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Piquer

Définitions de « piquer »

Trésor de la Langue Française informatisé

PIQUER, verbe trans.

I. − Entamer légèrement, percer avec une pointe ou un objet pointu.
A. −
1. Empl. trans.
a) Qqn pique qqn/une partie du corps de qqn.Piquer qqn avec une épingle. Mirax semblait jouer; du bout de son épée Il agaçait son homme et lui piquait la peau (Bouilhet,Melaenis, 1857, p.113).Quand Savonarole sera pris, ils le mèneront en prison à travers les rues, alors, avec ces bâtons-là, on va rigoler à lui piquer les fesses (Salacrou,Terre ronde, 1938, iii, 2, p.245).
b) Qqn pique qqc.Le pivert pique l'écorce des arbres. D'ordinaire (...) [Napoléon] promenait sur la salle un oeil incertain, ou mutilait les crayons avec son canif, ou piquait avec ce même canif le tapis de sa table, ou le bras de son fauteuil (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.805):
1. Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises, buvait le jus, déchiquetait la chair rosée... Colette, Sido, 1929, p.49.
c) Qqc. pique qqn/une partie du corps de qqn.Chardons qui piquent les bras, les jambes. Là-bas, Fly se ruait, parce que le fer des étriers la piquait aux flancs (Adam,Enf. Aust., 1902, p.251).Tout à coup, je me trouvai assis par terre, j'étendis les mains. Des buissons... Une épine me piqua le doigt (Benoît,Atlant., 1919, p.283).
d) Qqc. pique qqc.La plume pique le papier. Elle (...) lança le crochet dans les branches de l'arbre (...). À la seconde tentative, la griffe de l'hameçon piqua l'écorce et Chiquita tira la corde à elle (Gautier,Fracasse, 1863, p.389).
2. Empl. pronom. réfl.
a) réfl. dir. Je me pique aux épingles, je serre les cordons en des noeuds indéliables au lieu de les démêler (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Inconnue, 1885, p.1000).Le père Wolf s'était piqué à la couronne d'épines en la portant et (...) il saignait (Giraudoux,Siegfried et Lim., 1922, p.280).
b) réfl. indir. Se piquer les bras, les jambes. Tout en cousant, elle se piquait les doigts, qu'elle portait ensuite à sa bouche pour les sucer (Flaub.,MmeBovary, t.1, 1857, p.15).Papa (...) préparait des examens, la nuit, et se piquait le dos des mains avec son canif pour s'empêcher de dormir (Duhamel,Maîtres, 1937, p.20).
3. Empl. abs.
a) Qqc. pique.Les épines, les ronces, les oursins piquent. La fillette s'assit. Le mousse lui enveloppa les pieds et les jambes d'herbe sèche. −Ça pique, dit-elle (Schwob,Monelle, 1894, p.35).C'est peut-être parce que le chardon pique qu'il ne craint pas la sécheresse. Il ne faut pas être trop indulgent: un peu de haine protège (Renard,Journal, 1905, p.981).
b) Qqn pique.[L'idée dominante est celle d'une blessure infligée au moyen d'une arme aiguë, effilée] À l'Alma, j'ai eu le bonheur de sauver mon colonel blessé; je suis tombé sur un groupe de Russes qui l'emportaient; j'ai sabré, piqué, je me suis tant démené, que j'en ai tué, blessé (Ségur,Auberge ange gard., 1863, p.89).
Arg. Blesser à coups de couteau. [Le meurtre ne] semblait pas signé Riton. La gorge tranchée net (...) un rasoir (...) Riton, il piquait au buffet, en remontant, c'était bien connu (Simonin,Touchez pas au grisbi, 1953, p.45).
B. − En partic.
1. Piquer qqc.Percer quelque chose pour l'attraper, s'en emparer; (en parlant d'un oiseau) effectuer un mouvement du bec analogue à celui d'une pointe. Piquer des aliments avec une fourchette. Des poules piquent un grain entre deux pailles (Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p.384).Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises, buvait le jus, déchiquetait la chair rosée (Colette,Sido, 1929, p.49):
2. ... il s'assit devant la table, tira le tiroir au pain. Comme autrefois, il taillait des bouchées qu'il piquait de la pointe du couteau, trempait dans le verre de vin et portait à sa bouche. Pourrat,Gaspard, 1930, p.8.
a) Pop. Prendre, dérober. Synon. barboter (arg.), chiper (fam.), faucher (pop.).Les copains, ils auront tôt fait de vous piquer le pognon et quand il n'en restera plus, ils vous feront coffrer (Aymé,Uranus, 1948, p.99).On ne peut pas écrire un roman sans piquer des trucs autour de soi, dit Henri (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.556).
Fam., vieilli. Piquer la table*, l'assiette* (vieilli). Pauvre ami! condamné à piquer l'assiette (...) dans les pires ménages de la montagne, il en avait vu bien d'autres! (Fabre,Xavière, 1890, p.37)
b) Arg. des grandes écoles. Piquer (une note). Obtenir (en parlant d'un élève), donner (en parlant d'un professeur) une note (d'apr. Rigaud, Dict. jargon paris., 1878, p.265; ds France 1907).
2. Pop. [Le compl. désigne une pers.] Piquer qqn, se faire piquer. Prendre quelqu'un, se faire prendre en flagrant délit, généralement dans une activité illégale. Synon. fam. se faire pincer (v. ce mot I C 1 a ex. de Colette), se faire choper*.Tu as de l'eau dans le cerveau ou quoi? Le jour où ce cinglé se sera fait piquer tu te sentiras fier? (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.233).
3. [Le compl. désigne certains animaux]
a) Piquer un boeuf, un cheval. Donner des coups d'aiguillon dans les flancs du boeuf, des coups d'éperon dans les flancs du cheval, afin de les stimuler, d'augmenter leur allure. Synon. aiguillonner, éperonner.Ayant vu passer dans le crépuscule un bouvier de Belmont, qui piquait ses boeufs, elle se prit à l'aimer (A. France,Île ping., 1908, p.102):
3. ... voulant se rendre compte de la belle ordonnance des troupes dont il venait de prendre le commandement, il piqua son cheval de l'éperon et s'élança au galop le long de la colonne qui sinuait parmi de légers mimosas d'Afrique. Psichari,Voy. centur., 1914, p.1.
Piquer des deux*, des éperons (v. éperon).
b) Piquer un cheval. Faire pénétrer la pointe du clou jusqu'à la chair, en ferrant le cheval. (Dict. xixes., Quillet 1965).
c) Piquer un poisson. Synon. de ferrer.Quand il pique un gardon de cent grammes, ça devient un brochet de trois livres (Pt Simonin ill., 1957, p.82).
4. [Le suj. désigne un insecte, un serpent, etc.] Enfoncer son aiguillon, son dard, son crochet à venin dans la chair d'un homme, d'un animal. Être piqué/se faire piquer par une guêpe, une puce, un scorpion, une vipère. Les mouches me piquent la figure (Flaub.,Corresp., 1850, p.178).Chaque matin les moustiques lui piquaient la main gauche, chaque soir il perçait les cloques (...) et des petits jets d'eau se mettaient à jaillir (Prévert,Paroles, 1946, p.31):
4. À supposer que, dans la suite des temps, le sphex soit arrivé à reconnaître un à un, par tâtonnement, les points de sa victime qu'il faut piquer pour l'immobiliser, et le traitement spécial qu'il faut infliger au cerveau pour que la paralysie vienne sans entraîner la mort... Bergson,Évol. créatr., 1907, p.174.
Expr. fig. Quelle mouche* le pique? Être piqué de la tarentule*.
5. Vieilli. Piquer des noms sur une liste. [P. méton.] Piquer les absents, les retardataires. Les cocher en faisant une marque avec un crayon, un objet pointu. (Dict.xixes.).
6. Spécialement
a) BEAUX-ARTS. Piquer un dessin.
α) Tracer, avec de petits trous, le contour d'un dessin appliqué sur une surface afin d'obtenir un poncif. Si vous craignez que votre papier ne noircisse le cuir, vous pouvez piquer votre dessin et le poncer (Closset,Trav. artist. cuir, 1930, p.17).On a préalablement exécuté un carton général, que l'on a calqué en piquant le dessin (Moreau-Vauthier,Peint., 1933, p.122).
β) Rehausser les parties claires ou vives d'un dessin à l'aide d'un crayon blanc ou de petites touches de gouache (d'apr. Adeline, Lex. termes art, 1884).
b) CUIS. Garnir un aliment (généralement une viande) de certains ingrédients (ail, lardons, etc.) après y avoir pratiqué de petits trous à l'aide d'un instrument approprié. Piquer un gigot, un rôti. Après deux ou trois heures, piquez les ris de lardons gras, blancs et frais (Gdes heures cuis. fr.,L. Tendret, 1896, p.201).Une table solide, assez grande, à tiroir, pour hacher, piquer les viandes, dresser les mets (Lar. mén.1926, p.466).
c) MÉD., ART VÉTÉR. Introduire une aiguille, une lancette, dans un point précis du corps d'un homme, d'un animal, afin d'effectuer une injection, une ponction, ou de pratiquer l'acupuncture. Piquer (à) la cuisse, (à) l'épaule, (dans) une veine, un muscle; piquer un enfant, un malade. Le malade eut le temps de lui dire, avant d'étouffer −Piquez-moi, piquez-moi tout de suite, avec de l'eau pure! (Zola,Dr Pascal, 1893, p.294):
5. Barca était assis sur son lit. Non, il ne désirait rien de plus (...). L'embêtant c'était qu'on ne voulait pas le piquer à la morphine. Si c'était qu'on craignait qu'il devînt morphinomane, à son âge, on ferait mieux de lui foutre la paix. Malraux,Espoir, 1937, p.511.
(Faire) piquer un animal. Faire (faire) à un animal une piqûre provoquant une mort rapide et sans souffrances. Allons-nous recommencer cette séance où nous avions à décider s'il fallait piquer le chat de Joséphine et où, malgré tous nos efforts, nous n'avons pu aborder la question! (Giraudoux,Folle, 1944, ii, p.111).
Empl. pronom. réfl. S'injecter un stupéfiant. Visiblement elle se piquait, se droguait. Somnolence, voix éteinte, et ce vague spécial dû à la morphine! (Blanche,Modèles, 1929, p.27).Le 14 juillet (...) MmeRezeau se piqua vainement trois fois. Un calcul plus gros que les autres, engagé dans le canal cholédoque, se refusait à passer (H. Bazin,Vipère, 1948, p.100):
6. ... comme il s'était montré plus brutal encore que de coutume, la pauvre fille, exaspérée, s'était sauvée chez une amie. Celle-ci, morphinomane, lui conseilla de se «piquer». Aline calcula-t-elle mal la dose? ou voulut-elle la forcer?... Elle en prit tant, qu'une heure après elle était morte. Gide,Journal, 1902, p.111.
d) TECHNOLOGIE
α) BÂT. Piquer un moellon, une pierre, une surface, etc. Y pratiquer de petites entailles à l'aide d'un outil approprié afin de rendre ces matériaux ou cette surface moins lisse(s) (dans un but pratique ou décoratif). L'archivolte de l'arcade donnant sur la nef [dans la tribune de Saint-Savin] (...) présente une moulure très simple, mais cependant ornée (...). Puis on a piqué cette même moulure, afin d'y faire adhérer le crépi de mortier (Mérimée,Ét. arts Moy. Âge, 1870, p.171).La taille nécessaire pour smiller ou piquer le moellon (...) est comptée séparément [du prix de la maçonnerie] (Robinot,Vérif., métré et prat. trav. bât., t.1, 1929, p.62):
7. ... les ouvriers utilisaient des instruments de toutes sortes. Certains à plusieurs lames et recourbés permettaient d'user lentement la pierre afin de creuser des rainures dans lesquelles venait s'emboîter une autre pierre, travaillée auparavant à l'aide de lames au tranchant convexe. Un moine, Robert Daujant, piquait les pierres, à Cluny, nous dit la légende, à l'aide d'un os de poulet façonné de sa main. Lambertie,Industr. pierre et marbre, 1962, p.61.
β) SERR. Piquer une serrure. ,,Tracer avec une pointe sur le palastre l'endroit où doivent être posées les différentes pièces, dont l'assemblement formera la serrure`` (Jossier 1881; dict.xixeet xxes.).
C. − P. anal.
1. P. anal. (d'aspect). [Gén. empl. à la forme passive ou pronom. à valeur passive]
a) [En parlant du bois] Être creusé, parsemé de petits trous dus aux vers, à certains insectes. Une bûche piquée des vers éclate dans le feu comme un marron d'artifice (Gautier,Fracasse, 1863, p.391).Je déplace l'armoire, ma chère vieille armoire piquée des vers (H. Bazin, Vipère, 1948, p.193).
Loc. fam., p.iron. N'être pas piqué, à piquer des vers, des hannetons. Être bien conservé. Je vous ai choisi tout ce que nous avons de plus beau, mon cher monsieur Godefroid, dit-elle d'un air triomphant... Voilà de jolis rideaux de soie et un lit en acajou qui n'est pas piqué des vers! (Balzac,Initié, 1848, p.376).Être parfait, remarquable dans son genre. Il recevait des lettres anonymes qu'étaient pas à piquer des vers! (Céline,Mort à crédit, 1936, p.510):
8. Des consommateurs entraient (...) et, regardant de côté la jeune femme, clignaient de l'oeil avec malice; ce qui signifiait: «Sacré mâtin! elle n'est pas piquée des vers, l'épouse à Georges Duroy.» Maupass.,Bel-Ami, 1885, p.225.
b) [En parlant de certains matériaux, de certaines surfaces] Être recouvert de petites taches (d'humidité, de rouille, etc.) semblables à des traces de piqûres. Linge, livre, miroir qui se pique/est piqué. L'humidité (...) si elle ne consume pas brusquement les tableaux (...) les dégrade lentement. Dans les musées où la température est mal réglée, les panneaux de bois travaillent, les dessins se piquent. Aussi faut-il veiller de très près aux conditions hygrométriques (Réau,Archives, bibl., musées, 1909, p.29).
Aliment, vin qui se pique/est piqué. Aliment, vin qui se couvre de petites moisissures, qui s'altère, s'aigrit. Son vin se piquait, et il attribuait ce dommage à la façon défectueuse dont ses bouteilles étaient bouchées (A. France,Orme, 1897, p.48).
c) Consteller de petites taches, de petits points lumineux. Astres, lumières qui piquent le ciel, l'ombre. Des points rouges piquaient cette obscurité bleue, comme si les étoiles eussent laissé tomber des étincelles sur la terre (Gautier,Rom. momie, 1858, p.284).Les Anglais sont de drôles d'enfants, aux mains piquées de taches de son, que les écureuils et les pois de senteur font pleurer (Morand,Tendres stocks, 1921, p.88).
2. P. anal. (d'effet). Produire une sensation vive, irritante, rappelant celle de piqûres.
a) [L'objet ou l'être comporte des aspérités, renferme une substance urticante, est fait d'une matière rugueuse] Synon. démanger, gratter (fam.).Méduse, ortie, tissu, vêtement qui pique. Sa barbe grêle piquait à travers ses rides comme le chaume dans les sillons (Balzac,Paysans, 1844, p.230).André donnait de gros baisers à son grand-papa, dont le menton piquait, piquait (A. France,Livre ami, 1885, p.232).
[P. méton.] La joue montre, à contre-soleil, un duvet qui retient la lumière (...). Matin et soir, quand Antoinette Baudoin embrasse Hubert (...) la mère dit en souriant: «Vraiment, tu commences à piquer!» (Duhamel,Suzanne, 1941, p.186).
b) [L'objet affecte certains sens] Synon. brûler, cuire, picoter.Le froid, le vent piquent la peau; la moutarde pique la langue; les larmes piquent les yeux. Une âcre fumée lui piqua les yeux et le gosier, si bien qu'il se prit à tousser comme un chat qui avale des plumes en croquant un oiseau (Gautier,Fracasse, 1863, p.304):
9. Lorsque, tous habillés, nous nous mettions en rond, les jambes croisées en tailleur, pour nous partager, dans deux gros verres sans pied, la limonade rafraîchie, il ne revenait guère à chacun, lorsqu'on avait prié M. Seurel de prendre sa part, qu'un peu de mousse qui piquait le gosier et ne faisait qu'irriter la soif. Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.217.
Empl. abs. Le printemps de Combray (...) piquait encore aigrement avec toutes les aiguilles du givre (Proust, Swann, 1913, p.386).Le soleil pique... Nous aurons du regain, que de regain! (Bernanos,Joie, 1929, p.607).
c) [Le suj. désigne une partie du corps humain; le verbe est accompagné d'un compl. second désignant la pers.] Être le siège d'une sensation de piqûre. La gorge, la langue me pique. Les yeux me piquent à force d'avoir feuilleté (Flaub.,Corresp., 1853, p.412).
Se piquer le nez* (pop.).
D. − Au fig.
1. Piquer qqn (au vif). Irriter vivement; atteindre, blesser l'amour-propre (de quelqu'un). Synon. égratigner, froisser, offenser.Quoique mensonger l'article piquait au vif le Garde-des-Sceaux, sa femme et le Roi (Balzac,Illus. perdues, 1839, p.520).Ma moquerie le piquait au vif et il mit vite un point d'honneur à s'enhardir (Gide,Journal, 1914, p.495):
10. Ce danseur (...) n'est qu'un danseur à la mode, un faiseur de tours de force, pirouettant sans cesse, et tout-à-fait dénué de grâces. Je me taisais, c'était vraiment tout ce que je pouvais faire; cela piqua Madame de Mirval, qui voulait que j'applaudisse. Leclercq,Prov. dram., Répét. prov., 1835, 2, p.367.
Empl. pronom. réfl. Se fâcher, se vexer. Tu aurais pu, chère Louise, te dispenser de te piquer pour ma malheureuse plaisanterie sur d'Arpentigny (Flaub.,Corresp., 1852, p.377).Comme chacun des jeunes gens réclamait la note avec une indifférence enjouée, Gilbert se piqua et tint à la régler seul (Arland,Ordre, 1929, p.422).
Se piquer contre qqn (vieilli). On peut être sublime de charité dans une peste et se piquer contre le prochain dans une simple dispute théologique (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.1, 1840, p.506).
2. Proverbe. Qui s'y frotte s'y pique (v. frotter B 2 b). Cette grande dame devait me perdre: je n'ai eu qu'à souffler sur elle, et elle n'ose plus se montrer (...). On sait maintenant que qui s'y frotte s'y pique (Augier,Effrontés, 1861, p.386).
3. [L'objet désigne une pers. ou une faculté humaine] Exciter, stimuler vivement. Synon. aiguillonner, chatouiller, enflammer, éveiller.Tout ce qui put piquer le goût fut essayé comme assaisonnement ou employé comme tel (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p.265).Ce qui piquait le plus ma curiosité était de savoir comment l'acteur chargé du rôle d'Hamlet se tirerait de ce mélange de bouffonneries et de choses terribles (Delécluze,Journal, 1827, p.455).Les circonstances romanesques de la vie de Christophe ne contribuèrent pas peu à piquer l'attention (Rolland,J.-Chr., Maison, 1909, p.1073).
Piquer d'honneur*.
Empl. pronom. réfl.
Se piquer d'honneur*. Se piquer le nez* (pop.). Se piquer au jeu*.
Se piquer de qqc., de faire qqc. Prétendre posséder une aptitude, une qualité particulière dont on s'enorgueillit. Synon. se flatter (de), se vanter (de), se faire fort (de), se faire gloire (de).Se piquer de distinction, d'élégance, de littérature, de poésie; se piquer de savoir chanter, composer, d'avoir du goût, d'être au courant, à la mode. M. Bourdon donne là un bon exemple à ses confrères qui ne se piquent pas généralement d'exactitude (Becque,Corbeaux, 1882, i, 10, p.93).Le baron de Malefroi, qui se piquait d'être poète, ayant fait rimer rose avec prose (Aymé,Clérambard, 1950, ii, 9, p.119):
11. Il songeait qu'un fils de cet âge le poserait, l'installerait définitivement dans son rôle de veuf remarié, riche et sérieux. Lorsqu'il annonça son projet à Renée, à l'égard de laquelle il se piquait d'une extrême galanterie, elle lui répondit négligemment: −C'est cela, faites venir le gamin... Zola,Curée, 1872, p.403.
II.
A. − Fixer (quelque chose sur quelque chose, deux choses entre elles) en traversant à l'aide d'une aiguille, d'une pointe; transpercer. Piquer des papillons sur un support, des photos au mur. Heureux les gens qui ont passé leurs jours à piquer des insectes sur des feuilles de liège (Flaub.,Corresp., 1846, p.209).Elle piquait sur une aiguille à tricoter des quartiers d'orange, des dattes, des pruneaux (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p.93).
P. métaph. [En parlant d'un portraitiste] M. Degas, en attendant qu'elles deviennent ouvreuses, chiromanciennes ou marcheuses, les pique, toutes vives, devant la rampe [les danseuses] (Huysmans,Art mod., 1883, p.134).
P. anal. [Toutes ces choses] faisaient de cette chambre une sorte de chapelle où le soleil (...) piquait sur les murs, après avoir rosé l'aubépine des rideaux, des lueurs aussi étranges que si la petite chapelle avait été enclose dans une plus grande nef à vitraux (Proust,Past. et mél., 1919, p.233).
B. − Spécialement
1. COUT., SELLERIE. Faire passer un ou plusieurs fils alternativement d'un côté à l'autre d'une ou plusieurs épaisseurs de tissu, de cuir, en les traversant au moyen d'une aiguille, afin d'obtenir une suite continue et régulière de points. Piquer du jersey, du taffetas, du velours; piquer une encolure, des poignets; piquer une semelle, une tige de chaussure; piquer à la machine. Sa fille unique, (...) très habile à piquer à la main les ourlets des chemises et aussi à jouer du piano (Larbaud,Barnabooth, 1913, p.15).Une ouvrière se borne à piquer la doublure des manches, une autre les coutures du dos, une autre le col (Traité sociol., 1967, p.449):
12. ... il suivait son aiguille qui piquait le calicot avec un petit bruit cadencé; et il lui semblait que ce fil emportait et nouait un peu de leurs deux existences. Pendant des heures, elle aurait pu coudre, il serait resté là, à entendre le langage de l'aiguille... Zola,Page amour, 1878, p.942.
Empl. abs. Elle savait tout faire: couper les vêtements d'homme, faufiler, piquer, broder, tricoter (Duhamel,Notaire Havre, 1933, p.61).
Empl. subst. On entendait le piquer de l'aiguille et le tirer de la laine que la princesse passait brusquement dans le canevas (Chateaubr.,Mém., t.4, 1848, p.269).
2. IMPR. Carte à piquer. ,,Carte laminée sur laquelle les épreuves tirées sur papier à report sont assemblées suivant un tracé déterminé`` (Lar. encyclop.). Piquer une épreuve (lithographique). ,,Fixer sur la carte à piquer, en frappant avec une pointe, les épreuves lithographiques qui doivent être reportées sur pierre ou sur zinc`` (Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.).
3. RELIURE. ,,Procéder au brochage d'un volume avec un fil métallique`` (Lar. Lang. fr.).
4. TECHNOL. Brancher une canalisation annexe sur une canalisation principale; poser un robinet sur une conduite. (Dict. xixeet xxes.).
III.
A. −
1. Faire pénétrer (quelque chose) par la pointe. Synon. ficher, planter.Piquer une aiguille dans une étoffe, des épingles sur une pelote, des clous de girofle dans un oignon, une fourchette dans un aliment. Après avoir masqué le dôme avec du blanc d'oeuf (...), vous le glacez avec du sucre fin, ensuite vous y piquez avec symétrie les filets de pistaches (Gdes heures cuis. fr.,Carême, 1833, p.150).Comme le chef avait une mince cravate noire qui ne pouvait porter d'épingle, il piqua le bijou sur le revers de sa redingote (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Hérit., 1884, p.528):
13. ... il revint à l'enfant, souleva le petit bras inanimé, le badigeonna d'iode, découvrit le vaisseau d'un coup de bistouri, glissa la sonde dessous et piqua l'aiguille dans la veine. −«Ça passe», cria-t-il. «Prenez le pouls. Moi, je ne bouge plus.» Martin du G.,Thib., Belle sais., 1923, p.876.
Empl. pronom.
a) réfl. indir. Les petits bouquets de jasmin montés sur des rondelles de carton, que des gamins vendent aux femmes −celles qui n'ont pas de chapeau −et qu'elles se piquent dans les cheveux (T'Serstevens,Itinér. esp., 1933, p.64).
b) à valeur passive. Un enseigne assis à côté de moi s'amusait (...) à laisser tomber la pointe en bas, sur les planches du tillac, le poignard que les officiers de marine portent ordinairement en petite tenue. C'est un amusement (...) qui exige de l'adresse pour que la pointe se pique bien perpendiculairement dans le bois (Mérimée,Mosaïque, 1833, p.117).
2. En partic. Établir, planter en terre. Piquer un bâton dans le sol. J'arrivai près d'un petit étang sur les bords duquel je fis piquer ma tente (Du Camp,Nil, 1854, p.78).Courbe-toi pour piquer un poireau. Repique-le parce que tu es tombé sur une motte (Giraudoux,Électre, 1937, i, 3, p.57).
P. anal. (d'aspect). Piquer un chapeau sur sa tête. Le président, en jaquette et pantalon rayé, sera derechef piqué sur son fauteuil (Mauriac,Nouv. Bloc-Notes, 1961, p.156).
Empl. pronom. Synon. se planter (fam.).On arrivait bien en avance... On se piquait là-haut dans le virage... On s'embêtait pas une seconde... (Céline,Mort à crédit, 1936, p.395).
B. − P. anal. (avec la rapidité du mouvement, la manière de l'effectuer)
1.
a) [Le suj. désigne un oiseau] Effectuer rapidement un mouvement descendant et (presque) vertical. L'aigle pique sur sa proie. De temps en temps l'une [des mouettes] (...) piquait dans l'eau, comme une pierre, et remontait en tournoyant (Alain,Propos, 1907, p.12).
P. anal. [En parlant d'un avion] Descendre brusquement selon une trajectoire presque verticale (avant de se redresser rapidement). Un voyageur qui venait du Luxembourg avait vu un aviateur français piquer droit sur un Zeppelin, −et le crever, comme une bulle de savon! (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.669).Les avions piquent très bas, on dirait qu'ils veulent s'enfoncer comme des clous dans la rue étroite (Triolet,Prem. accroc, 1945, p.406).
b) [Le suj. désigne une pers., un animal, p.méton. un objet doté de mouvement] Se diriger, se lancer rapidement vers un objectif. Piquer au plus court. On piqua droit sur les tentes; il faisait chaud, et nous avions encore à traverser une longue lisière de sables jaunes (Fromentin,Été Sahara, 1857, p.55).Le grand navire piquait son chemin tout droit, sans rouler, sur l'eau clapotante (Mille,Barnavaux, 1908, p.251):
14. ... ils auraient bien voulu se glisser dans leur bateau et piquer au large, dériver, retrouver sur la mer vacante, si douce, leurs gestes de tous les jours, −si maladroits, si empêtrés d'eux-mêmes ils se trouvaient sur cette terre délabrée, aux tristes joies. Gracq,Beau tén., 1945, p.68.
MAR. Piquer dans le vent, piquer au vent. Mettre le cap vers le vent (d'apr. Jal1, Gruss 1978).
c) Locutions
Piquer du nez. Plonger, tomber tête en avant. Les goujons, ventre en l'air, viraient au bord des larges goulots, oscillaient une hésitante seconde, et, d'un coup de queue vif (...) piquaient du nez vers les ténèbres fraîches (Genevoix,Raboliot, 1925, p.19).Je montai en courant les trois étages d'un marchepied qui se dépliait, et, butant, je vins piquer du nez sur les genoux d'une affreuse vieille dame (Gyp,Souv. pte fille, 1928, p.88).
Piquer une tête. Plonger, se jeter à l'eau. Si je ne travaillais pas, je n'aurais plus qu'à piquer une tête dans la rivière avec une pierre au cou (Flaub.,Corresp., 1872, p.62).L'on vit l'étrange ambassadeur se déshabiller tout nu, piquer une tête dans la flotte et nager sans hésitation vers le rivage (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.181).P. métaph. Rabot piqua une tête vers la portière, lancé en avant par une poussée de sa femme (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Bête à mait'Belh., 1885, p.195).Piquer une tête en hauteur dans l'indépendance, dans l'accordéon, ça se solde par quoi, au juste, ces boniments? (Audiberti,Femmes Boeuf, 1948, p.128).
Piquer un cent mètres, un galop, un sprint. Se mettre à courir, se précipiter (vers quelqu'un, quelque chose). Et la chanson continua (...), au train enragé du petit cheval qui s'emballait maintenant à tous les retours du refrain, et piquait chaque fois ses cent mètres de galop, à la grande joie des voyageurs (Maupass.,Contes et nouv., Mais. Tellier, 1881, p.1200).Lavelongue piquait un cent mètres, j'étais sa manie... Je l'avais tout de suite sur le paletot (Céline,Mort à crédit, 1936, p.166).
Piquer des deux*. V. supra I B 2 a.
CHASSE. Piquer à la queue des chiens. Se lancer à leur suite, les serrer de près pour les diriger. (Dict.xixeet xxes.). Piquer dans le fort. ,,Pousser son cheval dans le plus épais du bois`` (Vén. 1974; dict.xixeet xxes.).
d) Au fig., fam. Avoir un accès soudain (de), éprouver, manifester brusquement une envie de quelque chose, de faire quelque chose. Piquer une colère, une crise de nerfs, un fou-rire, une rage, un quarante de fièvre. Tout à coup, battant des mains, sautant, dansant, pirouettant sur place à en tomber d'hystérie et à piquer une crise, elle se mettait à chanter (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.87).Quand elle rentrait elle était plus hargneuse que de coutume; ça n'est pas peu dire; tout prétexte lui était bon pour piquer des colères (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.162):
15. Non, ajouta-t-il avec un accent chargé d'une terrible rancune, je refuserai toujours de faire le cabotin et de piquer des cris d'enthousiasme ou de colère à heure fixe, pour faire jouir les crétins... Abellio,Pacifiques, 1946, p.25.
Piquer un fard*, un soleil* (fam.). Rougir sous l'effet d'une émotion soudaine. À peine avait-il dit ces mots que le duc piqua ce qu'on appelle un soleil (Proust,Sodome, 1922, p.718).Je n'ai pas fini de piquer un fard à l'évocation de cette histoire qui n'est pas vieille de deux ans (H. Bazin,Huile sur feu, 1954, p.39).
Piquer un chien1* (vieilli), un roupillon (pop.), un somme. Faire un somme, dormir un moment. Je vais (...) m'étendre sur mon divan rouge afin de piquer un chien, si faire se peut (Flaub.,Corresp., 1877, p.101).Volpatte manifeste l'intention de «piquer un roupillon» et il s'installe par terre, adossé à une paroi (Barbusse,Feu, 1916, p.238).
2. Frapper quelque chose d'un coup sec. Piquer le sol de coups de sabot.
Spécialement
a) CHORÉGR. Piquer la pointe. ,,Poser directement la pointe d'un pied à terre, la plante des pieds et les orteils restant entièrement soulevés`` (Reyna 1967). Pour piquer la pointe (...) le corps repose sur un pied posé à plat (Meunier,Danse class., 1931, p.211).Piquer la pointe gauche à terre à quatre demi-pieds de distance de la jambe de position (Bourgat,Techn. danse, 1959, p.116).
b) JEUX
α) BILLARD. Piquer la bille. Toucher la bille perpendiculairement avec la queue. (Dict. xixeet xxes.).
β) JEUX DE CARTES, arg. Piquer la carte*.
c) MAR. Piquer la cloche, piquer l'heure. Frapper la cloche du bord autant de fois que de demi-heures écoulées depuis le début du quart. Ayant entendu piquer quatre heures, je descendis dans ma chambre (Dumont d'Urville,Voy. autour du monde, t.5, 1832-34, p.249).Pique huit! cria soudainement le second qui était de quart. Et le mousse frappa sur la cloche les huit coups de minuit (Cendrars,Dan Yack, Plan de l'Aiguille, 1929, p.43).
P. méton. Lorsque l'horloge du bord piquera le quart après minuit, je redescendrai dans la cale (Dumas père, Jeunesse Mousquet., 1849, v, 11, p.378).Midi sonne à la tour de la Douane, la boule du sémaphore tombe, tous les bateaux piquent l'heure (Claudel,Connaiss. Est, 1907, p.98).
d) MUS. Piquer la note, une note. Jouer une note en la détachant vivement, rapidement. Le Staccato se pratiquant (...) en piquant chaque note d'un coup sec (Widor,Techn. orch. mod., 1904, p.208).Le signe de liaison indique qu'il faut faire [les] deux notes du même sens de l'archet, (...) ensuite l'on pique la brève avec plus ou moins de force (Laurencie,Éc. fr. violon, 1924, p.53).
e) TECHNOL. Frapper (un matériau, un appareil, une pièce quelconque) pour nettoyer, détacher certains fragments, etc. Piquer la houille. Un ouvrier (...), au moyen d'un marteau spécial, pique la chaudière à coups répétés qui détachent en éclats la couche d'incrustation (Ser,Phys. industr., 1890, p.237).Pendant qu'il alimente sa machine, le mécanicien pique d'habitude son feu, c'est-à-dire qu'il fait tomber à travers la grille le mâchefer et les cendres (Bricka,Cours ch. de fer, t.2, 1894, p.104).
Piquer la rouille. Marteler une pièce métallique pour en détacher les plaques de rouille. Je pense à toi, au pont de l'Antoinette où je piquais la rouille, dans l'embrun, en détournant la tête pour qu'on ne me vît pas pleurer (Genevoix,Avent. en nous, 1952, p.211).
Prononc. et Orth.: [pike], (il) pique [pik]. Ac. 1694: picquer; dep. 1718: piquer. Étymol. et Hist.I. 2emoitié xiiies. [ms.] «démolir à coups de pics» (Élie de Saint Gille, éd. W. Foerster, 2432). II. A. 1. Ca 1306 «percer avec la pointe d'une épée» (Joinville, La Vie de St Louis, éd. N. L. Corbett, 224); d'où a) 1541 [date de l'éd.] «faire une piqûre (d'insectes)» (Jean de Brie, Le Bon Berger, éd. P. Lacroix, p.58); 1585 et ne say quelle mouche l'avoit piquee (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, II, p.282 ds IGLF); b) ca 1480 «faire un trou, ronger (en parlant des vers)» (Mystere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 31601); 1832 qui n'est pas piqué des vers (Les Amours de Mahieu, Chanson ds Larchey, Excentr. lang., 1865, p.253); c) 1538 «aiguillonner un animal» (Est.); d) id. «ficher en terre» (ibid.); e) 1572, 15 sept. cout. courtepoincte picquee (Vente du Mobilier de Claude Gouffier, duc de Roannes ds Havard); 1606 «coudre deux étoffes ensemble» (Crespin); f) 1660 «larder de la viande» (Oudin Esp.-Fr.); g) 1671 méd. «percer la peau avec une lancette» (Pomey); 2. spéc. a) 1721 mus. note piquee «rendue par un coup sec et détaché et marquée par un point allongé» (Trév.); b) 1773 mar. piquer au vent «aller à l'encontre du vent» (J. Bourdé de Villehuet, Manuel des marins); c) 1831 piquer un chien «dormir» (Musset ds Le Temps, p.75); d) 1835 piquer la bille «toucher perpendiculairement avec la queue (au billard)» (Ac.); e) 1842, 31 août piquer une tête «tomber la tête la première» (E. Briffault, Historiettes contemporaines, 9 ds Quem. DDL t.12) ; f) 1844 piquer un soleil (d'apr. Esn., s.v. soleil); g) 1858 piquer une carte «marquer d'un signe pour tricher» (Larch., p.653); h) id. se piquer le nez «s'enivrer» (ibid.); i) 1908, 7 oct. aviat. (L'Auto ds Petiot). B. Fin xives. «voler au passage» (Eustache Deschamps, Balades, Tout se perd, le monde et l'Eglise, 27, éd. Queux de Saint-Hilaire, VI, 249); 1694 piquer les tables «vivre en parasite» (Ac.); 1807 piquer l'assiette (Michel (J.-F.) Expr. vic., p.152). C. 1393 p.métaph. et fig. «donner la sensation d'entamer avec une pointe» (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p.264, 29); 1580 piquer la langue (B. Palissy, Disc. admir., p.460 ds IGLF); 1671 piquer le goût «affecter le goût de sorte que la langue semble en être piquée» (Pomey); d'où 1835 se piquer «commencer à s'aigrir (du vin)» (Ac.). D. 1456-67 «donner de l'éperon à un cheval» (Les Cent Nouvelles Nouvelles, éd. F. P. Sweetser, 65, 44); 1484 «s'élancer sur son cheval» (J. de Roye, Chron. Scand., II, 39 ds IGLF); 1688 piquer des deux «donner des deux éperons à un cheval» (Rich.). III. 1. 1456-67 piquier son chemin «se sauver à pied en courant» (Les Cent Nouvelles Nouvelles, 50, 39); 2. a) 1596 piquer la cloche «faire résonner avec un marteau» (Compt. d'Et. Caillat, Arch. mun. Avallon, CC 203 ds Gdf.); b) 1773 mar. piquer l'horloge (J. Bourdé de Villehuet, Manuel des marins); c) 1836 id. piquer l'heure (Ac. Suppl.); 3. a) 1636 «piquer le trait d'un dessin pour en faire des copies» (Monet); b) 1676 piquer le grais (Félibien); c) id. «marquer (sur du bois) l'ouvrage qu'il faut y faire» (ibid.); d) 1765 piquer une serrure «tracer les places où doivent être posées les pièces» (Encyclop.). IV. 1. a) 1458 «fâcher» (Arnoul Greban, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 13414); verbe réfl. ca 1590 (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, I, 21, 102); b) 1588 se piquer à «s'entêter à» (Id., ibid., III, 6, 903); c) 1623 se piquer de «se vanter de» (Sorel, Francion, 212 ds IGLF); d) 1644 se piquer d'honneur «faire paraître sa générosité en quelque occasion» (Corneille, Le Menteur, IV, 6); 2. 1615 «exciter, provoquer quelqu'un» (A. d'Aubigné, Tragiques, I, p.4 ds IGLF). I dér. de pic*; dés. -er. II du lat. pop. *pīkkare «piquer, frapper» qui existe dans toutes les lang. rom. dont le cat., esp., port. (picar), à l'exception du roum., dér. prob. d'une onomat. pikk, où la voyelle i exprime ce qui pique, les 2 consonnes explosives sourdes, le début d'un mouvement qui dure un moment, la gutturale dure exprimant le bruit d'un coup sec sur un objet. On trouve de telles formations en all., sans qu'il soit nécessaire d'y chercher l'orig. de la famille des lang. rom. (FEW t.8, p.470b): en lat. class. l'onomat. pic se trouve déjà à l'orig. du subst. pīcus (v. pic-vert). Fréq. abs. littér.: 1505. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1495, b) 2397; xxes.: a) 2332, b) 2441.
DÉR.
Piquoir, subst. masc.Aiguille emmanchée, utilisée pour piquer un dessin. (Dict.xixeet xxes.). [pikwa:ʀ]. 1resattest. 1765 piquois (Encyclop.), 1842 piquoir (Ac. Compl.); de piquer, suff. -oir*.
BBG.Dauzat Ling. fr. 1946, p.157. _Quem. DDL t.2, 6, 16. _Schuchardt (H.). Romanische Etymologien. Sitzungsberichte der philosophisch-historischen Klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. 1899, t.141, no3, p.175.

Wiktionnaire

Verbe - français

piquer \pi.ke\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se piquer)

  1. Percer, entamer légèrement avec quelque chose de pointu. Enfoncer, faire pénétrer une pointe.
    • Je m’apprête, pour descendre à table. J’endosse un gilet de fantaisie, un vêtement sombre. Je pique une perle à ma cravate. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Je me suis piqué le doigt avec une écharde.
    • Piquer quelqu’un jusqu’au sang.
  2. Faire de petits trous, à l’aide d’aiguilles.
    • Piquer un papier, du carton.
    • Piquer des épingles sur une pelote.
  3. (Par extension) (Couture) Coudre, unir, faire avec du fil ou de la soie, sur deux ou plusieurs étoffes mises l’une sur l’autre, des points qui les traversent et qui les unissent.
    • Piquer un couvre-pied.
    • Piquer des bottines, Unir par des points l’étoffe des bottines à leur cuir.
    • Piquer un collet d’habit, des poignets de chemise, etc., y faire des points et arrière-points symétriques pour les orner.
    • Piquer à la machine, piquer des étoffes à l’aide d’une machine à coudre.
    • « Aujourd’hui, disait maman, nous irons chez Mlle Mariette piquer ton tablier. » — (Marcel Arland, Terre natale, 1938, réédition Le Livre de Poche, page 100)
    1. S’emploie encore en des sens analogues dans plusieurs termes d’arts, de métiers, de jeux, etc.
      • Piquer une pierre, un moellon, une meule, etc., les rendre rugueux, en y faisant de petits enfoncements avec le côté pointu du marteau.
  4. Mordre, darder en parlant des serpents, de la vermine, des insectes.
    • Être piqué par un serpent.
    • Être piqué par un moustique, par une guêpe.
    • Les mouches piquent les chevaux.
  5. (Par extension) (Familier) : être follement épris ; avoir l'esprit exalté ou dérangé. (C'est à dire avoir été piqué par une tarentule qui était censée par sa piqûre provoquer la folie, l'exaltation.)
    • Ce gars ne sait plus ce qu'il dit, il est piqué !
    • Et je dis pour m'expliquer À la belle dont je suis piqué. (Du film La Belle Équipe ; chanson : Qu'est-ce que tu dis d'ça de Maurice Yvain et Louis Poterat).
  6. Se dit également des insectes qui entament le bois, les étoffes, etc.
    • Les mites, les vers ont piqué ce manteau.
    • Ce livre est piqué des vers.
  7. (Maréchalerie) Clouter.
    • Piquer un cheval, lui faire entrer la pointe du clou jusqu’à la chair vive, en le ferrant.
  8. (Manège) Éperonner un cheval pour le pousser au galop.
    • Piquer un cheval et, absolument, piquer.
    • Piquer un galop.
    • — Comme il vous plaira, seigneur, répondit Modernus en piquant sa monture. — (Anatole France, Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux, 1909)
    • Ils piquèrent droit, au petit trot, et ils arrivaient sur l’aire quand la porte s’ouvrit. — (Jean Giono, Le hussard sur le toit, 1951, réédition Folio Plus, page 352)
    • Piquer des deux, faire sentir les deux éperons à un cheval afin d’accélérer sa marche.
  9. (Familier) Avancer rapidement ; se diriger vite.
    • Nulle part on ne les gorge autant qu'à La Chapelle-Montlinard, qui aligne au bord d'un bassin une demi-douzaine de silos, et d'où une route pique tout droit vers les toits et les clochers romans de la Charité. — (Jean Rolin, Chemins d'eau, Editions de la Table Ronde, 2013, chap. 33)
  10. (Familier) Plonger, tomber.
    • Piquer une tête, se jeter, tomber la tête la première.
    • Il a piqué la tête la première.
    • J’ai failli piquer une tête du haut du mur.
    • Sur une petite plate-forme, les nageurs se pressent pour piquer leur tête. — (Guy de Maupassant , La femme de Paul, dans La maison Tellier, 1891, réédition Le Livre de Poche, page 226)
  11. (En particulier) (Aéronautique) Descendre brusquement.
    • L’avion revient vers nous, plane un moment sur nos têtes, glisse, remonte et, dans une dernière caracole, pique vers son hangar. — (Charles Le Goffic, Bourguignottes et pompons rouges, 1916, pages 203-204)
  12. (Marine) Aller à l’encontre du vent.
    • Piquer au vent.
  13. (Cuisine) Larder.
    • Piquer de gros lard un morceau de bœuf, Le larder avec de gros lardons.
  14. (Billard) Frapper perpendiculairement.
    • Piquer la bille.
  15. (Musique) Détacher une note.
    • Piquer une note.
  16. (Par extension) Sonner.
    • La cloche venait de « piquer » 19 heures, et nous descendions dîner quand le cri « un ours! » nous rappela sur le pont. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
  17. Picoter la langue.
    • Ce vin pique agréablement.
    • Ce fromage pique.
  18. (Figuré) Faire une vive impression.
    • Il n’y a rien dans cet ouvrage, dans ce style qui pique et qui réveille.
    • Il y a dans la physionomie de cette femme je ne sais quoi qui pique et qui attire.
    • Piquer la curiosité de quelqu’un, Inspirer un vif désir de connaître.
  19. Fâcher, irriter, froisser la susceptibilité ou la légitime fierté de quelqu’un, mettre en colère.
    • Ce discours l’a piqué au vif.
    • La moindre chose le pique.
    • Il dit souvent des choses qui piquent.
  20. (Élevage) Euthanasier (en parlant d’un animal domestique).
  21. (Familier) Emprunter, prendre ou voler quelque chose.
    • Dès huit heures du matin, on se pressait dans le métro en bourrant tous les Parisiens maussades à l'idée d'aller au travail pour leur piquer les places assises. Parfois, on s'asseyait sur les strapontins […]. — (Alexandra Varrin, J'ai décidé de m'en foutre, Éditions Léo Scheer, 2015)
    • Je l'ai invité à nous piquer nos bonnes idées. Il n'a pas dit non. — (Jean-François Lisée, Qui veut la peau du PQ?, éditions Carte blanche, 2019, p. 156)
    • En effet, certains élèves le décrivent comme un fourbe qui leur pique en douce des stylos, des livres et des sous.— (Patricia Tourancheau, Fourniret, naissance d’un prédateur, Les Jours, 10 septembre 2018)
  22. (Pronominal) Se percer légèrement la peau avec quelque chose de pointu.
  23. (Pronominal) Injecter de la morphine ou de quelque autre substance analogue ; se droguer.
    • Il se pique.
  24. (Pronominal) (Familier) (Par ellipse) Se piquer le nez ; s’enivrer légèrement et habituellement.
  25. (Pronominal) Se gâter, en présentant d’ordinaire des trous ou des taches.
    • Ce bois se pique, ces étoffes se piquent, les vers s’y mettent.
    • Ce papier imprimé se pique, il commence à se gâter, faute d’avoir été étendu et séché.
    • Ces confitures se piquent, elles ont des taches de moisissure.
    • Une gravure, un livre qui se pique, où il se fait de petites taches d’humidité.
  26. (Pronominal) Aigrir, tourner au vinaigre.
    • Ce vin, cette boisson se pique, ce vin, cette boisson commence à s’aigrir.
  27. (Pronominal) (Figuré) Se sentir offensé, prendre en mauvaise part.
    • C’est un homme qui se pique du moindre mot qu’on lui dit.
    • Il parle en homme piqué.
  28. (Pronominal) Se glorifier de quelque chose, en faire vanité, en tirer avantage, en faire profession.
    • Il faut avouer que les jansénistes, qui ne se sont jamais piqués d’être fins, l’ont été dans ces derniers temps bien plus qu’ils ne pensaient, et que les jésuites, qui se piquent de l’être beaucoup, ne l’ont été guère. — (Jean le Rond d’Alembert, La Suppression des jésuites (éd. populaire abrégée), Édouard Cornély, 1888)
    • Comment le savez-vous ? lui demandai-je vexé, car je me pique de parler très purement l’espagnol. — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, Éditions Amyot, Paris, 1858)
    • Les gens qui se piquaient d’orthodoxie marxiste n'ont voulu ajouter rien d'essen­tiel à ce qu'avait écrit leur maître […]. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, Chap. V, La grève générale politique, 1908, page 246)
    • C’est que Macron est capable d’ouvrir les portes des salons les plus réputés, ceux où l’on se pique de démocratie du meilleur genre. — (Loïc Tassé, Emmanuel Macron, la putain exigeante, Le Journal de Québec, 6 décembre 2021)
  29. (Tauromachie) (Argot) Lors d’une corrida, achever un taureau d’un coup d’épée.
    • Le généreux picador rejeta bien loin cette exception si avantageuse pour lui. « Si madame et mes compagnons n’ont pas libre pratique, dit-il résolument, je ne piquerai pas !  » — (Prosper Mérimée, Lettres d’Espagne, 1832, rééd. Éditions Complexe, 1989, page 55)
  30. Toucher l’adversaire, dans un duel à l’arme blanche.
    • Ribadier. — Ah ! mais, permettez ! Non ! s’il n’y en a qu’un qui ait le droit de piquer, ce n’est plus un duel, c’est une opération chirurgicale. — (Georges Feydeau, Le Système Ribadier, 1892, acte II, scène 3)
  31. Donner des coups d’aiguillon à un animal de trait pour le forcer à avancer.
    • Il ne sera jamais bon à rien pour le travail de la terre ; mettez-le un peu devant la charrue à piquer les bœufs, vous verrez combien il durera.— (Hector Malot, Sans famille, 1878)
  32. (Nouvelle-Calédonie) (Pêche) (Familier) Pêcher à la sagaie ou au fusil sous-marin.
    • On a piqué des loches. — (Christine Pauleau, Le français de Nouvelle-Calédonie, EDICEF, 1995, ISBN 9782841290239, page 119.)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

PIQUER. v. tr.
Percer, entamer légèrement avec quelque chose de pointu. Une épingle l'a piqué. Il y a des épines qui piquent fort. Piquer quelqu'un jusqu'au sang. Je me suis piqué. Je me suis piqué le doigt. Piquer un papier, Y faire de petits trous.

PIQUER se dit aussi des Serpents, de la vermine, des insectes qui mordent, qui entament la peau. Être piqué par un serpent. Être piqué par un moustique, par une guêpe. Les mouches piquent les chevaux. Fig. et fam., Quelle mouche le pique, l'a piqué? se dit d'un Homme qui se fâche, qui s'est fâché sans sujet apparent.

PIQUER se dit également des Insectes qui entament le bois, les étoffes, etc. Les miles, les vers ont piqué ce manteau. Ce livre est piqué des vers. Fig. et fam., Voilà qui n'est pas piqué des vers, Cela n'est pas mauvais, cela a du mérite. En termes de Maréchal, Piquer un cheval, Lui faire entrer la pointe du clou jusqu'à la chair vive, en le ferrant. En termes de Manège, Piquer un cheval et, absolument, Piquer, Donner des éperons à un cheval et le pousser au galop. Il piqua son cheval, qui partit au galop. Piquer des deux, Faire sentir les deux éperons à un cheval afin d'accélérer sa marche. En termes d'Équitation, Piquer un galop.

PIQUER signifie aussi Enfoncer, faire pénétrer par la pointe. Piquer des épingles sur une pelote. Fam., Piquer une tête, Se jeter, tomber la tête la première. Il a piqué une tête dans l'eau. J'ai failli piquer une tête du haut du mur. En termes de Marine, Piquer au vent, Aller à l'encontre du vent.

PIQUER signifie aussi Faire avec du fil ou de la soie, sur deux ou plusieurs étoffes mises l'une sur l'autre, des points qui les traversent et qui les unissent. Piquer un couvre-pied. Piquer des bonnets. Piquer des bottines, Unir par des points l'étoffe des bottines à leur cuir. Piquer un collet d'habit, des poignets de chemise, etc., Y faire des points et arrière-points symétriques pour les orner. Piquer à la machine, Piquer des étoffes à l'aide d'une machine à coudre.

PIQUER s'emploie encore en des sens analogues dans plusieurs termes d'arts, de métiers, de jeux, etc. Piquer une pierre, un moellon, une meule, etc., Les rendre rugueux, en y faisant de petits enfoncements avec le côté pointu du marteau. Piquer de la viande, La larder avec de petits lardons. Veau piqué. Piquer de gros lard un morceau de bœuf, Le larder avec de gros lardons. Au jeu de Billard, Piquer la bille, La toucher presque perpendiculairement avec la queue. En termes de Musique, Piquer une note, Détacher une note. Note piquée, Note au-dessus de laquelle est marqué un point.

PIQUER se dit aussi des Choses qui affectent le goût de telle sorte que la langue semble en être piquée. Ce vin pique la langue agréablement, désagréablement. Ce fromage pique. Il se dit figurément des Choses qui font une impression vive et agréable. Il n'y a rien dans cet ouvrage, dans ce style qui pique et qui réveille. Il y a dans la physionomie de cette femme je ne sais quoi qui pique et qui attire. Piquer la curiosité de quelqu'un, Inspirer un vif désir de connaître.

PIQUER signifie aussi Fâcher, irriter, froisser la susceptibilité ou la légitime fierté de quelqu'un, mettre en colère. Ce discours l'a piqué, l'a piqué au vif, jusqu'au vif. La moindre chose le pique. Il dit souvent des choses qui piquent. Il se dit pour Faire des injections de morphine ou de quelque autre substance analogue. Il se pique à la morphine. Fig. et fam., Se piquer le nez, S'enivrer légèrement et habituellement.

SE PIQUER se dit aussi de Certaines choses qui se gâtent en présentant d'ordinaire des trous ou des taches. Ce bois se pique, ces étoffes se piquent, Les vers s'y mettent. Ce papier imprimé se pique, Il commence à se gâter, faute d'avoir été étendu et séché. Ces confitures se piquent, Elles ont des taches de moisissure. Une gravure, un livre qui se pique, Où il se fait de petites taches d'humidité. Ce vin, cette boisson se pique, Ce vin, cette boisson commence à s'aigrir.

SE PIQUER signifie, au figuré, Se sentir offensé, prendre en mauvaise part. C'est un homme qui se pique du moindre mot qu'on lui dit. Il parle en homme piqué. Il signifie aussi Se glorifier de quelque chose, en faire vanité, en tirer avantage, en faire profession. Il se pique de bien écrire, de bien parler, etc. Il se pique d'être toujours bien renseigné. Il se pique de bonne éducation, de politesse raffinée. Se piquer d'honneur, Dans une certaine circonstance, exiger de soi-même une conduite que l'on juge conforme à l'honneur. Se piquer au jeu ou simplement Se piquer, S'opiniâtrer à jouer malgré la perte. Fig. et fam., Se piquer au jeu, être piqué au jeu se dit d'une Personne qui veut venir à bout de quelque chose, malgré les obstacles qu'elle y trouve, ou même d'autant plus vivement qu'elle y trouve plus d'obstacles. Le participe passé s'emploie aussi adjectivement. Poulet piqué, Poulet lardé.

PIQUÉ se dit aussi familièrement de Quelqu'un qui a le cerveau un peu dérangé. Il est un peu piqué.

Littré (1872-1877)

PIQUER (pi-ké), je piquais, nous piquions, vous piquiez ; que je pique, que nous piquions, que vous piquiez v. a.

Résumé

  • 1° Entamer légèrement avec quelque chose de pointu.
  • 2° Percer la peau avec la lancette.
  • 3° Se dit des serpents, des insectes.
  • 4° Entamer les étoffes, le bois, en parlant d'insectes, de vers.
  • 5° Piquer un cheval.
  • 6° Coudre deux étoffes avec un point arrière régulier.
  • 7° Piquer une pierre.
  • 8° Piquer un dessin
  • 9° Piquer, en charpenterie en marine, en serrurerie
  • 10° Frotter, polir.
  • 11° Ajouter un robinet à une conduite d'eau.
  • 12° En cuisine, faire entrer, en piquant, quelque ingrédient.
  • 13° Au billard, piquer la bille.
  • 14° À la natation, piquer une tête.
  • 15° Piquer les tables, les assiettes, vivre en parasite. Piquer le coffre, le tabouret, l'escabelle.
  • 16° Marquer ceux qui manquent à un appel.
  • 17° En parlant des mets, avoir un goût fort.
  • 18° Fig. Faire une impression morale comparée à une piqûre.
  • 19° Fig. Exciter, réveiller, animer.
  • 20° Faire naître un sentiment d'amour.
  • 21° Faire une impression vive et agréable.
  • 22° Frapper d'un trait satirique.
  • 23° Fâcher, irriter, mettre en colère.
  • 24° V. n. Piquer, en fauconnerie, en vénerie.
  • 25° En marine, piquer au vent.
  • 26° Au jeu, piquer sur.
  • 27° V. réfl. Se piquer, s'entamer avec un corps pointu.
  • 28° Devenir percé de petits trous, en parlant d'étoffes, de livres, etc.
  • 29° Commencer à s'aigrir.
  • 30° Fig. Se prendre d'amour.
  • 31° Se vanter de, avoir des prétentions à.
  • 32° S'affliger.
  • 33° Se sentir offensé.
  • 1Entamer légèrement avec quelque chose de pointu. Il se piquait un doigt toutes les fois qu'il écrivait à cette princesse, et ne lui écrivait jamais que de son sang, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 292, dans POUGENS. Il [le tangaras] se nourrit de fruits, et pique les bananes et les goyaves, qu'il détruit en grande quantité, Buffon, Ois. t. VII, p. 388.

    Absolument. Le bon sens et l'expérience nous assurent que le meilleur moyen pour n'être point blessé par la douleur d'une piqûre, c'est qu'il ne faut point se piquer ; mais les stoïciens disent : Piquez, et je vais, par la force de mon esprit et par le secours de ma philosophie…, Malebranche, Rech. vér. v, 2.

    Piquer un papier, y faire de petits trous.

    Il ne sent rien quand on le pique, se dit d'un ladre ou lépreux dont la peau est insensible, et fig. de celui qui est insensible aux affronts.

    Fig. Elle mit une haie d'épines autour de ses oreilles, pour arrêter et pour piquer les médisants, Fléchier, Dauphine.

    Terme de pêche. Piquer un poisson, donner à l'hameçon une secousse plus ou moins forte, pour le faire entrer dans les chairs du poisson, quand on sent que la proie mord.

    Synonyme de harponner.

    En termes de marine, piquer un homme, le frapper avec un bout de corde.

  • 2Se dit du chirurgien qui perce la peau avec la lancette pour saigner. Je me regarde saigner, je tiens moi-même la lumière, ce qui est fort simple, et je ne puis, sans quelque peine, voir piquer une autre personne, Genlis, Veillées du château t. I, p. 136, dans POUGENS.

    Piquer l'artère, piquer le tendon, se dit de la lésion de ces organes faite par la lancette en saignant.

  • 3Il se dit aussi des serpents, des insectes. Une vipère le piqua au pied. Son corps nu, exposé au soleil, fut bientôt couvert et piqué de mouches et de moucherons, Scarron, Rom. com. II, 16. Tel qu'on voit un taureau qu'une guêpe en furie A piqué dans les flancs aux dépens de sa vie, Boileau, Lutr. I.

    Absolument. Tous venins y mourront comme aux temps de nos pères, Et mêmes les vipères Y piqueront sans nuire, ou n'y piqueront pas, Malherbe, VI, 6.

    Fig. On ne sait quelle mouche le pique, on ne sait point le sujet de sa colère, de son dépit. On ne sait bien souvent quelle mouche le pique, Boileau, Sat. IX.

  • 4Il se dit des entamures que certains insectes font aux étoffes, aux bois. Les teignes, les vers ont piqué cet habit, ces livres.
  • 5 Terme de maréchalerie. Piquer un cheval, lui faire entrer, en le ferrant, la pointe d'un clou jusqu'à la chair vive.

    Terme de manége. Piquer un cheval, ou, absolument, piquer, donner de l'éperon à un cheval, et le pousser au galop. Il ne songea donc plus qu'à piquer sa bête qui n'était pas fort bonne, Scarron, Rom. com. II, 13. Malgré les fâcheuses circonstances de son État, Sa Majesté Britannique ne laissait pas d'aller courageusement à la chasse avec Monseigneur, et piquait comme eût pu faire un homme de vingt ans qui n'a d'autre souci que celui de se divertir, La Fayette, Mém. cour de France, Œuv. t. II, p. 408, dans POUGENS. Ils virent paraître du côté de Valence quatre ou cinq cavaliers qui piquaient à outrance, Lesage, Diable boit ch. 13.

    Ce cavalier pique bien, il pousse vigoureusement son cheval au galop

    Piquer des deux, donner des deux éperons à la fois, et, par conséquent, donner vigoureusement de l'éperon pour accélérer sa marche. Tantôt piquant des deux, tantôt marchant à petits pas, Rousseau, Ém. v.

    Fig. Piquer des deux, faire grande diligence. C'est une affaire où il faut piquer des deux.

    Familièrement. Piquer la mazette, monter un mauvais cheval. Depuis huit jours entiers avec vos longues traites Nous sommes à piquer des chiennes de mazettes, Molière, Sgan. 7.

    Terme de chasse. Piquer dans le fort, pousser son cheval au galop dans le fort du bois.

  • 6Coudre deux étoffes avec un point arrière régulier, dont le second point entre dans le trou fait par le premier et ainsi de suite, de façon qu'il n'y a point d'intervalle entre les points.

    Piquer un collet d'habit, des poignets de chemises, y faire des points et des arrière-points symétriques pour les orner.

    Piquer du taffetas, du tabis, le percer et le figurer avec un petit fer.

    Terme de cordonnier. Faire des rangs de points tout autour de la première semelle. Le cordonnier pique aussi les bordures des souliers, l'étoffe des bottines à leur cuir.

    Terme de tapissier. Fixer le crin avec la toile de rembourrure pour former le fond et le dossier d'un siége.

  • 7 Terme de maçonnerie. Piquer une pierre, la rendre raboteuse, en y faisant de petits trous avec un marteau. Tout s'est borné à des préparatifs, et à piquer à coups de marteaux de grandes pierres de roche, qui, à mon gré, ne conviennent point du tout à une maison de campagne, Voltaire, Lett. Mme de St-Julien, 14 déc. 1775.
  • 8 Terme de beaux-arts. Piquer un dessin, en suivre les contours en piquant légèrement, de manière à former un poncis.

    Rehausser les parties claires par des touches de crayon blanc, ou avec du blanc détrempé dans de l'eau de gomme.

  • 9 Terme de charpentier. Marquer avec le traceret sur une pièce de bois l'ouvrage qu'il faut y faire.

    Terme de marine. Piquer une pièce de bois, la brocheter.

    Terme de serrurier. Piquer une serrure, tracer avec une pointe sur le palastre l'endroit où doivent répondre les différentes parties qui, par leur assemblage, forment la serrure.

  • 10Frotter la surface d'une glace avec une autre glace, en introduisant entre elles de l'émeri humecté d'eau.

    Terme de marbrier. Polir une pièce de marbrerie en frottant sa surface avec un bouchon de linge fin humecté d'eau, sous lequel on met du plomb en limaille, ou de l'émeri, ou bien encore de la boue de lapidaire.

  • 11 Terme de fontainier. Ajouter un robinet sur une conduite.
  • 12 En termes de cuisine, faire entrer, en piquant, quelque ingrédient. Piquer des oignons de clous de girofle.

    Piquer de la viande, la larder. Il y a les Hébreux qui ne vous donneront jamais de boudin ni de lard… ils aimeraient mieux mourir que de piquer un poulet, Voltaire, Dial. 16.

    Piquer de gros lard un morceau de bœuf, le larder avec de gros lardons.

    Piquer menu, piquer avec des lardons fins. Nous trouvâmes qu'il fallait qu'ils fussent pour le moins trois cents piqueurs pour piquer menu, Sévigné, 68.

  • 13 Terme de billard. Piquer la bille, la toucher presque perpendiculairement avec la queue.
  • 14Piquer une tête, s'élancer dans l'eau la tête la première, ou y tomber la tête la première.
  • 15 Fig. Piquer les tables, les assiettes, et, plus ordinairement, piquer l'assiette, courir après les dîners, vivre en parasite.

    Substantivement. Un pique-assiette, un parasite.

    Fig. Piquer le coffre, piquer le tabouret, se disait de celui qui, chez le roi ou chez un grand, attendait dans une antichambre, assis sur un coffre.

    Piquer l'escabelle, en parlant d'un jeune homme, travailler dans les études des notaires ou des avoués (locution peu usitée).

  • 16 Fig. Piquer les absents, marquer ceux qui manquent à leur poste, à un appel. Le sous-chef donnait au chef le nom des absents, et, dans l'instant où le travail commençait, sans faire d'appel, tous les absents étaient notés et piqués, Forfait, Instit. Mém. scienc. t. v, p. 287.

    Piquer des ouvriers, veiller à ce qu'ils soient présents, à ce qu'ils ne perdent pas leur temps.

    Terme de marine. Piquer l'heure, toucher, avec le battant d'une cloche, un certain nombre de fois déterminé par l'usage, la paroi intérieure de cette cloche, pour annoncer l'heure. À bord des bâtiments français, on a l'habitude de piquer l'heure toutes les trente minutes, Jal

  • 17 Fig. En parlant des mets, avoir un goût fort, faire une vive impression. Ce vin pique la langue.

    Absolument. Ce fromage pique.

    Il se dit absolument aussi du poisson qui n'est plus frais et qui affecte désagréablement le goût. Cette alose pique.

  • 18 Fig. Faire une impression morale comparée à une piqûre. Son histoire m'a remué tout l'esprit et piqué tout ce qu'il a de sensible, Guez de Balzac, liv. VII, lett. 7. Le blâme piquait au vif les cœurs généreux et retenait les plus faibles dans le devoir, Bossuet, Hist III, 6. Ainsi les amertumes et les épines de la vertu ont toujours du moins une utilité présente qui en dédommage : en nous dégoûtant, elles nous purifient ; en nous piquant, elles nous guérissent, Massillon, Carême, Dégoûts. Piquer de…, faire éprouver un certain sentiment. Je sais trop qu'un tyran est sans reconnaissance, …Et suis trop au-dessus de cette indignité Pour te vouloir piquer de générosité, Corneille, Héracl. III, 2. Ils [les Juifs] m'ont, dit-il [Jéhovah], piqué de jalousie, en adorant ceux qui n'étaient pas dieux, Bossuet, 2e sermon, profession, 3.

    Piquer d'honneur, exciter une personne à quelque chose, en lui représentant qu'elle a du cœur et de l'honneur. Le connétable de Montmorency aida à me tromper : il me persuada qu'il fallait vous piquer d'honneur, en vous laissant passer sans condition, Fénelon, Dial. des morts mod. (Charles V, François Ier)

  • 19 Fig. Exciter, réveiller, animer. Un brûlant aiguillon lui pique le courage, Régnier, Épît. I. Cette immortalité où ils aspiraient, et dont l'espérance les piquait, les encourageait, les emportait au travers de tous les obstacles, Bourdaloue, Serm. pour la Toussaint, III. Voilà comment s'expliquaient autrefois les prophètes pour exciter dans les esprits de leurs auditeurs cette émulation toute divine dont ils tâchaient de les piquer, Bourdaloue, Serm. pour le dim. octave de la Passion, II. La peine doit être aussi légère qu'il est possible, mais accompagnée de toutes les circonstances qui peuvent piquer l'enfant de honte et de remords, Fénelon, Éduc. des filles, v. Il [Cambyse] le prit [Polycrate] par ce double appât, en piquant par la même offre et son avarice et son ambition, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. II, p. 331. Des marques d'honneur et de justes récompenses attachées au mérite piquent et réveillent l'industrie, Rollin, Traité des Ét. VI, II, 1.

    Piquer la curiosité de quelqu'un, rendre plus vif le désir qu'il a de savoir quelque chose. Je ne m'amuserai point à dire que j'ai choisi, dans toute la philosophie, la matière la plus capable de piquer la curiosité ; il semble que rien ne devrait nous intéresser davantage, que de savoir comment est fait ce monde que nous habitons, Fontenelle, Mondes, Préf.

  • 20 Fig. Faire naître un sentiment d'amour, une passion. Ce penser… Du trait de sa beauté me pique jour et nuit, Régnier, Plainte. …les âmes… S'attachent l'une à l'autre, et se laissent piquer Par ces je ne sais quoi qu'on ne peut expliquer, Corneille, Rodog. I, 7. …Elle-même est l'objet qui le pique, Th. Corneille, Berger extravag. I, 4.
  • 21 Fig. Faire une impression vive et agréable. Les plaisirs défendus n'auront rien qui vous pique, La Fontaine, Coupe. Ils essayent de tout : rien ne les pique, Massillon, Pet. carême, Malh.

    Absolument. La physionomie de cette femme pique et attire. C'est la plus divine lettre du monde ; il n'y a rien qui ne pique et qui ne soit salé, Sévigné, 19 juill. 1675. La vie de sérail est une vie unie qui ne pique pas, Montesquieu, Lett. pers. 34.

  • 22 Fig. Frapper d'un trait satirique. D'un ris et de ces mots elle m'alla piquant…, Régnier, Élég. IV. M. Jurieu… en maltraitant un auteur qui l'avait piqué dans quelque endroit délicat, Bossuet, Déf. Var. 1er disc. 66. Mais qu'on nous pique, même légèrement, mais qu'on nous rende un mauvais office ; c'est alors que tout le feu de la colère s'allume et nous transporte, Bourdaloue, Dim. Octave de l'Ascension, Dominic. t. II, p. 275.

    Absolument. C'est ce qui m'a contraint de librement écrire, Et, sans piquer au vif, me mettre à la satire, Régnier, Sat. I.

  • 23 Fig. Fâcher, irriter, mettre en colère. Et vous n'ignorez pas combien cela me pique, Corneille, le Ment. III, 1. Apprends-moi le sujet qui contre moi te pique, Molière, l'Ét. II, 14. La déraison me pique, et le manque de bonne foi m'offense, Sévigné, 8 avr. 1671. Dites d'une femme mondaine, qu'elle est ridicule dans ses manières et pitoyable dans sa figure, vous la piquerez plus vivement que si vous lui reprochiez un commerce de galanterie, Bourdaloue, 12e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 326.

    Absolument. Un malheur continuel [au jeu] pique et offense, Sévigné, 9 mars 1672.

    Piquer au vif, causer une très vive irritation.

  • 24 V. n. Terme de fauconnerie. Piquer après la sonnette, suivre l'oiseau, qui porte en effet une sonnette.

    Terme de chasse. Piquer à la queue des chiens, les suivre d'assez près pour les aider et les faire manœuvrer. Le piqueur doit bien accompagner ses chiens, toujours piquer à côté d'eux, toujours les animer sans trop les presser, Buffon, Quadrup. t. II, p. 21.

  • 25 Terme de marine. Piquer au vent, même sens que pincer le vent.
  • 26Au jeu, piquer sur, commencer à prendre des points sur un adversaire qui a déjà une grande avance.
  • 27Se piquer, v. réfl. S'entamer avec un corps pointu. Il s'est piqué dans les ronces.

    Fig. Il est impossible de s'approcher d'eux [des gens mal gracieux] sans se piquer, Guez de Balzac, De la cour, 6e disc.

  • 28Il se dit de certaines choses, étoffes, livres, etc. que les vers percent de petits trous. Ce bois se pique. Ces étoffes se piquent.

    Par assimilation aux piqûres de vers, ce papier imprimé se pique, il jaunit, se tache.

  • 29Cette boisson se pique, elle commence à s'aigrir.
  • 30 Fig. Se prendre d'amour. Il se piqua pour certaine femelle De haut état…, La Fontaine, Magnif. S'il se fût piqué d'elle, La Fontaine, Court.
  • 31 Fig. Se vanter de, avoir des prétentions à. Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien, La Rochefoucauld, Max. 203. Le mulet d'un prélat se piquait de noblesse, La Fontaine, Fabl. VI, 7. Parmi les animaux le chien se pique d'être Soigneux et fidèle à son maître, La Fontaine, ib. VIII, 25. On n'apprend pas aux hommes à être honnêtes hommes [hommes comme il faut] ; et ils ne se piquent jamais tant de savoir rien du reste, comme d'être honnêtes hommes, Pascal, Pens. VI, 32, éd. HAVET. Je ne me pique ni de fermeté, ni de philosophie, Sévigné, 125. Je ne trouve rien de plus bas ni de plus vain parmi les hommes que de se piquer de science ; mais aussi ne faut-il pas en avoir beaucoup pour répondre à M. Basnage, Bossuet, Déf. var. 1er disc. 62. Je ne me pique point du scrupule insensé De bénir mon trépas quand ils [les sultans] l'ont prononcé, Racine, Baj. I, 1. La plupart [des sophistes], comme Gorgias, se piquaient de satisfaire sur-le-champ à toutes les questions qu'on leur pouvait faire, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IV, p. 386, dans POUGENS. Catinat avait dans l'esprit une application et une agilité qui le rendaient capable de tout, sans qu'il se piquât jamais de rien, Voltaire, Louis XIV, 16. Il se piquait de tout, et n'était bon à rien, Marmontel, Cont. mor. Heureusement.

    S'en piquer, avoir la prétention d'exceller en quelque chose. Eh comment diable ! je ne ferais pas mieux, moi qui m'en pique [de versifier], Beaumarchais, Barb. de Sév. I, 6.

    Se piquer d'honneur, montrer dans quelque occasion plus de courage, plus de générosité, etc. qu'on n'a coutume d'en faire paraître. Sans te piquer d'honneur, crois qu'il n'est que de prendre, Corneille, le Ment. IV, 6.

    Se piquer d'honneur, signifie aussi tenir obstinément à ce qu'on a décidé. Le siége apostolique a cela de recommandable qu'il ne se pique pas d'honneur, et se porte volontiers à révoquer ce qu'on a tiré par surprise, Pascal, Prov. XVIII.

    Se piquer au jeu, ou, simplement, se piquer, s'opiniâtrer à jouer malgré la perte.

    Fig. Se piquer au jeu, persister dans une entreprise malgré les obstacles, s'y opiniâtrer.

  • 32 Fig. S'affliger (vieilli en ce sens). Après tout, entre nous, confesse franchement Qu'une fille en ces lieux qui perd un frère unique, Jusques au désespoir fort rarement se pique, Corneille, Mél. IV, 10.

    Devenir plus cuisant, plus amer. Ce que j'eus lors de joie augmente mon regret ; Par là mon désespoir davantage se pique, Corneille, la Gal. du Pal. III, 11.

  • 33 Fig. Se sentir offensé, prendre en mauvaise part. Ces gens à se piquer ardents, Régnier, Sat. x. Entre amis on ne va pas se piquer pour si peu de chose, Molière, Préc. 15.

HISTORIQUE

XIIIe s. Illec [là] les Turs nous assailloient de toutes pars ; une partie d'eulz entrerent en la meson deffete, et nous piquoient de leurs glaives par desus, Joinville, 225.

XVe s. Et ceux de dehors avoient fait chas et instrumens, par quoi on piquoit les murs, tout à couvert, Froissart, I, I, 155. Chascun qui puet [peut] prent, hape et pique, Pour avoir grant estat et mise, Deschamps, Poésies mss. f° 337. Le suppliant loua les jumens ou eques de Raymond, pour piquer ou batre son mil ou blé, Du Cange, picare. Au rapport qu'il fit, il estoit fort malade, et, à la verité dire, aussi estoit-il bien piqué [amoureux], Louis XI, Nouv. XLVIII. L'autre se taisoit et piquoit son chemin [fuyait], Louis XI, ib. LXXXIV. Elle monta sur son cheval, et piqua fort, tant qu'ils eurent eslongé la place, Louis XI, ib. XCVIII.

XVIe s. Ces hommes satyriques font profession de mesdire et de picquer tout le monde, Amyot, Péric. 30. Le dit Luther demouroit piqué [arrêté] en sa doctrine, Sleidan, f. 4. Il fallut courir à l'escurie, où depuis trois semaines par prevoiance on avoit accoustumé de picquer des chevaux en une carriere ouverte, D'Aubigné, Hist. II, 187. Puis le fils ayant picqué près du pere pour avoir veu à son visage une esmotion non accoustumée, D'Aubigné, Mém. éd. LALANNE, p 5. On pique à pointe de marteau les meules de moulin, quand elles sont trop applanies, Paré, IV, 1. Un sachet de tafetas bien piqué, Paré, XXI, 2. Comme les tempestes se picquent contre l'orgueil de nos bastiments, Montaigne, I, 66. Sans se picquer [s'entêter] et opiniastrer à se convaincre…, Montaigne, I, 97. De quoy Plutarque se picque [se fâche] avec raison, Montaigne, I, 265. Il s'y affectionne, il s'y picque et s'y plaist [à cet exercice], Montaigne, II, 358. Trop piquer le cheval le fait restif, Cotgrave

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PIQUER.
29Ajoutez :

Se piquer, s'altérer, se dit aussi en parlant de l'huile. Au bout d'une année, l'huile d'olive de Dalmatie se pique, suivant l'expression populaire, et n'est plus mangeable, Journ. offic. 3 fév. 1873, p. 791, 2e col.

34Locution populaire. Piquer un chien, dormir dans la journée sans être couché.

On attribue cette métaphore avec vraisemblance aux mendiants aveugles assis avec leur chien devant eux, qui auraient soin de tenir dirigée vers l'animal la pointe de leur bâton, afin que, s'ils viennent à s'endormir et dès lors à se pencher en avant, la pointe pique le chien, qui, en remuant, les réveille.

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Étymologie de « piquer »

Dérivé de pic issu du latin picus (« pic-vert »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Pic 1 ; prov. picar, pichar ; espagn. picar ; ital. piechiare ; angl. to pick ; allem. picken.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Phonétique du mot « piquer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
piquer pike

Fréquence d'apparition du mot « piquer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « piquer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « piquer »

  • Une puce ne peut pas piquer une locomotive, mais elle peut rendre fou le machiniste.
    Quino — Mafalda
  • Un moustique peut piquer et faire se cabrer un cheval, mais l'un demeure un insecte et l'autre est toujours un cheval.
    Jules Renard
  • Il faut se piquer d'être raisonnable, mais non pas d'avoir raison.
    Joseph Joubert — Pensées
  • C’est très difficile de piquer son argent à quelqu’un qui en a vraiment beaucoup. En général, ça se fait plutôt par la force.
    Philippe Jean — Politics
  • Les partis politiques c’est quand même l’art d’occuper le pouvoir quel que soit le programme et de piquer les idées des autres pour les appliquer si on voit qu’elles marchent.
    Brice Lalonde — Entretien avec Karl Zéro
  • Il n'y a pas moyen d'avoir de l'esprit sans être un peu méchant. La malice d'un bon mot est la pointe qui le fait piquer.
    Shéridan — L'École de la médisance
  • À l'heure où il est plus agréable de manger dehors et de dormir les fenêtres ouvertes, une question revient : comment se fait-il que certains se fassent systématiquement piquer, tandis que d'autres semblent passer à travers ? 
    RTL.fr — Moustiques : pourquoi certains se font-ils plus piquer ?

Traductions du mot « piquer »

Langue Traduction
Anglais sting
Espagnol picadura
Italien puntura
Allemand stachel
Chinois
Arabe العقرب
Portugais picada
Russe ужалить
Japonais 刺す
Basque sting
Corse sting
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Synonymes de « piquer »

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Combien de points fait le mot piquer au Scrabble ?

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Piquer

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