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Raisonner

Définitions de « raisonner »

Trésor de la Langue Française informatisé

RAISONNER1, verbe

I. − Empl. intrans.
A. −
1. Exercer sa raison; user de la raison pour connaître, juger. Synon. penser, réfléchir.Vivre, pour l'homme, c'est raisonner; et, se départir du légitime usage de la raison, c'est mourir (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 107).Les autres, même les modèles les plus frustes, savaient lire et écrire, compter, raisonner. Jacquot, lui, c'était une terre en friche, une forêt vierge, un marécage (J. Lanzmann, Le Jacquiot, 1986, p. 212):
1. Tu es une nature passionnée (...). Je suis une nature plus froide, je raisonne. J'envie ton bonheur, je t'approuve de ne point hésiter; mais je ne crois pas que jamais j'arrive à la foi aveugle. Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 189.
[P. méton. du sujet] Des ames qui sentent, pressentent, désirent, raisonnent (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 148).
Avec valeur dépréc. [S'oppose à se passionner, éprouver, vivre] Sixtine par R. de Gourmont (...). C'est plein de belles choses grises, de gens qui raisonnent et ne vivent pas (Renard, Journal, 1890, p. 72).Ô sot, au lieu de raisonner, profite de cette heure d'or! Souris! Comprends, tête de pierre! Ô face d'âne, apprends le grand rire divin! (Claudel, Gdes odes, 1910, p. 268).
Empl. subst. masc. sing., vieilli ou littér. Activité, usage de la raison. Synon. raisonnement.[Pascal] ne voit pas assez qu'il y a autre chose que le raisonner, en pareille matière [le sentiment de la nature] (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 39).Notre temps (...) ignore le sentir comme le raisonner (Valéry, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 61).
2. Notamment en log. et dans le lang. sc. Lier deux propositions au moyen de règles logiques pour en former une troisième; conduire un raisonnement. Cet homme extérieur qui sent, imagine, discourt, raisonne, tire des conséquences de prémisses (Maine de Biran, Journal, 1819, p. 244).Observer, mesurer, raisonner avec la sécurité de la méthode scientifique, et non en enchaînant seulement des mots et des syllogismes (L. Cros, Explosion scol., 1961, p. 119).V. absolu ex. 72, quintessencier B 2 ex. de Sainte-Beuve:
2. ... on a cru longtemps que le géomètre, dessinant à la craie des droites et des cercles imparfaits, et raisonnant juste néanmoins, s'élevait ainsi dans un monde non physique, dans un monde d'idées pures. Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p. 246.
Raisonner sur qqc.Si l'on se contente de réunir et d'accumuler des observations sans raisonner expérimentalement sur elles, on ne peut arriver à rien (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 227).
B. −
1. [Le plus souvent suivi d'une prép. ou d'une loc. prép.]
a) Raisonner avec qqn, contre, sur, à propos de qqc.Formuler des arguments pour convaincre quelqu'un ou pour élucider, prouver ou contester quelque chose. Synon. argumenter, discuter.Si vous défendez aujourd'hui de raisonner contre vos ordres, vous trouverez mauvais demain qu'on n'ait pas raisonné contre ceux d'un autre (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 107).On se mit à raisonner longuement sur les causes de ce malheur (Maupass., Une Vie, 1883, p. 197).Après avoir vainement tenté de raisonner avec elle, il la laissa, pensant que la nuit changerait le cours de ses idées (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 602).
Raisonner en pure perte. Le sage Ahmed comprit que la logique aurait tort, et qu'il raisonnait en pure perte. À quoi bon prêcher un sourd qui tenait à son idée comme le pape au temporel? (About, Nez notaire, 1862, p. 36).
[P. méton.; en parlant d'une manifestation de l'affectivité] Échapper à la logique, à la réflexion; être insensible aux arguments. Si ceux qui vous méprisent sont ceux qui vous persuadent, je n'ai plus rien à vous dire; puisqu'il est vrai que la peur ne raisonne pas (Robesp., Discours, Guerre, t. 8, 1792, p. 194).
b) Fam. Raisonner comme + subst. (avec art. indéf.) [Souvent dans des propos rapportés au style dir., par jeu de mots entre raisonner et résonner, sert à exprimer l'idée que le raisonnement de qqn (ou son propos) est creux, vide ou confus, incohérent, lourd]Raisonner comme une citrouille, comme un pot fêlé, comme une pantoufle*, comme une savate, comme un tambour (mouillé). Vous raisonnez comme un coquillage, mon ami (...) et voilà Danglars, qui est un finot, un malin, un grec, qui va vous prouver que vous avez tort (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 39).Paul Mantz qui (...) rappelle souvent un commis voyageur lâché dans un musée, raisonne outre cela comme un tambour dans l'eau (Toulet, Notes art, 1920, p. 129):
3. Longue amitié, respect, admiration, tout cela me donne bien le droit de te dire qu'en ce qui concerne ma position politique (...) tu raisonnes comme une solive. Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 54.
Rem. V. également le jeu de mots de Péladan, Vice supr., 1884, p. 201: La femme vibre à tout, ne raisonne à rien.
2. Trouver sans cesse de nouvelles objections au cours d'une discussion, de nouvelles raisons de ne pas faire une tâche ou d'en retarder l'exécution. Synon. discuter, répliquer, répondre.Nous avions des scènes horribles ensemble car je lui tenais tête fort bien, je raisonnais et c'est ce qui la mettait en fureur (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 136).Justin: Madame, il faut que je brosse les habits. Norine: Plus tard. Justin: Cependant. Norine: Vous raisonnez toujours... Je vous intime l'ordre de chercher ce parapluie... c'est clair (Labiche, Affaire rue Lourcine, 1857, 1, p. 435).
II. − Empl. trans.
A. − Raisonner qqc.
1. Expliquer les causes d'un événement pour en avoir une vue juste; analyser la motivation d'un comportement, d'une attitude, les motifs d'une action pour en avoir la maîtrise ou un meilleur contrôle. Synon. analyser, étudier.Raisonner sa conduite; raisonner ses impulsions, ses sentiments, ses choix; raisonner sa peur, sa colère. Vous avez une si grande habitude du commerce que vous savez raisonner vos entreprises, vous êtes un malin (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 161).Je vous donne mon impression naïve sans la raisonner (Du Camp, Hollande, 1859, p. 70).Seuls capables [les Bien-pensants] de raisonner la guerre [de 1914], c'est-à-dire d'en nommer les causes, d'en dénoncer les auteurs, et d'en justifier les buts (Bernanos, Gde peur, 1931, p. 420):
4. Avec cet instinct de tendresse des enfants, elle comprenait que son père la reniait; elle n'avait guère que trois ans et demi, elle ne pouvait raisonner son abandon, mais elle sentait une affection moins tiède autour d'elle... Zola, M. Férat, 1868, p. 235.
Empl. pronom. à valeur passive. Être soumis au raisonnement. D'énervement, il ne pouvait plus travailler. Absurde! Mais cela ne se raisonne point (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 994).
En incise (avec inversion du suj.). Car enfin, raisonnait-il, ton esprit à toi reste tenu en laisse par la logique (Gide, Feuillets d'automne, 1947, p. 309).
2. Trouver, donner un fondement intellectuel à quelque chose, le construire, lui donner un cadre rationnel; p. ext., appréhender quelque chose d'une manière abstraite. En France on raisonne les beaux arts bien mieux qu'on ne les sent (Bonstetten, Homme Midi, 1824, p. 78).Rien de tout cela n'est nouveau, et tous ceux qui raisonnent l'histoire n'en témoigneront pas de surprise (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 48).L'œuvre d'art naît du renoncement de l'intelligence à raisonner le concret (Camus, Sisyphe, 1942, p. 134).C'est le fait de les raisonner [les symboles dictés par la sensibilité], de les systématiser qui y apporte la fantaisie et l'incertitude (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 281).
Empl. pronom. à valeur passive. La guerre sera brève. On [l'Allemagne] dictera la paix à Paris dans six semaines (...). Observons qu'il n'y avait rien dans tout ceci qui fût tout à fait impossible, et que ces vues d'apparence déraisonnable se pouvaient fort bien raisonner (Valéry, Variété IV, 1938, p. 70).Les formes de Seurat sont hiératiques et s'ordonnent géométriquement, architecturalement. Les enchantements de la lumière se raisonnent tout en gardant leur puissance d'enchantement (Cassou, Arts plast. contemp., 1960, p. 29).
B. − Raisonner qqn.Convaincre ou tenter de convaincre quelqu'un de choisir un parti, une voie ou de revenir sur une décision en faisant appel à sa raison, à son bon sens. Synon. admonester, faire entendre raison, ramener à la raison (v. raison I A 3).Oh! ces artistes, ces pauvres têtes détraquées qui prennent la vie à rebours! Que devenir avec un homme pareil? J'aurais voulu lui parler, le raisonner (A. Daudet, Femmes d'artistes, 1874, p. 116).M. Bouchard veut donner sa démission. Nous vous l'avons amené pour que vous le raisonniez (Zola, E. Rougon, 1876, p. 50):
5. Il fallait quelquefois, la nuit même, dénouer deux bras, épuiser les forces d'une petite fille, non la raisonner, toutes se butent, mais l'user, et, vers trois heures du matin, la déposer doucement dans le sommeil, soumise, non à ce départ, mais à son chagrin, et se dire: Voilà qu'elle accepte, elle pleure. Saint-Exup., Courr. Sud, 1928, p. 9.
Empl. pronom. réfl. Se convaincre ou tenter de se convaincre de faire un choix raisonnable. Je vois bien, maintenant, que le sort ne m'a pas faite pour être à Monsieur. Je me suis raisonnée, j'ai eu trop d'ambition, mais je vous aime toujours, Monsieur (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 72).En partic. Maîtriser son émotion. Essayer (en vain) de se raisonner. La comtesse resta (...) distraite, le cœur gros, la tête vide, se raisonnant pour se prouver qu'elle était absurde de se tourmenter, et se tourmentant d'autant plus qu'elle se raisonnait davantage (Gyp, Pas jalouse, 1893, pp. 131-132).Elle faisait un effort pour se calmer et sourire. − J'ai beau me raisonner: pour un rien, je me remets à pleurer... Tiens, tu vois, je recommence (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 229).
III. − Empl. trans. indir. Raisonner de qqc.Synon. de discuter, parler de, juger de.J'ai entendu souvent raisonner de politique, d'administration devant un ministre consommé dans les affaires, à peine écoutait-il (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1885).Le général Schmitz soutenait qu'il était impossible de raisonner de la guerre et que même ceux qui y avaient été ne pouvaient pas raconter avec certitude ce qui s'y était passé (Goncourt, Journal, 1885, p. 512).Il vit bien que cette scène l'avait inquiétée et qu'elle aurait voulu en raisonner avec lui (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 119).
[Avec compl. d'obj. interne] Oh! Que de soirs d'hiver radieux et charmants, Passés à raisonner langue, histoire et grammaire (Hugo, Contempl., t. 2, 1856, p. 358).
Prononc. et Orth.: [ʀ εzɔne], (il) raisonne [-zɔn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1190 raisnier « parler à quelqu'un » (Chanson d'Aspremont, éd. L. Brandin, 2395); ca 1210 raisonner (Herbert de Dammartin, Foulque de Candie, éd. Schulz-Gora, 6656), en a. et m. fr.; 1. a) mil. xiiies. raisoné « (d'une personne) en possession de sa raison, raisonnable » (Évangile Nicodème, trad. d'André de Coutance, éd. G. Paris et A. Bos, 576); cf. 1476 parolle raisonnée (Arch. Nord, B 1698, f o69 ds IGLF); b) ca 1380 intrans. raisonner « se servir de sa raison pour connaître, juger » (Roques t. 2, 10251, p. 347); c) 1579 trans. « appliquer le raisonnement à quelque chose, réfléchir sur quelque chose » (Garnier, Troade, acte II, 770 ds Les Tragédies, éd. W. Foerster, II, p. 109); d'où 1611 raisonné part. passé adj. « fondé sur le raisonnement » (Cotgr.); 1674 id. « qui résulte d'un examen réfléchi des raisons » (Corneille, Suréna, IV, 4, 1284); 1680 « qui prouve par des raisonnements » discours raisonné (Rich.), grammaire raisonnée (ibid.); 2. a) 1553 intrans. « chercher et alléguer des raisons pour éclaircir une affaire, appuyer une opinion » (La Bible, s.l., impr. J. Gérard, Job, XXIII, 7); b) 1583 id. « chercher à convaincre quelqu'un par des arguments, des raisons; se défendre » (Garnier, Les Juifves, acte IV, 1471 ds Les Tragédies, éd. W. Foerster, III, p. 149); c) 1662 id. « soulever des objections, répliquer » (Corneille, Sertorius, IV, 2, 1394); d) 1666 trans. « chercher à convaincre quelqu'un de changer de comportement par des arguments qui font appel à sa raison » (Molière, Misanthrope, V, 1, 1483); e) 1793 pronom. « se donner à soi-même des raisons d'agir ou de penser » (Staël, Lettres div., p. 506). Dér. de raison*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 1 732. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 700, b) 2 262; xxes.: a) 2 735, b) 2 203. Bbg. Gohin 1903, p. 304. − Quem. DDL t. 19. − Sculpt. 1978, p. 558.

RAISONNER2, verbe trans.

MAR. [Dans une tournure factitive] . Faire raisonner un navire. Synon. de arraisonner (v. ce mot I B 2).Le capitaine se présente au bureau de la Santé [à Marseille]; l'officier de service fait raisonner le navire, c'est-à-dire qu'il demande au capitaine avec un porte-voix (...) de dire d'où il vient, comment il s'appelle, quel est son chargement (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, pp. 402-403).
Prononc. et Orth.: [ʀ εzɔne], (il) raisonne [-zɔn]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. V. arraisonner étymologie.

Wiktionnaire

Verbe - français

raisonner \ʁɛ.zɔ.ne\ ou \ʁe.zɔ.ne\ intransitif ou transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se raisonner)

  1. Se servir de sa raison pour connaître, pour juger.
    • Lorsque Rousseau demandait que la démo­cratie ne supportât dans son sein aucune association particulière, il raisonnait d'après la connaissance qu'il avait des républiques du Moyen Âge ; […]. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, Chap.VI, La moralité de la violence, 1908, p.280)
    • Bernstein, échappé de la dogmatique marxiste, raisonnait parfois à la manière des épistémologues de son temps, lesquels étaient néopositivistes et néokantiens. Mais, il n'était pas passé du marxisme au néokantisme par une apostasie. — (Alain Besançon, Les Origines intellectuelles du léninisme, chez Calmann-Lévy, 1977)
    • Cet incident tapageur fit du bruit, comme il était normal, dans le Landerneau languedocien. Phénomène bien connu: quand les murs résonnent, les journalistes ne raisonnent plus. — (René Cavanhie, Les esprits frappeurs de Vailhauquès, dans Le Québec sceptique, n°24, p.28, décembre 1992)
  2. Faire un syllogisme, une suite d’arguments qui s’enchaînent.
    • Raisonner juste. — Raisonner faux.
  3. Chercher et alléguer des raisons pour éclaircir une affaire, une question, pour appuyer une opinion, etc.
    • Si je raisonne objectivement, je suis obligé de constater la concomitance évidente entre la persistance du sentiment religieux dans une grande partie de la population et la continuation d'une natalité qui, […], demeure malgré tout très belle. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • La loi ne raisonne pas, elle commande.
  4. Répliquer, alléguer des excuses, au lieu de recevoir docilement des ordres ou des réprimandes.
    • Je n’aime pas les enfants qui raisonnent, car il ne s’agit pas de raisonner, mais d’obéir.
  5. (Marine) Reconnaître un bâtiment, s’enquérir de sa nationalité, de son chargement, de sa route
    • Faire raisonner un bâtiment.
  6. (Transitif) Appliquer le raisonnement à quelque chose.
    • C’est un homme qui raisonne toutes ses actions, toutes ses démarches.
  7. (Transitif) Chercher à faire entendre raison à quelqu’un.
    • J’ai eu beau le raisonner, il n’a rien voulu entendre.
  8. (Pronominal) Se soumettre à la raison, écouter la voix de la raison.
    • Il se raisonna et fit taire sa passion.
    • Il essaya en vain de se vaincre et de se raisonner.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RAISONNER. v. intr.
Se servir de sa raison pour connaître, pour juger. C'est le propre de l'homme de raisonner. Il signifie également Faire un syllogisme, une suite d'arguments qui s'enchaînent. Raisonner juste. Raisonner faux. Raisonner de travers. Fig. et fam., Raisonner comme une pantoufle, Raisonner de travers.

RAISONNER signifie également Chercher et alléguer des raisons pour éclaircir une affaire, une question, pour appuyer une opinion, etc. Nous avons beaucoup raisonné sur cette affaire. La loi ne raisonne pas, elle commande. Il signifie encore Répliquer, alléguer des excuses, au lieu de recevoir docilement des ordres ou des réprimandes. Je n'aime pas les enfants qui raisonnent. Il ne s'agit pas de raisonner, mais d'obéir. Ne raisonnez pas tant, Si vous raisonnez davantage... se dit pour faire taire les gens qui vous importunent par leurs fastidieux bavardages, par leurs répliques.

RAISONNER s'emploie aussi transitivement et signifie Appliquer le raisonnement à quelque chose. C'est un homme qui raisonne toutes ses actions, toutes ses démarches. Il signifie encore Chercher à faire entendre raison à quelqu'un. J'ai eu beau le raisonner, il n'a rien voulu entendre.

RAISONNER, en termes de Marine, signifie Reconnaître un bâtiment, s'enquérir de sa nationalité, de son chargement, de sa route. Faire raisonner un bâtiment. On dit aussi Arraisonner.

SE RAISONNER signifie Se soumettre à la raison, écouter la voix de la raison. Il se raisonna et fit taire sa passion. Il essaya en vain de se vaincre et de se raisonner. Le participe passé

RAISONNÉ est aussi adjectif et signifie Qui est appuyé de raisons et de preuves. Requête raisonnée. Projet raisonné. Il se dit encore de Toute méthode ou traité qui rend raison des règles d'un art, d'une science. Arithmétique raisonnée. Grammaire raisonnée.

Littré (1872-1877)

RAISONNER (rè-zo-né) v. n.
  • 1Faire usage de la raison. Pourquoi ne nous fâchons-nous pas si on dit que nous avons mal à la tête, et que nous nous fâchons de ce qu'on dit que nous raisonnons mal ? Pascal, Pens. V, 10, éd. HAVET. C'est sans raisonner qu'un enfant qui tète ajuste ses lèvres et sa langue de la manière la plus propre à tirer le lait qui est dans la mamelle, Bossuet, Conn. V, 3. Soutenons bien nos droits ; sot est celui qui donne ; C'est ainsi devers Caen que tout Normand raisonne, Boileau, Ép. II. Dans une nation libre, il est très souvent indifférent que les particuliers raisonnent bien ou mal ; il suffit qu'ils raisonnent, Montesquieu, Esp. XIX, 27. Raisonner avec les enfants était la grande maxime de Locke ; c'est la plus en vogue aujourd'hui, son succès ne me paraît pas pourtant fort propre à la mettre en crédit ; et pour moi je ne vois rien de plus sot que ces enfants avec qui l'on a tant raisonné, Rousseau, Ém. II.

    Fig. Lorsque l'on vient à voir vos célestes appas, Un cœur se laisse prendre et ne raisonne pas, Molière, Tart. III, 3.

    Familièrement. Raisonner comme une pantoufle, voy. PANTOUFLE.

    On dit quelquefois aussi : raisonner comme un tambour mouillé, très mal raisonner (jeu de mots entre raisonner et résonner).

    S. m. Manie de raisonner. On a banni les démons et les fées ; Sous la raison les grâces étouffées Livrent nos cœurs à l'insipidité ; Le raisonner tristement s'accrédite ; On court hélas ! après la vérité : Ah ! croyez-moi, l'erreur a son mérite, Voltaire, Ce qui plaît aux dames. Je suis pour ses tragédies [de Corneille] ce que la Couture était pour les sermons ; il disait qu'il n'aimait pas le brailler, et qu'il n'entendait pas le raisonner, Voltaire, Lett. d'Alemb. 19 déc. 1764.

  • 2 Particulièrement. Parvenir, au moyen de rapports connus, à des rapports qu'on ne connaissait pas. Raisonner, c'est prouver une chose par une autre, Bossuet, Connaiss. I, 13. Raisonner est se servir de deux jugements pour en faire un troisième, comme, lorsqu'ayant jugé que toute vertu est louable, et que la patience est une vertu, j'en conclus que la patience est louable, Duclos, Œuv. t. IX, p. 53. L'art de raisonner consiste à comparer ensemble deux choses par le moyen d'une troisième, D'Alembert, Mél. etc. t. V, p. V. L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite, Condillac, Traité des syst. ch. 3. Raisonner, c'est comparer des idées afin de passer, des rapports qui sont connus, à la découverte de ceux qui ne le sont pas, Condillac, Hist. anc. III, 26.
  • 3Chercher et alléguer des raisons touchant une affaire, une question, etc. discourir sur quelque chose. Je suis bien sot de m'amuser à raisonner avec vous, Molière, D. Juan, III, 1. Tout en raisonnant, je crois que nous sommes égarés, Molière, ib. III, 1. Voilà par où commence l'esprit de révolte : on raisonne sur le précepte, et l'obéissance est mise en doute, Bossuet, Hist. II, 1. Et la troupe, à l'instant cessant de fredonner, D'un ton gravement fou s'est mise à raisonner, Boileau, Sat. III. Vous devez choisir, non pas l'homme qui raisonne le mieux sur les lois, mais celui qui les pratique avec la plus constante vertu, Fénelon, Tél. VI. J'envisage le siècle de Louis XIV comme celui du génie, et le siècle présent comme ce lui qui raisonne sur le génie, Voltaire, Frag. sur l'hist. XX.
  • 4Répliquer, alléguer des excuses, au lieu de recevoir docilement des ordres ou des réprimandes. Je suis reine ; et qui sait porter une couronne, Quand il a prononcé, n'aime point qu'on raisonne, Corneille, Sertor. IV, 2. Ce ne sont pas des conseils que je vous demande ; faites ce que je vous dis, sans tant raisonner, Genlis, Théât. d'éduc. Tendr. matern. sc. 4.

    Ne raisonnez pas tant ; vous raisonnez, je crois ; si vous raisonnez davantage, phrases qui se disent à un enfant, à une personne inférieure, quand on veut mettre fin à ses répliques.

  • 5 Terme de marine. Raisonner à la chaloupe, se dit d'un vaisseau, lorsqu'il est obligé de montrer ses passe-ports à la chaloupe qui vient les reconnaître, et de lui rendre compte de sa route.

    Cela se dit aussi, sur les fleuves, des bureaux de péage. Examinez si l'on ne pourrait pas mettre le payement de tous ces péages en un seul droit, pour épargner aux barques qui voiturent sur le Rhône la peine qu'ont les conducteurs de raisonner en tous les bureaux où ces péages se lèvent, Corresp. de Colbert, II, 139.

  • 6 V. a. Appliquer le raisonnement à quelque chose. Il raisonne tout ce qu'il fait.

    Raisonner quelqu'un, chercher à l'amener à une sage résolution. Non, vous avez beau faire et beau me raisonner, Rien de ce que je dis ne peut me détourner, Molière, Mis. V, 1.

  • 7Raisonner métaphysique, politique, etc. converser sur la métaphysique, la politique, etc. Je voudrais bien raisonner métaphysique avec un Gaulois, Voltaire, Dial. XXIX, 12.
  • 8Se raisonner, v. réfl. Soumettre son esprit à la raison. C'est en vain qu'il veut se vaincre et se raisonner ; un tremblement universel agite tout son corps, Genlis, Vœux témér. t. III, p. 170, dans POUGENS.
  • 9Être raisonné, être soumis au raisonnement. Il y a des idées qui veulent être relevées ; il y en a qui veulent que l'image les abaisse au ton du style familier ; ce grand art n'a point de règles, et ne saurait se raisonner, Marmontel, Œuv. t. VIII, p. 183.

HISTORIQUE

XIIIe s. Car la corde en la bouche ne la laisse raisnier [parler], Berte, XI.

XIVe s. Le raisonna par telles paroles [lui tint ce discours], Chr. de St-Denis, t. I, f° 26, dans LACURNE.

XVe s. Une chose faisoit à raisonner [à considérer] ; l'yver approchoit…, Froissart, liv. III, f° 348.

XVIe s. S'ils condamnoient ou louoient ce personnage ou ce faict, il falloit raisonner leur dire, Montaigne, I, 151.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RAISONNER.
4Répliquer, alléguer des excuses. Ajoutez :

Avec un régime indirect. Comment ventrebleu, dit le Sultan, si j'en veux faire usage ? je commence par vous, si vous me raisonnez, Diderot, Bijoux indiscrets, I, 5.

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Étymologie de « raisonner »

Raison ; provenç. razonar, rasonar ; catal. rahonar ; espagn. razonar ; portug. razoar ; ital. ragionare. Raisnier, qui est la forme ancienne, avait surtout la signification de parler.

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Verbe dérivé de raison, avec le suffixe -er.
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Phonétique du mot « raisonner »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
raisonner rezɔne

Fréquence d'apparition du mot « raisonner » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « raisonner »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « raisonner »

  • J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers.
    Montesquieu — Variétés
  • Quand on a raison, il faut raisonner comme un homme ; et comme une femme, quand on a tort.
    Paul-Jean Toulet — Les Trois Impostures, Émile-Paul
  • Travaillons sans raisonner ; c'est le seul moyen de rendre la vie supportable.
    Voltaire — Candide ou l'optimisme
  • C'est une très méchante manière de raisonner que de rejeter ce qu'on ne peut comprendre.
    François René de Chateaubriand — Génie du christianisme
  • Qu'est-ce qui pousse quelqu'un à remettre frénétiquement de l'argent dans une machine à sous, à parier inlassablement le même numéro à la roulette ? Lorsque nous jouons au casino, des biais cognitifs altèrent notre capacité à raisonner rationnellement.
    Futura — 5 biais cognitifs qui affectent les joueurs de casino
  • L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite.
    Étienne Bonnot de Condillac — La Logique ou les Premiers Développements de l'art de penser
  • Penser et raisonner font deux.
    Georges Braque — Le Jour et la nuit
  • Travaillons sans raisonner, dit Martin, c'est le seul moyen de rendre la vie supportable.
    François Marie Arouet, dit Voltaire — Candide
  • Je mets les choses au pire, parce que je trouve que c'est là la vraie façon de raisonner.
    Louis XVIII — Correspondance avec Talleyrand
  • Ils tentent de le raisonner. En vain. Aux alentours de 21 heures, le Gaumais, qui s’était enroulé de papier toilette et versé un bidon d’essence sur le corps, décide de passer à l’acte et sort un briquet. Des voisins ont assisté à la scène. Le geste de désespoir de cet homme a ainsi été filmé depuis la fenêtre d’un riverain.
    Journal L'Ardennais — Belgique : un homme est décédé après s’être s’immolé par le feu
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Traductions du mot « raisonner »

Langue Traduction
Anglais reason
Espagnol razón
Italien motivo
Allemand grund
Chinois 原因
Arabe السبب
Portugais razão
Russe причина
Japonais 理由
Basque arrazoia
Corse ragiò
Source : Google Translate API

Synonymes de « raisonner »

Source : synonymes de raisonner sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « raisonner »

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