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Personne

Variantes Singulier Pluriel
Féminin personne personnes

Définitions de « personne »

Trésor de la Langue Française informatisé

PERSONNE1, subst. fém.

I. − Individu de l'espèce humaine, sans distinction de sexe.
A. −
1. Cet individu défini par la conscience qu'il a d'exister, comme être biologique, moral et social. Le pouvoir que l'homme a de s'emparer de ses capacités naturelles et de les diriger fait de lui une personne (Jouffroy,Mél. philos., 1833, p.246).La chair se corrompt dès que l'esprit l'abandonne −l'esprit: cette part de nous-même différente des milliards d'humains qui nous ont précédés et qui viendront après nous, cette âme qui peut être sauvée ou perdue mais non détruite. Et nous ne constituons une personne que dans la mesure où elle existe et où nous le savons. L'homme est esprit ou il n'est rien (Mauriac,Mém. intér., 1959, p.91):
1. «Personne» vient, selon lui [Claudel], de per-sonare: résonner à travers; cette étymologie a été interprétée souvent dans un sens trop littéral par ceux qui y voient l'image du personnage théâtral, dont la voix se fait entendre sous le masque. Pour Carus, la personne est l'individu à travers lequel transparaît l'idée et s'exprime la voix de la divinité intérieure. Tout notre effort de progrès personnel doit tendre vers cette transparence. Béguin,Âme romant., 1939, p.132.
La personne humaine. [Expr. tautologique qui insiste sur l'appartenance au genre humain] Individu de l'espèce humaine qui se distingue du simple individu biologique et a droit à la considération parce que doué d'une conscience morale. Synon. l'être humain.Épanouissement, exaltation, liberté, primauté, respect, unité de la personne humaine. La personne humaine est sainte, elle l'est dans toute sa nature, et particulièrement dans ses actes intérieurs, dans ses sentiments, dans ses pensées, (...) dans ses déterminations volontaires (Proudhon,Propriété, 1840, p.174).Le travail des prolétaires ne leur appartient pas tout entier. Et comme, dans notre société fondée sur la production intensive, l'activité économique est une fonction essentielle de toute personne humaine, comme le travail est une partie intégrante de la personnalité (Jaurès,Ét. soc., 1901, p.126).Les prisonniers demandaient qu'on respectât en eux la personne humaine et qu'on les nourrît correctement, moyennant quoi ils consentaient à travailler sans trop de répugnance (Ambrière,Gdes vac., 1946, p.189).
2. En partic.
a) PHILOS., MOR., PSYCHOL.
α) HIST. DE LA PHILOS., SCOLAST. [Chez Boèce] ,,Individu doué de raison en tant que constituant une substance`` (Foulq.-St-Jean 1962). À la suite de Boèce qui posa la personne comme une «substance individuelle de nature rationnelle», le Moyen Âge engagea la réflexion sur la personne dans une vue tout à la fois individualiste et intellectualiste (Dict. des grandes philos., 1973, p.281).
β) Être humain considéré comme un être conscient de son existence, possédant la continuité de la vie psychique et capable de distinguer le bien du mal. La personne, nous l'avons vu, est unité significative, le caractère forme génératrice et déterminante d'une mélodie structurelle (Mounier,Traité caract., 1946, p.47).
b) Individu défini par ses droits et ses devoirs. Droits, devoirs, incapacité de la personne. On ne peut vendre la succession d'une personne vivante, même de son consentement (Code civil, 1804, art. 1600, p.295).On dit parfois que les crimes contre la personne individuelle n'étaient pas reconnus chez les peuples inférieurs, que le vol et le meurtre y étaient même honorés (Durkheim,Divis. trav., 1893, p.138).La personne des prolétaires ne leur appartient pas tout entière. Ils aliènent une part de leur activité, c'est-à-dire une part même de leur être, au profit d'une autre classe. Le droit humain en eux est donc incomplet et mutilé. Ils ne peuvent plus faire un acte de la vie sans subir cette restriction du droit, cette aliénation de la personne (Jaurès,Ét. soc., 1901, p.126).
DROIT
Personne future. Être qui n'est pas encore conçu au moment de la réalisation d'un événement (d'apr. Barr. 1974).
Personne incertaine, indéterminée. ,,Personne dont l'identité n'est pas déterminable ou déterminée et qui, pour cette raison, ne peut figurer dans un rapport juridique`` (Cap. 1936).
Personne à charge; personne à la charge de. Personne dont la subsistance et l'entretien sont assurés par une autre personne qui bénéficie d'un dégrèvement fiscal établi en parts sur la base de son revenu imposable. Pour la mise en oeuvre du quotient familial en matière d'impôt sur le revenu, sont considérés comme personnes à la charge du contribuable (...) son conjoint ou ses enfants mineurs (...) (Jur.1981).
Loc. verb. Il y a, faire erreur sur la personne. V. erreur II C 2 a dr.
c) P. anal.
Personne morale (de droit privé, de droit public). ,,Être de raison (association, société, fondation), sujet de droits et spécialement titulaire d'un patrimoine collectif, distinct de celui des personnes qui le composent, mais n'ayant pas d'existence corporelle`` (Barr. 1974). L'administration de la Radiodiffusion et de la Télévision française en tant que personne morale se voit dédier (...) l'hommage des travaux accomplis sans que soit oubliée la personne physique de son directeur général (Schaeffer,Rech. mus. concr., 1952, p.7).
P. ext. [À propos d'une nation] La guerre, l'exercice du droit de la force, de nation à nation, et la conquête qui s'ensuit, est donc le sacrifice d'une ou de plusieurs de ces personnes morales qu'on appelle nations ou États, à une nécessité supérieure qui prime, dans ce cas, le respect dû à cette personne morale, et son droit à l'existence (Proudhon,Guerre et paix, 1861, p.146).
Personne juridique. Groupement reconnu comme ayant une existence juridique. [Les villes] devinrent personnes juridiques, selon l'ancien droit civil, et personnes juridiques, selon le droit féodal (Thierry,Tiers État, 1853, p.29).
RELIG. [P. réf. au dogme de l'Église cath.] Chacun des trois êtres (Père, Fils, Saint-Esprit) qui constituent un même Dieu dans le mystère de la Trinité bien qu'ils soient égaux ou distincts. La personne divine peut embrasser les faits passés, présents et futurs que notre imagination atteint (à la réserve de notre liberté), mais non ceux qu'une généralisation sans limites épuiserait pour les faire entrer dans la synthèse absolue des choses (Renouvier,Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p.lxxv).[Jésus-Christ] est sanctificateur et père: Parit; il est docteur: Docet; il est pasteur: Regit. Il est en relation constante, intime, avec les trois personnes divines (Dupanloup,Journal, 1851-76, p.110).
P. méton. Groupement considéré comme un être unique. Cette personne dont je parlais et qui est la Grèce, ne connaît ni le bon goût ni le mauvais goût. Elle possède cette vertu qui ne relève ni de l'un ni de l'autre (Cocteau,Maalesh, 1949, p.225).
B. − P. méton. [Souvent précédé du poss.]
1. Le moi, ce qui fait l'individualité. La personne du romancier s'étale, déborde. C'est lui qui est au premier plan (Lemaitre,Contemp., 1885, p.319).Une lueur fascinante de capacité et de puissance émanait de sa personne (Jouve,Scène capit., 1935, p.96).
Adj. poss. + modeste, petite, propre personne.[Avec une valeur hypocor.] Moi, toi, soi-même; lui-même.
Loc. verb. Aimer, être satisfait, content de sa (modeste, petite, propre) personne. Être satisfait, content, de soi. Il est content de sa personne, de sa petite personne (Ac.).
Faire grand cas de sa personne. Se montrer prétentieux. (Dict.xixeet xxes.).
Payer de sa personne. Se donner sans compter en consacrant tous ses efforts à quelque chose. Le sang dont il était couvert montrait assez qu'il avait payé de sa personne (About,Roi mont., 1857, p.167).J'ai toujours payé de ma personne!... Ici!... Là-bas!... Ailleurs!... Partout! (...) Jamais éludé un péril! Jamais!... En quel honneur? (Céline,Mort à crédit, 1936, p.521).
Ne savoir que faire de sa personne; avoir l'air/être embarrassé de sa personne. Ne savoir quelle attitude adopter. Un grand gaillard en blouse, qui, depuis un instant, rôdait le long de la route, l'air embarrassé de sa personne (Zola,Débâcle, 1892, p.407).V. grimaud II ex. de Balzac.
Acception* de personne.
Être personne à. Être capable de. (Dict.xixeet xxes.).
2. Apparence extérieure de l'individu. Je ne me fais pas d'illusion sur les défauts de ma personne physique (About,Roi mont., 1857, p.177).
Loc. verb.
Être soigneux de sa personne; prendre soin de sa personne. Se montrer soucieux de son apparence physique. Son vêtement d'une exquise propreté révélait ce soin minutieux de la personne que les simples prêtres ne prennent pas toujours d'eux (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.721).Farfadet, soigneux de sa personne, (...) pour éviter une seconde fois le contact du mur (...) heurte la table et fait tomber sa cuiller par terre (Barbusse,Feu, 1916, p.82).
Être bien (mal) (fait) de sa personne. Avoir bel ou vilain aspect. Ce ton tranchant que doit avoir l'homme le plus riche de France, quand surtout il est assez bien fait de sa personne (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.260).[Clotilde]: C'est un monsieur très bien. La bonne: Et avec ça, pas mal de sa personne. Une belle barbe grise (Tr. Bernard, M. Codomat, 1907, i, 2, p.141).
3. L'individu en tant qu'être physiquement distinct de tous les autres. Dans toutes ses paroles il ne faisait qu'exprimer, avec son dédain pour tous les hommes de la terre, le mépris qu'il avait de sa propre personne (Mille,Barnavaux, 1908, p.221).Chaque pas que je risque en ma propre personne Me révèle d'autres détours (Cocteau,Clair-obscur, 1954, p.53).
En personne. Soi-même; personnellement. Synon. fam. en chair et en os.Commander, venir en personne. Il prend parti, comme simple volontaire, dans l'armée que le Roi commandait en personne (Jouy,Hermite, t.4, 1813, p.65).Comme si notre contact eût été dangereux, nous vîmes foncer sur nous, suivi de son état-major, le colonel en personne. C'était une manière de vieux poupon en baudruche, d'un rose délavé (Ambrière,Gdes vac., 1946, p.293).
Au fig. Subst. + en personne.Incarnation de quelque chose. Le diable, le tonnerre, la grâce,la vanité en personne. C'est un renégat, ce qui fait la pire espèce de coquin (...). Il a le ton très doux, enfin c'est Machiavel en personne (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.140).
Par personne interposée*. Une tierce* personne.
(En) la personne de; ma, ta, sa personne. Soi-même personnellement. Le déni de justice sera constaté par deux réquisitions faites aux juges en la personne des greffiers (...): tout huissier requis sera tenu de faire ces réquisitions, à peine d'interdiction (Code procéd. civile, 1806, p.414).La justice d'Omer ne laissa nul méfait impuni, touchant sa personne (Adam,Enf. Aust., 1902, p.58).Il vous faut aussi racheter le crime que vous vous disposiez à commettre sur ma personne (Montherl.,Malatesta, 1946, ii, 5, p.478).
C. − L'individu parmi d'autres, comme une unité dans la collectivité. Personne de connaissance; personne de bon sens, de confiance; personne aimable, charmante, distinguée, respectable, singulière, considérable, honnête, respectable. L'inconnu (...) s'excusa (...) de n'avoir pas tout de suite reconnu une personne de mérite (A. France,Rôtisserie, 1893, p.48).En admettant que ma conduite puisse étonner quelques personnes malveillantes, je soutiens que j'ai bien agi. Si je ne m'étais pas conduit comme je l'ai fait, des catastrophes irréparables seraient arrivées (Flers, Caillavet,M. Brotonneau, 1923, iii, 5, p.21).On voit des personnes fort distinguées frapper le bois des fauteuils et pratiquer des actes conjuratoires et fiduciaires (Valéry,Variété III, 1936, p.225).
1. Au sing.
Une autre personne. Quelqu'un d'autre. Mon Dieu, vous auriez peut-être pu trouver une autre personne de votre famille (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, ii, 7, p.41).Toute personne qui. Quiconque. Toute personne qui désire voir diminuer son embonpoint doit manger modérément, peu dormir, et faire autant d'exercice qu'il lui est possible (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p.230).
Par personne. [Loc. à valeur distributive] Au total, deux tiers de l'humanité disposent de 2150 calories par personne et par jour (Univers écon. et soc., 1960, p.36-12).
2. Au sing. et au plur.
Plusieurs, quelques, certaines, (bon) nombre de personnes. J'ai connu, moi, cinq personnes de la même famille, malades toutes à la fois, au lit toutes à la fois, et qui se débrouillaient fort bien (Romains,Knock, 1923, iii, 6, p.18).Plusieurs personnes s'en allèrent (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.63).
Rare. Les personnes. Les gens. Qu'est-ce qui lui prend d'entrer comme ça, chez les personnes! (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p.233).
Personne âgée. [Avec une nuance de respect] S'il est convenable d'accepter l'amitié d'une personne âgée, il l'est aussi de lui faire comprendre que nos caractères ne sont pas les mêmes (Lautréam.,Chants Maldoror, 1869, p.337).
Être bonne personne. Être facile à vivre, avoir un bon fond. Synon. fam. être (un) bon type, être (un) brave type.Mais ce sont les péchés mignons de cette pécheresse sur le retour, et, somme toute, avouons qu'elle fut bonne personne au fond (Verlaine,OEuvres compl., t.4, Mém. veuf, 1886, p.268).Pantagruel est fils de Gargantua (...). Nous allons faire connaissance avec ces deux horribles géants, qui sont, au fond, de très bonnes personnes (A. France,Rabelais, 1909, p.38).
[Par personnification] La Mort, qui était bonne personne, alla s'asseoir sur l'escabeau et attendit une heure entière (Mérimée,Mosaïque, 1833, p.100).
Grande personne. [P. oppos. à l'enfant] Adulte. Moi, ça m'était bien égal, tous ces beaux discours, et pourtant je me disais, (...) qu'il fallait pourtant que ça eût de l'intérêt pour que des grandes personnes, (...) s'animassent à ainsi pérorer et parfois crier à ce propos (Verlaine,OEuvres compl., t.5, Confess., 1895, p.32).Ces malheureuses frimousses cireuses! Ça ne tient pas debout, ça vacille même assis, il faut continuellement que ça s'appuie des yeux sur une grande personne (Frapié,Maternelle, 1904, p.36).
Vieilli. Aimable, belle, charmante, jeune personne. Jeune fille; femme. Je fus regardé comme un dieu par ces jeunes personnes (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p.84).Jamais ces charmantes personnes n'avaient vu prendre le café avec tant de mimiques et de roulements d'yeux (A. Daudet,Tartarin Alpes, 1885, p.225).
Petite personne. Petite fille; jeune fille. La petite personne a quelque amourette en tête; elles sont terribles pour cela dans ce couvent (Mérimée,Théâtre C. Gazul, 1825, p.330).
Personne du sexe (vieilli). Pour la fille, il [le vicaire] avait ces manières réservées qu'ont nos ecclésiastiques bretons avec les «personnes du sexe», comme ils disent (Renan,Souv. enf., 1883, p.32).
II. − GRAMM. Catégorie grammaticale marquant le rapport à celui qui parle, à celui à qui on parle, à celui (ce) dont on parle et qui se note morphologiquement dans le verbe, le pronom personnel, le pronom et l'adjectif possessifs. La première personne (je, moi, me, mon) renvoie au locuteur, qui parle de lui-même, la deuxième personne (tu, toi, te, ton) renvoie à l'interlocuteur, la troisième personne à ce qui n'est ni le locuteur, ni l'interlocuteur. La personne où le locuteur est impliqué avec d'autres est dite première personne du pluriel (nous, notre, vôtre). La troisième personne du pluriel est homogène en ce sens qu'elle vient de la réunion de deux ou plusieurs «troisièmes personnes». La troisième personne du singulier comme au pluriel, est celle de la personne dont il est parlé sans plus. C'est la personne passive, absente du système de l'interlocution. Ce n'en est pas moins une personne, et il est inexact de parler d'elle comme d'une «non personne»; c'est la personne de tout ce que la pensée a appris à désigner, la personne inhérente à toute sémantèse, à tout ce dont le langage est capable de parler (G.. Moignet,Systématique de la lang. fr., 1981, p.124):
2. Ni le romancier ni les lecteurs ne descendent de leur place pour jouer eux-mêmes le jeu comme s'ils étaient l'un ou l'autre des joueurs. Et ceci demeure vrai quand le personnage s'exprime à la première personne, dès l'instant où il fait suivre ses propres paroles de: dis-je, m'écriai-je, répondis-je, etc... Sarraute,Ère soupçon, 1956, p.109.
Prononc. et Orth.: [pε ʀsɔn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. a) Ca 1135 persone «prestance, taille» (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, AB 1891); b) ca 1170 «corps de celui dont on parle» (Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 4431); payer de sa personne v. étymol. hist. payer; 1538 content de sa personne «satisfait de soi-même» (Est., s.v. placere); ca 1660 bien fait de sa personne (Ablancourt ds Rich. 1679); 1907 pas mal de sa personne (Tr. Bernard, loc. cit.); 1935 bien de sa personne (Ac.); 1694 aimer sa personne «avoir soin de son corps, de sa santé, aimer ses aises» (Ac.); 1694 s'assurer de la personne de qqn «arrêter» (Ac.); c) ca 1140 «personnage, personne d'importance» (Geffrei Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 6020); 1174 «personne revêtue d'une dignité ecclésiastique» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2411, 2476, 4773 et 4781); d) ca 1170 en persone de (qqn) «sous l'apparence de (quelqu'un)» (Rois, éd. E. R. Curtius, p.84); ca 1200 la pressonne de (qqn) «ce qui constitue la personne même» (Psautier, B.N. 1761, fo31 roet fo38 rods Gdf. Compl.); ca 1210 persone d'ome (Herbert de Dammartin, Foulque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, 13580); 1335 personne de (doc. ds Gdf. Compl.); ca 1200 en la sue persone «à sa place, au lieu de lui» (Dialogues Grégoire, éd. W. Foerster, p.78) [l'existence de cette expr. en a. fr. est mal assurée. Ne s'agirait-il pas plutôt ici de la trad. du lat. quasi in persona sua?]; ca 1250 en sa propre personne «lui-même» (Évangiles des données, éd. R. Bossuat et G. Raynaud de Lage, p.27, 15); 1269-78 en propre personne (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5645); 1464 en personne (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 1232); 2. a) 1174 «individu, homme ou femme» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, op. cit., 4471); ca 1175 povres persones «pauvres gens» (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 23161); 1295 les personnes «les gens» (Bevans, The old french vocabulary of Champagne, p.92); b) 1316-28 bele persone «être humain (surtout avec une épithète laudative)» (Ovide moralisé, éd. C. de Boer, IV, 2073); 1547 jeune personne «jeune homme ou jeune fille» (Amyot, Hist. Aethiop., livre VII, 75 vods Hug.); 1640 grande personne «adulte» (Oudin Curiositez); 3. 1174 «une des trois formes de Dieu (Père, Fils, Saint-Esprit)» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, op. cit., 60); 4. 1495 dr. (assigner, etc.) à personne ou domicile «en s'adressant à la personne même ou en faisant parvenir l'avis à son domicile» (Nouv. Coutumier gén., éd. A. Bourdot de Richebourg, t.1, p.86); 5. xives. gramm. persone «celui, celle qui parle, à qui l'on parle ou dont on parle» (Thurot, p.184), hapax; déb. xves. personne (E. Stengel, Les plus anc. ouvrages composés pour enseigner le fr. ds Z. fr. Spr. Lit. t.1, p.31). Du lat. d'orig. étrusque persona «masque de l'acteur» d'où à l'époque chrét. «visage, face»; «rôle [au théâtre], caractère, personnage; personnalité, personne, individu»; aussi terme de gramm., où il traduit le gr. π ρ ο ́ σ ω π ο ν «face, figure» et aussi «masque de théâtre» et «personne (terme de gramm.)»; pour le sens 3 att. en lat. chrét., v. Blaise Lat. chrét. Fréq. abs. littér.: 17652. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 28165, b) 26260; xxes.: a) 22603, b) 23373.

PERSONNE2, pronom

I. − [Avec une valeur positive dans certains cont. qui comportent une idée nég.] Quelqu'un.
A. − [Après une princ. à valeur nég.]
1. [Dans une sub., intr. par une princ. nég.] Je ne souffrirai pas que personne fasse ici la loi, et s'oppose à mes volontés (Guilbert de Pixér., Coelina,1801, I, 3, p.8).Je ne crois pas en effet que personne (...) ait expliqué avec plus de limpidité et d'élégance, ait justifié avec plus de force la psychologie des exercices spirituels (Bremond, Hist. sent. relig.,t.4, 1920, p.526).Et les renseignements (...), vous n'êtes pas sûr que personne les ait eus? (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p.20).Tu es comme ce mètre de platine qu'on conserve quelque part à Paris ou aux environs. Je ne pense pas que personne ait jamais eu envie de le voir (Sartre, Nausée,1938, p.175).
2. [Dans une sub., introd. par une princ. dont le verbe exprime la crainte, le doute, l'empêchement ou comporte en lui une idée nég.] Je doute que personne y réussisse (Ac.).Les préjugés s'opposent à ce que personne tente de naviguer sur cette mer (Lamart., Voy. Orient,t.2, 1835, p.23).
B. − [Dans une interr. dir. ou indir.] Dieu sait si personne a protesté avec plus de force que moi quand on a fait dans la société une place disproportionnée aux nationalistes (Proust, Temps retr.,1922, p.797).
C. −
1. [Dans une compar. d'inégalité] Quiconque, n'importe qui. Il rit de toutes ses forces, amusé plus que personne de sa plaisanterie (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p.156).Eux moins que personne ne pouvaient le reconnaître, noblement travesti (Radiguet, Bal,1923, p.118).Mon Dieu! C'est vrai qu'il a humé, flairé, reniflé plus que personne, possédé sa jeunesse par les narines (Bernanos, M. Ouine,1943, p.1394).
2. Rare. [Dans une compar. d'égalité] Pour cette fête-ci, les éléments impurs qui s'y conjuguaient me frappaient à un autre point de vue: certes, j'étais aussi à même que personne de les dissocier (Proust, Prisonn.,1922, p.265).
D. − [Après la prép. sans] Je ne sais pas de crime plus lâche!... Une pauvre petite, sans parents, sans personne pour la défendre!... (Curel, Nouv. idole,1899, i, 6, p.181).Vous accompliriez ce crime? Vous vous laveriez les mains. Vous me l'arracheriez. Vous me laisseriez sans personne (Cocteau, Parents,1938, II, 9, p.253).
E. − [Après certaines loc. conj.: avant que, sans que, assez, suffisamment, trop... pour que] La monarchie de France est tombée en un jour sans que personne puisse dire où elle a laissé seulement la poignée de son épée (Quinet, All. et Ital.,1836, p.30).Les motifs de cette fuite étaient trop simples et trop généreux pour que personne eût l'idée de les accueillir comme vraisemblables (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p.171).Mon coeur battait très fort; je suis resté un instant appuyée contre un arbre, puis suis rentrée avant que personne ne fût levé (Gide, Porte étr.,1909, p.582).
Avant de + inf. + personne; assez, suffisamment, trop, pour + inf. + personne. Comme il était trop tard pour appeler personne, il se décida aussitôt à passer la nuit sur un fauteuil (Maupass., Contes et nouv.,t.1, Voy. santé, 1886, p.551).
II. − [Avec une valeur nég. en corrél. avec ne, explicite ou non] Pas une personne; nul.
A. − [Ne est explicite] Ces indiscrétions qui ne se produisent qu'après que la vie terrestre d'une personne est finie, ne prouvent-elles pas que personne ne croit, au fond, à une vie future? (Proust, Fugit.,1922, p.617).On sait bien que personne n'est cru qui prétend se défendre du délice d'être honoré (Valéry, Variété III,1936, p.73).
B. − [Personne est empl. sans ne]
1. [Dans une phrase nominale avec ell. du verbe et de ne] Le jour désigné, Bouvard et Pécuchet se rendirent à la mairie une heure trop tôt. Personne (Flaub., Bouvard,t.2, 1880, p.179).
2. [Dans une réponse avec ell. du verbe et de ne] Qui se lèvera pour détailler une chanson triste, ou quelques couplets qui feront de leur auteur, plus tard, un académicien distingué? Personne (Fargue, Piéton Paris,1939, p.46).
3. [Empl. apr. ni] Si l'amour et la haine sont l'avers et le revers de la même médaille, je n'aimais rien ni personne (Sartre, Mots,1964, p.29).
Rem. 1. Personne n'a pas de marque de genre: Je ne connais personne d'aussi heureux que cette femme (Ac. 1935); Littré cite cependant: Personne n'était plus belle que Cléopâtre. 2. Personne suivi d'un adj. s'emploie avec de: personne d'autre; mais on rencontre la tournure littér. personne autre: Personne autre que vous n'est entré ici (Pomier, Loc. vicieuses Hte-Loire, 1835, p.95). 3. Personne suivi de ne n'admet pas point ou pas, mais admet jamais ou plus: Des ruelles, des impasses, que personne n'arriverait jamais plus à détordre et à débrouiller (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.201). 4. Personne, à la différence de rien, est postposé au verbe aux temps simples (Il n'aime personne) et aux temps composés (Il n'a aimé personne). Régionalement (en partic. en Suisse), on relève dans la lang. pop. le type: Il a personne aimé.
Prononc.: [pε ʀsɔn]. Étymol. et Hist.1. Ca 1288 ne ... persone «nul» (Jehan de Journi, La dime de penitance, éd. H. Breymann, 108); 2. a) 1460 personne «quelqu'un (dans une phrase négative)» (doc. ds Gdf. Compl.); b) 1537 «id. (dans une phrase hypothétique)» (B. des Périers, Cymbalum mundi, foE 2 ro, Dialogue III); 3. 1663 «nulle personne (réponse elliptique)» (Molière, Critique de l'Ecole des Femmes, I). V. personne1. Fréq. abs. littér.: 18252. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 24388, b) 26506; xxes.: a) 25706, b) 27151. Bbg. Bayet (A.). Note sur l'hist. du mot personne. J. de Psychol. normale et pathol. 1948, t.41, pp.326-330. _Benveniste (E.). Probl. de ling. gén. Paris, 1966, pp.225-236, 255-257. _Etzrodt (W.). Die Syntax der unbestimmten Fürwörter personne und même. Rom. Forsch. 1910, t.27, pp.852-870. _Friedländer (P.). Persona. Glotta. 1910, t.2, pp.164-168. _Frycer (J.). Le Narrateur à la première personne ds le rom. fr. d'auj. Ét. rom. Brno. 1979, t.10, pp.63-72. _Gaatone Nég. 1971, pp.160-163. _Joly (A.). Sur le Syst. R. Lang. rom. 1973, t.80, pp.3-56. _Martin Rien 1966, p.25, 73. _ Milner (J.-C.). Le Syst. de la négation en fr. et l'opacité du sujet. Lang. fr. 1979, no44, pp.82-89; p.97. _Moignet (G.). Personne humaine et personne d'univers. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1970, t.8, no1, pp.191-202; Sur le syst. de la personne en fr. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1972, t.10, no1, pp.71-81. _Rheinfelder (H.). Das Wort persona. Halle, 1928, 199 p._Roggero (J.). Le Quantificateur minimal. Sigma. 1980, no5, pp.121-122. _Spitzer (L.). Rem. sur personne, aucun, rien, jamais. Fr. mod. 1938, t.6, pp.51-55. _Vikner (C.). Les Auxil. négatifs. R. rom. 1978, t.13, no1, p.98, 102. _Wagner (R.-L.). Contribution à l'hist. du mot personne en fr. Kwart. neofilol. 1976, t.23, no1/2, pp.225-234.

Wiktionnaire

Pronom indéfini - français

personne \pɛʁ.sɔn\ masculin singulier invariable

  1. (Littéraire) Quelqu’un.
    • Le fragile édifice du crédit, – qui avait des proportions que nul n’avait prévues, et qui avait tenu dans une dépendance réciproque des centaines de millions d’hommes, sans que personne s’en rendît clairement compte, – s’effondra dans la panique. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 249 de l’édition de 1921)
    • Y a-t-il personne d’assez hardi ?
    • Je doute que personne y réussisse.
    • Il ne veut pas que personne soit lésé.
  2. Nul ; quiconque ; qui que ce soit. — Note : Il est alors accompagné d’une négation
    • Charles se leva, […], s’approcha de la porte, tendit l’oreille pour s’assurer que personne n’était aux écoutes, […]. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre III)
    • — Tu ne trouveras pas beaucoup de villes aussi faignantes que celle-ci. Parole d'honneur ! personne ne fiche rien. — (Jules Romains, Le bourg régénéré: conte de la vie unanime, Librairie Léon Vanier, 1906, p. 55)
    • Cet avis mortuaire, avec son laconisme, me parut d’une indicible tristesse et m’imposa la vision d’un de ces mornes corbillards qui, parfois, traversent Paris à vive allure sans personne derrière eux. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • Un vague et déprimant malaise planait. Sous le porche des Réguliers, personne. Les trafiquants de drogue qui s’y postaient le soir s’étaient, prudemment, éclipsés. — (Francis Carco, Brumes, Éditions Albin Michel, Paris, 1935, page 78)
    • J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. — (Paul Nizan, Aden Arabie, chap. I., Rieder, 1932 ; Maspéro, 1960)
    • Pas un bruit, sauf la pièce qui tombe dans le distributeur, le bruit du moteur, le café qui coule dans le godet en plastique. Personne ne parle. — (Catherine Guibourg, Le oui européen et le non français, La Compagnie Littéraire, 2006, page 107)

Nom commun - français

personne \pɛʁ.sɔn\ féminin

  1. Être humain considéré en tant qu’individu.
    • […] ; le respect de la personne humaine, la fidélité sexuelle et le dévouement pour les faibles constituent les éléments de moralité dont sont fiers tous les hommes d’un cœur élevé; – c’est même très souvent à cela que l’on réduit la morale. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, ch. VII, « La morale des producteurs », 1908, p. 340)
    • Dis-donc, Rosalie, s’écrie-t-il en s’adressant à sa femme, grosse personne blonde, molle et tavelée. — (Octave Mirbeau, « Notes de voyage », dans La vache tachetée, 1918)
    • […] je vis toute la famille de mon hôte, une vingtaine de personnes, dont une dizaine d’enfants, qui dormaient, serrés les uns contre les autres, sur des nattes de pandanus. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil, t. 1 : « De New-York à Tahiti », 1929)
    • Il ne rendait visite qu’à sa mère et encore, cette dernière, entourée de vieilles personnes ridicules et sujette elle-même à des radotages, lui agaçait les nerfs […]. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Et puis, je peux faire clamser nos ennemis, en piquant d’une certaine façon un crapaud que j’aurai baptisé au nom de la personne condamnée. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • Ce n'est que face à Dieu, en effet, dans le dialogue de lumière et d'amour qui nous identifie avec Lui, que nous devenons des personnes, c'est-à-dire une source, une origine, un espace, une liberté, comme le mot personne l'indique, puisque personne veut dire : résonner à travers, en entendant par là une résonance divine qui laisse retentir en nous ce que saint Jean de la Croix appelle la musique silencieuse. — (Maurice Zundel, Silence, parole de vie, transcription d'une retraite donnée en 1959, éd. Anne Sigier, 1990, p. 123)
  2. (Philosophie) Individu ou entité consciente d'elle-même et à laquelle on reconnaît des droits.
    • Le débat fait rage pour savoir si certains animaux sont des personnes.
  3. (Grammaire) Rôle que tient la personne ou la chose en cause dans l’acte d’énonciation. Note : Première personne : je, nous ;
    Deuxième personne : tu, vous ;
    Troisième personne : il, elle, ils, elles.
  4. Précédé d’un adjectif possessif, se dit de la vie, du corps, du physique de celui qui parle, à qui l’on parle, ou dont on parle.
    • Il s’en irait semer la discorde et la zizanie ailleurs, où il voudrait, pourvu que le pays fût débarrassé de sa personne. — (Louis Pergaud, Un petit logement, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
  5. Personnage.
    • Il était la seconde personne du royaume.
  6. Se dit, dans certaines locutions, des femmes seulement.
    • C’est la plus belle personne du monde, une des plus jolies personnes qu’on puisse voir.
    • Voilà une belle personne.
    • Un pensionnat de jeunes personnes.
    • Elle est très belle personne.
  7. Se dit quelquefois d’un homme ou d’une femme, considérés en eux-mêmes.
    • Peu de gens savent séparer la personne de la situation qu’elle occupe.
    • La personne d’un auteur, par opposition à ses œuvres.
  8. Sert, dans certaines expressions, à donner plus de force, d’ampleur, de solennité à ce que l’on dit.
    • Monsieur le sénateur, il vous arrive une histoire fâcheuse... Vous vous êtes permis quelques privautés sur la personne d’un petit marmiton qui stationnait dans une pissotière. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 184)
    • Cet officier est attaché à la personne du général.
    • Ce général se porta de sa personne en tel endroit Note : « Il y alla lui-même ». En sa personne se dit dans le même sens, mais a toujours rapport au régime du verbe.
    • C’est l’offenser en sa personne.
  9. (Droit) Sujet de droits, doué de capacité et responsable.
    • Parlant à sa personne, Parlant à lui-même.
    • Je le lui ai dit, parlant à sa personne.
    • Assigner une commune en la personne ou au domicile du maire, le Trésor en la personne ou au bureau de l’agent, etc.
    • Offenser, outrager quelqu’un en la personne d’un autre.
  10. (Religion) Hypostase divine, dans la théologie chrétienne.
    • Le dogme de l’Incarnation implique l’existence, en Jésus-Christ, de deux natures et d’une seule personne ; le dogme de la Trinité implique en Dieu l’existence de trois personnes et d’une seule nature. — (Louis Rougier, Histoire d’une faillite philosophique: la Scolastique, 1925, éd.1966)
    • Dans toutes ses expressions extrinsèques et intrinsèques, visibles et invisibles, la Personne divino-humaine du Christ reste toujours une et indivisible. C'est pourquoi la vie entière du Christ constitue un ensemble unique, indivisible et organique. — (Père Justin Popovitch, Philosophie orthodoxe de la vérité: dogmatique de l’Église orthodoxe, traduit du serbe par Jean-Louis Palierne, tome 3, Lausanne : L’Age d’Homme, 1995, page 9)
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Littré (1872-1877)

PERSONNE (pèr-so-n') s. f.
  • 1Un homme ou une femme. Mais l'art d'en faire des couronnes [du laurier d'Apollon] N'est pas su de toutes personnes…, Malherbe, III, 2. La modération des personnes heureuses vient du calme que la bonne fortune donne à leur humeur, La Rochefoucauld, Max. dans GIRAULTDUVIVIER. Entre la veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande ; on ne croirait jamais Que ce fût la même personne ; L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits, La Fontaine, Fabl. VI, 21. En sage et discrète personne Maître chat excusait ces jeux, La Fontaine, ib. XII, 2. Monsieur est la personne qui veut vous emprunter les quinze mille livres dont je vous ai parlé, Molière, l'Avare, II, 3. Des personnes que je voulais vous donner pour maris, Molière, Préc. 5. Confondre l'apparence avec la vérité, Estimer le fantôme autant que la personne, Molière, Tart. I, 6. Ce qui forme le bonheur des personnes de grande condition…, Pascal, Pens. IV, 2, édit. HAVET. Ce rire dédaigneux qu'excitent les personnes simples lorsqu'on leur voit croire des choses impossibles, Bossuet, Anne de Gonz. Elle donnait non-seulement avec joie, mais avec une hauteur d'âme qui marquait tout ensemble et le mépris du don et l'estime de la personne, Bossuet, Duch. d'Orl. Nouveau genre d'étude et presque inconnu aux personnes de son âge et de son rang, ajoutons, si vous voulez, de son sexe, elle étudiait ses défauts, Bossuet, ib. Les personnes d'étude ne veulent pas se donner la peine de philosopher par ordre, Malebranche, Rech. vér. III, I, 3. C'est une expérience faite, que, s'il se trouve dix personnes qui effacent d'un livre une expression ou un sentiment, l'on en fournit aisément pareil nombre qui les réclame, La Bruyère, I. Cette grande princesse, qui, fût-elle personne privée…, Rousseau, Lett. à Kluppfel, mai 1765.

    Fig. Et c'est là encore où gît la gloire, elle aime le remue-ménage, et elle est personne d'un grand fracas, La Bruyère, XII. Que je vous suis obligé, monsieur, de m'écrire du séjour de la gloire et du bonheur ! ces deux personnes sont rarement ensemble, Voltaire, Lett. Delisle, 13 oct. 1773.

    Il y a personne et personne, c'est-à-dire il y a grande différence d'une personne à l'autre.

    Acception de personnes, préférence que l'on donne à une personne plutôt qu'à une autre.

    Familièrement. Il est bonne personne, c'est-à-dire cet homme est d'humeur facile. Georgette ma mignonne, Tu me parais si douce et si bonne personne, Molière, Éc. des fem. IV, 4. La Feuillade ne laissa pas que d'être fort aise que Albergotti se montrât si bonne personne, Saint-Simon, 164, 165.

    Être personne à… Être capable de… Nous sommes personnes à traiter les choses dans la douceur, Molière, Mar. forcé, 16. Ah ! si cela était, je serais personne [femme] à me désespérer ! Molière, Princ. d'Él. IV, 7. Ce n'est point une personne [Madame] à donner cette marque de faiblesse, Sévigné, 28 sept. 1680.

  • 2Il se dit avec première, seconde, au sens de personnage. L'archevêque d'Upsal était la seconde personne du royaume ; quiconque est la seconde veut toujours être la première, Voltaire, Mœurs, 119.
  • 3 Absolument. Une personne se dit pour personne faite. Elle [la princesse de Conti] apprend à chanter, à danser, elle lit, elle travaille, enfin c'est une personne, Sévigné, 12 avr. 1680. Je l'ai trouvée [la jeune marquise de Sévigné] toute pleine de raison, entrant dans nos affaires du temps passé comme une personne, Sévigné, 8 oct. 1684.
  • 4 Particulièrement. Il se dit des femmes dans certaines phrases où cette acception est déterminée par le sens total. Il [le ciel] ne vous a pas faite une belle personne, Afin de mal user des choses qu'il vous donne, Molière, Éc. des fem. II, 6. Certes pour un amant la fleurette est mignonne, Et vous me traitez là de gentille personne, Molière, Mis. II, 1.

    Une jeune personne, une jeune fille. Vous jugez bien que le choix d'une jeune personne tombera sur le fils plutôt que sur le père, Molière, Av. V, 6. Quelques jeunes personnes ne connaissent point assez les avantages d'une heureuse nature, La Bruyère, III.

  • 5Un homme ou une femme considérés en eux-mêmes. Envoyez-moi cet habit et ces bijoux de Philémon, et je vous quitte de la personne, La Bruyère, II.
  • 6En droit soit civil, soit public. Celui qui a des droits. Les lois disent qu'il [l'esclave] n'a point d'état, n'a point de tête, c'est-à-dire que ce ne n'est pas une personne dans l'État, Bossuet, 5e avert. 50.

    Personne civile, être moral qui, en raison de ses droits actifs ou passifs, a une existence civile ; se dit de l'État, des communes, de certaines associations, etc.

  • 7Il admet quelquefois le masculin après lui ; du moins plusieurs auteurs s'en sont servis ainsi ; mais, pour cela, il faut qu'entre personne et son relatif masculin il y ait quelques mots pour faire oublier que ce relatif se rapporte à personne qui est féminin. J'ai eu cette consolation en mes ennuis, qu'une infinité de personnes qualifiées ont pris la peine de me témoigner le déplaisir qu'ils en ont eu, Malherbe, dans RICHELET. Les personnes consommées dans la vertu ont en toute chose une droiture d'esprit et une attention judicieuse qui les empêchent d'être médisants, Vaugelas, dans GIRAULT-DUVIVIER. Jamais je n'ai vu deux personnes être si contents l'un de l'autre, Molière, D. Juan, I, 2. Des manières de vers libres, tels que la passion et la nécessité peuvent faire trouver à deux personnes qui disent les choses d'eux-mêmes et parlent sur-le-champ, Molière, Mal. im. II, 6. Il y a des personnes si peu raisonnables que, de quelque manière qu'on agisse avec eux…, Pascal, Prov. X. Le mot de personne, qui grammaticalement est du genre féminin, se trouve souvent suivi de il ou de ils, parce qu'on a dans l'esprit l'homme ou les hommes dont on parle, Dumarsais, Œuv. t. V, p. 271.

    L'étendue de la phrase et la signification plus ou moins précise du mot personne sont les motifs de décision dans tous les cas analogues.

  • 8Précédé d'un adjectif possessif, il désigne celui qui parle, celui à qui l'on parle, et celui dont on parle. Je chéris sa personne, et je hais son erreur, Corneille, Poly. III, 2. Mais un ordre est donné contre votre personne, Molière, Tart. V, 6. S'il arrivait quelque malheur à sa personne, à sa famille, à l'État, Bossuet, Mar.-Th. L'on juge, en le voyant, qu'il n'est occupé que de sa personne…, La Bruyère, II. Rien de plus charmant que sa personne, Hamilton, Gramm. 6. Votre personne seule est le bien qui me flatte ; Et tous les vains brillants dont la fortune éclate, Ne sauraient éblouir un cœur comme le mien, Regnard, le Légat. V, 1. Le cardinal [Richelieu]… se fait nommer généralissime de l'armée qui marche en Italie, et le roi ordonne, dans ses provisions, qu'on lui obéisse comme à sa propre personne, Voltaire, Mœurs, 176.

    Je ne réponds que de ma personne, je ne réponds que de moi.

    On s'est assuré de sa personne, on l'a arrêté, on lui a donné des gardes.

    Familièrement. Aimer sa personne, sa petite personne, aimer ses aises, avoir un grand soin de sa santé, de son corps.

    Être content de sa personne, de sa petite personne, être satisfait de soi-même, des avantages que l'on possède. Il n'a pas mauvaise opinion de sa petite personne, Dancourt, la Parisienne, SC. 14.

    De sa personne, soi-même. Vaubecourt y voulut courir [sur la droite] de sa personne, Saint-Simon, 29, 62. Il [Vandamme] était allé s'établir sur la droite, et s'était logé de sa personne dans une maison de campagne assez difficile à découvrir, Thiers, Hist. de l'Empire, t. XX, p. 30.

    Payer de sa personne, voy. PAYER, n° 12.

    Cet homme est bien fait de sa personne, il est bien proportionné. Il est fort joli de sa personne, Sévigné, 550. J'ai mandé à Beaulieu de me bien conter tout ce qu'il dira, fera, et comme il est de sa petite personne, Sévigné, 610.

    En personne, en propre personne, moi-même, vous-même, lui-même ou elle-même (expression qui se rapporte toujours au sujet du verbe qu'elle modifie). Oui, tandis que le roi va lui-même en personne Jusqu'aux pieds de César prosterner sa couronne, Corneille, Pomp. III, 1. Mademoiselle de la Rapinière eut envie d'aller où les rois ne peuvent aller qu'en personne, Scarron, Rom. com. I, 4. Je pense pourtant, marquis, que c'est toi qu'il joue dans la critique. - Moi ? Je suis ton valet ; c'est toi-même en propre personne, Molière, Impromptu, 3. Othon IV, qui disputait à la fois l'empire au jeune Frédéric II et l'Italie au pape ; c'est le seul empereur d'Allemagne qui ait jamais donné une bataille en personne contre un roi de France, Voltaire, Mœurs, 50.

    Fig. C'est la prévenance en personne, il est très prévenant. C'est l'honneur en personne, c'est un homme plein d'honneur.

    En la personne de, en sa personne, se disent dans le même sens. Le premier crime a été un homicide en la personne du premier juste, Pascal, Prov. XI. Il se crut outragé en sa personne, Bossuet, Hist. I, 11. Celle [monarchie] des Assyriens finie en la personne de Sardanapale, celle des Mèdes finie en la personne d'Astyage, grand-père de Cyrus, et celle des Perses commencée par Cyrus et détruite par Alexandre, Bossuet, Hist. I, 7.

    Terme de procédure. En la personne. Assigner une commune en la personne du maire.

    Dans le discours ordinaire, offenser, louer quelqu'un en la personne d'un autre. Jamais souverain ne fut plus offensé dans la personne de ses ministres que le czar de Russie…, Voltaire, Russie, II, 1.

    Terme de pratique. Parlant à sa personne, parlant à sa propre personne, c'est-à-dire parlant à lui-même.

    On dit encore : signifier à personne ou domicile.

    Dans le langage ordinaire et familier, je le lui ai dit parlant à sa personne. À moi, parlant à ma personne, Racine, Plaid. II, 5.

  • 9La personne du roi, la personne royale, le roi. Aucun d'eux du tyran n'approche la personne, Corneille, Héracl. II, 7. Mais souvent il [l'empereur] m'appelle auprès de sa personne, Corneille, Cinna, I, 4. La personne du roi ne m'en est pas moins chère, Racine, Théb. I, 5. Attachés de plus près à sa personne sacrée, Massillon, Pet. carême, Triomphe.
  • 10 Terme de théologie. Les personnes divines, la Trinité. Que fais-je, chrétiens, quand je crois un Dieu en trois personnes ? je lui fais un sacrifice, et de quoi ? de la plus noble partie de moi-même qui est ma raison, Bourdaloue, Myst. Trinité, t. I, p. 482.
  • 11 Terme de grammaire. Personnes, les diverses situations des êtres par rapport à l'acte de la parole : la première personne, celle qui parle ; la seconde personne, celle à qui l'on parle ; la troisième personne, celle de qui l'on parle. En ce sens, personne s'applique aussi aux choses : tout objet dont on parle est à la troisième personne. Les trois personnes sont désignées par les pronoms ; je, nous sont de la première personne ; tu, vous, de la seconde ; il, elle, ils, elles et soi, de la troisième. Les désinences des verbes désignent aussi, dans beaucoup de langues, la première, la deuxième ou la troisième personne ; et l'on dit par la métonymie du signe pour la chose signifiée, que amo est la première personne, amas la seconde, amat la troisième, etc.

    Lettre, billet à la troisième personne, lettre, billet où celui qui écrit parle de soi à la troisième personne.

  • 12Personne, substantif abstrait, qui est toujours du masculin et du singulier, et qui signifie quelqu'un. Personne croira-t-il jamais… ? Je doute que personne y réussisse. Personne a-t-il raconté plus naïvement que la Fontaine ? Je suis plus étonné que personne, lui dis-je…, La Fayette, Zayde, Œuv. t. I, p. 315, dans POUGENS.

    Avec la négation, nul, pas un. Il [Dieu] ne veut pas que personne périsse, Bossuet, Sermons, Bonté, I. Nous n'avons pas le pouvoir de faire mourir personne, Bossuet, Hist. II, 10. Le don de notre foi ne dépend de personne, Racine, Phèdre, V, 1. Il ne daigne pas attendre personne, La Bruyère, Théophr. X. Il n'y a personne qui n'entre tout neuf dans la vie ; et les sottises des pères sont perdues pour les enfants, Fontenelle, Dial. Socr. et Mont. Qui n'est pour ainsi dire personne pour vous, quoiqu'il n'y ait personne qui vous soit plus nécessaire, Marivaux, Marianne, 10e part. Personne n'est sans dessein ; on a toujours quelque vue, Marivaux, l'Heur. stratag. III, 1. Quant aux amis, crois-moi, ce vain nom qu'on se donne Se prend chez tout le monde et n'est vrai chez personne, Gresset, Méch. II, 1. Mon cœur est à vous ; mais la destinée n'est à personne, elle se moque de tous, Voltaire, Lett. Richelieu, 8 nov. 1769. J'aime les seuls biens qui ne sont à personne qu'au premier qui sait les goûter, Rousseau, Conf. I. C'est un homme d'un grand mérite, et qui écoute comme personne [sous-entendu : n'écoute], Diderot, S. les caractères.

    Absolument. Personne sert de réponse négative. Uranie : Quoi ! cousine, personne ne t'est venu rendre visite ? - Élise : Personne du monde, Molière, Critique, 1. Qui reste-t-il pour pleurer Logan quand il ne sera plus ? Personne, Raynal, Hist. phil. XVIII, 12.

    Avec ellipse de la négation. Personne dans les rues, personne aux portes de la ville, Chateaubriand, dans FEUGÈRE, Recueil, p. 117.

    Il est rare qu'en ce sens personne reçoive un qualificatif ; cependant en voici des exemples : Il n'y a personne raisonnable qui puisse parler de la sorte, Pascal, Pens. IX, 1, éd. HAVET. Cela me console un peu de ce larcin où personne de bon sens ne peut reconnaître mon ouvrage, Rousseau, Lett. à Lalliaud, 17 mars 1769.

    Fig. et familièrement. Il n'y a plus personne au logis, ou, simplement, il n'y a plus personne, se dit de quelqu'un qui a perdu la tête, et aussi de quelqu'un qui vient de mourir.

REMARQUE

Pris comme nom abstrait et signifiant un seul homme, personne est masculin ; et l'on dira : Personne n'est parfait. Mais, même en ce cas, doit-il être toujours masculin ? Si l'adjectif est de genre commun à l'un ou à l'autre sexe, il n'y a point de difficulté, et l'on dira : Je ne sais personne plus propre que vous à conduire cette affaire. Si, au contraire, l'adjectif varie pour le masculin et le féminin, Chifflet, Gramm. p. 60, condamne la tournure ; il ne veut pas qu'on dise à un homme : je ne vois personne si beau que vous ni à une femme : je ne vois personne si belle que vous ; mais que l'on dise à l'homme : je ne vois point d'homme si beau que vous ; et à la femme : point de femme si belle que vous. Au contraire, M. Jullien : " Même dans le sens abstrait, il ne faudrait pas hésiter à le faire du féminin si la signification l'exigeait. On dirait, par exemple : Personne n'était plus belle que Cléopâtre. En effet, personne veut dire ici aucune femme, et non pas aucun homme, Gramm. p. 233. " De même une femme dirait : Personne n'est plus que moi votre servante, votre obligée, etc. En somme, le scrupule de Chifflet est exagéré ; et il n'y a aucune raison pour ne pas obéir, suivant le besoin, au sens, dans l'emploi de personne.

HISTORIQUE

XIIe s. Là erent del païs li barun asemblé, Deien, arcediachne, persones [curés] e abé, Th. le mart. 126.

XIIIe s. Mainte haute persone les enfants adestra [conduisit], Archevesque et evesque…, Berte, LXXVIII. Il pot aler en se [sa] propre persone par devant le seigneur sor qui il est couquans et levans, Beaumanoir, II, 16.

XIVe s. Quant pour nous deux faudra avoir tel destourbier, Et morir et navrer, abattre et mahaignier Tant de bonnes personnes et tant bon escuier, Guesclin. 5487. Que par lui sont tué en cel jour mil persones, Girart de Ross. V. 3851.

XVe s. Et pour estre leur capitaine, esleurent un nommé Jacques Artevelle, qui estoit une belle personne, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1381. Il ne trouva personne nulle ne à l'ung costé ne à l'autre, et vit qu'il n'y avoit sur la tour ne huys ne fenestre, Perceforest, t. I, f° 46.

XVIe s. La langue grecque, sans laquelle c'est honte qu'une personne se die sçavant, Rabelais, Pant. II, 8. Soubdain vindrent vers nous en ung esquif quatre personnes diversement vestuz, Rabelais, ib. IV, 48. Dieu prend envers nous la personne [rôle] d'un bon pere de famille, Calvin, Inst. 1093. Entreprendre en personne, Montaigne, I, 15. J'ai veu des personnes reprins d'avoir obeï…, Montaigne, I, 60. Ma maison n'est close à personne qui y hurte, Montaigne, III, 8. Près du parc où les jeunes hommes se dressent aux exercices de la personne, Amyot, Thésée, 45. Tarquinius respondit fierement, qu'il ne vouloit point que personne fust son juge, et moins encore Porsena que tout autre, Amyot, Publ. 34. Si se retira à la fin pour la seureté de sa personne devers Tisaphernes, Amyot, Alc. 47. Cela le contraignit de se rendre et mettre aussi sa personne propre entre les mains de ceulx qui avoient ses enfans, Amyot, P. Aem. 43. Homme de bon jugement pour bien cognoistre les semences de vertu naissante en une jeune personne [jeune homme], Amyot, Caton, 6. Il [Henri IV] a eu quatre personnes [personnages] à soustenir ; celle de Henri, celle du roi de Navarre, etc. D'Aubigné, Hist. préf. 7. Et surtout ne baillez jamais charge pour la guerre à jeunes personnes [jeunes gens] inexperimentées, Carloix, I, 23. De quoy personne, de quelque qualité qu'elle fust, n'estoit exempte, Carloix, V, 1. Faire succer la playe par quelque personne, lequel ne sera à jeun, Paré, IX, 23. Peu de personnes sont morts ausquels on ait diligemment pourveu, Paré, XXIII, 18. On l'enferme [le pestiféré] dedans sa maison sans qu'il puisse sortir, ny que personne y soit admise pour le secourir, Paré, XXIV, 52. N'aimant personne et de personne aimé, Ronsard, 649. Personne, c'est une specialle difference du nombre verbal laquelle est triple en l'un et l'autre nombre, P. Ramus, dans LIVET, Gramm. franç. p. 225.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

PERSONNE, s. f. (Grammaire.) Il y a trois relations générales que peut avoir à l’acte de la parole le sujet de la proposition ; car ou il prononce lui-même la proposition dont il est le sujet, ou la parole lui est adressée par un autre, ou il est simplement sujet sans prononcer le discours & sans être apostrophé. Dans cette proposition, je suis le Seigneur ton Dieu (Exod. xx. 2.), c’est Dieu qui en est le sujet, & à qui il est attribué d’être le Seigneur Dieu d’Israël ; mais en même tems c’est lui qui produit l’acte de la parole qui prononce le discours : dans celle-ci (Ps. l.), Dieu, ayez pitié de moi selon votre grande miséricorde, c’est encore Dieu qui est le sujet, mais ce n’est pas lui qui parle, c’est à lui que la parole est adressée : enfin, dans celle-ci (Eccli. xvij. 1.), Dieu a créé l’homme de terre & l’a fait à son image, Dieu est encore le sujet, mais il ne parle point, & le discours ne lui est point adressé.

Les Grammairiens latins ont donné à ces trois relations générales le nom de personnes. Le mot latin persona signifie proprement le masque que prenoit un acteur, selon le rôle dont il étoit chargé dans une piece de theatre ; & ce nom est dérive de sonare, rendre du son, & de la particule ampliative per, d’où personare, rendre un son éclatant : Bassius, dans Aulu-Gelle, nous apprend que le masque étoit construit de maniere que toute la tête en étoit enveloppée, & qu’il n’y avoit d’ouverture que celle qui étoit nécessaire à l’émission de la voix ; qu’en conséquence tout l’effort de l’organe se portant vers cette issue, les sons en étoient plus clairs & plus résonnans : ainsi l’on peut dire que sans masque, vox sonabat, mais qu’avec le masque, vox personabat ; & de-là le nom de persona donné à l’instrument qui facilitoit le retentissement de la voix, & qui n’avoit peut-être été inventé qu’à cette fin, à cause de la vaste étendue des lieux où l’on représentoit les pieces dramatiques. Le même nom de persona sut employé ensuite pour exprimer le rôle même dont l’auteur étoit chargé ; & c’est une métonymie du signe pour la chose signifiée, parce que la face du masque étoit adaptée à l’âge & au caractere de celui qui étoit censé parler, & que quelquefois c’étoit son portrait même : ainsi le masque étoit un signe non-équivoque du rôle.

C’est dans ce dernier sens, de personnage ou de rôle, que l’on donne en Grammaire le nom de personnes aux trois relations dont on vient de parler, parce qu’en effet ce sont comme autant de rôles accidentels dont les sujets se revêtent, suivant l’occurrence, dans la production de la parole qui est la représentation sensible de la pensée. On appelle premiere personne, la relation du sujet qui parle de lui-même : seconde personne, la relation du sujet à qui l’on parle de lui-même : & troisieme personne, la relation du sujet dont on parle, qui ne prononce ou qui n’est pas censé prononcer lui-même le discours, & à qui il n’est point adressé.

On donne aussi le nom de personnes aux différentes terminaisons des verbes, qui indiquent ces relations, & qui servent à mettre les verbes en concordance avec le sujet considéré sous cet aspect : ego amo, tu amas, Petrus amat, voilà le même verbe avec les terminaisons relatives aux trois différentes personnes pour le nombre singulier ; nos amamus, vos amatis, milites amant, le voilà dans les trois personnes pour le nombre pluriel.

Il y a donc en effet quelque différence dans la signification du mot personne, selon qu’il est appliqué au sujet du verbe ou au verbe même. La personne, dans le sujet, c’est sa relation à l’acte de la parole ; dans le verbe, c’est une terminaison qui indique la relation du sujet à l’acte de la parole. Cette différence de sens doit en mettre une dans la maniere de s’expliquer, quand on rend compte de l’analyse d’une phrase ; par exemple, nos autem viri fortes satisfecisse videmur : il faut dire que nos est de la premiere personne du pluriel, & que videmur est à la premiere personne du pluriel. De indique quelque chose de plus propre, de plus permanent ; à marque quelque chose de plus accidentel & de moins nécessaire. Il faut dire, par la même raison, qu’un nom est de tel genre, par exemple, du genre masculin, & qu’un adjectif est à genre, au genre masculin : le genre est fixe dans les noms, & leur appartient en propre ; il est variable & accidentel dans les adjectifs.

Comme la différence des personnes n’opere aucun changement dans la forme des sujets, & qu’elle n’influe que sur les terminaisons des verbes, cela a fait croire au contraire à Sanctius (Minerv. j. 12.), que les verbes seuls ont des personnes, & que les noms n’en ont point, sed sunt alicujus personæ verbalis. Il devoit donc raisonner de même sur les genres à l’égard des noms & des adjectifs, & dire que les noms n’ont point de genres, puisque leurs terminaisons sont invariables à cet égard, & qu’ils sont propres aux adjectifs, puisqu’ils en font varier les terminaisons. Cependant, par une contradiction surprenante dans un homme si habile, il a pris une route toute opposée, & a regardé le genre comme appartenant aux noms a l’exclusion des adjectifs, quoique l’influence des genres sur les adjectifs soit la même que celle des personnes sur les verbes. Mais outre la contrariété des deux procédés de Sanctius, il n’a trouvé la vérité ni par l’un ni par l’autre. Les genres sont, par rapport aux noms, différentes classes dans lesquelles les usages des langues les ont distribués ; & par rapport aux adjectifs, ce sont différentes terminaisons adaptées à la différence des classes de chacun des noms aux quels on peut les rapporter. Pareillement les personnes sont, dans les sujets, des points de vûe particuliers sous lesquels il est nécessaire de les envisager ; & dans les verbes, ce sont des terminaisons adaptées à ces divers points de vûe en vertu du principe d’identité. Voyez Genre & Identité.

De-là vient que comme les adjectifs s’accordent en genre avec les noms leurs correlatifs, les verbes s’accordent en personne avec leurs sujets : si un adjectif se rapporte à des noms de différens genres, on le met au pluriel à cause de la pluralité des correlatifs, & au genre le plus noble, frater & soror sunt pii ; de même si un verbe se rapporte à des sujets de diverses personnes, on le met au pluriel à cause de la pluralité des sujets, & à la personne la plus noble, ego & tu ibimus. C’est de part & d’autre, non la même raison, si vous voulez, mais une raison toute pareille. Voyez au surplus Personnel & Impersonnel. (B. E. R. M.)

Personnes, gens, (Synon.) le mot de gens, dit l’abbé Girard, a une couleur très-indéfinie qui le rend incapable d’être uni avec un nombre, & d’avoir un rapport marqué à l’égard du sexe. Celui de personnes en a une plus particularisée, qui le rend susceptible de calcul, & de rapport au sexe quand on veut le désigner. Il y a peu d’honnêtes gens à la cour ; les personnes de l’un & de l’autre sexe y sont plus polies qu’ailleurs. Le plaisir de la table n’admet que gens de bonne humeur, & ne souffre pas qu’on soit plus de huit ou dix personnes. Voyez aussi l’article Gens. (D. J.)

Personne, persona, (Théologie.) une substance individuelle, une nature raisonnable ou intelligente. Voyez Substance & Individuel.

Le Pere & le Fils sont réputés en droit une même personne. Un ambassadeur représente la personne de son prince. Voyez Ambassadeur.

En Théologie, la Divinité réside en trois personnes ; mais alors le mot personne emporte une idée particuliere, fort différente de celle que l’on y attache en toute autre circonstance. On ne s’en sert qu’au défaut d’un autre terme plus propre & plus expressif. Voyez Trinité.

On dit que le mot personne, persona, est emprunté de personando, l’action de jouer un personnage ou de le contrefaire ; & l’on prétend que sa premiere signification étoit celle d’un masque. C’est dans ce sens que Boëce dit, in larvâ concavâ sonus velvatur ; c’est pourquoi les acteurs qui paroissoient masqués sur le théâtre, étoient quelquefois appellés larvati, & quelquefois personati. Le même auteur ajoute que, comme les différens acteurs représentoient chacun un personnage unique & individuel, comme Œdipe, Chremès, Hécube, Médée : ce fut pour cette raison que d’autres gens qui étoient aussi distingués par quelque chose dans leur figure ou leur caractere, ce qui servoit à les faire connoître, furent appellés par les Latins personæ, & par les Grecs προσωπα. De plus, comme ces acteurs ne représentoient guere que des caracteres grands & illustres, le mot personne vint enfin à signifier l’esprit, comme la chose de la plus grande importance & de la plus grande dignité dans tout ce qui peut regarder les hommes : ainsi les hommes, les Anges, & la Divinité elle-même, furent appellés personnes.

Les êtres purement corporels, tels qu’une pierre, une plante, un cheval, furent appellés hypostases ou supposita, & non pas personne. Voyez Hypostase, Hypostasis, &c.

C’est ce qui fait conjecturer aux savans que le même nom personne vint à être d’usage pour signifier quelque dignité, par laquelle une personne est distinguée d’une autre, comme un pere, un mari, un juge, un magistrat, &c.

C’est en ce sens que l’on doit entendre ces paroles de Cicéron : « César ne parle jamais de Pompée qu’en termes d’honneur & de respect ; mais il exécute des choses fort dures & fort injurieuses à sa personne ». Voyez Personnalité.

Voilà ce que nous avions à dire sur le nom personne : quant à la chose, nous avons déja défini le mot personne, ce qui signifie une substance individuelle d’une nature raisonnable ; définition qui revient à celle de Boëce.

Maintenant, une chose peut être individuelle de deux manieres : 1°. logiquement, ensorte qu’elle ne puisse être dite de tout autre, comme Cicéron, Platon, &c. 2°. physiquement, en ce sens une goutte d’eau, séparée de l’Océan, peut s’appeller une substance individuelle. Dans chacun de ces sens, le mot personne signifie une nature individuelle : logiquement, selon Boëce, puisque le mot personne ne se dit point des universels, mais seulement des natures singulieres & individuelles ; on ne dit pas la personne d’un animal ou d’un homme, mais de Cicéron & de Platon : & physiquement, puisque la main ou le pié de Socrate ne sont jamais considérés comme des personnes.

Cette derniere espece d’individuel se dénomme de deux manieres : positivement, comme quand on dit que la personne doit être le principe total de l’action ; car les Philosophes appellent une personne, tout ce à quoi l’on attribue quelque action : & négativement, comme quand on dit avec les Thomistes, &c. qu’une personne consiste en ce qu’elle n’existe pas dans un autre comme un être plus parfait.

Ainsi un homme, quoiqu’il soit composé de deux substances fort différentes, savoir de corps & d’esprit, ne fait pourtant pas deux personnes, puisqu’aucune de ces deux parties ou substances, prises séparément, n’est pas un principe total d’action, mais une seule personne ; car la maniere dont elle est composée de corps & d’esprit, est telle qu’elle constitue un principe total d’action, & qu’elle n’existe point dans un autre comme un être plus parfait : de même, par exemple, que le pié de Socrate existe en Socrate, ou une goutte d’eau dans l’Océan.

Ainsi quoique Jesus-Christ consiste en deux natures différentes, la nature divine & la nature humaine, ce n’est pourtant pas deux personnes, mais une seule personne divine ; la nature humaine en lui n’étant pas un principe total d’action, mais existante dans une autre plus parfaite ; mais de l’union de la nature divine & de la nature humaine il résulte un individu ou un tout, qui est un principe d’action : car quelque chose que fasse l’humanité de Jesus-Christ, la personne divine qui est unie la fait aussi ; de sorte qu’il n’y a en Jesus-Christ qu’une seule personne, & en ce sens une seule opération, que l’on appelle théandrique. Voyez Théandrique.

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Étymologie de « personne »

Bourg. porséne ; Berry, parsoune ; prov. esp. et ital. persona ; du lat. persōna, proprement masque de théâtre, qui, jusqu'à preuve meilleure, ne paraît pas venir de personare, où l'o est bref.

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(Siècle à préciser) Du latin persona (« masque de théâtre », « rôle, personnage »).
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Phonétique du mot « personne »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
personne pɛrsɔn

Fréquence d'apparition du mot « personne » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « personne »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « personne »

  • Vous autres, hommes, vous ne devenez jamais de grandes personnes.
    Marcel Achard — Auprès de ma blonde, II, Émilie , La Table Ronde
  • Toute personne qui pense fortement fait scandale.
    Honoré de Balzac
  • Personne n’est la victime de personne.
    Amélie Nothomb — Les Catilinaires
  • La vraie, la seule histoire d'une personne humaine, c'est l'émergence graduelle de son vu secret à travers sa vie publique.
    Louis Massignon — Un vu et un destin : Marie-Antoinette, reine de France, in Lettres nouvelles n° 30-31
  • Le bien obscurément fait ne tente personne.
    Honoré de Balzac — Le Médecin de campagne
  • Sans profit personne ne se lèverait tôt.
    Proverbe chinois
  • Celui qui progresse ne blâme personne, ne loue personne, ne critique personne, n'incrimine personne. Il ne dit rien, ni de son importance, ni de son savoir.
    Epictète
  • Ne crains personne sauf tes péchés.
    Hazrat Ali
  • En moyenne, chaque personne possède un testicule.
    Anonyme
  • Une ville finit par être une personne.
    Victor Hugo — Moi, l'amour, la femme
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Images d'illustration du mot « personne »

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Traductions du mot « personne »

Langue Traduction
Anglais person
Espagnol ninguno
Italien nessuno
Allemand niemand
Chinois 没有人
Arabe لا أحد
Portugais ninguém
Russe ни один. никто
Japonais 誰も
Basque inor ere ez
Corse nimu
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Synonymes de « personne »

Source : synonymes de personne sur lebonsynonyme.fr

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Personne

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