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Borgne

Variantes Singulier Pluriel
Masculin et féminin borgne borgnes

Définitions de « borgne »

Trésor de la Langue Française informatisé

BORGNE1, adj. et subst. masc.

I.− [En parlant d'un animé]
A.− Qui ne voit plus que d'un œil ou n'a plus qu'un œil. Sa maîtresse, la fille borgne (Hugo, Choses vues,1885, p. 44):
1. La figure de M. Dumolard n'était pas mal, à cela près d'un œil qui était toujours fermé; il était borgne... Stendhal, Vie de Henry Brulard,t. 1, 1836, p. 210.
2. Le cristallin subit aussi les méfaits de ces inflammations successives et devient opaque. Le cheval reste borgne. Ces accès (...) frappent généralement un seul œil à la fois. Mais les deux peuvent être atteints (...). Le cheval peut donc devenir aveugle. E. Garcin, Guide vétér.,1944, p. 44.
ZOOL. Serpent borgne ou torgne. Synon. orvet*, serpent* aveugle.
Rem. 1. À l'orig. de ces dénominations se trouve la croyance pop. selon laquelle ce reptile serait aveugle. 2. Attesté dans Lar. 19e, Littré, Guérin 1892 et DG. Cf. d'autre part H. Coupin, Animaux de nos pays, 1909, p. 159.
P. métaph. :
3. La chronologie et la géographie, a-t-on dit, sont les deux yeux de l'Histoire. Si la chose est vraie, tout porte à croire qu'en dépit des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, qui ont inventé l'art de vérifier les dates, l'Histoire est pour le moins borgne. A. France, Le Petit Pierre,1918, p. 47.
B.− Emploi subst. (subst. masc. sing. ou subst. plur.). [Seulement en parlant soit d'un homme borgne, soit de 2 ou plusieurs pers. borgnes] Un borgne, des borgnes :
4. Je pense à l'empereur qui faisait crever les yeux de ses prisonniers, tu sais, et qui les renvoyait dans leur pays, en grappes, conduits par des borgnes : les conducteurs borgnes, eux aussi, de fatigue, devenaient aveugles peu à peu. Malraux, Les Conquérants,1928, p. 138.
P. métaph. :
5. S'allume le grand borgne louche [le phare], Clignant de l'œil. T. Corbière, Les Amours jaunes,1873, p. 232.
Rem. 1. On rencontre dans la docum. le subst. fém. borgnesse, pop., péj., pour désigner une femme borgne [cf. Sue, Les Mystères de Paris, t. 1, 1842-43, p. 48 : ,,... j'étais avec une vieille borgnesse (...). La borgnesse (...) me faisait vendre le soir du sucre d'orge`` et L. Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 340 : ,,... endormi sur les pendilles d'une borgnesse tzigane ...``]. 2. Pour Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e, Borgnesse peut également s'employer comme adj. Pour Ac. 1798-1878, le mot (absent dans Ac. 1932) n'est que subst. 3. Selon Pt Lar. 1906, Rob. et Quillet 1965, on pourrait dire une borgne; cf. le syntagme fille borgne (Hugo, supra) qui correspond, semble-t-il, à l'usage réel.
C.− Loc. fig. et proverbiales (gén. péj.).
Emploi adj.
Jaser, bavarder, causer, jacasser comme une pie borgne. Parler beaucoup :
6. − (...) Est-ce que Guillaume s'est jamais avisé de me cacher quelque chose, de rester des trois jours sans me dire ouf, et de babiller ensuite comme une pie borgne? Balzac, La Maison du chat-qui-pelote,1830, p. 58.
Rem. Selon Nouv. Lar. ill., Lar. 20eet DG, ce proverbe s'expliquerait par la croyance pop. que les oiseaux privés de la vue chantent plus et mieux que les autres.
Changer (ou troquer) son (ou un) cheval borgne contre (ou pour) un aveugle. Changer, par suite d'une erreur d'appréciation, quelque chose qui présente des inconvénients pour quelque chose qui en présente davantage encore; empirer sa situation (cf. aveugle) :
7. Cette perspective m'amusa tout juste, car si j'allais changer mon cheval borgne contre un aveugle et avoir une loque, une chiffe, en place d'un poteau? Verlaine, Correspondance,Lettre à Léon Vanier, t. 2, p. 99.
Emploi subst.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Parmi des personnes qui leur sont encore inférieures, les personnes de peu de capacités passent pour supérieures (cf. aveugle) :
8. Transportée à Paris, une femme qui passe pour jolie en province n'obtient pas la moindre attention, car elle n'est belle que par l'application du proverbe : dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 172.
II.− Au fig. ou p. anal.
A.− Au fig. [En corrélation avec « qui ne voit plus que d'un œil » (supra I A) et p. réf. à l'œil* chargé figurément de symboliser ce qui éclaire, ce qui est source de lumière]
1. [En parlant d'un lieu de passage, le plus souvent voie ou lieu publics (rue, hôtel, café, cabaret...) ou d'un bâtiment privé visible de la voie publique] Péj. Qui est mal éclairé, obscur; où l'on voit mal. Une ruelle borgne, peu sûre, pas éclairée et pas pavée (Barbusse, Le Feu,1916, p. 219).
P. ext., péj. [En parlant d'une maison d'habitation ou d'un établissement public]
a) Qui est mal tenu, d'aspect douteux, sordide. Ces plâtras, ces grands murs gris, ces sales maisons, ces cafés borgnes (E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 124).(...) dans un théâtre borgne ou dans un tripot élégant (P. Bourget, Physiol. de l'amour mod.,1890, p. 101):
9. Au hasard des terrains, les petites maisons borgnes avaient ainsi poussé (...) nids à vermines et à épidémies, et quelle tristesse, à cette heure de nuit (...) que cette cité maudite du travail, obscure, étranglée, immonde... Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 61.
b) Qui est fréquenté par des individus suspects, douteux; qui est louche. Café borgne :
10. − (...) je vous surprends, à dix heures du soir, dans une maison borgne où vous avez fait attirer une jeune fille honnête et pure jusqu'ici... et vous livrant... Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 218.
11. Tous ceux, les inconnus, les peu payés, les mal nourris, qui les soutient, qui les traîne de ville en ville, et d'hôtel louche en hôtel borgne? Colette, Belles saisons,1954, p. 44.
Rem. Dans certains emplois, il est difficile d'établir de quelle accept. il s'agit, les notions d'obscurité, de saleté, de caractère suspect se rencontrant étroitement mêlées. Rue au Beurre, au fond d'un cabaret borgne, où clignotait une chandelle, elle [Henriette] n'aperçut que deux turcos ivres, avec une fille (Zola, La Débâcle, 1892, p. 254).
Vieilli
a) [En parlant d'un écrit] D'une rédaction très médiocre et de mauvais goût. Un chef-d'œuvre borgne et d'un goût détestable, orné d'un titre abject : les Bibelots du Diable!! (A. Marteau, Satires,1861, p. 22).
Conte borgne. ,,Conte ridicule, invraisemblable, et auquel on ne croit pas`` (Ac. 1835).
b) Compte borgne. Compte peu clair, erroné, suspect.
BÂTIMENT
Fenêtre borgne. Fenêtre laissant passer la lumière du jour mais au travers de laquelle on ne voit pas (cf. aveugle I B 2 a).
P. ext. Fenêtre aux carreaux cassés qui est en partie bouchée ou totalement aveuglée par un matériau autre que le verre. Des cahutes recouvertes de papier goudronné (...) aux fenêtres borgnes aveuglées de quelque plaque de tôle ternie (P. Vialar, La Mort est un commencement, Le Clos des Trois Maisons, 1946, p. 30).
Façade, muraille borgne. Façade, muraille qui ne comporte aucune ouverture :
12. Au plus près de la jetée (...), louche une espèce de maison poussiéreuse, miteuse, calamiteuse, avec très peu de fenêtres sous beaucoup de toit; et ce qui lui donne l'air encore bien plus suranné, ridicule et raffalé, c'est que sur sa muraille borgne on lit en grosses lettres noires : Fanfare des Boers : siège social. Mille, Barnavaux et quelques femmes,1908, p. 47.
2. Partic., péj.
a) [P. réf. à l'emploi fig. de aveugle (cf. aveugle I A 2 a) et p. oppos. à lucide « qui voit clair »] :
13. ... les sculpteurs, gens partiaux et borgnes plus qu'il n'est permis, et dont le jugement vaut tout au plus la moitié d'un jugement d'architecte. Baudelaire, Salon,1846, p. 120.
14. ... un état somptuaire qui aurait éclairé, sur la nature récente de nos relations, les tribunaux les plus borgnes... Toulet, Mon amie Nane,1905, p. 37.
15. ... la femme étant d'achalandage et appeau fertile en gibier, et le mari (...) borgne quand il convenait aux affaires, tous deux, en couple ils ont gagné gros. A. Arnoux, Rhône, mon fleuve,1944, p. 191.
[S'accompagne volontiers, p. assoc., de la réf. à une autre infirmité (cf. infra ex. 20)] P. métaph. :
16. Lecture du merveilleux poème de ce triple bourgeois de Thiers, dont la sagesse borgne et piedbote ne parvient pas à détruire la magnificence de Napoléon. Bloy, Journal,1902, p. 115.
b) [P. oppos. à éclatant, lumineux, radieux... dans leur emploi fig.] :
17. Fini du rire même atroce d'un cheval De picador en haut d'un col de cygne rire Borgne au soleil nouveau de ce médiéval Cheval sous des tapis pavoisant son martyre. Cocteau, Clair-obscur,1954, p. 141.
c) [P. oppos. à brillant, au fig.] Vous étiez fécond en aperçus borgnes et en raisonnements boiteux (L. Veuillot, Les Odeurs de Paris,1866, p. 49).
B.− P. anal. de nombre et/ou de forme. [En corrélation avec « qui n'a plus qu'un œil » (supra I A)].
1. [En parlant d'une chose qui présente un seul orifice (d'une forme rappelant celle de l'œil) alors qu'on en attendrait deux]
ANAT. Trou borgne. Canal n'ayant qu'un orifice. Le serpent à sonnettes a, au dessous et en arrière de chaque narine, un trou borgne assez profond (Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 2, 1805, p. 669).
Trou borgne du frontal. ,,Orifice de la face endocrânienne du frontal situé sur la ligne médiane immédiatement au-dessus de l'échancrure ethmoïdale, à l'extrémité inférieure de la crête frontale. Il s'ouvre dans un petit canal en cul-de-sac où s'insinue inconstamment une veinule émissaire fronto-ethmoïdale`` (Méd. Biol. t. 3 1972, s.v. trou). Cf. aveugle I B 2 b.
Trou borgne de la langue. ,,Dépression profonde située au sommet du V lingual`` (Méd. Biol. t. 2 1971, s.v. foramen caecum).
Trou borgne de Vicq d'Azyr. ,,Petite fossette triangulaire qui marque l'extrémité supérieure du sillon médian antérieur du bulbe, au contact de la protubérance et entre les deux pyramides`` (Méd. Biol. t. 2 1971, , s.v. foramen caecum inférieur).
TECHNOL. Trou borgne. Trou qui ne traverse pas une pièce de part en part, trou à un seul orifice. Écrou, rivet à trou borgne. P. méton. Écrou, rivet borgne (cf. P. Gorgeu, Machines-outils, 1928, p. 47 et 49; A. Herdner, Constr. et conduite des locomotives à vapeur, p. 286).
2. Particulièrement
a) Emploi subst. masc. [P. réf. au caractère unique de l'œil du borgne] Arg. Le borgne. Le derrière. [Dans un jeu de cartes] L'as (cf. Zola, L'Assommoir, 1877, p. 627).
b) [L'anal. de forme subsiste, l'anal. de nombre se modifie; p. réf. aux yeux* du bouillon gras] Potage borgne. Potage maigre, avec peu d'yeux de graisse (cf. aveugle I A 1 b). La jeune femme trempa ses lèvres dans le potage borgne (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 3, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 158).
3. P. ext. [L'anal. de forme disparaît, de l'anal. de nombre il subsiste seulement la notion de quelque chose d'incomplet]
a) [En parlant d'une chose qui comporte un seul élément alors qu'on en attendrait deux] MAR. Ancre borgne. ,,Ancre à une seule patte, employée surtout pour les corps morts dans les rades fréquentées pour éviter que les chaînes des navires ne crochent dans la patte supérieure de l'ancre. Souvent cette patte est remplacée par une boucle sur laquelle on frappe l'orin`` (Soé-Dup. 1906).
Rem. 1. Attesté dans la plupart des dict. 2. V. également infra b.
b) Qui est tronqué d'une de ses parties, qui est incomplet.
MAR. Ancre borgne. ,,Nom qu'on donne encore à une ancre mouillée sans avoir de bouée`` (Will. 1831).
En partic. [P. réf. à œil, chargé figurément de désigner la partie centrale, vitale, terminale, de qqc.] Qui est tronqué de sa partie centrale, vitale, terminale.
ANAT. Sein (fam. téton) borgne. Sein (téton) dépourvu de mamelon :
18. « Il faut, se dit-il [Jean-Jacques Rousseau], que quelque défaut secret que j'ignore détruise l'effet de ses charmes et la rende odieuse à ceux qui devraient se la disputer. » Il chercha ce défaut, et voilà, la Zulietta avait un téton borgne. Il le vit, et en un instant l'idée lui vint qu'il tenait entre ses bras « une espèce de monstre, le rebut de la nature, des hommes et de l'amour. » Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 205.
HORTIC. Plante borgne. Jeune plante dépourvue de bourgeon (ou œil*) central, terminal. Chou borgne. Chou dépourvu de bourgeon terminal et qui ne pommera pas (cf. A. Gressent, Traité complet de la création des parcs et jardins, 1891, p. 1025).
P. métaph. [P. réf. au caractère « incomplet », à l'infirmité d'une pers. borgne] :
19. Par moments, lorsque je songe à l'importance de ce que j'ai à dire (...), je me dis que je suis fou de tarder et de temporiser ainsi. Je mourrais à présent que je ne laisserais de moi qu'une figure borgne, ou sans yeux. Gide, Journal,1914, p. 420.
Emploi subst. :
20. Quelques charlatans comme Walter Scott (...) s'étant alors montrés, ceux qui n'avaient que de l'esprit, que du savoir, que du style ou que du sentiment, ces éclopés, ces acéphales, ces manchots, ces borgnes littéraires se sont mis à crier que tout était perdu... Balzac, La Muse du département,1844, p. 157.
Rem. gén. Cet adj. s'emploie postposé. Son antéposition est exceptionnelle. Dans l'ex. suiv. elle est commandée par des raisons d'euphonie :
21. Les astronomes ont fait un ballon, et s'élèvent au-dessus de lui [Pantagruel], munis de compas et d'encre de Chine; les ingénieurs, qui ont employé à peine trois heures à suer d'ahan pour se guinder jusqu'à sa jarretière, pédamment accroupis sur son genou, braquent impitoyablement leur borgne observatoire. Chacun de ses cheveux est attaché à un poteau par des ouvriers qui fourmillent. Musset, Le Temps,1831, p. 78.
PRONONC. : [bɔ ʀ ɳ].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1165-70 « qui louche [des 2 yeux] » (B. de Ste Maure, Troie, 5331 dans T.-L.); ca 1180 « qui ne voit que d'un œil » (M. de France, Fables, 47, 16, ibid.); 1579 (H. Est., Précell., 180 dans Littré); 2. 1573 « sombre » (Larivey, Nuicts, VIII, iii dans Gdf. Compl.); d'où 1680 cabaret borgne (Rich.). Orig. obsc.; peut-être issu, à travers un dér. *bornius « à qui l'on a crevé les yeux » d'un type prélatin *borna « trou, cavité » se rattachant au rad. i.-e. *bher- « façonner avec un instrument tranchant, couper, fendre » dont sont aussi dér. le lat. forare « percer », l'a. isl. bora « trou » et le lituanien burnà « bouche », IEW t. 1, p. 133; la notion de cécité (« aveugle » étant d'apr. W. v. Wartburg dans R. Dialectologie rom., t. 3, nos1-2, 1911, pp. 416-419 le sens primitif de borgne) serait dér. de celle de « cavité ». À *borna se rattachent d'apr. P. Lebel, Principes d'hydronymie, Paris, 1956, § 565 et A. Dauzat, Études de ling. fr., Paris, 1946, pp. 222-225, les nombreux hydronymes du type [La] Borne dont l'aire s'étend du Massif Central au bassin moyen du Rhône.
DÉR.
Borgn(i)at,(Borgnat, Borgniat) subst. masc.,ornith. Synon. vulg. de roitelet et bécassine sourde.(Attesté sous l'une de ces graph. ou sous les 2 dans Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Lar. encyclop., Littré, Guérin et Quillet 1965. Selon Nouv. Lar. ill., le terme serait usité dans les campagnes). Seules transcr. dans Littré de borgnat : bor-gna, et de borgniat : bor-gnia. L'ensemble des dict. note, s.v. borgnat le nom vulg. du roitelet, s.v. borgniat, le nom vulg. de la bécassine. 1reattest. 1838 (Ac. Compl. 1842); dér. de borgne, suff. -at*.
BBG. − Alessio (G.). Saggio di etimologie francesi. R. Ling. rom. 1950, t. 17, pp. 164-165. − Darm. Vie 1932, p. 105. − Dauzat (A.). Notes étymol. Fr. mod. 1943, t. 11, pp. 31-33. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 222. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 200. − Nigra (C.). Metatesi. Z. rom. Philol. 1904, t. 28, p. 9. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], passim.

BORGNE2, subst. fém.,BORGN(I)ON, BORGNIO(T),(BORGNON, BORGNION, BORGNIO, BORGNIOT) subst. masc.

Arg. Nuit :
Quand j'étais môme, ça m'est arrivé quelquefois de passer le borgnion dans la neige, vu que j'étais de la zone. Ça fait peut-être des hommes... mais aussi des tubards. Le Breton, 1960.
SYNT. Passer le borgnon (qq. part) (à faire qqc.); ne pas dormir du borgnon. Refiler le borgnon. Passer la nuit sans gîte (Esn. 1966). (Aller) à borgnon. (Aller) à l'aveuglette (cf. É. Molard, Le Mauvais lang. corrig. 1810, p. 49; J.-F. Rolland, Dict. du mauvais lang., 1813, p. 24 et Esn. 1966, s.v. borgne).
Orth. − Lar. 19eenregistre la forme borgnon : ,,Pop. s'emploie à Lyon dans l'expression aller à borgnon, pour aller à l'aveuglette``. Attest. des différentes graph. : borgne (Esn. 1966 [fém.] et Ch.-L. Carabelli, [Lang. de la pègre]), borgnon (Nouguier, Notes manuscrites sur feuillets interfoliés au Dict. de Delesalle, 1900, p. 42 et 50; J. Lacassagne, L'Arg. du « milieu », 1928, p. 9, 12, 23, 27, 46, 110 et 193; E. Chautard, La Vie étrange de l'arg., 1931, p. 20; A.-L. Dussort, Des Preuves d'une existence, ms. dép. par G. Esnault en 1958, p. 1927, p. 92 et Journal, ms. dép. par G. Esnault en 1953, 1929-1934, p. 2, 3, 11, 13 et 14; A. Le Breton, Razzia sur la Chnouf, 1954, p. 233; Esn. 1966; Ch.-L. Carabelli, [Lang. de la pègre]), borgnion (Le Breton 1960), borgnio (A. Le Breton, Du Rififi chez les hommes, 1953, p. 16, 64, 153 et 238 et Razzia sur la Chnouf, 1954, p. 64), borgniot (Esn. 1966).
ÉTYMOL. ET HIST. I.− 1. Borgnon 1715-23 adj. « borgne » (Adam, Etude sur le vocab. du chansonnier historique d'apr. FEW t. 1, s.v. brunna, p. 569b); 2. 1810 subst. aller à borgnon « aller à l'aveuglette » (Molard, Mauvais lang. corrigé, supra); d'où 3. 1900 subst. masc. borgnon « la nuit » (Nouguier, Notes, supra). II.− Borgne 1925 subst. fém. « la nuit » (d'apr. Esn.). II.− 1. 1890 borgnot « borgne » (Richepin, Le Cadet, p. 48); 2. borgnio 1953 subst. masc. « la nuit » (A. Le Breton, Du Rififi chez les hommes, p. 238). Dér. de borgne1pris pour I 1 et III 1 au sens de « qui ne voit que d'un œil », pour I 2, 3 et II, III 2 au sens primitif de « aveugle » (voir W. von Wartburg dans R. de dialectol. rom., t. 3, 1911, pp. 416-419); I 1 avec suff. dimin. -on*, le genre masc. de ce suff. ayant entraîné celui du subst. I 3; III suff. -ot* d'où graph. arg. borgnio.
STAT. − Borgne1 et 2. Fréq. abs. littér. : 268. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 403, b) 754; xxes. : a) 325, b) 195.

Wiktionnaire

Nom commun - français

borgne \bɔʁɲ\ masculin et féminin identiques

  1. (Médecine) Personne qui ne voit que d’un œil, à qui il manque un œil.
    • Elle a épousé un borgne.
    • C’est un méchant borgne.
    • C’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne ! Quasimodo le bancal ! — (Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831)

Adjectif - français

borgne \bɔʁɲ\ masculin et féminin identiques

  1. (Médecine) Qui ne voit que d’un œil, à qui il manque un œil.
    • Une tête d’aristocrate, fine et pâle, des cheveux noirs comme des quilles, et rien qu’un œil, l’autre est mort d’un coup d’épée, voilà longtemps. Mais celui qui reste est si brillant, si vivant, si interrogeant, qu’on ne peut pas dire que le marquis est borgne. Il a deux yeux dans le même œil, voilà tout. — (Alphonse Daudet, Le petit Chose, 1868, rééd. Le Livre de Poche, page 133)
    • D'abord, Yasmina pleura, parce que Mohammed était borgne et très laid et parce que c'était si subit et si imprévu, ce mariage. — (Isabelle Eberhardt, Yasmina, 1902)
    • Les roulottes se traînent au flanc droit de la chaussée, ras à l’accotement, pour que le cheval, qui est borgne à gauche, se croie dans une prairie et avance par plaisir. — (Jean Giraudoux, Provinciales, Grasset, 1922, réédition Le Livre de Poche, page 100)
  2. (Par extension) (Jardinage) Légume, généralement un chou, dont le bourgeon, figurant un œil, a disparu.
    • Lors d’une attaque de cécidomyie, le bourgeon terminal est détruit, d’ou le nom de chou borgne. — (Jean-Paul Thorez et Christian Boué, Le Guide Terre vivante du potager bio, Terre vivante, 2013, ISBN 978-2-360-98089-5)
  3. (Marine) Qualifie une ancre qui n’a qu’une patte qui est mouillée sans avoir de bouée.
  4. (Architecture) Qualifie une fenêtre disposée de façon qu’elle éclaire le dedans d’une pièce sans permettre de voir au-dehors → voir aveugle.
    • Tout à l'heure, en traversant une petite ville, à je ne sais quelle fenêtre borgne, dans une rue triste et terne, j'ai vu un corsage de velours noir se pencher à demi. — (Hippolyte Taine, Voyage en Italie, vol.2, 1866)
  5. Qualifie une maison, un appartement sombre et obscur.
    • Une ruelle borgne, peu sûre, pas éclairée et pas pavée. — (Barbusse, Le Feu, 1916)
  6. (Péjoratif) Qualifie un établissement qui est mal famé ou de mauvaise apparence.
    • Peu à peu, il agrandit son établissement, lui adjoignit un hôtel borgne où de savantes « passes » lui assurèrent de larges profits. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930)
  7. Qualifie un compte qui n’est pas juste.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

BORGNE. adj. des deux genres
. Qui ne voit que d'un œil, à qui il manque un œil. Cet homme est borgne. Cette femme est borgne. Son cheval est devenu borgne. Il s'emploie aussi comme nom, en parlant des Personnes. Elle a épousé un borgne. C'est un méchant borgne. Fig. et fam., Au royaume des aveugles les borgnes sont rois. Voyez AVEUGLE. Fig. et fam., Changer, troquer son cheval borgne contre un aveugle. Voyez AVEUGLE. Prov. et fig., Jaser comme une pie borgne, Parler beaucoup, babiller. Par analogie, il se dit de Ce qui semble n'être pas ce qu'il devrait être, au sens physique et moral. En termes de Marine, Ancre borgne, Ancre qui n'a qu'une patte qui est mouillée sans avoir de bouée. Fenêtre borgne, Fenêtre disposée de façon qu'elle éclaire le dedans d'une pièce sans permettre de voir au-dehors. Une maison borgne, un appartement borgne, Une maison, un appartement sombre et obscur. Par extension, Maison borgne, Maison mal famée. Cabaret borgne, Petit cabaret mal fréquenté ou de mauvaise apparence. Compte borgne, Qui n'est pas juste.

Littré (1872-1877)

BORGNE (bor-gn') adj.
  • 1À qui il manque un œil, détruit ou devenu incapable de voir. Homme, femme, cheval borgne. Où toujours le héros passe pour sans pareil, Et, fût-il louche ou borgne, est réputé soleil, Boileau, Ép. IX.

    Fig. Changer son cheval borgne contre un aveugle, changer une position médiocre pour une pire.

    Jaser comme un pie borgne, babiller, parler sans cesse.

  • 2 Fig. Chétif, sans apparence. La maréchale d'Humières se retira dans une maison borgne, au dehors des Carmélites du faubourg Saint-Jacques, Saint-Simon, 23, 14.

    Un cabaret borgne, cabaret mal famé ou de mauvaise apparence.

    Un compte borgne, compte dont les articles ne sont pas clairs.

    Un conte borgne, un conte ridicule, sans vraisemblance.

    Chou borgne, chou privé de bourgeon terminal, ce qui l'empêche de pommer.

    Téton borgne, téton qui n'a pas de mamelon. Je m'aperçus qu'elle avait un téton borgne, Rousseau, Confess. 2e part. liv. VII, 1743-1744.

    Terme militaire. Grenade borgne ou aveugle, celle qui s'allume en tombant.

    Fenêtre borgne se disait, dans l'ancienne jurisprudence, d'une fenêtre qui donnait du jour, sans donner aucune vue.

    Terme de marine. Ancre borgne, ancre qui n'a qu'une patte ou qui est mouillée sans bouée.

    Terme de chirurgie. Fistule borgne, fistule qui n'a qu'une ouverture au dehors sans en avoir dans l'intérieur.

  • 3Substantivement, personne borgne. Un vilain borgne.

    Nom vulgaire de l'orvet, reptile saurien apode qui passe à tort pour venimeux.

    Nom vulgaire de la mésange charbonnière.

    PROVERBE

    Au royaume des aveugles les borgnes sont rois, c'est-à-dire parmi les incapables les gens médiocres ne laissent pas de briller.

HISTORIQUE

XIIe s. Si me disoient par reproche : borgne, borgne…, Liber psalm. p. 184.

XIIIe s. Un hume borgne unt encontré, Qui le dextre oill avoit perdu, Marie de France, Fable 71.

XIVe s. Mais ce qui plus va mon mal empirant, C'est ce que bien à mon borgne œil parçoy, Qu'à court de roy chascuns y est pour soy, Machaut, p. 90.

XVIe s. Entre les capitaines anciens, les plus belliqueux, et qui ont fait de plus grandes choses par astuce et ruze de guerre inventée de bon esprit, ont esté borgnes comme Philippus, Antigonus, Hannibal et Sertorius, Amyot, Sertor. 1. Une borgne aime un garçon qui en rien De bonne grace et de beauté ne cede, Tant il est beau, au troyen Ganimède, Baif, dans MÉNAGE. Borgne est roy entre aveugles, H. Estienne, Précell. 180.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BORGNE. - HIST. XIIe s. Ajoutez : D'andous les ielz boirnes esteit, Mes point ne li mesaveneit, Benoit de Sainte-Maure, Roman de Troie, V. 5311.

XIIIe s. Il est moult pale et louche et borgne des deus ieuz, Miracles st. Loys, p. 145.

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Étymologie de « borgne »

Bourguig. bane ; wallon, boigne ; catal. borni ; ital. bornio ; limousin, borli. Diez remarque que le sens propre de ce mot est celui de louche, comme on le voit dans le génevois bornicle, celui qui est louche, dans le Jura bournicler, loucher ; ce qui le rapproche de l'espagnol bornear, courber, tordre. L'origine est inconnue ; il se pourrait qu'elle fût celtique ; du moins il y a en bas-breton born, borgne ; mais ce mot, ne se trouvant pas dans les autres langues celtiques, est suspect d'avoir été emprunté au français, au lieu de lui avoir donné naissance.

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Origine incertaine, peut-être dérivé d'un pré-latin borna (« trou, cavité ») → voir Borne se rattachant à l’indo-européen commun *bher- (« trancher, couper, fendre ») dont est aussi issu le latin forare (« percer »).
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Phonétique du mot « borgne »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
borgne bɔrɲ

Fréquence d'apparition du mot « borgne » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « borgne »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « borgne »

  • Au royaume des aveugles le borgne est roi.
    Proverbe grec antique
  • Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil.
    Joseph Joubert — Pensées
  • Le borgne n'a qu'un oeil, mais il pleure quand même.
    Proverbe bantou
  • Ne tombez jamais amoureux d’une femme borgne, vous finiriez par loucher.
    Pierre Doris
  • Au pays des aveugles, les borgnes sont rois.
    Proverbe français
  • Proverbe borgne : Il faut être deux pour loucher.
    Roland Dubillard — Les diablogues
  • Ce n’est pas en rassemblant un borgne et un paralytique qu’on fait un champion de cross.
    Charles Pasqua
  • Un borgne, c'est un infirme qui n'a droit qu'à un demi-chien.
    Jules Renard — Journal
  • Un cambrioleur borgne fut reconnu et capturé peu de temps après avoir attaqué une banque, pour une simple raison : il avait oublié de faire un deuxième trou dans son masque.
    André Gaspard — Le dictionnaire du formidable
  • Il ne faut pas se faire borgne pour rendre un autre aveugle.
    Miguel de Cervantès — Les Nouvelles Exemplaires
Voir toutes les citations du mot « borgne » →

Traductions du mot « borgne »

Langue Traduction
Anglais blind
Espagnol tuerto
Italien orbo
Allemand einäugig
Portugais zarolho
Source : Google Translate API

Synonymes de « borgne »

Source : synonymes de borgne sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « borgne »

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Nombre de points du mot borgne au scrabble : 9 points

Borgne

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