La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « mortel »

Mortel

Variantes Singulier Pluriel
Masculin mortel mortels
Féminin mortelle mortelles

Définitions de « mortel »

Trésor de la Langue Française informatisé

MORTEL, -ELLE, adj. et subst.

I. − Adj. et subst.
A. − Adj. Qui est sujet à la mort.
1. [En parlant d'un être vivant (gén. un homme)] Il y avoit là devant nous une créature mortelle, convaincue de notre immortalité (Staël,Allemagne, t.5, 1810, p.82).Je connais, monsieur, toute l'étendue de la perte que vous avez faite; mais, enfin, nous sommes tous mortels (Jouy,Hermite, t.5, 1814, p.108):
1. L'homme vint le dernier des animaux, parent de tous, et proche de quelques-uns. Les termes dont on le désigne encore aujourd'hui marquent son origine: on l'appelle humain et mortel. A. France,Vie fleur, 1922, p.498.
2. [P. méton.]
[En parlant du corps de l'homme] Cette fièvre qui (...) gonflait à la briser chaque veine, et disséquait chaque point de ce corps mortel en des millions de souffrances (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.680).Avec ces griffes légères que la moindre douleur imprime sur un visage mortel (Mauriac,Journal 1, 1934, p.30).
[P. oppos. à la partie immatérielle de l'homme (l'âme, l'esprit)] RELIG. Corps mortel, chair mortelle. Et, maudissant Don Juan, lui jeta bas Son corps mortel, mais son âme, non pas! (Verlaine, Œuvres compl., t.1, Jadis, 1884, p.393).
Littér. Dépouille mortelle, restes mortels. Cadavre. Prêt à déposer sa dépouille mortelle dans la terre étrangère (Chateaubr.,Mém., t.4, 1848, p.217).Le char emportant au Père-Lachaise les restes mortels de Charles Hugo (Verlaine, Œuvres compl., t.5, Vingt-sept biogr. (E. de Goncourt), 1896, p.319).
Quitter sa dépouille, son enveloppe mortelle. Mourir. Quand l'âme aura quitté son enveloppe mortelle (Maine de Biran,Journal, 1815, p.81).
[P. oppos. à des êtres immatériels (dieux, anges)] Si les anges daignoient revêtir une forme mortelle pour apparoître aux hommes, ce seroit sous les traits de Maria (Genlis,Chev. Cygne, t.2, 1795, p.54).S'il est vrai qu'un vers d'Homère ait subitement doué Phidias du sentiment de la majesté des dieux, lui ait appris à la représenter vivante à des regards mortels (Dusaulx,Voy. Barège, t.1, 1796, p.15).
La race mortelle. La race humaine. Je veux être par toi présent et favorable à la race mortelle (Valéry,Variété III, 1936, p.101).
[En parlant de la condition de l'Homme] Existence, vie mortelle. Qu'il étoit étonnant d'oser trouver des conformités entre nos jours mortels et les éternels destins du maître du monde! (Chateaubr.,Génie, t.2,1803, p.166).29 jeudi. Ascension − Quelle belle fin de la vie mortelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ! (Dupanloup,Journal, 1851, p.142):
2. Par là, la phrase de Vinteuil avait, comme tel thème de Tristan par exemple, qui nous représente aussi une certaine acquisition sentimentale, épousé notre condition mortelle, pris quelque chose d'humain qui était assez touchant. Proust,Swann, 1913, p.350.
3. Au fig. [En parlant d'un inanimé] Qui peut périr, disparaître. Il y avait tout l'amour dans leurs sourires: mais ce n'était qu'un pauvre amour mortel (Beauvoir,Tous les hommes mort., 1946, p.47):
3. Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles; nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins descendus au fond inexplorable des siècles... Valéry,Variété III, 1936, p.201.
B. − Subst. Être humain.
1. Littér. Ranime-toi, foible mortel, à ce spectacle actif de la nature (Saint-Martin,Homme désir, 1790, p.398):
4. Quelle est cette étoile qui file, Qui file, file, et disparaît? − Mon enfant, un mortel expire; Son étoile tombe à l'instant. Béranger,Chans., t.2, 1829, p.200.
SYNT. Audacieux, aveugle, chétif, faible, grossier, humble, insensible, fortuné, malheureux, misérable, pauvre, perfide, vil mortel.
2. [En constr. dans des loc. figées]
Un(e) simple mortel(le). Une personne comme les autres. Après tout, Marie n'avait-elle pas été une simple mortelle, une faible femme qui avait connu toutes les misères de la vie (Montalembert,Ste Élisabeth, 1836, p.ciii).
Un heureux mortel. Une personne qui a de la chance. Je vous félicite, mon cher, vous êtes un heureux mortel (Taine,Notes Paris, 1867, p.189).
Les mortels. L'ensemble des humains, l'humanité. La lumière du jour si chère aux mortels (Chateaubr.,Martyrs, t.3, 1810, p.207).
Le commun des mortels. Le plus grand nombre des hommes. M. Godeau ne pouvait plus respirer l'air du commun des mortels qui lui était départi (Jouhandeau,M. Godeau, 1926, p.245).
II. − Adjectif
A. − Qui cause la mort. J'ai eu la bêtise de consulter un médecin (...) et bien entendu il m'a trouvé trois ou quatre maladies mortelles (Mérimée,Lettres ctessede Montijo, t.2, 1841, p.47):
5. Quelle, et si fine, et si mortelle, Que soit ta pointe, blonde abeille, Je n'ai, sur ma tendre corbeille, Jeté qu'un songe de dentelle. Valéry,Charmes, 1922, p.118.
Être mortel à, pour qqn, qqc. L'heure où l'ombre est mortelle Au voyageur suant qui s'arrête sous elle (Barbier,Ïambes, 1840, p.127).
SYNT. Accident, breuvage, choc, combat, coup, danger, mal, péril mortel; balle, blessure, dose, émanation, maladie, menace, morsure, plaie mortelle.
Proverbe. Plaie d'argent n'est pas mortelle. Plaie d'argent n'est pas mortelle, dit-on; mais ces plaies-là ne peuvent pas avoir d'autre médecin que le malade (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.647).
RELIG. CATHOL. Péché mortel. Péché qui enlève à l'âme la grâce de la vie éternelle. Ils communient tous les dimanches! Je vous garantis qu'ils n'accepteraient pas de vivre en état de péché mortel (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p.279).
B. − P. hyperb. [Caractérisant un subst. avec une valeur intensive]
1. Qui est pénible, désagréable ou ennuyeux à mourir.
[Le subst. désigne des circonstances, un événement auquel une pers. est confrontée] Il y a de cette ville à cette autre dix mortelles lieues (Ac.1798-1935).Deux heures, deux heures mortelles pour le pauvre amoureux se passèrent ainsi, sans que M. Müller vînt à bout de trouver l'étymologie de ranunculus (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.25).Ce n'est pas de sa faute si je n'ai pas encore pris mal. Elle établit dans les wagons des courants d'air mortels (Mauriac,Génitrix, 1923, p.362).
[Le subst. désigne le sentiment éprouvé face à un événement pénible ou ennuyeux] Puisque nous voici ensemble, ma chère, dit-il en s'asseyant sur le sofa, au mortel déplaisir de Valentine, je suis résolu de vous entretenir d'une affaire assez importante (Sand,Valentine, 1832, p.278):
6. «Daïdha!!!» s'écria la foule... C'était elle. Qui, sous l'horrible poids d'une angoisse mortelle, Au vague bruit d'enfants, par son coeur entendu, Était sortie au jour à ses pas défendu... Lamart.,Chute, 1838, p.895.
SYNT. Dégoût, ennui mortel; inquiétude, tristesse mortelle.
2. [En parlant d'un sentiment hostile] Qui est si aigu qu'il pourrait être homicide. Antipathie mortelle; ressentiment mortel. En butte à la haine mortelle de ces hommes dont il dénonçait les crimes (Clemenceau,Vers réparation, 1899, p.184).
Ennemi mortel. Personne qui en hait une autre ou qui en est profondément haïe. Chacun y eût gardé la parole pendant vingt minutes et fût resté l'ennemi mortel de son antagoniste dans la discussion (Stendhal,Souv. égotisme, 1832, p.131).
3. Qui évoque la mort, qui a les caractéristiques propres à la mort. À ces mots, une pâleur mortelle couvrit le visage de Corinne (Staël,Corinne, t.2, 1807, p.339).Je n'entendais aucun bruit. Ce silence mortel finit par m'effrayer si bien que je me levai sur la pointe des pieds nus et marchai vers la clarté (Duhamel,Notaire Havre, 1933, p.188).
Prononc. et Orth.: [mɔ ʀtεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Sens passif «sujet à la mort» 1. fin xes. om mortal (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 339); ca 1160 subst. plusor mortal (Eneas, 2285 ds T.-L.); 2. ca 1050 la mortel vithe (St Alexis, éd. Chr. Storey, 63); 3. 1269-78 richeces mortex (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5227). B. Sens actif 1. ca 1100 «qui souhaite la mort, qui porte la mort» sun mortel enemi (Roland, éd. J. Bédier, 461); ca 1120-50 mortel serpent [Satan] (Grant mal fist Adam, I, 2 ds T.-L.); 1155 mortel tirant (Wace, Brut, 6131, ibid.); 2. ca 1100 une mortel bataille (Roland, 658); id. mortel rage (ibid., 747); 1155 mortel häine (Wace, op. cit., 14410, ibid.) 1erquart xiiies. relig. chrét. pekié mortal (Renclus de Molliens, Miserere, 71, 1, ibid.); 3. 1572 mortel poison (Amyot, Hommes illustres, Pompée, 50, éd. Gérard-Walter, t.2, p.261 ds Œuvres). C. «de mort, concernant la mort» 1130-40 cri mortel (Geoffroi Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 4421: Li reis criad un cri mortel, L'aneme s'en vait ...); 1174-87 lit mortel (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 4816). Empr. au lat. mortalis «sujet à la mort, périssable; humain, mortel; des mortels» − subst. «être humain» − ; «mortel, qui donne la mort», spéc. mortale crimen, mortalia delicta «péché mortel» dans la lang. chrét. Fréq. abs. littér.: 3398. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7739, b) 4143; xxes.: a) 3901, b) 3280. Bbg. Henning (G.N.). Mortel, ange et démon. Mod. Lang. Notes. 1938, t.53, p.119.

Wiktionnaire

Adjectif - ancien français

mortel \Prononciation ?\ masculin ou masculin et féminin identiques

  1. Mortel, qui tue.
    • Mortel poison avoit beu — (Roman d’Eneas, ms. 60 français de la BnF, f. 153r. b.)
  2. Mortel, qui est susceptible de mourir, qui finit par la mort.
    • en cest mortel vie — (Ph. de Thaon, Livre des Creatures, page 45, édition de Thomas Wright)
  3. (Christianisme) Mortel.
    • Quant li remembre del glorios del ciel,
      Que d’ome ocire est trop mortels pechiez.
      — (Le Couronnement de Louis, édition de Langlois, vers 126-7, circa 1135)

Nom commun - français

mortel \mɔʁ.tɛl\ masculin (pour une femme, on dit : mortelle)

  1. Être humain comme sujet à la mort, par opposition au Dieu, aux immortels.
    • Hélas ! il n’y a plus de paradis sur la terre. Ce lieu était peuplé de maringoins, que le bon Dieu a créés, je pense, pour exercer la patience des mortels […] ils ne nous laissèrent pas un moment de repos. — (« Lettre du R. P. Lejacq, de la Congrégation des Oblats de Marie-Immaculée, à Mgr d’Herbomez, vicaire apostolique de la Colombie britannique », 12 septembre 1869, dans les Annales de la propagation de la foi, volume 42, Lyon, 1870, page 444)
    • Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées […] — (Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, 1842)
    • Pendant que Rébecca parlait ainsi, sa ferme résolution, qui s’alliait si bien avec la beauté expressive de son visage, prêta à ses traits, à son maintien, une dignité qui l’élevait au-dessus d’une mortelle. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • Un malentendu existe entre lui et les simples mortels. […] Il arbore superbement un scepticisme, un snobisme de décadence qui leur reste inaccessible et fermé. — (Anatole Claveau, « Le Tout-Paris », dans Sermons laïques, Paris : Paul Ollendorff, 1898, 3e édition, page 31)
    • Elle pensait que la nature se devait d’être grandiose, une présence suffisamment majestueuse pour faire trembler dans leurs bottes les simples mortels. — (Lisa Gardner, Disparue, traduit de l’américain par Cécile Deniard, Éditions Albin Michel, 2008, chapitre 10)
  2. (Au pluriel) L’espèce humaine, l’humanité.
    • Pendant que des mortels la multitude vile
      Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
      Va cueillir des remords dans la fête servile
      […] — (Charles Baudelaire, « Recueillement », dans Les Fleurs du Mal, 1857)
    • Qu’ils sont incompréhensibles les mortels agités par les passions ! — (François-René de Chateaubriand, Atala, ou Les Amours de deux sauvages dans le désert)

Adjectif - français

mortel \mɔʁ.tɛl\

  1. Qui est sujet à la mort, par opposition à l’immortalité ou à la divinité.
    • Tous les hommes sont mortels.
    • Cette vie mortelle est pleine de misères.
  2. Qui cause la mort ; qui paraît devoir la causer.
    • Le balayage est impitoyablement proscrit, les poussières pouvant être mortelles pour les vers à soie. — (D. de Prat, Nouveau manuel complet de filature; 1re partie: Fibres animales & minérales, Encyclopédie Roret, 1914)
    • Dans l’espace, de graves dangers nous guettent, parmi lesquels : micrométéorites, radiations cosmiques mortelles et vieillissement accéléré en apesanteur. — (Louis Dubé, Tourisme interstellaire envahissant, dans Le Québec sceptique, n°70, automne 2009, page 33)
  3. (Par hyperbole) Qualifie une émotion très vive, très forte.
    • Frapper aux portes était d’un ennui mortel, et il aurait aimé entrer au chaud. Les gens n’avaient pas grand-chose de valable à raconter. — (Camilla Läckberg, trad. Lena Grumbach et Catherine Marcus, Le Tailleur de pierre, Actes Sud, 2009 (1re éd. 2005), page 106)
  4. (Par hyperbole) Qualifie un ennemi que l’on hait profondément, et le sentiment de haine que l’on a à son encontre.
    • En passant au large d’El-Kçar, nous vîmes au flanc des montagnes des Ahl Serif le camp de Raïssouli, qui mettait à la raison les derniers partisans de son ennemi mortel le caïd Er-Remiki. — (Frédéric Weisgerber, Au seuil du Maroc Moderne, Institut des Hautes Études Marocaines, Rabat : Les éditions de la porte, 1947, page 241)
  5. (Religion, Théologie) Qualifie une forme de péché qui fait perdre la grâce de Dieu et qui donne une sorte de mort à l’âme.
  6. (Familier) Ennuyeux à mourir.
    • L’équipage attendit pendant une mortelle demi-heure en proie à la consternation la plus profonde. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ansch. V, Paris, 1832 ; p. 137)
  7. (Populaire) Cool ; génial.
    • Chuis avec Tiphaine, c’est ma meuf, tu vois, putain de ta race, j’l’ai dans l’bide, c plus fort que moi, j’la kiffe trop, elle est trop mortelle. Putain qu’est-ce qu’elle est bonne. — (Philippe Govart, Bondues sans confession : Chronique meurtrière d’un amour perdu, Villeneuve-d’Ascq : Éditions Ravet-Anceau, 2009)
    • Les deux feujs accostent Manuela et Naomie, deux bombes noires et mortelles qui tapinent au bord de la route. — (Johann Zarca, Le Boss de Boulogne, Don Quichotte éditions, 2014)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MORTEL, ELLE. adj.
Qui est sujet à la mort. Tous les hommes sont mortels. Cette vie mortelle est pleine de misères. Dans le style soutenu, Quitter sa dépouille mortelle, Mourir.

MORTEL, ELLE, est aussi employé comme nom pour signifier Homme, femme. C'est un heureux mortel. Une simple mortelle. Absolument, Les mortels, L'espèce humaine. Les pauvres mortels. Il signifie aussi Qui cause la mort, qui paraît devoir la causer. Maladie, plaie, blessure mortelle. Coup, poison mortel. Par exagération, Haine, inimitié mortelle. Douleur, inquiétude, crainte, tristesse, offense mortelle. Effroi mortel. Ennui mortel. Je suis dans des transes mortelles. Il fait un froid mortel. Être l'ennemi mortel de quelqu'un, Le haïr profondément. Péché mortel, Péché qui fait perdre la grâce de Dieu et qui donne une sorte de mort à l'âme. Fam., J'ai attendu deux mortelles heures dans une antichambre. Il y a de cette ville à celle autre dix mortelles lieues.

Littré (1872-1877)

MORTEL (mor-tèl, tè-l' ; d'après Palsgrave, p. 60, au XVIe siècle, mortel se prononçait morté devant une consonne) adj.
  • 1Sujet à la mort. Tous les hommes sont mortels. La mort ne l'a point changé, si ce n'est qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante et mortelle, Bossuet, Mar.-Thér. Tout est vain en l'homme, si nous regardons le cours de sa vie mortelle ; mais tout est précieux si nous contemplons le terme où elle aboutit, Bossuet, Duch. d'Orl. Tout ce qui est mortel, quoi qu'on ajoute par le dehors pour le faire paraître grand, est, par son fond, incapable d'élévation, Bossuet, ib. Outre le rapport que nous avons du côté du corps avec la nature changeante et mortelle, nous avons d'un autre côté un rapport intime et une secrète affinité avec Dieu, Bossuet, ib. Encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles, Bossuet, ib. Pourquoi m'es-tu donné, ô corps mortel, fardeau accablant…, Bossuet, Bourgoing. Les Parques à ma mère, il est vrai, l'ont prédit, Lorsqu'un époux mortel fut reçu dans son lit…, Racine, Iph. I, 2.

    Dans le style soutenu, la dépouille mortelle, ce qui reste de nous après la mort. Une urne contiendra sa dépouille mortelle, Voltaire, Olymp. V, 3.

    Quitter sa dépouille mortelle, mourir.

    S. m. et f. Un mortel, une mortelle, un homme, une femme. Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu, La Fontaine, Fabl. X, 1. On n'entend dans les funérailles que des paroles d'étonnement, de ce que ce mortel est mort ; chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l'a entretenu, Bossuet, Sermons, Mort, préambule. Sur l'ais qui le soutient, auprès d'un Avicenne, Deux des plus forts mortels l'ébranleraient à peine [un infortiat], Boileau, Lutr. V. Mais je ne trouve point de fatigue si rude Que l'ennuyeux loisir d'un mortel sans étude, Boileau, Ép. X. Je n'ai pas cru que… Il fût quelque mortel qui pût impunément Se venir à mes yeux déclarer mon amant, Racine, Bérén. I, 4. Hélas ! il me semblait qu'une flamme si belle M'élevait au-dessus du sort d'une mortelle, Racine, Iphig. III, 6. Mortelle, subissez le sort d'une mortelle, Racine, Phèdre, IV, 6. Tout mortel est donc né pour souffrir, Voltaire, Oreste, II, 1. Les mortels généreux disposent de leur sort, Voltaire, Orphel. V, 5. Le dernier des mortels est maître de son cœur, Chénier M. J. Charles IX, III, 2.

    Familièrement. Un heureux mortel, un homme à qui il arrive quelque chose d'heureux, d'agréable. Cadédis, vous êtes un heureux mortel, Dancourt, la Loterie, sc. 23.

    Absolument. Les mortels, l'espèce humaine. Surtout, mortels, désabusez-vous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie la mort vous sera plus douce et plus facile, Bossuet, le Tellier. Ô vanité, ô néant, ô mortels ignorants de leurs destinées, Bossuet, Duch. d'Orl. Les mortels sont égaux ; ce n'est point la naissance, C'est la seule vertu qui fait leur différence, Voltaire, Fanat. I, 4.

    S. m. Ce qui meurt. Et vous vous attachez à ce corps, et vous bâtissez sur ces ruines, et vous contractez avec ce mortel une amitié immortelle ! Bossuet, Bourgoing.

  • 2Qui appartient aux hommes, aux mortels. Le prélat… Tout d'un coup tourne à gauche, et d'un bras fortuné Bénit subitement le guerrier consterné ; Le chanoine surpris de la foudre mortelle…, Boileau, Lutr. V.
  • 3Qui cause la mort, ou semble devoir la causer. Une maladie mortelle. Cette substance est mortelle aux poissons. Ah ! cesse de courir à ce mortel danger ; Te perdre en me vengeant ce n'est pas me venger, Corneille, Cinna, I, 1. Elle voulut assister ce frère mourant [de la peste], sans craindre ces souffles mortels qui portent le poison dans les cœurs, Fléchier, Mme de Mont. Par une exacte police qui coupait les communications mortelles [en temps de peste]… il sauva ce peuple…, Fléchier, Duc de Mont. D'abord il a tenté les atteintes mortelles Des poisons que lui-même a crus les plus fidèles, Racine, Mithr. V, 4. J'ai su, par une longue et pénible industrie, Des plus mortels venins prévenir la furie, Racine, ib. IV, 5. C'est peu de vouloir, sous un couteau mortel, Me montrer votre cœur fumant sur un autel, Racine, Iphig. III, 6.

    Fig. La chair et le sang de Jésus-Christ, non-seulement ne nous seraient plus salutaires, mais deviendraient pour nous le poison le plus mortel, Bourdaloue, Myst. Très St Sacrem. t. I, p. 542.

    Le coup mortel, le coup qui donne ou paraît devoir donner la mort. De mille coups mortels son audace est punie, Racine, Brit. V, 8.

    Fig. Coup mortel, ruine, perte. La plus puissante de toutes [les monarchies formées de l'empire d'Alexandre], après avoir été ébranlée par la mollesse et le luxe de la nation, reçut enfin le coup mortel par la division de ses princes, Bossuet, Hist. III, 5.

    Péché mortel, péché qui fait perdre la grâce de Dieu et qui donne une espèce de mort à l'âme. Chrétien, tu sais trop la distinction des péchés véniels d'avec les mortels, Bossuet, Mar.-Thér. Ce n'est pas que je veuille ici confondre les fautes vénielles avec les fautes mortelles, Massillon, Carême, Fautes légères.

    Mortel ennemi, ennemi mortel, ennemi jusqu'à vouloir la mort. Être l'ennemi mortel de quelqu'un, Comme il vous traitait en mortel adversaire, Corneille, Pomp. III, 2. Et plus vous la pouvez accabler d'infamie, Et plus elle vous traite en mortelle ennemie, Corneille, Nicom. III, 4.

  • 4 Fig. Fatal, funeste. Rechercher un trépas si mortel à ma gloire, Corneille, Cid, I, 9. Cette mode [une sorte de coiffure] durera peu ; elle est mortelle pour les dents, Sévigné, 4 avr. 1671. La gloire, qu'y a-t-il pour les chrétiens de plus pernicieux ou de plus mortel ? Bossuet, Duch. d'Orl. Jamais jour n'a paru si mortel à la Grèce, Racine, Iph. V, 6. Cherchons des remèdes contre les maladies de l'âme, non moins funestes et non moins mortelles [que celles du corps], Voltaire, Dict. phil. Ana, anecdotes.
  • 5Excessif dans son genre ; il ne se dit jamais qu'en mal. Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage, Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ? Corneille, Hor. IV, 5. Un si mortel affront, Corneille, Théod. IV, 6. Haine mortelle, Rotrou, Bélis. IV, 1. Guerre, guerre mortelle à ce larron d'honneur Qui sans miséricorde a souillé notre honneur ! Molière, Sgan. sc. 21. D'où vient que, leur [aux vices du temps] portant une haine mortelle, Vous pouvez bien souffrir ce qu'en tient cette belle ? Molière, Mis. I, 1. Vous croyez donc que les déplaisirs et les plus mortelles douleurs ne se cachent pas sous la pourpre ? Bossuet, Mar.-Thér. En quel trouble mortel son intérêt nous jette ! Racine, Andr. III, 4. Dans le doute mortel dont je suis agité, Racine, Phèdre, I, 1. Je suis dans des peines mortelles, Massillon, Carême, Impén.
  • 6Dans le style familier, mortel se dit de ce qui fatigue par sa longueur, de ce qui paraît excessivement long, ennuyeux ; alors il se met devant son substantif. On nous dit qu'il y avait deux mortelles lieues, Sévigné, 363. En moins de rien, il eut fait cinquante mortelles lieues, Hamilton, Gramm. 9. Quinze mortels jours se passèrent de la sorte, Genlis, Mlle de Clermont, p. 63, dans POUGENS.

REMARQUE

À propos de ces vers de Racine : Plus qu'à mes ennemis la guerre m'est mortelle, Théb. III, 6 ; L. Racine dit : Mortelle pour funeste, expression qui n'est pas exacte. L. Racine se trompe, la locution est bonne et employée avant son père.

HISTORIQUE

XIe s. Par moi… son mortel enemi, Ch. de Rol. XXXIV. Liverai lui une mortel bataille, ib. LI.

XIIe s. [Charles] Mande par moi [à] ses mortex enemis, Ronc. 24. S'or y laissons [en la terre sainte] nos ennemis mortieus, à tousjours mais ert [sera] nostre vie honteuse, Quesnes, Romanc. p. 95. Qui puis refist à Saisnes maint mortel encombrier, Sax. IV. [Il] A veü et trové moult mortel aversaire, ib. XXX. Droiz est que li mortiel soient soget à Deu, Machab. II, 8. Toute lor painne ont mise en moi trahir ; Mais ne lor vaut lor morteuz trahisons, Couci, XII.

XIIIe s. Cum est la mescine [médecine] du cel [ciel], Quant ele descent sur mortel, Édouard le conf. V. 4423. Traïstres seroie mortiex, Se servoie por deoevoir, la Rose, 7842.

XVe s. Et pour ce que le roi de France savoit le roi Robert d'Escosse avoir grand guerre et tout le royaume d'Escosse avoir mortelle haine aux Anglois, Froissart, II, II, 45.

XVIe s. L'inimitié mortelle qu'il nous porte…, Carloix, IV, 18. Nos viandes leur estoient mortelles et venimeuses, Montaigne, I, 106. Une telle prudence est mortelle ennemie de haultes executions, Montaigne, I, 134. Des statues, non ouvrées de mortelle main, Montaigne, II, 148. Prest à recevoir le coup mortel de la main de son ennemy, Amyot, Marius et Pyrrhus, 15. Un mortel poison, Amyot, Pompée, 50.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « mortel »

Provenç. et espagn. mortal ; ital. mortale ; du latin mortalis, de mors, mortis, la mort.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin mortalis.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « mortel »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
mortel mɔrtɛl

Fréquence d'apparition du mot « mortel » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « mortel »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « mortel »

  • De tous les champignons, celui d'une voiture est encore le plus mortel.
    Jean Rigaux
  • Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
    Paul Valéry
  • Une idée est un jouet incassable, gratuit, et quelquefois mortel.
    Georges Henein
  • Aucun mortel ne traverse intact sa vie sans payer.
    Eschyle — Les choéphores
  • Quel mortel reste juste s'il ne redoute rien ?
    Eschyle — Les Euménides
  • La légèreté est nécessaire, sinon le tragique serait mortel.
    Yasmina Reza — L’Express - 13 Janvier 2000
  • La raison est immortelle, tout le reste est mortel.
    Pythagore
  • Le diplôme est l'ennemi mortel de la culture.
    Paul Valéry — Bilan de l'intelligence
  • Pour connaître un mortel, donne-lui du pouvoir.
    Pittacos
  • Seul le danger mortel est incolore.
    Vladimir Nabokov — Regarde, regarde, les arlequins !
Voir toutes les citations du mot « mortel » →

Images d'illustration du mot « mortel »

⚠️ Ces images proviennent de Unsplash et n'illustrent pas toujours parfaitement le mot en question.

Traductions du mot « mortel »

Langue Traduction
Anglais deadly
Espagnol mortal
Italien mortale
Allemand sterblich
Chinois 凡人
Arabe مميت
Portugais mortal
Russe смертный
Japonais 死すべき
Basque mortal
Corse mortale
Source : Google Translate API

Synonymes de « mortel »

Source : synonymes de mortel sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « mortel »

Combien de points fait le mot mortel au Scrabble ?

Nombre de points du mot mortel au scrabble : 8 points

Mortel

Retour au sommaire ➦

Partager