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Régner

Définitions de « régner »

Trésor de la Langue Française informatisé

RÉGNER, verbe intrans.

A. − [Le suj. désigne une pers., parfois un ensemble de pers.]
1. Domaine pol.
a) [Le suj. désigne un monarque] Exercer le pouvoir souverain, généralement par droit héréditaire, parfois par élection ou par désignation. Régner seul(e); régner en paix, sans conteste; régner par le glaive, par la loi, par la terreur; être appelé à régner. Louis XVIII a régné aussi longtemps que Napoléon (Delécluze, Journal, 1827, p. 416).
[Le suj. désigne une famille, une dynastie] Avoir un de ses membres qui règne, généralement par voie héréditaire. La papauté seule fait encore régner la maison de Savoie (Goncourt, Journal, 1882, p. 159).
Régner en, sur (un État), sur (les habitants d'un État).Régner en France, sur un peuple. Je n'ai désiré d'être reine Que pour régner (Béranger, Chans., t. 1, 1829, p. 164).Le duc Hermann régnait en Thuringe, et le roi André en Hongrie (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. 1).Les aînés des familles ayant régné sur la France avaient été exilés (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 241).
Le roi règne et ne gouverne pas. [Formule attribuée à Thiers en 1830 pour définir les fondements de la monarchie constitutionnelle] V. gouverner ex. 17.
b) P. anal.
[Le suj. désigne une pers. autre qu'un monarque, parfois un ensemble de pers.] Avec la suprématie des Médicis, la paix s'est établie à Florence; des bourgeois règnent et règnent tranquillement (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 128).N'oublions pas que nous étions alliés il y a seulement vingt ans, alors que Staline régnait (Beaufre, Dissuasion et strat., 1964, p. 180).
[Le suj. désigne Dieu ou une divinité] Dieu, Celui qui règne dans les cieux. Ô rapide Artémis, qui règnes sur les monts (Moréas, Iphigénie, 1900, v, 4, p. 162).
2. Exercer une influence prédominante, avoir un pouvoir absolu dans différents domaines, sur une ou plusieurs personnes. Régner dans le cœur de qqn; régner en despote, en tyran; régner sur qqn, sur la vie de qqn, sur les esprits. Là règne ouvertement cette classe privilégiée que je trouve, ici, à demi engourdie (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 160).David règne en maître sur les arts (Nolhac, Fragonard, 1931, p. 183).
3. Expr. Diviser pour régner. Opposer des personnes pour mieux les dominer. M. de Charlus aimait aussi à (...) brouiller, diviser pour régner (Proust, Prisonn., 1922, p. 277).
B. − [Le suj. désigne une chose]
1. Occuper une place prépondérante, exclusive; exercer une influence importante; avoir un rôle prépondérant, exclusif.
a) [Le suj. désigne une chose concr.] Des organes physiques différents règnent dans le sommeil et dans la veille (Béguin, Âme romant., 1939, p. 116):
1. Dans certaines rues désertes et en province, les jardins sur les fenêtres ont encore plus d'importance; c'est là que règnent la capucine, le haricot d'Espagne à fleurs rouges et surtout le cobaea. Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 191.
b) [Le suj. désigne une chose abstr.] Régner dans l'âme, sur le visage de qqn; régner sur le monde, sur la terre. Passion fougueuse et qui règne en souveraine (Balzac, Corresp., 1822, p. 156).Encore si le désir eût seul régné sur leurs caprices! (Maurras, Chemin Paradis, 1894, p. 193).
c) En partic.
[Le suj. désigne un vent déterminé] Être le plus fréquent (en un lieu donné, à une époque donnée). Le vent d'est, qui règne ici à cette époque, soufflait par bouffées fraîches (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p. 2).
[Le suj. désigne un fléau, une maladie] Sévir. Régner dans la ville. J'observe en ce moment une maladie perdue (...). Une maladie qui règnait au moyen âge (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 394).Un pays pauvre, il est vrai, mais (...) où la disette n'avait pas régné cette année-là (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 415).
2.
a) [Le suj. désigne une chose abstr. ou un inanimé rel. à l'environnement] Exister, s'établir, durer. La période tertiaire aurait régné pendant cinq cent mille ans auparavant (Flammarion, Astron. pop., 1880, p. 100).Sans doute, l'harmonie avait-elle d'abord régné entre Patch et d'Argenlieu (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 191).
SYNT. La nuit, la paix règne; le calme, le silence règne dans l'assemblée, dans la maison, dans la pièce; l'esprit, le bon goût règne chez une personne; la confusion, le désordre, l'incertitude règne; faire régner la justice, l'ordre.
P. antiphr. La confiance règne(!):
2. constant: (...) Tout de même, dites-moi ce qui se passe. Le coupable est entré dans la voie des aveux? henriette: Rien du tout! Filez! Peut-être vous donnera-t-on des nouvelles, ce soir. constant: La confiance règne. Eh bien! je vais admirer les tableaux de Vuillard. Bernstein, Secret, 1913, i, 4, p. 7.
b) Vieilli, littér. [Le suj. désigne une ou plusieurs choses concr.; avec des compl. de lieu, de manière] Être établi, occuper une place, une superficie déterminée. Régner alentour, au fond d'un lieu, jusqu'à un endroit. Plage déserte et inculte qui règne le long de la mer (Stendhal, Abbesse Castro, 1839, p. 187).Le salon, vaste pièce autour de laquelle régnaient des armoires pleines de fossiles (A. France, Vie fleur, 1922, p. 490).
ARCHIT. [Le suj. désigne un élément, un ornement d'édifice] S'étendre en longueur, de façon continue sur une façade, sur le pourtour extérieur ou intérieur d'un édifice. À l'intérieur de la salle et à une médiocre hauteur, règne une galerie circulaire qui sert au service (Mérimée, Ét. anglo-amér., 1870, p. 148).
3. [Le suj. désigne une chose abstr., un système] Avoir cours, être en vogue, en crédit. Régner aujourd'hui, encore, partout; régner à Paris, à la cour, dans le monde, dans les écoles, en ces lieux. Le cannibalisme a longtemps régné chez les ancêtres des peuples les plus civilisés (Verne, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 62).Le plan Baruch (...) avait été conçu à une époque où régnait la conception erronée que l'uranium était peu répandu à la surface du globe (Goldschmidt, Avent. atom., 1962, p. 67).
4. À la forme impers. Il règne un air pur, une chaleur accablante, une odeur délicieuse. Il y régnait encore une sorte d'étiquette qui en excluait la liberté (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 274).Il régnait un grand silence dans la campagne (Bosco, Mas Théot., 1945, p. 187).
Prononc. et Orth.: [ʀeɳe], [ʀ ε-], (il) règne [ʀ ε ɳ]. Ac. 1694, 1718; re-; dep. 1740: ré-. Conjug. v. abréger. Étymol. et Hist. A. 1. 2emoit. xes. « exercer le pouvoir monarchique » (St Léger, éd. Linskill, 15); ca 1145 p. anal. en parlant de Dieu (Wace, Conception N.-D., éd. W.-R. Ashford, 817); 2. fin xes. « exercer une domination spirituelle » en parlant du Christ (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 372). B. 1. 1174-75 « exercer une influence prépondérante » en parlant de choses abstraites (Étienne de Fougères, Manières, éd. R. A. Lodge, 5a); 2. xiiies.: « exercer une autorité souveraine » (Isopet de Lyon, 130 ds T.-L.); 1650 régner sur (Corneille, Don Sanche, I, 2); 3. 1681 « avoir cours, être en crédit » (Bossuet, Hist., II, 8 ds Littré); d'où 1731 « sévir » en parlant d'une maladie (Voltaire, Charles XII, 7, ibid.). C. 1532 « exister; se manifester » (Rabelais, Pantagrueline Prognostication, VIII, éd. M. A. Screech, p. 25). Empr. au lat.regnare « être roi », « exercer le pouvoir absolu », dér. de regnum (v. règne). Fréq. abs. littér.: 4 278. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9 188, b) 4 897; xxes.: a) 4 715, b) 4 887.

Wiktionnaire

Verbe - français

régner \ʁe.ɲe\ intransitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Exercer le pouvoir souverain dans un État monarchique ; se dit des princes souverains, même quand ils ne portent pas le titre de roi.
    • Et même au bled el-makhzen, où le Sultan règne en autocrate absolu, les révoltes contre son autorité ne sont pas rares. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 10)
    • Un pied à Stamboul sur la rive européenne, l'autre à Ankara sur le plateau asiatique, Kemal Ataturk, vainqueur des Grecs et régénérateur de la jeune Turquie, règne en dictateur souverain sur ce qui reste de l’ancien Empire ottoman. — (Victor Margueritte, Le cadavre maquillé : La S.D.N. (Mars-Septembre 1936), Flammarion, 1936, page 224)
  2. (Figuré) Dominer avoir de l’autorité, de l’influence.
    • Rabalan était le dernier représentant d’une famille de sorciers qui, durant plus d’un siècle, régnèrent dans Trélotte. Son arrière-grand-père, son grand-père, son père, tous ses oncles et tous ses cousins avaient été sorciers, et l’on racontait d’eux des choses terribles et merveilleuses. — (Octave Mirbeau, Rabalan)
    • Le sage règne sur ses passions.
    • Cette mère de famille régnait sur les cœurs par sa bonté.
    • Pendant que ce favori et ses créatures régnaient à la cour.
  3. (Figuré) Avoir de l’autorité, de l’influence; être en vogue, en crédit.
    • Et s’il existe encore des contrées en France, où les vieilles coutumes persistent, c’est grâce à la routine qui y règne en maîtresse ; […]. — (Sur la culture superficielle de la vigne, dans Almanach de l’Agriculteur français - 1932, éditions La Terre nationale, page 58)
    • Ce prince a fait régner les lois, la justice.
    • Cette doctrine, cette opinion a régné longtemps.
    • Son éloquence règne sur les esprits.
    • Il fit régner le bon goût.
    • Cette mode règne depuis peu.
    • Les usages qui règnent dans un pays.
  4. Prédominer; se faire remarquer; exister; durer plus ou moins longtemps.
    • Les rues de Reykjavik, comme celles de Thorshavn sont empoisonnées par l'atroce odeur de vieux poisson, et il faut que le climat soit extraordinairement sain pour que la peste n'y règne pas à l'état endémique. — (Jules Leclercq, La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le mont Hékla, Paris : E. Plon & Cie, 1883, page 47)
    • Une atmosphère pesante et troublante régnait encore entre les murs aux boiseries sévères, sous le plafond à écussons […]. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • En mai 1925, Amundsen était parti en avion à la conquête du Pôle Nord, et la plus grande inquiétude régnait sur son sort. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • La plus franche cordialité régnait entre nous. Je passai là d'excellentes heures. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil; tome 1 : De New-York à Tahiti, 1929)
    • Puis, très tard, alors que le silence régnait depuis si longtemps qu’il me paralysait, j’ai fait un effort. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Dans le monde catholique règne donc une improbité générale, qui conduit les dévots à supposer que les relations économiques dépendent principalement des gens qui tiennent la caisse. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, page 294)
    • Il semblerait donc que le plus grand désordre doive régner dans le tapis végétal. Il en est bien ainsi dans les régions de végétation luxuriante […]. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 100)
    • Car la menace ne suffit pas pour faire régner l’ordre. Il y faut aussi suffisamment de droit et de progrès pour obtenir le consentement des peuples. — (Pour un autre monde ; Un autre chemin, motion pour le congrès socialiste de Dijon du 16 au 18 mai 2003)
    • Tandis que le convoi d’artillerie évitait Malmédy, une pagaille indescriptible régnait dans la ville. — (Charles B. Mac Donald, La bataille d’Ardenne, traduit par Paul Maquet et Josette Maquet-Dubois, Bruxelles, Luc Pire Éditions, page 242)
  5. S’étendre sur une ligne continue.
    • Une corniche, une frise, un balcon règne le long de ce bâtiment.
    • Pas une fenêtre à vitres claires ; toutes ont des vitraux coloriés et sombres. Et ces fenêtres règnent partout, des deux côtés du rez-de-chaussée, des deux côtés des hautes galeries. — (Hippolyte Taine, Carnets de voyage : Notes sur la province, 1863-1865, Hachette, 1897)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RÉGNER. v. intr.
Exercer le pouvoir souverain dans un état monarchique; il se dit des Princes souverains, même quand ils ne portent pas le titre de roi. Régner heureusement, despotiquement. Régner longtemps. Régner en paix. Il régnait sur divers peuples. Il régnera sur cette nation. L'art de régner. Lorsque régnait Charles-Quint, empereur. Bonaparte a régné sous le nom de Napoléon. Il se dit figurément et signifie Dominer avoir de l'autorité, de l'influence. Le sage règne sur ses passions. Cette mère de famille régnait sur les cœurs par sa bonté. Pendant que ce favori et ses créatures régnaient à la cour. Il se dit aussi figurément des Choses qui ont de l'autorité, de l'influence, qui sont en vogue, en crédit. Ce prince a fait régner les lois, la justice. Cette doctrine, cette opinion a régné longtemps. Son éloquence règne sur les esprits. Il fit régner le bon goût. Cette mode règne depuis peu. Les usages qui règnent dans un pays. Il signifie également Prédominer, se faire remarquer, exister; durer plus ou moins longtemps. L'affectation règne dans son style. L'hyperbole, l'antithèse, l'ironie règne dans ce discours. Le calme régnait sur son visage. La confiance et la franchise régnaient dans nos entretiens. Lorsque l'ambition règne dans une âme. La discorde régnait dans le camp. Le plus parfait accord règne entre ces deux familles. Le silence régnait dans l'assemblée. Le froid règne dans ce pays une grande partie de l'année. La maladie, l'épidémie qui règne maintenant. Il règne depuis quelques jours un vent qui dessèche tout. Il signifie aussi S'étendre sur une ligne continue. Une corniche, une frise, un balcon règne le long de ce bâtiment, Une corniche, une frise, etc., s'étend tout le long de ce bâtiment.

Littré (1872-1877)

RÉGNER (ré-gné ; au XVIe siècle, d'après Palsgrave, p. 61, et d'après Bèze, on prononçait rèner. La syllabe ré prend un accent grave quand la syllabe qui suit est muette : je règne, excepté au futur et au conditionnel : je régnerai) v. n.
  • 1Gouverner un État à titre de souverain, de roi, de reine, d'empereur, d'électeur, de prince, de duc. Le moyen qu'ont les rois de se faire bien obéir est de bien régner ; et le bien régner, à mon avis, ne consiste en aucune chose tant qu'en la distribution des charges aux personnes de mérite, Malherbe, Lettres, II, 5. Jamais la piété ne peut accompagner Un cœur préoccupé du dessein de régner, Tristan, M. de Chrispe. IV, 1. Règne ; de crime en crime enfin te voilà roi, Corneille, Rodog. V, 4. Car c'est ne régner pas qu'être deux à régner, Corneille, Pomp. I, 2. On sent croître en régnant le désir de régner, Mairet, Solim. II, 2. Le plus court chemin pour bien régner est de considérer ce qu'on approuve dans les autres princes, Perrot D'Ablancourt, Tacite, Hist. I, 5. Il [Jésus] n'a point donné d'invention [il n'a point été inventeur], il n'a point régné ; mais il a été humble, patient, saint, Pascal, Pens. XVII, 1, éd. HAVET. Adorez donc, ô grand roi, celui qui vous fait régner, qui vous fait vaincre…, Bossuet, Mar.-Thér. Si elle eut de la joie de régner sur une grande nation, Bossuet, Reine d'Anglet. Charles Ier, roi d'Angleterre, était juste, modéré, magnanime, très instruit de ses affaires et des moyens de régner, Bossuet, ib. Qu'il règne ce héros, qu'il triomphe toujours ; Qu'avec lui soit toujours la paix ou la victoire ; Que le cours de ses ans dure autant que le cours De la Seine et de la Loire, Racine, Idylle sur la paix. Veut-il [le prince] savoir le grand art de régner ? qu'il approche de lui l'honneur et la vertu, qu'il appelle le mérite personnel, Montesquieu, Esp. XII, 27. On peut régner sur beaucoup d'États, et n'être pas un puissant prince, Voltaire, Mœurs, 119.

    Fig. Saint Louis conserve sa dignité même dans les fers, et règne sur les débris et sur les ruines de se fortune, Fléchier, Panég. St Louis.

    Dans les gouvernements parlementaires, remplir les fonctions de roi, mais sans prétendre diriger le gouvernement, qui appartient aux ministres, expression directe de la volonté du parlement. Le roi règne et ne gouverne pas.

    Par extension et en plaisantant. Après avoir reconnu ce principe, comme font la plupart des hommes d'esprit, qu'en ménage la femme règne et gouverne, Ch. de Bernard, la Chasse aux amants, § III.

  • 2Il se dit de ceux qui tiennent le pouvoir souverain à un titre quelconque. Si je réduis Pompée à chasser Émilie, Peut-il, Sylla régnant, regarder l'Italie ? Corneille, Sert. I, 3.
  • 3Régner, se dit de Dieu. Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, Bossuet, Reine d'Anglet.
  • 4 Fig. Régner sur, commander à. Madame, je suis reine, et dois régner sur moi, Corneille, D. Sanche, I, 2. Si quelque chose les empêche de régner sur nous, ces saintes et salutaires vérités [du christianisme], Bossuet, Duch. d'Orl. Moi, régner ! moi ranger un État sous ma loi, Quand ma faible raison ne règne plus sur moi ! Racine, Phèdre, III, 1.

    Prévaloir. Il m'adresse pour vous Ces mots où l'amitié règne sur le courroux, Corneille, Rodog. V, 4. Posons cette grande entreprise comme un devoir sacré qui doit régner sur tous les autres, Rousseau, Lett. à Mme .... 27 sept. 1766. La dignité d'épouse et de mère régnait sur tous ses charmes, Rousseau, Hél. V, 2.

  • 5Il se dit de la domination exercée par une personne puissante, ou par un État. Pendant que ce favori et ses créatures régnaient à la cour. Mais si vous ne régnez [il s'agit des prétentions d'Agrippine], vous vous plaignez toujours, Racine, Brit. IV, 2. Quand Venise aspirait à régner sur les eaux, Ducis, Othello, I, 7.

    Par extension. Le cygne règne sur les eaux.

  • 6Régner dans le cœur, posséder l'affection. Ne souhaite régner dans le cœur de personne ; Non plus ne fais régner personne dans le tien, Corneille, Imit. II, 8. Mais il [Assuérus] ne put si tôt en bannir la pensée, Vasthi régna longtemps dans son âme offensée, Racine, Esth. I, 1. Il [le roi] règne dans tous les cœurs, Fénelon, Tél. II.

    Il se dit de l'empire de l'amour. Après tant de hauts faits, il m'est bien doux, seigneur, De voir encor mes yeux régner sur votre cœur, Corneille, Nicom. I, 1. Mais j'adore Plautine, et je règne en son âme, Corneille, Oth. I, 2. Vos yeux assez longtemps ont régné sur son âme, Racine, Andr. III, 4.

  • 7Il se dit des choses dont on compare l'autorité, la domination à un règne. Tous ses sentiments [du jeune marquis de Grignan] sont tout neufs, toutes ses paroles ont leur force ; la vérité règne dans tout ce qu'il dit, Sévigné, 4 janv. 1690. Il ne faut pas permettre à l'homme de se mépriser tout entier, de peur que, croyant avec les impies que notre vie n'est qu'un jeu où règne le hasard, il ne marche sans règle et sans conduite au gré de ses aveugles désirs, Bossuet, Duch. d'Orl. Ces lois qu'il [Charles II, d'Angleterre] a protégées, l'ont rétabli presque toutes seules ; il règne paisible et glorieux sur le trône de ses ancêtres, et fait régner avec lui la justice, la sagesse et la clémence, Bossuet, Reine d'Anglet. Songeons qu'il [Louis XIV] ne l'établit [la religion] partout au dehors, que parce qu'il la fait régner au dedans de lui-même et au milieu de son cœur, Bossuet, Mar.-Thér. La noblesse de ses expressions [de Louis XIV] vient de celle de ses sentiments ; et ses paroles précises sont l'image de la justesse qui règne dans ses pensées, Bossuet, ib. La sagesse et l'ordre régnaient partout dans la maison de Marie-Thérèse, Fléchier, Mar.-Thér. Ici règnent les armes, Nous ne connaissons point les prières, les larmes, Voltaire, Orphel. V, 2. Quand on voit un pape, un archevêque, un prêtre méditer un tel crime [l'assassinat des Médicis], et choisir pour l'exécution le moment où leur Dieu se montre dans le temple, on ne peut douter de l'athéisme qui régnait alors, Voltaire, Mœurs, 105. L'univers, disiez-vous, au mensonge est livré ; La calomnie y règne, Voltaire, Tancr. IV, 2. Durant tout le temps que la philosophie d'Aristote a régné, c'est-à-dire pendant plusieurs siècles, D'Alembert, Ab. De la crit. Œuv. t. IV, p. 247, dans POUGENS. Il n'y a pas longtemps que les hypothèses régnaient dans l'histoire, parce qu'elles régnaient encore dans la philosophie, Condillac, Hist. anc. XI, 2.
  • 8Exister, se faire remarquer, durer plus ou moins longtemps. L'hiver règne dans ce pays neuf mois de l'année. L'inimitié qui règne entre nos deux partis, Corneille, Sertor. III, 2. Je suis tellement libertine quand j'écris, que le premier ton que je prends règne tout du long de ma lettre, Sévigné, à Bussy, 20 juill. 1679. La violence et le brigandage régnaient partout dans la ville, Bossuet, Hist. II, 8. Vous savez… que la flatterie jusqu'ici n'a pas régné dans les discours que je vous ai faits, Fléchier, Duc de Montaus. Dans le réduit obscur d'une alcôve enfoncée… Là, parmi les douceurs d'un tranquille silence, Règne sur le duvet une heureuse indolence, Boileau, Lutr. I. Un désordre éternel règne dans son esprit, Racine, Phèdre, I, 2. Enfin avec des yeux où régnait la douceur…, Racine, Esth. I, 1. Les plaisirs commençaient à régner dans la cour, Hamilton, Gramm. 5. Après Sévère, on vit régner toutes les horreurs, Montesquieu, Rom. 16. Un silence profond règne au loin dans Pergame : Tout dort, Delille, Én. II. Au Parnasse, la misère Longtemps a régné, dit-on, Béranger, Gueux.

    Impersonnellement. Cela est bien imaginé et bien ordonné ; il règne ici un bon goût et beaucoup d'intelligence, La Bruyère, XVI. Il règne en cet ouvrage un grand art de mettre des idées abstraites dans leur jour, de les lier ensemble, de les fortifier par leur liaison, Fontenelle, Malebr.

  • 9Il se dit des maladies qui s'étendent sur beaucoup de personnes. La grippe règne depuis deux mois. On [Hambourg] refusa de les recevoir [des fugitifs d'Altona], parce qu'il régnait dans Altona quelques maladies contagieuses, Voltaire, Charles XII, 7. Il régnait de ce côté là, tout le long de la Seine, une fièvre putride d'une dangereuse malignité, Marmontel, Mém. IX.
  • 10En parlant du vent, être fixé à un certain point. Un vent d'orient qui règne de temps en temps sur ces côtes [du Kamtschatka] en hiver, Buffon, Quadrup. t. XI, p. 111. Quelque heureuse que paraisse la position de Mitylène, il y règne des vents qui en rendent le séjour quelquefois insupportable, Barthélemy, Anach. ch. 3.
  • 11S'étendre en longueur. Il y a de fortes chaînes de pierres qui règnent jusqu'au comble, Vaugelas, Q. C. VIII, 10. Ici s'offre un perron, là règne un corridor, Boileau, Art p. I. Autour de cet amas de viandes entassées, Régnait un long cordon d'alouettes pressées, Boileau, Sat. III. À l'égard des montagnes, débarquez au cap de Bonne-Espérance, vous trouverez une chaîne de montagnes qui règne du midi au nord jusqu'au Monomotapa, Voltaire, Dict. phil. Fleuves. La couleur orangée règne autour des yeux et sur les joues [du grand écureuil du Malabar], Buffon, Quadr. t. XIII, p. 52. Qui partageait en deux un grand balcon régnant sur la cour, Rousseau, Conf. II. C'est une grande galerie voûtée et enrichie intérieurement d'une colonnade qui règne de droite et de gauche, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 403, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIVe s. Belle chose leur sembloit, que les leur regnassent à Rome, Bercheure, f° 29, verso.

XVe s. Le jeune duc de Bourgogne qui regnoit pour le temps, Froissart, liv. I, p. 240. Les cardinaux qui pour ce temps regnoient, firent un pape et y nommerent…, Froissart, liv. II, p. 51. En celuy temps regnoit [vivait, florissait] une moulte saincte et devote femme, sœur Collette, De la Marche, Mém. liv. I, p. 116, dans LACURNE. Pour hoirs avoir, pour vivre et pour regner [vivre en honneur], Sages est cilz qui ainsy se marie, Deschamps, Poésies mss. f° 261. Ceux qui regnent aux grandes seigneuries, Commines, I, 7. Il dit et conclud à luy mesme qu'il est ainsi malheureux, et que c'est fortune qui luy court sus et qui regne contre luy, Les quinze joyes du mariage, p. 110, dans LACURNE.

XVIe s. C'est l'art de bien regner qu'il faut apprendre aux princes, Desportes, Tombeau de Desportes. Nostre grand et glorieux chef d'œuvre, c'est vivre à propos ; toutes aultres choses, regner, thesauriser, bastir, n'en sont qu'appendicules et adminicules, Montaigne, IV, 296.

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Étymologie de « régner »

Provenç. regnar, renhar ; espagn. reinar ; ital. regnare ; du lat. regnare, dénominatif de regnum (voy. RÈGNE).

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(Deuxième moitié du Xe siècle) Du moyen français régner, de l’ancien français regner, reigner[1], du latin regnare (« être roi », « exercer le pouvoir absolu »), dérivé de regnum (« royaume »)[2].
Synchroniquement, dérivé de règne, avec le suffixe -er.
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Phonétique du mot « régner »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
régner renje

Fréquence d'apparition du mot « régner » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « régner »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « régner »

  • Je règne par l'étonnant pouvoir de l'absence.
    Victor Segalen — Stèles, Plon
  • Celui qui peut régner sur la rue règnera un jour sur l’Etat, car toute forme de pouvoir politique et de dictature à ses racines dans la rue.
    Joseph Goebbels — Discours
  • Même en Enfer, régner est digne d'ambition ; mieux vaut régner en Enfer que de servir au Ciel.
    John Milton — Le Paradis perdu, I, 1 Paradise Lost, I, 1
  • Dans une enquête publiée par BuzzFeed News en juillet dernier, plusieurs anciens et actuels employés avaient porté des accusations assez graves sur l'ambiance qui peut régner dans les coulisses, en évoquant notamment des cas de racisme. Après ces témoignages, WarnerMedia avait décidé d'ouvrir une enquête interne. 
    Télé 7 Jours — Ellen DeGeneres réagit aux accusations de racisme et d’environnement toxique
  • Même en Enfer, régner est digne d'ambition ; mieux vaut régner en enfer que de servir au ciel.
    John Milton — Le paradis perdu
  • Celui qui veut régner sur le monde doit d'abord apprendre à régner sur lui-même.
    Johannes Linnankoski — Combat éternel
  • On ne peut point régner innocemment : la folie en est trop évidente.
    Louis Antoine Léon Saint-Just — Discours à la Convention, Sur le jugement de Louis XVI, 13 novembre 1791
  • Dieu est le seul être qui, pour régner, n'ait même pas besoin d'exister.
    Charles Baudelaire — Choix de maximes consolantes sur l'amour
  • Lorsque le peuple régnera dans la poésie, il sera près de régner dans la politique aussi.
    Sandor Petöfi — Lettre en 1847
  • On ne peut régner sur les hommes quand on ne règne pas sur leur coeur.
    Henri Lacordaire
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Traductions du mot « régner »

Langue Traduction
Espagnol para reinar
Anglais to reign
Italien regnare
Allemand regieren
Chinois 统治
Arabe ليحكم
Portugais reinar
Russe царствовать
Japonais 君臨する
Basque errege izateko
Corse per regnà
Source : Google Translate API

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Régner

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