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Joug

Variantes Singulier Pluriel
Masculin joug jougs

Définitions de « joug »

Trésor de la Langue Française informatisé

JOUG, subst. masc.

I.
A. − Pièce de bois que l'on fixe soit en avant, soit en arrière des cornes du bœuf pour y attacher un dispositif d'attelage. Joug simple, double; joug frontal, de nuque. Les bêtes lentes, le front bas, la tête inclinée par le joug, les cornes liées à la barre de bois, marchaient péniblement (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 75):
1. Qu'est-ce que c'est que cette fioriture derrière le joug? En voilà une mode! Il désignait la poignée peinte en vermillon, que les grands laboureurs de la Nièvre ajoutent au joug de leurs bœufs, pour l'embellir... R. Bazin, Blé,1907, p. 275.
B. − P. métaph., littér. [Le joug en tant que symbole]
1.
a) [Symbolise la domination, la tyrannie, l'esclavage] Quelle plume éloquente pourra déterminer les propriétaires américains à libérer tout d'un coup les esclaves du joug qu'ils leur ont imposé (...)? (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 334).Pourquoi, pouvant souffler sur un joug vermoulu, Le monde accepte-t-il le pouvoir absolu? (Hugo, Pitié supr.,1879, p. 142).
Sous le joug + adj. :
2. Sous le joug allemand, pas un Lorrain, pas un Alsacien ne se sont distingués. Quel silence! Quelle stérilité! Depuis trente-cinq ans, nos frères sont étouffés, ensevelis. Barrès, Cahiers, t. 4, 1906, p. 174.
b) [Symbolise l'asservissement qu'impose un vice, une passion] Le joug de l'avarice. Libre de tout assujettissement direct, libre aussi du joug des passions, je n'ai pu jouir de ma stérile indépendance (Senancour, Rêveries,1799, p. 6):
3. Les âmes sont des étincelles du feu céleste, tombées des calmes régions de l'éther dans la sphère agitée de la vie. Vaincues par la toute-puissante fascination de la beauté, courbées sous le joug humiliant du désir, écrasées par les lourdes chaînes du corps, elles savent bien que la naissance est une chute et la conception une souillure. Ménard, Rêv. païen mystique,1876, p. 119.
c) [Symbolise la servitude résultant d'une promesse, d'un engagement ou d'une obligation morale ou sociale] Le joug de la loi. Pierre voyait bien qu'elle commençait à s'affranchir, sans y prendre garde, de ce joug des convenances auquel jusque-là elle s'était aveuglément soumise (Sand, Compagn. Tour de Fr.,1840, p. 294).J'ai enduré le joug de mon mari, quand j'étais une jeune et sotte épouse (Colette, Entrave,1913, p. 34):
4. Pour un Malraux, nous nous demandons où est l'issue. Ce pâle Lafcadio au regard toujours errant, à la parole haletante, dont, au lendemain de la guerre, nous recevions parfois la visite; cet ennemi des lois, qui avait rejeté le joug social, mais sur qui pesait, pourtant, une nécessité mystérieuse... Mauriac, Journal 2,1937, p. 149.
Le joug du mariage, de l'hymen. Essayez votre liberté avant de la soumettre au joug de l'hymen; connoissez les plaisirs, afin de les apprécier et de savoir les subordonner à vos devoirs (Fiévée, Dot Suzette,1798, p. 21).
d) [Plus gén., symbole de tout ce qui entrave, freine ou gêne la liberté, l'épanouissement, le progrès] Le joug de la routine, de la superstition, des préjugés, de la coutume, des traditions; le joug de la nécessité, du besoin. Pour que la division du travail ait pu se développer, il a fallu que les hommes parvinssent à secouer le joug de l'hérédité (Durkheim, Division trav.,1893, p. 295).Affranchir la presse du joug du capital (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. xxxi):
5. ... s'imposer donc, dans l'emploi du langage géométrique, la limitation à 2 ou 3 dimensions, serait pour le mathématicien moderne un joug aussi incommode que celui qui empêcha toujours les Grecs d'étendre la notion de nombre aux rapports de grandeurs incommensurables. Bourbaki, Hist. math.,1960, p. 84.
SYNT. Joug pesant, rude, insupportable; joug avilissant, honteux, humiliant; mettre, tenir sous le joug; imposer, porter, subir, briser, secouer le joug; soumettre au joug; s'affranchir du joug; se plier au joug.
2. En bonne part. [Symbole de contrainte salutaire, de pouvoir, d'empire bienfaisant] Astarté l'a bercée aux bras de ses prêtresses; Elle sait obscurcir la lune et le soleil, Et courber les lions au joug de ses caresses (Leconte de Lisle, Poèmes barb.,1878, p. 24).L'âme heureusement captive Sous ton joug trouve la paix, Et s'abreuve d'une eau vive Qui ne s'épuise jamais (Gide, Porte étr.,1909, p. 546):
6. ... la soumission toujours si entière de cette noble princesse, ambitieuse de courber en tout sa tête sous le joug de l'amour divin, et de suivre les traces de celui qui s'est fait obéissant pour nous jusqu'à la mort. Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 233.
[P. réf. à l'Évangile, Matth. 11,30] Ce généreux vainqueur dont le joug est si doux aux chrétiens (Cottin, Mathilde, t. 1, 1805, p. 330).Pour Elle [la gloire] un orphelin n'est pas un étranger; Les heures de mes jours à ses côtés sont belles; Car son joug est aimable et son fardeau léger (Hugo, Odes et Ball.,1828, p. 386):
7. Que demain son confesseur lui affirme qu'elle s'est trompée, qu'il aille jusqu'à la traiter de visionnaire, elle [Gertrude] n'en demeurera pas moins décidée à porter joyeusement le joug léger du Seigneur. Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 363.
II. − HIST. ROMAINE. Assemblage de trois piques, dont deux, plantées en terre debout, étaient surmontées d'une troisième posée horizontalement sous laquelle on faisait passer, courbés, en signe de soumission, les ennemis vaincus. Passer sous le joug était un opprobre (Ac.1835, 1878).
Loc. fig. Passer sous le joug. Se soumettre à une servitude, à une obéissance honteuse. Je compris que les plus grandes nations n'étaient pas toujours héroïques, et que les peuples aussi passaient sous le joug (Lamart., Confid.,1849, p. 287):
8. Il paraît qu'on va se donner à un prétendant quelconque. Quand l'ordre a triomphé, on va passer sous le joug d'une dictature, sans l'excuse du désordre matériel. J.-J. Ampère, Corresp.,1848, p. 161.
Tomber sous la domination, au pouvoir de quelqu'un. L'évêque de Paris, au neuvième siècle, en sauvant par son courage la capitale de la France, empêcha peut-être la France entière de passer sous le joug des Normands (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 372).
Prononc. et Orth. : [ʒu]. Vieilli, au sens métaph., [ʒug] à partir du xviiies., sous l'influence de l'orth. (Buben 1935 § 200) ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Land. 1834, Gattel 1841 et Littré; g doit se prononcer « légèrement » mais ne doit pas disparaître même devant consonne (Fér. Crit. 1787); [ʒu] et [ʒug] ds DG, Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930 (pour ces 2 derniers dict. pas d'indication de sens) et Warn. 1968; [ʒuk-] ds des formules toutes faites du type : joug insupportable, joug odieux. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fig. a) 1remoitié xiies. « sujétion imposée par un maître, esclavage » (Ps. Oxford, 1, 3 ds T.-L. [projiciamus... jugum ipsorum]); ca 1200 lo jug de dampnation (Sermons de St Bernard, 20, 19, ibid.); b) ca 1265 « contrainte résultant d'un engagement, d'une obligation » li joug des vertus (Brunet Latin, Tresor, éd. J. Carmody, II, LIV, p. 229); 1544 le jou de mariage (C. Marot Epîtres, xviii, 33, éd. C.A. Mayer, p. 153); 2. ca 1170 les jugs des boès [juga boum] (Rois, II, xxiv, 22, éd. E.-R. Curtius, p. 108); 3. antiq. romaine [cf. 1526 faire joug « se soumettre » (J. Marot, Vray disant advocate des dames, éd. Anc. poésies fr., t. 10, p. 241] 1690 (Fur.). Du lat. jugum « joug, attelage; joug symbolique sous lequel défilaient les vaincus; liens du mariage; soumission, esclavage »; nombreux emplois techn., notamment « dispositif en forme de joug pour lier la vigne (Varron, Rust., 1, 81 ds TLL, s.v. , 642, 60, v. joualle); fléau d'une balance; barre transversale d'un métier ». Fréq. abs. littér. : 1 004. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 825, b) 1 206; xxes. : a) 1 060, b) 574. Bbg. Jean-Brunhes Delamarre (M.). Géogr. et ethnol. de l'attelage au joug en France du 17es. à nos jours. 1969, 116 p. - Legros (E.). Le Joug et la charrue en Ardenne liégeoise. Mél. Haust (J.) 1939, pp. 249-280.

Wiktionnaire

Nom commun - français

joug \ʒu\ ou \ʒuɡ\ masculin

  1. (Élevage) Pièce de bois que l’on pose sur l’échine des bœufs ou autres animaux de trait et avec laquelle ils sont attelés pour tirer un chariot ou une charrue.
    • D’après M. Gourdon les bœufs du Midi qui travaillent au joug ont les muscles du cou bien plus développés que les grands animaux du Nord qui font leur service au collier. — (Jean Déhès, Essai sur l’amélioration des races chevalines de la France, École impériale vétérinaire de Toulouse, Thèse de médecine vétérinaire, 1868)
    • Il enviait les paysans qui marchent en tête des attelages, le dos sur le joug, et que les bœufs semblent pousser. — (Jean Giraudoux, Provinciales, Grasset, 1922, réédition Le Livre de Poche, page 170)
    • Elle regardait passer les amoureux qui sortaient de la salle des fêtes tête contre tête, comme des bœufs déjà fixés par le joug. — (Kléber Haedens, L’été finit sous les tilleuls, 1966, Le Livre de Poche, page 105)
    • Le harnachement au joug, généralement employé avec les bovins, s’applique sur des points d’appui situés plus haut sur l’animal que les colliers et bricoles. Selon le nombre de bêtes attelées, les jougs sont simples pour un animal seul (jouguet), doubles pour une paire, triple pour le dressage d’un jeune entre deux anciens. — (Philippe Lhoste, Michel Havard, Éric Vall, La traction animale, Quae/Cta/Presses agronomiques de Gembloux, 2010, 224 p., pages 109 et 111)
  2. (Par analogie) Pièce de bois qui supporte un cloche.
  3. (Antiquité) Portique improvisé à l’aide de trois lances, sous lequel les vainqueurs obligeaient les vaincus à se courber.
    • Faire passer une armée vaincue sous le joug.
    • Le consul fit passer les vaincus sous le joug, et vendit les plus robustes comme esclaves.
  4. (Figuré) Servitude, soumission totale, asservissement résultant d’une défaite. Sujétion, servilité, obéissance aveugle.
    • Un commencement d’indépendance, un effort de la pensée pour suivre sa voie, pour se soustraire insensiblement au joug de l’autorité. (Ampère)
    • Rome, à trois affranchis si longtemps asservie,
      À peine respirant du joug qu’elle a porté,
      Du règne de Néron compte sa liberté.
      — (Racine, Britannicus, 1669)
    • Machiavel attribuera cette docilité du peuple à la grande habileté de ses maîtres qui étaient à la fois sages et méchants ; pour moi, je pense, que la religion a beaucoup contribué à retenir les peuples sous le joug. Un mauvais Pape était haï, mais son caractère était révéré ; le respect attaché à sa place, allait jusqu’à sa personne. Il est venu cent fois dans l’esprit des nouveaux Romains de changer de Maître ; mais il portait entre ses mains une arme sacrée qui les arrêtait. — (Frédéric II, Anti-Machiavel, ou Essai de critique sur le Prince de Machiavel, ch. XI – Des États ecclésiastiques, 1741)
    • Le vieillard fut le moins agité des trois, peut-être parce qu’il était le plus en danger. Quand on est sous le poids d’un grand malheur ou sous le joug de la persécution, un homme courageux commence pour ainsi dire par faire le sacrifice de lui-même, il ne considère ses jours que comme autant de victoires remportées sur le sort. — (Honoré de Balzac, Un épisode sous la Terreur, 1831)
    • Le premier pas de ce qu’on peut considérer comme une tendance de l’esprit à s’émanciper du joug de l’autorité, ce sont les traductions de la Bible en langue vulgaire ; […] des interprétations, d’abord morales seulement, puis allégoriques, mirent sur la voie de ce que l’Église voulait éviter, et de ce que la réforme a proclamé depuis, l’examen individuel de l’Écriture. — ( Ampère, La Littérature française au moyen-âge, Revue des Deux Mondes, 1839, tome 19)
    • Vous dominiez tout, grand, sans chef, sans joug, sans digue,
      Absolu, lance au poing, panache au front.
      — (Hugo, La Légende des siècles, Bivar, 1857)
    • Puis à mon tour j’ai porté le joug et me suis courbé sous le fouet, j’ai peiné pour les autres, travaillé sans repos et sans trêve pour grossir mon gain. — (Sacher-Masoch, Le Legs de Caïn (Contes Galiciens), traduction anonyme de 1874)
    • <Les Vénètes> pressent les autres cités de garder l’indépendance que les ancêtres leur ont transmise plutôt que de subir le joug des Romains. — (César, La Guerre des Gaules, III, 8, trad. Constans, 1926)
    • Des trois continents ayant subi le joug colonial, l’Afrique devint seule la terre d’élection du ballon rond. — (Paul Dietschy, Histoire du football, Éditions Perrin, 2010, chap. 7)
  5. (Marine) Pièce de bois qui supporte l'extrémité des apostis.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

JOUG. (Quelques-uns prononcent le G.) n. m.
Pièce de bois que l'on pose sur la tête des bœufs et avec laquelle ils sont attelés pour tirer un chariot ou une charrue. Mettre les bœufs au joug, leur ôter le joug. Il signifie, au figuré, Servitude, sujétion. Joug pesant, rude, insupportable. Joug honteux Le joug de la servitude. Mettre sous le joug. Tenir sous le joug. Imposer le joug. Porter le joug. Subir le joug. S'affranchir du joug. Secouer le joug. JÉSUS-CHRIST dit, dans l'Évangile, que son joug est doux.

Littré (1872-1877)

JOUG (jough' ; dans la campagne on prononce jou ; c'était la prononciation du XVIIe siècle, CHIFFLET, Gramm. p. 213, remarquant que le g ne se prononce jamais ; au pluriel, l's ne se lie pas ; des jough insupportables) s. m.
  • 1Pièce de bois servant presque exclusivement à l'attelage des bœufs et des vaches. Il fallait mettre au joug deux taureaux furieux, Corneille, Médée, II, 2.
  • 2Dans l'ancienne Italie, pique placée horizontalement sur deux autres fichées en terre et sous laquelle on faisait passer les ennemis vaincus. L'armée romaine passa sous le joug aux Fourches Caudines. Ils furent tous passés sous le joug et renvoyés chacun avec un habit seulement, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. I, p. 521, dans POUGENS.
  • 3 Fig. Sujétion qu'impose un vainqueur ou une autorité oppressive. Si le joug qui l'accable [Rome] est brisé par nos mains, Corneille, Cinna, I, 3. Il vous fera porter un joug de fer, jusqu'à ce que vous en soyez écrasés, Sacy, Bible, Deutér. XXVIII, 48. Les Ioniens qui avaient secoué le joug des Perses, Bossuet, Hist. I, 8. J'ai brisé le joug du roi de Babylone, Bossuet, ib. II, 8. Au joug depuis longtemps ils se sont façonnés, Racine, Brit. IV, 4. Ennemi des Romains et de la tyrannie, Je n'ai point de leur joug subi l'ignominie, Racine, Mithr. V, 5. Fut-il jamais au joug esclaves plus soumis ? Racine, Esth. III, 4. On peut dire que ce fut la bataille de Chéronée qui mit la Grèce sous le joug, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. VI, p. 132. Ah ! vous ferez aimer votre joug aux vaincus, Voltaire, Orphel. V, 6.
  • 4Il se dit de l'empire de l'amour. L'amour n'a-t-il encor triomphé que de vous ?… Mortelle, subissez le sort d'une mortelle ; Vous vous plaignez d'un joug imposé dès longtemps, Racine, Phèdre, IV, 6. Partons, la voile est prête, et Byzance m'appelle ; Je suis vaincu, je suis au joug d'une cruelle ; Le temps, les longues mers peuvent seuls m'arracher Ses traits que malgré moi je vais toujours chercher, Chénier, Élégies, Fragments.

    Il se dit aussi du lien du mariage. Il faut que M. de la Garde ait de bonnes raisons pour se porter à l'extrémité de s'attacher avec quelqu'un [se marier] ; je le croyais libre, et sautant, et courant dans un pré ; mais enfin il faut venir au timon, et se mettre sous le joug comme les autres, Sévigné, 17 mai 1676. Oui, déjà le notaire a, d'un style énergique, Griffonné de ton joug l'instrument authentique, Boileau, Sat. X. L'hyménée est un joug, et c'est ce qui m'en plaît, Boileau, ib. Au joug d'un autre hymen sans amour destinée, Racine, Mithr. I, 2.

  • 5Contrainte morale, sujétion. Mon âme a secoué le joug de cent remords, Corneille, Sertor. I, 1. Déçue par la liberté dont elle a fait un mauvais usage… elle [l'âme] se met de tous côtés sous le joug, Bossuet, la Vallière. Quand on regarde la facilité incroyable avec laquelle la religion a été ou renversée ou rétablie par Henri, par Édouard, par Marie, par Élisabeth… on est obligé de reprocher à ces peuples d'avoir été trop soumis, puisqu'ils ont mis sous le joug leur foi même et leur conscience, Bossuet, Reine d'Angl. Heureux qui, satisfait de son humble fortune, Libre du joug superbe où je suis attaché, Vit dans l'état obscur où les dieux l'ont caché ! Racine, Iph. I, 1. J'espère Qu'indocile à ton joug [le joug de Dieu], fatigué de ta loi…, Racine, Athal. V, 6. Le point fixe de nos lumières, c'est la foi ; on retrouve, en secouant le joug, les mêmes abîmes et les mêmes incertitudes que dans la soumission, Massillon, Or. fun. Conli. Vous vous êtes engagé sous un joug différent, Massillon, Carême. Vocation. Il est terrible de porter un joug auquel on ne s'est pas soi-même condamné, Massillon, Prof. rel. Serm. 1. Qui sent le joug le porte avec murmure, Voltaire, Nan. I, 1.

    Il se dit aussi, en bonne part, d'une contrainte salutaire. Un joug que m'imposait cette faveur publique, Corneille, D. Sanche, V, 1. Cette sage mère plia le jeune de Sainte-Maure avec une extrême douceur sous le joug de l'autorité maternelle, Fléchier, Duc de Mont. [La rime] Au joug de la raison sans peine elle fléchit, Et, loin de la gêner, la sert et l'enrichit, Boileau, Art p. I. Tu voudras t'affranchir du joug de mes bienfaits, Racine, Brit. V, 6. Vous vivrez sans joug et sans règle, Massillon, Carême, Rechute, 1.

    Le joug du Seigneur, l'obéissance aux lois de la religion. Il n'eut pas moins de soin d'examiner la vocation de ses deux vertueuses filles, qui portent le joug du Seigneur dans un des plus saints ordres de l'Église, Fléchier, Lamoignon. Point de joug plus doux que celui du Seigneur ; ceux qui sont à lui sont toujours contents, Maintenon, Lett. à Mme de Vantadour, 18 mars 1700.

    Faire joug, se soumettre (locution qui a vieilli). Il faut que mon humeur fasse joug à ta loi, Régnier, Sat. X. Les ministres poussèrent l'inégalité de la suscription avec tout ce qui n'est point titré, et même avec les évêques, archevêques, et tout leur a fait joug, Saint-Simon, 65, 88.

  • 6Bâton ou fléau d'une balance.
  • 7 Terme de marine. Bâton pour tordre les cordages de moyenne grosseur et pour serrer une ligature.

    Ancien terme de marine. Forte pièce de bois qui, dans une galère, à la proue et à la poupe, traversait le navire et supportait par ses extrémités tout l'appareil des rames.

    On disait aussi par corruption joup, JAL.

HISTORIQUE

XIIe s. Dejetums de nus [nous] le juh de els [eux], Liber psalm. p. 2.

XIIIe s. Quant li hom use sa vie en vices, il li semble trop grief le joug de vertu, Latini, Trésor, p. 343. Li home gardassent volentiers la franchise que nature leur avoit donée, et n'eussent miz lor col au jou des seignories, se ne fust ce que les males oevres multeplioient perilleusement, Latini, ib. p. 403. Jamais buef sa teste cornue Ne metroit à jou de charrue, la Rose, 18006.

XIVe s. Que le consulat estoit mis souz le jouc de la puissance tribunicienne, Bercheure, f° 84.

XVIe s. Les plus mutins et revesches excitoient les autres à faire joug [à se soumettre] à ceste ordonnance, Cabloix, VI, 2. Mais je veux bien au vray vous advertir, Que, longtemps a, il fut mis sous le jou De mariage au bas pays d'Anjou, Marot, II, 72.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

JOUG, s. m. (Hist. anc.) les Romains appelloient jugum un certain assemblage de trois piques ou javelines, dont deux étoient plantées en terre debout, surmontées d’une troisieme attachée en-travers au haut des deux autres ; elles formoient une espece de baie de porte, plus basse que la hauteur d’un homme ordinaire, afin d’obliger les vaincus qu’on y faisoit passer presque nuds l’un après l’autre, de se baisser ; ce qui marquoit l’entiere soumission, & cela s’appelloit mittere sub jugum.

Tous les autres peuples voisins de Rome avoient le même usage. C’étoit le comble du deshonneur dont se servoit le vainqueur, pour faire sentir le poids de sa victoire à ceux qui avoient succombé : les Romains ont rarement éprouvé cette honte, & l’ont assez souvent fait éprouver à leurs ennemis.

Cependant ils l’éprouverent dans la guerre contre les Samnites, lorsque le consul Spurius Posthumius pour sauver les troupes de la république enfermées par sa faute aux défilés des fourches Caudines, qu’on nomme aujourd’hui streta d’Arpaia, consentit de subir lui-même cette infamie avec toute son armée. Il est vrai que de retour à Rome, il opina dans le sénat, qu’on le renvoyât piés & poings liés, pour mettre à couvert la foi publique du traité honteux qu’il avoit conclu ; son avis fut suivi, mais les Samnites ne voulurent point recevoir le malheureux consul.

Denys d’Halicarnasse rapporte liv. III. que les pontifes à qui Tullus Hostilius avoit renvoyé le jugement d’Horace, accusé du meurtre de sa sœur, commencerent à purifier la ville par des sacrifices, & après plusieurs expiations ils firent passer Horace sous le joug : c’est une coutume, dit-il, parmi les Romains, d’en user ainsi envers les ennemis vaincus, après quoi on les renvoie chez eux. (D. J.)

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Étymologie de « joug »

Provenç. jo ; catal. jou ; espagn. jugo ; portug. jugo ; ital. giogo ; du lat. jugum ; grec, ζύγος ; allem. Joch ; persan, iough ; sanscr. yuga ; du verbe yuj, joindre, au sens d'attacher, atteler ; latin, jungere.

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Du latin jugum (« joug, attelage, joug symbolique sous lequel défilaient les vaincus, esclavage ») de l’indo-européen commun dont sont également issus yoke en anglais, ζυγόν, zugón en grec ancien, Joch en allemand, иго igo en russe, یوغ yough en persan et युग yuga en sanskrit.
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Phonétique du mot « joug »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
joug ʒu

Fréquence d'apparition du mot « joug » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « joug »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « joug »

  • L’Europe de l’Ouest ne s’intéresse qu’à la grande bouffe. Elle est sous le joug du poulet, du vin et de l’abstraction.
    Hassan II — Le Figaro-Magazine - 25 Février 1984
  • Le savoir est une couronne sur la tête, tandis que la richesse n’est qu’un joug sur le cou.
    Proverbe persan
  • Un jeune homme oisif est comme un jeune taureau sans le joug.
    Hugues de Saint-Victor — De claustro animae
  • Si le cheval connaissait sa force, serait-il assez fou pour accepter le joug, comme il le fait ? Mais qu'il devienne sensé et s'échappe, alors on dira qu'il est fou...
    August Strindberg — Maître Olof
  • L’homme a l’amour pour aile et pour joug le besoin.
    Victor Hugo — Les contemplations
  • Lorsqu’on brise le joug de l’opinion, c’est rarement pour s’élever au-dessus, mais presque toujours pour descendre au-dessous.
    Chamfort — Maximes et pensées
  • Faut-il dire que les enfants délivrent la femme de l'homme ? La vérité est qu'elle passe d'un joug à un autre joug.
    François Mauriac — L'éducation des filles
  • Nous sommes tous venus au monde tout à fait de la même manière, or le joug que nous portons n'est pas pareil pour tout le monde.
    Dimtcho Debelianov — Nuits de Bohème
  • Nous avons le plaisir de vous inviter à réécouter, ce vendredi 24 juillet, « Le chant de la fidèle Chunhyang », diffusée l’année dernière à l’occasion de la libération de la Corée du joug japonais, le 15 août.
    Rediffusion : « Le chant de la fidèle Chunhyang » l KBS WORLD Radio
  • Le plus grand malheur des hommes, c'est d'avoir des lois et un gouvernement. Tout gouvernement est un mal, tout gouvernement est un joug.
    François René de Chateaubriand — Essai sur les révolutions
Voir toutes les citations du mot « joug » →

Traductions du mot « joug »

Langue Traduction
Anglais yoke
Espagnol yugo
Italien giogo
Allemand joch
Chinois
Arabe نير
Portugais jugo
Russe иго
Japonais ヨーク
Basque uztarria
Corse u ghjucu
Source : Google Translate API

Synonymes de « joug »

Source : synonymes de joug sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « joug »

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Nombre de points du mot joug au scrabble : 12 points

Joug

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