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Tutoyer

Définitions de « tutoyer »

Trésor de la Langue Française informatisé

TUTOYER, verbe trans.

A. − S'adresser à quelqu'un en lui disant « tu ». Il se disait, s'étonnant: « Bigre, tu as de la race, toi! » Et il avait envie de la tutoyer vraiment, comme il tutoyait dans sa pensée, comme on tutoie, la première fois qu'on les voit, les femmes qui sont à tous (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Yvette, 1884, p. 515).« Liebling, tu dormais? » Jamais encore elle ne l'avait tutoyé (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 811).
Empl. pronom. réciproque. Ces gens, de tous les états, se tutoyaient depuis le commandant jusqu'au simple volontaire (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 40).On peut se tutoyer, entre artistes.Si tu veux (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 165).
B. − P. anal.
1. Avoir des familiarités avec une femme, user avec elle de façons libres. Les hommes l'abordèrent avec familiarité, la tutoyèrent du regard, du ton, du geste, de la main (Goncourt, G. Lacerteux, 1864, p. 99).Les fils de famille qui la tutoient de près sont bigrement heureux (Zola, Assommoir, 1877, p. 747).
2. Défier quelqu'un par des bravades, par des provocations; lui imposer sa loi, sa supériorité. Il monte aux barricades, fouaille le prince et tutoie le sacripant (Faure, Hist. art, 1921, p. 140).Il s'établit pesamment dans son fauteuil, et, rentrant le menton, élargissant ses bajoues, il défiait, tutoyait Gaspard du regard (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 193).
3. Tutoyer qqc.En avoir une connaissance intime et approfondie. Il avait assez tutoyé la châsse de sainte Geneviève pour donner des ordres à la fiole de saint Janvier (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 699).Un métier qui permet de tutoyer les chefs d'œuvre (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 33).
Prononc. et Orth.: [tytwaje], (il) tutoie [-twa]. Conjug., v. aboyer. Étymol. et Hist. A. 1. 1394 tutoyer (Arch. nat. JJ 147, fol. 34 rods Gdf. Compl.); 2. 1871, 23 avr. « caresser sans manières » (Goncourt, Journal, p. 779: Une fille, un peu tutoyée des deux mains par un officier de la Garde nationale, se dérobe). B. xives. [ms.] tutoiser (Gautier de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owen, av.505, texte du ms. 5). A dér. de tu*; suff. -oyer* avec intercalation de t. B formé à partir de tu, prob. sur le modèle des verbes dér. en -er, -oyer de mots en -ois, du type pantois, pantoisier/pantoiser, v. panteler. Fréq. abs. littér.: 520. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 332, b) 1 245; xxes.: a) 1 023, b) 640.
DÉR.
Tutoyeur, -euse, adj. et subst.a) (Personne) qui tutoie, dont l'habitude est de tutoyer. Oui, j'ai pu voir encore les derniers représentants de cette génération de tutoyeurs de Dieu assister au culte avec leur grand chapeau de feutre sur la tête (Gide, Si le grain, 1924, p. 375).b) (Personne) qui se comporte familièrement, voire librement avec autrui. Mais, lui dire « vous », n'est-ce pas une caresse unique que lui donne là cette Claudine un peu brutale et tutoyeuse? (Colette, Cl. ménage, 1902, p. 18).[P. méton.] Ma froide et tutoyeuse cordialité, à laquelle ils ne se trompent pas, les contient (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 10). [tytwajœ:ʀ], fém. [-ø:z]. 1resattest. 1752 subst. ([Ch. Le Roy], Traité de l'orth. fr. d'apr. Rob.), 1823 (Boiste), 1875 empl. adj. ton philosophique et tutoyeur (A. Daudet, Revue dramatique ds J.O., 25 janv., p. 658a); de tutoyer, suff. -eur2*.
BBG.Benveniste (E.). Les Verbes délocutifs. In: [Mél. Spitzer (L.)]. Berlin, 1958, p. 60. − Quem. DDL t. 3, 32.

Wiktionnaire

Verbe - français

tutoyer \ty.twa.je\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. User des mots de tu et de toi en parlant à quelqu’un.
    • (en réponse à un interlocuteur qui dit vous) Tu peux me tutoyer.
    • C’était l’époque des vacances. L’arrivée des enfants la consola. Mais Paul devenait capricieux, et Virginie n’avait plus l’âge d’être tutoyée, ce qui mettait une gêne, une barrière entre elles. — (Gustave Flaubert, Trois Contes : Un cœur simple, 1877)
    • Rougon mourut presque subitement, quinze mois après son mariage, d’un coup de soleil qu’il reçut, une après-midi, en sarclant un plant de carottes. Une année s’était à peine écoulée que la jeune veuve donna lieu à un scandale inouï ; on sut d’une façon certaine qu’elle avait un amant ; elle ne paraissait pas s’en cacher ; plusieurs personnes affirmaient l’avoir entendue tutoyer publiquement le successeur du pauvre Rougon. — (Émile Zola, La Fortune des Rougon, G. Charpentier, Paris, 1871, chapitre II ; réédition 1879, page 49)
    • Il [M. Dupanloup] nous donnait à cet égard des règles excellentes, que j’avais du reste toujours pratiquées, comme de ne jamais tutoyer sa mère et de ne jamais finir une lettre à elle adressée sans y mettre le mot respect. — (Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, 1883, collection Folio, page 105)
    • Je demanderai huit jours au chef de bureau pour aller dans mon pays. Maman dira : Voilà mon Parisien. Les vieilles femmes diront : A présent nous n’osons plus te tutoyer. — (Charles-Louis Philippe, Bubu de Montparnasse, 1901, réédition Garnier-Flammarion, page 166)
    • Son « tu » me froissa un peu. Mais je lui répondis gaminement : « Tu trouves que j’ai engraissé ! » Il partit d’un fou rire. Et, à partir de ce jour, nous nous tutoyâmes et nous devînmes les meilleurs amis du monde. — (Ma double vie : mémoires de Sarah Bernhardt, Paris : Librairie Charpentier et Fasquelle, 1907, chapitre 13)
    • Ils se tutoyaient. Ballanec, d’ailleurs, tutoyait tout le monde, comme les Flamands, qui ne possèdent pas de mot pour dire vous. — (Georges Simenon, Les Demoiselles de Concarneau, Gallimard, 1936, réédition Folio, page 86)
    • Jeannin est le seul camarade de guerre, avec de W., que j’aie tutoyé ; […]. C’était un essai d’égalité ; je pensais bien qu’ils me tutoieraient aussi, mais ils ne le firent jamais, et cela termina mes tentatives d’avoir vingt ans comme eux. — (Alain (philosophe), Souvenirs de guerre, Hartmann, 1937, page 78)
    • « Tu t’es perdue ? »
      Elle fit un pas en arrière, en me regardant à travers ses fleurs.
      «  Oui, dit-elle, je me suis perdue, mais ce n’est pas une raison pour me tutoyer. Je ne suis pas une paysanne. »
      — (Marcel Pagnol, Le temps des secrets, 1960, collection Le Livre de Poche, page 88)
    • — … ça peut sembler idiot, mais c’est fou comme, tout à coup, je vous sens proche de moi, Charles.
      — Ça peut sembler fou, Judith, mais, croyez-moi, c’est réciproque.
      — C’est fou, ça alors ! On pourrait peut-être se tutoyer, tu trouves pas ?
      — (Philippe Delaroche, Caïn et Abel avaient un frère, Éditions de l’Olivier / Le Seuil, 2000, pages 302-303)
  2. (Figuré) Approcher au plus près, frôler.
    • […] Cinq ans plus tard, le nombre d’entreprises a plus que doublé pour dépasser 66 000 et une réduction d’impôt tutoyant le milliard d’euros… — (Mathieu Castagnet, « Le mécénat, une manne croissante au service des associations », La Croix, 29 janvier 2018, page 14)
    • Dehors, le thermomètre tutoie les 35 degrés. — (Béatrice Jérôme, Face à la canicule, une veille très inégale des villes auprès des personnes âgées, Le Monde. Mis en ligne le 29 juin 2019)
    • Durant les derniers jours de notre progression, nos campements tutoient la beauté céleste des monts Jampelyang et Chenrezig. — (Constantin de Slizewicz, “Chine : une caravane vers le Shangri-La”, Le Figaro Magazine, nº 23625 et 23626, 31 juillet et 1er août 2020, page 47)
  3. (Figuré) (Familier) Être très familier avec ; côtoyer ; frôler quelque chose.
    • Tutoyer la mort.
    • D’autre part, Max Jacob — que nous écoutions à ses heures — jetait à bas nos plus secrètes admirations, tutoyait Laforgue et Verlaine et s’inclinait, avec des airs bouffons, aux pieds de Picasso. — (Francis Carco raconté par lui-même, Éditions Sansot, Paris, 2e édition, 1921, p. 12)
    • La Bourgogne n’échappe pas à la tendance générale, puisqu’elle y est en posture très difficile, mais sans à ce jour tutoyer le point de non-retour. — (Michel Poiriault, La bonne santé de la pie-grièche à tête rousse est intimement liée au bocage triomphant. Dans le cas contraire, elle accuse sévèrement le coup… sur info-chalon.com, 26 mai 2017)
  4. (Belgique) Se faire tutoyer : être copieusement engueulé, se faire passer un savon (à mettre en rapport avec le fait que l’on ne tutoie pas en dialectes wallons car c’est considéré comme excessivement familier voire grossier).
    • Je me suis fait tutoyer par le patron.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TUTOYER. (Il se conjugue comme BROYER.) v. tr.
User des mots de Tu et de Toi en parlant à quelqu'un. Il est familier, il tutoie tout le monde. Ces deux personnes se tutoient.

Littré (1872-1877)

TUTOYER (tu-to-ié ; plusieurs disent tu-toi-ié ; l'y grec se change en i devant l'e muet : je tutoie, je tutoierai) v. a.
  • 1Dire à quelqu'un tu et toi, au lieu de vous, qui est la forme polie dans notre langue. Pour moi, j'aimerais mieux traiter un valet de vous que de tutoyer un prince, Bussy-Rabutin, dans Dict. de Trévoux, tu. Pardonnez, ma divine comtesse, Pour duper le barbon il faut vous tutoyer, Th. Corneille, Comt. d'Org. v, 6. Vous ne tutoierez plus un gendre de ma sorte, Destouches, Glor. III, 9. Le grand-prieur de Froulay m'a dit que Louis XIV n'aimait pas du tout que les faiseurs d'épîtres et de prologues, ni les auteurs de dédicaces le tutoyassent en vers pas plus qu'ils n'auraient fait en prose : Le roi François Ier ne le souffrit jamais, disait-il un soir chez Mme de Montespan, qui répondit à cela que Despréaux n'avait jamais été qu'un mal-appris, Souv. de Mme de Créquy, t. I, p. 23. Le philosophe est très familier avec le baron ; car il le tutoie, Grimm, Corresp. t. I, p. 52. Monsieur le maire est gentilhomme par sa femme née demoiselle ; voilà pourquoi il nous tutoie et rudoie nous autres paysans, Courier, Gaz. du village. Don Ricardo [au roi] : Seigneur, vous m'avez tutoyé, Me voilà grand d'Espagne [les grands d'Espagne étaient tutoyés par le roi], Hugo, Hernani, IV, 1.

    Les quakers emploient le tutoiement avec tout le monde. Penn fut obligé d'aller tutoyer Charles II et ses ministres plus d'une fois pour son payement, Voltaire, Dict. phil. Quakers.

    Absolument. En Allemagne, supprimer le monsieur et le madame serait une grossièreté pareille à tutoyer parmi nous, Saint-Simon, 70, 154. On tutoyait alors au théâtre…, Voltaire, Comm. Corn. rem. Ment. II, 3.

  • 2Se tutoyer, v. réfl. Employer entre soi les tu et les toi. Bourguignon, ne nous tutoyons plus, je t'en prie, Marivaux, Jeux de l'am. et du has. II, 9. Nous nous tutoierons, quand nous serons ivres, Diderot, Neveu de Rameau.

    Avec ellipse du pronom personnel. Jamais Molière n'a fait tutoyer les amants, Voltaire, Comm. Corn. rem. Ment. II, 3.

REMARQUE

Tutayer, prononciation normande, a été usité ; on l'entend encore quelquefois. Il tutaye, en parlant, ceux du plus haut étage, Molière, Mis. II, 5. Il a encore une autre mauvaise habitude, c'est de tutaïer tout le monde ; il tutaye jusqu'à des femmes qu'il n'a jamais vues, Dufrény, Espr. de contrad. sc. 6.

HISTORIQUE

XIVe s. Et après ce, Jehan Maras eust dit à Phelipot escuier très arrogamment : me tutoies-tu ? J'ai une preude femme espousée, Du Cange, tuisare.

XVe s. Le suppliant dit à icellui commandeur, qu'il ne faisoit pas son honneur de le tutoyer, attendu qu'il estoit marié, Du Cange, Tuisare.

XVIe s. Si je tuttioie quelque gros mi-lourd, qui me donnast un coup de poing, Bonivard, De noblesse, p. 242.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TUTOYER.
2Se tutoyer, v. réfl. Ajoutez :

Se tutoyer avec quelqu'un, établir avec quelqu'un l'habitude du tutoiement. Un jour B…, qui venait déjeuner dans son établissement pour la première fois, se tutoya tout de suite avec Marie et la traita de cousine, Gaz. des Trib. 28 nov. 1875, p. 1146, 4e col.

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Étymologie de « tutoyer »

Formé à l’aide du pronom tu, du suffixe -oyer et d’un t intercalaire.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Tu et toi ; génev. tutayer. Montaigne a dit tuoyer : Des nations où les enfants tuoyent leurs pères, I, 207. L'ancienne langue disait aussi atuteer, atuiser ; le bas-latin, tuisare, tibissare.

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Phonétique du mot « tutoyer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
tutoyer tytwaje

Fréquence d'apparition du mot « tutoyer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « tutoyer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « tutoyer »

  • Je me vante d'avoir grandi, mûri, vieilli dans la familiarité du vin ; à le tutoyer dès l'enfance, on perd l'esprit d'intempérance et de gloutonnerie ; on acquiert, on forme son goût personnel.
    Colette
  • Vous pouvez tout à fait tutoyer vos abonnés mails et vouvoyer vos lecteurs ou spectateurs de vos contenus publics. C’est ce que je fais avec mon audience ;je préfère être assez distant avec ceux qui ne me connaissent pas beaucoup et très amical avec mes abonnés afin de créer une relation bien plus intéressante, plus franche et détendue.
    ▷ Tutoyer ou vouvoyer mon audience ? Que faire ? Quels pièges éviter ?
  • Vagabonder à la surface des océans est souvent source de sérénité et, parfois, permet de tutoyer ses rêves. S'y immerger, c'est s'ouvrir à son observation et à sa compréhension.
    Nicolas Hulot — Ma planète - Mai
  • En espadrilles, on est tout juste assez civilisé pour tutoyer le globe, sans l'appréhension rétive du pied nu méfiant, sans l'excessive assurance du pied trop bien chaussé.
    Philippe Delerm — La Première Gorgée de bière
  • Tant de gens, après avoir uni leurs corps, pensent qu’ils ont uni aussi leurs âmes et se croient automatiquement autorisés, par cette trompeuse croyance, à se tutoyer.
    Milan Kundera — La Plaisanterie

Traductions du mot « tutoyer »

Langue Traduction
Anglais familiar
Espagnol familiar
Italien dare del tu
Allemand familiär
Chinois 熟悉的
Arabe مألوف
Portugais familiar
Russe знакомый
Japonais おなじみ
Basque ezagunak
Corse familiarizatu
Source : Google Translate API

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Nombre de points du mot tutoyer au scrabble : 10 points

Tutoyer

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