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Envoyer

Définitions de « envoyer »

Trésor de la Langue Française informatisé

ENVOYER, verbe trans.

I.− [Le compl. désigne une pers.] Faire aller, partir vers un lieu, une situation, un travail. Envoyer qqn en corvée, en courses; envoyer un enfant en vacances, à la montagne. Si le ministre de la guerre (...) n'envoie sur le champ des hommes de l'art tracer un camp dans la position la plus propre à arrêter l'ennemi (Marat, Pamphlets, Marat, l'ami du peuple, aux braves Parisiens, 1792, p. 302).Dès que nous pûmes courir, il nous envoya à l'école (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 93):
1. ... j'avais tout d'abord songé à envoyer en Russie une mission spéciale composée d'officiers et d'ingénieurs français... Joffre, Mémoires,t. 2, 1931, p. 176.
Envoyer + attribut du compl. d'obj. dir.J'ai eu une tentation (...) de l'envoyer ambassadeur en Russie (Chamfort, Caract. anecd.,1794, p. 116).Je l'envoie en éclaireur franchir les rangs de l'ennemi (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 745).
Vieilli. Envoyer qqn pour + inf.Ceux qu'on envoie pour administrer les colonies (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 282).
Fam. [Le suj. désigne une maladie] Envoyer qqn au lit. L'obliger à se coucher. Dimanche soir si après son départ le mal ne m'avait terrassé au point de m'envoyer au lit (Du Bos, Journal,1927, p. 282).
A.− [Avec une idée de mission à remplir ou d'objectif à atteindre]
1. Domaine relig.[Le suj. ou le compl. d'obj. dir. désignent une puissance surnaturelle ou le destin] Jésus dira qu'à l'époque de la palingénésie, « le fils de l'homme enverra ses anges,... » (P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 854).Jeanne (...) avait rêvé cet homme, (...) ce protecteur que lui enverrait la providence (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 301).
Loc. fam. C'est le ciel qui vous envoie. Vous arrivez au moment opportun.
Rem. Attesté ds Rob., Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.; non attesté ds la documentation.
2. Domaine profane
Envoyer qqn chez, à qqn.Maurice, s'écria le moribond (...) voici sept ou huit fois que je vous envoie chez mon avoué (Balzac, Gobseck,1830, p. 431).Je vais tâcher de t'envoyer des clientes, de lancer un peu ta maison, et puis tu verras, tout s'arrangera (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 189).
Emploi pronom. réciproque. Les peuples italiens se liguaient entre eux, et s'envoyaient des ôtages (Michelet, Hist. rom.,t. 2, 1831, p. 170).
Absol., vieilli. Il [Cabarrus] est arrêté en route; impossibilité d'aller plus avant. Il parlemente, s'obstine; bref, on envoie à Madrid (Delacroix, Journal,1854, p. 180).Le préfet envoya aussitôt au maréchal Victor, commandant le corps d'armée, pour se plaindre et demander justice des soldats qui avaient vexé et violenté les habitants (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 8, 1863-69, p. 183).
Mod. Envoyer + inf.On peut envoyer chercher le maire (Audiberti, Ampélour,1937, p. 107).J'envoyai prévenir M. Paul Reynaud (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 67).
3. Domaine pol.,,Nommer pour une fonction. Paris envoie tant de députés à la Chambre`` (Ac. 1878-1932) :
2. Qu'on fasse donc élire au plus tôt une chambre et un sénat qui nommeront leurs présidents, enverront à l'Élysée un politique dépourvu de relief... De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 261.
B.− Péjoratif
1. [Avec une idée d'action pénible] Loc. Envoyer qqn à la mort, à l'échafaud, à la guillotine, dans l'autre monde, ad patres. Le faire mourir ou l'exposer à un grand péril. Vous venez d'avouer que vous aviez assassiné Venture. Le témoignage du docteur et celui de monsieur suffiront pour vous envoyer à l'échafaud (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 424).
Fam. Envoyer qqn sur les roses, au (à tous les) diable(s), au bain, à la balançoire, aux pelotes; envoyer qqn promener, paître, bouler, dinguer, balader. Se débarrasser de façon expéditive et cavalière d'une personne gênante. Il était moins cinq que je l'envoie paître (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 888).Ils m'envoient promener exactement comme on envoie promener son père (Green, Journal,1947, p. 135).
2. [Avec une idée d'action violente; souvent suivi d'un inf.] Faire aller violemment quelqu'un à terre ou contre un obstacle en le frappant. Elle voit un apprenti qui envoie d'un grand coup de pied un chat dans la rue (France, Bonnard,1881, p. 493).D'un estoc de ce fort bâton pointu, il l'envoya (...) rouler par la salle (Pourrat, Gaspard,1925, p. 147).Gomar l'envoya s'affaler contre le mur, d'un revers de main (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 127).
II.− [Le compl. désigne des choses] Faire partir quelque chose.
A.− [Le suj. désigne une pers.]
1. [À travers l'espace] Faire partir à une certaine distance une chose à laquelle on a communiqué une énergie.
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne qqc. de concr.; avec ou sans violence] Envoyer une balle dans l'épaule de qqn; envoyer des obus, une pierre dans une vitre, un ballon dans les buts. Ne serait-ce pas le cas de tout prendre par les quatre coins, et d'envoyer pêle-mêle au plafond la nappe et le festin (Hugo, Homme qui rit,t. 2, 1869, p. 39).Le vieux empoignait son sabot, et faisait mine de le lui envoyer par la tête (Pourrat, Gaspard,1930, p. 176).Le dilettante Horia Pietraru qui, à dix-huit ans, envoyait le poids de 7 kg 27 g à plus de 14 mètres (L'Œuvre,11 mars 1941).
Emploi pronom. réfl. indir. et réciproque. La malheureuse femme (...) s'est envoyé une balle dans le cœur (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p. 172).Des débardeurs (...) s'envoient à la figure des merlans pourris (Morand, Londres,1933, p. 304).
Loc. fam. Envoyer qqn promener, au (à tous les) diable(s). S'en débarrasser, l'abandonner. Les matins, je me débats avec Poussin (...) Tantôt je veux envoyer tout promener, tantôt je m'y reprends avec une espèce de feu (Delacroix, Journal,1853, p. 43).Je crevais la faim. Alors, j'ai envoyé la peinture à tous les diables, et j'ai cherché un emploi (Zola, Th. Raquin,1867, p. 27).
Spéc., MAR. ou ARM. Envoyer les couleurs. Hisser le pavillon national afin de lui rendre les honneurs. Envoyez! Mot d'ordre donné pour hisser les couleurs :
3. Mikkelsen me montra le Cap Dalton et les terres qui lui succédaient. (...) Malgré l'heure matinale je fis envoyer les couleurs, saluant la mémoire de nos braves compatriotes morts en la découvrant. Charcot, La Mer du Groënland,1929, p. 154.
b) Fam. [Le compl. d'obj. dir. désigne un coup] Envoyer un coup de coude, de poing, de pied. Moi qui ai la main leste, j'ai parfois du mérite à ne pas lui envoyer une gifle quand il commence ses doléances à propos de tout (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 348).
Emploi pronom. réciproque. Des hommes s'envoyaient des bourrades dans le dos (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 42).
2. En partic. [Par un intermédiaire] Faire partir, parvenir quelque chose à quelqu'un par l'intermédiaire d'une personne ou d'un service public (P. et T., S.N.C.F., etc.). Envoyer une lettre, sa démission, de l'argent, ses condoléances. Messire de Luxembourg (...) envoya ordre au seigneur de Croy de lui livrer son frère le bâtard (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24, p. 284).J'accepte avec empressement l'offre que vous voulez bien me faire, et je vous envoie tous mes vœux de succès (Hugo, Corresp.,1867, p. 85).Augustin et moi, (...) nous pensons de la même façon là-dessus... Envoyez du blé en Russie, MmeCavrois. Envoyez vos blés d'Artois! (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 65):
4. ... je vous expédie par mandat postal la somme de 128 fr. 30 dont vous voudrez bien m'envoyer quittance pour solde de tout compte. Bloy, Journal,1903, p. 199.
SYNT. Envoyer une carte postale, un journal, un télégramme, un bouquet de fleurs, une invitation, un défi, un contre-ordre, sa photographie; envoyer ses respects, ses cordialités; envoyer copie de qqc.; envoyer qqc. en poste restante.
Loc. fam. Il ne le lui a pas envoyé dire. Il le lui a dit sans intermédiaire et sans détours.
Rem. Attesté ds Lar. encyclop., Lar. Lang. fr. et Rob.; non attesté ds la documentation.
Emploi pronom. réciproque. Ils s'envoyaient par un messager de confiance de tendres billets griffonnés à la hâte (Maurois, Ariel,1923, p. 189).
P. anal. Faire parvenir, adresser à quelqu'un un signe ou la manifestation d'un sentiment. Envoyer un coup d'œil, un bonjour, des sourires, des insultes. Envoyer un baiser. Embrasser sa main en la dirigeant vers la personne à qui est destiné le baiser. Il [Bois-Doré] avait envoyé à celui qu'il appelait maître Jovelin un de ces regards affectueux qui ressemblaient à des prières plus qu'à des ordres (Sand, Beaux MM. Bois-Doré,t. 1, 1858, p. 74).Bongrand, la face congestionnée, le geste inquiet, (...) leur envoya un salut (Zola, Œuvre,1886, p. 147):
5. Du train où j'y allais, j'en serais peut-être à mon quinzième vers aujourd'hui si j'avais su me retenir de leur envoyer leurs quatre vérités, à ces cochons-là. Aymé, Uranus,1948, p. 240.
En partic. et fam. Envoyer une maladie à qqn. La lui communiquer. « Va-t-en, ma petite mère, lui dis-je, n'entre pas. Je ne veux pas envoyer ma rougeole à Caroline » (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 305).
Emploi pronom. réciproque. Et toutes deux (...) s'envoyèrent à pleine gueule des hottées d'injures (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, En fam., 1881, p. 364).
B.− [Le suj. désigne une force surnaturelle ou une chose animée d'une force; l'obj. désigne une chose concr. à la disposition du suj. ou inhérente à lui] Faire parvenir. La marmite de fer, où cuit un ragoût de crabes au riz et au safran, lui envoie [à Dorothée], du fond de la cour, ses parfums excitants (Baudel., Poèm. prose,1867, p. 118).Elle [la mer asiatique] envoyait ensuite sur l'Afrique un bras qui submergeait le Sahara septentrional (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 188).Ainsi Dieu avait, par la mort du petit Nicolas, envoyé le signe et le commandement sans réplique (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 290).
C.− Familier
1. Emploi abs. Envoyez! (souvent la chose que l'interlocuteur tient en main). Donner, passer quelque chose.
2. Emploi pronom. réfl. indir.
a) S'envoyer un aliment, une boisson. L'avaler goulûment et avec plaisir. Et le madère que tu t'envoies, il te revient cher, celui-là? (Courteline, Le Madère,1897, p. 213).J'ai une de ces envies de m'envoyer une choucroute (Queneau, Pierrot,1942, p. 123).
Vulg. [En assimilant la pers. à une chose] S'envoyer une femme, un homme. Avoir des relations intimes. Son ami trouva qu'elle était [la petite bonne] bien roulée. « Tu es un petit veinard, conclut-il, à ta place, je me l'enverrais » (Sartre, Mur,1939, p. 191).Les prénoms en W sont rares. Il y a Wallis, comme la fille qui s'est envoyé un roi (H. Bazin, Bureau mariages,1951, p. 71).
b) S'envoyer un travail. Le faire bon gré, mal gré. À présent, pisque je m'envoye la suite de l'ouvrage, la paix (Carco, Équipe,1919, p. 76).S'il ne veut pas monter sur le cadre, eh bien! il s'enverra les huit kilomètres à pied (Mauriac, Pharis.,1941, p. 63).
[Le suj. désigne une chose animée d'une force motrice] Accomplir, faire. Tu t'rappelles d'la camionnette de Pépito?... Pépito l'a réparée n'importe comment (...) Mais elle roule! Elle s'envoie son trente à l'heure sans sourciller (Fallet, Banl. Sud-Est,1947, p. 149).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃vwaje], (j')envoie [ɑ ̃vwa]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Comme aboyer. Mais au fut. de l'ind. et au prés. du cond. j'enverrai(s) (alors que aboierai(s)). Rappelons que enverrai(s) ne l'a emporté sur enveierai(s), envoyerai(s), envoirai(s) qu'au xviiies. (cf. Grev. 1964, § 670). Étymol. et Hist. 1. Ca 980 enveied « faire aller (quelqu'un, quelque part) » (Passion, éd. d'A. S. Avalle, 19); 2. ca 1165 « lancer » (Chr. de Troyes, Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 398); 3. 1172 « faire parvenir (quelque chose à quelqu'un) » (Chr. de Troyes, Lion, 1621 ds T.-L.); 4. 1897 arg. pronom. en parlant d'une boisson, d'un repas, d'une femme (Courteline, loc. cit.). Du b. lat. inviare « marcher sur, parvenir ». Fréq. abs. littér. : 12 992. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 22 375, b) 27 212; xxes. : a) 15 591, b) 12 201. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 276. − Condeescu (N. N.). Les Connexions sém. de envoyer paître et envoyer au peautre. Recueil d'ét. du IXeCongrès internat. de ling. rom. Bucarest, 1959, pp. 287-289. − Dat. Amis lex. fr. Lex. dern. 1975, no1, p. 2. − Hotier (H.). Le Vocab. du cirque et du music-hall en France. 1973, p. 51. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 132, 240, 277.

Wiktionnaire

Verbe - français

envoyer \ɑ̃.vwa.je\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : s’envoyer)

  1. Faire partir quelqu’un ou faire porter quelque chose quelque part.
    • Mais le duc de Mayenne lui fit dire de prêcher plus modérément, sinon qu'il l’enverrait, cousu dans son froc , prêcher dans la rivière. — (Jean-Baptiste-Joseph Boulliot, Biographie ardennaise ou Histoire des Ardennais qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs vertus et leurs erreurs, Paris, 1830, vol. 1, p. 254)
    • Depuis sept ans, la Chine est coupée du monde extérieur, et c'est seulement maintenant que nous parviennent quelques microfilms. On dit que la Septième Symphonie de Chostakovitch a été envoyée en Amérique sur microfilms, mais personne ne nous a encore transmis, par microfilms, des renseignements sur la pénicilline. — (Robert Payne, Journal de Chine, traduit de l'anglais par Henri Morisset, Librairie Stock, 1950, page 129)
  2. (Absolument) Aller faire prendre des nouvelles de quelqu’un.
    • Il est malade, n’enverrez-vous pas chez lui ?
    • Envoyer demander quelque chose à quelqu’un.
    • Ai-je besoin de vous dire que depuis l'annonce de Dates [Un livre sur le point de paraître], je ne cesse d’envoyer chez Émile-Paul [Un éditeur] ? — (Marcel Proust, lettre à Jacques-Émile Blanche, 16 janvier 1921, dans : Jacques-Émile Blanche, Mes modèles, appendices, II ; Éditions Stock, Paris, 1984, page 252.)
  3. Nommer pour une assemblée.
    • Paris envoie tant de députés à la Chambre.
  4. (Religion) Dispenser des bienfaits ou des méfaits aux humains, en parlant du destin, de la providence, des déités, etc.
    • Les biens et les maux que Dieu, que le Ciel, que le destin nous envoie.
    • Dieu nous a envoyé des épreuves pour s’assurer de notre foi en lui.
  5. (Par analogie) Pousser, jeter, lancer hors de soi en parlant surtout des choses.
    • La lumière que le soleil nous envoie.
  6. (Familier) Projeter avec force.
    • Mais quand Habib, rendu furieux par un uppercut qui faillit l’envoyer à terre, se ressaisit et fonça bestialement sur l’homme au beau visage, le combat prit une allure saisissante. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • Envoyer un obus, une fusée.
  7. (Par extension) (Sport) Ouvrir une partie par un premier tir.
    • Allez, c’est moi qui envoie — (Maëster, Sœur Marie-Thérèse des Batignolles, Sur la Terre comme au ciel…, Fluide Glacial, 2004, ISBN 978-2858154012)
  8. (Figuré) Amener vivement.
    • Envoyer un bon mot, une pique acerbe.
  9. (Pronominal) (Populaire) Boire ; manger.
    • […] ; l'autre, son barda sur l'épaule, les chausses lui dégringolant le long des jambes, la tête rejetée en arrière et s'envoyant un jet de sa gourde dans le gosier, a l'allure épaisse et la trogne truculente d'un rustaud des Flandres. — (Rachel Valentino, La formation de la peinture française: le génie celtique et les influences, éd. G.P. Maisonneuve, 1936, page 307)
  10. (Pronominal) (Vulgaire) Posséder sexuellement.
    • Je suis libre… Rien ne compte que mon caprice… Je m’envoie un type quand ça me plaît… Et ça n’a pas d’autre importance… — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 158)
    • — Alors, reprit-il en se tournant vers Maillat, c’est ta môme ?
      — Je t’ai déjà dit non.
      — Ah ! dit le petit noiraud.
      Et il eut de nouveau l’air déçu.
      — Bon ! reprit-il, c’est pas ta môme. Mais tu vas te l’envoyer, hein ?
      — Non.
      — (Robert Merle, Week-end à Zuydcoote, 1949, réédition Le Livre de Poche, page 194)
    • Mais Jules César s’envoyait indifféremment des centurions, des patriciennes romaines et des reines d’Egypte [...]. — (Umberto Eco, Chroniques d’une société liquide, traduction Myriem Bouzaher, Grasset, 2017)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ENVOYER. (J'envoie; nous envoyons. J'enverrai. Envoie. Envoyez. Que j'envoie. Que j'envoyasse. Envoyant. Envoyé.) v. tr.
Faire partir quelqu'un ou Faire porter quelque chose. Envoyer un courrier, un exprès. Envoyer des émissaires. Envoyer un paquet par le chemin de fer. Les denrées que ce pays nous envoie. Les ennemis envoyèrent reconnaître la place. Absolument, Envoyer chez quelqu'un, Envoyer prendre de ses nouvelles. Il est malade, n'enverrez-vous pas chez lui? Envoyer demander quelque chose à quelqu'un. Fig. et fam., Envoyer quelqu'un au diable, à tous les diables, etc. Voyez DIABLE. On dit aussi, mais plus familièrement, Envoyer promener, envoyer paître. Fig. et fam., Envoyer dans l'autre monde, Faire mourir. Envoyer à la mort se dit d'une Sentence capitale, particulièrement lorsqu'elle est prononcée d'une manière sommaire. Le tribunal révolutionnaire envoyait à la mort une foule d'innocents. Il signifie aussi figurément Exposer quelqu'un à un très grand péril, à une mort presque certaine. Il signifie spécialement Nommer pour une assemblée. Paris envoie tant de députés à la Chambre. Il se dit aussi en parlant de Toutes les choses qui nous viennent ou qui sont supposées nous venir du ciel, de la Divinité, du destin. Les biens et les maux que Dieu, que le Ciel, que le destin nous envoie. Dieu nous a envoyé de la pluie, du beau temps, une bonne année. Il signifie, par analogie, Pousser, jeter, lancer hors de soi. Dans ce sens, on ne l'applique guère qu'aux Choses. La lumière que le soleil nous envoie. Il s'emploie familièrement dans le sens d'Amener vivement. En termes de Sports, Une balle bien envoyée. Fig., Un mot bien envoyé.

Littré (1872-1877)

ENVOYER (an-vo-ié ; plusieurs disent an-voi-ié), j'envoie, tu envoies, il envoie, nous envoyons, vous envoyez, ils envoient ; j'envoyais, nous envoyions, vous envoyiez ; j'enverrai ; j'enverrais ; envoie, envoyons, envoyez ; que j'envoie, que tu envoies, qu'il envoie, que nous envoyions, que vous envoyiez, qu'ils envoient ; que j'envoyasse ; envoyant ; envoyé v. a.
  • 1Mettre en voie, en chemin ; faire partir. Envoyer un courrier, un exprès. Ils se sont envoyé des présents. Et pour vous y conduire Assuérus m'envoie, Racine, Esth. III, 2. On m'envoie à Pyrrhus, j'entreprends ce voyage, Racine, Andr. I, 1.

    Par extension. Envoyer quelqu'un aux honneurs, l'envoyer là où il trouvera des honneurs. Prince que j'ai peine à quitter, à quelques honneurs qu'on m'envoie, Corneille, Œdipe, III, 1.

    Envoyer à la mort, remettre quelqu'un à ceux qui doivent lui ôter la vie.

    Fig. Envoyer à la mort, exposer à un péril mortel. Prononcer mon nom serait m'envoyer à la mort, Genlis, Théât. d'éduc. Zélie, v, 4.

    Fig. et familièrement. Envoyer promener, paître, coucher, c'est-à-dire renvoyer, congédier quelqu'un avec humeur, avec colère.

    Envoyer quelqu'un au diable, à tous les diables, le repousser avec colère, avec impatience.

    Envoyer dans l'autre monde, envoyer ad patres, faire mourir.

    Absolument. J'enverrai ce soir chez lui. De crainte qu'après moi vous n'eussiez envoyé, Corneille, Cinna, v, 3. La reine envoie en vain pour se justifier, Corneille, Rodog. I, 6. Pour dresser le contrat elle envoie au notaire, Molière, Fem. sav. IV, 7. On envoie aux nouvelles [on envoie chercher des nouvelles], Sévigné, 401. On envoie chez Pecquet, qui eut de moi des soins extrêmes ; on envoie chez l'apothicaire ; on envoie querir un demi-bain ; on envoie chercher de certaines herbes, Sévigné, 58. Elle envoie vers son père, La Bruyère, XIV.

    Envoyer avec un infinitif. On craignait qu'Amurat par un ordre sévère N'envoyât demander la tête de son frère, Racine, Baj. I, 1.

  • 2Faire porter. Envoyer une lettre, un ballot. Ils se sont envoyé un défi.

    Fig. Tu dois envoyer par avance Tes bonnes œuvres devant toi, Qui de ton juge et de ton roi Puissent préparer la clémence, Corneille, Imit. I, 23.

  • 3Lancer. La lumière que le soleil nous envoie.

    Terme de marine et de guerre. Envoyer un coup de canon. Envoyer une bordée. Il lui envoya un coup de fusil.

    Par extension. Envoyer un coup de pied, un soufflet, donner un coup de pied, un soufflet.

    Fig. Envoyer un mot piquant, adresser à quelqu'un un mot piquant.

  • 4Envoyer se dit quelquefois familièrement pour jeter à bas, renverser. Il l'envoya d'un coup de pied au bas de l'escalier.
  • 5 Fig. Faire parvenir. Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre pôle, Corneille, Tite et Bérén. II, 1. Marchons, et dans son sein rejetons cette guerre Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre, Racine, Mithr. III, 1. Ah ! qu'un seul des soupirs que mon cœur vous envoie, S'il s'échappait vers elle, y porterait de joie ! Racine, Andr. I, 4. La vue, privée des secours du tact, n'envoie à l'âme que des modifications simples qu'on nomme couleurs, Condillac, Trait. sens. Extr. rais. Œuvres, t. III, p. 33, dans POUGENS.
  • 6Il se dit de ce que l'on attribue à une volonté divine. Dieu nous a envoyé de grandes tribulations. Le ciel sait qu'au milieu des honneurs qu'il m'envoie Je n'attendais que vous pour témoin de ma joie, Racine, Bérén. I, 4.

    Par extension, il se dit, dans le même sens, de la nature, du sort, etc. N'ajoutons pas à tous les maux que la nature et la fortune peuvent nous envoyer la ridicule et inutile vanité de nous croire invulnérables, Fontenelle, Bonh.

  • 7Députer à une assemblée. Paris a envoyé un tel à l'assemblée.

    On l'a envoyé en province, se dit d'un employé à qui on donne un emploi en province en échange d'un emploi qu'il occupait à l'administration centrale, à Paris.

  • 8S'envoyer, v. réfl. Être envoyé. Les petits paquets s'envoient par la poste.

REMARQUE

1. Envoyer suivi d'un infinitif prend tantôt la préposition pour et tantôt ne la prend pas : j'envoyai mon fils au-devant de lui l'assurer… ou pour l'assurer. Mais il faut dire d'une seule façon : j'envoyai mon fils au-devant de lui pour l'empêcher de venir. On pourra mettre l'infinitif sans préposition quand le régime d'envoyer, exprimé ou sous-entendu, fait lui-même l'action dont il s'agit : envoyer un commissionnaire demander ; envoyer faire des compliments ; envoyer dire. Envoyez donc vos enfants se renouveler, Rousseau, Ém. I. On mettra nécessairement pour si la personne envoyée ne fait pas expressément l'action.

2. Le futur régulier serait j'envoyerai ou j'envoierai ; une contraction ancienne, semblable à celle qui disait je lairrai au lieu de je laisserai, a prévalu, tandis que je lairrai est resté hors du bon usage. J'envoierai était très usité dans le XVIIe siècle : Jusqu'à toi, mon Sauveur, j'envoierai ma prière, Corneille, Imit. II, 9. Envoierez-vous encor, monsieur aux blonds cheveux, Avec des boîtes d'or des billets amoureux ? Molière, Éc. des mar. II, 9. Je l'envoyerais ainsi qu'elle est venue, La Fontaine, Serv. Je vous envoyerai une relation avec cette lettre, Sévigné, 45. J'envoierais remercier son altesse, Hamilton, Gramm. 4.

3. On trouve dans Corneille envoyer des soupirs, pour les faire exhaler : Je ne m'oppose pas à la commune joie, Mais souffrez des soupirs que la nature envoie, Corneille, Héracl. v, 8.

HISTORIQUE

XIe s. Enveions i les filz de nos moillers [femmes], Ch. de Rol. III. I enverrai le mien [fils], ib.

XIIe s. Cist brief vous est de Charlon envoiez, Ronc. p. 14. Chançon, va-t-en là où mes cuers [mon cœur] t'envoie, Couci, XVI. Dame, son cuer vous envoie Li vostres loiaus amis, ib. p. 120.

XIIIe s. Seigneur, li baron de France, li plus haut et li plus puissant, nous ont à vous envoiés, et vous crient merci, Villehardouin, XVI. Et Tybert leur cousin avec [j'] envoierai, Berte, VII. Envoyez pour Tibert [envoyez chercher Tibert], qu'il nous soit conseillere [conseiller], ib. XI. Ce que pleit au prince vaut loi, ausint com se toz li pueples donoit tout son poer et son commandement à la loi que li rois envoie, Liv. de just. 9. Et sitost comme je la mis à ma bouche [l'eau] pour envoier aval [avaler], elle me sailli hors par les narilles, Joinville, 240.

XVe s. Or eurent conseil ceux de l'ost, pour leur besogne approcher et pour plus grever leurs ennemis, que ils envoieroient querre en la Riolle un grand engin qu'on appelle truie, Froissart, II, II, 5. [Coitier disait à Louis XI] Je sçay bien que ung matin vous m'envoyrez comme vous faictes d'autres, mais vous n'y vivrez point huyt jours après, Commines, VI, 12.

XVIe s. Il m'envoya au college de Guienne, Montaigne, I, 196. Ayant envoyé un ambassadeur vers le roi, Montaigne, I, 39. Si la fortune contioue, elle m'en envoyera [me renverra] très content et satisfaict, Montaigne, IV, 142. Je l'envoyai convier à disner chez moy, Montaigne, IV, 320. Elle envoyoit querir un medecin, Montaigne, IV, 321. Le capitaine More l'envoia d'un coup de chevron sur la teste au bas de la riviere, D'Aubigné, Hist. II, 264. Les habitants à la fin furent contraincts d'envoyer devers lui, Amyot, Cimon, 3. Cette reponse ouye, les envoyés reprirent incontinent leur chemin devers la mer, Amyot, ib. 34.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ENVOYER. - REM. Ajoutez :

4. Despréaux a été avec Gourville voir Monsieur le Prince ; Monsieur le Prince lui envoya voir son armée, Sévigné, 2 nov. 1673. Cette forme est évidemment incorrecte ; il faut l'envoya voir.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ENVOYER, v. act. (Gramm.) faire l’envoi d’une chose. La compagnie des Indes envoye tous les ans un certain nombre de vaisseaux à Pondichery.

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Étymologie de « envoyer »

Norm. et Berry, envier ; bourguig. envié ; provenç. et espagn. enviar ; ital. inviare ; de in, en, et via, chemin (voy. VOIE).

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(XIIe siècle) Du latin inviare (« parcourir »). Les formes du futur et du conditionnel ont été influencées par celles de voir dans le xviiie siècle[1][2].
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « envoyer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
envoyer ɑ̃vwaje

Fréquence d'apparition du mot « envoyer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « envoyer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « envoyer »

  • Certains avocats préfèrent vous envoyer au bagne avec une bonne plaidoirie plutôt que d’obtenir votre acquittement avec une mauvaise.
    Philippe Bouvard
  • Etre progressiste consiste à lancer des pavés. Etre anarchiste consiste à les envoyer le plus loin possible.
    Anonyme — Affiche de mai 1968
  • Le travail des femmes, dont personne ne conteste la légitimité ni la légalité n'en est pas moins facteur de chômage et de dénatalité. Plutôt que d'envoyer les femmes au travail, mieux vaut les envoyer au lit.
    Jacques Henriet
  • Il n'y a que l'inutilité du premier déluge qui empêche Dieu d'en envoyer un second.
    Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort — Caractères et anecdotes
  • On peut éprouver ses habitudes. On peut les varier, les nuancer, les envoyer paître, les perdre, les renouveler.
    Suzanne Paradis — Emmanuelle en noir
  • Dans le Sud-Est, les inondations continuent. Les autorités locales prient instamment les Français de cesser d’envoyer leurs dons en liquide.
    Jean-Jacques Peroni — Les Carnets d'un malfaisant
  • Amour et danger, c'est la même chose : un champ de bataille. Se regarder dans les yeux, c’est comme s'envoyer un missile.
    Zoé Valdés — La sous-développée
  • Le cinéma ne peut plus m'envoyer dans la stratosphère. Des films, il en sort comme il se vend des chaussures.
    Henry Chapier
  • Si le cinéma a un point commun avec le timbre, c'est sa capacité à envoyer des messages avec des images.
    Antonio Banderas — Télé Obs - 21 Octobre 2000
  • "Quand on met un homme accusé de viol, quel message on est en train d'envoyer quand on le met à un tel poste de pouvoir?"
    RMC — « Quel message est-on en train d'envoyer? »: la nomination de Darmanin ne passe pas
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Traductions du mot « envoyer »

Langue Traduction
Anglais send
Espagnol enviar a
Italien mandare
Allemand senden
Chinois 发送
Arabe لترسل
Portugais enviar
Russe отправлять
Japonais 送る
Basque bidali
Corse mandà
Source : Google Translate API

Synonymes de « envoyer »

Source : synonymes de envoyer sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « envoyer »

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Nombre de points du mot envoyer au scrabble : 13 points

Envoyer

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