyologiste (...) et de tous les savans, de parcourir au moins une fois dans leur vie, et à un âge raisonnable, ces belles régions (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 154).Il serait, à mon avis, d'une mauvaise politique pour nous de parler en exterminateurs (Proudhon, 1846ds Doc. hist. contemp., p. 237).Il est (...) de bonne politique pour le rédacteur d'une revue technique de ne point mêler la publicité à sa documentation (Civilis. écr.,1939, p. 32-15).
3. Au sing. [Gén. avec art. déf. ou partitif] Ensemble des affaires publiques, domaine d'action relatif à la conduite des affaires de l'État. Être attiré par la politique, s'occuper de politique. La politique est au calme plat (Flaub., Corresp.,1869, p. 27).La politique, c'est insupportable! À l'heure qu'il est, elle s'est emparée des plus réfractaires et on la sent toute prête à apporter la brouille dans les relations les plus intimes (Goncourt, Journal,1877, p. 1202):
10. Lire un article de politique, écouter les informations à la radio, ce n'est pas s'engager dans une activité politique. Ce type de conduite est symbolique et d'une signification incertaine : il peut être le prélude à un engagement réel ou n'en représenter que le substitut, l'intérêt accordé à la politique constituant alors un simple jeu de l'esprit. Dumazedier, Ripert, Loisir et cult.,1966, p. 294.
Faire de la politique. Il ne fallait plus faire de politique, mais s'amuser, gaudrioler et jouir (Goncourt, Journal,1860, p. 775).Faire de la politique, soit, mais pourquoi en parler à tout bout de champ? (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 252).
Causer, discuter, parler (de) politique. Vous avez raison, il ne faut parler politique qu'avec les gens de son opinion... et encore! Le seul moyen de convertir quelqu'un est de savoir d'avance qu'il est de votre avis (Flaub., Corresp.,1872, p. 69).S'il parle politique, c'est sans fracas, sans digressions prophétiques (J. Bousquet, Trad. du sil.,1936, p. 141).V. formule B 1 b ex. de Martin du Gard.
P. méton.
Carrière consacrée à tout ce qui concerne les affaires d'un État et leur conduite. Entreras-tu enfin dans la politique? Par le conseil général? C'est la bonne voie (Lamart., Corresp.,1834, p. 64).Quand j'eus huit, neuf, dix ans, mon père songea à la politique (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 67).
Entrer, entrée en politique. (Fait de) se consacrer à une carrière politique. Au moment où ils sont entrés en politique, 41 pour cent des ministres faisaient carrière dans l'administration (Le Point,16 août 1976, p. 20, col. 1).
Ensemble des personnes qui s'occupent de tout ce qui concerne les affaires d'un État. Aussi, de phrase en phrase, Dauriat grandissait-il dans l'esprit de Lucien, qui voyait la politique et la littérature convergeant dans cette boutique (Balzac, Illus. perdues,1839, p. 301).La politique bien des fois a reculé devant la détestable échéance [un conflit armé], qu'elle sait cependant devoir être la conséquence la plus probable de son activité fatale et de la naïve bestialité de ses mobiles (Valéry, Variété IV,1938, p. 65).
B.− P. méton., au sing. Habileté manifestée dans les rapports avec les autres et qui consiste essentiellement à amener autrui à faire ce que l'on désire, sans pour autant dévoiler ses propres intentions. Je suis effrayé du peu d'affection qu'on lui porte [à Feydeau] et je passe ma vie à le défendre; or, j'ai fort à faire, car il manque entièrement de politique (Flaub., Corresp.,1860, p. 369).Charles d'Este (...) avait mis sa politique à entretenir sournoisement les inimitiés de ses familiers (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 70):
11. isotta : Certes, la promptitude de votre volte est une merveille de politique. Mais chacun sait que, pour la souplesse et l'audace, le Saint-Siège et Venise, il n'y a qu'eux. Et comme vous êtes, Très-Saint-Père, à la fois pape et Vénitien... le pape : J'ai agi par politique, mais aussi par générosité, et j'ai poussé à l'extrême cette générosité. Montherl., Malatesta,1946, III, 5, p. 498.
Par politique. Par calcul intéressé. Mon père a bien raison de dire qu'on est bien peu généreux à leur égard, et que leur fidélité et leur courage devraient leur attirer, ne fût-ce que par politique, les bienfaits, ou du moins la protection des souverains (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1558).V. supra ex. 11 :
12. Paul croyait s'être réussi une figure; en réalité, il s'était contenté de ne pas combattre ses défauts. Cette mauvaise herbe l'avait peu à peu envahi et il trouvait plus commode de faire penser qu'il agissait par politique alors que ce n'était que faiblesse. Prudent jusqu'à la lâcheté, il fréquentait divers milieux; il pensait qu'il faut avoir un pied partout. Radiguet, Bal,1923, p. 24.
REM. 1.
Politicisme, subst. masc.,hapax. Théorie selon laquelle les événements et les transformations historiques sont dus essentiellement à la politique et à ses évolutions. Le politicisme transcendé. L'idée d'une rénovation chrétienne de l'ordre temporel s'oppose aussi à la conception politiciste qui est proprement la corruption de la politique elle-même (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 228).
2.
Politiciste, adj.,hapax. Qui relève du politicisme ou lui est propre. V. politicisme ex.
3.
Politico-, politiquo-, élém. formant,vieilli, rare. V. politiquomancie (s.v. -mancie B) et aussi :
Politicomanie, subst. fém.Manie de la politique. [Je résolus] de ne remettre les pieds à Paris que quand hommes et femmes seront guéris de la politicomanie (Pain, Nouv. tableaux de Paris,1828, p. 249 ds Quem. DDL t. 3).
4.
-politique, élém. de compos.entrant dans la constr. de qq. subst. fém. où le 1er élém. est un préf.a)
Anti-politique. Politique qui nie les principes reconnus d'une ou de la politique. Vous arrivez à l'écologie par la politique. − Par l'anti-politique (Le Sauvage, 1erjanv. 1978, p. 40, col. 2).
b)
Contre-politique. Politique dont les principes sont opposés à ceux d'une autre politique. Et voilà que, franchissant la frontière de la loi de 1948 qui bloque les loyers des logements anciens, Nora fait le procès de la politique menée en France depuis trente ans et propose une contre-politique non seulement pour l'habitat ancien mais pour l'ensemble du logement (Le Nouvel Observateur,19 janv. 1976, p. 22, col. 1).
Prononc. et Orth. : [pɔlitik]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. Ca 1268 « science et pratique du gouvernement » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, I, 4. 5 et III, 1. 1); 2. a) 1640 « manière particulière de gouverner, principes d'action, conduite dans le domaine public » (Corneille, Cinna, V, 1); b) 1651-57 « manière d'agir, conduite dans un domaine privé » (Scarron, Roman comique, éd. E. Magne, p. 407 ds IGLF); 3. 1656 « habileté, subtilité dans la conduite » (Pascal, Provinciales, III, éd. L. Lafuma, Seuil, 1963, p. 381b); 4. 1675 « les affaires publiques, activité relative à l'exercice des pouvoirs dans un État » (E. Flechier, Oraisons funèbres, t. 1, 1691, Turenne, p. 185); 1817 parler politique (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, p. 31); 1831 faire de la politique (Musset ds Le Temps, p. 22); 5. 1680 « ouvrage, traité de politique » (Rich.), souvent p. réf. aux Politiques d'Aristote trad. par Oresme, 1371. Empr., par l'intermédiaire d'une forme de lat. tardif politice, au gr. π ο λ ι τ ι κ η ́ « science des affaires de l'État, affaires de l'État », subst. de l'adj. π ο λ ι τ ι κ ο ́ ς, v. politique1, parallèlement à policie, du lat. politia (v. police) et à politiques, trad. du neutre plur. subst. de politicus, -a, -um, gr. τ α ̀ π ο λ ι τ ι κ α ́ « les affaires publiques, ce qui concerne l'État » dans le titre de l'ouvrage d'Aristote dont la trad. la plus anc. qui ait subsisté du texte lat. en fr. est celle d'Oresme (1372-74, Le Livre de Politiques d'Aristote, éd. A. D. Menut, introd., p. 11).
STAT. − Politique1 et 2. Fréq. abs. littér. : 16 066. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 28 883, b) 16 861; xxes. : a) 16 715, b) 24 594.
DÉR. 1.
Politicaille, subst. fém.,péj. Politique envisagée sous un angle déprécié ou méprisable. On lui passa bien encore [au comte de Paris] sa visite à Frohodorf; mais, quand il se permit d'ouvrir ses salons, ce fut un tollé général. Dans le monde de la politicaille exclusivement, bien entendu (Coppée, Franc-parler II,1896, p. 75).V. aussi Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 380. [pɔlitikɑ:j], [-aj]. 1resattest. 1884 (Le Matin français, 3 sept. ds Annuaire de l'Univ. de Sofia, Fac. Lettres, 1970, p. 41, Les Néol. ds l'Œuvre de J. Vallès); de politique2, suff. -aille*.
2.
Politicailler, verbe intrans.,péj. a) Tenir des propos sans valeur sur des questions de politique. Ai rencontré Berruy... et suis resté à politicailler jusqu'à cette heure (Barb. d'Aurev., Mémor. 2,1838-39, p. 289).De tous ceux-là qui écrivent et politicaillent, il n'en est pas un dont le catholicisme ne se manifeste à moi par des effets monstrueux (Gide, Corresp.[avec Claudel], 1926, p. 189).b) Pratiquer une politique considérée comme dépréciée ou méprisable. Je dirais même que Guy Mollet, qui pourtant savait aussi politicailler, était également un homme d'État (Le Point,10 janv. 1977, p. 89, col. 3). [pɔlitikɑje], (il) politicaille [pɔlitikɑ:j]. 1reattest. 1838-39 « discuter politique » (Barb. d'Aurev., loc. cit.); de politique2, suff. -ailler*.
3.
Politicaillerie, politiquaillerie, subst. fém.,péj. Politique, pratique politique de bas étage. Les masses ne sont menées ni par la faim ni par la soif, ni par la politique ou politiquaillerie courante (L. Daudet, Astre noir,1893, p. 139).Beaucoup de leurs soldats [turcs] ont perdu la foi et la plupart de leurs officiers ont négligé le métier des armes pour se plonger dans la plus naïve politicaillerie (Loti, Turquie agonis.,1913, p. 45).Celles-ci [les méthodes du Rassemblement national-populaire] (...) marqueront une rupture totale avec les politicailleries du passé (L'Œuvre,16 févr. 1941). [pɔlitikɑjʀi]. 1resattest. 1877 politiquaillerie (Vallès, Le Proscrit, 10 juill., p. 147 ds Quem. DDL t. 1), 1907 politicaillerie (France); de politique2, suff. -aille* et -erie*.
4.
Politicailleur, politiquailleur, subst. masc.,péj. Celui qui politicaille. Son mari, architecte, « politiquailleur », était la bête noire de la marquise (Gyp, Raté,1891, p. 24).Les fameux condamnés à mort sont des épouvantails et des marionnettes inventés par les pires politicailleurs (Duhamel, Maîtres,1937, p. 154).Empl. adj. À notre époque surencombrée de livres nombrilistes, psychodramatisés, politicailleurs et généralement illisibles, il [Walter Lewino] nous jette en toute simplicité un livre de choc que l'on dévore dans la joie, la curiosité et l'enthousiasme (Le Point, 1er mai 1978, p. 105, col. 2). [pɔlitikɑjœ:ʀ], [-a-]. 1resattest. 1862 politiquailleur (Baudel., Art romant., Une réforme à l'Ac., p. 573), 1937 politicailleur (Duhamel, loc. cit.); de politique2, suff. -aille* et -eur2*.
5.
Politicard, politiquard, -arde, adj. péj.a) Qui se mêle de politique, qui pratique une politique dépréciée ou méprisable. Le change de la £ est actuellement 34,50, grâce aux acrobaties des financiers politicards [Philipon] (Toulet, Corresp. avec un ami,1920, p. 166).Empl. subst. Sur le flanc de ces régiments, je revoyais, ceints d'écharpes en arc-en-ciel, les anciens avocassiers ou politiquards (Vallès, Le Réveil,5 déc. 1881ds Le Cri du Peuple, p. 228 (Éd. fr. réunis, 1953) ds Quem. DDL t. 2).b) Qui relève d'une politique dépréciée ou méprisable. Réprouvant fort, dans le Mercure, cette littérature pornographique, politiquarde et suissarde (Léautaud, Journal littér.,4, 1922, p. 25). [pɔlitika:ʀ], fém. [-aʀd]. 1resattest. 1881 les anciens avocassiers ou politiquards (Vallès, loc. cit.), 1898 vieille bête politicarde (A. Daudet, Soutien de famille, Paris, Libr. de France, 1929, p. 242); de politique2, suff. -ard*.
COMP. Politique-fiction, subst. fém. Construction intellectuelle, généralement réalisée sous forme d'œuvre littéraire ou cinématographique, visant à une peinture d'événements politiques dans laquelle l'imaginaire a une place prépondérante, ces événements étant situés dans le passé ou dans le présent ou, souvent, considérés comme possibles dans un avenir plus ou moins éloigné. [« Todo Modo », d'Elio Petri.] Dans une Italie sans date ni régime précis (nous sommes dans une politique-fiction « noire »), tous les hommes du pouvoir, politiciens et financiers, se réunissent dans un ermitage, hôtel futuriste truffé de souterrains, pour s'y adonner à des exercices spirituels prônés par saint Ignace de Loyola (Le Point, 31 janv. 1977, p. 81, col. 1). [Trente-six heures avant le débarquement] (...). Une politique-fiction, quelques jours avant le débarquement (Le Nouvel Observateur, 6 juin 1977, p. 26, col. 1). Si, aujourd'hui, l'on ne s'intéresse pas seulement à Commynes comme à un personnage de complément, mais aussi comme à un écrivain de race, c'est parce qu'un journaliste romancier bouillant d'idées s'est abrité derrière le pseudonyme « Philippe de Commines », à l'automne de 1977, pour publier un récit de politique-fiction intitulé « Les 180 jours de Mitterand »! (Le Point, 19 févr. 1979, p. 102, col. 3). [pɔlitikfiksjɔ ̃]. Plur. des politiques-fictions. 1resattest. 1968 (L'Express, 4-10 nov., p. 68, col. 1); de politique2et de fiction* prob. sur le modèle de science-fiction*.
BBG. − Quem. DDL t. 1, 4 (s.v. politicaillerie et politicisme). Rabotin (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Montréal-Paris-Bruxelles, 1975, p. 43. Schalk (F.). Zur Geschichte von politique. In : [Mél. Lommatzsch (E.)]. München, 1975, pp. 333-340. Siccardo (F.). Police. Genova, 1979, p. 16, 118. Stegmann (A.). Le Mot politique ... Cah. Lexicol. 1968, t. 13, pp. 37-48. Tournier (M.). Un Vocab. ouvrier en 1848 : essai de lexicométrie. Thèse, St-Cloud, 1975, p. 346, 474, 595, 657. Vardar Soc. pol. 1973 [1970], pp. 286-289.

Wiktionnaire

Nom commun 2 - français

politique \pɔ.li.tik\ masculin et féminin identiques

  1. Celui ou celle qui s’occupe des affaires publiques, du gouvernement des états.
    • La physionomie abattue de cette jeune femme délicate contenta fort peu les politiques du village, auxquels son arrivée à Saint-Lange avait fait concevoir l'espérance d'un mouvement quelconque dans la commune. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • — Nous nous trompons souvent, messieurs, et surtout pour connaître un aussi grand politique que celui-ci ; il ne nous quittera jamais, j’espère, puisqu’il a un cœur aussi bon que sa tête. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, Michel Lévy frères, 1863)
    • Il a le caractère. […]. Et j'omets les dons secondaires, précieux pour un politique : la souplesse, l'habileté, la ruse. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • C’est cela qui manque aux politiques. Quand ils disent dans une émission qu’ils aiment les harengs pommes à l’huile, c’est avec un sourire guindé. — (Philippe Delerm, Le trottoir au soleil, Gallimard, 2011, collection Folio, page 130)
    • Il fut même un très grand parti, dirigé la plupart du temps par de très grands politiques. — (Josée Legault, La grande illusion du Parti Québécois, Le Journal de Québec, 7 décembre 2021)
  2. (Au singulier) L'univers, le monde de la politique.
    • Cette association du politique et du religieux perpétua, jusqu’au milieu du XXe siècle, un système féodal abusif entretenu par la noblesse et les moines. — (Louis Dubé, La sagesse du dalaï-lama : Préceptes et pratique du bouddhisme tibétain, dans Le Québec sceptique, n° 66, page 5, été 2008)
    • […], Out-el-Kouloub, quant à elle, n’est pas à proprement parler une femme engagée politiquement. Elle se préoccupe du politique en luttant contre les aliénations de l’être afin de réintégrer la femme dans la vie de la cité. — (Élodie Gaden, Out-el-Kouloub, romancière égyptienne, musulmane, de langue française : l'altérité culturelle au sein de l’histoire littéraire des femmes françaises, dossier n° 7, LHT, 1er janvier 2011)
    • Au final le lecteur découvre la lune : l’éthique est un substitut du politique pour un capitalisme qui ne peut plus compter sur un contrôle mécanique des opérateurs. — (Revue de l'Action Populaire, CERAS, 2007, n° 296-301, page 294)
  3. Ellipse de prisonnier politique.
    • 17 août 44 – Quelqu’un raconte que les Allemands ont quitté Fresnes en emmenant cent quatre-vingts politiques qu’ils ont fusillés sur le bord de la route. — (Benoîte et Flora Groult, Journal à quatre mains, Denoël, 1962, page 342)

Nom commun 1 - français

politique \pɔ.li.tik\ féminin

  1. Ensemble des actions et décisions déterminant les règles de l'ensemble d'une société par les pouvoirs publics.
    • La politique, enseignait le ministre français Henri Queuille, n'est pas l'art de résoudre les problèmes mais de faire taire ceux qui les posent. — (Argument, XXIII, 1, automne-hiver 2020-2021, p. 182)
  2. Structure des rapports de force et de pouvoir au sein d'une société.
    • D'ailleurs, ce qui est particulier à la politique de l’histoire sainte, c'est que, chaque fois qu'un personnage marquant fait quelque chose de mal, c'est toujours le pauvre peuple qui écope. — (Émile Thirion, La Politique au village, p. 131, Fischbacher, 1896)
  3. Ligne de conduite déterminant les attitudes et mesures prises à l'égard d'une question publique ou d'un interlocuteur collectif.
    • Si le succès de sa morale n'a pas égalé le triomphe de sa politique, c'est qu'il est plus difficile, comme il est plus beau, d'améliorer les hommes que de les gouverner. — (Jean-Jacques Ampère, La Chine et les travaux d'Abel Rémusat, Revue des Deux Mondes, 1832, tome 8)
    • Et ce fut pour lui tout à coup une découverte incroyable ; il comprit […] que nulle part au monde il ne restait d’endroit où un Smallways pourrait orgueilleusement lever la tête, voter pour la guerre ou pour une politique étrangère énergique et intransigeante, et demeurer en sécurité, loin de ces atroces conséquences de son vote. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 240 de l’édition de 1921)
    • Avec lui aussi disparaît l’inventeur de cette politique desséchante et funeste de l’opportunisme, qu'il appelait la politique de la sagesse et de la raison, qu'il considérait comme la politique des résultats et qui allait devenir, avec les Jules Ferry, les Rouvier, les Constans, les Méline, une politique de stagnation, d'impuissance, d'opposition à tout progrès démocratique et à toute réforme sociale […]. — (Alexandre Zévaès, Histoire de la Troisième République 1870 à 1926, Éditions Georges-Anquetil, 1926, p.218)
    • Et puis je grandis. Mon intelligence s'éveille, je commence à penser. Les choses, les hommes de la politique fixent mes premières réflexions. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • La politique du Japon rappelle le caractère de ses habitants : aimable et pleine de sollicitude à la face du monde, elle opprime, vole et massacre de l'autre côté du décor. — (Albert Gervais, Æsculape dans la Chine en révolte, Gallimard, 1953, p.14)
    • Le pape Innocent III (1193-1216) devait rompre avec cette tradition de tolérance et se faire l'inspirateur d'une politique hostile, qu'il mena avec une vigueur exceptionnelle. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
    • Pour sortir l’Europe de sa crise, il faut une réorientation de la politique européenne. — (Contribution générale « Réaliser le changement », pour le congrès de 2012 du Parti socialiste (France))
  4. Ligne de conduite personnelle.
    • Non, au contraire, faites-le entrer, c'est une fort mauvaise politique que de se faire celer aux créanciers. — (Molière, Don Juan, IV, 2)
  5. (Par extension) (Informatique) Type de prise de décision d'un mécanisme de virtualisation d'accès.
    • L'ordonnanceur a une politique de type premier arrivé, premier servi.
    • Si la politique du cache est trop simple, les performances sont réduites.

Adjectif - français

politique \pɔ.li.tik\ masculin et féminin identiques

  1. Qui a rapport aux affaires publiques, au gouvernement d’un État, ou aux relations mutuelles des divers États.
    • En outre la réclame commerciale et industrielle, voire même la propagande politique, se sont emparées de l'image et de ses dérivés, les considérant comme des moyens puissants autant qu'avantageux, […]. — (Gustave Fraipont; Les Vosges, 1923)
    • Au moment des luttes politiques, les électeurs du Léon, encadrés par leurs prêtres, font, grâce à leur discipline, échec aux aspirations sociales des populations citadines. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Avec le grand capitalisme commence l'inévitable collusion de la richesse et de la puissance politique. — (André Maurois, Histoire de l'Angleterre, Fayard & Cie, 1937, p.238)
    • Puis, très volubile, il me donna un « digest » de la pensée politique des officiers de pacification : « Nous ne partirons pas », c'était le leitmotiv. — (Henri Alleg, La Question, 1957)
    • La période de l'entre-deux-guerres fut pourtant dominée, en pays musulmans, par la suprématie politique d'élites dirigeantes laïques visant à promouvoir une idéologie politique séculière, le nationalisme. — (Panayiotis Jerasimof Vatikiotis, L’Islam et l’État, 1987, traduction d’Odette Guitard, 1992)
  2. Fin et adroit, qui s’accommode à l’humeur des personnes qu’il a intérêt de ménager ; prudent et réservé, qui s’observe dans ses paroles et dans ses actions.
    • Il est trop politique pour se brouiller avec un homme de valeur. - Il est politique dans tout ce qu’il dit et dans tout ce qu’il fait.
    • M. de Laffemas a été mis à la Bastille par les gens qui, à coup sûr, ont voulu vous priver d'un bon serviteur. Il est donc politique de leur laisser croire que M. de Laffemas n'est pas sorti de son cachot. — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

POLITIQUE. adj. des deux genres
. Qui a rapport aux affaires publiques, au gouvernement d'un État, ou aux relations mutuelles des divers États. Maxime politique. Discours politique. Ouvrage politique. Réflexions politiques. Délit politique. Les événements, les affaires, les nouvelles politiques. Les partis politiques. Cet événement aura une répercussion politique qu'on n'avait pas prévue. Un journal politique et littéraire. Droit politique, Les lois qui règlent les formes du gouvernement, qui déterminent les rapports entre l'autorité et les citoyens ou les sujets. Droits politiques, Droits en vertu desquels un citoyen participe au gouvernement. Exercer ses droits politiques. Être déchu, privé de ses droits politiques. Le droit de concourir à l'élection des députés est un droit politique. Domicile politique, Celui où l'on exerce ses droits politiques. Économie politique, Science qui traite de la formation, de la distribution et de la consommation des richesses dans les États. Traité d'économie politique. Homme politique, Homme qui s'occupe de politique, des affaires publiques.

POLITIQUE se dit encore d'un Homme fin et adroit, qui s'accommode à l'humeur des personnes qu'il a intérêt de ménager; d'un homme prudent et réservé, qui s'observe dans ses paroles et dans ses actions. Il est trop politique pour se brouiller avec un homme en laveur. Il est politique dans tout ce qu'il dit et dans tout ce qu'il fait. Il ne nous dira pas ce qu'il pense sur cette affaire; il est trop politique. En ce sens, il se prend souvent avec une nuance de blâme. Il se dit aussi adjectivement, dans le même sens, en parlant des Choses. Sa conduite entre les deux partis a été très politique. Il a des ménagements politiques pour les gens qui en méritent le moins.

Littré (1872-1877)

POLITIQUE (po-li-ti-k') adj.
  • 1Qui a rapport aux affaires publiques. Il est certain, et les peuples s'en convaincront de plus en plus, que le monde politique, aussi bien que le physique, se règle par poids, nombre et mesure, Fontenelle, Montmort. Qu'on ne dise donc plus que nos législateurs, Pour nous donner un frein devenus imposteurs, Nous ont transmis d'un Dieu la fable politique, Bernis, Relig. veng. III. Lorsque l'Esprit des lois parut en 1750, les ouvrages de Melon, de Dutot, de Cantillon, de l'abbé de Saint-Pierre étaient les seuls livres français sur les sciences politiques qui fussent entre les mains des gens de lettres, Voltaire, Polit. et lég. Préface des éditeurs (éd. de 1785). Je serais d'avis de ne donner au public qu'une partie des instructions de Louis XIV au roi d'Espagne ; je voudrais que le public ne vît que les conseils vraiment politiques dignes d'un roi de France et d'un roi d'Espagne, Voltaire, Lett. Noailles, 28 juill. 1752. Et ne sais-je pas, ajoute-t-il, que militairement Moscou ne vaut rien ? mais Moscou n'est point une position militaire, c'est une position politique ; on m'y croit général, quand j'y suis empereur, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 10. L'intérêt politique, Pour lui, comme pour tous, est un mot sans réplique, Delavigne, Popularité, III, 1.

    Droit politique, les lois qui règlent les formes du gouvernement.

    Droits politiques, droits en vertu desquels un citoyen participe au gouvernement.

    Domicile politique, voy. DOMICILE.

    Économie politique, voy. ÉCONOMIE.

    Arithmétique politique, voy. ARITHMÉTIQUE.

  • 2Qui résulte de l'opinion sur les affaires publiques. Parti politique. Haines politiques. Les premiers comiques latins hasardèrent la satire personnelle, mais jamais la satire politique, Marmontel, Œuv. t. VI, p. 155. J'aime à fronder les préjugés gothiques Et les cordons de toutes les couleurs ; Mais, étrangère aux excès politiques, Ma liberté n'a qu'un chapeau de fleurs, Béranger, le Nouveau Diogène. Un serment politique est toujours un serment, Delavigne, la Popularité, I, 8. Je suis, et je m'en pique, Son père, entendez-vous ? son père politique : Je suis son électeur, Delavigne, ib. I, 11.

    Qui s'occupe des affaires publiques, qui y prend part, en parlant des hommes. Les hommes politiques ont aussi leur coquetterie : un front en coupole, un regard fascinateur, une attitude dominatrice, un teint pâle attestant des veilles ; tels sont les mâles attraits qu'ils aiment à exhiber, Ch. de Bernard, Un homme sérieux, § IV.

  • 3 Par extension, qui a rapport à la conduite des affaires privées. Dites-moi un petit mot de mes affaires ; êtes-vous toujours dans le même raisonnement politique qui vous fit préférer le receveur au fermier ? Sévigné, à Guitaut, 20 avr. 1683.
  • 4 Fig. Qui est fin et adroit, prudent et réservé. Les dominicains sont trop puissants, me dit-il, et la société des jésuites est trop politique pour les choquer ouvertement, Pascal, Prov. II. Il est politique, mystérieux sur les affaires du temps, La Bruyère, VI. Quoique je fusse bien aise au fond de l'âme de devenir page d'un grand, je fus assez politique pour cacher ma joie, Lesage, Estev. Gonz. X.

    Il se dit aussi des choses. Ils couvrent leur prudence humaine et politique du prétexte d'une prudence divine et chrétienne, Pascal, Prov. V. Le chancelier Séguier, par sa politique conduite, s'assura pour toujours la faveur de la reine, Saint-Simon, 9, 105.

  • 5Vers politique, vers usité chez les Grecs de l'époque byzantine et de l'époque moderne, et qui se mesure non par la quantité, mais par le nombre des syllabes.
  • 6 S. m. Celui qui s'applique à la connaissance des affaires publiques, du gouvernement des États. Peut-être qu'après tout ces croyances publiques Ne sont qu'inventions de sages politiques, Corneille, Poly. variante, IV, 6. Un roi qui s'y résout est mauvais politique, Corneille, Pomp. I, 2. Les politiques ne se mêlent plus de deviner ses desseins [de Louis XIV], Bossuet, Mar.-Thér. Que ne lui promit-on pas dans ces besoins ! mais quel fruit lui en revint-il, sinon de connaître par expérience le faible des grands politiques, leurs volontés changeantes ou leurs paroles trompeuses ? Bossuet, Anne de Gonz. Content de remarquer des actions de vertu dont les sages auditeurs puissent profiter, ma voix n'est pas destinée à satisfaire les politiques ni les curieux, Bossuet, ib. J'admire le langage des politiques : à les entendre, c'est toujours la raison, c'est l'équité toute pure qui les conduit ; à les voir agir, il est clair que l'intérêt seul ou l'ambition est leur règle et leur guide, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. V, p. 504, dans POUGENS. Il n'y a que le faible qui trompe ; le vrai politique est celui qui joue bien et qui gagne à la longue ; le mauvais politique est celui qui ne sait que filer la carte, et qui tôt ou tard est reconnu, Voltaire, l'ABC (12e entretien).
  • 7Membre d'un parti formé pendant la ligue par des personnes qui, écartant la question religieuse, ne demandaient, disaient-elles, que des réformes politiques.

    S'est dit aussi d'un parti qui était guidé par ces mêmes principes, pendant les troubles d'Angleterre.

  • 8Celui qui a une conduite adroite, prudente, rusée. Ces fins politiques [les jésuites] se gardèrent bien de réclamer…, Saint-Simon, 86, 121.

HISTORIQUE

XIVe s. Une fortitude appellée politique ou civille, Oresme, Eth. 83.

XVe s. Les princes, les seigneurs et capitaines, qui ont les citez et les grans peuples en gouvernement, ont charge politique, le Jouvencel, f° 3, dans LACURNE.

XVIe s. Ceux qui estoient plus politiques preschoient à haute voix qu'il n'y avoit rien plus dangereux en une republique que la nouveauté de religion, Casteln. 79. Il n'est pas qu'en nos derniers troubles le party catholique ne fut encore subdivisé en politique (que l'on estimoit de pire condition que le huguenot, parce qu'il plaidoit pour la paix) et le ligueur, Pasquier, Rech. VIII, p. 739, dans LACURNE.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

POLITIQUE, (Philosophie.) La philosophie politique est celle qui enseigne aux hommes à se conduire avec prudence, soit à la tête d’un état, soit à la tête d’une famille. Cette importante partie de la Philosophie n’a point été négligée par les anciens, & sur-tout par l’école d’Aristote. Ce philosophe élevé à la cour de Philippe, & témoin de ces grands coups de politique qui ont rendu ce roi si célebre, ne manqua point une occasion si favorable de pénétrer les secrets de cette science si utile & si dangereuse ; mais il ne s’amusa point, à l’exemple de Platon son maître, à enfanter une république imaginaire, ni à faire des lois pour des hommes qui n’existent point : il se servit au contraire des lumieres qu’il puisa dans le commerce familier qu’il eut avec Alexandre-le-grand, avec Antipater, & avec Antiochus, pour prescrire des lois conformes à l’état des hommes, & à la nature de chaque gouvernement. Voyez sa morale & sa politique. Cependant quelque estimables que soient les préceptes qu’on trouve dans les écrits de ce philosophe, il faut avouer que la plupart seroient peu propres à gouverner les états qui partagent maintenant le monde. La face de la terre a éprouvé tant de révolutions, & les mœurs ont si fort changé, que ce qui étoit très-sage dans le tems où Aristote écrivoit, ne seroit rien moins que cela si on le mettoit maintenant en pratique. Et voilà sans doute la raison pourquoi de toutes les parties de la Philosophie la politique est celle qui a le plus éprouvé de changemens, & pourquoi, parmi le grand nombre d’auteurs qui ont traité de cette science, il n’y en a pas un seul qui n’ait proposé une maniere différente de gouverner. Nous ne parlerons ici que de ceux d’entre les modernes qui se sont rendus les plus célebres par leurs ouvrages sur la politique.

Jean Bodin né en Anjou, fut d’abord religieux de l’ordre des Carmes ; mais comme il avoit fait ses vœux dans sa premiere jeunesse, il en fut dispensé, & il s’adonna à l’étude avec beaucoup d’assiduité. Il avoit l’esprit si étendu, qu’après avoir acquis une connoissance extraordinaire des langues, il embrassa tous les arts & toutes les sciences. D’abord il s’attacha au barreau de Paris ; mai, ennuyé de cette guerre de paroles & d’écrits, il s’appliqua tout entier à la composition, & il fit son coup d’essai sur les cynégétiques d’Oppian qu’il traduisit en latin avec élégance, & qu’il explique par de savans commentaires. Le roi Henri III. s’entretint plusieurs fois avec lui, & ces entretiens lui firent beaucoup d’honneur ; car comme il avoit l’esprit présent, & que pour ainsi dire il avoit en argent comptant toutes les richesses de son esprit, il étaloit une incroyable abondance de choses curieuses, que son excellente mémoire lui fournissoit sur-le-champ. Depuis, la jalousie de quelques personnes lui ayant attiré la disgrace du roi, il se retira auprès du duc d’Alençon, à qui quelque tems après les Hollandois déférerent la souveraineté de leurs provinces, & il fut extrèmement considéré de ce prince, à cause de sa rare érudition & de ses belles connoissances. Il accompagna ce duc dans son voyage d’Angleterre, & après sa mort il se retira à Laon, dont on lui donna la judicature ; & il y rendit la justice avec beaucoup d’intégrité jusqu’à l’année 1588. Enfin il y mourut de la peste âgé de plus de 70 ans. De Thou, lib. CXVII.

M. Diecman (Diecman, de naturalisno Bodini) découvrit dans le dernier siecle un manuscrit de Bodin intitulé, Colloquium heptaplomeres de abditis rerum sublimium arcanis. Chaque interlocuteur a sa tâche dans cet ouvrage ; les uns attaquent, les autres défendent. L’Eglise romaine est attaquée la premiere, les Luthériens viennent ensuite sur les rangs ; le troisieme choc tombe sur toutes les sectes en général ; le quatrieme sur les Naturalistes ; le cinquieme sur les Calvinistes ; le sixieme sur les Juifs ; & le dernier sur les sectateurs de Mahomet. L’auteur ménage de telle sorte ses combattans, que les chrétiens sont toujours battus : le triomphe est pour les autres, & sur-tout pour les Naturalistes & pour les Juifs. Bodin acheva ce mauvais ouvrage l’an 1588, âgé d’environ 63 ans, & mourut l’an 1596, sans qu’il ait paru renoncer aux sentimens qu’il avoit exposés dans son livre. On dit au contraire qu’il mourut juif.

Le plus considérable de ses ouvrages, & celui qui lui a fait le plus d’honneur, ce sont ses livres de la république, dont M. de Thou parle en ces termes : Opus magnum de republica Gallicè publicavit, in quo, ut omni scientiarum genere, non tincti, sed imbuti ingenii fidem fecit, sic nonnullis, qui rectè judicant, non omninò ab ostentationis innato genti vitio vacuum se probavit. Il soutint parfaitement dans sa conduite les maximes dont il avoit rempli son ouvrage ; car avant été député en 1576 par le tiers-état de Vermandois aux états de Blois, il y soutint fortement les droits du peuple. « Il y remontra, dit Mezerai, avec une liberté gauloise, que le fonds du domaine royal appartenoit aux provinces, & que le roi n’en étoit que le simple usager. Ce que le roi Henri III. ne trouva pas mauvais, disant que Bodin étoit homme de bien ».

Quelques auteurs ont disputé à Bodin la qualité d’écrivain exact & judicieux, mais du-moins ne lui a-t-on pu refuser un grand génie, un vaste savoir, une mémoire & une lecture prodigieuses. Montagne dit qu’il étoit accompagné de beaucoup plus de jugement que la tourbe des écrivailleurs de son siecle, & qu’il mérite qu’on le lise & qu’on le considere. Voyez Bayle, Dictionn. tom. II. p. 33, &c.

Balthasar Gracian, jésuite espagnol, mourut l’an 1658 à l’âge de 54 ans. Ses ouvrages sont l’homme de cour, le héros, le criticon & le discret. Le premier est une espece de rudiment de cour, dit M. Amelot de la Houssaie, qui l’a traduit, & de code politique, ou un recueil des meilleures & des plus délicates maximes de la vie civile & de la vie de cour. Dans le second, Gracian a entrepris de former le cœur d’un grand homme. Le troisieme n’est qu’une censure assez ingénieuse des vices ; & dans le dernier l’auteur a tâché de donner l’idée d’un homme parfait. Cet auteur a certainement de très-bonnes choses, mais ses ouvrages sont remplis d’idées peu naturelles, & d’expressions trop recherchées & trop guindées. L’homme de cour est son meilleur ouvrage. « On peut le regarder, dit Bayle, comme la quintessence de tout ce qu’un long usage du monde, & une réflexion continuelle sur l’esprit & le cœur humain, peuvent apprendre pour se conduire dans une grande fortune ; & il ne faut pas s’étonner si la savante comtesse d’Aranda, donna Louisa de Padilla, se formalisoit de ce que les belles pensées de Gracian devenoient communes par l’impression ; ensorte que le moindre bourgeois pouvoit avoir pour un écu des choses, qui à cause de leur excellence, ne sauroient être bien en de telles mains. On pourroit appliquer à cet auteur l’éloge qu’il a donné à Tacite, de n’avoir pas écrit avec de l’encre, mais avec la sueur précieuse de son vigoureux esprit. »

Trajan Boccalin étoit natif de Rome ; l’inclination qui le portoit à la satyre se découvrit de bonne heure, & ses premiers essais furent dans ce genre pernicieux. C’est à son humeur enjouée & médisante, que nous devons ses relations du Parnasse, ouvrage recommandable par la variété des matieres, par l’agrément du style, & par la façon ingénieuse dont il critique les vices. Il tomba dans le défaut ordinaire des satyriques ; & après avoir attaqué impunément les vices en général, il osa s’élever contre les têtes couronnées, & sur-tout contre l’Espagne. Il prétendit démontrer que la haute idée qu’on avoit des forces de cette couronne n’étoit qu’un préjugé ; & il indiqua des moyens assez propres pour abaisser cette puissance. Voyez son ouvrage intitulé lapis lydius politicus. La sagacité avec laquelle il en découvrit la foiblesse, lui mérita le nom de grand politique, mais elle lui fut funeste. Il fut assassiné à Venise par quelques soldats. Au reste cet homme qui trouvoit des défauts dans tous les gouvernemens, & qui censuroit toute la terre, fit voir qu’il est plus facile d’inventer des regles que de les appliquer. La jurisdiction qu’il exerça dans quelques lieux de l’état ecclésiastique, souleva tout le monde contre lui. Voici comment Nicius Erytreus qui a écrit sa vie, en parle : quamobrem fiebat ut Romam crebræ de ipsius injuriis querimoniæ deferrentur ; ac locus proverbio fieret, quo dicitur, tria esse hominum genera, qui nihil ferè legibus, quas ipsi aliis imponunt, utantur, nimirum jurisconsultos, medicos atque theologos : nulli enim magis in negociis ab jure, ab æquitate discedunt, quam jurisconsulti ; nulli tuendæ valetudinis rationem minus servant quam medici : nulli conscientiæ aculeos minus metuunt quam theologi.... quod tamen de iis tantum intelligendum qui ea studia non seriò ac sedulò, verum in speciem, & dici causa, profitentur.

Nicolas Machiavel naquit à Florence ; il reçut, dit-on, de la nature un esprit si vif & si pénétrant, qu’il n’eut pas besoin de le cultiver par l’étude des lettres greques & latines. Cependant on a de la peine à se persuader qu’il fût aussi ignorant qu’on le dit. On sait qu’il fit quelques comédies à l’imitation de celles d’Aristophane & de Plaute, qui lui mériterent les éloges de Léon X. D’ailleurs ses discours sur Tite-Live ne laissent aucun lieu de douter qu’il ne fût très-au fait de l’histoire ancienne, & qu’il ne l’eût par conséquent étudiée avec attention. Son génie brilla principalement dans sa maniere de traiter l’histoire moderne. Il ne s’attacha point, à l’exemple des auteurs de son tems, à toutes ces minuties historiques qu rendent cette étude si dégoutante ; mais il saisit par une supériorité de génie, les vrais principes de la constitution des états, en déméla les ressorts avec finesse, expliqua les causes de leurs révolutions ; en un mot, il se fraya une route nouvelle, & fonda toutes les profondeurs de la politique. Pour ramener les hommes à l’amour du devoir & de la vertu, il faudroit mépriser jusqu’aux talens qui osent en violer les regles. Les louanges qu’on donna à Machiavel échaufferent son génie naturellement trop hardi, & l’engagerent à établir des principes qui ont fait un art de la tyrannie, & qui enseignent aux princes à se jouer des hommes. Son zele pour l’état républicain lui attira la haine de la maison de Medicis, contre laquelle il s’étoit déclaré. Il fut soupçonné d’être entré dans une faction opposée à cette puissante maison ; en conséquence il fut mis en prison, & ensuite appliqué à la question ; mais n’ayant rien avoué, il fut mis en liberté. On le chargea d’écrire l’histoire de la sa patrie, & on lui donna des appointemens considérables. Mais de nouveaux troubles l’arracherent à son travail, & lui firent perdre sa pension. Il se forma une conjuration contre les Médicis, qu’on accusoit de vouloir élever leur puissance sur les ruines de la liberté publique. Cette conjuration ayant été découverte, on accusa Machiavel d’en avoir animé les ressorts, en proposant aux conjurés les exemples fameux de Brutus & de Cassius. Il ne fut point convaincu, mais le soupçon resta ; & sa pension ne lui ayant point été rendue, il tomba dans la derniere misere. Il mourut quelques années après à l’âge de 48 ans.

Nous avons de Machiavel plusieurs ouvrages qui ont été traduits en toutes sortes de langues ; telles sont ses dissertations sur Tite-Live, & son histoire de Florence, qui fut estimée des connoisseurs. Mais celui qui a fait le plus de bruit, c’est celui qui est intitulé le prince de Machiavel. C’est là qu’il a développé les principes de politique, dont ses autres ouvrages ne renferment que les germes. C’est là qu’on l’accuse d’avoir réduit la trahison en art & en science, d’avoir rendu la vertu esclave d’une prévoyance à laquelle il apprend à tout sacrifier, & d’avoir couvert du nom de politique la mauvaise foi des princes. Funeste aveuglement, qui sous le voile d’une précaution affectée, cache la fourbe, le parjure & la dissimulation. Vainement objecte-t-on que l’état des princes demande de la dissimulation ; il y a entre la mauvaise foi & la façon sage & prudente de gouverner, une grande différence. Quel monarque eut plus de candeur & de bonne foi que Henri IV ? la franchise & la sincérité de ce grand roi ne détruisirent-ils pas tous les vains projets de la politique espagnole ? Ceux qui se figurent qu’un prince n’est grand qu’autant qu’il est fourbe, donnent dans une erreur pitoyable. Il y a, comme nous l’avons déja dit, une grande différence entre la prudence & la mauvaise foi ; & quoique dans ce siecle corrompu on leur donne le même nom, le sage les distingue très-aisément. La véritable prudence n’a pas besoin des regles qui lui apprennent le moyen de secouer le joug de la vertu & de l’honneur. Un roi n’est point obligé à découvrir ses desseins à ses ennemis, il doit même les leur cacher avec soin ; mais il ne doit point aussi sous de vaines promesses, sous les appâts d’un raccommodement feint, & sous le voile d’une amitié déguisée, faire réussir les embuches qu’il veut leur tendre. Un grand cœur, dans quelqu’état qu’il soit placé, prend toujours la vertu pour guide. Le crime est toujours crime, & rien ne lui fait perdre sa noirceur. Que de maux n’éviteroit-on pas dans le monde, si les hommes étoient esclaves de leurs sermens ! quelle paix, quelle tranquillité ne régneroit point dans l’univers ! les rois auroient toujours des sujets fideles, & soumis à l’obéissance qu’ils leur ont jurée ; les souverains d’un autre côté, attentifs à remplir les conditions qu’ils ont promis d’exécuter en montant sur le trône, deviendroient les peres d’un peuple toujours prêt à obéir, parce qu’il n’obéiroit qu’à la justice & à l’équité.

Les Antimachiavelistes. Nous ne devons point oublier ici les auteurs qui ont assez aimé le bonheur des peuples ; & en même tems la véritable grandeur des princes, pour mettre dans tout son jour le faux d’une doctrine si opposée à ces deux objets. Nous en ferions ici un catalogue assez long, si notre but étoit de faire une bibliotheque philosophique. On peut consulter sur ce sujet, Struvius, Bibl. Phil. c. vij. Reinhardus, in theatro prudentiæ civilis. Budé. Isagog. hist. theol. annot. in hist. phil. Nous indiquerons seulement ceux qui se sont les plus distingués. 1°. De tous les auteurs qui ont écrit contre Machiavel, Possevin & Thomas Bossius sont ceux qui l’ont le plus maltraité. Le premier dans son livre intitulé jugement sur quatre auteurs ; le second dans plusieurs ouvrages, & surtout dans celui qui porte pour titre, l’empire de la vertu.

2°. Machiavel a eu encore un adversaire redoutable dans un auteur anonyme qui nous a donné trois livres de commentaires pour apprendre à bien gouverner quelque état que ce soit, contre Machiavel. Ce livre fut imprimé à Lausane, & eut plusieurs éditions consécutives. On conjecture qu’il est de Vincent Gentillet, natif du Dauphiné.

Mais de tous les ouvrages qu’on a faits contre Machiavel, le plus estimable sans contredit, soit par la solidité, soit par le nom respectable de son auteur, c’est l’antimachiavel, qu’on attribue communément à un homme dont la moindre qualité est d’être monarque. Le but que nous nous proposons ici nous empêche de nous étendre sur le mérite de cet excellent ouvrage : nous dirons seulement avec Platon, heureux un état lorsque son roi sera philosophe, ou qu’un philosophe sera son roi !

Politique arithmétique ; c’est l’application des calculs arithmétiques aux sujets ou aux usages de la politique ; comme aux revenus publics, au nombre des habitans, à l’étendue & à la valeur des terres, aux taxes, aux arts, au commerce, aux manufactures ; à tout ce qui regarde la puissance, la force, les richesses, &c. de quelque nation ou république. Voyez Arithmétique.

Les principaux auteurs qui ont essayé des calculs de cette espece, sont M. Guillaume Petty, Mayor Grand, Halley, Davenant & King ; ce qu’ils ont principalement déterminé se réduit à ce qui suit.

Suivant les supputations de M. Guillaume Petty, quoique le territoire de Hollande & Zélande ne contienne pas plus de 1 000 000 d’acres, & que celui de France n’en contienne pas moins que 8 000 000, néanmoins la Hollande est presque un tiers aussi riche & aussi forte que la France. Il suit du même calcul que les rentes ou les revenus des terres en Hollande sont à celles de France, comme 7 ou 8 à 1 ; que le peuple d’Amsterdam est les de celui de Paris ou de Londres ; car à son compte, le peuple de Londres & celui de Paris ne different pas plus d’un vingtieme. Que la valeur des flotes de l’Europe monte à deux millions de tonneaux, dont l’Angleterre en a 500 000, la Hollande 900 000, la France 100 000. Hambourg, Danemarc, la Suede & Dantzick, 250 000 ; l’Espagne, le Portugal, l Italie, &c. environ autant. Que la valeur des marchandises que l’on exporte tous les ans de France dans toutes les parties du monde, est quadruple de celle que l’on exporte de France dans l’Angleterre seule, & par conséquent l’exportation en tout, monte à 5 000 000 liv. Que ce qui étoit alors exporté d’Hollande en Angleterre, montoit à 300 000 liv. & que ce qui en étoit exporté dans tout le monde alloit à 18 000 000 liv. Que l’argent levé tous les ans par le roi de France, est d’environ 6 millions de livres sterling. Que l’argent levé en Hollande & Zélande, est environ 2 100 000 liv. & dans toutes les provinces ensemble, environ 3 000 000 liv. Que le peuple d’Angleterre monte environ à six millions ; que leur subside à 7 liv. par tête chaque année, est de 42 000 000 liv. ou de 800 000 liv. la semaine. Que la rente des terres est d’environ 8 millions ; que les intérêts & les profits des biens mobiliaires vont à autant. Que la rente des maisons en Angleterre est de 4 000 000 liv. Que les revenus du travail de tout le peuple montent à 26 000 000 liv. par an. Qu’il y a environ en Irlande 1 200 000 ames. Que le grain dépensé en Angleterre à 5 s. le boisseau pour le froment, & à 2 s. 6 d. pour l’orge, monte à dix millions par an. Que de son tems, la marine d’Angleterre avoit besoin de 36 000 hommes pour monter ses vaisseaux ; que les autres métiers & la navigation en demandoient environ 48 000. Qu’en France, toute la navigation en général n’employoit pas plus de 15 000 hommes. Que tout le peuple de France consiste environ en treize millions & demi d’hommes ; & celui d’Angleterre, d’Ecosse & d’Irlande ensemble, monte environ à neuf millions & demi. Que dans les trois royaumes d’Angleterre, il y a environ 20 mille prêtres, & en France environ 270 mille. Que dans toute l’étendue des états d’Angleterre, il y a environ 40 mille hommes de mer, & en France pas plus de 10 mille. Qu’en Angleterre, l’Ecosse & l’Irlande, & dans toutes les autres parties qui en dépendent, il y avoit alors environ 60 mille tonneaux d’embarquement ; ce qui fait environ la valeur de quatre millions & demi d’argent. Que le circuit de l’Angleterre, de l’Ecosse, de l’Irlande, & des îles adjacentes, est d’environ 3800 milles. Que dans tout le monde il y a environ 300 millions d’hommes, parmi lesquels ceux avec qui les Anglois & les Hollandois ont quelque commerce, ne vont pas à plus de 80 millions. Que la valeur des marchandises de négoce en tout, ne va pas au-dessus de 45 millions. Que les fabriques qu’on fait sortir d’Angleterre montent environ à 5 000 000 liv. par an. Le plomb, l’étain, le charbon de terre, est évalué 500000 liv. par an. Que la valeur des marchandises de France, que l’on apportoit alors en Angleterre, n’excédoit pas 1 200 000 liv. par an. Que toute la caisse d’Angleterre en monnoie courante, montoit de son tems environ à 6000000 liv. sterling.

M. Davenant donne de bonnes raisons par lesquelles il paroît que l’on ne doit pas compter entiérement sur tous les calculs de M. Guillaume Petty ; c’est pourquoi il en produit d’autres de son chef, fondées sur les observations de M. King.

Voici quelques-uns de ses calculs. Le territoire d’Angleterre contient 39 millions d’acres ; le nombre du peuple est d’environ 5 545 000 ames, l’augmentation qui s’en fait chaque année étant d’environ 9 000 hommes, sans compter ce qu’emporte la peste, la guerre, la navigation, les colonies, &c. Il évalue le peuple de Londres à 530 000 ; celui des autres cités & des villes où il y a marché, à 870 000 ; celui des villages & des hameaux, à 4 100 000. Il fait monter la rente annuelle des terres à 10 000 000 liv. celle des maisons & des édifices à 2 000 000 liv. par an. Il compte que le produit de toutes sortes de grains est de 9 075 000 liv. année commune. Que le revenu des terres à grain produit annuellement 2 000 000 liv. & que leurs bœufs produisent plus de 9 000 000 liv. que le revenu des pâturages, des prairies, des bois, des forêts, des communes, des bruyeres, &c. est de 7 000 000 liv. Il pense que le produit annuel des bestiaux, en beurre, en fromage, lait, est d’environ 2 500 000 liv. Que la valeur de la laine qu’on tire des animaux chaque année est d’environ 2 000 000 l. celle des chevaux que l’on y nourrit, est d’environ 250 000 liv. par an. Que la viande que l’on y dépense tous les ans pour la nourriture, monte environ à 3 350 000 liv. que la valeur des suifs & des cuirs est d’environ 600 000 liv. que celle du foin que les chevaux consomment tous les ans est d’environ 1 300 000 liv. que ce qui en est consommé par les autres bestiaux monte à 1 000 000 liv. Que la valeur du bois que l’on coupe tous les ans pour la construction des édifices est de 500 000 liv. celle du bois que l’on brûle, &c. est d’environ 500 000 liv. Que le terrein d’Angleterre par rapport à ses habitans, est à présent d’environ sept acres par tête, l’un portant l’autre. Que la valeur du froment, du seigle, de l’orge, nécessaires pour la subsistance de l’Angleterre, ne monte pas à moins que 6 000 000 liv. sterling par an. Que la valeur des manufactures de laine que l’on y fait, est d’environ 8 000 000 liv. par an ; que nos exportations de toutes sortes de manufactures de laines montent à plus de 2 000 000 liv. par an. Que le revenu annuel d’Angleterre, sur quoi tout le peuple vit & subsiste, & dont on paye les taxes de toute espece, est à présent d’environ 43 000 000 liv. que celui de France est de 81 000 000 liv. & celui d’Hollande de 18 250 000 livres.

M. Grand, dans ses observations sur les listes des morts, compte que le terrein d’Angleterre contient 39 000 milles quarrés ; qu’en Angleterre & dans le pays de Galles, il y a 4 600 000 d’ames ; que le peuple de Londres est d’environ 640 000 d’hommes, ce qui fait une quatrieme partie du peuple de toute l’Angleterre. Qu’en Angleterre & dans le pays de Galles, il y a environ 10 000 paroisses ; que l’Angleterre & le pays de Galles contient 25 millions d’acres, c’est-à-dire environ quatre acres par tête, l’un portant l’autre. Que sur 100 enfans depuis leur naissance jusqu’à l’âge de 6 ans, il n’y en a que 64 qui vivent ; qu’il n’y en a que 40 sur 100 au bout de 16 ans qui subsistent ; 25 sur 100 au bout de 26 ans ; 16 au bout de 36 ans ; 10 au bout de 46 ans ; 6 au bout de 56 ans ; 3 au bout de 66 ans ; & qu’enfin sur 100 hommes, il n’y en a qu’un qui subsiste au bout de 76 ans : & que le peuple de Londres devient double de ce qu’il étoit après 64 ans révolus.

M. Guillaume Petty, dans son traité de la proportion doublée, nous apprend de plus qu’il est démontré par l’expérience qu’il y a plus de personnes qui vivent entre 16 & 26 ans, que dans tout autre âge ; & posant cela comme un fait, il en infere que les racines quarrées de chaque nombre d’âges d’hommes au-dessous de 16 (dont la racine quarrée est 4), montrent la proportion de probabilité qu’il y a que ces personnes atteindront l’âge de 70 ans.

Ainsi il est quatre fois plus probable qu’un homme âgé de 16 ans, vivra 70 ans, qu’un enfant d’un an. Il est trois fois aussi probable qu’une personne de 9 ans en vivra 70, qu’un enfant qui vient de naître, &c. que le rapport de certitude qu’une personne de 25 ans mourra avant une de 16, est comme 5 est à 4 ; que le rapport de certitude qu’une personne âgée de 36 ans mourra avant celle qui n’en a que 25, est comme 6 est à 5 (toujours conformément au rapport des racines quarrées des âges) & ainsi de suite jusqu’à 70 ans, en comparant chaque âge avec un nombre pris entre 4 & 5, où l’on doit trouver à-peu-près la racine quarrée de 21, qui est le tems où la loi établit que l’on est majeur.

M. Halley fait une estime très-exacte des degrés de mortalité de l’homme, qu’il établit sur une table très-curieuse des naissances & des enterremens de la ville de Breslaw, capitale de Silésie, avec un essai pour fixer le prix des annuités sur la durée de la vie, suivant une table qu’il en a calculée & publiée dans les Transactions philosophiques, où l’on déduit les usages suivans.

1°. Pour trouver dans un corps quelconque de peuple la proportion des hommes propres à porter les armes, qu’il prend depuis 18 jusqu’à 56 ans ; & il en compte environ la quatrieme partie du tout. 2°. Pour montrer les différens degrés de mortalité, ou plûtôt de la durée de la vie dans tous les âges, il trouve par ce moyen le degré de certitude qu’il y a qu’une personne d’un âge quelconque, ne mourra point dans un certain nombre d’années, ou avant qu’elle ait atteint un tel âge. 3°. Pour montrer le nombre d’années où il y a à parier avec un égal avantage, qu’une telle personne ne mourra point ; & il trouve, par exemple, qu’il y a un égal avantage à parier qu’un homme âgé de 30 ans, vivra entre 27 & 28 ans. 4°. Pour régler le prix des assurances sur les vies ; 5°. l’évaluation des annuités sur les vies ; 6°. comment on peut évaluer deux ou trois vies, en suivant la même méthode. Voyez Annuité.

De tout cela il en tire deux excellentes observations. 1°. Combien est injuste la coutume où l’on est de se plaindre de la briéveté de la vie ; car il paroît que la moitié de ceux qui sont nés, ne vivent pas plus de 17 ans.

2°. Que de tout ce qui compose notre nature, il n’y a rien qui s’oppose plus à l’accroissement & à la multiplication des hommes, que les difficultés recherchées que font la plûpart des hommes à propos des inconvéniens auxquels on s’expose dans l’état du mariage ; & c’est pour cette raison que tous les gouvernemens sages doivent établir un ordre tel qu’il y ait très-peu à gagner pour ceux qui vivent dans le célibat ; mais que l’on encourage par tous les moyens possibles ceux qui ont un grand nombre d’enfans. Tel étoit le jus trium liberorum, &c. chez les Romains.

De plus, cet auteur fait des observations particulieres, qui concernent le nombre des naissances & des enterremens, la proportion des mâles & des femelles, &c Voyez les articles Mariage, Mortalité, &c.

Critique politique. Voyez Critique.

Politique, grace, s. f. ce mot a des acceptions différentes ; l’usage les a fixées ; il a voulu que l’on dît dans de certaines circonstances, faire grace ; dans d’autres, faire une grace : ce qu’un grammairien devoit démêler, & qu’un philosophe devoit voir & sentir, le monde l’a soupçonné ; mais il faut lui montrer ce qu’il a entrevu.

Faire grace ; on entend par-là suspendre & empêcher l’effet d’une loi quelconque. Il est évident qu’il n’y a que le législateur qui puisse abroger une loi qu’il a portée. Une loi n’est telle, & n’a de force, que la force que le peuple lui en a donnée en la recevant. Les lois qui gouvernent un peuple sont donc à lui ; il est donc le même tant que ces lois sont les mêmes : il est donc modifié quand ses lois sont changées. Je remarquerai que c’est dans le gouvernement où ces lois peuvent souffrir plus de modifications, qu’elles peuvent être anéanties plutôt, & que par conséquent ce seront les lois moins intimes entr’elles & moins nécessaires qui seront plus sujettes aux révolutions. Lorsque les hommes étoient gouvernés seulement par les lois de la sociabilité, la société seroit détruite, si l’exécution des lois qui la forment étoit suspendue ; d’où nous conclurons que lorsqu’une loi peut être abolie sans bouleverser le gouvernement, que ce gouvernement est lâche ; & que si elle peut être abolie sans y produire un grand effet, que ce gouvernement est monstrueux.

Les recherches qui nous conduiroient à découvrir dans quel état les lois fondamentales peuvent être détruites par d’autres lois, ou par le changement des mœurs, ne sont pas de mon sujet. Je dirai seulement que lorsque les mœurs ne découlent pas des lois, qu’alors on peut frapper les lois ; & que lorsqu’elles en découlent, c’est la corruption des mœurs qui les changent. Il résulte de ceci qu’il est absurde de dire qu’un seul homme puisse faire une loi ; qu’il est dangereux d’en faire de nouvelles ; plus dangereux encore d’arrêter l’exécution des anciennes : & que le pouvoir le plus effrayant est celui de l’homme qui revêt l’iniquité du sceau de la justice. Les despotes n’en peuvent pas venir à ce point ; aussi certains déclamateurs contre les despotes ont bien servi les tyrans.

Faire des graces ; grace dans ce sens signifie dons, faveurs, distinctions, &c. accordés aux hommes qui n’ont d’autres prétentions pour les obtenir que d’en être susceptibles par leur naissance ou leur état.

Les graces sont en rapport des principes qui meuvent les gouvernemens : l’amour de l’égalité qui produit la liberté des républiques, exclut les graces ; & comme la vertu qui en est le principe, est étroitement liée à l’amour de la liberté, ces gouvernemens ne comportent qu’une seule espece de grace, celle d’être nourri & enterré aux dépens du public, ou de recevoir des dons du fisc. En effet, que manque-t-il à un homme vertueux ? que donneroient des hommes libres à un homme libre comme eux ? Le citoyen qui avoit sauvé la vie à un citoyen avoit droit à la couronne civique ; le soldat qui avoit monté le premier à l’assaut d’une ville ennemie avoit droit à la couronne murale, &c. Ces récompenses à Rome & dans la Grece n’avoient rien d’arbitraire, les services rendus avoient leur prix.

Dans les états despotiques les graces sont identifiées avec les charges ; il faut que le despote choisisse un esclave pour gouverner d’autres esclaves, & il l’appellera visir ou bacha : comme la nature de ce gouvernement exclut les droits, il faut que son principe établisse les graces que la nature de ce gouvernement exige : elles ne peuvent pas devenir abusives, parce que ce gouvernement est lui-même l’excès de tous les abus.

C’est dans les monarchies que les graces sont plus intimement liées avec le principe de ce gouvernement ; l’honneur est relatif ; il suppose donc des distinctions : la vertu, principe des républiques, les exclut, pour ainsi dire ; l’honneur en exige, mais il en dédaigne plusieurs : il faut aussi que la nature des graces suive la marche de l’honneur, sans quoi l’enchantement de ce gouvernement ne subsistera plus, l’opinion seroit détruite. Un roi peut établir, par exemple, un ordre dans son royaume ; c’est l’opinion des hommes susceptibles de cet honneur qui a rendu cette marque distinctive plus ou moins désirable : mais elle la rend toujours l’objet de l’ambition la plus déréglée, parce qu’elle donne aux hommes une grandeur plus idéale, & par conséquent plus éloignée de celle qu’ils partageront avec leurs égaux. Dans cet état tous les ordres qui le composent tendent vers le monarque ; il est élevé au sommet de la pyramide, sa base moyennant cela n’est pas écrasée ; mais aussi les malheurs qui peuvent renverser l’édifice monarchique sont peut être innombrables. Je vais jetter seulement ici un regard sur les malheurs & sur le bien que peuvent produire les graces.

Nous avons dit qu’il n’étoit point d’honneur sans distinctions, & moyennant cela, qu’il falloit que les distinctions suivissent la marche de l’honneur ; en effet, si elles le dénaturent, le gouvernement sera bouleversé ; les distinctions renferment toutes les graces possibles, les biens, les charges qui en rapportent, & auxquelles sont joints des honneurs, les places du royaume, & les marques honorables sans biens. Tant que le luxe n’aura point corrompu les ames, l’aisance sera générale, au moins il y aura une proportion établie dans la fortune des particuliers ; alors les hommes auront encore cette force élastique qui les fera remonter où ils étoient avant d’être pliés. L’ordre de l’Etoile fut-il avili, il fallut créer celui de S. Michel ; celui-ci fut-il prostitué, il fallut qu’Henri III. créât celui du Saint-Esprit. Ce qui peut introduire inévitablement le luxe, & pis encore, la soif de l’or, dans un état monarchique, c’est la distribution des graces & leur nature. Si l’on ne distingue pas les bienfaits, les dons, les récompenses, les graces proprement dites, par lesquelles je n’entends désormais que les marques purement honorables, tout sera perdu. Louis XIV. a senti une partie de ce que je dis : il répandoit ses bienfaits, ils tiennent à la générosité ; il accorda des dons à ceux qui étoient attachés au service de sa personne, cela tient à la reconnoissance ; récompensa les artistes célebres & les gens de lettres illustres, cela tient à la gloire ; fit des graces aux seigneurs de sa cour, cela tient à la dignité : il eût tout fait s’il n’avoit pas attaché au bonheur de lui plaire des graces que partageoient ceux qui avoient l’honneur de servir dans ses armées, & qu’il n’eût pas donné à ses courtisans des biens immenses qui les rendoient l’objet de la jalousie de ceux dont à leur tour ils envioient les grades. Le danger de ce mal étoit moins voisin, que s’il eût tout confondu ; il en étoit presque le maître : mais ce mal devoit jetter des racines profondes, & qui ébranleroient la machine si on vouloit les déraciner. C’est le luxe qu’il devoit produire ; quand il sera poussé à l’excès, on demandera les charges pour jouir de leurs émolumens. Alors on pourra prostituer les honneurs ; on les desirera ces honneurs, & on les partagera avec des gens qui les dégradent, parce que le tems sera venu de demander combien avez-vous d’argent ? quia tanti scis, quantum habeas. C’étoit-là le beau siecle d’Auguste. Il est pourtant un moyen de reculer ces tems détestables, c’est de n’attacher aux grades, aux marques, aux places honorifiques nul revenu ; cela arrêteroit le luxe ; on ne se ruineroit plus pour avoir un gouvernement, mais on feroit un bon usage de son bien pour se rendre digne de commander une province. Sed tandem sit finis quærendi.

Politiques, s. m. pl. (Hist. mod.) nom d’un parti qui se forma en France pendant la ligue en 1574. C’étoient des catholiques mécontens, qui sans toucher à la religion, protestoient qu’ils ne prenoient les armes que pour le bien public, pour le soulagement du peuple, & pour réformer les désordres qui s’étoient glissés dans l’état par la trop grande puissance de ceux qui abusoient de l’autorité royale ; on les nomma aussi royalistes, quoique dans le fond ils ne fussent pas trop soumis au souverain. Ils se joignirent aux Huguenots, sous la conduite d’Henri de Montmorenci, maréchal de Dam-Ville & gouverneur de Languedoc, qui pour se maintenir dans sa place avoit formé ce parti, & y avoit attiré le vicomte de Turenne son neveu, qui fut depuis duc de Bouillon.

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Étymologie de « politique »

Du latin politicus, issu du grec ancien πολιτικός, politikos, composé de πολίτης (« citoyen ») avec le suffixe -ικός.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Lat. politicus, du grec πολιτιϰὸς, qui vient de πόλις, ville, cité ; sanscrit, pur, s. f. pura, s. n. purî, s. f. ville, rapportés à la racine prī, emplir, qui est dans puru et dans πολὺ, beaucoup. Πόλις, ville, voudrait donc dire la foule, la multitude.

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Phonétique du mot « politique »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
politique pɔlitik

Citations contenant le mot « politique »

  • En politique toute faute est un crime.
    Eugène Chatelain
  • La politique est l'art de se servir des gens.
    Henry de Montherlant
  • Ne songer qu'à soi et au présent, source d'erreur dans la politique.
    Jean de La Bruyère — Caractères
  • La politique est une affaire de politesse.
    Léopold 1er
  • La religion est la maladie honteuse de l'humanité. La politique en est le cancer.
    Henry Millon de Montherlant — Carnets, Gallimard
  • La politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique sanglante.
    Mao Tsé-Toung
  • La conscience n'a pas plus à faire avec la galanterie qu'avec la politique.
    Richard Brinsley Sheridan — La Duègne
  • En politique, il faut toujours laisser un os à ronger aux frondeurs.
    Joseph Joubert — Pensées, maximes et essais
  • Il faut que les principes d'une politique soient faits de justice et de vérité.
    Démosthène — Olynthiennes, II, 10 (traduction M. Croiset)
  • Opposition. En politique, le parti qui empêche le gouvernement de s'emballer en lui coupant les jarrets.
    Ambrose Gwinnet Bierce — The Devil's Dictionary
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Traductions du mot « politique »

Langue Traduction
Anglais policy
Espagnol política
Italien politica
Allemand politik
Chinois 政治
Arabe سياسة
Portugais política
Russe политика
Japonais 政治
Basque politika
Corse pulitica
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Synonymes de « politique »

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Antonymes de « politique »

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Politique

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