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Mener

Définitions de « mener »

Trésor de la Langue Française informatisé

MENER, verbe trans.

A. − [Constr. avec divers types de compl. locatifs; l'idée principale est celle de changement de lieu]
1.
a) [Le suj. désigne une pers.]
α) [Constr. avec un compl. locatif de destination et/ou un compl. locatif de passage, d'origine et/ou un compl. désignant l'instrument du déplacement]
[Le compl. d'obj. désigne une pers.] Faire aller quelqu'un quelque part en l'y accompagnant, en l'y conduisant (de force ou avec son assentiment). Synon. accompagner (qqn quelque part), amener, conduire, emmener.Mener qqn chez qqn, au bal, au théâtre; mener qqn en prison. Il a mené le docteur ici pour te voir (Loti,Mon frère Yves, 1883, p. 33).Le chauffeur de Lamblin, qui déjà nous accompagnait à Rafaï, nous mènera en camion jusqu'au point terminus (Gide,Voy. Congo, 1927, p. 736):
1. ... la pauvre Sidoine fut convaincue par le juge d'avoir fait la ribaude et pour ce mise nue sur un âne, tournée du côté de la queue, et ainsi menée par la ville à la mare aux Évés, où elle fut trempée par trois fois. A. France,Orme, 1897, p. 213.
Mener qqn à qqn.Conduire auprès de quelqu'un. Je veux vous mener un interlocuteur digne de vous (Chênedollé,Journal, 1824, p. 130).
Locutions Mener qqn à l'autel, devant monsieur le Maire (fam.). Épouser. Suzanne avait été menée à l'église par son promis. Jamais on n'avait vu un plus riche ni un plus beau mariage (Karr,Sous tilleuls, 1832, p. 129).
Mener qqn en barque*, en bateau*.
[Le compl. d'obj. désigne un animal] Faire aller un animal quelque part en l'y conduisant. Synon. conduire.Mener le bétail à la rivière (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz, 1864, p.55).Aller là-haut soigner les moutons et les mener de chalet en chalet par la trace (Peyré,Matterhorn, 1939, p.80).
Mener une vache au taureau (fam.). Faire saillir une vache. Elles ont mené la vache au taureau comme elles ont fait les autres besognes de la ferme (Pourrat,Gaspard, 1922, p. 139).
Rare. [Le compl. d'obj. désigne un inanimé concr.] Apporter, transporter. Je mène du savon, de la chandelle, des épices, des pièces de tulle, de la chaudronnerie, depuis Lille jusqu'à Arras (Adam,Enf. Aust., 1902, p.242).Elle manquait rarement la messe. L'hiver, elle y menait sa chaufferette, l'été son ombrelle (Colette,Mais. Cl., 1922, p.183).
[Le compl. d'obj. désigne un procès] Faire se dérouler dans un ou plusieurs lieux. Hier, nous avons mené notre promenade plus loin que d'habitude (M. de Guérin,Journal, 1833, p. 157).C'est (...) une vaste contre-attaque, menée de l'ouest à l'est sur Fère-Champenoise et ses abords (Foch,Mém., t.1, 1929, p. 130).
[P. méton. du suj. et/ou du compl. d'obj.] Le bon marché de la main-d'oeuvre a mené l'industrie d'Angleterre en Écosse (Michelet,Journal, 1834, p. 140).La tiède attraction des rayons d'un ciel chaud Sur les monts ce matin m'avait mené plus haut (Lamart.,Jocelyn, 1836, p. 742).
β) [Constr. avec un compl. prép. à désignant un procès accompli ou subi par la pers. désignée par le compl. d'obj.] Faire aller quelqu'un, en l'accompagnant ou en le conduisant, en un lieu où il fera ou subira quelque chose. Mener qqn à la chasse; mener des soldats au feu; mener qqn à la mort. L'innocent qu'on mène au supplice (Lamennais,Paroles croyant, 1834, p. 182).Je l'avais mené à la pêche sur la barquette de Panisse (Pagnol,Fanny, 1932, i, 1ertabl., 14, p. 59).
γ) [Constr. avec une prop. inf.; le compl. d'obj. désigne un animé; avec ou sans compl. locatif] Faire aller quelqu'un, un animal quelque part, en l'y accompagnant ou l'y conduisant, pour qu'il y fasse ou qu'il y subisse quelque chose. Le courrier revenu de la gare menait boire son cheval à l'abreuvoir (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 74).Louise se leva pour la mener prendre une douche, lui donner une serviette, de la poudre (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 235).
b) [Le suj. désigne un véhicule ou un lieu; avec ou sans compl. d'obj.]
α) [Le suj. désigne un véhicule] Transporter quelqu'un, quelque chose (d'un lieu à un autre). Une charrette, sur le chemin de côte, annonça qu'elle menait des barriques vides (Colette,Naiss. jour, 1928, p. 56).Attendu à Laruns un cabriolet qui doit nous mener à Louvie (Michelet,Journal, 1835, p.191).
Rare. [Constr. avec une prop. inf.] Nous montions dans l'omnibus ou la voiture qui allait nous mener à la gare prendre le petit chemin de fer (Proust,Sodome, 1922, p.1035).
β) [Le suj. désigne un lieu de passage] Permettre d'aller d'un lieu à un autre. Un chemin qui devait le mener plus directement au sommet de la montagne (Sue,Atar-Gull, 1831, p.27).La porte menant du billard à la salle du bar-dancing (Peyré,Matterhorn, 1939, p. 61).
Tous les chemins* mènent à Rome.
c) Vieilli. Mener qqn avec soi. Faire aller avec soi dans un déplacement comme escorte ou comme compagnie. Synon. emmener, se faire accompagner par (qqn).Il roule sur l'or! Il mène avec lui trois maîtresses et son cuisinier! (Flaub.,MmeBovary, t.2, 1857, p. 62).
2. Au fig.
a) [Constr. avec un compl. introd. par une prép. locative] Faire passer quelqu'un d'un état à un autre, faire faire quelque chose à quelqu'un. Synon. conduire, entraîner.
α) [Le suj. désigne une pers.] Byron (...) se venge en menant à la douleur par la volupté tout ce qui l'approche (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 517).Il (...) lui chercherait une carrière et le mènerait vers une vie où l'argent serait une préoccupation seconde (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 297):
2. ... plus ils accumulaient de belles promesses, plus les gens sérieux soupçonnaient des pièges, − en quoi ils n'avaient pas complètement tort, car les utopistes eussent mené le monde à des désastres, à la tyrannie et à la bêtise, si on les avait écoutés. Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 201.
β) [Le suj. désigne un inanimé] Un découragement qui le menait au suicide (Balzac,Illus. perdues, 1839, p. 516).Tu vois où me mènent tes conneries. C'est moi qui paie, comme toujours (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 169):
3. Ces contractures peuvent, chez certains tempéraments spasmophiles, se généraliser et mener à l'asphyxie ou à la syncope par tétanose globale des muscles respiratoires. Mounier,Traité caract., 1946, p. 195.
Littér. [Correspond à supra A 1 b] Ce fut Wilfrid Nore qui le premier mit le pied dans la voie menant aux confidences (Gobineau,Pléiades, 1874, p. 17).Cet itinéraire c'est déjà celui qui mène Gide des livres et de la science à la vie (Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 15).
γ) Locutions
Mener (qqn) loin
Entraîner, exposer quelqu'un à faire des actes ou à subir des conséquences fâcheuses. La petite n'avait pas l'âge, à l'époque, c'est peut-être un détournement, ça pourrait le mener loin! (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 72):
4. Une grande réceptivité se manifeste chez les jeunes − que de starlettes! que de Tarzan! − chez les oisifs, chez les névropathes, et elle peut mener loin: la mort de Rudolf Valentino a provoqué plus de suicides que Werther. Hist. spect., 1965, p. 14.
En partic. Entraîner à de grandes dépenses. Les maîtresses de maison elles-mêmes (...) allaient flatter toutes ces têtes hurlantes qui aidaient à dévorer l'héritage. Les chevaux menaient plus loin encore (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p.174).
Amener quelqu'un à une condition avantageuse. Dis-lui que cette éducation m'a mené loin (...) et va peut-être me conduire assez haut! (Dumas père, Halifax, 1842, ii, 6, p. 83).
Pourvoir longtemps aux besoins ou à la subsistance de quelqu'un. Ces provisions, cet argent peuvent encore nous mener loin (Littré).
Ne pas mener (qqn) à grand chose; ne mener (qqn) à rien, nulle part. N'ouvrir aucune perspective, n'apporter aucun résultat bénéfique. Une très-petite ville (...) oubliée dans un fond de province, ne menant nulle part, ne servant à rien (Fromentin,Dominique,1863, p. 67).− (...) Ça ne te mènera pas à grand-chose. − Les métiers ne mènent jamais à rien, dit Nadine avec une soudaine raideur (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 171).
b) [Constr. avec une prop. inf. introd. par à] Avoir pour conséquence de faire faire quelque chose à quelqu'un. Synon. conduire.Une ligne qui nous mène à tirer sur le prolétariat est nécessairement mauvaise (Malraux,Cond. hum., 1933, p.294):
5. Ne commets pas la sottise immense d'entrer dans la vie active par les grandes portes pourvues sur leurs frontons d'inscriptions comme celles-ci: École militaire; Ponts et chaussées; Affaires étrangères; Magistrature. Cela te mènerait tout simplement à être capitaine à quarante ans... Gobineau,Pléiades, 1874, p. 79.
3. GÉOM. Tracer (matériellement ou idéalement). Par un point on ne peut mener qu'une parallèle à une droite (H. Poincaré,Valeur sc., 1905, p. 21).
4. P. anal., dans le domaine temp.
a) [Le suj. désigne un inanimé] Faire passer (à un autre moment dans temps ou dans un déroulement temp.). Ô flamme vive! qui luit toujours au fond de notre passé... qui menait enfin aux parties de billes (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 72).Ce développement imprévu [de l'allegro] mène à une coda dont le thème (...) fait revivre (...) le rythme martial du thème (Chantavoine,Symph. Beethoven, 1932, p. 60).
En partic. Occuper (jusqu'à un certain moment). Ce tohu-bohu de paniers, de sacs de cuir, de corbeilles, toutes ces jupes filant dans le ruissellement des allées, l'occupaient, le menaient jusqu'au déjeuner (Zola,Ventre Paris, 1873, p. 728).Ils commentaient les nouvelles du jour, les faits divers et les événements politiques: cela le menait à l'heure du dîner (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 613).
b) Rare. [Le suj. désigne une pers.] Synon. de porter.L'huissier (...) leur faisait un crédit de six mois que le grand Cointet menait à un an par la manière dont il le soldait (Balzac,Illus. perdues, 1843, p. 588).
B. − [Sans complément locatif; l'idée principale est celle de direction donnée par qqn/qqc. dans un déplacement]
1.
a) [Le suj. désigne une pers.] Diriger dans un déplacement. Synon. conduire.
α) [Le compl. d'obj. désigne une pers., un animal] Mener un cheval en main, par la bride; mener qqn par la main. Un petit garçon, menant une vieille aveugle, demandait l'aumône (Michelet,Journal, 1834, p. 161).Un jouvenceau (...) mène en laisse un lévrier (Bertrand,Gaspard, 1841, p.54).
Vieilli. Mener une dame, une demoiselle. Être le cavalier d'une dame, d'une demoiselle (dans une danse, une cérémonie). Au premier coup d'archet, on se place, et chacun mène sa prétendue (Courier,Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p. 136).
β) [Le compl. d'obj. désigne un véhicule, un animal de trait] Mener un équipage (vieilli); mener une charrue (vieilli). Les quatre sauvages qui menaient la barque, pris d'une exaltation furieuse, voulaient jeter à l'eau le sorcier (Goncourt,Journal, 1887, p.698).Un vigneron de Damery, menant par le guidon sa bicyclette (Hamp,Champagne, 1909, p.165).Ces grands chevaux de filles qui (...) mènent leur voiture, fument du gros tabac et engueulent père et mère (Colette,Naiss. jour, 1928, p.38).
Absol. Mener grand train. Madame conduisait seule; elle avait attelé à deux chevaux, elle menait dur au long trot, parfois au petit galop (Giono,Que ma joie demeure, 1935, p. 378).
[P. méton. du compl. d'obj.] Conduire (quelqu'un) dans un véhicule. Les claquements du fouet empêchèrent d'entendre le reste. Au train dont on était mené, on eut bientôt rejoint les paysans (Soulié,Mém. diable, t. 2, 1837, p. 102).
ARM. Mener battant*.
VÉN. [En parlant d'un chien, d'un animal] Poursuivre un animal sur sa trace. L'aboi à deux temps du renard qui mène un gibier (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 10).
b) En partic. Être à la tête d'un groupe (de personnes, d'animaux) pour en diriger le déplacement. Les chameaux d'une caravane passoient lentement à la file, menés par l'âne intelligent qui leur servoit de conducteur (Chateaubr.,Martyrs, t.2, 1810, p. 130).M. Madinier ne parlait plus, menait lentement le cortège, qui le suivait en ordre (Zola,Assommoir, 1877, p. 445).
[P. méton. du compl. d'obj.] La ronde des noces allait et venait toujours (...), les deux enfants qu'on mariait menaient le branle (Zola,Travail, t. 2, 1901, p. 152).
Mener la danse*, le deuil*.
[P. méton. du suj.] Regarder la longue chaîne de la gavotte tournoyer et courir, menée par la voix aigre des cornemuses (Loti,Mon frère Yves, 1883, p. 390).
SPORTS. Être en tête (d'un groupe engagé dans une compétition). Mener le peloton.
[P. méton. du compl. d'obj.] Mener la course, le train. Il est toujours plus fatigant [en course vélocipédique] de mener le train que de le suivre (Baudry de Saunier,Cycl., 1892, p. 425).La course a été menée tout le long des 2400 mètres par Bikala, monté par Serge Gorli, qui avait bénéficié de la corde au départ (Le Monde, 6 oct. 1981, p. 18, col. 5-6).
Absol. Le Kenyan Keino avait pour principe de mener de bout en bout (Amsler1971).
P. ext. Être en tête d'un classement, avoir l'avantage au cours d'une partie, d'un match. Mener à la marque. Au 10eround, notre champion menait nettement (Paris-Soir, 24 janv. 1937).Dix minutes après, les Australiens ont pris le large. Ils mènent 24 à 10 (Le Monde, 12-13 juill. 1981, p. 16, col. 2).
[P. méton. du suj.] Paris mène par 6 victoires à 0 (Combat, 19-20 janv. 1951, p. 6, col. 5).
c) Rare. [Le suj. désigne un inanimé] Entraîner dans un mouvement. Les lents bateaux plats que mènent tantôt une voile gonflée, tantôt des chevaux percherons (Boylesve,Leçon d'amour, 1902, p. 41).Cette roue dentée mène un pignon (Lar. Lang. fr.).
2. P. anal.
a) [Le compl. d'obj. désigne un groupe de pers., une pers.]
α) Diriger dans l'accomplissement de quelque chose. Synon. commander, conduire, diriger.Mener un choeur. Un musicien, le chef, menait l'orchestre de son geste (Noailles,Nouv. espér., 1903, p.178).Le général de Moltke (...) menait les armées allemandes dans les premières semaines de la guerre (Joffre,Mém., t.1, 1931, p.400).
P. anal. Synon. conduire, diriger, gérer.Mener son ménage, un pays, sa fortune. Alexis (...) passa quelque temps sans autres soins que ceux de son ménage, réglant, vérifiant ses comptes, et, comme il semble, menant sa maison assez mal (Mérimée,Hist. règne Pierre le Gdds Journal des Savants, 1864, p.541).Je me mis à lire une revue qui, bien que menée par des jeunes gens, est excellente (A. France,Bonnard, 1881, p.489).
Part. passé en emploi adj. Une affaire de premier ordre que la sienne et bien menée, avec fermeté et bonne humeur (Arnoux,Crimes innoc., 1952, p. 187).
(Bien/mal) mener la/sa barque*.
β) Faire agir, inspirer les actions (de quelqu'un). Synon. animer, conduire.
[Le suj. désigne une pers.] Dieu mène le monde. Je rencontrai l'honnête procureur, qui passe pour mener tout le parti noble ici (Courier,Pamphlets pol., Lettres partic., 1820, p.65):
6. Vous considérez les hommes de nos jours comme de grands enfants très dégénérés et très mal élevés. Et, en conséquence, vous trouvez bon qu'on les mène par des spectacles, du bruit, beaucoup de clinquant, de belles broderies et de superbes uniformes qui, bien souvent, ne sont que des livrées. Tocqueville,Corresp. [avec Gobineau], 1857, p. 280.
Emploi pronom. passif. Nos voltigeurs n'ont pas assez l'esprit militaire; il convient de le leur inculquer. Une compagnie se mène par l'amour-propre (Reybaud,J. Paturot, 1842, p. 168).
[Le suj. désigne un inanimé] La folie mène qqn. Où est le zèle de prosélytisme qui agitait et menait les encyclopédistes? (Quinet,All. et Ital., 1836, p. 118).Il n'est mené que par ses dégoûts ou ses antipathies (Massis,Jugements, 1923, p. 37).
γ) En partic. Faire agir de façon autoritaire ou selon sa volonté. Synon. dominer, manipuler, manoeuvrer, régenter.Se laisser mener par une femme. Fausse avec l'apparence de la plus grande franchise, menant son mari comme un sot, elle se moque de toutes femmes qui sont laides (Fiévée,Dot Suzette, 1798, p.142).Depuis que notre reine mène son mari, chaque femme du royaume se croit le droit de régenter le sien (Scribe,Bertrand, 1833, ii, 2, p.150):
7. Le passé était net comme un os de seiche et Dubreuilh, une impeccable victime de la fatalité historique. Oui: eh bien! Henri ne trouvait pas ça satisfaisant du tout; il n'aimait pas penser que d'un bout à l'autre de cette affaire il avait été mené. Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 487.
Loc. fig.
Mener qqn à la baguette*, à la trique*, en laisse*.
Mener qqn par le bout* du nez, par le nez*.
b) [Le compl. d'obj. désigne un procès] Être à l'initiative de quelque chose et/ou en diriger le déroulement, l'exécution; avoir une place déterminante dans le déroulement, l'exécution de quelque chose. Synon. conduire, diriger.Mener des débats; mener une affaire tambour battant, rondement, vite. Hélène est ma filleule; laissez-moi mener cette affaire et morigéner la jeune fille (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p. 117).Celui qui a mené la Résistance a, pour en être l'historien, une autorité particulière (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p. 181):
8. Zola, qui a mené la conversation sur ce sujet, pour nous pomper à propos de son nouveau livre, prétend que l'amour n'est pas un sentiment particulier... Goncourt,Journal, 1877, p. 1186.
Mener une enquête*.
Loc. fig.
Mener le branle*, la danse*, le deuil* (de qqc.), le jeu*.
Mener la partie. Nous ne paraissions plus mener la partie, et (...) l'ennemi au contraire nous devançait et tentait à nous imposer sa volonté (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 444).
Absol. J'ai tenté de faire du Dialogue lui-même une manière de ballet dont l'Image et l'Idée sont tour à tour les Coryphées. L'abstrait et le sensible mènent tour à tour et s'unissent enfin dans le vertige (Valéry,Lettres à qq.-uns, 1945, p. 190).
[Dans la lang. de la crit. littér.] Intrigue alertement menée. Ces dialogues [de Dashiell Hammet] , menés de main de maître, sont à en remontrer à Hemingway ou à Faulkner même, et tout le récit mené avec une habileté, un cynisme implacables (Gide,Journal, 1943, p. 213).
3. Au fig. [Constr. avec un compl. de manière; le compl. d'obj. désigne une pers.]
a) Vieilli. Diriger de telle ou telle manière dans un enseignement, un apprentissage. Mener durement un enfant. Mon hôte voulut bien me donner quelques leçons; moins durement mené, je pus faire des progrès (Balzac,Lys, 1836, p.75).
b) Synon. de traiter.Bouvier a été assez vertement mené ce matin par le Journal de Genève (Amiel,Journal, 1866, p.122).Jory avait manqué d'avoir un duel (...) pour un de ses derniers articles du Tambour. C'est qu'il les menait raide, les peintres de quatre sous, les réputations volées! (Zola, Œuvre, 1886, p.114).
Mener la vie dure à qqn, une vie impossible à qqn. Rendre l'existence pénible pour quelqu'un. Je vous préviens, mon gaillard, que si jamais vous tombez sous ma coupe, je vous mènerai la vie dure (Bruant1901, p.153).À croire que ses enfants la martyrisaient, lui menaient une vie impossible! (Queffélec,Recteur, 1944, p.184).
C. − [Sans idée de déplacement ni de direction]
1. [Le compl. d'obj. désigne un procès] Assurer l'exécution de quelque chose (généralement qui s'étend dans le temps). Synon. accomplir, faire.Mener une action, une analyse, une étude, une politique, des recherches. Un tel travail ne peut être mené en cinq jours, ni même en cinq années, bien que toute ma vie m'y ait préparé (Barrès,Cahiers, t. 3, 1902, p.63).Toutes les mines en effet sont explosées simultanément (...). La perforation doit être menée rapidement, surtout si la marée existe dans la localité (Bourde,Trav. publ., 1929, p. 240):
9. ... je refis plusieurs chapitres des Oiseaux, suppléant à l'inspiration par la volonté. L'Introduction fut achevée et le tout mené presque sans lacune, sauf La Mort, La Chasse, ajournés, et Le Chant, ce grand but du livre, que je réservais. Michelet,Journal, 1855, p. 292.
Mener le combat*.
Mener l'assaut, une campagne, la lutte, l'offensive. Ils avaient pensé mener en paix leur assaut contre cette maison isolée à la sortie du bourg (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.130).Le mistral mène à fond son offensive (Colette,Pays. et portr., 1954, p.265).
Mener campagne. On y menait campagne [au café] contre le naturalisme allemand (Arts et littér., 1936, p. 48-8).
Mener à bout, à (son) terme, à bien. Synon. achever, réaliser.Son frère Louis-Napoléon avait eu l'honneur de mener à bien la souscription au grand emprunt sibérien (Vogüé,Mort, 1899, p.225).Il avait jusqu'à présent mené à bout tout ce qu'il avait voulu avec opiniâtreté (Martin du G.,Thib., Pénitenc., 1922, p.716).
Mener à (sa) fin*, à bonne fin*.
Mener de front, de pair, à la fois. Cette jolie et délicate femme (...) voulait à la fois mener la maternité, le monde et le Chat noir (Goncourt,Journal, 1887, p. 676).Sur ce grand affluent du Gange, électrification, irrigation, agronomie et industrialisation ont été menées de pair (Lesourd, Gérard,Hist. écon., 1966, p. 544).
Emploi pronom. passif. Au-dessus de la table, l'oncle ne recevait que des sourires. Au-dessous se menait une guerre sournoise (Cocteau,Enfants, 1929, p.72).
2. [Le compl. d'obj. désigne un comportement; il est obligatoirement qualifié]
Mener une vie (ou un terme du même paradigme). Synon. de avoir.Quand depuis quarante ans on mène une conduite irréprochable... on n'aime pas à la voir ternir (Sue,Atar-Gull, 1831, p. 24).Depuis six mois, tu veilles, tu te morfonds; tu mènes une vie de séminariste qui a fait des voeux (Fromentin,Dominique, 1863, p. 141).
Mener (un) train (obligatoirement qualifié).Mener un train de prince. Elle menait grand train, logeait dans un Louvre, tenait le milieu de la chaussée les jours de Longchamp (Murger,Scène vie boh., 1851, p. 192).
Mener grande, joyeuse vie. Vivre luxueusement, joyeusement. L'on (...) menait joyeuse vie; le duc chassait du matin au soir, et la nuit il se plaisait encore à entendre bramer les cerfs (Barante,Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 41).Les entraîneurs [à Maison-Laffitte] menaient grande vie. Max Lebaudy (...) lavait ses calèches au champagne et organisait des corridas (Cocteau,Portr-souv., 1935, p. 31).
P. ell., pop. et fam., vieilli. La mener joyeuse. Il paraît qu'on la mène douce et joyeuse, ici (Dumanoir, A. d'Ennery,Les Drames du cabaretds Dict. arg. mod., 1881, p.247).
Mener un bruit (ou un terme du même paradigme). Synon. de faire.Le bruit infernal que menaient les trompettes (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 478).Toute la nuit, les rats ont mené un train d'enfer (Triolet,Prem. accroc, 1945, p.12).
Mener grand bruit, grand tapage. On menait grand bruit, ce matin. Les chiens aboyaient, les chasseurs préparaient leurs armes (Nerval,Filles feu, Angélique, 1854, p. 525).
Rem. La docum. atteste qq. constr. où le compl. d'obj. non précédé de l'art. n'est pas qualifié. Son ami, le célèbre traducteur Perrot D'Ablancourt, avec qui il menait jeunesse, le servit fort en cette intrigue (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 5, 1852, p. 279). Cette foule menait sarabande, entraînant avec elle des gens que Raboliot était surpris d'y voir (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 171).
Loc., fam. Ne pas en mener large. Ne pas (paraître) être à son aise, se faire petit. Pendant qu'on l'acclamait avec transport, il «n'en menait pas large» et semblait accablé de tristesse (Cladel,Ompdrailles, 1879, p. 52).V. aussi large III A au fig.
REM. 1.
Menant, -ante, part. prés. en emploi adj.,technol. Qui entraîne le mouvement de quelque chose. Brin menant. Ils [les arbres de transmission] doivent résister à (...) un effort de torsion produisant un angle de torsion d'autant plus grand que la distance entre la partie menante de l'arbre et la partie menée est plus grande (Gorgeu,Machines-outils, 1928, p. 4).
2.
Mené, -ée, part. passé en emploi adj.a) Technol. Qui est entraîné par un élément moteur. V. supra rem. 1 ex. de Gorgeu.b) Emploi subst. Anton. meneur.Quelle honte pour les meneurs comme pour les menés! (Stendhal,Racine et Shakspeare, t. 1, 1825, p. 141).
Prononc. et Orth.: [məne], (il) mène [mεn]. Conjug. change e en è devant syll. muette: je mène, mènerai(s). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. Fin xes. trans. «accompagner quelqu'un en le dirigeant» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 202); 2.ca 1100 «conduire fermement, avec autorité» ici une armée (Roland, éd. J.Bédier, 211); en partic. ca 1100 «contraindre une personne à aller dans un endroit» (ibid., 3680: E. Bramidonie, qu'il meinet en sa prisun); 3.a)1remoitié xiies. «marcher à la tête d'un groupe, d'un cortège; diriger un groupe de danseurs» merrums charoles [deducemus choros] (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, XIX, 5) cf. début xiiies. M.de Sully, Homelies, éd. C. A. Robson, 16, 13: les femmes mener les karoles; b)1892 sports «être à la tête de» mener la course (Baudry de Saunier, Cycl., p. 440) d'où 1937 id. intrans. «avoir l'avantage» (Paris Soir, supra); 4. ca 1170 «obliger un animal à se rendre dans un lieu en 'y conduisant» (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4859); 5. fin xiiies. [ms.] «diriger, entraîner une collectivité vers un état déterminé» (Bible de Hugue de Berzi, éd. F. Lecoy, 797 [var. ms. A]; 6. 1538 «introduire auprès de quelqu'un; donner accès» (Est.). II. 1. Ca 1050 «se livrer à une activité particulière» en partic. grant duel mener «exprimer ostensiblement une grande douleur» (Alexis, éd. Chr. Storey, 241); 2. ca 1100 «régler, assurer le déroulement de quelque chose en vue d'une fin» sa guerre mener (Roland, éd. J. Bédier, 906); 3. ca 1170 «transporter quelque chose» (Rois, éd. E. R. Curtius, III, V, 9, p. 121); 4. 1176-81 «faire avancer un véhicule, en assurer la conduite» (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 357); 5. a) 1283 «administrer, diriger avec efficacité» ici «faire commerce» (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, XI, §346: sans nule marcheandise mener); b) 1663 «exercer un rôle directeur dans n'importe quel domaine» (Molière, École des femmes, I, 1: un sort qui tout mène); 6. 1690 géom. mener une ligne d'un point à un autre (Fur.); 7. 1835 mener grand train «vivre luxueusement» (Ac.). III. 1. 1176-81 «conduire à» La voie... vos mainne au Pont de l'Espee (Chrétien de Troyes, op. cit., 2144); 2. a) 1179-85 «engager, entraîner» (Gace Brulé, Chansons, éd. H. P. Dyggve, XIX, 2); b) ca 1200 «faire aboutir à» (Vidame de Chartres ds Chansons attribuées au Chastellain de Couci, éd. A. Lerond, XXXII, 32: Rienz fors s'amour, qui a la mort me mainne); 3. 1765 mécan. «transmettre le mouvement» (Encyclop. t. 8). D'un lat. minare, forme active qui s'est substituée au class. minari «menacer», et qui apparaît dans lang. rustique et pop. et particulièrement à basse époque avec le sens de «mener les animaux», le conducteur les menaçant de ses cris, de son fouet, etc.; ce sens s'est conservé dans les lang. rom., cf. p. ex. le roum. mîno «conduire le bétail», le calabrais minare «aiguillonner les bêtes», v. FEW t. 6, 2, p. 111b; il survit également dans la lang. de la vén. en a. fr. dans l'accept. particulière de «poursuivre un animal» ca 1160 (Enéas, 5381 ds T.-L.); v. aussi Tilander Mél. 1958, p.308, sqq. Fréq. abs. littér. Mener: 9650. Menant: 322. Fréq. rel. littér. Mener: xixes.: a)12278, b)13987; xxes.: a)13096, b)15 195. Menant: xixes.: a) 338, b) 579; xxes.: a)621, b) 395.

Wiktionnaire

Verbe - français

mener \mə.ne\ ou \mne\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Conduire quelqu’un vers un être ou une chose.
    • Quand je la menai à l’autel, j’étais bien convaincu que ma femme l’emportait en beauté sur toutes les femmes belles de la terre […] — (Octave Mirbeau, Lettres de ma chaumière : La Tête coupée, A. Laurent, 1886)
    • L’évêque de Luçon ! s’exclama la jeune fille en tressaillant. Menez-moi à lui, monsieur, oh ! je vous en prie… — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
    • Vous savez le chemin, menez-nous. — Si vous n’y êtes jamais allé, je vous y mènerai.
    • Mener des troupes au combat, à l’assaut, au feu.
  2. (Par extension) Aller, se diriger vers, en parlant d’un chemin, d’une route.
    • Nous suivons toujours la route qui nous avait menés à Sokhrat Ed-Djeja, il y a près d'un mois. Mais la campagne, verte et fleurie, est infiniment plus jolie qu’alors. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 120)
    • […]: il fallait que toute cette décoration et ces jeux d’allées menassent quelque part et ne fussent pas tout à fait gratuits. — (Jean de La Varende, Versailles, édition Henri Lefebvre, 1959, page 56)
    • Viennent ensuite les conduites forcées qui mènent l’eau jusqu’aux turbines. Ces impressionnants tuyaux en acier de 1,9 à 2,3 mètres de diamètre peuvent supporter une pression de 28 bars. — (Ludovic Dupin, La Centrale qui a électrifié la Bavière, dans L’Usine nouvelle, n°3252, 8 septembre 2011, page 8)
  3. Conduire par force en quelque endroit.
    • Mener en prison.
    • On le menait au supplice.
  4. Diriger, entraîner à sa suite.
    • Las, dans le petit monde de l’Université, la probité candide ne mène à rien, et l’enthousiasme pèse peu face aux manœuvres misérables de ceux qui ne reculent devant rien pour faire carrière. — (Alexis Liebaert, On achève bien les profs, dans Marianne, n° 758, 29 octobre 2011, page 85)
  5. Diriger, conduire des animaux.
    • Mener les bêtes aux champs, à l’abattoir.
    • Mener paître des vaches.
    • Mener les chevaux boire, les mener à l’abreuvoir.
    • Mener les chevaux au marché.
    • Mener un cheval à la main.
    • Mener des chiens en laisse.
  6. Diriger un véhicule, une embarcation.
    • Mener une charrette.
    • Mener un bateau, une barque. Absolument,
    • (Absolument) J’ai un cocher qui mène grand train.
  7. Voiturer quelqu’un ou quelque chose.
    • Mener du blé au marché, des marchandises à la foire, du bois par bateau.
    • J’ai là ma voiture, voulez-vous que je vous mène quelque part ?
  8. Se faire accompagner de ou par.
    • Il mène bien des gens à sa suite.
    • Il mena tout son monde avec lui.
  9. (Figuré) Faire agir, gouverner quelqu’un à sa guise.
    • Il le mène comme il veut.
    • C’est un pauvre homme, il se laisse mener par sa femme.
  10. (Chasse) Forcer à suivre.
    • Le cerf a mené bien loin la chasse; il l’a menée jusqu’à tel endroit.
  11. (Figuré) Diriger, déterminer les hommes.
    • L’ambition, l’intérêt le mène.
    • Le talent mène plus souvent à la réputation qu’à la fortune.
    • Le jeu mène loin.
  12. Administrer, diriger, en parlant des choses.
    • Mener la maison, le ménage.
    • Mener une négociation, une affaire.
  13. (Sport) (Intransitif) Avoir un meilleur score que l’adversaire au cours d’un match.
    • À la 90e minute du match, la France mène 3-0 face au Brésil, après le but d’Emmanuel Petit, et je sens que Thierry est au paradis. Il pète les plombs pendant trente secondes. Il réalise qu’on est champions du monde et lâche son fameux « Oh, putain ! » — (Jean-Michel Larqué, Vert de rage, Calmann-Lévy, 2010)
  14. (Jeux de boules) Lancer le but et entamer la partie ou une nouvelle manche (appelée de ce fait une « mène »).
    • Pointeur excellent, il mène généralement le but, en d’autres termes, joue le premier ; bien rare est-il si ses deux boules n’en font pas passer 4 à 5 de celles de ses adversaires. — (Lowius-Weigel, Jeux et joueurs de boules de Lyon, L’Écho du Rhône, 13 août 1893, page 4)
    • Suzel portera sur ses épaules la lourde responsabilité du tir, Elisabeth devra mener le bouchon et Danielle sera là pour tempérer le tout en milieu. Leurs places ne sont pas fixes et la polyvalence est de mise. — (Roger Gatti, L’aventure de Suzel, Danielle, Elisabeth, La Marseillaise, vendredi 29 juin 2012)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MENER. v. tr.
Conduire quelqu'un vers un être ou une chose. Vous savez le chemin, menez-nous. Si vous n'y êtes jamais allé, je vous y mènerai. Mener un enfant à l'école. Mener la mariée à l'autel. Mener un aveugle par la main. Menez-moi chez lui. Mener des troupes au combat, à l'assaut, au feu. Par extension, Ce chemin mène à tel endroit, On va, par ce chemin, à tel endroit. Prov., Tout chemin mène à Rome. Voyez CHEMIN. Cela ne mène à rien, On n'en saurait espérer aucun avantage. Prov. et fig., C'est un aveugle qui mène l'autre. On dit aussi C'est un aveugle qui en conduit un autre. Voyez AVEUGLE.

MENER signifie aussi Conduire par force en quelque endroit. Mener en prison. On le menait au supplice. Mener le deuil, dans une cérémonie funèbre, Être à la tête des parents, des amis, de toutes les personnes qui forment le cortège. On dit plutôt aujourd'hui Conduire le deuil. Mener la danse, Être à la tête de ceux qui dansent. On a dit dans le même sens Mener le branle. Fig., Mener la danse, Entraîner les autres, prendre l'initiative et la direction d'un mouvement. Une terrible rébellion s'organise : c'est ce fameux agitateur qui mène la danse. On dit aussi Mener le branle, mener le jeu.

MENER se dit aussi des Animaux. Mener les bêtes aux champs. Mener paître des vaches. Mener les chevaux boire, les mener à l'abreuvoir. Mener les chevaux au marché. Mener un cheval à la main. Mener des chiens en laisse. Fig., Mener de front. Voyez FRONT.

MENER signifie également Diriger un véhicule, une embarcation. Mener une charrette. Mener un bateau, une barque. Absolument, J'ai un cocher qui mène grand train. Fig., Mener bien sa barque. Voyez BARQUE.

MENER signifie aussi Voiturer quelqu'un ou quelque chose. Mener du blé au marché, des marchandises à la foire, du bois par bateau. J'ai là ma voiture, voulez-vous que je vous mène quelque part?

MENER signifie en outre Se faire accompagner de ou par. Il mène bien des gens à sa suite. Il mena tout son monde avec lui.

MENER signifie au figuré Faire agir, gouverner quelqu'un à sa guise. Il le mène comme il veut. C'est un pauvre homme, il se laisse mener par sa femme. Fig. et fam., Mener quelqu'un à la baguette. Voyez BAGUETTE. Fig. et fam., Mener quelqu'un par le nez, par le bout du nez, Abuser de l'ascendant qu'on a sur quelqu'un pour lui faire faire tout ce qu'on veut. C'est un homme à mener par le nez, C'est un homme faible, crédule, sans caractère. Fig. et fam., Mener quelqu'un en lisière, tenir en lisières, Tenir sous sa dépendance. Fig. et fam., Mener quelqu'un en laisse. Voyez LAISSE. Mener doucement quelqu'un, Le conduire avec ménagement, l'épargner, éviter de le fâcher, de le révolter. C'est un enfant timide, menez-le doucement. Mener rudement quelqu'un, Le forcer à faire ce qu'on veut. Fig. et fam., Mener quelqu'un tambour battant, le mener bon train, grand train. Voyez BATTRE et TRAIN. Mener loin quelqu'un, L'engager dans une affaire plus qu'il ne lui conviendrait; l'entraîner dans une démarche dont on ne peut prévoir les conséquences. Si vous prenez ses paroles pour des vérités, il vous mènera loin. Dans un sens un peu différent, Mener loin quelqu'un, Lui donner bien de la peine, lui susciter bien des ennuis. Il signifie, en termes de Chasse, Forcer à suivre. Le cerf a mené bien loin la chasse; il l'a menée jusqu'à tel endroit.

MENER se dit aussi figurément de Ce qui dirige, de ce qui détermine les hommes. L'ambition, l'intérêt le mène. Le talent mène plus souvent à la réputation qu'à la fortune. Le jeu mène loin.

MENER signifie encore, en parlant des Choses, Administrer, diriger. Mener la maison, le ménage. Mener une négociation, une affaire. Une affaire bien menée. Fam., Mener rondement une affaire, La traiter avec activité, avec promptitude, sans trop s'attacher aux détails. Mener une vie sainte, une vie honnête, une vie exemplaire, une vie scandaleuse, Vivre saintement, honnêtement, de manière exemplaire, scandaleusement, etc. Mener un train, un grand train, grand train. Mener la vie à grandes guides. Voyez TRAIN, GUIDE. Fig., Mener grand deuil de quelque chose, En être fort attristé. Fam., Mener grand bruit, Faire grand fracas. Par extension, Mener loin quelqu'un, lorsqu'il s'agit de choses qui se dépensent ou se consomment, signifie Fournir longtemps aux besoins de quelqu'un, lui durer longtemps. Ces provisions peuvent encore nous mener loin. Il s'emploie plus ordinairement avec la négation. Cet argent ne le mènera pas loin, pas bien loin, guère loin. Ces munitions ne nous mèneront pas loin, ne peuvent nous mener bien loin. On dit absolument Cela ne mène pas loin.

Littré (1872-1877)

MENER (me-né. La syllabe me prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je mène, je mènerai) v. a.
  • 1Faire aller, en allant soi-même d'un lieu à un autre. Menez-moi chez moi dans votre voiture. Mener une femme par la main. La dame du logis me mène au lieu secret, Régnier, Sat. X. Ne soyez point en peine où je vais vous mener ; C'est un logement sûr que je vous fais donner, Molière, Éc. des fem. V, 3. [L'ode] Mène Achille sanglant aux bords du Simoïs, Boileau, Art p. II. Je voudrais donc, seigneur, que ce mortel heureux… Aux yeux de vos sujets dans Suse fût mené, Racine, Esth. II, 5. Olympie en triomphe aux dieux sera menée, Voltaire, Olymp. II, 1. J'avais autrefois un père qui était grondeur comme M. Grichard… je menai mon père au Grondeur [comédie], je priai l'acteur d'ajouter ces propres paroles [prononcées par le père de Voltaire dans une gronderie] à son rôle, et mon bonhomme de père se corrigea un peu, Voltaire, Lett. Laharpe, 28 juin 1772.

    Il se construit avec un infinitif. Le charton n'avait pas dessein De les mener voir Tabarin, La Fontaine, Fabl. VIII, 12. Ah ! s'écria la bûcheronne, pourrais-tu bien toi-même mener perdre tes enfants ? Perrault, Contes, le petit Poucet.

    Fig. et populairement. Mener quelqu'un par un chemin où il n'y a pas de pierres, le poursuivre vivement, ne pas le ménager.

    Mener les ennemis battant, les obliger à se retirer précipitamment, et les poursuivre dans leur fuite.

    Le sens de la locution est mener les ennemis, leur faire la conduite avec hâte et activité ; on disait autrefois : le messager vint battant ; voy. BATTANT, à l'historique.

    Fig. et familièrement. Mener quelqu'un battant, tambour battant, remporter sur lui l'avantage en peu de temps, le forcer à faire ce qu'on veut.

    Fig. Mener se dit d'un maître qui instruit son élève. Il se mit en état d'aller trouver un maître de mathématiques, qui lui promit de le mener vite et lui tint parole, Fontenelle, Hartsoeker.

    Terme de féodalité. Mener bannière, réunir le ban du fief, exercer le droit de banneret.

  • 2 Par extension. Ce chemin mène à tel endroit, on va par ce chemin à tel endroit. Sur un chemin qui mène D'un rivage du Tibre au quartier de Porsenne, Du Ryer, Scévole, II, 2. Ce salon, qui conduit à ceux de Nicéphore, Mène aussi chez Irène, Voltaire, Irène, II, 1.

    Fig. Si je suis un hypocrite, je suis un sot ; car il faut l'être beaucoup pour ne pas voir que le chemin que j'ai pris ne mène qu'à des malheurs dans cette vie, Rousseau, Lett. à l'archev. de Paris.

  • 3Conduire chez quelqu'un, introduire, donner accès. Menez-moi chez le ministre. Ma nièce de Bussy est veuve ; son mari est mort d'une horrible fièvre ; la maréchale de Schomberg veut que je l'y mène [chez cette nièce] après dîner, Sévigné, 293. L'abbé de Châteauneuf me mena chez elle [Ninon de Lenclos] dans ma plus tendre jeunesse ; j'étais âgé d'environ treize ans ; j'avais fait quelques vers qui ne valaient rien, mais qui paraissaient fort bons pour mon âge, Voltaire, Mél. litt. sur Mlle de Lenclos.
  • 4Faire danser certaines danses, comme les branles où tous les danseurs imitent ce que le premier a fait. Le roi dansera, et Monsieur mènera Mlle de Blois, pour ne pas mener Mademoiselle sa fille qu'il laisse à M. le Dauphin, Sévigné, 182. Tout était préparé pour le bal ; le roi mena la reine, Sévigné, 15. Il vint le prier de mener la Blake, Hamilton, Gramm. 7.

    Mener la danse, être à la tête de ceux qui dansent. Vertumne avec Zéphyr menait des danses éternelles, Chateaubriand, Génie, II, V, 1.

    Dans le même sens, mener le branle.

    Fig. Mener le branle, mener la danse, être le premier à faire quelque chose. C'est à vous de mener le branle.

  • 5Conduire par force en quelque endroit. On le menait en prison, au supplice. On te mène égorger, innocente victime, Mairet, Marianne, IV, 4. Qu'on me mène à la mort, je n'ai plus rien à dire, Corneille, Poly. IV, 4. Le roi est mené de captivité en captivité, et la reine remue en vain la France, la Hollande, la Pologne même et les puissances du Nord les plus éloignées, Bossuet, Reine d'Anglet. Où menez-vous ces enfants et ces femmes ? Racine, Athalie, III, 7.

    Fig. C'eût été un soutien sensible à une âme comme la sienne d'accomplir de grands ouvrages pour le service de Dieu ; mais elle est menée par une autre voie, par celle qui crucifie davantage…, Bossuet, Anne de Gonz.

    Fig. et familièrement. Mener quelqu'un à la baguette, le traiter avec hauteur, lui faire faire par autorité ce qu'on veut.

  • 6Être à la tête de, faire marcher. Mener une troupe. Horace, qui menait le reste des Romains, Se retourne vers eux, leur fait signe des mains, Du Ryer, Scévole, I, 3. Voilà celui qui nous menait dans les hasards, Bossuet, Louis de Bourbon. C'est [une armée] un assemblage confus de libertins qu'il faut assujettir à l'obéissance, de lâches qu'il faut mener au combat, de téméraires qu'il faut retenir…, Fléchier, Turenne.

    Fig. Mener des troupes à la boucherie, les exposer à une mort presque certaine.

    Mener le deuil dans une cérémonie funèbre, être à la tête des parents, des amis, de toutes les personnes qui forment le cortége. Qui de nous n'a mené le deuil autour d'un tombeau, n'a fait retentir le cri des funérailles ? Chateaubriand, Mart. XXIV. Autour du froid tombeau d'une épouse ou d'un frère Qui de nous n'a mené le deuil ? Hugo, Odes, I, 2.

    Un air à mener un mort en terre, air triste, lugubre, ennuyeux.

    Familièrement. Mener la bande, être le chef d'une association d'intérêt ou de plaisir.

    On dit dans le même sens : C'est lui qui mène les autres.

  • 7En parlant des animaux, les conduire. Mener les bêtes aux champs. Mener paître des vaches. Menons-en une [oie] en notre bois, J'aurai soin de la faire paître, La Fontaine, Oies.

    Mener les chiens à l'ébat, les mener promener.

    Mener de front trois chevaux, quatre chevaux, guider trois chevaux, quatre chevaux attelés sur une même ligne.

    Fig. Mener de front plusieurs affaires, les conduire à la fois.

    Mener de front plusieurs sciences, les cultiver en même temps.

    On dit dans un sens analogue : Il mène de front les affaires et les plaisirs, c'est-à-dire il a beaucoup d'affaires et beaucoup d'amusements.

    Terme de chasse. Mener la quête, faire une battue pour trouver la perdrix.

    Terme de manége. Mener son cheval en avant, lui faire continuer son allure quand il paraît vouloir la ralentir. Mener un cheval droit, le placer de manière que ses épaules et ses hanches soient sur la même ligne. Mener un cheval en main, le conduire sans être monté dessus.

    Absolument. Le pied qui mène, se dit du pied droit de devant du cheval. Mener sur le bon pied, se dit du cheval qui, pour galoper, part du pied droit de devant.

  • 8Conduire, en parlant des voitures de terre et d'eau. Mener une charrette, un carrosse, un cabriolet. Ces gens menaient un bateau.

    Absolument. J'ai un cocher qui mène bien, qui mène grand train. Mme de Roselle : Vous êtes postillon ? - Le postillon : Madame, à vous servir ; Et chacun vous dira que je mène à ravir, Collin D'Harleville, Optimiste, IV, 16.

    Fig. Mener bien sa barque, conduire bien ses affaires.

  • 9Mener, se dit d'un voiturier, d'un batelier qui conduit des voyageurs. Il [un batelier lors de la fuite de la femme de Jacques II] ne croyait mener que des gens du commun, comme il en passe souvent [d'Angleterre en France], Sévigné, 24 décembre 1688.

    Voiturer. Mener du blé au marché, du bois par bateau.

  • 10Se faire accompagner ou suivre, emmener, amener. Il mène bien des gens à sa suite. Il mena tout son monde avec lui. Le roi mène peu de troupes et la moitié de sa garde, Sévigné, 5 avr. 1687. Votre enfant était chez Mlles de Castelnau… il avait mené un hautbois, on y dansa jusqu'à minuit, Sévigné, 10 janv. 1689. Mme du Puy-du-Fou ne veut pas que je mène la petite enfant ; elle dit que c'est la hasarder, Sévigné, 20 mai 1672.
  • 11Être cause qu'on suive, qu'on aille après. Ce voleur s'est enfui, il a mené loin les gendarmes qui le poursuivaient.

    Fig. La première chose qui saisit mon imagination la mène si loin, que cela compose souvent une loge des Petites-Maisons, Sévigné, 17 juill. 1680. Une de nos folies a été de souhaiter de découvrir tous les dessous de cartes… cette folie nous mena bien loin, et nous divertit fort, Sévigné, 24 juill. 1675.

    Fig. Ceci me mènerait trop loin, m'écarterait de mon sujet.

    Fig. Mener loin, entraîner à des conséquences compromettantes. Ceux qui prendront les tours d'esprit pour des faits et toutes les belles paroles pour des vérités n'ont qu'à se livrer à M. de Cambrai [Fénelon] : il saura les mener loin, Bossuet, Rem. sur la rép. à la rel. quiét. avant-propos.

    Fig. Mener loin, faire courir de grands risques, impliquer dans une grave affaire. On peut vous mener loin avec de pareils gages, Molière, Tart. V, 1.

    Fig. Mener loin, avec un nom de chose pour sujet, compromettre, exposer à des difficultés, à des périls. La signature qu'il a donnée peut le mener loin. Le jeu, les femmes mènent loin, bien loin. Il ne faut jamais s'écarter de ses principes ; le contraire pourrait mener loin, Genlis, Ad. et Théod. t. III, p. 150, dans POUGENS.

    Fig. Mener loin, lorsqu'il s'agit de choses qui se dépensent ou se consomment, signifie fournir longtemps du secours à quelqu'un, lui durer longtemps. Ces provisions, cet argent peuvent encore nous mener loin. Cela ne put le mener loin, et il demeura bientôt sans ressource, Lesage, Diable boit. ch. 20, dans POUGENS. Fig. Exercer sur quelqu'un une action comparée à celle d'un homme qui en mène un autre, le gouverner, lui faire faire ce qu'on veut. Allez, allez, il ne faut pas se laisser mener comme un oison, Molière, l'Am. méd. I, 4. Il faut pourtant paraître ferme au premier choc, de peur que, sur votre faiblesse, il ne prenne le pied de vous mener comme un enfant, Molière, Fourb. de Scap. I, 4. Il y a de certains esprits… qu'on ne mène qu'en tournant où l'on veut les conduire, Molière, l'Avare, I, 8. Dans la société, c'est la raison qui plie la première : les plus sages sont souvent menés par le plus fou et le plus bizarre, La Bruyère, V. Pour se laisser mener sans résistance, Fénelon, Tél. VII. Il [Marlborough] menait le parlement par son crédit et par celui de Godolphin, grand trésorier, Voltaire, Louis XIV, 18. Au fond, elle vous mène, en vous semblant soumise, Gresset, Méchant, I, 2. Mes amis et mes connaissances menaient cet ours si farouche comme un agneau, Rousseau, Confess. VIII. On ne connaît point les préjugés quand on les adopte, et l'on ne mène point le peuple quand on lui ressemble, Rousseau, Ém. III. Le point le plus essentiel dans l'art de mener les esprits, c'est de leur cacher qu'on les mène, Marmontel, Cont. mor. Fem. com. peu.

    Mener quelqu'un par la lisière, à la lisière, le conduire, le gouverner comme un enfant.

    Mener quelqu'un en laisse, en disposer à son gré, le conduire comme on veut.

    Mener quelqu'un par le nez, abuser de l'ascendant qu'on a sur quelqu'un ou de sa faiblesse d'esprit pour lui faire faire tout ce qu'on veut. Vous… Et vous faites mener en bête par le nez, Molière, F. sav. II, 9. Vous me pensiez mener par le nez comme un ours, Th. Corneille, D. Bertr. de Cigaral, V, 9. C'est un sot, un benêt que je mène par le nez plus facilement que mes chevaux par la bride, Legrand, Galant coureur, sc. 13. (Cette locution est prise de l'usage de conduire certains animaux, les ours, les buffles, à l'aide d'un anneau passé dans le nez).

    C'est un homme à mener par le nez, c'est un homme faible, crédule, sans caractère. Qu'est-il besoin pour lui du soin que vous prenez ? C'est un homme, entre nous, à mener par le nez, Molière, Tart. IV, 5.

  • 12 Fig. Agir envers quelqu'un de telle ou telle façon, le traiter de telle ou telle façon. Mener doucement quelqu'un. C'est un enfant timide, menez-le doucement. Il le mena fort rudement.

    Mener rudement, faire subir de grandes pertes, en parlant d'actions militaires. Les Perses menaient rudement la cavalerie thessalienne, Vaugelas, Q. C. III, 11.

    Familièrement. Mener quelqu'un rudement, le mener comme il faut, lui donner bien de la peine, lui susciter bien des affaires.

    Familièrement. Mener quelqu'un bon train, de la belle manière, le traiter sans ménagement. Je mène tous ces faquins-là assez bon train, Voltaire, Lett. d'Alembert, 25 août 1759. Le préfet s'est avisé d'y trouver à redire ; là-dessus nous l'avons mené de la belle manière, Courier, 2e lettre particul.

    Mener follement, se moquer par des plaisanteries qui font beaucoup rire. J'ai dîné avec le coadjuteur, il se plaint de la cruauté de l'abbé qui l'a laissé seul à Paris ; le pauvre homme ! sans amis, sans connaissances, sans maisons, ne sachant où donner de la tête ; nous avons mené assez follement cette plainte, Sévigné, 15 août 1677.

    Il se dit des souffrances qu'infligent les maladies. Il [M. de Grignan] a été mené quatre ou cinq jours fort rudement de la colique et de la fièvre continue, avec deux redoublements par jour, Sévigné, 1er déc. 1690.

    Mal mener, voy. MALMENER.

    Cette médecine l'a mené doucement ou rudement, elle l'a peu ou beaucoup tourmenté, en le purgeant.

  • 13 Fig. Amuser par des paroles, par des espérances. Il y a six mois que vous me menez sans que je voie aucun effet de vos promesses.
  • 14 Fig. Il se dit des choses que l'on fait aller, dont on tient la conduite, le fil. [Il] Mena si bien la fourbe et la tint si secrète…, Mairet, Soliman, V, 11. Envieux l'un de l'autre, ils mènent tout par brigues, Que leur ambition tourne en sanglantes ligues, Corneille, Cinna, II, 1. Mme de Monaco mène cette affaire, Sévigné, 163. Il faut mener les choses avec douceur et prudence, Bossuet, Lett. abb. 103. C'est vous, à ce qu'on dit, qui menez cette intrigue, Regnard, Démocrite, IV, 5.

    Mener à bien, terminer, achever heureusement une chose. Ce n'est rien d'entreprendre une chose dangereuse ; mais d'échapper au péril en la menant à bien…, Beaumarchais, Mar. de Fig. I, 1.

    Familièrement. Mener rondement une affaire, la traiter avec activité sans trop s'attacher aux détails.

    Mener une vie…, vivre d'une certaine façon. Ils mènent une vie avec tant d'innocence, Corneille, Poly. V, 6. Je suis presque toujours enfermé dans un cabinet où je mène la vie d'un savant, Montesquieu, Lett. pers. 142. Vous devez mener une vie très heureuse : vous vivez avec les belles-lettres, la philosophie, tous les arts, Voltaire, Lett. d'Argens, 20 déc. 1736.

    Mener un train, un grand train, grand train, faire beaucoup de dépense, vivre avec faste.

    Mener un train, signifie aussi se conduire d'une certaine façon. Et vous menez sous cape un train que je hais fort, Molière, Tart. I, 1.

    Familièrement. Mener grand deuil de quelque chose, en être fort attristé.

    Mener beau bruit, grand bruit, faire beaucoup de bruit. Et elles [des personnes en société] mènent un si grand bruit, que, bien souvent, elles n'entendent plus ce qu'elles disent, Scudéry, Convertions, De la conversation.

    Mener la parole, s'en servir habilement. Elle mena la parole si bien, si vigoureusement, si capablement, qu'il [le chevalier] en fut ravi pour une demi-heure, Sévigné, 13 déc. 1688.

    Mener les bras, travailler à force de bras.

    Mener les mains, se battre.

    Dans le langage familier, mener guerre, faire la guerre, guerroyer. En ce temps-là, le bon Belus, Suivi de soldats résolus, Menait guerre très violente, Scarron, Virg. I.

    Mener la table, se dit, chez les cartiers, pour assortir les cartes et les diviser par jeux.

  • 15 Terme de géométrie. Mener une ligne d'un point à un autre, tracer une ligne qui joigne ces deux points.
  • 16Mener, avec un nom de chose pour sujet, se dit de ce qui est cause qu'on vient. Mais quelle occasion mène Évandre vers nous ? Corneille, Cinna, I, 3. Je suis ici venu… - Sans m'en faire récit, Je sais ce qui vous mène…, Molière, Éc. des femm. V, 7.
  • 17 Fig. Il se dit de ce qui achemine vers un terme, y fait aller. Qu'aisément l'amitié jusqu'à l'amour nous mène ! C'est un penchant si doux qu'on y tombe sans peine, Corneille, Héracl. III, 1. L'idée du bonheur nous mène à Dieu, Bossuet, Conn. IV, 6. On est presque toujours mené par les événements, et rarement on les dirige, Voltaire, Louis XV, 4. Les lumières et les vertus n'y mènent à rien de distingué, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

    Absolument. Le crime mène à l'échafaud. La débauche mène à la misère. Une religion [la chrétienne]… qui est faite pour mener sans cesse du repentir à l'amour et de l'amour au repentir, Montesquieu, Esp. XXIV, 13. Trop de respect souvent mène à l'ingratitude, Voltaire, Mahom. III, 3. C'est pourtant là, milord, que mène l'inconduite, Delavigne, les Enfants d'Édouard, II, 3.

    Cela ne mène à rien, on n'en saurait tirer aucun avantage.

  • 18 Fig. Il se dit aussi des motifs qui font agir. Change, pauvre abusé, change de batterie, Conte ce qui te mène, et ne t'amuse pas à perdre innocemment tes discours et tes pas, Corneille, la Veuve, I, 1. Pour moi, je serais très fâchée d'être consolée ; je ne me pique ni de fermeté, ni de philosophie ; mon cœur me mène et me conduit, Sévigné, 125. Au lieu d'écouter son cœur qui la menait bien, elle écouta sa raison qui la menait mal, Rousseau, Confess. V. À dix ans, il est mené par des gâteaux ; à vingt par une maîtresse ; à trente par les plaisirs ; à quarante par l'ambition ; à cinquante par l'avarice, Rousseau, Ém. V.
  • 19 Terme d'horlogerie. Se dit de l'action de la dent d'une roue qui presse l'aile d'un pignon.
  • 20Se mener, v. réfl. Conduire soi-même sa voiture. La mode dans ce temps-là parmi les dames était de voyager sans laquais et sans cocher, et de se mener elles-mêmes, Voltaire, Crocheteur borgne.
  • 21 Fig. Se mener, être dirigé, conduit, en parlant de choses, d'affaires, etc. Je ne vous parlerai pas de ces commerces dangereux, ni de ces intrigues qui se mènent parmi les ténèbres, Bossuet, 3e sermon, Circoncision, 3. Cela se mène d'une manière qu'il n'est pas possible de vous en rien dire, Bossuet, Lett. 153. Mais cette affaire-ci s'est menée un peu vite, Collin D'Harleville, Chât. en Espagne, IV, 5.

PROVERBES

C'est le monde renversé, la charrue mène les bœufs.

C'est un aveugle qui mène l'autre, se dit lorsqu'un homme de peu d'esprit et de sens entreprend de conduire un autre homme qui n'en a pas plus que lui.

Tout chemin mène à Rome, on peut arriver à un but par différents moyens.

HISTORIQUE

XIe s. S'il le pot truver, sil [ainsi le] merra [mènera] à la justice, Lois de Guill. 4. Emprès lui dient : sire, car nous menez, Ch. de Rol. XXVI. Recreans ert [il sera] de la guerre mener, ib. LXX. En France douce [elle] ert [sera] menée caitive [prisonnière], ib. CCLVIII.

XIIe s. Si coiement ai ma dolor menée, Qu'à mon semblant ne la reconnoiston, Couci, VI. Si j'atendrai… Joie d'amour, se bonheur m'i maine, ib. XI. Nuls ne nous faisoit guerre, ne ne menoit dangier, Sax. XVI. Menez vostre ost banie [votre armée avec ses bannières], Ronc. p. 11. Hui perdra Charles l'orgueil qu'il seut [a coutume] mener, ib. 70. Grant joie menent la pute gent turquée, ib. 118. Mes humes les abaterunt [les arbres] al bois de Liban, e al ewe les merrunt, e en la nef les chargerunt, Rois, p. 243.

XIIIe s. Or menrez vous honteuse vie ci, Hues D'Oisi, Romanc. p. 103. Puis fu un jor qu'ele li dit : amis, Par paroles vous ai mené mains dis [jours], Quesnes, Romanc. p. 107. Et li nostre leur corurent sus, et les menerent si près de la porte, que on lor gietoit grant fais de pierres sor les cors, Villehardouin, LXXV. De son païs [il] i fu menés mout très petiz, Berte, V. Grant paour [elle] ot du vent qui menoit trop grant bruit, ib. XXXVI. Se vous voulez la serve par no conseil mener [faire de la serve ce que nous vous conseillons], ib. XCVII. Tant [elle] a le roi Pepin par paroles mené, Qu'ens al manoir Symon sont tuit ensemble entré, ib. CXIV. Et il est clere coze et aperte que li parastres ou le [la] marrastre mainent malvese vie as enfans, Beaumanoir, XXI, 15. Li clers qui se vit de benefices de sainte Église ou de son patrimoine, sans nule marceandise mener, Beaumanoir, XI, 36. Mene-toi bel selonc ta rente, De robes et de chaucemente, la Rose, 2151. Vous avez tort vers cel amant, Quant par vous est si mal menez, ib. 3272. Il est fos [fou] qui maine dangier [fait l'orgueilleux, le violent] Vers cil qu'il deüst losengier, Et qu'il convient à suploier, ib. 1897. Mès se de mon conseil usés, Jà d'eus prier ne vous penés, Se la chose à fin ne menés, ib. 7644. Qui sauroit quel vie ge moine, Il en devroit grant pitié prendre, ib. 3960. Fox [fou] est cil qui menra O [avec] soi quanque il a [tout ce qu'il a], Ce dit Salemons, Marcoul et Salemon, ms. de St-Germ. f° 116, dans LACURNE.

XIVe s. Aucunes choses qui ont esté touchées nous mennent à faire une question, Oresme, Eth. 22. Sachent les autres faire beaux ymaiges, les autres bien mener les causes, les autres astrollogie, Oresme, ib. Prol. Onques n'i ot porcel ne s'en venist courant à la porte tout droit, telle vie menant Qu'on n'i oïst tonner le Pere tout-puissant, Guesclin. 1239.

XVe s. Mon neveu le roi à present a conseil de lez lui que il croit plus que soi-mesme ; et ce conseil le mainne ainsi qu'il veut, Froissart, II, III, 72. Si les assaillirent de grand courage [un corps de troupes resté en arrière], et les menerent tellement qu'ils en tuerent bien la moitié, Froissart, I, I, 112. Vueillez à mon cueur accorder, Sans par parolles le mener, Orléans, Ball. 48. Chascun jour se menoient de petiz marchez pour soustraire gens l'ung à l'autre, Commines, I, 9.

XVIe s. Jettez en le corps où vous voudrez ; car quant à moy, je n'en veux mener ny porter autre deuil, Amyot, Publ. 27. Combien qu'elle [Aspasie] menast un train qui n'estoit gueres beau ny honneste, Amyot, Péricl. 46. Il les mena batant jusque dedans leur camp avec grand meurtre, Amyot, Fab. 20. Ce procès tant mené et qui encore dure, Lequel des deux vault mieulx, ou l'art, ou la nature, Du Bellay, J. II, 79, recto. Les princes sont menez et ramenez en leurs mouvements par les mesmes ressorts que nous sommes aux nostres, Montaigne, II, 191. Nous usons de ce mot de mouton par translation, non pas tant pour un sot que pour un qui a cette simplicité antique, et y va à la bonne foy (comme on dit par proverbe) qui se laisse mener par le nez, H. Estienne, Apol. pour Hérod. p. 21, dans LACURNE. Qui femme croit et asne meine, son corps ne sera jà sans peine, Cotgrave Et commençasmes à mener à bon escient les mains, Montluc, Liv. I (éd. du Panthéon, p. 25) Vous nourrissez vos enfants, à fin qu'il [le tyran] les mene, pour le mieulx qu'il face, en ses guerres, qu'il les mene à la boucherie, La Boétie, Servitude volontaire.

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Étymologie de « mener »

Wallon, miner, à l'ind. présent sing. mône ; provenç. menar ; espagn. menear ; ital. menare ; du lat. minare, mener ; comp. l'anc. haut allem. menen, l'anc. frison mena, le bas-saxon mennen, mener. Il faut remarquer qu'en latin minare ne se dit dans le sens de mener que des troupeaux, des animaux.

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(Xe siècle) Du latin minari (« menacer ») qui, en bas latin, a pris le sens de « pousser, mener les bêtes en les menaçant ».
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Phonétique du mot « mener »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
mener mœne

Fréquence d'apparition du mot « mener » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « mener »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « mener »

  • L'homme s'agite, mais Dieu le mène.
    François de Salignac de La Mothe-Fénelon — Sermon sur la vocation des gentils
  • La femme la plus sotte peut mener un homme intelligent ; mais il faut qu'une femme soit bien adroite pour mener un imbécile.
    Rudyard Kipling — Simples contes des collines
  • Autrefois on cherchait des armées pour les mener combattre dans un pays. A présent on cherche des pays pour y mener combattre des armées.
    Montesquieu — Réflexions sur la monarchie universelle en Europe
  • La vie est lunatique et se plaît à mener les événements comme une fantaisie, sans rime ni raison.
    Roland Dorgelès
  • A vouloir tout mener de front, on n'est bon nulle part.
    Robert Nagy
  • Mener quelque chose ? C'est peut-être un but. Se mener soi-même paraît l'essentiel.
    J.-Léopold Gagner — Un cri d'adolescent
  • La vie est un combat permanent qu’il incombe à chacun d’entre nous de mener.
    Abderrahmane Sissako — Evene.fr - Mai 2007
  • Ceux qui essaient de mener le peuple ne peuvent le faire qu'en suivant la foule.
    Oscar Wilde
  • Il faut mener les hommes avec des phrases plus qu’avec la raison.
    Alphonse Karr
  • La simplicité suffit pour mener une vie pauvre.
    Serge Bonnet et Bernard Gouley — Les ermites
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Traductions du mot « mener »

Langue Traduction
Anglais lead
Espagnol dirigir
Italien piombo
Allemand führen
Chinois
Arabe قيادة
Portugais conduzir
Russe вести
Japonais
Basque berunezko
Corse cunduce
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Synonymes de « mener »

Source : synonymes de mener sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « mener »

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Nombre de points du mot mener au scrabble : 7 points

Mener

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