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Bataille

Variantes Singulier Pluriel
Féminin bataille batailles

Définitions de « bataille »

Trésor de la Langue Française informatisé

BATAILLE, subst. fém.

A.− MILIT. Action générale de deux armées qui se livrent combat :
1. ... mais un empire fondé sur les hasards des batailles ne suffisait pas à l'ambition de Bonaparte, ... Mmede Staël, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr.,t. 2, p. 56.
2. Pour moi, je me sentais décidément assez fort pour être sûr que, demain, la bataille et la victoire des autres seraient aussi la bataille et la victoire de la France. De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 148.
SYNT. Bataille aérienne, navale, sous-marine, terrestre; engager, fuir, gagner, perdre la bataille; livrer bataille; bataille sanglante.
Champ de bataille. Terrain où a lieu la bataille.
P. métaph. :
3. ... et la nappe est si parfaitement blanche qu'on a peur du vin et de l'atroce champ de bataille après le repas des noces... Aragon, Le Roman inachevé,1956, p. 12.
Cheval de bataille. Cheval entraîné de façon à être monté pendant une bataille :
4. Le duc de Bourgogne, monté sur son grand cheval de bataille qui portait quatre blessures faites par les piques ennemies, fit son entrée dans la ville. Michelet, Sur les chemins de l'Europe,1874, p. 254.
Au fig. Sujet favori. Cette preuve est son cheval de bataille (Ac.1932).
Plan de bataille. Plan établi en vue de la bataille à livrer. Au fig. Dispositions prises afin d'obtenir le résultat attendu.
Loc., vx. En bataille. En ligne :
5. Sur les trois heures, sept à huit cents gardes-du-corps se rangèrent en bataille devant la grille du château, pour recevoir les Parisiens. Marat, Les Pamphlets,Dénonciation contre Necker, 1790, p. 107.
P. anal. Chapeau en bataille. Chapeau dont les deux cornes sont placées parallèlement à la ligne des yeux :
6. ... le rire parcourait même les files de la garde nationale, majestueuse cependant sous d'immenses bicornes en bataille, ... Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 152.
Expr. En bataille rangée. Se dit d'une armée disposée selon un plan de bataille.
Barbe, cheveux en bataille. En désordre.
B.− P. ext. Échange de coups, lutte entre deux ou plusieurs antagonistes :
7. ... le petit clerc suivait par la fenêtre une bataille de chiens... Zola, La Terre,1887, p. 35.
8. Il en est peut-être de la plupart des œuvres d'art plastique comme de ces compositions musicales destinées à célébrer les beautés des paysages d'Écosse ou de la baie de Naples et qui pourraient tout aussi bien exprimer une fête foraine ou une bataille de boules de neige. Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 174.
Spéc., JEUX. Jeu de cartes se jouant à deux, la carte la plus forte l'emportant sur la plus faible. Bataille navale. Jeu de société se jouant à deux.
P. métaph. ou au fig. :
9. Ces choses que je vous résume, elle me les dit alors dans leur ténébreuse étendue, avec leur cortège de faits désolants, de batailles conjugales perdues, d'essais infructueux. Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 86.
10. Enfin, il allait se retrouver sur son chantier, en plein dans la bataille des intérêts, dans cette course au bonheur qui a été la marche même de l'humanité, ... Zola, L'Argent,1891, p. 82.
11. ...dans ces misérables querelles, le tome VII de l'Encyclopédie était paru et une des grandes batailles intellectuelles du siècle commençait. Guéhenno, Jean-Jacques,Roman et vérité, 1950, p. 255.
SYNT. La bataille électorale; les grandes batailles sociales.
Prononc. : [batɑ:j]. Les dict. indiquent un l mouillé, jusqu'à Littré inclus (et avec l'exception de Land. 1834). Enq. : /bataj/.
Étymol. ET HIST. − 1. Ca 1100 « action de deux armées qui se livrent combat » (Roland, éd. Bédier, 18 : Jo nen ai ost qui bataille li dunne, Ne n'ai tel gent ki la sue derumpet); id. « combat entre deux individus » (Ibid., 658 : Sel pois trover a port ne a passage, Liverrai lui une mortel bataille); ca 1176 fig. « échange entre plusieurs antagonistes » (Chr. de Troyes, Cligès, éd. W. Foerster, 574 : Einçois m'orroiz dire, comant Amors les deus amanz travaille, Vers cui il a prise bataille); 2. ca 1176 id. « corps de troupes » (Id., Ibid., 1696 : De lor janz cinc batailles firent); 1606 « ordre d'une armée disposée pour combattre » en bataille (Nicot : Tenir l'armée en bataille est la tenir ordonnée par esquadrons et rengée ainsi que chacun doit combattre [...] le Roy a tenu son armée en bataille fort long temps). Du b. lat. batalia (ve-vies., Lex Burg. lib. const., 92, 2 dans TLL, s.v. battualia, 1788, 85); altération de battualia (dér. de battuere v. battre), « combat d'escrime » (ives., Charisius, Gramm., I, 33, 25, ibid., 1788, 75).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 6 322. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 423, b) 8 573; xxes. : a) 8 615, b) 9 070.
BBG. − Fr. (le) à la dérive. Déf. Lang. fr. 1971, no56, p. 33. − Gottsch. Redens. 1930, p. 317, 323. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 61. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 134. − Pope 1961 [1952], § 382, 774.

bataille, -

Wiktionnaire

Nom commun - ancien français

bataille \Prononciation ?\ féminin

  1. Bataille.
  2. Meurtrière (ouverture dans une fortification).
    • N’i a bataille ne crenel
      Ou n’ait enseigne o penoncel
      — (Le Roman de Troie, édition de Constans, tome I, p. 408, c. 1165)

Nom commun - français

bataille \ba.tɑj\ ou \ba.taj\ féminin

  1. (Militaire) Combat général ordonné entre deux armées. → voir champ de bataille, cheval de bataille, plan de bataille, bataille navale, bataille aérienne, en ordre de bataille et
    • Dans une brochure qui a fait quelque scandale, le général Donop […] voudrait, comme Bugeaud et Dragomiroff, que chacun dans la bataille connût exactement le plan de ses chefs ; […]. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, Chap. VII, La morale des producteurs, 1908, page 351)
    • Le temps où l’infanterie décidait des batailles était révolu. La guerre se transformait en une question de matériel, d’entraînement et de connaissances spéciales très compliquées. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 214 de l’édition de 1921)
    • C’est notre première bataille, mais nous ébauchons instinctivement tous les gestes et les pensées que nous aurons une fois guerriers. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Mais, depuis la bataille de Tolbiac et la conversion de Clovis, l’Église eut ses coudées franches et put rapidement asseoir son influence à travers le territoire. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
  2. (Par extension) Toute sorte de lutte.
    • Il avait fortement neigé dès le début de décembre, et il y avait eu de magnifiques batailles à coups de boules de neige, au cours desquelles, malheureusement, on n’avait pu laver la figure aux deux Grangers  ; […]. — (Louis Pergaud, Deux Veinards, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    1. (Sens propre) Affrontement entre deux entités.
      • […] : les catholiques ne se sont jamais découragés au milieu des épreuves les plus dures, parce qu’ils se représentaient l’histoire de l’Église comme étant une suite de batailles engagées entre Satan et la hiérarchie soutenue par le Christ ; […]. — (Georges Sorel, Lettre à Daniel Halévy, 15 juillet 1907, dans Réflexions sur la violence, 1908)
      • Je ne pus réussir à attraper un seul requin […]. Et cependant, lorsque je tuais l’un d’entre eux avec ma carabine sprinfield, c’était aussitôt une bataille féroce autour du festin cannibale. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil, tome 1 : De New-York à Tahiti, 1929)
    2. (Figuré) Motivation pour ou contre quelque chose. → voir livrer bataille et cheval de bataille
      • Le gouvernement est pleinement engagé dans la bataille pour l’emploi et d’abord pour la jeunesse avec le contrat de génération […] — (Vincent Peillon, Refondons l’école, Le Seuil, 2016)
    3. (Cartes à jouer) Jeu de cartes qui se joue à deux sur le principe de la plus forte carte l’emporte.
      • La Bataille est un jeu tout à fait élémentaire. C’est d’ailleurs l’un des premiers jeux de cartes pratiqués en France, et le pauvre roi Charles VI passait, assure-t-on, des journées entières à entamer de parties de Bataille avec sa favorite, la « petite reine » Odette de Champdivers. — (Frans Gerver, Le Guide Marabout de tous les jeux de cartes, Verviers : Gérard & Co, 1966, page 49)
  3. (Par extension) Organisation, préparation des forces pour le combat. → voir en ordre de bataille, plan de bataille et champ de bataille
    • Le commandant de la 4e Armée fixera lui-même le front journalier à atteindre en évitant toute fatigue à ses troupes avant la bataille. — (Fernand Engerand, ‎Ligaran, La Bataille de la frontière, Primento, 2015)
  4. (Par analogie) Rangement de plusieurs objets. → voir en bataille
    • Trente-deux d’entre elles sont occupées, les autres, les places du milieu, sont restées vides. On voit donc très bien le jeu23 : ils sont rangés comme à la bataille. — (‎Guillaume de Saint-André, ‎Jean-Michel Cauneau, Chronique de l’État breton, Presses universitaires de Rennes, 2005, page 443)
  5. (Par ellipse) Corps de bataille.
    • Outre que plusieurs navires chargés de soldats et d’artillerie partiraient pour Gênes afin de renforcer les lances que commanderait Fregoso, une partie de l’armée de terre, principalement l’arrière-garde, emprunterait les routes habituelles pour ne pas éveiller les soupçons. Le reste, soit l’avant-garde et la bataille, irait par un chemin médian que Gian Giacomo Trivulzio proposa ; un chemin périlleux, connu seulement des chasseurs et de quelques colporteurs, et surtout bien plus long. — (Didier Le Fur, Une autre histoire de la Renaissance, ch. V, Perrin, 2018, ISBN 978-2-262-07059-5, p. 125.)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

BATAILLE. n. f.
Combat général entre deux armées. Bataille rangée. Grande, sanglante bataille. Champ de bataille. Hasarder, risquer une bataille. Accepter, refuser la bataille. Livrer bataille. Gagner, perdre une bataille, des batailles. Le gain, la perte d'une bataille. La bataille de Cannes. La bataille de Fontenoy, d'Austerlitz. La bataille de la Marne. Bataille navale, Action générale entre deux flottes ennemies. Il se dit aussi de l'Ordre dans lequel on range une armée pour se disposer à la lutte. Mettre, ranger une armée, des troupes en bataille. Ordre de bataille. Ligne de bataille. Front de bataille. On dit dans un sens analogue Combattre en bataille rangée. Il signifiait spécialement Ordre dans lequel on disposait une troupe déployée; par opposition à l'Ordre en carré, en colonne, ou par le flanc. Marcher en bataille. Passer de l'ordre en colonne à l'ordre en bataille. Se former sur la droite ou sur la gauche en bataille. Dans ce sens et dans celui qui précède, on ne l'employait jamais avec l'article. Corps de bataille, Cette partie de l'armée qui était entre les deux ailes. Maréchal de bataille, sergent de bataille, se disait des Officiers dont la charge était de mettre les troupes en bataille. Cheval de bataille, Cheval propre à bien servir un jour de combat. Fig. et fam., C'est son cheval de bataille, se dit d'un Argument sur lequel quelqu'un s'appuie le plus fortement et le plus souvent. Cette preuve est son cheval de bataille. Il en fait son cheval de bataille. Fig. et fam., Il a fallu livrer bien des batailles, pour en venir là, Il a fallu bien contester, bien disputer, bien se tourmenter, surmonter bien des obstacles. Fig., Le champ de bataille lui est demeuré, il est resté maître du champ de bataille, se dit de Quelqu'un qui a remporté l'avantage sur un autre dans un débat. Il n'a pas mal choisi son champ de bataille, se dit de Quelqu'un qui dispute, qui entreprend quelque chose dans un lieu, dans des circonstances qui lui sont favorables. Il se dit aussi de la Représentation d'une bataille en peinture ou en sculpture. Un peintre de batailles. Les batailles d'Alexandre, par Le Brun. Les batailles de Wouwermans. Fig., Porter son chapeau en bataille. Parallèlement à la ligne des yeux.

BATAILLE se dit encore d'une Espèce de jeu de Cartes, qui est le plus simple de tous. Les enfants jouent à la bataille.

Littré (1872-1877)

BATAILLE (ba-tâ-ll', ll mouillées, et non bata-ye) s. f.
  • 1Combat de deux armées. Il va présenter la bataille au roi son frère, Bossuet, Hist. I, 8. Clovis gagna la bataille de Tolbiac, Bossuet, I, 11. Il croyait donner la bataille, Sévigné, 211. Ils ont perdu contre eux des batailles, Fénelon, Tél. X. Mais Rome ignore encor comme on perd des batailles, Corneille, Hor. I, 1. Il lui donna bataille, où mille beaux exploits…, Corneille, Rodog. I, 1. Je vais à ce moment donner la bataille à l'armée impériale, Voiture, Lettr. 7. Il [Archimède] n'a pas donné des batailles, mais il a laissé à tout l'univers des inventions admirables, Pascal, Pens. II, art. 10. Les loups rôdaient autour de ses batailles ; De ses exploits ils vivaient plus d'un jour, Millevoye, Rançon d'Egill.

    Corps de bataille, le centre de l'armée, les corps placés entre les deux ailes.

    Cheval de bataille, cheval propre à être monté un jour de combat.

    Fig. Un cheval de bataille, la chose où l'on s'appuie de préférence.

    Champ de bataille, lieu où se livre le combat.

    Fig. Le champ de bataille lui est resté, c'est-à-dire il a eu l'avantage. Choisir son champ de bataille, porter le débat, la question sur le point qu'on regarde comme le plus avantageux.

  • 2Ordre d'une armée disposée pour combattre. Ranger une armée en bataille, c'est-à-dire disposer son ordre de bataille. Troupes en bataille. Leur flotte se présenta en bataille devant la nôtre. Marcher en bataille. Charles XII fait débarquer son canon et forme sa bataille, Voltaire, Charles XII, 2. Il défit en bataille rangée Arphaxad, Bossuet, Hist. I, 7.

    En termes de théorie militaire, l'ordre dans lequel une troupe est déployée, par opposition à l'ordre en carré ou en colonne ou par le flanc.

    En termes de marine, la vergue de misaine est dite en bataille, lorsqu'elle est disposée dans le sens longitudinal du navire.

    Fig. L'armée que J.-C. a mise en bataille contre les erreurs, Bossuet, Instr. 2.

  • 3 En termes de peinture, représentation d'une bataille. Un peintre de batailles. Les batailles d'Alexandre par le Brun.
  • 4Querelle, lutte. Trêve, trêve, Nature, aux sanglantes batailles, Qui si cruellement déchirent mes entrailles, Rotrou, Vencesl. V, 3.

    Il a bien fallu donner des batailles, on a bien donné des batailles pour… c'est-à-dire il a fallu bien contester, bien lutter pour…

  • 5Nom d'un jeu de cartes.
  • 6Galerie qui couronne la cheminée d'une grosse forge.

REMARQUE

Bataille, batailler, bataillon, devraient s'écrire par deux t ; ou battre s'écrire par un seul t ; car ces mots ont même radical.

SYNONYME

BATAILLE, COMBAT. On verra à l'étymologie que bataille a signifié anciennement et proprement troupe, bande ; tandis que combat n'exprime que l'idée de se battre avec. De là, quand ces deux mots sont devenus synonymes, une inclination de l'usage à consacrer bataille au conflit d'une armée, et combat à tout conflit quelconque. Dans un langage précis, bataille signifie un combat dans lequel deux armées ont engagé toutes leurs forces. Les armées ont ordinairement des combats avant d'en venir à une bataille. On dit gagner, perdre une bataille ; ce qui ne se dit pas avec combat.

HISTORIQUE

XIe s. [Qu'] une bataille leur i rendent [livrent] cil primes [d'abord], Ch. de Rol. XLIII. Par tel glouton n'ert [sera] bataille vaincue [gagnée], ib. CII. Je nen ai ost qui bataille lui donne, ib. II. Une bataille [il] leur livrat, le jur, pesme [funeste], ib. LXII. Ce dist li reis : bataille font nostre home, ib. CXXXI.

XIIe s. E feirent à eaus [eux] bataille le jor de samadi, Machab. I, 2. Autre bataille [corps d'armée] lor envoyez hastie, Ronc. p. 28. Bataille auront, Dex les puit delivrer, ib. p. 37. Tante bataille en [de mon épée] ai faite et vaincue, ib. 105. Dont [pour cela] [ils] firent la bataille sur deux homes jugier [remettre la bataille à deux champions], Sax. IV. Quant il ont en bataille fiché leur estendart, ib. XI. Nous entrerons en France en bataille rangie, ib. XXXII. Abner le fiz Ner asemblad ost del esliture de Israel, pur damagier e bataille tenir encuntre ces de Juda, Rois, 125.

XIIIe s. Emprès fu devisés que Henris ses freres feroit l'autre bataille [troupe], Villehardouin, LXIX. Et li Grieu firent molt grant semblant d'els recevoir à bataille, ib. LXX. Au cinquiesme [jour] après s'arma tous li os, et chevauchierent les batailles ensi come eles estoient devisées, ib. LXXIV. Puis [il] fu mors en bataille outremer devant Sur, Berte, XLI. Lor batailles en quatre partent [ils partagent], la Rose, 12230. Que il est assise ou usage, ou [au] reiaume de Jerusalem, que qui se combat por aucune carelle, et il ou son champion venque la bataille, que il a celle carelle gaaigniée, Ass. de J. I, 195. Tant que la bataille seit fornie, ou que pais en seit faite, ib. I, 171. Et ainsi n'est il pas de cix qui apelent du jugement que li home font, car li apiax est demenés par gage de bataille, Beaumanoir, 30. Maintenant que nostre gent les virent, il s'aresterent, et cil et les ennemis firent trois batailles aussi, Joinville, 270. Une grosse bataille de Turs, là où il avoit bien six mille homes à cheval, Joinville, 215.

XIVe s. Choses appartenantes en batailles ou guerres, Oresme, Eth. 316. Et de ce fust causée la bataille de Troie, Oresme, ib. 55. Car bataille de mer, c'est grant confusion ; Quant li mesquanche [mauvaise chance] tourne sur aucune parchon, Il n'en puet escaper chevalier ne pieton, Baud. de Seb. I, 654.

XVe s. Le sire de l'Esparre fut rencontré des nefs espagnoles à qui il eut la bataille, Froissart, II, II, 4. Deconfit celui roi par bataille rangée et arrestée, Froissart, I, I, 2. L'endemain, au point du jour, chacun fut armé, et trairent leurs bannieres aux champs, chacun à sa bataille et dessous sa banniere, si comme ordonné estoit, Froissart, I, I, 35. Il avoit esté dit que l'on marcheroit à trois fois, pourceque la distance des deux batailles estoit longue, Commines, I, 3. Les batailles estoient bien eclarcies, Commines, I, 4. Et n'estions point tant en gloire comme peu avant la bataille, parce que nous voyons les ennemis près de nous, Commines, VIII, 6.

XVIe s. Pour larcin n'eschet gage de bataille, Loysel, 808. En fait de bataille, le defendeur est tenu de confesser ou nier le fait dès le mesme jour qu'il reçoit le cartel, Loysel, 810. Il fit marcher l'avant-garde, bataille et arriere-garde tout d'un front, Carloix, I, 4. Les Sabins commencerent la bataille, qui fut aspre et dura longuement, Amyot, Rom. 27. Ainsi comme les deux batailles se preparoient pour recommencer à combattre de rechef, Amyot, ib. 28. Les Perses ont esté desfaicts en bataille par les Grecs le sixieme jour du mois d'aoust en la journée de Marathon, Amyot, Cam. 33. Renger une armée en bataille, Amyot, ib. 51. Estans donques les Romains arrestez tout court par la bataille macedonique, sans qu'ils la peussent aucunement forcer, Amyot, P. Aem. 33.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BATAILLE. Ajoutez :
7Porter le chapeau à cornes en bataille, le porter en travers, de manière que les cornes tombent sur chaque oreille ; cette expression vient de l'assimilation à une troupe en bataille. Les gens mariés [de Guérande] le portent [le tricorne] en bataille, comme les gendarmes ; les veufs, les garçons en tournent les pointes d'une autre manière, Daudet, Journ. offic. 16-17 août 1875, p. 5923, 3e col.
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Encyclopédie, 1re édition (1751)

* BATAILLE, COMBAT, ACTION, Gramm. La bataille est une action plus générale, & ordinairement précédée de préparations : le combat est une action plus particuliere, & moins prévûe. On peut dire que la bataille de Pharsalles & le combat des Horaces & des Curiaces sont des actions bien connues. Ainsi action semble le genre, & bataille & combat des especes : bataille a rapport aux dispositions, & combat à l’action : on dit l’ordre de bataille, & la chaleur du combat ; combat se prend au figuré, bataille ne s’y prend point. On ne parleroit point mal, en disant, il s’est passé en-dedans de moi un violent combat entre la crainte de l’offenser, & la honte de lui céder ; mais il seroit ridicule d’employer en ce sens le terme de bataille ; celui d’action ne convient pas davantage.

Bataille, s. f. (Ordre encycl. Entend. Raison, Philos. ou Science, Science de la nat. Mathématique, Mathématiques pures, Géométrie, Tactique.) c’est dans l’Art militaire, une action générale entre deux armées rangées en bataille, qui en viennent aux mains dans une campagne assez vaste pour que la plus grande partie puisse combattre. Les autres actions des troupes, quoique souvent plus meurtrieres que les batailles, ne doivent, selon M. de Feuquieres, se nommer que des combats.

Ainsi, suivant cet officier, l’attaque d’un poste ou d’un village retranché, ne doit point s’appeller bataille, mais un combat. Voyez Ordre de bataille & Armée.

Une bataille perdue est celle dans laquelle on abandonne le champ de bataille à l’ennemi, avec les morts & les blessés. Si l’armée se retire en bon ordre avec son artillerie & ses bagages, le fruit de la bataille se borne quelquefois à avoir essayé ses forces contre l’ennemi, & au gain du champ de bataille : mais si l’armée battue est obligée d’abandonner son canon & de se retirer en desordre, elle n’est plus en état de reparoître devant l’ennemi qu’elle n’ait réparé ses pertes ; il se trouve par là maître de la campagne, & en état d’entreprendre des siéges : c’est cette suite qui décide ordinairement du succès des batailles, dont il n’est pas rare de voir les deux partis s’attribuer l’avantage.

Un grand combat perdu, dit M. de Feuquieres, quoique plus sanglant qu’une bataille, emporte rarement la perte de toute l’artillerie, & presque jamais celle des bagages ; parce que les armées n’ayant pû s’aborder par leur front, il est certain qu’elles n’ont pû souffrir que dans la partie qui a combattu ; & que quoique pour attaquer ou pour soûtenir on ait successivement été obligé de se servir de nouvelles troupes tirées du front qui ne pouvoient combattre, l’action n’ayant pû cependant devenir générale, elle n’a pû produire qu’une plus grande ou moindre perte d’hommes, sans influer si absolument sur la suite d’une campagne & sur la décision pour la supériorité, que le peut faire une bataille rangée : elle ne peut produire ni la perte générale des bagages, ni celle de l’artillerie, mais seulement ce qui peut s’en être trouvé sur le terrein où les troupes ont combattu. Mémoires de Feuquieres.

Il suit de là qu’un général qui craint de se commettre avec un ennemi en rase campagne, doit chercher des postes de chicane, où sans faire agir toute son armée, il puisse attaquer l’ennemi sans s’exposer au hasard de perdre une bataille. Mais il faut convenir que si par ces especes de batailles on ne se met pas en danger d’être battu entierement, on ne peut non plus battre entierement l’ennemi, & l’empêcher de reparoître après le combat comme avant, pour s’opposer aux entreprises qu’on peut former.

L’histoire des batailles n’est proprement que l’histoire des défauts & des bévues des généraux : mais il est heureusement assez ordinaire que les méprises des deux généraux opposés se compensent réciproquement. L’un fait une fausse démarche ; l’autre ne s’en apperçoit pas, ou il n’en sait tirer aucun avantage : de-là il n’en résulte aucune conséquence fâcheuse.

Les Mémoires de M. de Feuquieres sur la guerre, ne sont, pour ainsi dire, qu’un récit des inadvertances & des fautes des deux partis : à peine fait-il mention d’un seul général, excepté Turenne, le grand Condé & Luxembourg, dont la conduite soit autre chose qu’un tissu continuel de fautes. Créqui & Catinat, en certaines occasions, en faisoient de grandes, selon ce même officier, mais ils savoient les compenser par une conduite judicieuse en d’autres occasions. M. le chevalier de Folard trouve aussi très-peu de généraux dont la réputation soit nette à tous égards. Le marquis de Feuquieres, dont la grande capacité dans la guerre paroît par ses Mémoires, eût été un général du premier ordre, dit M. de Folard, s’il eût plû à certaines gens, à qui son mérite faisoit ombrage, de s’empresser un peu moins à travailler à sa disgrace & à le perdre dans l’esprit du roi, après l’avoir gâté dans l’esprit du ministre ; ce qui fit perdre à ce prince un des meilleurs & des plus braves officiers généraux de ses armées, & qui le servoit mille fois mieux & avec plus de courage & d’intelligence que ses indignes ennemis.

Maniere de disposer les troupes dans une bataille rangée. Lorsqu’on a formé le dessein d’aller à l’ennemi, & qu’on est à portée de le pouvoir combattre, « il faut disposer les troupes pour arriver devant lui en bataille, sur deux lignes : l’infanterie au centre, & la cavalerie sur les ailes, si le terrein le permet ; parce qu’il y a des pays si coupés & si fourrés, qu’il faut mettre des brigades d’infanterie ou de dragons aux flancs de la droite & de la gauche, pour empêcher l’ennemi d’en approcher. Il y a d’autres situations partagées par des plaines & des buissons, où l’on place dans les intervalles d’infanterie, des escadrons pour la soûtenir & profiter du terrein que l’on veut disputer.

Quand il y a de la difficulté à pénétrer l’ennemi, & que l’on veut emporter un poste, forcer une droite, une gauche, ou le centre, on doit disposer les troupes de maniere, qu’elles se présentent également de toutes parts à l’ennemi, pendant que le plus fort de l’armée arrive en colonne sur l’endroit que l’on veut pénétrer, qu’on attaque vivement & sans relâche. Un ennemi qui n’est point prevenu de cette disposition, se trouve bien-tôt renversé par un nombre supérieur, & on le poursuit avec ordre, pour achever de le mettre en déroute.

Il y a d’autres situations qu’il faut absolument rechercher avant d’attaquer l’ennemi. S’il est posté dans des pays fourrés & coupés de haies & de fossés, où son infanterie peut avoir beaucoup d’avantage, il faut le tourner ou le déplacer, de maniere que la cavalerie sur laquelle on compte beaucoup, puisse agir & partager le mérite d’une action, qu’il vaut mieux différer quelque tems, que de s’exposer à la manquer. Lorsque le général a des troupes de confiance à la droite, & qu’il connoît que le terrein de la gauche de son champ de bataille est avantageux pour les y faire combattre, il doit les y porter, & mettre à la droite les troupes de la gauche : ce sont des dispositions qu’il faut faire quelquefois ; pour mieux s’opposer aux forces de l’ennemi, suivant l’avantage que la situation du lieu donne, & le projet que le général forme pour attaquer ; c’est de quoi le coup d’œil décide.

Il faut autant qu’il est possible, avoir un corps de reserve composé de bonnes troupes, cavalerie & infanterie. La cavalerie doit être en troisieme ligne en bataille, derriere le centre de l’infanterie de la seconde ligne, pour être en état de se porter où elle seroit utile, sans rien déplacer de la seconde ligne ; il faut dérober, s’il est possible, à l’ennemi la connoissance de cette disposition. Dans le moment que la premiere ligne s’ébranle pour combattre, on fait aussitôt passer les bataillons de la réserve par les intervalles de la cavalerie de la seconde ligne, pour se porter brusquement dans les intervalles des escadrons de la premiere, en joignant l’escadron le plus proche de la droite & de la gauche de l’infanterie de cette ligne. Suivant cette disposition, qui peut être inconnue à l’ennemi, on peut par le feu de l’infanterie, mettre un grand desordre dans sa cavalerie, lorsqu’elle vient au coup de main. Si l’infanterie reste dans la même disposition, elle favorise toûjours le retour de la cavalerie, ou elle marche pour attaquer en flanc l’infanterie ennemie de la premiere ligne qu’elle déborderoit.

Il faut observer, en mettant en bataille la premiere ligne, de laisser aux deux ailes de cavalerie des intervalles assez spacieux pour ne rien déplacer devant l’ennemi, lorsque l’infanterie de la réserve vient s’y porter. Le général doit faire reconnoître de fort près les flancs de l’armée ennemie pour les déborder, les entamer, & les replier sur le centre, rien n’est plus avantageux, & ne décide plus promptement de la victoire ; l’ennemi ne peut plus s’étendre, ni disposer du terrein dont il étoit le maître, il s’y voit resserré : les troupes n’y combattent plus qu’avec contrainte, ne se reconnoissant plus dans la mêlée, & ne cherchent qu’à se faire jour pour se sauver.

Lorsqu’on a pénétré la ligne par quelque endroit, il est très à propos de faire avancer dans le même moment des troupes de la seconde ligne, s’il n’y en a pas du corps de réserve qui soient à portée pour partager l’ennemi, & profiter de cet avantage par la supériorité, sans quoi on lui donne le tems de se rallier & de réparer les desordres où il se trouve. Il faut absolument conserver un grand ordre dans tous les avantages que l’on remporte, afin d’être plus en état de jetter la terreur dans les troupes ennemies, & empêcher leur ralliement ; la disposition doit être faite de maniere, que si la premiere ligne étoit pénétrée, la seconde puisse la secourir, observant toûjours les intervalles nécessaires pour faire agir les troupes, & les former derriere celles qui seront en ordre : on doit attaquer la bayonnette au bout du fusil, les troupes qui ont pénétré la premiere ligne, les prendre de front, & par leurs flancs, afin de les renverser, & remplir à l’instant le même terrein qu’elles occupoient ; c’est dans des coups si importans, que les officiers généraux les plus proches doivent animer par leur présence cette action, & faire couler des troupes de ce côté-là, pour les former sur plusieurs lignes, & rendre inutile l’entreprise de l’ennemi. Un général a bien lieu d’être content des officiers qui ont prévenu & arrêté ce premier desordre par leur diligence & leur valeur.

Il faut que le corps de réserve soit à portée de remplacer les troupes aux endroits où elles auront été prises, afin que l’ennemi ne voie rien de dérangé, & qu’il trouve par-tout le bon ordre & la même résistance.

Les commandans des régimens doivent avoir des officiers sur les ailes & au centre, pour contenir les soldats, & les avertir, que le premier qui se dérangera de sa troupe pour fuir ou autrement, sera tué sur le champ, afin que personne ne puisse sortir de son rang : avec cette précaution, on se présente toûjours à l’ennemi avec beaucoup d’ordre.

Dans un jour de bataille, le poste du général ne doit pas être fixé ; il est obligé de se porter dans les endroits où sa présence est utile, soit pour surprendre l’ennemi par quelques attaques, soit pour secourir une droite, une gauche ou le centre, qui commenceroient à s’ébranler ; ou faire avancer des troupes pour réparer ce qui seroit dérangé, parcourir la premiere ligne, y animer les troupes, & en même tems jetter le coup d’œil sur les forces & la situation de l’ennemi, pour en découvrir le foible, & en profiter par des détachemens que l’on fait marcher.

Tous les lieutenans généraux & maréchaux de camp doivent être aux postes marqués par l’ordre de bataille, pour conduire les troupes des ailes & du centre de l’armée ; les brigadiers à la tête de leurs brigades pour les faire mouvoir suivant les ordres qu’ils en reçoivent, ou l’occasion ; & lorsque dans l’action ils sont partagés par un mouvement brusque de l’ennemi, ils doivent prendre sur le champ le parti de se faire jour, rejoindre leurs troupes, ou de se jetter dans quelque poste, pour empêcher l’ennemi de pénétrer plus loin : par ces démarches hardies & faites à propos, on répare le desordre qui peut être arrivé.

Le major général de l’infanterie, ses aides-majors, le maréchal-de-logis de l’armée, de la cavalerie, des dragons, & le major de l’artillerie, doivent tous suivre le général pour porter ses ordres, & les faire exécuter promptement ; le capitaine des guides doit aussi l’accompagner pour conduire les troupes, & lui expliquer la situation du pays. Les colonels, lieutenans-colonels, majors de brigades, aides-majors des régimens, doivent tous avoir une grande attention de se tenir à leur troupe, & de faire observer un grand silence pour bien entendre le commandement, & le faire exécuter dans l’instant même. C’est une chose essentielle pour bien combattre l’ennemi & le prévenir dans ses démarches.

Dans le tems même que l’on fait une disposition pour combattre, tout le canon de l’armée doit se placer par brigade devant la premiere ligne, & autant qu’il est possible devant l’infanterie aux endroits les plus élevés, pour faire feu sur tout le front de l’armée ennemie. Lorsque toutes les lignes s’ébranlent pour charger, l’on peut se servir de petites pieces dans les intervalles de l’infanterie, pour faire des décharges à portée de l’ennemi, & rompre son premier rang ; après cette décharge, les officiers d’artillerie les font rentrer aussi-tôt dans l’intervalle des deux lignes, pour les faire recharger, & les avancer lorsqu’on leur ordonne.

Il est très-important que les officiers généraux expliquent à ceux qui commandent les troupes sous eux, ce qu’ils doivent faire pour attaquer l’ennemi, suivant la disposition que le général a réglée, afin que dans une affaire de cette conséquence, tout agisse & soit animé du même esprit, & qu’au cas que quelques officiers généraux fussent tués ou blessés, on fût toûjours en état de suivre le même ordre pour combattre. Il faut aussi que l’on sache, en cas de besoin, le lieu de la retraite, & l’ordre pour se rallier de nuit ; ce sont des choses trop importantes pour les oublier.

On doit observer, lorsque les troupes vont au combat, de ne pas permettre que les officiers des régimens détachent des soldats des compagnies pour la garde de leurs équipages ; on y laisse au plus les éclopés, & les valets pour en avoir soin, avec un détachement de l’armée : mais lorsqu’on prévoit une action, il faut absolument renvoyer au moins les gros bagages sous une place, pour ne pas s’affoiblir inutilement ». Observations sur l’Art de faire la guerre suivant les maximes des plus grands généraux.

Le succès des batailles ne dépend pas toûjours de l’habilité du général, & il lui est difficile de se trouver par-tout pour donner les ordres qui peuvent être nécessaires.

« Lorsque deux armées s’ébranlent pour se charger, dit M. le maréchal de Puységur, dans son livre de l’Art de la guerre, que peut faire le général ? courra-t-il le long de la ligne, ou restera-t-il en place ? il n’a pour lors d’autre avantage sur les officiers généraux inférieurs, que celui de commander par préférence les troupes qui sont sous sa main. Pendant ce tems-là on vient lui dire qu’une telle partie de son armée a battu celle de l’ennemi qu’elle avoit en tête, ou bien que sa gauche est en déroute, & que l’infanterie qui la joignoit a ployé. Je demande, dit toûjours l’illustre maréchal de Puységur, quel part ce général peut avoir alors au gain ou à la perte de la bataille ? Cependant pour marquer dans l’histoire la supériorité d’un général sur un autre, on dit qu’il l’a battu en bataille rangée, quoiqu’à dire la vérité, ce soient ces actions-là dans lesquelles le général a le moins de part. Ce sont, il est vrai, les généraux qui choisissent les postes, & qui ordonnent les dispositions pour combattre : mais l’exécution de leur ordre & l’action sont totalement l’affaire des troupes, non-seulement dans des armées également étendues ; mais même dans celles dont les forces sont fort différentes.

Aussi les généraux qui n’ont pas grande ressource dans leur savoir, préferent-ils toûjours les batailles aux autres actions de la guerre, qui donnent moins au hasard & qui demandent plus d’habileté. Au contraire ceux qui sont savans dans la guerre, cherchent par préférence les actions où ils peuvent soûtenir les troupes par leur intelligence & sans se commettre aux évenemens ; ce qu’ils ne peuvent faire que quand les armées ont peu d’étendue, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas trop nombreuses. Art de la guerre par M. le maréchal de Puységur.

M. de Folard pense sur les armées nombreuses, comme le savant maréchal que nous venons de citer. Ces armées innombrables & les évenemens prodigieux qu’elles produisent, plaisent & amusent comme les romans : mais elles instruisent peu les gens de guerre. Il y a par-tout à apprendre dans les petites guerres ; & c’est dans celles-ci uniquement que la science & l’intelligence paroissent le plus particulierement. Il faut même plus de l’une & de l’autre que dans les grandes, dont le nombre fait tout le mérite .... M. de Turenne disoit qu’une armée qui passoit cinquante mille hommes, devenoit incommode au général qui la commandoit, & aux soldats qui la composoient. Rien n’est plus vrai & plus judicieux que cette maxime. Les mauvais généraux cherchent toûjours à réparer par le nombre le défaut de leur courage & de leur intelligence. Ils n’ont jamais assez de troupes quoique l’ennemi en ait moins. Ils épuisent toutes les garnisons d’une frontiere, & les vivres en même tems pour grossir leurs armées, gagner l’avantage du nombre & l’avoir bien au-delà..... S’ils ne font rien avec des forces si supérieures, ils nous font juger que c’est à bon droit qu’ils se défient d’eux-mêmes, qu’ils se rendent justice, & que leur hardiesse n’est pas telle qu’ils la vantoient..... On voit peu de grandes armées qui réussissent lorsqu’on se défend bien : elles se dissipent d’elles-mêmes ; on voit bien-tôt la confusion & le desordre s’y introduire par la faute de paye, par la disette & les maladies : leur propre grandeur entraîne leur ruine. Comment. sur Polybe ».

Suivant la remarque d’un auteur célebre, la perte réelle soufferte dans une bataille, c’est à-dire la mort de quelques milliers d’hommes, n’est pas aussi funeste à l’état que son mal d’opinion, ou le découragement qui l’empêche d’user des forces que la fortune lui a laissées. Considérations sur les causes de la grandeur des Romains, par M. de Montesquieu.

M. de Turenne disoit qu’il estimoit plus un général qui conservoit un pays après une bataille perdue, que celui qui l’avoit gagnée & n’avoit pas sû en profiter. Il avoit raison. Ceux de cette derniere espece ne sont pas rares : apparuit nescire eos victoriâ uti, dit Tite-Live. Mais ceux qui poussent les avantages d’une victoire aussi loin qu’ils peuvent aller, comme M. le Prince & M. de Turenne, ne se trouvent pas partout.... Se servir de l’occasion, est une marque infaillible de l’habileté & du courage d’un général d’armée. L’occasion, dit Tacite, est la mere des grands évenemens, opportunus magnis conatibus transitus rerum. En effet, une victoire décisive & complete nous conduit à une foule d’entreprises & de grands desseins, qui résultent tous de la premiere victoire. Une armée n’est pas abysmée & anéantie pour avoir perdu & abandonné le champ de bataille, son canon, ses morts & ses blessés. Ceux qui fuient à-travers les campagnes ne sont pas morts ; ils sont dissipés aujourd’hui, ils peuvent se réunir demain, trois ou quatre jours après, quinze ou vingt, si l’on veut, se rallier, prendre de nouvelles forces, de nouvelles espérances, & revenir plus braves & plus résolus qu’auparavant, par la honte de leur défaite, ou par l’adresse des généraux. Que ne faut-il pas pour rendre une bataille décisive & complete ? elles ne le sont presque jamais : on voit l’ennemi en fuite, atterré, vaincu, foulé aux piés ; il se releve en peu de tems : on diroit que le victorieux n’a marché que sur des ressorts.

Une bataille n’est complete & décisive qu’autant qu’on en sait profiter dès l’instant que la victoire s’est déclarée sans nulle équivoque, qu’aucun corps ne reste en entier, que tout s’enfuit, que tout court à la débandade. Le général victorieux doit bien se garder alors de faire un lieu de repos du champ de bataille ; mais imiter ce que fit César dans toutes ses victoires, & particulierement dans celle de Pharsale. Il n’a pas plûtôt vaincu Pompée, que sur le champ il marche à l’attaque de son camp qu’il emporte. Ce n’est pas encore assez : il le suit sans relâche à marche forcée ; il oblige l’ennemi de s’embarquer ; il y monte aussi & avec la même promptitude, de peur qu’il ne lui échappe. Belle leçon pour les victorieux, qui ne le sont jamais qu’à demi.

On doit laisser là tous les blessés, les gros bagages, la grosse artillerie, enfin tout ce qui peut retarder la marche d’un seul moment ; camper sur les traces des vaincus, afin qu’ils n’ayent pas le tems de se reconnoître & de recourir aux ressources.

Ordinairement une armée battue cherche son salut par différentes routes & diverses retraites. On doit partager son armée en plusieurs corps dans un très-grand ordre, les envoyer aux trousses des fuyards, tâcher de les atteindre pour les accabler & ruiner le tout. Si les vaincus se réunissent & se rassemblent sous le canon de la place la plus voisine, il faut l’attaquer brusquement à la faveur de la nuit, ou dans le plein jour : on essuie un feu de passage ; mais dès qu’on est aux mains, ce feu n’a plus lieu. Enfin il faut considérer qu’il y a certaines bornes d’où l’on ne sauroit s’écarter après une victoire. Il y a un certain point jusqu’où il est permis de suivre ses avantages. Ce n’est pas connoître ses forces, ni même celles de ses ennemis, que de n’oser aller jusque-là, ou de vouloir aller plus loin, lorsque la défaite n’est pas entiere. Bien des généraux ont été battus après une victoire, faute de connoître la juste étendue qu’ils auroient pû lui donner. Commentaire sur Polybe, par M. le chevalier Folard. (Q)

Bataille navale, est une bataille donnée sur mer. Voyez Combat naval.

Bataille, (Jurispr.) s’est dit dans le même sens que combat, lorsque les duels étoient autorisés en justice. Voyez Combat. (H)

Bataille, (Peinture.) on se sert de ce mot au figuré pour signifier les représentations des batailles en peinture & en sculpture. Les batailles d’Alexandre qui sont dans les galeries du Louvre par le Brun, sont mises au nombre des morceaux de Peinture les plus achevés qui soient en-deçà des Alpes. Mais personne n’a si bien réussi dans les batailles, dont les figures soient habillées à la Françoise, que Wandermeulen, illustre peintre Flamand. Il dessinoit les chevaux mieux que qui que ce soit, & il excelloit particulierement dans les paysages & les représentations des pays plats. Il avoit été choisi pour peindre les conquêtes de Louis XIV.

On appelle Peintres de batailles, ceux qui se livrent à ce genre de représentations. (R)

Bataille, cheval de bataille, (Manege.) est un cheval fort & adroit, que l’on réserve pour les occasions où il faut combattre. (V)

Batailles, s. f. pl. c’est ainsi qu’on appelle, dans les grosses Forges, la galerie qui regne autour de la charge ou du haut de la cheminée. Ainsi Pl. V. fig. 1. des grosses Forges, l’espace FF sont les batailles.

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Étymologie de « bataille »

Provenç. batalha ; espagn. batalla ; ital, battaglia. On lit dans Adamantius martyr : batualia, quæ vulgo battalia dicuntur. Ce passage nous apprend deux choses : d'abord que battalia est pour battualia, ce qui prouve que battre vient bien de battuere (voy. BATTRE) ; puis que battualia est un neutre pluriel de l'adjectif battualis, les choses relatives au combat, neutre devenu, dans les langues romanes, un substantif féminin comme dans aumaille, merveille, etc. De là le sens collectif qu'il avait dans l'ancien français où il signifiait un corps de troupes. On remarquera la disparition de l'u de battualia ; l'u latin ainsi placé disparaît aussi dans quelques autres mots ; par exemple, pacage, de pascuaticum.

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(1100) Du latin battalia (« combat, exercice des soldats ou des gladiateurs »), altération de battualia.
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Phonétique du mot « bataille »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
bataille bataj

Fréquence d'apparition du mot « bataille » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « bataille »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « bataille »

  • Peinture et bataille ne sont belles qu’à distance.
    Proverbe espagnol
  • Beaucoup reviennent de la guerre qui ne peuvent décrire la bataille.
    Proverbe italien
  • Le bon général a gagné la bataille avant de l’engager.
    Sun Tzu — L’art de la guerre
  • Le libéral est celui qui quitte la pièce quand la bataille commence.
    Heywood Brown
  • Ce n'est pas une bataille, la vieillesse, c'est un massacre.
    Philip Roth — Un homme
  • La France a perdu une bataille, mais la France n'a pas perdu la guerre.
    Charles de Gaulle — Proclamation Appel du 18 juin
  • Mieux vaut se disputer autour d’une table que sur un champ de bataille.
    Jean Monnet
  • C'est l'imagination qui perd les batailles.
    comte Joseph de Maistre — Les Soirées de Saint-Pétersbourg
  • Une bataille de géants.
    Arthur Wellesley, 1er duc de Wellington
  • On est philosophe dans la bataille d’autrui.
    Proverbe géorgien
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Images d'illustration du mot « bataille »

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Traductions du mot « bataille »

Langue Traduction
Anglais battle
Espagnol batalla
Italien battaglia
Allemand schlacht
Portugais batalha
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Synonymes de « bataille »

Source : synonymes de bataille sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « bataille »

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Nombre de points du mot bataille au scrabble : 10 points

Bataille

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