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Tribunal

Variantes Singulier Pluriel
Masculin tribunal tribunaux

Définitions de « tribunal »

Trésor de la Langue Française informatisé

TRIBUNAL, subst. masc.

A. −
1. ANTIQ. ROMAINE, HAUT MOY. ÂGE. Monticule, estrade où l'on plaçait le siège du magistrat et qui lui permettait d'être visible; partie élevée de l'hémicycle des basiliques romaines où se trouvait le siège des magistrats rendant la justice. Un peu plus loin vous pouvez remarquer les autels sur lesquels on égorgea les centurions des premières compagnies, et le tribunal de gazon d'où Arminius harangua les Germains (Chateaubr., Martyrs, t. 2, 1810, p. 9).Les massacres de Sylla furent réguliers et méthodiques. Chaque matin (...) assis dans son tribunal, il recevait les têtes sanglantes (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 184).
2. Vieilli. Siège sur lequel sont assis les juges. Juge qui est assis sur son tribunal (Lar. 19e). Mademoiselle Sophy (...) étoit, au moment où l'interrogatoire commença, placée entre le bureau de M. de Ruysan et le tribunal de la cour (Balzac, Annette, t. 4, 1824, p. 13).
B. −
1. Salle, auditoire où est rendue la justice; bâtiment l'abritant ainsi que les services annexes, palais de justice. Bancs, barre, salle du tribunal; greffe du tribunal. Le Président de la Société des Gens de lettres à Monsieur le Procureur du Roi près le tribunal civil de Rouen. Monsieur, notre agent intente un procès en contrefaçon au tribunal de Rouen (Balzac, Corresp., 1839, p. 729).De tout temps les tribunaux ont exercé sur moi une fascination irrésistible. En voyage, quatre choses surtout m'attirent dans une ville: le jardin public, le marché, le cimetière et le palais de justice (Gide, Souv. Cour d'ass., 1913, p. 619).
2. Magistrat, corps de magistrats exerçant une juridiction. Le tribunal est composé, établi, institué; le tribunal apprécie, condamne, juge; comparaître devant le tribunal; siéger au tribunal; séance, session d'un tribunal. Le tribunal se lève et confère quelques secondes; puis le président lui lit encore à mi-voix les articles d'un code (Goncourt, Journal, 1869, p. 512).Le tribunal consulaire anglais, requis par sir Archibald, se contenterait de modestes preuves (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 210).
P. méton. Juridiction de ce(s) magistrat(s). Tribunal d'appel, de cassation; tribunal administratif, judiciaire; tribunal consulaire, criminel, militaire; tribunal ecclésiastique, séculier. Il faut bien toujours un tribunal suprême qui décide en dernier ressort (Lamennais, Religion, 1825, p. 30).Le tribunal dévorait toutes ses journées, prenait toute son âme (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 228).V. compétence A spéc. ex. de Belorgey et ex. 2.Tribunal des conflits. V. conflit B 2 b.Tribunal de droit commun. V. droit3I B 2 loc. adj.Tribunal d'exception. V. exception A 2 en partic.
En partic. Juridiction inférieure rendant des décisions susceptibles de recours. Tribunal des pensions. En exécution d'un jugement du tribunal d'Agra, confirmé par la cour de Delhi, (...) les biens immeubles et mobiliers ont été vendus (Verne, 500 millions, 1879, p. 11).
Tribunal d'arrondissement. [Avant l'ordonnance de 1958] ,,Tribunal de droit commun de premier degré établi en principe au chef-lieu de chaque arrondissement, composé d'un président et de deux juges, magistrats professionnels, pour juger les affaires civiles et correctionnelles, et quelquefois aussi les affaires commerciales (en l'absence d'un tribunal de commerce) qui ne sont pas attribuées à d'autres tribunaux`` (Cap. 1936). Tribunal civil. [Avant l'ordonnance de 1958] ,,Tribunal d'arrondissement siégeant en matière civile comme tribunal de droit commun et comme juge d'appel des sentences des justices de paix et des conseils de prud'hommes`` (Cap. 1936). Tribunal de commerce ou consulaire. Juridiction d'exception composée de magistrats non professionnels ou consuls élus par leurs pairs commerçants. Tribunal correctionnel. ,,Tribunal d'arrondissement siégeant en matière pénale pour juger soit en premier ressort les délits correctionnels, soit, comme juridiction d'appel, les contraventions de police`` (Cap. 1936). [Depuis l'ordonnance de 1958] ,,Formation pénale au tribunal de grande instance qui connaît en premier ressort des délits`` (Barr. 1974). Tribunal d'instance. Juridiction composée d'un seul juge (se substituant au juge de paix depuis la réforme de 1958), dont le ressort est l'arrondissement et qui a compétence en matière civile ainsi qu'en matière pénale où il prend le nom de tribunal de police (d'apr. Barr. 1967). Tribunal de première instance. [Avant 1958] Juridiction de droit commun ayant compétence pour les affaires du ressort de l'arrondissement, siégeant en chambre (un président et deux juges) pour les affaires civiles (tribunal civil) et pénales (tribunal correctionnel). Tribunal de grande instance. Juridiction de droit commun de première instance, substituée par l'ordonnance du 22 décembre 1958 au tribunal de première instance, juge de droit commun en matière civile et compétent également en matière pénale (audiences correctionnelles), commerciale (à défaut de tribunal de commerce) et siégeant en principe au chef-lieu du département (d'apr. Barr. 1967 et Jur. 1981).
3. Au plur. La justice, la magistrature. Prendre la voie des tribunaux; aller, porter, déférer une affaire devant les tribunaux; poursuivre, traduire, traîner qqn devant les tribunaux; s'adresser aux tribunaux; saisir les tribunaux. L'épuration par la voie des tribunaux comporta autant d'indulgence que possible (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p. 108):
Dans les premières années qui ont suivi la fondation de l'université, toute la jeunesse étudiait le droit. Quand les tribunaux ont été envahis, on s'est rejeté sur la médecine. Aujourd'hui le royaume possède une armée de juges et d'avocats et une armée de médecins... About, Grèce, 1854, p. 249.
4. HIST. Tribunal de l'Inquisition. V. inquisition B.Tribunal révolutionnaire. V. révolutionnaire I A 2.
C. − P. anal. ou au fig.
1. Ce que l'on peut considérer comme une source de jugement; opinion, jugement collectif sur quelqu'un ou quelque chose. Tribunal du public, de la postérité. Il faut dénoncer au tribunal de l'opinion ces certaines correspondances privées où l'on immole aux passions l'honneur des Français et la dignité de la patrie (Chateaubr., Corresp., t. 2, 1818, p. 29).D'autres peuples (...) en appelaient au jugement de Dieu (...). Aujourd'hui ils en appellent au jugement de l'histoire (...). Peut-être veulent-ils dire un peu autre chose quand ils font appel au jugement de l'histoire, au tribunal de l'histoire (Péguy, Clio, 1914, p. 153).
2. Sentiment supérieur, valeur auxquels l'homme se réfère pour juger ses propres actions, ses passions. Sa maîtresse, ignominieusement suspectée, flétrie sous le poids d'une infâme accusation au secret tribunal de son cœur (Borel, Champavert, 1833, p. 178).Je vais passer l'hiver à avancer mes Mémoires, à évoquer mes heures évanouies, à les faire comparaître une à une au tribunal de ma raison; je ne sais si je serai bien impartial et si le juge n'aura pas trop d'indulgence pour le coupable (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 147).
3. Littér. Justice divine. Comparaître devant le tribunal suprême. Le pape Clément V et le roi Philippe Le Bel appelés devant le tribunal de Dieu, par Jacques Molay, avant que les flammes du bûcher l'engloutissent, le pape et le roi, tous deux meurent dans l'année (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 207).
4. RELIG. CATH. Tribunal de la pénitence. Confessionnal; p. méton., confession, sacrement de Pénitence. Homais attaqua la confession. Bournisien la défendit; il s'étendit sur les restitutions qu'elle faisait opérer. Il cita différentes anecdotes de voleurs devenus honnêtes tout à coup. Des militaires, s'étant approchés du tribunal de la pénitence, avaient senti les écailles leur tomber des yeux (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 189).Ce qu'il voulait? La paix, mon père. S'entendre dire: « Allez en paix ». Pour cela se confesser, se confesser tout de suite, là dans le... dans votre... Oui, vous dites le mot, dans votre tribunal de la pénitence.Mon père, je m'accuse... (Baillon, Délires, 1927, p. 76).
Prononc. et Orth.: [tʀibynal], plur. masc. [-o]. Étymol. et Hist. A. 1140-70 sié tribunal (siège, chaire) « où s'assied un empereur pour rendre la justice » (Vie de saint Laurent, éd. D. W. Russell, 787) − ca 1614, Brantôme, Grands Capit. estrang. ds Gdf. B. Subst. 1. 2emoit. xiiies. « siège des juges, des magistrats » (Pass. des .XLVIII. mart., B. N. 818, fo298 vods Gdf. Compl.); 2. ca 1480 tribunal de justice « siège où un roi rend la justice » (Mystère du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 36395); 3. 1621 « corps de magistrats exerçant une juridiction » (J. P. Camus, Agathonphile, 128: qui ne veut soumettre son esprit à ce tribunal, périt); d'où a) α) 1643 tribunal de l'Église (A. Arnauld, La Fréquente Communion, p. 254); 1734 tribunaux ecclésiastiques (J.-B. Dubos, Hist. crit. monarchie française, p. 249); spéc. 1686 tribunaux de l'Inquisition (P. Bayle, Commentaires Philos. Paroles J.C., p. 404); β) 2emoit. xviies. tribunal laïque (Cardinal de Retz, Mémoires, éd. A. Feillet, t. 3, p. 120); 1686 tribunal de la justice séculière (P. Bayle, op. cit., p. 408); γ) 1763 tribunal de commerce (Voltaire, Histoire de l'Empire de Russie, p. 259); δ) 1790, 12 août tribunal de cassation (Décret ds Ranft); ε ) 1793, 9 mars tribunal révolutionnaire, v. révolutionnaire; b) p. anal. 1776 tribunal de famille (Restif de La Bret., Le Paysan perverti, t. 4, p. 170); 4. a) 1615 tribunal éternel « justice de Dieu » (J. P. Camus, Homélies des Etats généraux, p. 239); b) 1621 tribunal de la pénitence « confessionnal » (Id., Agathonphile, p. 96). Empr. au lat.tribunal « lieu où siégeaient les tribuns » puis « endroit élevé en demi-cercle; tribune où siégeaient les magistrats (d'ordre civil ou militaire) et spécialement les juges », dér. de tribunus (v. tribun). Fréq. abs. littér.: 2 371. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 795, b) 3 596; xxes.: a) 2 904, b) 1 463. Bbg. Archit. 1972, p. 152. − Frey 1925 p. 217, 218, 219, 222. − Quem. DDL t. 11, 34.

Wiktionnaire

Nom commun - français

tribunal \tʁi.by.nal\ masculin

  1. Siège du juge, du magistrat.
    • Je suis juge, et je siège au tribunal. — (Le juge de la cour d'assise de Nancy, 13 juin 2015)
  2. Lieu où se fait le jugement, palais de justice.
    • Le tribunal érigé pour le jugement de l’innocente et malheureuse Rébecca occupait le dais ou la partie élevée de l’extrémité supérieure de la grande salle. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
  3. Juridiction d’un magistrat.
    • Jusqu'à il y a quatre ans, les tribunaux cafouillaient. Est-ce que la chaise électrique et la chambre à gaz sont des châtiments cruels et inhabituels ? L'attente entre la condamnation et l'exécution est-elle un châtiment cruel et inhabituel ? — (Stephen King, Le Fléau, traduit de l'anglais, éd. J.-C. Lattès, 1991, chapitre 24)
  4. Magistrat ou réunion de plusieurs juges qui siègent ensemble.
    • Elle appelle le délinquant à son tribunal ; elle commence par lui administrer la bâtonnade pour lui rafraîchir la mémoire, et ensuite elle lui dit : Prouve ton innocence. — (Eugène Pelletan, Les droits de l’homme, 1858, page 107)
    • Il s’était formé à cette époque non pas des tribunaux — la justice se respectait, elle n’ordonne pas l’assassinat des innocents, — mais des cours prévôtales. — (Réponse de M. Raspail père à l’avocat général, lors du procès de François-Vincent Raspail le 12 février 1874)
    • Combault réfutant l’assertion du tribunal, qu’il y avait dans l’Internationale des chefs et des dirigés dit : « Chacun de nous est libre et agit librement ; il n’y a aucune pression de pensée, entre les Internationaux... » — (Louise Michel, La Commune, Paris : P.-V. Stock, 1898, page 23)
    • Un travail conduit démocratiquement serait réglementé par des arrêtés, surveillé par une police et soumis à la sanction de tribunaux distribuant des amendes ou de la prison. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, Chap. VII, La morale des producteurs, 1908, page 347)
    • La France demande que soit soumise au Tribunal de La Haye la question de savoir si le pacte franco-soviétique est compatible avec Locarno. — (Victor Margueritte, Le cadavre maquillé : La S.D.N. (Mars-Septembre 1936), Flammarion, 1936, page 34)
    • Le tribunal, qui se souciait peu d’impartialité, ne fit pas droit à sa requête. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
  5. (Figuré) La justice divine.
    • Il le cita en mourant au tribunal de Dieu.
    • Je sais très-bien que vous n’avez pas encouru la peine de mort devant les hommes, mais c’est au tribunal de Dieu, monsieur, que vous serez jugé. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, 1826)
  6. Source de jugement, opinion, jugement collectif sur quelqu’un ou quelque chose.
    • Il faut dénoncer au tribunal de l’opinion ces certaines correspondances privées où l’on immole aux passions l’honneur des Français et la dignité de la patrie. — (François-René de Chateaubriand, Correspondance, tome 2, 1818, page 29)
  7. (Antiquité romaine) Estrade où se place le siège du magistrat.
    • Exemple d’utilisation manquant. (Ajouter)
  8. (Haut Moyen Âge) Partie élevée de l’hémicycle des basiliques romaines où siègent les magistrats rendant la justice.
    • Exemple d’utilisation manquant. (Ajouter)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TRIBUNAL. n. m.
Siège du juge, du magistrat. Quand le juge est dans son tribunal, est sur son tribunal. Il désigne aussi la Juridiction d'un magistrat, la réunion de plusieurs juges qui siègent ensemble. Tribunal civil. Tribunal de première instance. Tribunal de police correctionnelle. Tribunal de simple police. Les tribunaux militaires. Tribunal de commerce. Comparaître devant un tribunal. Cette affaire sera portée devant les tribunaux. S'adresser aux tribunaux. Le tribunal appréciera. Le tribunal a prononcé. Les tribunaux en décideront. À la rentrée des tribunaux. Prendre la voie des tribunaux, Avoir recours à la justice, pour faire décider une affaire. Tribunal des maréchaux de France, Assemblée des maréchaux de France devant laquelle se portaient certaines affaires relatives au point d'honneur. Tribunal révolutionnaire, Tribunal établi par la Convention et dont les jugements étaient sans appel. En termes religieux, Le tribunal de la pénitence, Le lieu où l'on administre le sacrement de pénitence. Fig., Le tribunal de la conscience, La conscience même. On dit dans le même sens : Cet homme est condamné à son propre tribunal. Fig., Le tribunal de Dieu, La justice de Dieu. Il le cita en mourant au tribunal de Dieu. On dit dans un sens analogue : Le tribunal de l'opinion publique, de la postérité.

Littré (1872-1877)

TRIBUNAL (tri-bu-nal, au pluriel, tribunaux) s. m.
  • 1Siége du juge, du magistrat. Être assis sur un tribunal. Plus grand aux yeux de Dieu lorsque, dans le fond d'une sombre allée et sur un tribunal de gazon, il avait assuré le repos d'une pauvre famille, que lorsqu'il décidait des fortunes les plus éclatantes sur le premier trône de la justice, Fléchier, Lamoignon.
  • 2Juridiction d'un magistrat ou de plusieurs qui jugent ensemble ; les magistrats mêmes. Tribunal civil. Tribunal criminel. Tribunal de première instance. Tribunal d'appel. La justice passe du prince dans les magistrats, et du trône elle se répand dans les tribunaux, Bossuet, le Tellier. Un tribunal de sang te condamne au supplice, Voltaire, Alz. v, 4. Il fallut toujours rendre la justice ; point de société sans tribunal, Voltaire, Hist. parl. av.-propos.

    Prendre la voie des tribunaux, avoir recours à la justice pour faire décider une affaire.

    Tribunal révolutionnaire, celui qui fut établi par la Convention en 1793.

    Tribunal de famille, assemblée de parents qui jugent les contestations élevées entre mari et femme, père et mère, frère et sœur, etc.

    Le tribunal des maréchaux de France, l'assemblée des maréchaux de France devant laquelle se portaient certaines affaires relatives au point d'honneur.

    À Rome, tribunal domestique, assemblée d'agnats présidée par le père de famille pour punir certains méfaits domestiques. L'institution du tribunal domestique suppléa à la magistrature établie chez les Grecs, Montesquieu, Esp. VII, 10.

  • 3Lieu où siégent des juges. Le peuple au tribunal précipite ses pas, Voltaire, Tancr. III, 3.
  • 4Le tribunal de la pénitence, ou, simplement, le tribunal, le confessionnal, où le prêtre administre le sacrement de la pénitence. Ces tribunaux de miséricorde, qui justifient ceux qui s'accusent, Bossuet, Reine d'Anglet. Je dois demain, je dois dans quelques jours comparaître au tribunal de la pénitence, Bourdaloue, 13e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 374. Et cependant vous vous retrouvez le même au sortir du tribunal, Massillon, Carême, Rechute, 1.
  • 5Le tribunal de Dieu, la justice de Dieu. Si, sortant du palais des rois, elle [Mme de Montausier] se fût trouvée devant le tribunal de Dieu, je ne parlerais de sa mort qu'en tremblant, Fléchier, Mme de Mont. Ce fut alors qu'elle [Mme d'Aiguillon] épancha son âme devant Dieu, avant qu'elle parût devant son redoutable tribunal, Fléchier, Aiguillon.
  • 6Il se dit de la juridiction de choses morales que l'on considère comme des juges. Le tribunal de l'opinion publique, de la postérité. L'honneur a son tribunal, et la médisance a le sien, Raynal, Hist. phil. XIII, 5.
  • 7 Fig. Ce qui juge en nous-mêmes. Le tribunal de la conscience. Quel plus doux sommeil, plus libre et plus tranquille, se peut-on imaginer, que celui qui se prend après s'être recueilli de la sorte [avoir fait son examen de conscience chaque soir], avoir rendu de tels comptes devant le tribunal intérieur et s'être endormi sur de semblables méditations ? La Mothe le Vayer, Vertu des païens, II, Sénèque. Chacun s'est fait à soi-même un tribunal où il s'est rendu l'arbitre de sa croyance, Bossuet, Reine d'Anglet. Le premier tribunal où il monta [M. de Lamoignon] fut celui de sa conscience pour y sonder le fond de ses intentions, Fléchier, Lamoignon.
  • 8 Fig. Un tribunal de littérature, un salon où l'on s'occupe de littérature et de choses d'esprit. J'aimerais cent fois mieux une fille simple et grossièrement élevée qu'une fille savante et bel esprit qui viendrait établir dans ma maison un tribunal de littérature dont elle se ferait la pédante, Rousseau, Ém. v.
  • 9 Terme d'architecture. La partie postérieure des basiliques, qui a souvent la forme d'un hémicycle.

HISTORIQUE

XVe s. Lors le commanda Pilate amener devant luy à son siege tribunal, où il se seoyt, Perceforest, t. VI, f° 123.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

TRIBUNAL, s. m. (Gramm. & Jurisprud.) est le siege d’un juge, le lieu où il rend la justice. Quelquefois aussi ce terme se prend pour le corps entier des juges qui composent une jurisdiction. Quelquefois il se prend pour la jurisdiction même qu’ils exercent.

Ce terme qui est aussi latin tire son origine du nom que l’on donnoit à un siege élevé où les tribuns rendoient la justice. Voyez Tribun.

Tribunal ecclésiastique, est celui qui connoît des matieres ecclésiastiques, comme les officialités. Voyez Tribunal séculier.

Tribunal incompétent, est une jurisdiction qui n’a pas le pouvoir de connoître d’une affaire soit par rapport à la qualité des personnes, ou à la qualité de la matiere. Voyez Compétence & Incompétence.

Tribunal inférieur est une jurisdiction qui ressortit à un autre.

Tribunal du recteur, c’est le titre consacré à la jurisdiction du recteur de l’université. Voyez Recteur & Université.

Tribunal séculier, est une jurisdiction établie pour connoître des affaires temporelles. Voyez Tribunal ecclésiastique.

Tribunal souverain, est une jurisdiction où l’on juge souverainement & sans appel.

Tribunal supérieur, se prend quelquefois pour tribunal souverain ; quelquefois il signifie seulement une jurisdiction qui est au-dessus d’une autre, dont les jugemens y ressortissent par appel. (A)

On a comparé les tribunaux au buisson épineux, où la brebis cherche un refuge contre les loups, & d’où elle ne sort point sans y laisser une partie de sa toison. C’est aux sangsues du palais à comprendre ceci : ces mains avides ne feront-elles que tendre des lacets, tracer des lignes obliques, & fabriquer des labyrinthes ? Le souverain ne sévira-t-il point contre ces sangsues altérées, qui épuisent le bien de leurs clients par des faux conseils, par des menées indirectes, & par des voies tortueuses ? (D. J.)

Tribunal secret de Westphalie, (Hist. mod.) c’est le nom d’un tribunal assez semblable à celui de l’inquisition, qui fut, dit-on, établi en Westphalie par l’empereur Charlemagne, & par le pape Léon III. pour forcer les Saxons payens à se convertir au christianisme. On a une description de ce tribunal faite par plusieurs auteurs & historiens, ainsi que l’ordre & les statuts des assesseurs de ce tribunal, appellés vry graves, frey graves, comtes libres, ou échevins du saint & secret tribunal de Westphalie.

Une superstition cruelle, aidée d’une politique barbare, autorisa pendant long-tems les jugemens clandestins de ces redoutables tribunaux, qui remplissoient l’Allemagne de délateurs, d’espions, d’assesseurs & d’exécuteurs de leurs arrêts ténébreux ; les juges de Westphalie usurperent une autorité semblable à celle que s’est arrogée depuis le tribunal odieux que l’Espagne, l’Italie & le Portugal réverent encore sous le titre de saint office. Il paroît en effet que c’est sur le modele du tribunal secret de Westphalie que la cour de Rome a formé celui de l’inquisition, si favorable à ses prétentions & à l’abrutissement des peuples, & si contraire aux maximes de la vraie religion & de l’humanité.

Quoi qu’il en soit, ces deux tribunaux furent toujours également propres à anéantir la liberté des citoyens en les mettant à la merci d’une autorité secrette qui punissoit des crimes qu’il fut toujours facile d’imputer à tous ceux qu’on voulut perdre. En effet, le tribunal secret connoissoit également de tous les crimes & même de tous les péchés, puisqu’à la liste des cas qui étoient spécialement de sa compétence on joignoit toutes les transgressions du décalogue & des lois de l’Église, la violation du carême, &c. Son autorité s’étendoit sur tous les ordres de l’état ; les électeurs, les princes, les évêques mêmes y furent soumis, & ne pouvoient en être exemptés que par le pape & l’empereur. Par la suite néanmoins les ecclésiastiques & les femmes furent soustraits de sa jurisdiction ; cet établissement fut protégé par les empereurs, à qui il fut, sans doute, utile pour perdre ceux qui avoient le malheur de leur déplaire. L’empereur Sigismond y présida une fois, il fut alors garni de mille assesseurs ou échevins ; Charles IV. en sut tirer un très-grand parti, & les bourreaux du tribunal secret eussent empêché la déposition de l’affreux Wenceslas, s’il ne les eût indisposés en divulgant leur secret. La superstition ne sert les tyrans que lorsqu’ils consentent à lui être fideles.

Pour se faire une idée de ce tribunal, il suffit de voir ce qu’en a dit Æneas Sylvius en parlant de ceux qui le composoient de son tems, il dit qu’ils ont (secretos ritus) & arcana quædam instituta, quibus malefactores judicent, & nondum repertus est qui vel pretio vel metu revelaverit ; ipsorum quoque scabinorum major pars occulta est, qui per provincias discurrentes, criminosos notant, & inferentes judicio accusant, probantque, ut eis mos est. Damnati libro inscribuntur, & junioribus scabinis committitur executio. « Ils ont des usages secrets & des formalités cachées pour juger les malfaiteurs, & il ne s’est encore trouvé personne à qui la crainte ou l’argent aient fait réveler le secret ; la plûpart des échevins de ce tribunal sont inconnus ; en parcourant les provinces, ils prennent note des criminels, ils les déferent & les accusent devant le tribunal, & prouvent leur accusation à leur maniere ; ceux qui sont condamnés sont inscrits sur un livre, & les plus jeunes d’entre les échevins sont chargés de l’exécution ». Voyez Æneas Sylv. Europ. cap. xljx.

Au mépris de toutes les formes judiciaires, on condamnoit souvent l’accusé sans le citer, sans l’entendre, sans le convaincre ; un homme absent étoit légalement pendu ou assassiné sans qu’on sût le motif de sa mort, ni ceux qui en étoient les auteurs. Un tribunal si détestable, sujet à des abus si crians, & si contraires à toute raison & à toute justice, subsista pourtant pendant plusieurs siecles en Allemagne. Cependant il fut réformé à plusieurs reprises par quelques empereurs qui rougirent des horreurs qu’on commettoit en leur nom ; & enfin il fut entierement aboli par l’empereur Maximilien I. en 1512 ; & on l’appella depuis le tribunal défendu de Westphalie, & il n’en fut plus question dans l’empire. Il faut espérer que les progrès de la raison, qui tend toujours à rendre les hommes plus humains, feront abolir de même ces institutions odieuses & tyranniques, qui sous le faux prétexte des intérêts de la divinité, permettent à quelques hommes d’exercer la tyrannie la plus cruelle sur les êtres qu’elle a créés à son image ; quelles que soient leurs opinions, un chrétien doit de l’indulgence à ses semblables ; s’ils sont vraiment criminels, ils doivent être punis suivant les lois de la justice & de la raison. Ce tribunal se trouve désigné dans les historiens & dans les écrivains sur le droit public germanique, sous le nom de Judicium occultum Westphalicum, de Vemium, Wemium ou Wehem Gericht en allemand. Ce que quelques-uns dérivent du latin voemihi ; & d’autres du mot saxon vehmen, qui signifie proscrire, bannir, condamner, ou de verfaymer, diffamer, noter d’infamie, &c. Voyez Vrigraves, Inquisition, &c.

Ce tribunal Westphalien, comme on a dit, fut établi par Charlemagne de concert avec le pape Léon III. Quelques auteurs ont rapporté les circonstances suivantes de sa fondation ; cependant il y a des auteurs qui les regardent comme fabuleuses. Quoi qu’il en soit, voici ce qui en est dit à la page 624 du tome III. scriptorum Brunswic. publié par M. de Leibnitz. Ut fertur, misit rex (Carolus M.) legatum Romam ad Leonem papam, pro concilio habendo de rebellibus istis (Saxonibus), quos nullâ poterat diligentiâ ex toto compescere aut exterminare. Ast sanctus vir, auditâ legatione, nihil prorsus respondit ; sed surgens ad hortulum ivit, & zizania cum tribulis colligens, supra patibulum quod de virgulis fecerat, suspendit. Rediens autem legatus hæc Carolo nunciavit, qui mox jus vetitum instituit, quod usque in præsens veniæ vel vemiæ vocatur. « On dit que le roi Charlemagne envoya un ambassadeur à Rome vers le pape Léon, afin de prendre ses conseils sur ce qu’il devoit faire de ces rebelles Saxons, qu’il ne pouvoit ni dompter ni exterminer. Mais le saint homme, ayant entendu le sujet de l’ambassade, ne répondit rien ; il se leva seulement & alla dans son jardin, où ayant ramassé des ronces & des mauvaises herbes, il les suspendit à un gibet qu’il avoit formé avec de petits bâtons. L’ambassadeur, a son retour, rapporte à Charles ce qu’il avoit vu, & celui-ci institua le tribunal qui s’appelle jusqu’à ce jour venia ou vemia ». Voyez Pfessinger, in vitriarium, tome IV. p. 470. & suiv.

Tribunal de l’inquisition, (Hist. ecclés.) voyez Inquisition & Office, saint.

Je me contenterai d’ajouter ici une foible description de la torture qu’on fait subir dans cet horrible tribunal, l’opprobre de la religion chrétienne & de l’humanité.

« Un bourreau deshabille le patient, lui lie les piés & les mains avec une corde, & le fait monter sur un petit siege pour pouvoir passer la corde à des boucles de fer qui sont attachées à la muraille. Après cela, on ôte le siege de dessous les piés du patient, de sorte qu’il demeure suspendu par la corde, que le bourreau serre toujours plus violemment, jusqu’à ce que le criminel ait confessé, ou qu’un chirurgien qui est présent, avertisse les juges qu’il est en danger de mourir. Ces cordes causent, comme on le peut aisément penser, une douleur infinie, lorsqu’elles viennent à entrer dans la chair, & qu’elles font enfler les mains & les piés, jusqu’à tirer du sang par les ongles. Comme le patient se trouve violemment serré contre la muraille, & qu’en serrant les cordes avec tant de force, on courroit risque de déchirer tous ses membres, on a soin auparavant de le ceindre avec quelques bandes par la poitrine, qu’on serre extrèmement. Dans le moment qu’il souffre le plus, on lui dit, pour l’épouvanter, que ce n’est que le commencement des souffrances, & qu’il doit tout avouer avant qu’on en vienne à l’extrémité. Outre les tourmens dont on vient de parler, le bourreau lâche sur les jambes du patient une petite échelle où il est monté, & dont les échelons aigus causent une douleur incroyable en tombant sur les os des jambes… ».

On frémit sans doute à cette seule description de la torture qu’on emploie dans ce tribunal, quoique cette description en françois soit fort imparfaite & fort adoucie ; le lecteur peut s’en convaincre en la lisant dans le latin de l’historien de l’inquisition, dans Limborch, hist. inquisit. lib. IV. cap. xxjx. pag. 323. (D. J.)

Tribunaux de Juifs, (Critiq. sacrés.) il y avoit chez les Juifs trois sortes de tribunaux, un de trois juges, un de vingt-trois, & un troisieme de soixante ; on voit leur institution au Deutér. xvj. 18. & xvij. 8. Le premier tribunal étoit établi dans toutes les bourgades, & on y plaidoit devant trois arbitres les procès où il s’agissoit d’argent & de choses mobiliaires ; le second se tenoit dans les villes, & jugeoit en premier ressort de quelques affaires criminelles ; enfin le troisieme supérieur aux deux autres, étoit le grand sanhédrin, qui ne se tenoit que dans Jérusalem. Voyez les détails concernant ces trois tribunaux au mot Sanhédrin. (D. J.)

Tribunaux de Rome, (Antiq. rom.) il y avoit à Rome trois sortes de tribunaux ; le premier étoit le tribunal des sénateurs ; le second celui des chevaliers ; & le troisieme étoit celui des tribuns de l’épargne : mais Cesar supprima le dernier. (D. J.)

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Étymologie de « tribunal »

Prov. et esp. tribunal ; ital. tribunale ; du lat. tribunal, dérivé de tribunus, tribun.

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(Date à préciser) Du latin tribunal.
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Phonétique du mot « tribunal »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
tribunal traibjunœl

Fréquence d'apparition du mot « tribunal » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « tribunal »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « tribunal »

  • L’existence n’est qu’un éternel tribunal nous condamnant à la pénible sentence du supplice inextinguible, immuable et impérissable qu’est la vie.
    Benoît Gagnon
  • Politique et tribunal sont ruine de patrimoine.
    Proverbe corse
  • Personne ne gagne, devant un tribunal, sinon les avocats.
    Charles Dickens — Bleak House
  • Ne te présente pas devant un tribunal dont tu ne connais pas le verdict.
    Franz Kafka
  • Le gouvernement trouve des centaines de millions pour nettoyer la Libye de son dictateur, il ne trouve pas de quoi payer un spécialiste de la serpillière pour nettoyer les toilettes d’un tribunal en Meurthe-et-Moselle.
    Delfeil de Ton — Siné Mensuel N°3 - novembre 2011
  • La conscience est un tribunal qui casse vite ses sentences.
    Maurice Druon
  • Au tribunal, la victime a livré un témoignage poignant. Photo F. V.
    Var-Matin — "Il menace de me défigurer à l'acide": au tribunal, le témoignage déchirant d'une jeune femme harcelée par son ex - Var-Matin
  • Une conscience sans Dieu, c'est un tribunal sans juge.
    Alphonse de Lamartine
  • Le tribunal de Boulogne-sur-Mer n’est plus accessible au public depuis le 16 mars, en raison de l’épidémie de Covid-19. Annoncée jusqu’au 10 août, cette limitation de l’accès aux audiences est à nouveau prolongée jusqu’au 1er septembre.
    La Voix du Nord — Boulogne : l’accès aux audiences publiques au tribunal reste limité jusqu’en septembre
  • Un tribunal d'exception est un tribunal qui ne se montre équitable que par exception.
    André Prévot
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Traductions du mot « tribunal »

Langue Traduction
Anglais court
Espagnol corte
Italien tribunale
Allemand gericht
Chinois 法庭
Arabe محكمة
Portugais tribunal
Russe суд
Japonais 裁判所
Basque epaitegian
Corse tribunale
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Synonymes de « tribunal »

Source : synonymes de tribunal sur lebonsynonyme.fr

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