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Mordre

Définitions de « mordre »

Trésor de la Langue Française informatisé

MORDRE, verbe

I. − Emploi trans.
A. −
1. Saisir avec les dents.
a) Serrer fortement de manière à entamer. Il se jeta sur le pain, mordit une bouchée, puis le reposa lentement sur la table (Hugo, Misér.,t.1, 1862, p.302).Christophe prit un tram électrique, en mordant à belles dents un petit pain (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p.540).
Absol. Mordre à même (qqc.). Mordre directement dans (quelque chose). Il (...) se mit à mordre à même les oeufs, faisant tomber sur sa vaste barbe des parcelles de jaune clair qui semblaient, là dedans, des étoiles (Maupass., Contes et nouv.,t.2, Boule de suif, 1880, p.152).J'avais accoutumé de mordre à même les victuailles, les portant à ma bouche avec mes doigts (Gide, Thésée,1946, p.1425).
Mordre sur une (certaine) dent. Mordre avec une (certaine) dent. En ce moment le cardinal et le maréchal s'empiffrent vis-à-vis, tout en prenant soin de ne pas mordre sur leurs dents qui branlent (Audiberti, Mal court,1947, ii, p.171).
b) Locutions
Mordre son frein. V. frein A 1.
[Dans un combat] Mordre la poussière
Être jeté à terre, battu, tué. [Pégase] Cheval sauvage et peu commode. Si on le dompte, il ne tarde pas à vider le dompteur, à l'envoyer mordre la poussière (Cocteau, Poés. crit. II,1960, p.147).
Subir un échec. Si les 106 députés socialistes (...) avaient voté contre lui (...) Edgar Faure, réduit à 295 suffrages, aurait mordu la poussière (L'Humanité,19 janv. 1952, p.1, col. 4):
1. Grâce à ces restes, qui procureraient un supplément d'élus, chaque parti serait assuré de faire passer tels de ses chefs qui auraient mordu la poussière en province ou même ne se seraient présentés nulle part. De Gaulle, Mém. guerre,1959, p.266.
2. [Avec l'idée d'une blessure]
a) Serrer fortement de manière à blesser. Se faire mordre par un chien enragé. Étudiant mordu d'une vipère en trois endroits (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p.516).Si tu bouges, je te tordrai le cou. Regarde: tu m'as mordu jusqu'à l'os (Bernanos, Nuit,1928, p.22).
Vx. Mordre le sein de sa nourrice. Être ingrat (Rey-Chantr. Expr. 1979, s.v. sein).
À l'impér. [Pour exciter deux personnes à se quereller ou à se battre] Mords-le (Car.Argot1977).
Proverbe. Il vaut mieux être mordu d'un chien que d'une chienne. V. chien1II B 4 b.
b) Absol. Avoir l'habitude, avoir pour naturel d'attaquer, de blesser avec les dents. Ce chien mord (Ac.1798-1878).
Attaquer, se défendre en saisissant avec les dents. Ce chien mord bien serré (Ac.1798-1878).Ce chien mord cruellement (Ac.1935).
Proverbe. Chien qui aboie ne mord pas. V. chien1II B 4 b.
c) [En parlant de certains animaux] Blesser, piquer. Être mordu par des puces. Eh, vieux con, tu n'as jamais été mordu par un pou? (Queneau, Loin Rueil,1944, p.57).
3. Serrer fortement entre ses dents au point de se couper, de se blesser.
a) [Le compl. désigne une partie du corps] De ses dents, plus pures que des perles, il mordait jusqu'au sang sa lèvre inférieure (Gautier, Fracasse,1863, p.299).Gustave reprend haleine. Il regarde la truie. Il regarde Julia; il mord sa moustache (Giono, Gd troupeau,1931, p.150).
Emploi pronom. réfl. indir.
Se mordre (la joue). Il se mordit nerveusement la lèvre inférieure (Malègue, Augustin,t.1, 1933, p.312).Il arpentait le long couloir, pendant l'opération, en même temps qu'un jeune homme qui attendait, lui, la délivrance de sa femme, et qui se mordait les ongles jusqu'au sang (Simenon, Vac. Maigret,1948, p.19).
Se mordre la langue (d'avoir parlé). V. langue I B 1 a.
En partic. [En parlant de certains animaux] Se mordre la queue. Tenir sa queue dans la bouche, dans la gueule. Le morceau principal, qui devait figurer un dragon se mordant la queue, rata complètement (Flaub., MmeBovary,t.1, 1857, p.174).Le serpent qui se mord la queue était adoré à Hiérapolis en Phrygie, par les Naasséniens, secte gnostique à peine chrétienne (Berthelot, Orig. alchim.,1885, p.62).
Se mordre les doigts (de qqc.). Se repentir vivement (de quelque chose). Il a pris Auguste dans ses bureaux, c'est vrai; mais je m'en mords joliment les doigts aujourd'hui. Si j'avais mis Auguste dans l'industrie, il gagnerait déjà le double (Zola, E. Rougon,1876, p.306).Je te conseille de parler du doyen! Tu t'es ingénié à lui déplaire et maintenant tu te mords les doigts de ton imprudence (A. France, Mannequin,1896, p.18).J'ai tergiversé: peur de me voir supprimer ma bourse, de ne pouvoir passer ma licence, etc... des bêtises, quoi. Puis c'était trop tard. Maintenant je me mords les doigts (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p.345).P. anal. Se mordre les pouces (de qqc.). Élias Magus fit un geste, il se mordit les pouces en pensant qu'il aurait pu avoir le tableau pour cent sous (Balzac, P. Grassou,1840, p.443).
b) P. exagér. [La petite vieille] était ridée comme une vieille pomme, sa peau avait une teinte de safran, son menton mordait son nez, sa bouche était une ligne à peine indiquée (Balzac, Confid. Ruggieri,1837, p.316).
Emploi pronom. réfl. indir. [Un vrai laideron] une bouche à se mordre les oreilles (Richepin, Pavé,1883, p.329).
Arg. et pop.
Péj. [Dans une loc. adv.] À la mords-moi le doigt, à la mords-moi-le-jonc, à la mords-moi-le-nez, à la mords-moi-le-noeud. Pas sérieux, extravagant. En voilà une répétition à la mords-moi-le-jonc! (Colette, Vagab.,1910, p.83).Je me fous de (...) votre sole à la mords-moi-le-nez (...). Je veux de la tête de veau (Esnault, Notes compl. Poilu,[1919], 1956):
2. Profitez de l'occasion pour retrouver votre liberté (...) sinon un de ces requins qui vous ont fait signer des papiers à la mords-moi le doigt, traitera l'affaire et vous n'aurez pas un sou du cinéma comme pour les traductions et les reproductions. Cendrars, Homme foudr.,1945, p.182.
Pop., emploi pronom. réfl. indir., loc. C'est à se les mordre. ,,C'est extravagant, ridicule, insupportable`` (Rey-Chantr. Expr. 1979).
c) [Le compl. désigne un objet quelconque] M. Ducrocq mordait l'anche de la clarinette (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1855, p.212).Elle avait saisi l'oreiller dans ses bras convulsifs, elle le mordait pour étouffer ses sanglots (Zola, Joie de vivre,1884, p.1044).
B. − P. anal. [Le suj. désigne des objets, des éléments divers]
1. S'enfoncer dans, s'accrocher à (quelque chose). Le peigne d'écaille, qui mord les cheveux noirs (Goncourt, Journal,1862, p.1177).
Prendre, trouver prise (sur). Le crampon, lancé d'une main sûre, vint mordre l'appui du balcon (Gautier, Fracasse,1863, p.398).
Absolument:
3. Il glissa la photographie entre les chemises, rabattit le couvercle qui résistait à cause de l'enflure des linges, appuya sur les fermoirs (...). Deux bruits secs de ressorts qui mordent. Arnoux, Nuit St-Avertin,1942, p.34.
2. Entamer en coupant. Tous les vendeurs n'étaient occupés qu'à métrer de cette soie (...); on entendait le bruit des ciseaux mordant le tissu (Zola, Bonh. dames,1883, p.489).Dans les intervalles où la scie ne mordait pas le bois, on entendit le timbre mat d'une ambulance (Camus, Exil et Roy.,1957, p.1605).
3. [Le suj. désigne des agents, des phénomènes érosifs, corrosifs]
a) [En parlant du feu, d'intempéries] Porter atteinte, attaquer en usant, en consumant. Pour la première fois je laissais la flamme mordre sur les arbustes, les gazons voisins (Giraudoux, Suzanne,1921, p.144).En soufflant par un tuyau de pipe, on darde la flamme d'une chandelle et on lui fait mordre le bois (Pourrat, Gaspard,1922, p.13).Le feu mordait ardemment les bûches (Pesquidoux, Livre raison,1932, p.22).
Au part. passé. Les briques tombées ou mordues par le temps, le ciment qui manquait dans les joints, avaient été remplacés (Balzac, Paysans,1844-50, p.183).Bras maigres, tout mordus par le soleil (Sand, Pte Fad.,1849, p.131).La vieille Berthe, (...) la peau mordue par le froid, était arrivée à l'école (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p.111).
b) GRAV., IMPR., LITHOGR. (Faire) mordre.(Faire) subir l'action d'une substance corrosive. [P. ell. du compl.] Pour exécuter une eau-forte (...) on commence par tracer le premier grisé puis on fait mordre à l'acide (Chelet, Lithogr.,1933, p.80).
Au part. passé. Grisés mordus. Depuis quelque temps on exécute (...) des clichés mordus très profondément, qui permettent d'imprimer une trame fine sur n'importe quel papier (Arts et litt.,1935, p.28-15).
c) Absol., TEINT. Prendre la teinture. Étoffe qui mord mal.
C. − Au fig.
1. [Le suj. désigne des sentiments] Ronger, faire profondément souffrir, tourmenter. Elle n'avait pas avoué à Micheline l'inquiétude qui lui mordait le coeur (Aragon, Beaux quart.,1936, p.232).
2. Absol. [Le suj. désigne une pers.] Attaquer de façon désagréable, avec agressivité, ironie. Chez lui [Le Sage], point de rancune ni d'amertume (...). Par là surtout il se distingue de Voltaire, qui mord et rit d'une façon âcre (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t.2, 1850, p.364).
D. − Argot
a) À l'impér. Regarder, voir. Synon. pop. viser.Mords un peu cette frangine, si elle est gironde! (Pt Simonin ill.,1957, p.199).
b) Absol. Comprendre. Synon. pop. piger.Tu mords? (Car.Argot1977).
c) SPORTS. Mordre le guidon. ,,Se courber en avant pour un pédalage forcé`` (Esn. 1966). Sur 866 cyclistes inscrits dimanche dans la région parisienne (...), il en est seulement 123 qui se trouvent désormais autorisés à continuer à mordre leur guidon (Auto,26 déc. 1941).
II. − Emploi trans. indir.
A. − [Avec les dents, la bouche, la gueule]
1. Mordre à (qqc.)
a)
α) [En parlant du poisson qu'on pêche] Venir à l'appât et se faire prendre. Les poissons mordent à l'hameçon (Ac.1798-1878).
Absol. Heureusement, le poisson mordait (Queffélec, Recteur,1944, p.108).
Ça mord. Le poisson vient à l'appât. Ça me gênerait rudement si ça mordait. Je ne viens pas pour pêcher, moi, je viens parce qu'on est très bien ici; on est secoué comme en mer; si je prends une ligne, c'est pour faire comme les autres (Maupass., Contes et nouv.,t.1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p.303).
β) Au fig. [En parlant d'une pers.] Mordre à l'appât, à l'hameçon. Se laisser leurrer, se laisser séduire par une proposition qui cache un piège (d'apr. Ac. 1935).
Ça mord (fam.). La ruse réussit, la personne se laisse prendre. Lucy: S'il y a confusion, il n'y a plus caractère!... Et je vais plus loin!... Elle s'assied. Paul, à Jeanne: Ça a mordu! (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie, 1869, iii, 4, p.148).(Il lui baise la main, fausse sortie.) Éva: Monsieur Rabagas, encore un mot! Rabagas, à part; Ça mord! (Revenant et haut.) Bien vite! Je vous en prie! (Sardou, Rabagas, 1872, iii, 7, p.129).
b) P. métaph. Il avait, disait-on, goûté successivement toutes les pommes de l'arbre de l'intelligence, et, faim ou dégoût, il avait fini par mordre au fruit défendu (Hugo, N.-D. Paris,1832, p.188).Homme à grandes conquêtes, Maxime n'avait connu que des femmes titrées; et, à cinquante ans, il avait bien le droit de mordre à un petit fruit soi-disant sauvage (Balzac, Homme d'affaires,1845, p.409).
c) Fam. Comprendre (quelque chose) et s'(y) adonner avec plaisir, (y) prendre goût. Mordre aux études. Eh bien! Gabriel, (...) te défends-tu vaillamment contre les thèmes, les versions? mords-tu ferme aux mathématiques? (Balzac, Rech. absolu,1834, p.170).L'instituteur ajoutait: − Monsieur Paturot, envoyez-moi donc votre cadet; nous le ferons mordre à la version latine (Reybaud, J. Paturot,1842, p.422).
2. Mordre dans (qqc.).Entamer (quelque chose) à coups de dents. L'enfant assis près de moi mordait dans une tartine de confitures (Sandeau, Sacs,1851, p.51).Ils mordaient à pleine bouche dans une tartine de raisiné et buvaient à la régalade à même une grande bouteille (A. France, Vie fleur,1922, p.329).Ils mordaient à grandes bouchées dans deux sandwiches jumeaux (Martin du G., Thib.,Consult., 1928, p.1131).
Mordre à même dans. Elles avaient des dents brillantes qui mordaient à même dans les grenades (Flaub., Tentation,1849, p.438).Nous les mangions toutes vivantes, en mordant à même dans nos tartines (Loti, Mon frère Yves,1883, p.110).
B. − P. anal., TECHNOL.
1. Mordre dans (qqc.).Trouver prise dans (quelque chose) en s'y enfonçant, en entamant. Scie, vis qui mord dans le bois. [Dans] les parachutes à arc-boutement (...) le ressort moteur agit sur deux bras (...) inclinés (...) armés de pointes qui viennent, au moment de la rupture, mordre dans les bois de guidage en tendant à les écarter de la cage (Haton de La Goupillière, Exploitation mines,1905, p.102).
2. Mordre sur (qqc.).Avoir prise sur, pénétrer dans (quelque chose). Les dents d'une roue ne mordent pas assez sur les ailes d'un pignon (Ac.1798).L'ancre n'a pas pu mordre sur ce fond de rocher (Ac.1835-1935).
Au part. passé. On dit qu'une manoeuvre est mordue (...) lorsqu'elle se trouve étroitement serrée entre le réa et la joue d'une poulie (...), de sorte qu'elle ne peut plus courir (Gruss1952).
Absol. Et comme presque toujours le vaisseau sera plus éloigné du rivage (...), les ancres mordront moins, seront plus sujettes à chasser (Maizière, Nouv. archit. nav.,1853, p.65).
C. − P. anal. ou au fig. Mordre sur qqc., qqn
1. Empiéter sur quelque chose. Mordre sur l'accotement de la route. Un autre vilain admis au paradis, bien que le soc de sa charrue ait quelquefois mordu de quelques sillons sur le champ de son voisin (Faral,Vie temps st Louis,1942, p.124).
Entamer, réduire légèrement (l'importance d'une collectivité, d'un groupe). Là où une gauche nouvelle et dynamique s'est présentée à côté du P.C., elle a mordu sur l'électorat communiste (L'Express, 29 mars 1971ds Gilb. 1980).
2. Avoir prise sur. Sans que la politique économique et monétaire arrive à mordre sur la réalité (La Croix,8 oct. 1969ds Gilb. 1980).
Mordre sur qqn.Avoir prise sur quelqu'un en l'attaquant, en le diminuant. Synon. entamer, porter atteinte à.[L'Empereur] nous disait l'autre jour qu'il avait été de marbre pour tous les grands événements, qu'ils avaient glissé sur lui sans mordre sur son moral ni sur ses facultés (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.607).L'âge ne mordait pas sur sa petite personne, ses cinquante ans n'en paraissaient guère que trente-huit, il gardait une maigreur, une vivacité de jeune homme (Zola, Argent,1891, p.12).
En partic. [En parlant de sentiments] Les calomnies mordent difficilement sur l'amitié (Alain, Propos,1921, p.332).
Prononc. et Orth.: [mɔ ʀdʀ ̥], (il) mord [mɔ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 «entamer avec les dents» (Roland, éd. J. Bédier, 727); b) ca 1165 au fig. (Benoît de Sainte-Maure, Troie, 17568: Pinciez sera d'Amors et mors); 2. a) 1205-50 mordre à qqc. «se laisser prendre à» (Renart, éd. E. Martin, XIII, 1708); b) 1669 mordre à l'hameçon (La Fontaine, Psyché, II ds Œuvres, éd. Régnier, t.8, p.169); 3. 1erqart xiiies. «critiquer, blâmer» (Reclus de Molliens, Charité, 112, 7 ds T.-L.); 4. 1268 «avoir prise sur» (Claris et Laris, 51, ibid.); 5. 1314 «saisir et retenir (en parlant de tenailles)» (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bos, § 636, t.1, p.158); 6. 1532 mordre à qqc. «comprendre» (Rabelais, Pantagruel, chapitre IX bis, éd. V. L. Saulnier, p.57); 7. emploi techn. 1560 impr. «être empêché par la frisquette de recevoir l'impression» (Chaix, Recherches sur l'imprimerie à Genève de 1550 à 1564 ds Wolf (L.) Buchdruck, p.186); 1690 (Fur.: La lime ne mord point sur le diamant... L'eau forte commune ne mord point sur l'or... On dit en coûture qu'il faut mordre bien avant dans l'estoffe... Cette rouë ne mord pas assez avant dans ce pignon pour le faire tourner); 1723 mordre la teinture (d'une étoffe) (Savary). Du lat. pop. *mordĕre (cf. ital. mordere, cat., esp., port. morder), class. mordēre «entamer avec les dents», p. ext. en parlant du froid ou de paroles «tourmenter, piquer, chagriner». Fréq. abs. littér.: 1969. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1689, b) 4104; xxes.: a) 3413, b) 2680.
DÉR.
Mordeur, -euse, adj.a) [En parlant d'un animal] Qui a l'habitude de mordre, qui mord, qui a mordu. α) [En parlant du chien] Par une éducation perverse, il avait rendu ce chien mordeur, si bien que la duchesse (...) lui ordonnait de le tenir enchaîné (Bourget, Némésis,1918, p.124).Tout chien mordeur revu en bonne santé, dix jours après avoir mordu, peut être considéré comme non enragé (Garcin, Guide vétér.,1944, p.213).P. méton. [En parlant de la maladie qui incite à, qui se traduit par le fait de mordre] Les deux premiers chiens ont eu une rage paralytique et le troisième une rage furieuse, aboyeuse et mordeuse (Pasteurds Travaux,1884, p.386). β) [En parlant d'autres animaux] Qui mord, qui blesse. Cheval mordeur (TondraCheval1979).Les morsures de serpents venimeux produisent des effets très différents suivant l'espèce du serpent mordeur (Calmette dsNouv. Traité Méd.fasc. 7 1924, p.97).b) P. anal. α) Qui provoque une sensation vive. De voir cette belle poitrine dans l'air du matin, un peu mordeur, Albin demanda: − Vous n'avez pas froid, demoiselle? (Giono, Baumugnes,1929, p.203). β) Emploi subst., p. métaph. Les villages appauvris envahissaient le bourg riche (...). Les trous de misère, les cachettes à meurt-de-faim ne tenaient plus un homme abrité; ils venaient à course allègre, les mordeurs de tranquillité (Hamp, Champagne,1909, p.166). [mɔ ʀdoe:ʀ], fém. [-ø:z]. 1resattest. a) 1263-65 mordeor «caustique (d'une personne)» (Rutebeuf, Dict. des Jacobins, 36 ds Œuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t.1, p.316), b) 1486 «qui mord (d'un animal)» (Bout., Somme rur., 1op., fo69c ds Gdf.); de mordre, suff. -eur2*.

Wiktionnaire

Adjectif - ancien français

mordre \Prononciation ?\ masculin et féminin identiques

  1. Meurtrier.

Verbe - ancien français

mordre \Prononciation ?\

  1. Mordre.
    • Mort des dens et des pates fiert — (La Vengeance Raguidel, édition de C. Hippeau, page 183, début du XIIIe siècle)
      [L’ours] les mord avec ses dents et les frappe avec ses pattes

Verbe - français

mordre \mɔʁdʁ\ transitif 3e groupe (voir la conjugaison)

  1. Serrer avec les dents de manière à entamer.
    • Catherine et moi nous allions derrière, dans le verger ; nous mordions dans les mêmes pommes et dans les mêmes poires ; nous étions les plus heureux du monde. — (Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, J. Hetzel, 1864)
    • Il trempait son pain dans sa soupe et il en mordait d’énormes bouchées, […]. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 246 de l’édition de 1921)
    • Mords-moi… Je veux que tu me mordes… Là, dans le cou, sous les cheveux, comme les chats font aux chattes… — (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère, René Bonnel, Paris, 1926, chapitre I)
    • (Absolument)Si l’animal a le vice de mordre, il est attaché très-court, […]. — (Gabriel Maury, Des ruses employées dans le commerce des solipèdes, Jules Pailhès, 1877)
  2. (Par extension) Piquer avec le bec ou un dard.
    • Le perroquet mord.
    • Cet enfant est tout mordu de puces.
  3. (Par analogie) (Architecture) Enserrer fermement.
    • Des moises doubles J pinçaient ce poteau D, reposaient sur la longrine F, mordaient les trois poteaux G, H, I, celui G étant appuyé sur le parement incliné du merlon, et venaient saisir le poteau postérieur K également incliné. — (Eugène Viollet-le-Duc, La Cité de Carcassonne, 1888)
  4. (Familier) Prendre du goût pour une étude, y faire des progrès.
    • Cet enfant commence à mordre au latin.
    • Du reste, je n’étais pas le seul de mon avis sur la poésie hindoue. J’avais mon voisin de gauche qui n’y mordait pas non plus… — (Alphonse Daudet, Le petit Chose, 1868, réédition Le Livre de Poche, page 181)
    • Mattia, qui jusqu’alors avait très-peu mordu à la lecture, fit des progrès surprenants le jour où il lut dans la Théorie de la musique de Kuhn. — (Hector Malot, Sans famille, 1878)
    • Tandis que la plupart de mes condisciples, affaiblis par l’humanisme un peu fade de M. Dupanloup, ne pouvaient mordre à la scolastique, je me pris tout d’abord d’un goût singulier pour cette écorce amère ; je m’y passionnai comme un ouistiti sur sa noix. — (Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, 1883, collection Folio, page 128)
  5. (Figuré) Ronger, creuser ou percer.
    • Un fumet âcre, une odeur de fraîchin, comme disent nos matelots lorsqu'ils veulent qualifier cette odeur que les grands poissons de mer laissent après eux, me mordait à la gorge, […]. — (Alexandre Dumas, Les baleiniers: voyages aux terres antipodiques : Journal du Docteur Maynard, tome 1, Paris : chez Calmann-Lévy, s.d. (1861 ?), page 298)
    • Je cherchai de nouveau, je reconnus un clou, un clou que les croque-morts avaient enfoncé de travers, et qui n’avait pas mordu dans le bord du cercueil. Il était très long, très pointu. La tête tenait dans le couvercle, mais je sentis qu’il remuait. À partir de cet instant, je n’eus plus qu’une idée : avoir ce clou. — (Émile Zola, La Mort d’Olivier Bécaille, 1879)
    • Nous atteignons bientôt la région des nuages, et la température tombe si bas, que le froid nous mord horriblement les mains et les pieds. — (Jules Leclercq, La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le mont Hékla, Paris : E. Plon & Cie, 1883, page 82)
    • Le grand air de l’Océan mordait notre visage avec une violence telle que nous avons dû, à plusieurs reprises, étaler sur les joues et le nez de la vaseline, dont nous nous étions munis. — (Dieudonné Costes et Maurice Bellonte, Paris-New-York, 1930)
    • L’eau-forte mord sur les métaux.
    • L’eau-forte n’a pas assez mordu sur cette planche.
    • La lime ne mord point dans l’acier bien trempé.
    • L’ancre n’a pu mordre sur ce fond de rocher.
    • Cette vis n’a pas mordu dans le bois : elle n’a pas pénétré dans le bois.
    • Les dents de cette roue ne mordent pas assez sur le pignon : elles n’engrènent pas assez.
  6. (Pêche) Saisir l’appât.
    • Le poisson mord, ne mord pas.
    • C’est l’heure, où les poissons mordent parfois à l’hameçon.
    • Elle sourit en me voyant : elle m’avait reconnu. Peut-être son sourire signifiait-il aussi : « Le poisson mord !… » — (Paul Guth, Le mariage du Naïf, 1957, réédition Le Livre de Poche, page 53)
    • Ça mord bien aujourd'hui.
  7. (Gravure) Faire subir l’action de l’eau-forte, après avoir découvert en différents endroits, à l’aide d’une pointe à graver, le vernis dont elle est enduite.
    • Mordre une planche, ou Faire mordre une planche.
  8. (Typographie) Dépasser, déborder.
    • La vignette mord sur les lettres : elle avance sur les lettres.
    • Il faut mordre plus avant dans l’étoffe : il faut faire la couture un peu plus loin du bord de l’étoffe, pour qu’elle ne se défasse pas.
  9. Border, comme en empiétant.
    • Le Sahara de sable jaune mord sur une mer bleue comme un trottoir interminable. — (Antoine de Saint-Exupéry, Courrier Sud, 1929, III, 6.)
  10. (Figuré) Médire, reprendre, critiquer, censurer avec âpreté.
    • Il cherche à mordre sur tout.
    • Il n’y a point à mordre sur sa conduite.
    • Il ne donne point à mordre sur lui.
  11. (Argot) (Vieilli) Regarder.
    • De n’pas danser, on mord les autres, n’est-ce pas ? et j’ai justement vu — quand tu m’interrogeais — une connaissance avec qui j’suis en affaire et qui, en douce, m’a fait signe de rappliquer. — (Francis Carco, Images cachées, Éditions Albin Michel, Paris, 1928)
    • Le Bosphore, eh bien le Bosphore c’est pas de la merde non plus ! Tiens, matez les couleurs : la Corne d’Or, la Mer Noire, la Mosquée Bleue et les minarets, mordez les minarets ! — (Bernard Blier, Le cri du cormoran le soir au-dessus des jonques, Michel Audiard, 1971)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MORDRE. (Je mords, tu mords, il mord; nous mordons. Je mordais. Je mordis. Je mordrai. Mords. Que je morde. Que je mordisse. Mordant. Mordu.) v. tr.
Serrer avec les dents de manière à entamer. Un chien l'a mordu, l'a mordu au bras. Ce chien mord les passants, leur mord les jambes. Être mordu par un chien enragé. Il s'est mordu la langue. Il l'a mordu jusqu'au sang. Absolument, Ce chien mord cruellement. Mordre dans un morceau de pain. Par extension, il se dit aussi des Oiseaux, de quelques insectes et de la vermine. Le perroquet mord. Cet enfant est tout mordu de puces. Fig. et fam., Mordre le sein de sa nourrice, Se montrer ingrat. Fig. et fam., Se mordre la langue, S'arrêter au moment de dire ce qu'on ne doit ou qu'on ne veut pas exprimer. J'allais en trop dire : je me suis à propos mordu la langue. On dit aussi Se mordre la langue d'avoir parlé, S'en repentir. Fig. et fam., S'en mordre les doigts, s'en mordre les pouces, Se repentir d'une chose qu'on a faite. J'ai eu trop de confiance en lui, je m'en mords les doigts. Prov. et fig., Chien qui aboie ne mord pas. Voyez CHIEN. Fig. et fam., Mordre à la grappe, Saisir avec empressement une proposition, croire aveuglément à une promesse. Fig. et fam., Mordre à l'hameçon, se dit d'une Personne qui se laisse séduire par une proposition qui cachait un piège. Fig., Mordre la terre, Être terrassé. Il a fait mordre la terre à son adversaire. Poétiquement, Mordre la poussière, Être renversé, tué dans un combat.

MORDRE signifie familièrement Prendre du goût pour une étude, y faire des progrès. Cet enfant commence à mordre au latin. Il se dit figurément de Plusieurs choses inanimées qui rongent, qui creusent ou qui percent. L'eau-forte mord sur les métaux. L'eau-forte n'a pas assez mordu sur cette planche. La lime ne mord point dans l'acier bien trempé. Le burin a trop mordu en cet endroit. L'ancre n'a pu mordre sur ce fond de rocher. Cette vis n'a pas mordu dans le bois, Elle n'a pas pénétré dans le bois. Les dents de cette roue ne mordent pas assez sur le pignon, Elles n'engrènent pas assez. En termes de Pêche, il signifie saisir l'appât. Le poisson mord, ne mord pas. En termes de Gravure, Mordre une planche, ou Faire mordre une planche, Lui faire subir l'action de l'eau-forte, après avoir découvert en différents endroits, à l'aide d'une pointe à graver, le vernis dont elle est enduite.

MORDRE, en termes de Typographie, signifie Dépasser, déborder. La vignette mord sur les lettres, Elle avance sur les lettres. En termes de Couture, Il faut mordre plus avant dans l'étoffe, Il faut faire la couture un peu plus loin du bord de l'étoffe, pour qu'elle ne se défasse pas.

MORDRE signifie, au figuré, Médire, reprendre, critiquer, censurer avec âpreté. Il cherche à mordre sur tout. Il n'y a point à mordre sur sa conduite. Il ne donne point à mordre sur lui.

Littré (1872-1877)

MORDRE (mor-dr'), je mords, tu mords, il mord, nous mordons, vous mordez, ils mordent ; je mordais ; je mordis ; je mordrai ; je mordrais ; mords, qu'il morde, mordons, mordez, qu'ils mordent ; que je morde, que nous mordions, que vous mordiez ; que je mordisse ; mordant, mordu v. a.
  • 1Entamer avec les dents. Un chien enragé l'a mordu. Il a été mordu d'une vipère. Dans le premier transport de ma douleur, je me jetai sur le glacis et je mordis la terre, Rousseau, Confess. I. Qui leur eût dit que… Les chevaux de Crimée un jour mordraient l'écorce Des vieux arbres du grand Louis ? Hugo, Voix, 2.

    Fig. Rien que la médiocrité n'est bon ; c'est la pluralité qui a établi cela, et qui mord quiconque s'en échappe par quelque bout que ce soit, Pascal, Pens. VI, 14, éd. HAVET. Un pâle pamphlétaire… S'en vient, tout grelottant d'envie et d'impuissance, Sur le front du génie insulter l'espérance, Et mordre le laurier que son souffle a sali, Musset, Nuit de mai.

    Fig. Mordre le sein de sa nourrice, se montrer ingrat. Ne mordez jamais le sein de vos nourrices, Voltaire, Disc. aux Velches.

    Fig. Se mordre la langue, voy. LANGUE.

    Se mordre les lèvres de dépit, de rage, etc. De rage, sans parler, je m'en mordais la lèvre, Régnier, Sat. X. Mordant ses lèvres de dépit, La Fontaine, Nic. Si quelqu'un disait un bon mot, les autres baissaient les yeux et se mordaient les lèvres de douleur de ne l'avoir pas dit, Voltaire, Babouc.

    Fig. Se mordre les lèvres, signifie aussi se montrer étonné, surpris. Il [Télémaque] parle ainsi, et tous ces princes se mordent les lèvres et ne peuvent assez s'étonner de la vigueur avec laquelle il vient de parler, Fénelon, t. XXI, p. 315.

    S'en mordre les doigts, s'en mordre les pouces, se repentir d'une chose qu'on a faite. Car on tient que, deux jours après son mariage, Il s'en mordit les doigts, Th. Corneille, Baron d'Albikrac, II, 9. Je crois que Lambert se mordra les pouces de m'avoir réimprimé ; dix volumes sont durs à la vente ; Dieu le bénisse et ceux qui liront mes sottises ; pour moi je voudrais les oublier, Voltaire, Lett. Thiriot, 10 sept. 1756.

    Se mordre les doigts, ses doigts, ronger ses doigts avec les dents, pendant qu'on est plongé dans la méditation et le travail. Dès que j'y veux rêver [à louer], ma veine est aux abois ; J'ai beau frotter mon front, j'ai beau mordre mes doigts, Boileau, Sat. VII.

    Mordre ses ongles, se ronger les ongles avec les dents ; et fig. se travailler l'esprit pour faire quelque composition en vers ou en prose.

    Fig. et familièrement. Je ne sais quel chien l'a mordu, je ne sais quel caprice le prend. Quelque chien enragé l'a mordu, je m'assure, Molière, Éc. des f. II, 2.

  • 2 Par extension, entamer avec le bec ou les suçoirs, se dit en parlant des oiseaux, des insectes. Le perroquet le mordit. Cet enfant est tout mordu de puces.
  • 3 Absolument. Ce chien est dangereux, il mord. Mordre dans un morceau de pain. Nos dogues mordent par instinct de courage, et lui par instinct de bassesse, Voltaire, Écossaise, II, 4. Il [l'agouti] mord cruellement, Buffon, Quadrup. t. III, p. 88.

    Fig. Il [J. B. Rousseau] a fait une épigramme sanglante contre vous ; elle commence ainsi… Ce malheureux veut toujours mordre et n'a plus de dents, Voltaire, Lett. d'Argens, 18 oct. 1736.

    Mordre jusqu'au sang, serrer entre les dents jusqu'à ce que le sang vienne. Il mord jusqu'au sang, en faisant sembler de baiser la main ; il sera mordu de même, Voltaire, Lett. d'Alembert, 8 déc. 1776.

    Mordre à l'hameçon, se dit du poisson qui saisit l'appât et l'hameçon. S'il était des poissons dont la pêche réussissait lorsque la lumière du jour avait disparu, d'autres aussi ne mordaient jamais à l'hameçon ou n'approchaient jamais des filets dans les ténèbres, Ameilhon, Instit. Mém. litt. et beaux-arts, t. V, p. 382.

    Fig. Mordre à l'hameçon, se laisser séduire par une proposition qui a été faite pour tromper, pour surprendre. Charmé de ce qu'il mordait si bien à l'hameçon, Lesage, Guzm. d'Alf. V, 5.

    Fig. Il mord à la grappe, il trouve agréable ce qu'on lui dit, ce qu'on lui propose. Elle s'aperçut que nous mordions à la grappe, Lesage, Bachel. de Salam. ch. 19.

    Fig. Mordre à quelque chose, y prendre goût, y faire des progrès. Ce jeune homme mord aux mathématiques. Comme elle [Pauline, la nièce de M. de Sévigné] a, ainsi que son oncle, la grossièreté de ne pouvoir mordre aux subtilités de la métaphysique, Ch. Sévigné, dans SÉV. 15 janv. 1690.

    Il n'y saurait mordre, il ne peut comprendre, il ne peut réussir, et aussi il aspire à une chose à laquelle il ne saurait parvenir.

  • 4 Poétiquement. Mordre la poudre, la poussière, la terre, être tué dans un combat. …Dont la main… Met Égée en prison et son orgueil à bas, Et fait mordre la terre à ses meilleurs soldats, Corneille, Méd. IV, 3. J'ai fait mordre la poudre à ces audacieux, Racine, Théb. I, 3.
  • 5Ronger, creuser, percer, en parlant de certaines choses qui exercent ces actions. Les flots du lac, poussés par le vent, mordaient leurs rivages, Chateaubriand, Natch. 2e part. 1re moitié. L'onde incendiaire [l'océan de flamme qui dévore Sodome] Mord l'îlot de pierre Qui fume et décroît, Hugo, Orient. 1.

    Terme de gravure. Mordre une planche, ou faire mordre une planche, lui faire éprouver l'effet de l'eau-forte.

    Terme de teinturier. L'étoffe mord la teinture, prend la couleur.

  • 6 V. n. Exercer une action corrosive, entamer. L'eau-forte mord sur les métaux. L'eau-forte n'a pas assez mordu sur cette planche. La lime ne mord pas dans l'acier trempé. La rouille y mord [sur les fers] avec mille fois plus d'avantage que sur ceux dont la surface est garantie par la trempe, Buffon, Hist. min. Introd. part. exp. Œuv. t. VIII, p. 128. Un chemin de glace où les pieds des chevaux, couverts d'un fer usé et poli, ne pouvaient pas mordre, Ségur, Hist. de Nap. IX, 9.
  • 7 Terme de marine. Se dit de l'ancre dont la patte inférieure s'enfonce dans le sol.

    Le vent mord au nord, il tend à passer vers le nord.

  • 8Faire impression sur. La Parque et ses ciseaux Avec peine y mordaient [sur le sanglier] ; la déesse infernale Reprit à plusieurs fois l'heure au monstre fatale, La Fontaine, Fabl. VIII, 27.

    Absolument. Terme de peinture. Se dit des couleurs qui s'attachent à la toile.

  • 9Empiéter.

    Mordre dans un mur, avancer dans un mur. Cette pièce de bois ne mord pas assez avant dans le mur pour y tenir ferme.

    Terme de couturière et de tailleur. Il faut mordre plus avant dans l'étoffe, il faut faire la couture un peu plus loin du bord de l'étoffe, pour qu'elle ne se défasse pas.

    En termes d'imprimerie, la frisquette mord, les bords de la frisquette empêchent quelques portions de papier de recevoir l'impression.

    Les dents de cette roue ne mordent pas assez sur les ailes du pignon, elles n'engrènent pas assez.

  • 10 Fig. Faire une critique de quelqu'un ou de quelque chose comparée à une morsure. Elle va d'un pas et d'un ordre Où la censure n'a que mordre, Malherbe, III, 3. Ainsi sur chaque auteur il trouve de quoi mordre, Régnier, Sat. X. Leurs louanges mordent, leurs caresses égratignent, Guez de Balzac, De la cour, 6e disc. Esprits du dernier ordre, Qui, n'étant bons à rien, cherchez sur tout à mordre…, La Fontaine, Fabl. V, 16. Que dites-vous de la beauté de cette retraite [du cardinal de Retz] ? le monde, par rage de ne pouvoir mordre sur un si beau dessein, dit qu'il en sortira, Sévigné, 9 oct. 1675. Votre peinture du cardinal Grimaldi est excellente ; cela mord, Sévigné, 15 avr. 1671. Belle conclusion et digne de l'exorde. - On l'entend bien toujours : qui voudra mordre y morde, Racine, Plaid. III, 3. Pour ne pas donner à la médisance le moindre sujet de mordre, on convint que des dames respectables et les plus graves de la cour seraient présentés à cette entrevue, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 68, dans POUGENS. L'envie veut mordre, l'intérêt veut gagner, Voltaire, Lett. Albergati, 23 déc. 1760. Dira-t-on qu'en des vers à mordre disposés Ma muse prête aux grands des vices supposés ? Gilbert, XVIIIe siècle. Chacun, vous dénonçant à la haine publique, Se dit : fuyez cet homme, il mord, c'est un critique, Gilbert, Mon apologie.

    Fig. Mordre en riant, faire, tout en plaisantant, quelque reproche incisif.

  • 11Se mordre, v. réfl. Se faire une morsure à soi-même. Il s'est mordu en mâchant.

    Se faire des morsures l'un à l'autre. Ces chiens se sont mordus cruellement.

    Fig. Ils ne se mordront pas, se dit de gens fort éloignés l'un de l'autre.

    Fig. Se déchirer, se faire du mal. Très sots enfants de Dieu… Ne vous mordez donc plus pour d'absurdes chimères, Voltaire, Ép. 96.

PROVERBES

Cela ne mord ni ne rue, se dit d'une chose indifférente.

S'il t'égratigne, mords-le, se dit à quelqu'un pour l'exciter à se battre, à se venger.

C'est un beau mâtin s'il voulait mordre, se dit d'un homme qui paraît avoir tout ce qu'il faut pour faire une chose, sauf la volonté, le courage, etc.

Tous les chiens qui aboient ne mordent pas, se dit, en méprisant, des menaces.

Chien qui aboie ne mord pas, c'est-à-dire ceux qui font le plus de bruit ne sont pas les plus à craindre.

Mordu de chien ou de chat, c'est toujours bête à quatre pattes, c'est-à-dire : que le mal nous arrive par celui-ci ou par celui-là, c'est toujours la même chose.

HISTORIQUE

XIe s. Al destre bras lui morst uns vers [verrat] si mals, Ch. de Rol. LVI. Et porc et chien le mordent et defoulent, ib. CLXXXIII.

XIIIe s. Et povreté fait pis que mort, Car ame et cors tormente et mort, Tant cum l'ung o [avec] l'autre demore, la Rose, 8194. Briement les nommerai sans ordre, Por plustost à ma rime mordre, ib. 10488. Penssons que, quant li homs est ou travail de mort, Ses biens ne ses richesces n'i valent un chat mort, Ne li pueent oster l'angoisse qui le mort, Ne ce dont conscience le reprent et remort, J. de Meung, Test. 315.

XIVe s. Tenailles à ce porpocionées, à ce que il [elles] puissent mordre la chose qui est fichée enz, H. de Mondeville, f° 37, verso. Philotecles qui avoit esté mors d'un serpent appellé vipere, Oresme, Eth. 210.

XVe s. [à la bataille de Montlhéry] du costé du roy fust un homme d'estat, qui s'enfuit jusques à Luzignan, sans repaistre ; et du costé du comte [de Charolois], un autre homme de bien jusques au Quesnoy-le-Comte ; ces deux n'avoient garde de se mordre l'un l'autre, Commines, Mém. I, 4.

XVIe s. Lequel en son epitaphe se complainct estre mort pour estre mords d'une chatte au petit doigt, Rabelais, Pant. IV, 17. À present, quand on void quelcun à la cour avec l'habillement de l'an precedent, on lui dit : nous le conoissons bien ; il ne nous mordra pas, Lanoue, 165. Quand quelqu'un estoit noté d'estre querelleux, on le fuyoit comme un cheval qui mord ou qui rue, Lanoue, 245. Comme ceste avant garde faisoit bonne mine, ceulx de la religion ne l'osoyent aller mordre, Lanoue, 593. M. le mareschal d'Anville estoit alors mordu des calomniateurs qui l'accusoyent d'avoir intelligence avec son cousin l'admiral, Lanoue, 699. Mordre en riant, Calvin, Instit. Ép. 309. Douleur poignante et mordante, Paré, VIII, 10. Piqués ou mordus des bestes venimeuses, Paré, XXIII, 1. Je fus mords d'une vipere au bout du doigt index, Paré, XXIII, 23. Lorsque la partie morse devient purpurée, noire ou verdoyante, Paré, XIII, 30. Si j'oyois faire quelque conte où je ne peusse pas mordre…, Montaigne, I, 200. Socrates avoit seul mordu à certes au precepte de se cognoistre, Montaigne, II, 62. Il faut leur faire baisser la teste et mordre la terre soubs l'auctorité, Montaigne, II, 150. Une volupté cuisante et mordante, Montaigne, II, 215. Il adjouxta à son dire ce traict de risée : Un homme mort ne mord point, Amyot, Pomp. 108. Bien souvent les sages et vrayes remonstrances mordent et irritent ceulx qui sont en malheur, Amyot, Phoc. 2. On ne sçait qui mord ni qui rue, Cotgrave Tel rit qui mord, Cotgrave

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

MORDRE, (Physiol.) Mordre est l’action par laquelle les dents divisent les alimens durs en plusieurs particules.

Pour mordre, il faut 1°. que la mâchoire inférieure s’écarte de la supérieure vers la poitrine sur son condyle ; 2°. il faut que cette mâchoire inférieure soit ensuite fortement pressée contre la mâchoire supérieure, afin que les alimens solides puissent être coupés par les dents incisives.

La premiere action se fait par la contraction des deux muscles digastriques ; la seconde dépend de la contraction, 1°. des muscles crotaphites, 2°. des masseters, 3°. des ptérigoidiens externes, 4°. des ptérigoïdiens internes. Ces quatre muscles agissant ensemble élevent la mâchoire, au lieu que s’ils agissent séparément ils la tirent latéralement & en arriere ; mais si les huit muscles qu’on vient de décrire agissent ensemble, la mâchoire inférieure est pressée avec une force incroyable contre la supérieure. Ainsi toutes les dents des deux mâchoires étant fort comprimées, on voit clairement que ce sont les huit dents incisives qui se présentant les unes aux autres & se frappant réciproquement avec violence, mordent, divisent les alimens, & commencent ainsi la mastication. Voyez donc Mastication.

Mordre, (Marine.) se dit en parlant d’une ancre, lorsqu’elle est attachée par ses extrémités pointues & recourbées au fond de la mer ; ces extrémités s’appellent bras. Voyez Ancre.

Mordre, teinture, terme de Chapelier-Teinturier, qui signifie prendre la couleur plus ou moins vîte.

Il y a des étoffes ou feutres qui mordent facilement la teinture, & d’autres qui la mordent très-malaisément. Voyez Chapeau.

Mordre, terme d’Imprimerie, se dit lorsque la frisquette ayant couvert quelqu’extrémité de la lettre d’une forme, il y a dans l’imprimé un vuide où il ne paroît qu’un simple foulage. Ce défaut vient de ce que l’ouvrier de la presse n’a pas coupé la frisquette en cet endroit ; il peut venir aussi lorsque après avoir collé un morceau de papier fort pour empêcher le barbouillage, ce même morceau de papier coule & empêche l’impression de venir. Voyez Frisquette.

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Étymologie de « mordre »

Provenç. mordre ; espagn. et portug. morder ; ital. mordere ; du latin mordere ( 1er e long). Le français et le provençal ont rendu brève la syllabe de, dit mordere ( 1er e bref), et reculé l'accent ; d'ailleurs le supin morsum et le parfait momordi se rapportent à un mordere ( 1er e bref) plutôt qu'à un mordere ( 1er e long) ; et il est possible que les langues romanes représentent une forme archaïque conservée populairement. Mordere se rattache au radical sanscrit mard, broyer.

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Du latin populaire *mŏrdĕre, en latin classique mŏrdēre « mordre ». De cette racine latine, le français a aussi mordicus.
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Du latin populaire *mŏrdĕre, en latin classique mŏrdēre « mordre ». De cette racine latine, le français a aussi mordicus.
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Phonétique du mot « mordre »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
mordre mɔrdr

Fréquence d'apparition du mot « mordre » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « mordre »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « mordre »

  • Un chien, quand il reçoit un caillou, cherche plus à mordre le caillou que celui qui le lance.
    Marcus Pacuvius
  • Quand les saucisses commencent à mordre les chiens, on peut s'inquiéter.
    Demarquet
  • Biologiquement parlant, si vous vous faites mordre, il est plus probable que ce soit par une femelle.
    Desmond Morris
  • Laissez-vous mordre et doucement enquiquiner par des cépages qui savent faire la fête et vous éblouir le palais, que ce soit par cette tension liée à la pédologie des terroirs ou par leur caractère débordant de personnalité. Voici les grüner veltliner, sauvignon blanc, melon de Bourgogne, albarino et chenin blanc à vous mettre sous la dent. Pour mieux croquer l’été !
    Le Devoir — Des blancs croquants pour mordre dans l’été | Le Devoir
  • Jette un os au chien méchant pour l'empêcher de te mordre.
    Proverbe africain
  • Quelques heures plus tôt, le garçon de 3 ans s’amusait et jouait en toute insouciance dans l’herbe. Sauf que le moment de quiétude a été perturbé par un « cri aigu », comme l’explique le papa Daniel au Sun. Passionné de serpent, l’homme de 39 ans comprend tout de suite ce qu’il s’est passé : son fils vient de se faire mordre par une vipère qui était camouflée dans le feuillage. « Nous pensons qu’il a peut-être marché dessus par accident et qu’il s’est accroché à sa jambe. C’était instantané puis, il a souffert d’une douleur atroce » raconte-t-il au média anglais.
    sudinfo.be — Lewis, 3 ans, se fait mordre par une vipère alors qu’il jouait dans le parc lors d’un pique-nique familial: «Il est paralysé et ne peut pas bouger»
  • Qui peut lécher peut mordre, et qui peut embrasser peut étouffer.
    Alfred de Musset
  • On ne s’accuse de la rage que pour faire croire que l’on sait mordre.
    Laurent Rochut — Peine perdue
  • Tout chien a le droit de mordre une fois, mais dans le cas d'un chien qui n'arrête pas de mordre, on adopte un point de vue différent.
    Harold Wilson — Discours au parti travailliste
  • Quand on suit quelqu’un de bon, on apprend à devenir bon ; quand on suit un tigre, on apprend à mordre.
    Proverbe chinois
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Images d'illustration du mot « mordre »

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Traductions du mot « mordre »

Langue Traduction
Anglais bite
Espagnol mordedura
Italien mordere
Allemand beißen
Chinois
Arabe عض
Portugais mordida
Russe укусить
Japonais 一口
Basque kosk
Corse morded
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Synonymes de « mordre »

Source : synonymes de mordre sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « mordre »

Combien de points fait le mot mordre au Scrabble ?

Nombre de points du mot mordre au scrabble : 9 points

Mordre

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