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Boue

Variantes Singulier Pluriel
Féminin boue boues

Définitions de « boue »

Trésor de la Langue Française informatisé

BOUE, subst. fém.

I.−
A.− Mélange de terre ou de poussière et d'eau formant une couche plus ou moins épaisse et plus ou moins sale sur le sol. Synon. littér. fange, vx. crotte, fam. gadoue :
1. Le chemin où ces messieurs s'engagèrent était affreux. Il avait plu toute la nuit. Le sol détrempé devenait un fleuve de boue, entre les maisons écroulées, sur cette route tracée en pleines terres molles, où les tombereaux de transport entraient jusqu'aux moyeux. Zola, La Curée,1872, p. 581.
HISTOIRE :
2. Leur projet était, disait-on, de s'emparer du roi, de tuer la reine de France, la reine de Sicile, le chancelier, le prévôt et beaucoup d'autres; de promener dans un tombereau de boue le duc de Berri et le roi de Sicile, la tête rasée et en méchans habits, et de les faire périr après les avoir livrés aux insultes de la populace. Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 4, 1821-24, p. 97.
FIN. ANC. Boues et lanternes. Taxe qu'on payait pour l'enlèvement des boues et l'éclairage des rues :
3. En qualité de franc-bourgeois, tu n'auras à payer ni boues, ni pauvres, ni lanternes, à quoi sont sujets les bourgeois de Paris. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 106.
P. méton., p. plaisant. Lieu rempli de boue. Il vit dans les boues des environs (Barbey d'Aurevilly, 1erMemorandum,1838, p. 73).
Expr. fig. (boue est empl. comme terme de compar.). Mettre plus bas que la boue; mépriser comme (plus que) la boue (de ses souliers) :
4. Je m'humilierai de toutes mes forces, je m'abaisserai plus bas que la boue, plus bas que les fourmis et que les vers de terre. Toi seul es haut! Je ne cherche pas à te trouver, mais à t'aimer! Flaubert, La Tentation de St Antoine,1849, p. 488.
Rem. Dans un cont. de guerre, boue est associé à sang. De la guerre, il avait surtout un souvenir de boue et de sang (R. Martin du Gard, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 830).
B.− P. ext. Mélange extrêmement sale de terre, d'eau et d'immondices :
5. Tout l'engrais humain et animal que le monde perd, rendu à la terre au lieu d'être jeté à l'eau, suffirait à nourrir le monde. Ces tas d'ordures du coin des bornes, ces tombereaux de boue cahotés la nuit dans les rues, ces affreux tonneaux de la voirie, ces fétides écoulements de fange souterraine que le pavé vous cache, savez-vous ce que c'est? C'est de la prairie en fleur, c'est de l'herbe verte, ... Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 506.
P. métaph. Toujours entre ceux que j'ai voulu posséder et moi, s'étendait ce pays fétide, ce marécage, cette boue (Mauriac, Le Désert de l'amour,1924, p. 211).
C.− Spécialement
1. Terre délayée utilisée comme matériau :
6. Toutes les maisons sont en boue. Cette boue, prise dans les jardins, délayée, puis coupée par tranches et séchée au soleil, est superposée par assises, à peu près comme de la brique, et mastiquée avec la boue liquide, en guise de mortier. Fromentin, Un Été dans le Sahara,1857, p. 143.
P. métaph. :
7. Il faut mépriser le public, le violer, le scandaliser, quand en cela, on suit sa sensation et qu'on obéit à sa nature. Le public, c'est de la boue qu'on pétrit et dont on se fait des lecteurs. E. et J. de Goncourt, Journal,1865, p. 125.
Expr. fig. (marque le mépris). [En parlant d'une pers. ou d'une chose] (Fait) de boue et de crachat. Fait de mauvais matériaux, peu solide. Ce misérable mur de boue et de crachat (Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 138).
2. Terre détrempée qui possède certaines propriétés.
a) Terre fertile que déposent certaines eaux. Synon. limon, alluvion.La boue fertilisante des crues du Nil (M. Caron, S. Hutin, Les Alchimistes,1959, p. 116).P. méton. [En parlant de l'eau même du Nil] :
8. Le Nil plus bourbeux que jamais. Chocolat clair. La dahabieh et le chaland, qui nous suivent, labourent cette boue grasse et écumeuse. Je n'ai jamais vu d'eau plus riche en fertilité, plus épaisse. Fromentin, Voyage en Égypte,1869, p. 54.
b) Terre imprégnée d'éléments minéraux et, de ce fait, douée de propriétés médicales. Boue(s) thermale(s); prendre un (des) bain(s) de boue. On attribue chez nous une force curative à la boue de Paris (Michelet, Journal,1854, p. 268).
II.− P. anal. Matière dont la consistance rappelle celle de la boue naturelle.
P. métaph. J'ai vu ton pied (...) enserrer dans l'horrible brodequin qui fait des membres d'un être vivant une boue sanglante (Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 379).
Dépôt des encriers. Des encriers plats, remplis à ras bord de boue mordorée (H. Bazin, Lève-toi et marche,1952, p. 31).
TECHN. (souvent au plur.). Dépôts de produits industriels ayant subi des traitements particuliers. Les boues de brassage du malt (E. Boullanger, Malterie, brasserie,1934, p. 307).Boues de raffinage des huiles de graissage (J.-J. Chartrou, Pétroles naturel et artificiels,1931, p. 101).Boues radio-actives. Résidus issus de centrales atomiques :
9. Les eaux employées à l'alimentation des chaudières de locomotives ne sont jamais pures, quel que soit le soin apporté à leur choix. Elles donnent naissance dans la chaudière à des boues et des dépôts tartreux qui, en s'accumulant sur les tubes et sur les parois du foyer, nuisent à la transmission de la chaleur et peuvent même donner lieu à des coups de feu lorsque la couche en est trop épaisse. M. Bailleul, Notions de matériel roulant des ch. de fer,1951, p. 49.
III.− Au fig. Chose vile et méprisable.
A.− [D'un point de vue relig.] Ce qui est matériel, terrestre, opposé à l'immatériel, le divin.
1. [En parlant de la terre] (Cf. Lamartine, Jocelyn, 1836, p. 773).
2. [En parlant de l'homme, création de Dieu] :
10. « Ce corps, en effet, Chrétiens, reprend Bossuet, n'est qu'une masse de boue... » Et voilà comment ces hommes terribles parlent de ce que Dieu a fait de plus beau. De la pourriture, une masse de boue. Michel-Ange pensait autrement. J'aime mieux Bossuet quand il nous dit que nous sommes les portraits de Dieu. Green, Journal,1950-54, p. 272.
Spéc. [D'un point de vue intellectuel] Ce qui est matériel, opposé à ce qui est spirituel :
11. C'est au nom de la majesté de l'intelligence que je relève l'excitation de l'ivresse. On l'a tenue trop bas jusqu'ici, mais tout ce qui eut un esprit dans son corps de boue, un estro, éprouva le besoin de cette secousse produite par les breuvages, plus profonde, plus dominatrice que celle produite par les parfums. Barbey d'Aurevilly, 2eMemorandum,1838, p. 244.
B.− [D'un point de vue moral]
1. [Désigne des actions viles et méprisables, des propos calomnieux] :
12. ... ce qui affolait Beauclair, c'était une violente campagne que menait le journal local... L'attaque d'ailleurs, se réduisait à un bombardement d'erreurs et de mensonges, toute la boue inepte qu'on jette au socialisme, en caricaturant ses intentions et en souillant son idéal. Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 259.
2. [Désigne un état − objectif ou subjectif − de grande déchéance, de grande bassesse] L'ambitieux se rêve au faîte du pouvoir tout en s'aplatissant dans la boue du servilisme (Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 6):
13. Il fallait lui [la France] boucher les oreilles pour que l'insistance, l'inlassable voix du général de Gaulle ne l'arrachât pas à cette boue dans laquelle Vichy la maintenait agenouillée et prostrée. Mauriac, Le Cahier noir,1943, p. 373.
Spéc. [D'un point de vue moral et relig.] Synon. péché(s), tare(s) :
14. Quand il eut confessé le dernier homme et fermé l'église, il éprouva le besoin, dans le crépuscule tiède où criaient des enfants, de marcher un peu. Il était content de lui. Il avait nettoyé l'île. Il avait débarrassé les uns et les autres de leurs saletés, de leurs boues, de leurs vases. Le calme de l'heure était à l'image de ces âmes rassérénées, à nouveau transparentes. Queffélec, Un Recteur de l'île de Sein,1944, p. 191.
3. Expressions
a) nom. De (la) boue et de/du sang (cf. Zola, L'Argent, 1891, p. 51).
b) verbales. (Se) traîner (rouler, plonger, vautrer...) dans la boue. Synon. salir (au fig.), ravaler :
15. L'homme par la honte duquel on entreprit de salir tout le sénat et de le traîner dans la boue, portait l'ignoble nom de Verrès. Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 208.
[P. ell. du part. passé du verbe] Il voyait son nom dans la boue, déshonoré (Maupassant, Contes et nouvelles, t. 1, Ce cochon de Morin, 1882, p. 847).
4. [Désigne une chose abstr. ou conçue abstraitement, explicite ou implicite] :
16. La nation est de la boue. Laissons cette boue reposer, que l'eau soit plus claire. Constant, Journaux intimes,1816, p. 401.
Goûter jusqu'à la boue les désagréments de l'adultère (cf. Zola, Le Docteur Pascal, 1893, p. 110);p. réf. à l'expr. métaph. boire le calice jusqu'à la lie*.
[En parlant d'un homme, de son comportement, de ses paroles...] ,,C'est une âme de boue, c'est une âme basse et vile`` (Ac. 1835-1932). Mille propos de miel ou de boue m'accueillaient au passage (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 123):
17. Et l'auguste Assemblée (...), qu'est-elle qu'un assemblage hideux d'hommes de boue, de prélats hypocrites et impudiques, de courtisans menteurs, ... Marat, Les Pamphets,L'Affreux Réveil, 1790, p. 244.
5. [Désigne une pers.] Ce mot (...) sur M. de Talleyrand : « C'est de la boue dans un bas de soie » (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 382).
C.− [D'un point de vue soc. : désigne un état de profonde misère, le dernier rang dans l'ordre soc.] :
18. Certes, aller chercher dans les bas-fonds de l'ordre social, là où la terre finit et où la boue commence, (...), ce vocabulaire pustuleux (...), ce n'est ni une tâche attrayante ni une tâche aisée. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 188.
Expr. Tirer qqn de la boue. ,,Le tirer d'un état bas et abject`` (Ac. 1835-1932).
PRONONC. − 1. Forme phon. : [bu]. Pour Fér. 1768 ,,ce mot est de deux syllabes, mais on fait si peu sentir l'e final, qu'on n'en entend qu'une``. Cf. aussi Gattel 1841 : ,,L'e final très muet``. Littré indique également [ə] muet. À ce sujet cf. Lab. 1881, p. 19 : ,,Nous avons déjà vu que Littré fait disparaître la prononciation de l'e muet, précédé d'une voyelle, dans plusieurs mots, tels que : raie, taie, voie, soie, dévouement. Par une contradiction qui saute aux yeux, il la laisse subsister dans d'autres mots, tels que : abbaye, vie, marée, boue, etc. C'est une erreur évidente, contre laquelle proteste l'usage général, de concert avec la logique et le bon goût``. Pour la prononc. de [ə] cf. J. Varney Pleasants, Études sur l'E muet : timbre, durée, intensité, hauteur musicale, Paris, Klincksieck, 1956. Sur cette étude, cf. aussi l'art. de G. Straka dans Rom. R., vol. XLIX, no1, February 1958, pp. 52 à 55. 2. Homon. : bout (extrémité), (je, tu) bous et (il) bout (du verbe bouillir). Enq. : /bu/.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Ca 1170 boe « terre, poussière détrempée dans les rues, les chemins » (Li quatre Livre des Reis, éd. E.R. Curtius, pp. 103-104); fin xiies. boue (Girbert de Metz, p. 453 dans Gdf. Compl.); ca 1275 fig. (Adenet, Berte, éd. A. Henry, 858); 2. 1539 « terre détrempée, limon » (Est.) d'où 1690 (Fur. : On dit proverbialement, qu'une maison n'est que de bouë & de crachat, pour dire, qu'elle n'est pas bâtie solidement); d'où 1835 (Ac. : Boues, au pluriel, se dit d'Une sorte de limon qui se trouve près de certaines eaux minérales, et qui est imprégné des matières que ces eaux charrient avec elles); 3. p. anal. id. (Ibid. : Boue se dit quelquefois Du dépôt d'encre épaisse, qui se forme au fond de l'écritoire). Du gaul. *bawa, que l'on peut déduire du gall. baw « saleté » (v. Dottin, p. 232), avec [w] qui, ayant gardé sa valeur de semi-voyelle bilabiale (prob. à cause de la coupe syllabique bau-a) s'est combiné avec le a pour donner o puis ou devant voyelle (Dauzat Ling. fr., p. 225).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 2 336. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 093, b) 3 723; xxes. : a) 4 799, b) 3 267.
BBG. − Barb. Misc. 25. 1944-52, pp. 41-42. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 225. − Dauzat (A.). Notes étymol. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 311-313. − Rog. 1965, p. 60. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 128, 279; t. 3 1972 [1930], p. 26, 254. − Termes techn. fr. Essai d'orientation de la terminol. établi par le Comité d'ét. des termes techn. fr. Paris, 1972, p. 128.

Wiktionnaire

Nom commun - français

boue \bu\ féminin

  1. Fange des rues et des chemins, formée d'un mélange plus ou moins consistant de terre, sable, matière organique et d'eau.
    • L'hiver était rude. Sur les routes que le court dégel de midi amollissait vaguement, la boue se ridait, se hérissait en lilliputiennes murailles et les sillons durcis qui bordaient les ornières ne s'affaissaient point. — (Louis Pergaud, Le retour, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Il m’est dit à chaque instant que l’un des grands soucis des autorités départementales, c'est l’entretien des routes, souvent emportées par des torrents, par les coulées de boue, par les éboulements, par des chutes de blocs. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Il avait plu toute cette semaine-là, et la vieille boue des hivers, pétrie par les sabots des vaches, des chevaux et des gens, grasse de bouse et claire comme de la pâte à gaufres s'était ramollie. — (Jean Rogissart, Mervale, Éditions Denoël, Paris, 1937, page 16)
  2. Mélange, fluide ou visqueux, d'eau et de minéraux.
    • La répartition géographique des planctons, dont la connaissance est si utile aux pêcheries, conditionne la présence des dépôts sous-marins comme ces boues à Diatomées origine du tripoli. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, p.11)
    • L'ennemi réel n'était pas le pauvre nhaqué enfoui dans la boue des rizières, le chleuh retrouvant son moukkala, le fellaga terré dans son djebel. — (ACUF/CERD, L'enjeu, Nouvelles Editions Latines, 1997, chap.4)
  3. Dépôt d’encre épaisse qui se forme au fond de l’encrier.
    • Ce n’est plus de l’encre, c’est de la boue.
    • Comment voulez-vous écrire avec cette boue ?
  4. (Au pluriel) Sorte de limon qui se trouve près de certaines eaux minérales et qui, imprégné des mêmes sels, participe aux mêmes propriétés.
    • Les médecins prescrivent les boues sous la forme de bain, pour combattre certaines affections rhumatismales, etc.
    • Prendre les boues de Saint-Amand, de Barbotan, etc.
  5. (Figuré) Chose abjecte, abjection.
    • Tirer quelqu’un de la boue, le tirer d’un état bas et abject.
    • Traîner quelqu’un dans la boue, proférer ou écrire contre lui des injures graves, des imputations diffamantes.
    • Cet homme est dans la boue, est tombé dans la boue, il est plongé dans l’abjection.
    • C’est une âme de boue, c’est une âme basse et vile.
    • Cette maison n’est faite que de boue et de crachat, elle n’est bâtie que de mauvais matériaux.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

BOUE. n. f.
Fange des rues et des chemins. Un chemin plein de boue. Des rues pleines de boue. Un tas de boue. Être tout couvert de boue. Tomber dans la boue. Faire rejaillir de la boue. La boue des rues. Enlever les boues des rues. Fig. et fam., Cette maison n'est faite que de boue et de crachat, Elle n'est bâtie que de mauvais matériaux. Fam., Ne pas faire plus de cas d'une chose que de la boue de ses souliers, Ne s'en soucier aucunement, la mépriser. Fig., Tirer quelqu'un de la boue, Le tirer d'un état bas et abject. Traîner quelqu'un dans la boue, Proférer ou écrire contre lui des injures graves, des imputations diffamantes. Cet homme est dans la boue, est tombé dans la boue, Il est plongé dans l'abjection. Fig., C'est une âme de boue, C'est une âme basse et vile. Il se dit quelquefois du Dépôt d'encre épaisse qui se forme au fond de l'encrier. Ce n'est plus de l'encre, c'est de la boue. Comment voulez-vous écrire avec cette boue?

BOUES, au pluriel, se dit d'une Sorte de limon qui se trouve près de certaines eaux minérales et qui, imprégné des mêmes sels, participe aux mêmes propriétés. Les médecins prescrivent les boues sous la forme de bain, pour combattre certaines affections rhumatismales, etc. Prendre les boues de Saint-Amand, de Barbotan, etc.

Littré (1872-1877)

BOUE (boûe) s. f.
  • 1Mélange de terre, de sable, de substance organique, plus ou moins consistant, qui recouvre le pavé des villes ou remplit les égouts, les fossés. Un tas de boue. J'ai été couvert de boue par un fiacre. Il avait des brodequins à l'antique que les boues avaient gâtés, Scarron, Rom. com. ch. 1.

    Payer les boues et lanternes, se disait autrefois de la taxe à payer pour boues et lanternes.

    Traîner dans la boue, traîner dans les rues boueuses. On avait commencé à la traîner dans la boue, Fénelon, Tél. VIII. Fig. diffamer.

    De vieilles équivoques ramassées parmi les boues des halles (empruntées au langage le plus bas et le plus grossier).

    Familièrement. Ne pas faire plus de cas d'une chose que de la boue de ses souliers, ne s'en soucier aucunement. Ils [les traitants] sont méprisés comme de la boue, pendant qu'ils sont pauvres ; quand ils sont riches, on les estime assez, Montesquieu, Lett. pers. 98.

  • 2Terre délayée. Des cahutes de boue et de paille. Toi que les éléments ont fait d'air et de boue, Ordinaire sujet où le malheur se joue, Théophile, Sat. I.

    Maison faite de boue et de crachat, peu solide.

    Fig. Bâtir sur la boue, se bercer de vaines espérances. C'est bâtir sur la boue que d'appuyer les fondements de sa fortune sur l'affection passagère d'une vile populace, Vertot, Révol. rom. XIV, p. 303.

    Poétiquement. Cet amas de boue, ce tas de boue, le globe terrestre. Atomes tourmentés sur cet amas de boue, Que la mort engloutit et dont le sort se joue, Mais atomes pensants…, Voltaire, Désastre de Lisb.

  • 3Il se dit des choses auxquelles on n'attache aucune valeur réelle. Le monde aujourd'hui ne m'étant plus que boue, Malherbe, IV, 9. Ils [ses biens] lui échappent cependant ; ce tas de boue fond à ses yeux, Massillon, Avent, Mort. du péch. C'est avoir perdu la foi, d'aimer mieux risquer son salut éternel qu'une fortune de boue, Massillon, Car. Rechutes. La vertu de la parole de la croix n'est pas attachée à celle des ministres qui l'annoncent ; la boue entre les mains du Seigneur peut éclairer les aveugles, Massillon, Car. Fausse confiance.
  • 4 Terme mystique. Le corps humain. L'auteur de notre être avait d'abord animé notre boue d'un souffle d'immortalité, Massillon, Car. Sur la mort. Il sent que cette maison de boue s'écroule ; il se sent mourir peu à peu à chacun de ses sens, Massillon, Avent, Mort du péch. Se persuadant qu'il n'est qu'une vile boue que le hasard a rassemblée, Massillon, Car. Vérité de la religion. Vous connaissez, ô mon Dieu, la fragilité de notre boue, Massillon, Car. Rechutes. Voyez s'il n'en coûta rien autrefois à Augustin ; quels efforts pour s'arracher à sa boue, pour rompre la chaîne de fer qui liait sa volonté rebelle ! Massillon, Avent, Délai de la conversion.

    Nous sommes tous sortis de la même boue, nous avons tous la même origine. Tout s'étudie, tout s'empresse à leur persuader [aux grands] qu'ils sont pétris d'une autre boue que les autres hommes, Massillon, Car. Prospérité tempor. Ô mon Dieu, souvenez-vous que vous nous avez formés d'une boue fragile, Massillon, Profession religieuse, serm. 4.

  • 5État misérable. Aujourd'hui dans le trône, et demain dans la boue, Corneille, Poly. IV, 3. Les peuples sont soulagés, les vicieux laissés dans la boue, Massillon, Petit carême, Exemples. Lorsque la fortune à sa roue Attache mille ambitieux, Les précipite dans la boue, Ou les élève jusqu'aux cieux, Béranger, Tournebr.

    Tirer quelqu'un de la boue, le tirer d'une position basse et misérable.

  • 6Bassesse, impureté. Ces âmes que le ciel ne forma que de boue, Corneille, Pomp. I, 3. Mais son sang que le ciel n'a formé que de boue, Corneille, D. San. I, 1. Dès que ce poison a gagné le cœur, on trouve des âmes de boue, Massillon, Obst. Ses efforts impuissants pour s'arracher à sa boue, Massillon, Samar. N'avez-vous pas traîné votre cœur sur la boue de mille passions ? Massillon, Disp. à la comm. Un cœur qui se traîne encore sur la boue et qui ne sait s'élever au-dessus des créatures, Massillon, ib. Tirez-moi de cette boue où je ne saurais marcher sans enfoncer tous les jours davantage, Massillon, Car. Sur les causes ordinaires de nos rechutes.
  • 7Boues minérales, limons que l'on trouve près des sources de quelques eaux minérales, et qui, imprégnés des matières contenues dans ces eaux, jouissent de propriétés analogues à celles des eaux elles-mêmes.
  • 8 Terme de géologie. Couches de boue noire, contenant beaucoup de lignite terreux et des troncs d'arbres conifères.
  • 9Boue d'émeri, potée qui se forme sous les roues ou meules des lapidaires, et qui sert à polir le marbre.
  • 10Dépôt épais qui se forme au fond d'un encrier. Cette encre n'est que de la boue.
  • 11Pus qui sort d'un abcès. On lui ouvrit l'apostume ; il en sortit beaucoup de boue.

HISTORIQUE

XIIe s. Jo's osterai [je les ôterai] si cume la puldre de la terre ; si cume la boe de la strae [de la rue] les defulerai, Rois, 209.

XIIIe s. Quant de si haute honor [je] sui cheüe en la boe, Berte, XXXIII. Ele [fortune] a une roe qui torne ; Et quant ele veut, ele met Le plus bas amont ou sommet, Et celi qui est sor la roe Reverse à un tor dans la boe, la Rose, 4000. En tai ou en bohe, Tailliar, Recueil, p. 148.

XVe s. Et quant ils sont tous eslevés et ils cuident estre au plus sur, fortune les retourne en la boue et les met plus bas que elle ne les a eus de commencement, Froissart, II, III, 49.

XVIe s. En l'ouverture d'un empyeme, il faut que la boue qui en sort…, Paré, Introd. 17. Ce mot, qui est en françois appellé boue, en latin pus, et en grec pyon, signifie un humeur putride, Paré, XI, 2. On la [une ville] disoit n'estre faite que de boue et de crachat ; de tels mots usoit on pour monstrer sa foiblesse, Brantôme, Capit. fr. t. II, p. 178, dans LACURNE.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BOUE. Ajoutez : - REM. J. J. Rousseau dit : traîner par les boues, dans les boues ; ce qui n'est pas conforme à l'usage. On fait circuler… dans Genève une lettre avec laquelle on achève de me traîner par les boues, Rousseau, Lett. à Mme de Chenonceaux, 6 février 1765. Le sexe dévot y [à Neuchâtel, où les dames s'étaient déclarées en sa faveur] traîne les ministres dans les boues, Rousseau, Lett. à d'Ivernois, 8 avril 1765.

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Étymologie de « boue »

Picard, baue et beue. L'étymologie parait être dans le celtique : kymri, baw, boue, budhyr, boueux. Le lorrain bodère, qui tient sans doute de boue, veut un radical avec une dentale. Le lombard boga, boue, est douteux. Le celtique garde la probabilité, sans tout expliquer.

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(Date à préciser)[1] Du gaulois *baua
À comparer à l'angevin beue, au picard beue, au gallois baw « crasse, saleté », budr « sale, en désordre », au vieil irlandais búaidir « sale », au breton d'Ouessant baouer « substance gluante (du varech) »). Voir bouse.
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Phonétique du mot « boue »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
boue bu

Fréquence d'apparition du mot « boue » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « boue »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « boue »

  • Je n'appelle pas cette misérable étincelle sur un petit tas de boue, une vie.
    André Suarès — Voici l'homme
  • Il* se figurait alors les hommes tels qu'ils sont en effet, des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue.
    François Marie Arouet, dit Voltaire — Zadig ou la Destinée
  • […] de toute boue faire un ciment, un marbre, un ciel, un nuage et une joie et une épave.
    Robert Desnos — Fortunes, Gallimard
  • En voulant sauter jusqu’à la lune, vous pourriez tomber dans la boue.
    Proverbe américain
  • La boue peut cacher un rubis, elle ne le tache pas.
    Proverbe français
  • C'est dans la boue qu'on trouve le plus bel or !
    Tomas Gutiérrez Alea
  • Gagner dans le commerce de la boue vaut mieux que de perdre dans celui du musc.
    Proverbe arabe
  • Plus grande la richesse, plus épaisse la boue. Voilà une tendance indiscutable de notre époque.
    John Kenneth Galbraith
  • L’or brille même dans la boue.
    Proverbe lituanien
  • La boue cache un rubis mais ne le tache pas.
    Proverbe chinois
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Traductions du mot « boue »

Langue Traduction
Anglais mud
Espagnol barro
Italien fango
Allemand schlamm
Portugais lama
Source : Google Translate API

Synonymes de « boue »

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Boue

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