La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « valoir »

Valoir

Définitions de « valoir »

Trésor de la Langue Française informatisé

VALOIR, verbe

I. − Empl. intrans.
A. −
1. Être estimé un certain prix, correspondre à une certaine valeur. Synon. coûter.Valoir beaucoup, cher, peu, plus ou moins; valoir cent francs; combien ça vaut; (c'est) trop cher pour ce que ça vaut; c'est tout ce que cela/ça vaut; c'est plus que cela ne vaut. J'avais grand'soif, et surtout de vin blanc, bien amer, celui qui réveille un peu. J'veux bien payer...Y en a plus que du très bon. Y vaut cinq francs la bouteille... consentit alors la mère.C'est bien! Et j'ai sorti mes cinq francs de ma poche, une grosse pièce (Céline, Voyage, 1932, p. 50):
1. Vous dites qu'une chose pèse tant, eh? Tant de livres; et que vous avez tant (...) de gallons de pétrole; Et combien tout cela vaut de dollars. Car comme tout A Un poids et une mesure, tout vaut Tant. Toute chose qui peut être possédée et cédée à un autre prix. Tant de dollars. Claudel, Échange, 1954, I, p. 748.
Loc. Valoir de l'or. V. ce mot I C 1.Valoir son pesant d'or. V. pesant III A.Savoir ce qu'en vaut l'aune. V. ce mot D.Valoir la peau des fesses. V. fesse A 2 a β.
En partic. Avoir un rapport d'égalité ou d'équivalence avec autre chose selon l'estimation qui en est faite. Pour l'entretien, un yacht vaut un château (Dict. xxes.).
2. Fam. [Le suj. désigne une pers.] Avoir une fortune, des revenus, un salaire estimé à une certaine somme. Synon. peser.Je croyais valoir mille francs, dit-il sèchement.Tu vaux cent mille francs, reprit Vauvinet, quelquefois même tu es impayable... mais je suis à sec (Balzac, Comédiens, 1846, p. 332).Wolff qui « valait 10 millions », expression horrible, mais courante, a disparu au cours d'une promenade en montagne (Green, Journal, 1943, p. 36).
3. Rapporter un certain revenu. Exploitation agricole qui vaut tant par an. Monsieur le président était âgé de trente-trois ans, possédait le domaine de Bonfons Boni Fontis, valant sept mille livres de rente (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 21).
[Constr. avec faire] Faire valoir ses capitaux, un domaine, une forêt. Il y avait cent moyens fort commodes, même pour une dame, de faire valoir son argent (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 156).Chazal n'aimait que la campagne; issu de gros propriétaires, il se destinait à faire valoir les biens de sa famille (A. France, Vie fleur, 1922, p. 397).
B. −
1. Correspondre à une qualité, une utilité, une vérité; être estimé comme ayant une qualité, une utilité, un mérite. Une partie de la prudence est de croire que les gens ne valent pas toujours ce qu'on les prise (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 191):
2. Une chose ne vaut que par l'importance qu'on lui donne. Prendre son parti d'une chose, c'est en détacher une à une toutes ses pensées, de sorte qu'enfin elle ait lieu sans plus rien agiter dans notre âme. Gide, Journal, 1892, p. 32.
Ça vaut ce que ça vaut. Paraître devant la postérité avec une œuvre qui vaut ce qu'elle vaut, mais qui est (Barrès, Cahiers, t. 11, 1915, p. 142).
2.
a) [Le suj. désigne une pers.] Faire preuve de certaines qualités intellectuelles, morales ou physiques. Ne pas valoir cher, grand-chose. Mon bon vieux, tu vaux mille fois mieux que moi, et tu sais infiniment plus de choses (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1544).Je sais si mal m'exprimer que je déçois aussitôt que j'ouvre la bouche. Tout ce qui me tient à cœur et m'importe reste loin en deçà de mes lèvres, comme hors d'atteinte, et je ne sors que des banalités, que des fadaises. Je ne vaux que devant le papier blanc (Gide, Journal, 1943, p. 182).
Loc. Il ne vaut pas la corde pour le pendre. V. corde II A.
b) [Le suj. désigne une chose] Avoir de l'intérêt, de l'utilité, de la valeur. Une œuvre d'art vaut par elle-même et non par les confrontations qu'on en peut faire avec la réalité (Jacob, Cornet dés, Préf., 1916, p. 17).Dix ans de l'amour de cette femme valent autrement qu'un siècle de la liberté de ces hommes (Camus, État de siège, 1948, 3epart., p. 289).
En partic. [Le suj. désigne un raisonnement, une argumentation] Être applicable, efficace, valable. Argument qui ne vaut pas grand-chose, qui ne vaut rien; ce raisonnement ne vaut pas. Aucun argument ne vaut pour détruire l'empire de dix années de rêveries agréables (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 439).La religion, c'est savoir et aimer la vérité des choses. Une proposition ne vaut qu'en tant qu'elle est comprise et sentie. Que signifie cette formule scellée, en langue inconnue, cet a + b théologique, que vous présentez à l'humanité en lui disant: « Ceci gardera ton âme pour la vie éternelle: mange et tu seras guéri » (Renan, Avenir sc., 1890, p. 474).
DR. Avoir une validité. (Dict. xixeet xxes.).
Loc. Donner et retenir ne vaut. V. donner I A 1 a.Valoir ce que de raison. V. raison I B 2.
DR. COMM. À valoir sur. En constituant une somme dont le montant, la valeur est à déduire d'un prix donné. Verser un acompte, une avance à valoir sur; somme à valoir sur une créance. (Dict. xxes.).
3. Loc., pop. ou fam. Valoir le jus. V. ce mot B 3 b.Valoir l'os. V. ce mot D 2.Ça ne vaut pas un pet de lapin. V. pet A.Ne pas valoir un clou. V. ce mot B 5 b.Ne pas valoir chipette. V. ce mot B.Ne pas valoir tripette. V. ce mot B 1.
a) Tout ça ne vaut pas. Cela vaut moins que. L' mieux c'est de s'en foute!D'autant que tout ça vaut point l'amour (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 8).
b) Ne rien valoir
[Le suj. désigne une chose] Être inutile, néfaste, nuisible, médiocre. Ce pauvre M. Parent file un mauvais coton, ça ne vaut rien de ne jamais quitter Paris (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 616).À son âge, des amitiés de fillette, ça ne vaut rien (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 69).
[Le suj. désigne une pers.] Être incapable, dangereux, nuisible. Le pauvre continua de penser: « Il n'y a personne qui prenne garde à moi, excepté monsieur Michel, qui m'embauche le plus qu'il peut; et encore, c'est un noble, et ils disent que les nobles ne valent rien » (R. Bazin, Blé, 1907, p. 42).Clouard se montrait fort perspicace en intitulant un article: Gide ou la peur d'avoir raison. (...) ce qui fait qu'en politique je ne vaux rien: je comprends trop bien l'adversaire (du moins aussi longtemps qu'il reste sincère et ne cherche pas à m'en imposer) (Gide, Journal, 1946, p. 297).
Rien qui vaille. Rien de bon. Je suis dans un état déplorable, mes clous reprennent de plus belle, je me suis encore purgé aujourd'hui et je ne fais rien qui vaille (Flaub., Corresp., 1863, p. 323).
Ne dire rien qui vaille à qqn. Le pays touffu au ras de l'eau, là-bas, sorte de dessous de bras écrasé ne me disait rien qui vaille (Céline, Voyage, 1932, p. 187).Voulez-vous qu'on fasse quelques pas, ce type derrière moi ne me dit rien qui vaille (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 230).
c) Vaille que vaille. À peu près, tant bien que mal. À la clarté des bougies tombaient vaille que vaille Des faux cols sur des flots de jupes mal brossées (Apoll., Alcools, 1913, p. 129).Rien n'était perdu cependant. Du moins aurais-je pu retourner avec lui jusqu'à la ville, vaille que vaille (Bernanos, Crime, 1935, p. 735).
d) Valoir mieux, mieux valoir. Être plus estimable, plus utile; être préférable. Depuis que ton frère est ici, tout va de mal en pis... D'ailleurs, non, je ne veux rien dire, ça vaudra mieux (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 760).D'abord il songea à écrire une belle lettre pleine de respect et de tendresse (...). Puis il pensa qu'un court billet valait mieux (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 71).
Valoir mieux que + subst.Les femmes valent mieux que les hommes (Montherl., Célibataires, 1934, p. 859).
Proverbe. Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. V. ceinture I A 1.Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. V. tenir 1reSection I A 4 a.
Valoir mieux que de + inf.V. mieux I A 2 b ex. de Amiel et de Alain.Mieux vaut + inf.V. mieux I A 1 a ex. de Mauriac.
Ça vaut mieux que de se casser une/la jambe. [Formule fam. utilisée pour consoler d'un malheur, d'un désagrément] Isabelle: Vous avez vraiment tout perdu? Cristina: Oh! Presque tout. Isabelle: Charmant! (Un temps). Enfin ça vaut mieux que de se casser la jambe, dit-on (...). Ce n'est pas si sûr que ça parce qu'une jambe ça se répare, tandis qu'une fortune perdue, ça ne se répare pas! (Bourdet, Sexe faible, 1931, iii, p. 467).
Empl. impers.
[Constr. avec l'inf.] Concrètement, combien vous reste-t-il d'avions? (...)Mieux vaut ne pas en parler. Comme aviation régulière, nous avons cessé d'exister (Malraux, Espoir, 1937, p. 561).Karsky: Il n'y a pas de quoi être fier: ils sont venus à dix contre un. Hoederer: Quand on veut gagner, il vaut mieux se mettre à dix contre un, c'est plus sûr (Sartre, Mains sales, 1948, 4etabl., 4, p. 147).Mieux vaut tenir que courir. Je ne me faisais pas d'illusions sur la possibilité de faire payer intégralement aux Allemands tous les dégâts qu'ils nous avaient causés. Selon l'expression populaire, mieux valait tenir que courir (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 375).
Ça vaut mieux. V. mieux I A 1 a ex. de Zola.
[Constr. avec que + subj.]Si la conversation s'envenime, il vaut mieux qu'Aïescha ne puisse pas s'y mêler (Lenormand, Simoun, 1921, 5etabl., p. 49).Antigone, continue: J'ai peur... Elle s'arrête. Elle se dresse soudain. Non. Raye tout cela. Il vaut mieux que jamais personne ne sache (Anouilh, Antigone, 1946, p. 207).
4. [Constr. avec faire]
a) Mettre en valeur, faire apprécier plus. Les parois blanches des façades faisaient valoir les encadrements peints des fenêtres (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 240).Les couleurs vives dont elles sont vêtues, le costume qui fait valoir la taille mince et met en valeur, en les séparant nettement, les hanches et les bustes, nous disposent à la rencontre d'une belle fille (Larbaud, Journal, 1932, p. 273).
Empl. pronom. Désapprobation des virtuoses qui jouent de manière à se faire valoir eux-mêmes aux dépens du maître qu'ils interprètent (Gide, Journal, 1943, p. 195).
En partic. Montrer par un raisonnement, par un discours, l'importance, la valeur, l'utilité de quelque chose. Faire valoir une excuse. Le comte avait rapporté des fume-cigarette, des porte-mines d'Autriche et d'Allemagne. « Grâce au change, je les ai payés un sou! » Cette façon de faire valoir ses cadeaux eût assez étonné Paul (Radiguet, Bal, 1923, p. 159).
Faire valoir que.La nécessité s'imposait de mettre en place notre dispositif de couverture. Je fis valoir au ministre que la sécurité du pays nous imposait de prendre cette mesure sans retard (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 213).
b) Loc. Faire valoir ses droits. Demander (pour soi) à une administration, à une hiérarchie, l'application d'une norme, d'un règlement. J'ai fait valoir mes droits (...). J'ai demandé à rejoindre une division en campagne. Cette faveur m'a été enfin accordée (Vercors, Sil. mer, 1942, p. 77).
C. −
1. [Le suj. désigne une chose] Être équivalent, égaler en valeur, en utilité, en qualité. Rien ne vaut la montagne pour les poumons. Il renvoya même les truffes, et le précepteur, qui s'en délectait, dit par bassesse:« Cela ne vaut pas les œufs à la neige de madame votre grand'mère! » (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 24).La moindre feuille, pour lui, a plus de sens que toute parole; et presque à son dernier jour il dit encore à Eckermann qu'il n'est pas de discours qui vaille un dessin, même tracé au hasard par la main (Valéry, Variété IV, 1938, p. 109).
DR. En fait de meubles, possession vaut titre. Quatre-vingt mille francs comptant, et vous me laisserez les diamants, ajouta-t-il (...) En fait de meubles, la possession vaut titre (Balzac, Gobseck, 1830, p. 414).
2. [Le suj. désigne une pers.] Avoir les mêmes qualités, le même mérite que. Chaque femme vaut toute femme. Rappelez-vous qu'un brave soldat peut, sans déchoir, être un brave homme. L'un vaut l'autre après tout (Courteline, Gend. sans pitié, 1899, 1, p. 151).Tu as faim? Le beau malheur. Tu n'es pas le seul, tu sais, en ce bas monde. Il y en a d'autres. Et qui te valent bien! (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 371).
Loc. proverbiale. Un homme averti en vaut deux. V. averti II A.
3. Autant vaut. Est équivalent, est aussi avantageux, représente la même chose.
a) [Suivi d'un subst.] Autant vaut la mort. Un savant qui promènerait sans cesse son esprit de science en science, de livre en livre, serait le moins savant des hommes: autant vaudrait la plus complète ignorance (P. Leroux, Humanité, 1840, p. 165).
b) [Suivi d'un inf. ou d'une prop. inf.] Qu'est-ce qu'un amour qui fait bâiller? Autant vaudrait être dévote (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 310).Quand les hommes se mettent à prendre des congés de dix et quinze jours en plein milieu de l'hiver, autant vaudrait casser le chantier de suite (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 138).
c) [Suivi d'une prop. introd. par que] C'est du jus de queue de cerises, Tes « Pully » comme tes « Cully ». Autant vaut qu'on se gargarise Avec l'air de Funiculi (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 104).
D. − Être suffisamment utile, intéressant pour légitimer quelque chose, pour mériter un effort, un sacrifice. Il n'y a pas de conquête scientifique qui vaille le sacrifice d'un sentiment moral (L. Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 211).Petypon! avant de rentrer, je crève de soif; nous venons de passer deux heures à faire une opération des plus compliquées...! Quand on vient d'ouvrir un ventre... ça vaut bien un bock! (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, i, 2, p. 6).
Valoir le coup. V. ce mot C 2 synt., expr. d.Valoir le déplacement (v. ce mot A 3), le dérangement (v. ce mot ex. 5), le voyage*. Valoir la peine. V. ce mot III B 2.Le jeu n'en vaut pas la chandelle. V. ce mot B 4.Paris vaut bien une messe. V. ce mot A 1.
[Constr. avec un inf. introd. par de] Mériter. Valoir d'être vu. La « solidarité républicaine » suppose que la République vaut d'être défendue par les démocrates des deux classes, de la classe ouvrière et de la classe bourgeoise (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 26).Je ne cherche pas à diminuer ma faute à vos yeux... mais, tout de même, ça ne vaut pas d'être (...) traitée comme ça! (Guitry, Veilleur, 1911, ii, p. 18).
[Constr. avec une complét. au subj.] Mériter que, être digne que. Cela ne vaut pas qu'on en parle ; pensée qui ne vaut guère qu'on s'y attarde. Folly, qui valait qu'on l'aimât, parce qu'elle était effectivement la plus gentille des petites robes grises de Greenock (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 111).La vérité vaut bien qu'on passe quelques années sans la trouver (Renard, Journal, 1901, p. 633).
II. − Empl. trans. Valoir qqc. à qqn.Entraîner pour quelqu'un telle ou telle conséquence (bonne ou mauvaise). Valoir un avantage à qqn; la campagne ne me vaut rien ; cela m'a valu bien des désagréments; qu'est-ce qui me vaut votre visite? Quelle disgrâce physique ou morale me valait la froideur de ma mère? (Balzac, Lys, 1836, p. 5).Ce qui m'importait, ce jour-là, c'était d'avoir mis le doigt sur le seul sujet qui pût te jeter hors des gonds, sur ce qui t'obligeait à sortir de ton indifférence, et qui me valait ton attention, fût-elle haineuse (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 104).
Valoir à qqn de + inf.Quelle aventure heureuse ou grave Me vaut de te voir aujourd'hui? (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 163).Mon épaule fracturée, mon énorme gouttière me valaient de figurer au premier rang des héros (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 245).
III. − Empl. pronom. Être équivalent, avoir la même valeur. Tout s'équilibre, tout se vaut. Au fond, le concubinage et le mariage se valent, puisqu'ils nous ont, l'un et l'autre, débarrassés des préoccupations artistiques et des tristesses charnelles (Lemaître, Contemp., 1885, p. 321).On croirait à t'entendre que toutes les opinions se valent et qu'on les attrape comme des maladies (Sartre, Mains sales, 1948, 5etabl., 2, p. 190).
Péj. Être également mauvais, sans valeur, sans intérêt. Ça se vaut. Le Gil Blas me reprend. Autant cet argent-là qu'un autre, et tous les journaux se valent (Bloy, Journal, 1892, p. 57).Le visage d'Honoré s'éclaira d'un demi-sourire.Ah, il boitait... Tu as bien fait de te défendre. Ces gens-là, il ne faut jamais les manquer, ils se valent tous (Aymé, Jument, 1933, p. 79).
Prononc. et Orth.: [valwa:ʀ], (il) vaut [vo]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. ind. prés.: je vaux, tu vaux, il vaut, nous valons, vous valez, ils valent; imp.: je valais ...; passé simple: je valus ...; fut.: je vaudrai ...; passé comp.: j'ai valu ...; p.-q.-parf.: j'avais valu ...; passé ant.: j'eus valu ...; fut. ant.: j'aurai valu ...; cond. prés.: je vaudrais ..., passé: j'aurais valu ...; subj. prés.: que je vaille ..., (xvieet xviies.: que je vale ..., encore vivant dans l'us. pop. et qu'on retrouve dans la conjug. de prévaloir) que nous valions, que vous valiez (refaits d'apr. le prés. de l'ind., les formes anc. étant: que nous vallions, que vous valliez encore us. parfois auj. v. Grev. 1964,697, p. 628); subj. imp.: que je valusse ..., passé: que j'aie valu ..., p.-q.-parf.: que j'eusse valu ...; impér. (peu us.) prés.: vaux, valons, valez, passé: aie valu, ayons valu, ayez valu; part. prés.: valant, passé: valu, -ue. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 valeir « être d'un certain prix » (Alexis, éd. Chr. Storey, 502); 1534 tu vaulse trop! formule d'éloge « être plaisant, agréable (en parlant d'une personne, de ce qu'elle dit) » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech et V.-L. Saulnier, chap. 39, p. 236); 1685 valoir trop d'argent « être d'un prix considérable » (Mmede Sévigné, Lettre à MmeDe Grignan du 29 janvier ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 175); 1690 valoir beaucoup d'argent (Fur., s.v. argent); 1694 valoir de l'argent (Ac., s.v. argent); 1666 valoir son prix « avoir une certaine valeur » (Molière, Misanthrope, III, 1); 2. a) ca 1100 valeir « être estimé à l'égal de quelqu'un » (Roland, éd. J. Bédier, 921); ca 1625 valoir la peine de « être assez important pour que » (D'Aubigné, Lettre ds Œuvres, éd. E. Réaume et F. de Caussade, t. 1, p. 263); fin xives. ne faire cose qui vaille (Froissart, Chroniques, II, § 420, éd. G. Raynaud, t. 11, p. 183); 1549 ne faire rien qui vaille (Est.); b) α) 1160-74 valeir « rapporter, donner tel profit » (Rou, III, éd. A. J. Holden, 111); 1538 faire valoir qqc. « (en) tirer le profit qu'elle peut rapporter » (Est.); 1690 faire valoir par ses mains une terre (Fur.); 1835 faire valoir « exploiter soi-même sa terre » (Ac.); β) xves. [éd. 1528] se faire valoir « se faire apprécier à sa juste valeur » (Perceforest, t. 6, fo108 vods Littré); 1718 « s'attribuer des qualités qu'on n'a pas » (Ac.). γ) 1559 faire valoir qqc. « donner du prix à, faire paraître meilleur » (Ronsard, Hymne de Charles, cardinal de Lorraine ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 9, p. 58, 531); 1664 [éd. holl.] faire valoir qqn « fournir (à quelqu'un) des occasions de paraître à son avantage » (La Rochefoucauld, Sentences et maximes morales, 55 ds Maximes, éd. J. Truchet, p. 448); δ) 1588 faire valoir « faire ressortir en guise d'extase » (Montaigne, Essais, III, 9, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 979); 1611 faire valoir une chose « vanter le mérite, l'importance de » (Cotgr.); c) α) ca 1100 valeir à qqn « être utile à, aider » (Roland, 1840); fin du xiiies. [date du ms.] valoir « faire du bien (en parlant d'une médecine) » (Le medicinal des oiseus, ms. Digby, 86, fo56 vods Tilander, Glanures lexicogr., p. 268); β) 1289 valoir « rapporter un certain profit à quelqu'un » (Trésor des chartes du Comté de Rethel, éd. G. Saige et H. Lacaille, t. 1, p. 398); av. 1675 « procurer, faire obtenir quelque chose à quelqu'un » (La Rochefoucauld, Œuvres, éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, t. 3, p. 217); γ) 1690 cela ne vaut rien « c'est de mauvais augure » (Fur.); 1740 cela ne vaut rien à qqn « cela est mauvais (pour quelqu'un) » (Ac.); δ) 1718 à valoir « se dit de ce qui est fourni à compte d'une plus forte somme » (Ac.); d) xiiies. vaille que vaille « à tout hasard, quoi qu'il en soit » (Ysopet de Lyon, éd. W. Foerster, 666); xiiies. si vaut si vaille (Loi du conseil, éd. A. Barth, 735). Du lat. valere « être fort, vigoureux », d'où « avoir de la valeur, du mérite, un prix ». Fréq. abs. littér.: 13 087. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 18 063, b) 17 607; xxes.: a) 19 365, b) 19 151. Bbg. Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes français ... Paris, 1977, pp. 168-170. − Quem. DDL t. 33 (s.v. faisant-valoir), 38. − Schuchard (B.). Valor ... Bonn, 1970, pp. 103-109.

Wiktionnaire

Verbe - français

valoir \va.lwaʁ\ transitif 3e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se valoir)

  1. Être d’un certain prix ; avoir un certain mérite.
    • Voilà ce qui fait, quoique nous ne valions pas grand’chose, que nous vaudrons mieux que ne vaudront nos fils. — (Alexandre Dumas, Les Mille et Un Fantômes - Avant-propos,)
    • Grâce à cette mesure protectrice, les petits cultivateurs belges sont assurés de ne pas payer leurs engrais quatre fois ce qu'ils valent, […], — (Charles-Victor Garola, Engrais, p.331, J.-B. Baillière et fils, 1906)
  2. Tenir lieu, avoir la valeur, la signification de.
    • Ah! digne Corse que tu es ! Chez vous, vous vous régalez de merles et ici tu trouves détestable un gibier qui vaut bien mieux. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • En conséquence, on dit simplement une noire vaut deux croches ou quatre doubles-croches, ou huit triples-croches, ou seize quadruples-croches. — (Pierre Rigaud -Les secrets de la musique ou Théorie musicale, tome 1, page 209, Leduc à Paris, 1846)
    • Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. — (Article L231-1 du Code des relations entre le public et l'administration, en vigueur au 1er janvier 2016 → lire en ligne)
  3. Rapporter ; donner du profit.
    • En supposant le taux de l’intérêt stationnaire et égal, par exemple, à 5 pour 100, un capital de 100 fr. vaut une rente perpétuelle de 5 fr., […]. — (Joseph Bertrand, Traité d'arithmétique, page 218, L. Hachette et Cie, 1863)
    • Durant le règne de ce dernier il est préfet des véhicules, puis a studiis et dans le même temps procurateur chargé des bibliothèques, charge qui lui vaut un salaire de deux cent mille sesterces. — (Article Lucius Volusius Maecianus sur Wikipédia)
  4. (Transitif) Procurer ; faire obtenir ; produire.
    • En vain je portai aux nues la qualité de leur lait, en vain j'assurai que je n'en avais bu de meilleur, mes éloges ne me valurent aucun répit, et je dus me gorger de lait […]. — (« Voyage en Arabie et le long des côtes de la Mer rouge », par le lieutenant J. B. Wellsted, dans L’Écho du Monde Savant, journal analytique des nouvelles et des cours scientifiques, n° 430 du mercredi 17 avril 1839, p. 248)
    • Cette dernière prévention lui valut une condamnation à cinq ans de détention, prononcée par la cour des pairs ; […]. — (Henri Joseph Gisquet -Mémoires de M. Gisquet, écrits par lui-même, page 313, 1840)
    • Je grelotte de trouille à cette pensée. Le chemin de la gloire et de l'honneur est celui que j'ai toujours adopté. Ça m’a valu du reste bien des emmouscaillements ! — (Frédéric Dard, San Antonio : Tout le plaisir est pour moi, Fleuve Noir, 1959)
    • L’obstination portée à détruire l’Empire fédéral autrichien nous a valu la première guerre mondiale après l’attentat de Sarajevo, puis sa prolongation après le refus français d'une paix séparée avec l’Autriche, […]. — (Loeiz Laurent, Petits départements et grandes régions: Proximité et stratégies, page 43, L'Harmattan, 2011)
  5. (Pronominal) Avoir la même valeur.
    • La tolérance religieuse s'exprime volontiers aujourd'hui au travers de l’expression « Toutes les religions se valent » ou, en se limitant au champ chrétien, « Toutes les confessions se valent ». — (Olivier Fatio, Pour sortir l’œcuménisme du purgatoire, page 39, Labor et Fides, 1993)
  6. Être applicable à.
    • Vanessa : Merci, sans-couilles ! [s’adressant à un autre] Ça vaut pour toi aussi !
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

VALOIR. (Je vaux, tu vaux, il vaut; nous valons, vous valez, ils valent. Je valais. Je valus. Je vaudrai. Je vaudrais. Vaux, valez. Que je vaille, que nous valions, que vous valiez, qu'ils vaillent. Que je valusse. Valant. Valu.) v. intr.
Être d'un certain prix, avoir un certain mérite. Cette étoffe vaut tant. Elle valait dix francs le mètre. Vous ne la payez pas ce qu'elle vaut. De ces deux objets, l'un vaut bien l'autre. Ce cheval ne vaut plus la somme qu'il a valu autrefois. Fam., Cette chose vaut de l'argent, Elle est d'un prix considérable. Fig. et fam., Cette chose vaut son pesant d'or, Elle est extrêmement bonne dans son genre et on ne peut la payer trop cher. C'est un homme qui vaut son pesant d'or se dit d'un Homme dont on veut vanter les bonnes qualités. Fam., Cet homme en vaut bien un autre, Cet homme mérite autant d'estime qu'aucun autre. Prendre une chose pour ce qu'elle vaut, Ne pas s'en exagérer la valeur. Fig. et fam., Savoir ce qu'en vaut l'aune se dit en parlant des Choses que par expérience on sait être difficiles, fâcheuses, pénibles, de grande dépense, etc. Il a eu des procès, il sait ce qu'en vaut l'aune. J'ai passé par là, je sais ce qu'en vaut l'aune. Il ne vaut pas la peine qu'on lui réponde se dit, par mépris, d'un Homme avec qui on ne veut point entrer en contestation. Ironiquement, Les deux hommes se valent, Ils ne valent pas mieux l'un que l'autre. Cette chose, cette affaire ne vaut pas la peine d'y penser se dit d'une Chose, d'une affaire de peu de conséquence. On dit dans le sens contraire : Cette chose, cette affaire vaut bien la peine d'y penser, la peine qu'on y pense, Elle est importante et elle mérite qu'on prenne du temps pour en délibérer. On dit absolument dans l'un et l'autre sens : Cela en vaut la peine, n'en vaut pas la peine. Il a fait bien des démarches pour obtenir ce poste, cela en valait la peine. Fig. et fam., Cela ne vaut pas le diable, Cela ne vaut quoi que ce soit, cela n'est bon à rien. Cette chose ne vaut rien signifie communément Cette chose n'a presque aucun mérite, n'est presque d'aucune valeur, d'aucune utilité, elle n'a pas les qualités requises; cela se dit tant des Choses qui se vendent que des autres choses, même des Ouvrages de l'esprit. L'étoffe qu'il a achetée ne vaut rien. Il a vendu un cheval qui ne valait rien. Ce potage ne vaut rien. Il fit un grand discours qui ne valait rien. Cet ouvrage ne peut rien valoir. Cette chose ne vaut plus rien se dit d'une Chose qui est entièrement usée et hors d'état de servir. Ce vêtement ne vaut plus rien. Cela ne vaut rien signifie encore Cela ne signifie rien de bon, cela est de mauvais augure. Il s'endort dès qu'il a mangé, cela ne vaut rien. Ce vieillard maigrit tous les jours, cela ne vaut rien à son âge. Cela ne lui vaut rien, Cela est mauvais, relativement à telle ou telle circonstance. Il fait un temps froid et humide, cela ne vaut rien pour moi, cela ne me vaut rien. Il relève de maladie, les ragoûts, la salade ne lui valent rien. Cet homme ne vaut rien, C'est un méchant homme, un homme dangereux. Ne vous fiez point à lui, c'est un homme qui ne vaut rien. Fam., N'avoir rien qui vaille, N'avoir rien de bon. Ce libraire n'a jamais rien qui vaille. On dit de même : Ne faire rien qui vaille, Faire de mauvaise besogne. Je lui ai donné de l'ouvrage, il n'a rien fait qui vaille. Prov. et fig., Le jeu ne vaut pas la chandelle, La chose dont il s'agit ne mérite pas les soins qu'on prend, les peines qu'on se donne, la dépense qu'on fait. Prov., Chaque chose vaut son prix, chacun vaut son prix, Il ne faut rien déprécier, ni donner à personne des louanges qui vont à rabaisser les autres. Votre prévention pour cet ouvrier fait que vous n'estimez pas assez les autres; chacun vaut son prix. Valoir mieux, Être meilleur, préférable. Ma montre vaut mieux que la vôtre. Vous valez mieux que lui. L'estime vaut mieux que la célébrité. Prov., Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, La possession d'un bien, si modique soit-il, est préférable à l'espérance d'un plus grand. Prov., Mieux vaut tenir que courir, Mieux vaut la possession immédiate d'un bien quelconque que la recherche d'un bien plus considérable. Impersonnellement, Il vaut mieux, Il est plus expédient, plus utile, plus convenable, il est préférable. Il y a beaucoup d'occasions où il vaut mieux se taire que de parler. Il vaut mieux que cela soit ainsi, il vaut mieux qu'il en soit ainsi.

VALOIR signifie aussi Tenir lieu, avoir la valeur, la signification de. L'M en chiffre romain vaut mille, le C vaut cent. Les jetons valent au jeu ce que l'on convient de les faire valoir. L'as au piquet vaut onze. Cette note de musique vaut une mesure. Une blanche vaut deux noires. Cela vaut fait, Regardez la chose comme faite, soyez sûr qu'elle se fera. Faire un acte, remplir une formalité pour valoir ce que de raison, Le faire par pure précaution, pour servir dans l'occasion autant qu'il sera juste et raisonnable. Prov., Un bon averti en vaut deux, Lorsqu'on a été prévenu de ce qu'on doit craindre ou de ce qu'on doit faire, on est, pour ainsi dire, doublement en état de prendre ses précautions ou ses mesures. Il se dit aussi par forme de menace et signifie Prenez-y garde, si vous ne tenez compte de l'avertissement que je vous donne, vous vous en repentirez. En termes de Commerce et de Finance, À valoir se dit de Ce qui est fourni soit en argent, soit en billets, soit en marchandises, à compte d'une plus forte somme qu'on doit fournir. J'ai reçu telle somme à valoir sur ce qu'il me doit. Je vous envoie vingt balles de draps, dont vous retirerez le prix à valoir sur ce que le dois fournir pour ma part dans la société.

VALOIR signifie aussi Rapporter, donner du profit. Cette terre, cet emploi vaut tant. Prov., Tant vaut l'homme, tant vaut la terre. Voyez TANT. Faire valoir une chose, Tirer d'une chose le profit, l'avantage qu'elle peut rapporter. Faire valoir un domaine, une terre. Faire valoir son argent. Faire valoir ses droits. Faire valoir ses talents. On dit absolument : Faire valoir, Exploiter soi-même sa terre. Faire valoir une chose signifie aussi Lui donner du prix, la faire paraître meilleure, plus belle. C'est la pureté de ce diamant, plutôt que sa grosseur, qui le fait tant valoir. Cet acteur a l'art de faire valoir ses rôles. Il a fait valoir les endroits les plus faibles de son discours par manière dont il l'a débité. Faire valoir une chose signifie encore En relever, en vanter le mérite, l'importance. Il fait trop valoir ses services. Je ne fais pas valoir un si faible sacrifice. Faire valoir sa marchandise se dit au propre des Marchands qui, par leurs discours et par leur adresse, savent donner une idée favorable de ce qu'ils veulent vendre. Il se dit figurément et familièrement de Ceux qui louent beaucoup tout ce qu'ils ont, et jusqu'aux moindres choses qu'ils font ou qu'ils disent. Faire valoir quelqu'un, Le mettre en crédit, lui fournir des occasions de paraître à son avantage. Se faire valoir, Se faire apprécier. Vous êtes trop modeste, vous ne savez pas vous faire valoir. C'est un fanfaron qui veut se faire valoir. Il se fait valoir aux dépens des autres.

VALOIR s'emploie aussi comme verbe transitif et signifie Procurer, faire obtenir, produire. Cette bataille lui a valu le bâton de maréchal de France. Que lui a valu son ambition, sinon de le rendre odieux? Cette action ne lui a valu que de la honte. La gloire que cette action lui a value.

SE VALOIR, Avoir la même valeur. Ces deux œuvres se valent. Ces deux gredins se valent.

VAILLE QUE VAILLE, loc. adv. et familière. À tout hasard, quoi qu'il en soit. Prenez sa promesse vaille que vaille.

Littré (1872-1877)

VALOIR (va-loir), je vaux, tu vaux, il vaut, nous valons, vous valez, ils valent ; je valais ; je valus, nous valûmes ; je vaudrai ; je vaudrais ; valons, valez, qu'ils vaillent ; que je vaille, que nous valions, que vous valiez, qu'ils vaillent ; que je valusse ; valant ; valu v. n.
  • 1Être d'un certain mérite, en parlant des personnes (sens le plus rapproché du sens latin de valere, être fort). Croyez que… tant que je vaudrai quelque chose, je ne puis manquer d'être votre serviteur, Voiture, Lett. 46. Je te connais, Léonce, et mieux que tu ne crois ; Je sais ce que tu vaux, et ce que je te dois, Corneille, Héracl. I, 4. Comme tu m'as souvent dit que je ne valais pas grand'chose, Boursault, Lett. nouv. t. III, p. 247, dans POUGENS. C'est par là que je vaux, si je vaux quelque chose, Boileau, Sat. VII. …Si je vaux quelque chose C'est par là que je vaux, et par ma belle humeur, Regnard, Distr. v, 10. Ma foi, quand je parcours tout ce qui le compose [le monde], Je ne trouve que nous qui valions quelque chose, Gresset, Méch. II, 3. Chacun des deux est présentement ce qu'il faut à l'autre ; il m'éclaire, et je l'anime ; nous en valons mieux réunis, Rousseau, Hél. III, 20. Obligé de valoir, mon fils en vaudra mieux, Saurin, Beverlei, I, 1. Sans vanité l'on peut sentir ce que l'on vaut, Picard, Entrée dans le monde, I, 2.

    Valoir beaucoup, avoir beaucoup de mérite ; valoir trop, avoir trop de mérite. Tu vaux trop ; c'est ainsi qu'il faut, quand on se moque, Que le moqué surtout sorte fort satisfait, Corneille, Veuve, III, 4. Je sais qu'il [votre fils] vaut beaucoup, étant sorti de vous, Corneille, Ment. II, 1. Cette femme ambitieuse et vaine croit valoir beaucoup quand elle s'est chargée d'or et de pierreries, Bossuet, la Vallière.

    Absolument, valoir, avoir de la fortune, du crédit, etc. On ne vaut et l'on n'est heureux qu'autant qu'on se voit à son aise et bien pourvu, Bourdaloue, Exhort. sur le reniem. de St Pierre, t. I, p. 463.

    Ne valoir pas, être au-dessous de. Le reste [des conjurés] ne vaut pas l'honneur d'être nommé, Corneille, Cinna, v, 1. Les hommes ne valent pas la peine qu'on prend pour les éclairer ; et ceux même qui pensent comme nous, nous persécutent, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 22 déc. 1765.

    Il ne vaut pas la peine qu'on lui réponde, se dit, par mépris, d'un homme avec qui on ne veut point entrer en contestation.

    Ne valoir pas que, avec le subjonctif, même sens. Lâche, tu ne vaux pas que, pour te démentir, Je daigne m'abaisser jusqu'à te repartir, Corneille, Oth. v, 5. Allez, de tels soupçons méritent ma colère ; Et vous ne valez pas que l'on vous considère, Molière, Mis. IV, 3.

    Cet homme en vaut bien un autre, cet homme mérite autant d'estime qu'aucun autre. Mais je crois qu'après tout ses sœurs la valent bien, Corneille, Œdipe, I, 3. Vous et moi nous en valons deux autres, Regnard, Joueur, III, 12. Les femmes valent bien messieurs les beaux esprits, Destouches, Phil. marié, II, 5. Un lion mort ne vaut pas Un moucheron qui respire, Voltaire, Ecclés. Précis. Je crois valoir au moins les rois que j'ai vaincus, Voltaire, Mérope, I, 3. Si Virgile était janséniste, Horace, qui le valait bien, était moliniste, D'Alembert, Œuv. t. v, p. 183.

    Monsieur vaut bien madame, voy. MONSIEUR.

  • 2Il se dit du mérite qu'ont les choses. Aussi n'appartient-il qu'aux Romains seulement De m'accorder un don qui vaille infiniment, Mairet, Sophon. IV. Mais commander ici vaut bien servir ailleurs, Corneille, Toison d'or, I, 2. Et d'autres lieux de cette mer, Qui ne valent pas le nommer, Scarron, Virg. III. Nous n'estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de peine, Pascal, Pens. XXIV, 100 bis, éd. HAVET. Il me semble qu'elle [cette peinture que je viens de vous faire] ne vaut guère, Sévigné, 6 août 1680. Dans les premiers temps, la poésie et la philosophie étaient la même chose, toute sagesse était renfermée dans les poëmes ; ce n'est pas que par cette alliance la poésie en valût mieux, mais la philosophie en valait moins, Fontenelle, Oracl. I, 6. N'estimez votre état que ce qu'il vaut, et vous en vaudrez davantage, Rousseau, Lett. à M. Romigli, t. I, Corresp. t. I, p. 102, dans POUGENS. Personne ne donnait un avis qui valût le sien, soit pour l'ameublement, soit pour la toilette, Reybaud, Jér. Paturot, II, 17.

    Cette chose, cette affaire ne vaut pas la peine d'y penser, d'en parler, cette chose, cette affaire est de peu de conséquence.

    Dans le sens contraire : Cette chose, cette affaire vaut bien la peine d'y penser, la peine qu'on y pense.

    Ironiquement. Cela ne vaut pas la peine d'en parler. Monsieur mon frère aîné, car, Dieu merci, vous l'êtes D'une vingtaine d'ans, à ne vous rien celer ; Et cela ne vaut pas la peine d'en parler, Molière, Éc. des maris, I, 1.

    Absolument, cela ne vaut pas la peine, n'en vaut pas la peine.

    Fig. Le jeu ne vaut pas la chandelle, voy. CHANDELLE, n° 1.

    Rien qui vaille, chose sans mérite ni valeur. Ils [les comédiens] ont un privilége, c'est de ne faire rien qui vaille parce qu'ils sont seuls, de mal jouer les anciennes pièces, et de n'en point donner de nouvelles qui ne soient mauvaises, Dancourt, Com. des coméd. I, 5.

    Substantivement. Un rien qui vaille, une personne sans mérite, sans valeur. Je vous assure qu'à force de ne trouver que des riens qui vaille en son chemin, on devient rien qui vaille soi-même, Bussy-Rabutin, Lett. t. II, p. 97, dans POUGENS. Cet infant qu'on me baille, N'en déplaise aux baillants, n'est qu'un vrai rien qui vaille, Th. Corneille, Geôl. de soi-même, v, 7.

    N'avoir rien qui vaille, n'avoir rien de bon. Ce marchand n'a rien qui vaille. J'étais lundi passé chez mon libraire Caille Qui dans son magasin n'a souvent rien qui vaille, Voltaire, la Tactique.

    Ne faire rien qui vaille, ne faire rien de bon, d'utile. Vous ne feriez jamais rien qui vaille, Pascal, Prov. VII. En se dépêchant trop, on ne fait rien qui vaille, Voltaire, Lett. d'Argental, 18 oct. 1776. Selon lui, les Anglais n'avaient plus rien fait qui vaille, depuis qu'ils avaient renoncé au grec et à l'arabe pour la géométrie et la physique, D'Alembert, Éloges, Alary.

    Ne valoir pas que, ne pas mériter que. L'occasion ici fort peu vous favorise, Et ce faible bonheur ne vaut pas qu'on le prise, Corneille, Ment. I, 2.

  • 3Valoir suivi d'un infinitif (tournure excellente, peu usitée aujourd'hui, mais qui mérite de l'être beaucoup). Vous n'y trouveriez rien [dans des vers], à mon avis, qui vaille les désirer, Malherbe, Lettres, II, 33. Que les combats qu'avait faits Minutius en Ligurie n'étaient que simples rencontres, et encore si légères qu'elles ne valaient pas en parler, Malherbe, le XXXe livre de Tite Live, ch. 22. Le peu que j'y perdrai ne vaut pas m'en fâcher, Corneille, Veuve, III, 3. L'offre n'est pas mauvaise, et vaut bien y penser, Corneille, Galer. IV, 14. La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste, Corneille, Cinna, IV, 3.
  • 4Être d'un certain prix. Cette étoffe vaut cinq francs l'aune. L'honneur qui se vend, si peu qu'on en donne, est toujours payé plus qu'il ne vaut, Duclos, Œuv. t. v, p. 78.

    Familièrement. Cette chose vaut de l'argent, elle est d'un prix considérable.

    Fig. Ce petit Coulanges vaut trop d'argent, je garde toutes ses lettres, Sévigné, 29 janvier 1685.

    Cette chose vaut son pesant d'or, est très bonne dans son genre.

    Cet homme vaut son pesant d'or, il est rempli de bonnes qualités. Je vous dis qu'il [M. de Sévigné] vaut son pesant d'or, Sévigné, 43.

    Chaque chose vaut son prix, chacun vaut son prix, chaque chose, chaque personne a ses qualités. Quelque rare que soit le mérite des belles, Je pense, Dieu merci, qu'on vaut son prix comme elles, Molière, Mis. III, 1. Je valais dans mon temps mon prix tout comme un autre, Regnard, le Légat. II, 4.

    Fig. Savoir ce qu'en vaut l'aune, voy. AUNE.

    Fig. et familièrement. Cela ne vaut pas le diable, ne vaut pas un sou, ne vaut pas un clou à soufflet, ne vaut pas le ramasser, cela n'est bon à rien, ne vaut rien. Cela [une comédie de Legrand] ne vaut pas le diable ; mais cela réussira, parce qu'il y a des danses et de petits enfants, Voltaire, Lett. Thiriot, 1724.

  • 5Valoir bien que avec le subjonctif, être digne que. La gloire de mon nom vaut bien qu'on la retienne, Corneille, Don Sanche, v, 5. Qui d'eux aimait le mieux ; que t'en semble, lecteur ? Cette difficulté vaut bien qu'on la propose, La Fontaine, Fabl. II, 4. Je vaux bien que de moi l'on fasse plus de cas ; Et je baise les mains à qui ne me veut pas, Molière, Fem. sav. v, 4.

    Impersonnellement, avec bien et inversion, il est avantageux. Pour lors bien m'en valut, Régnier, Sat. X. [Louis XI] Non, je sais que je n'y suis pas [au Plessis-lez-Tours], et bien vous en vaut [à vous, la Balue], Fénelon, t. XIX, p. 364.

  • 6Valoir mieux, avoir plus de qualités, en parlant de personnes. La cavalerie carthaginoise valait mieux que la romaine, Montesquieu, Rom. 4. Il y en a bien peu [Anglais] qui ressemblent à Bolingbroke ; celui-là valait mieux que ses livres ; mais, pour les autres Anglais, leurs livres valent mieux qu'eux, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 18 fév. 1760.

    Cet homme ne vaut pas mieux que son frère, ce sont tous deux des gens mauvais. Il [un thaumaturge] avait ajouté les chrétiens aux épicuriens, parce qu'à son égard ils ne valaient pas mieux les uns que les autres, Fontenelle, Oracles, I, 13.

    Être meilleur, être préférable, en parlant de choses. Ma montre vaut mieux que la vôtre. À quelque prix qu'on mette une telle fumée, L'obscurité vaut mieux que tant de renommée, Corneille, Hor. II, 3. C'est toujours quelqu'un à qui on peut faire un tour quand on sera de mauvaise humeur, et cela vaut mieux que rien, Fontenelle, Lett. gal. II, 34. La paix vaut encore mieux que la vérité ; je n'ai guère connu ni l'une ni l'autre en ce monde, Voltaire, Lett. Mairan, 5 mai 1741.

    Cette chose-là vaut mieux pistole qu'elle ne valait écu, voy. PISTOLE.

    Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, voy. TENIR. Impersonnellement. Il vaut mieux, il est plus avantageux, il est préférable. Il vaut mieux qu'il en soit ainsi. Mais, tyran pour tyran, il vaut mieux vivre à Rome, Corneille, Sertor. I, 1. Il leur vaudrait bien mieux, les pauvres animaux [des chevaux], de travailler beaucoup, de manger de même, Molière, l'Av. III, 5.

    Avec suppression de il et inversion. Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré, La Fontaine, Matrone.

    Autrefois cette inversion de mieux n'était pas obligatoire. Mais il faut le vouloir, et vaut mieux se résoudre, En aspirant au ciel, être frappé de foudre…, Malherbe, V, 30.

  • 7Ne rien valoir, en parlant des personnes, être méchant, vicieux, dangereux. Tout le monde me prend pour un homme de bien ; Mais la vérité pure est que je ne vaux rien, Molière, Tart. III, 6. Mon Dieu ! que les hommes ont de talent pour ne rien valoir ! Marivaux, Marianne, 1re part. Chassé de la maison de son père, parce qu'il ne voulait rien valoir, Rousseau, Ém. II.

    Il se dit des choses en un sens analogue. La Puisieux s'en est épanoui la rate [d'une petite méchanceté faite par Mme de Sévigné] ; Mademoiselle n'osait lever les yeux ; et moi, j'avais une mine qui ne valait rien, Sévigné, 27. Son grand benêt d'amant ne l'aime guère, il trouve Marie bien jolie, bien douce ; ma fille, cela ne vaut rien…, Sévigné, 144.

    Cette chose ne vaut rien, elle n'a presque aucun mérite, presque aucune valeur. Le cheval qu'il a vendu ne valait rien. Cette comédie ne vaut rien du tout. L'étoffe que j'ai achetée ne vaut rien.

    Cette chose ne vaut rien, se dit aussi d'une chose usée et devenue hors d'usage. Cet habit ne vaut plus rien.

    Cela ne vaut rien, cela est mauvais, nuisible. Le temps humide ne me vaut rien. La raison ne me vaut rien ; car elle m'a ôté tout ce que j'avais d'agréments, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 170, dans POUGENS.

    Cela ne vaut rien, signifie aussi, cela n'annonce rien de bon, est de mauvais augure. Il s'endort dès qu'il a mangé, cela ne vaut rien.

  • 8Rapporter, donner du profit. Cet emploi vaut tant.

    Tant vaut l'homme, tant vaut la terre, voy. TERRE.

  • 9Faire valoir quelqu'un, lui donner crédit, puissance, occasion de paraître à son avantage. Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie ; ils les font donc valoir ce qu'ils veulent ; et l'on est forcé de les recevoir selon leur cours, et non pas selon leur véritable prix, La Rochefoucauld, Prem. pens. 50. Il est moins rare de trouver de l'esprit que des gens qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des autres, en le mettant à quelque usage, La Bruyère, II. Là se trouvait dans toute sa perfection l'art… de faire valoir les autres sans prétendre les protéger, Genlis, Mém. t. II, p. 204.

    Se faire valoir, soutenir sa dignité, ses droits. Vous négligez les droits de votre place, vous ne vous faites point assez valoir.

    Se faire valoir, se montrer à son avantage. Rien ne devrait plus humilier les hommes qui ont mérité de grandes louanges, que le soin qu'ils prennent encore de se faire valoir par de petites choses, La Rochefoucauld, Réflex. mor. n° 272. Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi seul, ou renoncer à se faire valoir : maxime inestimable et d'une ressource infinie dans la pratique, La Bruyère, II.

    S'attribuer plus qu'on n'a. Je trouve qu'on se faisait peut-être un peu trop valoir dans le siècle passé, quoique avec justice, et qu'on ne se fait peut-être pas assez valoir dans celui-ci, Voltaire, Lett. Laurent, 6 déc. 1771. L'art de se faire valoir et de conduire une intrigue, Genlis, Parvenus, t. I, p. 65, dans POUGENS.

    Un homme ne vaut que ce qu'il se fait valoir, un homme n'obtient de crédit, etc. qu'autant qu'il saisit les occasions et les moyens de faire ressortir son mérite.

    Se faire valoir de, se donner de l'importance au moyen de. Je me suis fait valoir ici des nouvelles du combat naval [que j'ai apprises par vous], Sévigné, 26 mai 1676.

    Terme de chasse. Se faire valoir, se dit d'un animal qui, dans un terrain gras, a imprimé son pied et sa jambe, de manière à le faire juger plus fort qu'il ne l'est en effet.

  • 10Faire valoir une chose, lui donner force, puissance. Faire valoir son droit, ses droits. Jamais Ferdinand n'eut plus de puissance, et ne la fit plus valoir, Voltaire, Ann. emp. Ferdinand II, 1629.

    Faire valoir une chose, lui donner du prix, la faire paraître meilleure, plus belle. Je me suis engagé de faire valoir la pièce, et l'auteur m'en est venu prier encore ce matin, Molière, Préc. 10. Nous lisons la vie de Théodose ; mon fils la fait encore valoir ; car vous savez comme mes enfants savent lire, Sévigné, 601. Les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir, Fénelon, Dial. des morts mod. Dial. 13. Quand de bons acteurs les font valoir [les pièces de théâtre], Voltaire, Comm. Corn. Rem. Essex, v, 3. En général, l'art de faire valoir une idée consiste à la mettre dans la place où elle doit frapper davantage, Condillac, Art d'écr. II, 14.

    Terme de peinture. Une figure en fait valoir une autre, lorsque, placée auprès, elle a moins de force, moins de fini, moins de beauté.

    Faire valoir une chose, en relever l'importance, le mérite. Je ne sais point, seigneur, faire valoir les choses, Corneille, Othon, III, 5. Et de tant de mortels à toute heure empressés à nous faire valoir leurs soins intéressés…, Racine, Esth. II, 3. Un premier esclave qui, espérant d'obtenir sa liberté, accusait sans cesse les autres, pour faire valoir à son maître son zèle et son attachement à ses intérêts, Fénelon, Tél. II.

    Faire valoir sa marchandise, se dit du marchand qui fait ressortir les qualités de ce qu'il veut vendre.

    Fig. Faire valoir sa marchandise, louer beaucoup ce qu'on a, ce qu'on dit, ce qu'on fait. Si nous trouvions quelque chose de bon pour votre enfant, nous ne manquerions pas de faire valoir notre marchandise, Sévigné, 527.

    Faire valoir des motifs, en faire ressortir la force. Je sais bien que vous êtes en couche ; je fais valoir cette raison qui est bonne, Sévigné, 259. Il [d'Hacqueville] fera valoir vos raisons à M. de Pompone, Sévigné, 29 déc. 1675.

    Faire valoir que, avec l'indicatif, ou faire valoir de, avec l'infinitif. Je lui fais valoir [à Mme de Chaulnes] d'être demeurée pour elle [en Bretagne], Sévigné, 22 juill. 1671. Et vous venez nous faire valoir que vous aimez votre frère, et qu'il ne vous reste aucune aigreur contre lui, tandis que sa seule présence vous déplaît et vous irrite ! Massillon, Carême, Pardon des off.

    Faire valoir, signifie aussi opposer, objecter. Faire valoir une objection contre quelqu'un. Je n'avais point voulu que la princesse [de Tarente] vînt ici ; je lui avais fait valoir nos dévotions de jeudi…, Sévigné, 450. Je crois vous avoir fait entendre que depuis longtemps on faisait valoir les minuties [contre Pompone] ; et cela avait formé une disposition qui était toujours fomentée dans la pensée d'en profiter, Sévigné, 13 déc. 1679.

  • 11Faire valoir une chose, en tirer le profit, l'avantage qu'elle peut rapporter. Pour faire valoir la somme par votre industrie, Pascal, Prov. VIII. Ceux qui sont les plus vigilants et les plus industrieux pour faire valoir leurs biens, Fénelon, Tél. XI. Chacun est obligé, en conscience, de faire valoir ses talents, Brueys, Muet, II, 3. Il [Charlemagne] fit valoir ses domaines avec sagesse, avec attention, avec économie, Montesquieu, Esp. XVIII, 31.

    Par extension. Respirer, me promener en long, faire un peu d'exercice, c'est ce qui me fera valoir et profiter tous mes remèdes, Sévigné, 7 oct. 1687.

    Absolument. Faire valoir, exploiter soi-même sa terre.

    Terme de chasse. On dit que les chiens font valoir le change, quand ils abandonnent la voie de la bête de meute, pour suivre celle du change.

  • 12Tenir lieu de, avoir la signification de. L'as au piquet vaut onze. Une blanche, en musique, vaut deux noires. L'M en chiffres romains vaut mille.

    Faire un acte, remplir une formalité pour valoir ce que de raison, faire un acte, remplir une formalité par pure précaution, et pour servir dans l'occasion comme il sera juste et raisonnable.

    Cela vaut fait, assurez-vous que cela ne manquera pas de se faire. Cela vaut fait, monsieur, Corneille, Mélite, II, 5.

    Autant vaut, même sens. Autant vaut que Valère s'en aille, Goldoni, Bourru bienfais. II, 15.

    Autant vaut, locution elliptique, peu s'en faut. Ismène : Est-il mort ? - Cléanthes : Autant vaut : depuis vingt ans et plus Qu'il a pris son parti, nous ne nous sommes vus, Regnard, Démocr. II, 1. Merlin : On donne ici le bal ! l'affaire est donc finie ? - Lisette : Autant vaut, mon enfant, Regnard, le Bal, 4. Notre boussole est trouvée, ou autant vaut, nous voilà dans la physique, Rousseau, Ém. III.

    Vaut est quelquefois sous-entendu. Autant faire cela sur-le-champ que de différer.

    Autant vaut traîné que porté, voy. PORTÉ.

    Autant vaut être mordu du chien que de la chienne, voy. CHIEN.

    PROVERBE

    Un bon averti en vaut deux, voy. AVERTI.
  • 13Peser d'un certain poids. Ces considérations, qui valent pour votre cause, valent aussi pour la sienne.
  • 14 V. a. Procurer, produire, faire obtenir. Ses succès lui ont valu le surnom de Grand. Cette terre lui vaut dix mille francs de rente. La gloire immortelle que lui ont value ses exploits. Les honneurs que mon habit m'a valus. Vous lui faites [à Pauline] un bien extrême de vous amuser à sa petite raison naissante ; cette application à la cultiver lui vaudra beaucoup, Sévigné, 5 août 1676. J'ai travaillé jusqu'à mes derniers jours ; cela m'a valu des ennemis ; mais aussi cela m'a valu votre amitié ; ainsi je n'ai point à me plaindre, Voltaire, Lett. Chabanon, 31 déc. 1774. Oui, je dormais sur un petit volume Qui me vaudra d'être encore étrillé, Béranger, Gohier.
  • 15À valoir, terme de commerce et de finance signifiant ce qu'on donne à compte d'une plus forte somme qu'on doit fournir, soit argent, soit marchandise. Je vous envoie vingt balles de café dont vous retirerez le prix à valoir sur ce que je vous dois.

    J'ai reçu telle chose ou telle somme à valoir sur…, je l'ai reçue en déduction de…

  • 16Vaille que vaille, loc. adv. Passablement, tant bien que mal. Il faut me laisser vivre ; après, vaille que vaille, Si j'ai quelque pistole, on me la trouvera, Hauteroche, le Deuil, 29. On me donnait le soin De fournir la maison de chandelle et de foin ; Mais je n'y perdais rien ; enfin, vaille que vaille, J'aurais sur le marché fort bien fourni la paille, Racine, Plaid. I, 1. Enfin, vaille que vaille, L'ennemi se soumet, j'ai gagné la bataille, Destouches, Glor. v, 3. Je suis raccommodé, vaille que vaille, avec Mme du Deffant, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 18 oct. 1760.
  • 17Tout coup vaille, loc. adv. qui signifie, à de certains jeux, qu'en attendant la décision de ce qui est en contestation, on ne laissera pas de jouer.

    Fig. À tout hasard. Ma foi, tout coup vaille, voyons où la chose ira, Hauteroche, Cocher supp. sc. 18. Je me divertis toujours, tout coup vaille, Dancourt, Cur. Compiègne, sc. 2. Allons donc, tout coup vaille, épousons sans amour, Destouches, Irrésolu, IV, 1.

  • 18Valant, part. présent. Deux maisons valant cent mille francs. Le tout ci-dessus mentionné valant loyalement plus de quatre mille cinq cents livres, et rabaissé à la valeur de mille écus par la discrétion du prêteur, Molière, l'Avare, II, 2.

    PROVERBE

    Donner et retenir ne vaut, il faut se dessaisir de la propriété d'une chose qu'on donne.

REMARQUE

1. Valoir ne prend point de avec un infinitif. Cependant, avec il vaut mieux, mieux vaut, on peut mettre de : Il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui, Molière, D. Juan, I, 1. Mieux vaut encor de penser que de lire, Thomas, Épît. à Mme D. On dirait aussi sans de : Mieux vaut encore penser que lire.

2. Dans ces phrases : Cette étoffe vaut dix francs ; cet homme sait ce qu'il vaut, on comprend que le régime n'est régime direct qu'en apparence, et qu'il y a une ellipse : Cette étoffe vaut [pour] dix francs ; cet homme sait ce qu'il [pour ce qu'il] vaut.

3. Le participe passé fait difficulté comme coûté pour l'accord. On le traitera de même (voy. COÛTER, aux Remarques), et l'on dira : La somme qu'a valu il y a dix ans ce domaine. Mais quand valoir est actif, signifiant procurer, alors il suit la règle des verbes actifs : Les honneurs que lui a valus cette action. L'Académie ne s'explique ni pour l'un ni pour l'autre cas.

4. Quand il s'agit d'exprimer une valeur, on dit valant : Il a une bonne terre valant dix mille écus ; et, dans ce sens, valant est le véritable participe du verbe valoir. Mais, pour exprimer qu'il les a en sa possession, on dit alors : Cet homme a dix mille écus vaillant ; et dans ce cas vaillant est un substantif masculin employé adverbialement.

HISTORIQUE

XIe s. Melz [mieux] en valt l'orl que ne funt cinq cenz livres, Ch. de Rol. XXXVIII. Nuls reis de France n'out unkes si vaillant [butin qui valût tant], ib. LXXXIX. Fuir s'en [il] voelt, mais ne li valt nient, ib. CXXIII.

XIIe s. Consels d'orguel ne vaut mie un boton, Ronc. p. 11. N'i perdra Charles [ce] qui vaille un seul denier, ib. p. 34. Miex [mieux] valt mesure que ne valt estoutie, ib. p. 82. Puisque merci ne m'i daigne valoir, [je] Ne sai où nul confort [je] pregne, Couci, IX. Un petit biens vaut mieuz, si Diex me voie, Qu'on fait courtoisement, Que cent greignor [plus grands] fait enieusement, ib. XVI. [Ce] Dont je mourrai ; et, se je vi, ma vie Vaudra bien mort…, ib. XXIV. Car cil qui pert honor vaurroit mieux mors que vis, Sax. XXVI. Mielz valt fiz à vilain qui est prouz e senez, Que ne fait gentilz hum failliz e debutez, Th. le mart. 63. Service frunt [ils feront] à Sesac, que il sachent quel valt mielz à servir à mei u à Sesac, Rois, p. 296.

XIIIe s. Se nous ne doutons à servir ceulx que nos cuidons qui nos vaudront [nous seront utiles], que devons nous faire à ceulx qui nos ont jà valu ? Latini, Trésor, p. 415. Et cil jurerent seur sains qu'il esliroient en bonne foi celui… qui mieus vaudroit à l'empire governer, Villehardouin, CIX. [La couronne] Cent mile mars valoit et plus, à droite vente, Berte, x. En France [nous] envoierons savoir s'il peut valoir [si la chose peut se faire], ib. LXV. Tuit cil [tous ceux] qui de ta terre sont, Qui de toi fieus [fiefs] et terres ont, Te deivent aider et valer, Si feront il en leur poer [pouvoir], Du Cange, valere. Douce dame, ne creez mie Que ce soit voirs, quoi que nus die, Qu'amors contredite soit vraie… C'est une amors si vaut, si vaille ; Qui n'i puet avenir, si faille, Lai du conseil. Or sai de voir qu'en mon vivant Ne fis chose qui vausist tant, Ren. 20196. Promesse sans don ne vaut gaires, la Rose, 4107. Car en ceste vie terrestre, Miex vaut morir que povres estre, ib. 8216. Li debas vaut poi, qui est fes en derriere de justice, par devant qui le [la] connissance en apartient, Beaumanoir, XLIV, 49. Et se croisa mon seigneur Gauchier, qui moult bien se maintint outre mer, et moult eust valu se il eust vescu, Joinville, 208. Le Seigneur fiert [frappe] ou de mort ou de autres greingneurs mescheances qui pis valent que la mort, Joinville, 197. Et ces choses vous monstré-je, pource que cors sans chief ne vaut riens à redouter, ne gent sans roy, Joinville, 231.

XIVe s. Sur ton corps defendant, met le jour de bataille Par droite defiance [défi], et puis vaille que vaille, Girart de Ross. v. 3425. Si sera poi d'honour à vous certainement, Se de nuit assaillons les François tellement, Et on dit à la fois : mieux vaut honour qu'argent, Guesclin. 22151.

XVe s. Mieux vaut que nous nous defendions de bonne volonté contre ceux qui viennent, que…, Froissart, I, I, 327. Nous sommes en fort lieu ; un de nous en vaut quatre, Froissart, II, III, 26. Qui veut avoir leur service [des gens d'armes], il faut que ils soyent payés ; autrement ils ne font chose qui vaille, Froissart, II, II, 222. Et là surent chevaux que esperons valoient, Froissart, II, II, 66. Et issit hors… pour voir s'il pourroit en aucune maniere à son frere valoir ni aider, Froissart, I, I, 163. Ce mois de may, ne joyeulx, ne dolent Estre ne puis ; au fort, vaille que vaille, C'est le meilleur que de riens ne me chaille, Orléans, Rondeau. Il respondit que ce n'estoit que usance de guerre, et que guerre sans feu ne valloit rien, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1420. Le chevalier s'est depuis tant fait valloir et tant est preux que ceulx du pays en ont fait leur roy, Perceforest, t. VI, f° 108. Et que nous vault vostre science ? Patelin. Guillaume de vilde qui vault à dire en françois le sauvage, Commines, II, 7. Je croy que le travail qu'il [Louis XI] eut en sa jeunesse… luy vallut beaucoup, Commines, I, 10. Touteffois la ville ne valloit gueres, et aussi… firent composition, Commines, II, 2. Le roy ne peult entreprendre une telle euvre [la guerre] sans assembler son parlement qui [en Angleterre] vault autant comme les trois estatz, Commines, IV, 1. Quand Dieu y veut mettre la main, rien n'y vault, Commines, II, 4. Et lesdictes lettres sans faille Bien et deuement interinées Par monseigneur Vaille que vaille, Juge de grasses matinées, Coquillart, Enquête entre la simple et la rusée.

XVIe s. À ce soir sont venues trois postes, qui ont apporté au roy que le pape vault que mort, et qu'il n'y a remede en sa vie, Lettres de Louis XII, t. II, p. 59, dans LACURNE. Si nous vallons rien, nous sçaurons que c'est, et luy deroberons si tu me veulx croire, Cymbalum mundi, p. 65, dans LACURNE. C'est un badinage si maigre, qu'il ne vaut pas d'estre refuté, Calvin, Instit. 1149. Faire valoir ses biens, Amyot, Péric. 35. Il les aguerrissoit et endurcissoit au travail, non point en intention de s'en valoir contre les barbares seulement, Amyot, Pomp. 72. Les esquilles des os vallent mieux qu'elles tombent par nature que par medicamens, Paré, XVI, 34. Il est necessaire d'ajouster l'humidité au fumier, pour le faire valoir, De Serres, 97. Car la devotion fait valoir le present, Et, comme s'il fust d'or, le fait riche et pesant, Ronsard, 867. Des personnes qui valoient moins que luy, Montaigne, II, 35. Nous faisons valoir nos inconvenients oultre leur mesure, pour attirer les larmes, Montaigne, IV, 112. C'est argent qu'argent vaut, Cotgrave Tout bois vaut busches, Cotgrave Par ma foy, dit Ponocrates [à frère Jean], tu vaux trop, Rabelais, I, 41.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « valoir »

(Date à préciser) Du latin valeo.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Berry, vailloir ; génev. vaille qui vaille (ce qui est fautif) ; provenç. et espagn. valer ; ital. valere ; du lat. valere, être fort, valoir ; comparez le sanscrit bala, force.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Phonétique du mot « valoir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
valoir valwar

Fréquence d'apparition du mot « valoir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « valoir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « valoir »

  • C'est proprement ne valoir rien que de n'être utile à personne.
    René Descartes
  • La sotte vanité semble être une passion inquiète de se faire valoir par les petites choses.
    Théophraste — Caractères
  • Il ne faut point refuser pour refuser, mais pour faire valoir ce qu'on accorde.
    Jean-Jacques Rousseau — Emile ou de l’éducation
  • Ici l'habit fait valoir l'homme, Là l'homme fait valoir l'habit.
    Michel-Jean Sedaine — Epitre, à mon habit
  • Il faut aussi se plaindre de son sort pour faire valoir celui des autres.
    Jules Renard — Journal
  • Jamais deux sans trois. Cela serait l'épitaphe de l'humanité, qui pourrait valoir aussi pour les guerres mondiales.
    Stellario Panarello
  • Une association est créée Pour faire valoir leurs droits et défendre leurs emplois, des salariés et ex-salariés d’Inteva se sont constitués en association : "Intevaprès". Ils ont d’ores et déjà pris conseil auprès d’un avocat.
    www.larep.fr — Les salariés d'Inteva Products, à Sully-sur-Loire, entament un combat pour faire valoir leurs droits et sauver leurs emplois - Orléans (45000)
  • "Nous avons toujours cherché à mettre en place des mesures durables et à faire preuve d'endurance dans le travail de longue haleine que nous allons devoir accomplir pour lutter contre cette pandémie", a fait valoir l'épidémiologiste en chef Anders Tegnell lors d'une conférence de presse.
    L'Obs — Coronavirus: les Suédois appelés à télétravailler jusqu'en 2021
  • Cependant, Mizrahi, qui a précédemment servi dans le bureau de la sécurité nationale de Netanyahu, a fait valoir qu’une escalade totale n’était désormais dans l’intérêt d’aucune des deux parties.
    News 24 — Des mots durs mais Israël et le Hezbollah ne veulent pas d'une nouvelle guerre: experts - News 24
  • Bien que l’élection ne se tienne que dans cinq mois, le 6 décembre, le bloc l’a déjà dénoncée comme frauduleuse, arguant que le système électoral lui-même est injuste.La coalition a dans le même temps rejeté l’idée de s’abstenir. le vote, en faisant valoir que c’était « Pas une élection » ils ont refusé de participer.
    News 24 — Le bloc de l'opposition soutenant Guaido pour snober les élections législatives au Venezuela, affirme qu'ils ont biaisé en faveur de Maduro - News 24
Voir toutes les citations du mot « valoir » →

Traductions du mot « valoir »

Langue Traduction
Anglais to be worth
Espagnol valer
Italien valerne la pena
Allemand wert sein
Chinois 值得
Arabe ليكون من المفيد
Portugais valer a pena
Russe быть достойным
Japonais 値打ちがある
Basque merezi izateko
Corse per valerà a pena
Source : Google Translate API

Synonymes de « valoir »

Source : synonymes de valoir sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot valoir au Scrabble ?

Nombre de points du mot valoir au scrabble : 9 points

Valoir

Retour au sommaire ➦