La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « défier »

Défier

Définitions de « défier »

Trésor de la Langue Française informatisé

DÉFIER1, verbe trans.

A.−
1. HISTOIRE
a) Terme de féod. Signifier à (un suzerain) que l'on abandonne la foi jurée, que l'on devient son adversaire :
1. ... il s'excusait sur les alliances qu'il avait jurées : « Vous voulez me déshonorer, disait-il; je ne puis maintenant devenir l'ami du roi de France que j'ai défié, et l'ennemi du roi d'Angleterre qui a ma parole et mon sceau... etc. » Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-24, p. 393.
b) P. ext. Provoquer (quelqu'un) au combat.
α) Déclarer la guerre à (quelqu'un). Défier son ennemi; envoyer défier son ennemi par un héraut. Il [Darius] les [ses ennemis] envoya défier au combat par une vaine forfanterie (Chateaubr., Essai Révol.,t. 1, 1797, p. 284).Voir un simple seigneur défier en son nom, un roi et lui faire la guerre (Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 2, 1821-24, p. 322).
β) Provoquer (quelqu'un) à un combat singulier. Être défié en duel. Ah! poursuivit tout bas Andréa, tu m'a défié à la lutte, frère (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 146).Lorsque deux guerriers crow prétendaient avoir droit à un même honneur, l'un défiait l'autre à une ordalie (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 317).
P. méton. du suj. [le sujet désignant le moyen utilisé pour signifier la provocation] :
2. ... et comme chevalier, Comme pair, comme prince, en combat singulier, Au jugement du ciel pour ses droits se confie : Sur quoi, voici son gage, et ce gant vous défie! Delavigne, Louis XI,1832, II, 11, p. 76.
2. Mod. Défier qqn à + subst. ou inf.Provoquer (quelqu'un) à se mesurer à soi comme adversaire, à un duel, à un jeu, à une compétition. Défier quelqu'un à la paume, aux échecs, à boire, à qui boira le plus (Ac.1835-1932).Mulrady, qui eût défié à la boxe Tom Sayers lui-même (Verne, Enf. cap. Grant,t. 1, 1868, p. 88).Des toreros à cheval défiaient des taureaux furieux (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 87).En 1651, le prince d'Harcourt (et son cheval) défièrent le duc de Joyeuse (Jeux et sp.,1968, p. 468).
Emploi pronom. réciproque. Ils sortirent du salon en adversaires qui se sont défiés (Péladan, Vice supr.,1884, p. 115).
B.− Usuel. Affronter quelqu'un ou quelque chose.
1. [L'obj. désigne une forme du pouvoir ou une force naturelle ou spirituelle]
a) [Le suj. désigne une pers.] Mettre en cause, s'opposer ouvertement à (un pouvoir, une autorité, une institution). Synon. affronter, braver, contester.Défier les juges (Verlaine, Œuvres compl.,t. 1, Jadis, 1884, p. 385).Mais Ricarda, se mettant à rire d'une façon sauvage comme s'il défiait le diable lancé à ses trousses, courut vers le promontoire (Abellio, Pacifiques,1946, p. 399).Je défiais allégrement les convenances et l'autorité (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 270).
P. méton. du suj. [le sujet désignant un courant de pensée, une institution, etc.] Dans sa source vive, le romantisme défie d'abord la loi morale et divine (Camus, Homme rév.,1951, p. 71).
Emploi abs. Le révolté défie plus qu'il ne nie (Camus, Homme rév.,1951p. 41).
b) [Le suj. désigne une chose]
[Chose concr.; le compl. d'obj. désigne une loi, un phénomène] Ces cabanes dont l'une, à louer, s'affirmait en double-bois, toute penchée, et défiant la perspective (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 335).
[Chose faisant l'obj. d'une activité hum.] Le génie défie toute prévision (Bergson, Deux sources,1932, p. 56).Ces races, ces nations, ces états, dont l'enchevêtrement défie la sagacité des anatomistes et de l'ethnologie (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 195):
3. En y regardant d'un peu plus près, on trouverait sans doute que notre esprit est défié par tout ce qui naît, se reproduit et meurt sur la planète, parce qu'il est rigoureusement borné, dans sa représentation des choses, par la conscience qu'il a de ses moyens d'action extérieure, et du mode dont cette action procède de lui sans qu'il ait besoin d'en connaître le mécanisme. Valéry, Variété V,1944, p. 28.
Rem. On rencontre ds la docum. a) L'adj. défiant, ante, rare, homon. du part. prés. de défier (se)2. Qui adresse, manifeste un défi. Elle [Gladie] me regardait avec une si défiante expression de triomphe (Toulet, Mar. Don Quichotte, 1902, p. 190). b) Défié, ée, part. passé et adj. Qui est l'objet d'un défi. Et Dieu blasphémé tous les jours, défié, crucifié dans son église (Verlaine, Œuvres posth., t. 2, Voy. en Fr. par un Fr., 1896, p. 44).
2. [L'obj. désigne un danger phys. ou moral]
a) [Le suj. désigne une pers.] Ne pas craindre d'affronter quelque chose. Défier un danger; défier le sort, la mauvaise fortune. Synon. braver.Repoussant du pied le granit qui ne recula pas, j'ai défié la mort et la vengeance divine par une huée suprême (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 217).Et j'ai connu des jeunes gens qui superbement défiaient la mort (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 903).
[Le suj. (nom de chose) désigne une expr., une attitude de l'homme] Ce sourire folâtre qui défiait le malheur (Janin, Âne mort,1829, p. 33).Le visage auguste des mères de famille dont la vie sans reproche défie les coups du Destin, mais qu'il a pris pour but de ses flèches (Balzac, Modeste Mignon,1844, p. 15).
b) [Le suj. désigne une chose concr.] Résister à (une force capable de détruire : temps, etc.). Ce minaret peut aujourd'hui défier les âges (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 30).Ces mêmes murs de pierres sèches sans ciment qui défient les averses et les années (Brunhes, Géogr. hum.,1942, p. 260).Elle [l'île de Sein] défiait les éléments, cette petite chose plate, ce récif maigre et venteux (Queffélec, Recteur,1944, p. 52).
[Le suj. désigne une pers.] Littér. :
4. Le général comte Ignatiev, qui avait été, à Paris, attaché militaire du tsar, puis, pendant longtemps, une des têtes de l'émigration, se trouvait parmi les convives, défiant les années, portant l'uniforme à ravir et prodiguant les grandes manières, mais gêné de son personnage. De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 64.
Rem. On rencontre ds des dict. gén. ou spéc. (Jal 1848, Bonn.-Paris 1971 [1859], Soé-Dup. 1906), une acception maritime. Conjurer un danger au moyen d'une manœuvre appropriée. Défier l'abordage, le bord, la lame, la terre. [À l'impér., dans les commandements au timonier] Défie du vent, de l'arrière, de l'arrivée.
3. [L'obj. désigne un obj. qui est matière à compétition] Affronter pour soutenir la comparaison, pour rivaliser avec quelqu'un, quelque chose.
a) Défier qqc.
[Le suj. désigne un attribut de l'homme] Et sur le sommet de la montagne, tes pas auroient défié l'élan le plus léger à la course (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 267).Son érudition sur cette matière aurait défié celle de tous les Dorante et de tous les Clainville du monde (Jouy, Hermite,t. 4, 1813, p. 166).Une sociétaire aux nobles mamelles et dont la voix défie le rapide du Havre (Arnoux, Paris,1939, p. 66).
[Le suj. désigne une chose, l'attribut d'une chose] Les merveilles de l'escalier [de l'hôtel Laginski], blanc comme le bras d'une femme, défiaient celles de l'hôtel de Rothschild (Balzac, Fausse maîtr.,1841, p. 10).Ce dévergondage de décors contient en son faste éperdu une vérité considérable qui défie les délicatesses de la beauté et du goût par le spectacle de l'opulence républicaine (De Vilmorin, Lettre taxi,1958, pp. 132-133).
b) Défier qqn.Inciter (quelqu'un) à faire une chose, tout en pariant qu'il n'osera pas la faire ou en sera incapable. Cf. mettre au défi de + inf.
α) Défier qqn de + inf.Personne ne savait son âge, et j'aurais bien défié de me le dire le plus fameux marchand d'esclaves (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 26).Que de fois, (...) j'ai défié le monde entier de procurer à qui que ce soit des joies plus pures que celles que je trouvais dans l'exercice calme et désintéressé de ma pensée (Renan, Avenir sc.,1890, p. 450).Les partisans du quatre temps défient les réalisateurs du deux temps de construire une voiture rentable en cylindrée moyenne (Chapelain, Techn. automob.,1956, p. 261):
5. Au point de vue intellectuel il s'agissait, il s'agit encore d'éprouver par tous les moyens et de faire reconnaître à tout prix le caractère factice des vieilles antinomies destinées hypocritement à prévenir toute agitation insolite de la part de l'homme, ne serait-ce qu'en lui donnant une idée indigente de ses moyens, qu'en le défiant d'échapper dans une mesure valable à la contrainte universelle. Breton, Les Manifestes du Surréalisme,2eManifeste, 1930, p. 91.
Emploi abs., proverbe. Il ne faut jamais défier un fou (de faire des folies).
Vx. Défier à qqn de + inf.Je défie bien à un moineau de passer (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1386).
β) Défier que + subj.Si la simultanéité pouvait présenter un caractère inverse, ce dont je défie qu'on puisse indiquer un seul exemple réel (Comte, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 566).Quant à ces grimauds, je les défie seulement qu'ils s'élèvent jusqu'à la plate correction (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 39).
Parier. J'accepte que des vers merveilleux aient cette absurdité, je défie qu'elle les prive de leur pouvoir poétique (Bremond, Poésie pure,1926, p. 101).
Prononc. et Orth. : [defje], (je) défie [defi]. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. deffier (cf. dé-1); ds Ac. 1740-1932 sous la forme mod. Homon. formes du verbe défaire, défis, défit. Étymol. et Hist. Cf. défier2.

Wiktionnaire

Verbe - français

défier \de.fje\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se défier)

  1. Provoquer à une lutte, au duel.
    • Le comte de Ravenstein, sans indiquer les motifs de sa déclaration, défiait le prince Adolphe partout où il pourrait le rencontrer, soit seul à seul, soit vingt contre vingt, soit armée contre armée […]. — (Alexandre Dumas, Othon l’archer, 1839)
    • VadiusJe te défie en vers, prose, grec, et latin.
      TrissotinHé bien, nous nous verrons seul à seul chez Barbin.
      — (Molière, Les Femmes savantes, acte III, scène 3)
  2. (Figuré) Braver quelque chose de dangereux, s’y exposer hardiment, courageusement, lutter contre.
    • […] on voyait qu’elle ne défiait pas l’attaque mais qu’une fois commencée, elle était sérieusement résolue à la repousser. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • Quiconque mange bien peut défier le ciel. Ce sont les ascètes et les meurt-de-faim aux estomacs débilités qui ont inventé les dieux. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 191)
    • Je semble défier la mort et pourtant je ne peux protéger les corps meurtris. Les soldats vont encore être obligés de faire des sacrifices pour un résultat plus qu'incertain, probablement un échec. — (Jean-Louis Riguet, Aristide, la butte meurtrie (Vauquois 1914-1918), Éditions Dédicaces, 2014)
    • (Par extension) Un monument qui semble défier les siècles.
    • Sans compter qu'on chercherait à m'assassiner. Heureusement, je porte une cotte de mailles qui eût défié jusqu'au couteau de Jacques Clément et de Ravaillac. — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
  3. Mettre en demeure quelqu’un de faire quelque chose en laissant entendre qu’on le croit incapable de réussir.
    • Les sabbats ont alors la forme grandiose et terrible de la Messe noire, de l’office à l’envers, où Jésus est défié, prié de foudroyer, s’il peut. — (Jules Michelet, La Sorcière, Hetzel - E. Dentu, 1862, page 143)
    • Vous me menacez de me faire un procès, je vous en défie.
    • Je le défie bien de se tirer de là.
    • Je vous défie de deviner.
  4. (Pronominal) Se mettre en garde contre quelqu’un ou quelque chose.
    • Il est aisé de me tromper ; je ne sais pas me défier d’une action que je ne voudrais pas faire moi-même. — (Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, 1833, acte I, scène 4)
    • Il se levait de bonne heure, descendait dans la cour, jetait un coup d’œil aux étables, aux écuries. Non qu’il se défiât – il ne se défiait jamais ! – du service de ses domestiques, […], mais ce lui était plaisir que de ne point manquer la sortie de l’étable fumante, […]. — (Alphonse de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines, chap.1, 1910)
    • Cela semblait évident à Tchen, mais il se défiait de telles évidences, aujourd’hui. — (André Malraux, La condition humaine, 1946, réédition Folio Plus Classiques, 2019, page 63)
  5. (Pronominal) Prévoir ou soupçonner quelque chose de fâcheux.
    • Ceux qui se défiaient de l’empire, pressentant qu’il serait la guerre, avaient-ils tort ? — (Émile de Girardin, en préface de Le dossier de la Guerre de 1870, 23 septembre 1877)
  6. (Pronominal) Avoir peu de confiance.
    • Et c'est là un autre paradoxe de Max Jacob : il n'aimait pas Montmartre. Il se défiait de ses « petits maquereautins pâlots que les romances poétisent stupidement », de ses « petits faussaires » et de ses « petits brigands ». Il préférait l'humanité du Paris ouvrier et bourgeois. — (Dan Franck, Le temps des Bohèmes, éd. Gtasset, 2015)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DÉFIER. v. tr.
Provoquer à une lutte. Défier quelqu'un à la paume, aux échecs, à la course, à qui boira le plus, à qui arrivera le premier au but. Il signifie au figuré Braver quelque chose de dangereux, s'y exposer hardiment, courageusement, lutter contre. Défier un danger. Défier les tempêtes. Défier la mort. Défier le sort, la mauvaise fortune. Par extension, Un monument qui semble défier les siècles. Il signifie encore Mettre quelqu'un en demeure de faire quelque chose en laissant entendre qu'on le croit incapable de réussir. Vous me menacez de me faire un procès, je vous en défie. Je le défie bien de se tirer de là. Je vous défie de deviner. Prov., Il ne faut jamais défier un fou, se dit ironiquement lorsque quelqu'un propose de faire quelque chose d'extravagant et qu'il demande si on l'en défie.

SE DÉFIER signifie Être, se mettre en garde contre quelqu'un ou quelque chose. C'est un homme dont il faut se défier. Je me défie de ses caresses. Je me défie de tous ces bruits. Elle se défiait de son propre cœur. Se défier de soi-même, de ses forces, se défier de sa capacité, Avoir peu de confiance en soi-même, en ses propres forces, en sa capacité. Il signifie aussi Prévoir, soupçonner quelque chose de fâcheux. Défie-toi que le mauvais temps ne te surprenne en route. L'orage menace, défiez-vous.

Littré (1872-1877)

DÉFIER (dé-fi-é), je défiais, nous défiiens, vous défiiez ; que je défie, que nous défiions, que vous défiiez v. a.
  • 1Provoquer à un combat, à une lutte. Défiant leurs nombreuses cohortes, Racine, Mithr. V, 4. Toi, superbe Orbassan, c'est toi que je défie, Voltaire, Tancr. III, 6.

    Par extension. Défier quelqu'un à la course, à la paume, aux échecs. Défier quelqu'un à boire. Défier aux chansons les oiseaux dans les bois, Boileau, Sat. VIII.

    Fig. Son teint peut défier la rose.

  • 2Déclarer à quelqu'un qu'on ne le croit pas en état de faire une chose. Vous me menacez de me battre, je vous en défie. Je vous défie de deviner cette énigme. J'ose le défier de me pouvoir surprendre, Molière, Éc. des maris, II, 2. Je défie la calomnie, et je la mets à pis faire, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 26 oct. 1762.

    Familièrement. Je le défie d'être plus votre serviteur que moi. Je n'aime point, ma fille, que vous disiez que vos lettres sont insipides et sottes ; voilà deux mots qui n'ont jamais été faits pour vous ; vous n'avez qu'à penser et à dire ; je vous défie de ne pas bien faire, Sévigné, 442.

    Poétiquement. Je défiais ses yeux de me troubler jamais, Racine, Androm. I, 1.

    PROVERBE

    Il ne faut jamais défier un fou, se dit quand un homme se propose de faire quelque folie ou quelque extravagance, et qu'il demande si on l'en défie.
  • 3Affronter, braver. Je m'en vais défier les vents au milieu de l'Océan, Voiture, Lett. 42. Sa bonne conduite défie la fortune, Sévigné, 299. Ce qui devait tenir contre les vents et défier la durée même des siècles, Massillon, Car. Inconst. Instruite à défier le péril et la mort, Voltaire, Scythes, I, 1. Le brave la défie [la mort] et marche au-devant d'elle, Voltaire, Orphel. I, 5. Vous croyez à l'abri de votre caractère Pouvoir impunément défier ma colère, Voltaire, Catil. II, 1.
  • 4 Terme de marine. On défie une embarcation d'un choc, en en modérant la vitesse, ou en l'éloignant au moyen d'une gaffe ; on défie le navire de la lame, en manœuvrant de façon à empêcher le choc violent que la lame peut lui donner ; on le défie du vent en gouvernant de manière à empêcher qu'il ne vienne trop au vent, Jal

    Défie de l'arrière ! commandement adressé au timonier, lorsqu'un bâtiment navigue au plus près.

    Défie du vent ! commandement de mettre la barre au vent.

    Défie tout ! ordre de faire agir vivement le gouvernail sous le plus grand angle possible, pour éviter que le vent ne masque les voiles.

    Dans ces termes de marine, défier a le sens de se défier (ne pas se fier), en changeant le pronom réfléchi en un nom ou pronom direct. Défier un navire de la lame, c'est se défier de la lame (le navire au lieu de se), ne pas le fier à la lame.

  • 5Se défier, v. réfl. Se provoquer. Ces deux ennemis se défiaient l'un l'autre.
  • 6Avoir de la défiance, être en garde contre. Il est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé. Si c'est te faire tort que de m'en défier…, Corneille, Cinna, IV, 6. De tous ses mouvements mon esprit se défie, Corneille, Héracl. V, 2. Et je me défierais d'un trop prompt changement, Corneille, Théod. III, 5. Quand on tue celui qui ne s'en défie en aucune manière, Pascal, Prov. 7. Je me défie des allures des gens, Sévigné, 302. Roxane, qui depuis, loin de s'en défier, à ses desseins secrets voulut m'associer, Racine, Baj. I, 4. Et quand de toi peut-être un père se défie…, Racine, Mithr. IV, 1. Ils commençaient à se défier de tous les Grecs, Fénelon, Tél. X. Tous les animaux se défient de l'homme et n'ont pas tort ; mais sont-ils sûrs une fois qu'il ne leur veut pas nuire, leur confiance devient si grande qu'il faudrait être plus que barbare pour en abuser, Rousseau, Conf. VI.

    Absolument. Non, mais il fut surpris et Créon se défie, Corneille, Médée, I, 5.

    Défiez-vous, soyez sur vos gardes, se dit souvent entre ouvriers qui soulèvent un lourd fardeau ou font toute autre manœuvre qui peut avoir du danger si on se néglige.

  • 7Avoir peu de confiance dans. De mes faibles efforts ma vertu se défie, Racine, Mithr. II, 6. Vous, favori ! vous, grand ! défiez-vous des rois ; Leur faveur est glissante, on s'y trompe, et le pire C'est qu'il en coûte cher…, La Fontaine, Fabl. X, 10. Celui qui sollicite son juge ne lui fait pas honneur ; car il se défie de ses lumières et même de sa probité, La Bruyère, XIV.

    Se défier de soi-même, de ses forces, etc. avoir peu de confiance en soi, en ses forces. Le silence est le parti le plus sûr pour celui qui se défie de soi-même. Si, avant que d'agir et de décider sur des choses essentielles, vous vous étiez défié de vous-mêmes, Bourdaloue, Sur la fausse consc. 1er Avent.

    En ce sens il se construit aussi avec que. Quelque ardeur qu'un chrétien fasse paraître pour la cause de son Dieu, je me défierai toujours, ou plutôt je désespérerai toujours, que de la délicatesse des repas, des habits, de l'équipage et du train, il accepte de passer à la rigueur des prisons, des roues et des chevalets, Bourdaloue, Car. t. I, p. 232.

    Se douter, soupçonner, prévoir. Une chose vous manque, à vous et à vos semblables, vous ne vous en défiez pas : et je vais vous jeter dans l'étonnement ; une chose vous manque, c'est l'esprit, La Bruyère, V. Ils commencent à se défier du contraire, Pascal, Prov. 1.

    En ce sens il se construit aussi avec que. Et, ma foi, je m'étais toujours bien défié Que ce jeune galant cajolait Isabelle, Scarron, Jodelet ou le Maître valet, IV, 7. Qu'il est difficile, quand on peut tout, de se défier qu'on peut aussi trop entreprendre ! Massillon, Louis le Grand. Il ne s'était même jamais avisé de se défier que la voie où il marchait… pût le conduire à la perdition, Massillon, Car. Mauv. riche. Qui se serait jamais défié que Manassès, qui avait introduit l'abomination dans le lieu saint… dût devenir un jour le restaurateur du temple et des sacrifices ? Massillon, Carême, Mélange. Il [l'impie] se défie seulement qu'il n'y a rien après cette vie, et là-dessus il le croit, Massillon, Carême, Vér. d'un avenir. Vous n'en avez pas usé de même, et c'est sur quoi je commençai à me défier que vous agissiez avec passion, Pascal, Prov. 17.

REMARQUE

Défier, dans le sens de provoquer, faire un un défi, veut à : défier quelqu'un à boire. Dans le sens de mettre à pis faire, de déclarer impossible, il veut de : je le défie d'y aller.

HISTORIQUE

XIe s. [Je] Desfi les en, sire, vostre veiant, Ch. de Rol. XXIV. Par nule guise ne m'aviez desfiet, ib. CXLVII. Je desfiai Rolant le poigneor, ib. CCLXXIV.

XIIe s. Et dist à Pinabel : Je vous desfi, vassal, Ronc. p. 193. Et Gilemers l'Escot dit outrage et folie, Quant de ceste besogne devant tous vous desfie, Sax. X. Ils vous ont desfié de [à] guerre moult prochaine, ib. XX. Richarz li respundi par ire e par buffei : " Quant ne volez venir ensemble od mei al rei, Or vus desfi-ge dunc e des miens et de mei ", Th. le mart. 51. Coment, fait saint Thomas, avez me desfié ? Nenal, fait Jocelins, mais ço vus ad mandé Li reis …, ib. 130.

XIIIe s. Et distrent que bon seroit que il envoiassent à lui bons messages pour demander leur covenances, et si il le vouloit faire, il le preissent, et se ce non, si le defiassent de par els, Villehardouin, XCIII. Et manda li quens Ferrans au roi Phelippe qu'il li rendist les chastiaus et les cités que vous avez oï, ou se çou non, il le deffioit et bien seüst qu'il enterroit en sa terre en brief tans, Chron. de Rains, 144. L'en demain par matin quant l'aube fu crevée, Bauduin de Rohais [les Turcs] ont parole mandée, Par un lor latinier qui lui a bien contée, Que il deviegne turc, s'ait sa loi defiée, Trois cos [queues] se face faire à l'us de lor contrée, Ch. d'Ant. VI, 9. Se l'amiral eust esté refusé, il eust presenté au roy ces trois coutiaus pour le deffier, Joinville, 259.

XVIe s. Tu me sembles aulcunement doubter, voyre deffier de ma paternité, Rabelais, Pant. III, 27. Cesar se print à desfier le Dieu Neptunus, Montaigne, I, 22. Il desfia le roy de le combattre en chemise avec l'espée, Montaigne, I, 59. Il estoit garni des biens et des thresors qui desfient la fortune, Montaigne, IV, 316. Il cassa la compagnie de trois cents satellites de Romulus, disant qu'il ne se vouloit point desfier de ceulx qui se fioient en luy, Amyot, Numa, 12. Il deffia au combat d'homme à homme le plus vaillant des Gaulois, Amyot, ib. 22. Il se partit pour aller au devant de luy, ne se deffiant pas que Caesar ne fust pour luy pardonner, ains…, Amyot, Cicéron, 49.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DÉFIER. - REM. Ajoutez :

2. Corneille a supprimé le pronom personnel dans cette phrase : Annibal, qu'elle vient de lui sacrifier, L'engage en sa querelle et m'en fait défier, Nicom. I, 1. J. J. Rousseau aussi : Malgré ma prévention pour le talent des autres, qui m'a toujours fait défier des miens, Confess. VII. Cette tournure est correcte, mais peu usitée ; on dit plutôt : m'a fait me défier.

3. Le même a dit : Tous les plaisirs ont beau être pour les méchants, en voilà pourtant un que je leur défie de goûter, Lettre à Milord Maréchal, 31 mars 1764. C'est une faute ; il faut : je les défie.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « défier »

Dé… préfixe, et fier, v. a. ; provenç. desfiar, desfizar ; ital. disfidare, diffidare. La série des sens est : démentir la foi de quelqu'un (dé-fier, dé-fiance), puis, de là, provoquer, et, avec le pronom réfléchi, n'avoir pas foi, confiance.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

De dé- et fier avec l’influence du latin diffidere (« ne pas se fier à »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « défier »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
défier defie

Fréquence d'apparition du mot « défier » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « défier »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « défier »

  • Il est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé.
    François de La Rochefoucauld — Maximes
  • Il est noble de défier un pouvoir arbitraire, utilisé de façon cruelle et inique, et cela, pour défendre les plus faibles.
    Elizabeth Gaskell — Nord et Sud
  • On fait toujours semblant de confondre les juges avec la justice, comme les prêtres avec Dieu. C'est ainsi qu'on habitue les hommes à se défier de la justice et de Dieu.
    Alphonse Karr
  • En philosophie, il faut se défier de ce qu'on croit entendre trop aisément, aussi bien des choses qu'on n'entend pas.
    Voltaire — Lettres philosophiques
  • Il ne faut pas tant se méfier des autres que se défier de soi-même.
    Proverbe iranien
  • L'erreur est aussi grande de se fier à tous que de se défier de tous.
    Sénèque
  • Il faut se défier des poètes, ils ont la réputation de deviner juste !
    Jean Pellerin — Un soir d'hiver
  • Il faut se défier de ceux qui ont de trop bonnes intentions : il leur arrive de changer étrangement d'idée.
    André Duval — Le mercenaire
  • Permettre à son regard de s'attarder sur le visage de quelqu'un est déjà une façon ouverte de le défier.
    Roberto Saviano — Gomorra, 2007
  • Il en est des femmes comme des fous : il ne faut pas les défier.
    Georges Courteline — La Philosophie de Georges Courteline
Voir toutes les citations du mot « défier » →

Traductions du mot « défier »

Langue Traduction
Anglais challenge
Espagnol desafío
Italien sfida
Allemand herausforderung
Chinois 挑战
Arabe التحدي
Portugais desafio
Russe вызов
Japonais チャレンジ
Basque erronka
Corse sfida
Source : Google Translate API

Synonymes de « défier »

Source : synonymes de défier sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « défier »

Combien de points fait le mot défier au Scrabble ?

Nombre de points du mot défier au scrabble : 9 points

Défier

Retour au sommaire ➦