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Peindre

Définitions de « peindre »

Trésor de la Langue Française informatisé

PEINDRE, verbe trans.

A. − Couvrir d'une couche de couleur, appliquer de la peinture (sur une surface, sur un objet). Peindre une maison, un mur, une porte, un plafond; faire peindre son salon; mur peint en jaune, en bleu; peint à la chaux. Le premier point était d'avoir de bonnes couches. Pécuchet en fit construire une en briques. Il peignit lui-même les châssis, et, redoutant les coups de soleil, barbouilla de craie toutes les cloches (Flaub.,Bouvard, t.1, 1880, p.30).Au Mecklembourg, au lieu de peindre comme ici les façades des maisons, ils peignent de blanc les rochers, les bornes et jusqu'aux grosses pierres (Giraudoux,Siegfried et Lim., 1922, p.75).V. aussi colorier ex. 2:
1. Et vous êtes là, toute gentille, toute rose comme un crocodile, comme un monstre, devant les pyramides écroulées du Mexique, devant les hommes nus dont on a peint le coeur en bleu pour que les flèches des sacrificateurs viennent s'y enfoncer et s'y rejoignent comme les lignes du monde dans le coeur de l'artiste... Audiberti,Quoat, 1946, 1ertabl., p.30.
P. anal.
1. [L'obj. désigne le visage ou une partie du visage, les cheveux, etc.] Farder, maquiller, teindre. À sa ceinture pendait un petit sac renfermant les couleurs qui lui servaient à peindre son visage (Verne,Enf. cap.Grant, t.1, 1868, p.128).Plusieurs grosses Juives-Américaines aux grands visages peints de toutes les couleurs de l'aurore (Larbaud,Jaune, 1927, p.135).
Empl. réfl. indir. Se peindre les lèvres, les yeux. Ce vieillard se peint la barbe et les cheveux (Ac.1798-1878).Moi, je suis ferme sur Jésus-Christ. Et tout cela pour qu'on dise seulement que le souverain pontife se peint le visage (Montherl.,Malatesta, 1946, iii, 5, p.505).
[P. méton.] Se peindre. Les mauvaises langues font beaucoup d'histoires sur Mmede la Poeze et le ténor Caporal. Elle se peint terriblement depuis quelque temps, mais le mal est général aujourd'hui (Mérimée,Lettres ctessede Montijo, t.2, 1868, p.343).
2. Littér. [Le suj. désigne un objet ou un phénomène naturel] Colorer, teinter. La Lune, dans le ciel, qui commence à blanchir (...) de la nuit argentant les rideaux, De ses pâles clartés peint tes tranquilles eaux (Chênedollé,Génie homme, 1807, p.48).Des pommes que l'automne a peintes Aux plus riches couleurs, La plus charmante a des gauleurs Évité les atteintes (Toulet,Vers inéd., 1920, p.163).
Empl. pronom. Revêtir (une couleur). Le fluide azuré se peignoit de leurs couleurs changeantes (Chateaubr.,Voy. Amér. et Ital., t.1, 1827, p.108).Sans flamme et presque sans chaleur, le bois semblait se peindre d'une couleur rouge, puis il s'émiettait et tombait en cendre morte (Giono,Gd troupeau, 1931, p.191).
B. −
1. Figurer quelque chose en utilisant de la peinture. Peindre des chiffres, des lettres. Il avait fait peindre, au fond de son tub, des herbes, des feuilles mortes, des branches cassées, pour se donner l'illusion de se baigner «dans l'onde pure d'un ruisseau» (Renard,Journal, 1893, p.176).Une autre manière d'employer la nacre est la suivante. Un objet quelconque est recouvert de vernis noir ou bronzé. Lorsqu'il est sec, on peint par-dessus un motif avec des couleurs à l'huile ou au bronze (Rousset,Trav. pts matér., 1928, p.170).
P. méton. Représenter symboliquement (une chose concrète ou abstraite) par des signes peints. Une seconde cause de confusion fut les figures matérielles elles-mêmes, par lesquelles on peignit d'abord les pensées, et qui, sous le nom d'hiéroglyphes ou caractères sacrés, furent la première invention de l'esprit (Volney,Ruines, 1791, p.241).[Les] traits continus par lesquels ces points de repère peuvent être reliés, et qui servent à peindre le cours des rivières, les sinuosités des côtes, la configuration des montagnes (Cournot,Fond. connaiss., 1851, p.293).
Vx. Former des lettres, des caractères; écrire. Il peint bien, il peint mal (Ac. 1798-1878). Le surnuméraire copiait et recopiait le fameux mémoire (...). Animé par sa participation mécanique à cette grande idée, l'enfant de vingt ans (...) mettait sa gloire à peindre les écritures, éléments d'une si noble entreprise (Balzac,Employés, 1837, p.71).J'ai une écriture (...) illisible. On disait dans les classes de lettres: «Il n'y a que les imbéciles qui peignent bien»; on promettait le prix de calligraphie au plus bête (Vallès,J. Vingtras, Bachel., 1881, p.361).
2. BEAUX-ARTS
a) Représenter quelqu'un ou quelque chose par la peinture, en recherchant un effet esthétique, l'expression d'une vision personnelle. Peindre des fleurs, des paysages, des intérieurs, des personnages; faire peindre qqn; se faire peindre. J'étais peint à tous les âges et tantôt au pastel, tantôt à l'huile, tantôt en miniature, d'époque en époque et presque d'année en année, depuis l'âge de cinq ans jusqu'à vingt (Vigny,Mém. inéd., 1863, p.13).Ce colosse rustique est un artiste recherché, car il peint les femmes du monde, et du monde le meilleur, d'un pinceau négligent, insolent, habile et même audacieux (Duhamel,Nuit St-Jean, 1935, p.152).Dans ses oeuvres de jeunesse, Cézanne cherchait à peindre l'expression d'abord, et c'est pourquoi il la manquait. Il a appris peu à peu que l'expression est le langage de la chose elle-même et naît de sa configuration (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p.372):
2. Ces trois génies [Rembrandt, Jérôme Bosch et Le Greco] ont peint ce qu'ils ont vu, mais voir, pour eux, c'était dégager de la lourde et multiforme apparence des éléments de même famille, des éclairs dirigés dans un seul sens. Voir, donc, c'est transformer le réel. Lhote,Peint. d'abord, 1942, p.87.
En empl. abs. Pratiquer l'art de la peinture. Peindre à l'huile, à l'aquarelle, à la gouache; peindre à fresque; peindre sur bois, sur toile; peindre d'après nature; peindre à pleine couleur, en pleine pâte. Gros avait appris aux jeunes à composer et à peindre par masses, à soumettre le dessin à la lumière, à employer les tons vifs largement étalés, à dégager le pathétique et la grandeur des spectacles contemporains (L. Hautecoeur,Art sous Révol. et Emp., 1954, p.94):
3. Comme Renoir qu'il faut toujours rappeler pour célébrer la joie de peindre, Vlaminck proclame: «Peindre, c'est faire l'amour». Il est l'initiateur, il entraîne par l'exemple et par sa chaleur des recrues en apparence réfractaires, comme Matisse, au nom de l'instinct et de Vincent Van Gogh. Arts et litt., 1936, p.18-9.
Loc., vx
(Être) à peindre, (être) fait à peindre. (Être) beau, bien fait. Celui-là, nous l'aimons tous. C'est un joli garçon, bien tourné, fait à peindre, bel homme en uniforme, jeune (Courier,Pamphlets pol., Lettres partic. 2, 1820, p.69).
À peindre. Fort bien, à merveille. Voilà un habit qui vous va à peindre (Ac. 1798).
Être à peindre. Être dans une situation, une posture, un accoutrement ridicule. «(...) Ma chère, il étoit impossible d'y tenir; vous étiez à peindre.» Elle se mit de nouveau à rire (Fiévée,Dot Suzette, 1798, p.123).Son mari était à peindre: il ressemblait à un certain ventriloque qui savait rire d'un côté et pleurer de l'autre (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p.153).
Achever de peindre. Compléter le tableau; mettre le comble à une situation difficile ou malheureuse. −Voulez-vous que je vous fasse du feu? −Si vous voulez, dit-elle. Voyons, (...) où (...)? Au milieu de ces copeaux, c'est impossible; nous aurions un incendie pour nous achever de peindre (Feuillet,Camors, 1867, p.161).
b) P. méton.
[L'obj. désigne le support] Orner avec des motifs peints. Peindre un plafond. Le chantre [du monastère] fournissait aux moines qui écrivaient et peignaient les manuscrits tous les objets dont ils avaient besoin (Lenoir,Archit. monast., 1856, p.375).Il nous parle de la proposition qu'il a faite jadis à M. Cavé, de lui peindre les quatre murs d'une mairie en y faisant figurer les actes de la vie civile: la naissance, la conscription, le mariage et la mort (Goncourt,Journal, 1866, p.266).
[L'obj. désigne la composition à réaliser] Exécuter au moyen de peinture. Peindre une nature morte, des décors. Il a imaginé de décorer son salon de marines peintes à fresque (des marines en vue de la mer!) (Flaub.,Corresp., 1853, p.310).Son tableau est peint à grandes touches, sans préciosités ni tapotages (Huysmans,Art mod., 1883, p.37).Mon portrait et celui de mon fils aîné, peints par Jacques-Émile Blanche, ont perdu leur caractère moderne et sont déjà de vieux portraits de famille (Mauriac,Journal 1, 1934, p.67).
[Le compl. d'obj. dir. précédé de l'art. déf. désigne le genre pratiqué par l'artiste, sa spécialité] Peindre l'histoire, le paysage. Il répondit: −Monsieur, si je peignais le portrait, je n'aurais pas fait celui-ci (Balzac,Bourse, 1832, p.418).
C. − Au fig.
1. [Le suj. désigne une pers.] Représenter, évoquer quelque chose ou quelqu'un par un moyen d'expression autre que la peinture (paroles, musique, gestes), d'une manière qui frappe l'imagination et donne le sentiment du vrai. Vous dire tout cela, mon ami, ce serait vous exprimer l'ineffable, vous montrer l'invisible, vous peindre l'infini (Hugo,Rhin, 1842, p.166).Dans ce morceau terrible [l'air de Pizarre dans «Fidelio» de Beethoven], la joie féroce d'un scélérat (...) est peinte avec la plus effrayante vérité (Berlioz,À travers chants, 1862, p.76).Une des prétentions de Proust est de n'avoir voulu peindre ses héros que dans l'unicité de leur personne, de n'avoir jamais exercé cette activité proprement intellectuelle qui s'applique délibérément à les faire rentrer dans des classes, à en faire des types (Benda,Fr. byz., 1945, p.65):
4. On comprend qu'il est difficile de peindre les actions. Au vrai la seule peinture des actions est la danse, et l'on découvre bientôt en toute danse une recherche de l'immobile dans le mouvement, ce qui est la loi de la danse. Alain,Propos, 1923, p.466.
SYNT. Peindre des personnages, des caractères; peindre les moeurs, les vices, la société; peindre une situation; peindre son temps; peindre la vie, la réalité, le réel, la vérité; peindre par un geste, par un signe, par le dialogue, par des mots, par les sons; peindre en beau, en laid; peindre de, avec de vraies, fausses, vives couleurs.
Peindre sous des couleurs + adj.Les larmes aux yeux, il lui peint, sous les plus vives couleurs, la honte qu'une pareille usurpation va faire rejaillir sur leur famille (Cottin,Mathilde, t.1, 1805, p.113).[Dante] avait pensé, en décrivant l'enfer, le purgatoire, et le ciel, peindre, sous des couleurs allégoriques, les trois qualités, les trois manières d'être, de l'humanité (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p.214).
Locutions
Peindre + adj.,vx ou littér. Des nymphes et des satyres chantent dans une grotte qu'il faut peindre bien romantique, pittoresque (Chénier,Bucoliques, 1794, p.251).Je ne me crois d'autre génie, garant de mon mérite, que de peindre ressemblante la nature qui m'apparaît si clairement en de certains moments (Stendhal,H. Brulard, 1836, p.276).V. aussi infra empl. réfl. ex. de Gide.
Peindre comme + subst.Elle me parut fort mécontente de Lamontette, qu'elle me peignit comme un homme dangereux (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p.142).Il est si avantageux de nous peindre comme défenseurs de «la laïque»! (Gide,Corresp.[avec Claudel], 1912, p.189).
En empl. abs.:
5. Montaigne a eu, plus qu'aucun peut-être, ce don d'exprimer et de peindre; son style est une figure perpétuelle, et à chaque pas renouvelée; on n'y reçoit les idées qu'en images; et on les a, à chaque moment, sous des images différentes, faciles et transparentes pourtant. Sainte-Beuve,Port-Royal, t.2, 1842, p.442.
En empl. réfl.
dir. Se dépeindre; révéler, consciemment ou non, son propre caractère en s'exprimant. J'oserai tout dire, puisque encore une fois je n'écris pas ceci pour me peindre en beau, mais pour me montrer (Bourget,Disciple, 1889, p.124).J'avais quelque lecture et ne voudrais pas me peindre par trop niais (Gide,Si le grain, 1924, p.484).Louis Racine (...) dénonce le préjugé de ceux qui s'imaginent qu'un auteur se peint dans son ouvrage (Mauriac,Vie Racine, 1928, p.75).
indir. Se représenter quelque chose par l'imagination. On se peindrait difficilement la masse et la nature de nos sentiments, dans ce moment décisif où s'accumulaient en foule tant de violences, d'injustices et d'ouvrages! (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.49).
2. [Le suj. désigne un mode d'expression, un aspect du comportement] Traduire, exprimer, rendre d'une façon manifeste et frappante. Ce plain-chant du Moyen Âge doit être distingué de celui plus récent qui peint très bien les objets. Le primitif ne peint pas les objets, il fait pénétrer au centre de la chose en soi (Barrès,Cahiers, t.6, 1907, p.7).Tout cela de cette grande écriture raide, hautaine, qui peint si mal, n'en déplaise aux graphologues, le caractère de mon père (Duhamel,Notaire Havre, 1933, p.18):
6. Le style familier de la conversation fournit une expression qui peut peindre ce garçon en deux mots: il était cassant et pointu. Sa voix fêlée s'harmoniait à l'aigreur de sa face, à son air grêle, et à la couleur indécise de son oeil de pie. Balzac,Illus. perdues, 1843, p.581.
3. Empl. pronom. Apparaître de manière sensible.
a) [Le suj. désigne un obj. concr. ou son image] Se dessiner, se profiler, se refléter. Il regarde à ses pieds, dans le liquide azur Du fleuve qui s'étend comme lui calme et pur, Se peindre les coteaux, les toits et les feuillages (Chénier,Élégies, 1794, p.151).Une fois à Combray, dans la carriole du Dr Percepied, d'où j'avais vu se peindre sur le couchant les clochers de Martinville (Proust,Germantes 2, 1921, p.548).Quand je regarde un objet, il n'y a pas d'un côté le corps, ensuite l'image rétinienne, enfin l'image corrigée qui se peindrait dans quelque endroit du cerveau (Warcollier,Télépathie, 1921, p.35).
b) [Le suj. désigne un état, un phénomène mor.] Se manifester, se révéler d'une manière frappante. À l'effroi qui se peignit dans les yeux de la jeune fille, (...) on pouvait reconnaître la dernière lutte du doute contre la conviction (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.558).Il faut voir les visages où tout se peint, et les regards. Des yeux d'homme, Sabiroux! On a toujours à dire là-dessus (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p.257).
Au part. passé. La gaieté était peinte sur le visage de tous les matelots; ils paraissaient mieux portans et mille fois plus heureux que le jour de notre sortie de Brest (Voy. La Pérouse, t.2, 1797, p.69).
Prononc. et Orth.: [pε ̃:dʀ ̥], (il) peint [pε ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1100 «orner, pourvoir de motifs décoratifs à l'aide d'une matière colorante» (Roland, éd. J. Bédier, 1810: E cil escuz, ki ben sunt peinz a flurs); ca 1140 (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 113: Entrat en un muster de marbre peint a volte); ca 1140 (Wace, St Nicolas, 347 ds T.-L.; Ymages peintes äourent); ca 1165 escuz peinz a verniz; escu peint a color (Benoît de Ste-Maure, Troie, 10836; 21078, ibid.); 1690 toile peinte (Fur., s.v. toile); 1834 papier peint (Land., s.v. papier); b) p.ext. 1525-33 en parlant de ce qui est coloré, bigarré oyselletz painctz de couleurs estranges (Cl. Marot, Elégies, I, 121 ds OEuvres, éd. C.A. Mayer, t.3, 215), cf. 1565 (Belleau, Bergerie, Complainte II, 28 ds Hug.: ... humbles zephyrs... Portez soudain dessus vos ailes peintes...); 2. ca 1100 «représenter, figurer par des lignes et de la couleur» (Roland, 2594: Fait sei porter en sa cambre voltice; Plusurs culurs i ad peinz e escrites; v. note t.2, p.227); 1155 (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 9295: Dedenz l'escu fu par maistrie De ma dame sainte Marie Purtraite e peinte la semblance); ca 1160 (Eneas, 7976 ds T.-L.: Guarde el tenple comfaitement Amors i est peinz folement E tient deus darz en sa main destre Et une boiste en la senestre); 1225-30 empl. abs. savoir poindre (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 163) - Fig. a) ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, op.cit., 18082, ibid.: vostre semblance delite Qu'en mon cuer port peinte e escrite); b) av. 1526 achever de peindre (quelqu'un) «rendre complet son malheur, sa ruine» (J. Marot ds OEuvres de Cl. et de J. Marot, éd. La Haye, 1731, t.5, p.232); c) 1669-84 réfl. «(d'une chose) se manifester, être patent» (La Fayette, Hist. Hte d'Angl. ds Littré: La mort se peignait sur son visage); 3. «modifier, rehausser l'aspect du visage par l'emploi de couleurs, de fards» a) av. 1544 peindre sa barbe (Cl. Marot, Epigramme A. G. Bruslard ds OEuvres, éd. C.A. Mayer, t.5, p.243); b) 1588 «farder (son visage)» (Montaigne, Essais, II, XII, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p.485). B. Ca 1160 «représenter à l'esprit par une description» peindre el parchemin (Eneas, 8787 ds T.-L.), cf. 1545 (Habert, Deplor. de Duprat, p.20 ds Hug.: Mettez ses maulx enormes [de la Mort] en lumiere... Paindez au vif ses efforts inhumains). Du lat. pingere «couvrir de couleur, teindre, enluminer; orner, décorer; représenter par le pinceau; figurer, dépeindre par la parole». Fréq. abs. littér.: 3561. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7978, b) 4310; xxes.: a) 4184, b) 3505. Bbg. Duch. Beauté. 1960, p.89, 177.

Wiktionnaire

Verbe - français

peindre \pɛ̃dʁ\ transitif direct ou pronominal 3e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se peindre)

  1. Enduire ou couvrir de peinture, de couleur ou de pigments.
    • La façade était peinte en blanc et les arêtes de la corniche se rehaussaient d'un filet rouge qui en accentuait le profil. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Le sanctuaire, dont les piliers sont décorés des statues des Apôtres, était entièrement peint. — (Eugène Viollet-le-Duc, La Cité de Carcassonne, 1888)
    • Au Québec, nous avons une distinction sémantique entre peinturer et peindre, le premier étant ce que n'importe qui fait sur les murs, le second étant l'action de l'artiste... — (Anne-Marie Beaudouin-Bégin, La langue affranchie, se raccommoder avec l’évolution linguistique, Québec, Éditions Somme toute, 2017, page 19)
    • Car la mode, c’est aussi les millions de tonnes de crèmes, poudres, laits, lotions, maquillages, démaquillants, prémaquillants, produits à se peindre, à se bronzer, à ôter la peinture, à s’oindre, à s’enduire, à se désenduire, à se pommader, à se friser, à s’onduler, à se défriser, à nourrir les cheveux, les laver, les traiter, les dépelliculer, les blondir, les faire briller, les remplir de reflets, les décolorer, les recolorer, les soigner, les faire respirer, les faire pousser, repousser, ôter les duvets superflus, maigrir, mincir, grandir, développer les seins, gommer les hanches, affiner la taille, avaler l’estomac, fondre les kilos en trop, exalter le buste, renforcer les appas défaillants… — (Jeune Afrique, 1969, n° 435 à 451, page 52)
  2. Représenter une personne ou une chose, par des lignes et par des couleurs.
    • […] : il engagea plusieurs de ses amis à se laisser peindre par elle, et ces essais commencèrent à lui donner de la réputation. — (Marie-Jeanne Riccoboni , Histoire d’Ernestine, 1762, édition Œuvres complètes de Mme Riccoboni, tome I, Foucault, 1818)
    • Et je vais te peindre couchée, grandeur nature. Et quand ça y sera — et ça y sera, je t’en fous mon billet — tu verras quelque chose, Tsoin-Tsoin. Les plus calés — tiens, même Carlaine — en baveront des ronds de chapeau. — (Pierre Duniton, Les loisirs du gabelou, Éditions Victor Attinger, 1930, p. 67)
    • Selon les statuts de cette société savante, ses futurs membres s'engageaient à offrir, pour leur intronisation, leur portrait grandeur nature. Bach fit donc peindre son portrait par Elias Gottlob Haussmann, le peintre officiel de Leipzig. — (Philippe Charru & ‎Christoph Theobald, L'esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, Éditions Mardaga, 2002, p. 269)
    • Donc, l'art de la peinture esquisse et restitue en image les Grâces et donne de la consistance à leur corps par les couleurs ; désormais, il les peint toutes trois en pied et les présente nues, sans vêtements ni voiles. — (Marina Loukaki, Les Grâces à Athènes : Éloge d’un gouverneur byzantin par Nikolaos Kataphlôron, Éditions De Gruyter, 2019, p. 83)
    • Peindre un plafond, le décorer de figures ou d’ornements.
  3. (Figuré) Décrire, représenter quelque chose par des mots qui font image.
    • Louis XVI n'était pas précisément tel qu'on s'était attaché à le peindre pour l’avilir : ce n'était ni l’imbécile abruti qu'on exposait au mépris du peuple, ni l'honnête homme bon et sensible que préconisaient ses amis. — (« Notices historiques sur la Révolution », dans Mémoires de Mme Roland, éditées par J. Ravenel, vol.1, Paris : chez Auguste Durand, 1840, page 286)
    • Dans leurs oupa-oupa, qui passent avec raison pour des danses très obscènes, les acteurs peignent par des pantomimes expressives toutes les passions qui les exaltent. — (Thomas Arbousset, Tahiti et les îles adjacentes, 1867)
    • C'est par les lettres qu'il écrivait, les livres qu'il aimait, les amis qu'il choisissait, par ce perpétuel mélange de documents et de témoignages, qu'il est possible de le peindre dans sa première jeunesse. — (René Vallery-Radot, La vie de Pasteur, Hachette, 1900, Flammarion, 1941, page 20)
    • La Fontaine et La Bruyère n’énoncent rien de fatal ou d’éternel quant aux vilenies qu'ils peignent. — (Julien Benda, La trahison des clercs, 1927, édition revue & augmentée, Grasset, 1946, page 194, note 2)
    • Il peint si vivement la colère, la douleur, la joie, la crainte, qu’il en inspire les sentiments. — Peindre le vice avec les couleurs les plus propres à en donner de l’horreur.
    • Achever de peindre, se dit d’un dernier trait qui s’ajoute à ceux qui nous font connaître quelqu’un et en complète la ressemblance.
    • Ceci achève de le peindre.
  4. (Pronominal) (Figuré) Se traduire, se manifester.
    • Habitué à tout supposer, le brigadier aurait peut-être conçu des soupçons à l'aspect de cette physionomie ouverte où se peignaient si fidèlement les mouvements de l'âme. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
  5. (Pronominal) (Figuré) Représenter ses pensées, son style pour faire connaître son caractère et ses inclinations.
    • Cet auteur se peint dans ses ouvrages.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

PEINDRE. (Il se conjugue comme TEINDRE.) v. tr.
Couvrir quelque chose avec des couleurs. Peindre un mur, une boiserie en rouge, en blanc, en gris, etc. Peindre une galerie, une chambre à l'huile. Peindre un plafond à la colle. Peindre la carrosserie d'une voiture. Par analogie, Cette femme est vraiment trop peinte. Il signifie aussi Représenter une personne, une chose, par des lignes et par des couleurs. Peindre quelqu'un en pied, en buste, grandeur nature. Peindre quelqu'un en beau, en laid. Cette femme est difficile à peindre. Il a fait peindre toute sa famille. Il s'est fait peindre en uniforme. Peindre une bataille, une prairie, une montagne, un morceau d'architecture. On l'emploie souvent absolument. Peindre d'après nature. Peindre dans la manière, dans le goût de telle école, de tel maître. Peindre sur toile, sur bois, sur cuivre, sur ivoire, sur vélin, sur porcelaine. Peindre à l'huile, à l'œuf, à fresque, à la détrempe, à l'aquarelle, au pastel. Peindre en camaïeu, en miniature, en émail. Peindre en trompe-l'œil. Peindre le portrait, le paysage, etc., Avoir pour genre de peinture le portrait, le paysage, etc. Peindre un plafond, Le décorer de figures ou d'ornements. Fig. et fam., Être à peindre, Être dans un costume, dans une posture singulière, ridicule. On peut aussi, mais moins fréquemment, le prendre dans un sens favorable. Toiles peintes, Certaines toiles où sont imprimés des figures, des paysages, des fleurs, des ornements, et qui servent à l'habillement des femmes, aux tentures et aux meubles. Papier peint. Voyez PAPIER.

PEINDRE s'emploie figurément et signifie Décrire, représenter quelque chose par des mots qui font image. Personne n'a peint avec plus de vérité les passions et leurs effets. Ce personnage est peint trait pour trait dans ce discours. Il peint si vivement la colère, la douleur, la joie, la crainte, qu'il en inspire les sentiments. Peindre le vice avec les couleurs les plus propres à en donner de l'horreur. On nous l'avait peint comme un homme d'honneur. On nous le peignit des plus noires couleurs. Il nous a peint sa détresse, sa misère. Peints par eux-mêmes. Achever de peindre, se dit d'un Dernier trait qui s'ajoute à ceux qui nous font connaître quelqu'un et en complète la ressemblance. Ceci achève de le peindre. Pour l'achever de peindre.

SE PEINDRE signifie figurément Se traduire, se manifester. La douleur, la joie, la colère, etc., se peignait dans ses yeux, dans ses regards, sur son visage. La candeur, l'honnêteté de son âme se peint dans ses moindres discours. Cet auteur se peint dans ses ouvrages, Ses pensées, son style font connaître son caractère et ses inclinations.

Littré (1872-1877)

PEINDRE (pin-dr'. Les formes en gn se confondent avec les formes correspondantes du verbe peigner ; seulement on prononce d'une façon un peu plus ouverte celles du verbe peigner, et un peu plus fermée celles du verbe peindre), je peins, tu peins, il peint, nous peignons, vous peignez, ils peignent ; je peignais, nous peignions, vous peigniez ; je peignis ; je peindrai ; je peindrais ; peins, qu'il peigne, peignons, peignez ; que je peigne, que nous peignions, que vous peigniez ; que je peignisse ; peignant, peint v. a.
  • 1Représenter une personne, une chose par des lignes et des couleurs. Peindre un homme, un arbre, un lion, un paysage. Il est bien vrai que le concile de Latran a défini qu'on pouvait peindre les anges…, Descartes, Rép. aux 6es object. 5. Alexandre voulut qu'il n'y eût qu'Apelle qui le peignît, Vaugelas, Q.C. II, 6. J'ai lu je ne sais où, qu'Apelle peignit autrefois une maîtresse d'Alexandre d'une merveilleuse beauté, et qu'il en devint, la peignant, si éperdument amoureux, qu'il fut près d'en perdre la vie, Molière, Sicil. 12. Quelle audace de vous faire peindre ! je m'en réjouis, c'est signe que vous êtes belle, Sévigné, 58. Vierge qu'avec amour eût peinte Raphaël, P. Lebrun, Voy. de Grèce, X, 4.

    Peindre l'histoire, le portrait, exécuter des tableaux qui représentent des sujets historiques, des portraits.

    Fig. On dit que le temps peint les beaux tableaux [qu'il les embellit], Diderot, Salon de 1767, t. XIV, p. 141.

    Absolument. Un vieux artisan comme moi a quelque honneur à perdre, et doit avoir soin de conserver la bonne opinion qu'on a de lui… je ne veux plus peindre, mais je veux encore moins barbouiller, Guez de Balzac, Des ministres et du ministère. Avec plus de raison nous [lions] aurions le dessus [sur les hommes], Si mes confrères savaient peindre, La Fontaine, Fabl. III, 10. Il peignit comme Apelle, il chante comme Orphée, Voltaire, Trois man. Vien dessine bien, peint bien ; mais il ne pense ni ne sent, Diderot, Salon de 1767, t. IX, p. 55, éd. 1821.

    Peindre à l'huile, peindre avec des couleurs broyées et détrempées à l'huile. L'invention de peindre à l'huile n'a point été connue des anciens ; ce fut un peindre flamand, nommé Jean van Eyk, mais plus connu sous le nom de Jean de Bruges, qui en trouva le secret, et qui le mit en usage au commencement du XVe siècle, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. XI, 1re part. p. 142, dans POUGENS.

    Fait à peindre, très bien fait. C'était une fille de seize à dix-sept ans, faite à peindre, vive et coquette, Lesage, Guzm. d'Alf. VI, 8.

    On dit aussi à peindre, sans le participe fait. Un tour de visage et un menton à peindre, Sévigné, 120. Il m'assura de nouveau que j'étais un cavalier à peindre, Lesage, Guzm. d'Alf. IV, 5.

    Cet habit est fait à peindre, il va à peindre, il est bien fait et sied bien.

    Être à peindre, être dans une posture, dans une attitude singulière, risible, ridicule. Vous étiez tous les trois à peindre, Imbert, Jaloux sans amour, II, 2.

    Familièrement et fig. Achever de peindre, donner le coup de grâce, consommer le désagrément, l'embarras, la ruine. Et la honte pour lors, qui me saisit le cœur, Pour m'achever de peindre éteignit ma vigueur, Régnier, Élég. IV. Nous voilà bien achevés de peindre, Regnard, le Joueur, V, 7.

    Fig. Manière de peindre, manière d'agir en général, procédé (locution qui paraît appartenir à Mme de Sévigné ou du moins à sa société). Il [le duc de Luxembourg a été interrogé pendant quatre heures [pour l'affaire des poisons]… pour Mme la comtesse de Soissons, c'est une autre manière de peindre : elle a porté son innocence au grand air [elle s'est enfuie], Sévigné, 29 janv. 1680. Des traîtresses de douleurs qui reviennent quelquefois, et dont il faut se moquer, parce que c'est la manière de peindre des rhumatismes, Sévigné, 1er mars 1676.

  • 2Peindre une galerie, un plafond, les orner par la représentation de diverses figures.
  • 3Couvrir de couleurs. Peindre une boiserie, un mur en blanc, en gris.

    Par analogie. Farder le visage. Même elle avait encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage Pour réparer des ans l'irréparable outrage, Racine, Athal. II, 5.

    Teindre les cheveux, la barbe. Ce vieillard se peint la barbe et les cheveux. On prétend qu'elle se peint les sourcils, Genlis, Théât. d'éducation, la Tendresse maternelle, sc. 11.

    Fig. Quitte, pour te forcer à deux ou trois soupirs, Et peindre alors ton front d'un peu de déplaisir, Corneille, Perth. III, 3.

  • 4Il se dit aussi des couleurs que répand la lumière. Et les soleils d'avril peignant une prairie En leur tapis de fleurs n'ont jamais égalé Son teint renouvelé, Malherbe, V, 24. Le soleil peint nos champs des plus vives couleurs, Quinault, Atys, I, 2. Vos yeux d'un nouveau jour peignirent l'horizon, Racine, Nymphes de la Seine. Celle-ci [Iris], volant d'une aile légère, fend les espaces immenses des airs, laissant après elle une longue trace de lumière qui peignait un nuage de mille diverses couleurs, Fénelon, Tél. XVI. Tel, du haut de son char, le dieu de la lumière S'empare, en se montrant, de la nature entière, Et, sur tous les objets répandant ses couleurs, Peint les monts et les champs, et l'insecte et les fleurs, Delille, l'Imag. V.
  • 5Écrire, former les lettres, les caractères. C'est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux, Brébeuf, Phars. III.

    Absolument. Il peint si mal qu'on ne peut lire son écriture. J'orthographie… Et peins trop mal, monsieur… jamais je n'oserai, Boissy, Deh. tromp. IV, 7.

  • 6 Terme de tapisserie. Faire le fond du papier, ce qui s'exécute avec des brosses rondes sans manche et montées de soies courtes.
  • 7 Fig. Décrire, représenter vivement par le discours. Peignez mes actions plus noires que la nuit, Corneille, Médée, II, 2. Je les peins dans le meurtre à l'envi triomphants, Corneille, Cinna, I, 3. Nous avons fort parlé [avec l'évêque de Marseille] de toutes les affaires passées ; il me semble que je les ai peintes au naturel, Sévigné, 19 sept. 1677. Rien n'apaise un lecteur toujours tremblant d'effroi, Qui voit peindre en autrui ce qu'il remarque en soi, Boileau, Sat. IX. Et j'ai peint à ses yeux le trouble de votre âme, Racine, Bérén. IV, 2. J'ai cru que je pouvais emprunter deux ou trois traits d'Hérodote pour mieux peindre Assuérus, Racine, Esth. Préf. Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image, Racine, Athal. IV, 3. Corneille peint les hommes comme ils devraient être ; Racine les peint tels qu'ils sont, La Bruyère, I. Sans que mon livre… ne s'écarte du plan que je me suis fait d'y peindre les hommes en général, La Bruyère, Préface. Vous qui me l'avez peint [Polyphonte] de si noires couleurs ! Voltaire, Mérope, II, 1. Plusieurs autres malheureux avaient péri dans les flammes par des arrêts principalement émanés de ce chancelier [Thomas Morus] qu'on nous peint comme si doux et si tolérant, Voltaire, Mœurs, 135. Hommes savants dans l'art de feindre, Qui me prêtez des traits si doux, Vous avez beau vouloir me peindre, Vous ne peindrez jamais que vous, Rousseau, Vers mis par lui au bas d'un de ses portraits, dans 2e dial. Eschyle peignit les hommes plus grands qu'ils ne peuvent être, Sophocle, comme ils devraient être, Euripide, tels qu'ils sont, Barthélemy, Anach. ch. 69. Mais nous, pour embraser les âmes, Il faut brûler, il faut ravir Au ciel jaloux ses triples flammes ; Pour tout peindre, il faut tout sentir, Lamartine, Méd. I, 11.

    Peindre en, représenter comme. Loin d'en baisser les yeux [d'une perfidie], l'orgueilleuse en fait gloire ; Elle nous l'ose peindre en illustre victoire, Corneille, Pulch. III, 4. Et me jeter au rang de ces princes soumis, Que le titre d'amants lui peint en ennemis, Molière, Pr. d'Él. I, 1.

    Par extension. Il s'en faut bien que je croie la musique capable de tout peindre, je crois seulement qu'elle peut, par ses sons, nous mettre quelquefois dans une situation semblable à celle où nous mettent certains objets de la vue, et par là nous rappeler l'idée de ces objets, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 10 avr. 1767.

    Fig. Peindre en beau, représenter les choses ou les personnes comme meilleures qu'elles ne sont. Vous, monsieur, qui peignez toutes choses en beau, Je vous défie ici d'égayer le tableau, Collin D'Harleville, Optimiste, III, 9. Il me paraît, comme vous me le disiez tout à l'heure, que ce n'est pas en beau que l'on vous a peint, monsieur de Richelieu, Al. Duval, Jeun. de Richel. III, 8.

    En un sens opposé, peindre en laid, peindre en mal.

    Absolument. Tout l'esprit d'un auteur consiste à bien définir et à bien peindre : Moïse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images, La Bruyère, I. Hasarder de certaines expressions, user de termes transposés et qui peignent vivement, La Bruyère, ib. Qui veut peindre pour l'immortalité, doit peindre des sots, Fontenelle, Dial. 2e, Morts modernes.

  • 8Représenter l'image, imiter. Contrefaire un comédien dans des rôles sérieux, c'est le peindre par des défauts qui sont entièrement de lui, Molière, Impromptu, SC. 1. Votre mémoire vous la peindra mieux avec tous ses traits et son incomparable douceur, que ne pourraient faire toutes mes paroles, Bossuet, Duch. d'Orl.
  • 9Se peindre, représenter à soi-même, s'imaginer. Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue, Racine, Andr. III, 8.
  • 10Se peindre, v. réfl. Faire soi-même son portrait. Voilà son portrait, c'est lui-même qui s'est peint.

    Fig. Faire la description de son âme, de son cœur. Le sot projet qu'il [Montaigne] a de se peindre ! Pascal, Pens. VI, 33, éd. HAVET. Je ne veux point me peindre avec trop d'avantage, Racine, Phèdre, IV, 2. Je me peindrai tel que je fus, tel que je suis, le mal offusquera presque toujours le bien ; et malgré cela j'ai peine à croire qu'aucun de mes lecteurs ose se dire : je suis meilleur que ne fut cet homme-là, Rousseau, Lett. à M. Duclos, Corresp. t. VI, p. 168, dans POUGENS.

    Cet auteur se peint dans ses ouvrages, c'est-à-dire ses pensées, son style font connaître son caractère et ses inclinations. Chacun se peint sans y penser dans ce qu'il écrit, Fénelon, Lett. à Lamotte, 22 nov. 1714.

    Fig. S'achever de peindre, se conduire de manière à se compromettre, à ruiner ses affaires, etc. Ils vont s'achever de peindre, et je ne serai pas en sûreté, Destouches, Fausse Agnès, III, 11.

    S'achever de peindre, se dit aussi d'un homme qui, après avoir beaucoup bu, recommence à boire et se grise tout à fait.

  • 11Être peint, figuré comme par la peinture. Les objets se peignent au fond de l'œil sur la rétine comme sur une toile. Il n'y a qu'à présenter un objet [à un miroir], aussitôt il se peint lui-même, et cet admirable tableau ne dégénère, par aucun endroit, de l'original, Bossuet, Élév. sur myst. II, 3. Le ciel, de la terre amoureux, Se peint dans le miroir de l'onde, Bernis, Saisons, Automne. Il regarde à ses pieds dans le liquide azur Se peindre les coteaux, les toits et les feuillages, Chénier, Élég. XI.

    Fig. La mort se peignit sur son visage [de Madame], et on la voyait dans des souffrances cruelles, sans néanmoins qu'elle parût agitée, La Fayette, Hist. Hte d'Angl. À ces mots, le mécontentement le plus sévère se peignit sur le visage de Louis, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 30, dans POUGENS. Qui pouvait la regarder sans être frappé de l'inspiration divine qui se peignait dans ses yeux ? Staël, Corinne, III, 3.

  • 12 Poétiquement, être orné. Et déjà devant lui les campagnes se peignent Du safran que le jour apporte de la mer, Malherbe, I, 4.

REMARQUE

J. J. Rousseau a dit : Et pour achever de me peindre, Lett. à Mme de Warens, 23 oct. 1737. C'est une faute ; la locution est une phrase faite ; il faut dire m'achever de peindre.

HISTORIQUE

XIe s. Et cil escuz qui bien sont peinz à flors, Ch. de Rol. CXXXV.

XIIe s. Ausi cum l'on plastrit et teint La maisiere [muraille] sor quoi l'om peint, Benoit de Sainte-Maure, V. 39829. À celui qui se efforce de paindre ço que covient à beauté…, Machab. II, 2.

XIIIe s. Mieux [elle] ressemble [à] Bertain que ne peindroit peigniere [peintre], Berte, XI. Sa galie ariva toute peinte dedens mer et dehors, à escussiaus de ses armes, Joinville, 215.

XVe s. Amoureux ont parolles paintes Et langaige frais et joly, Orléans, Ball. 74.

XVIe s. Disant que plus n'avez laine sur dos, Et que rongée estes jusques aux os, Crucifiée, achevée de paindre, Marot, J. V, 232. …Ou escouter la musique et le bruit Des oyselets paincts de couleurs estranges, Marot, I, 328. Tu peins ta barbe, amy Bruslard, c'est signe Que tu voudrois pour jeune estre tenu, Marot, III, 168. Quoyque je peigne insupportablement mal, j'aime mieulx escrire de ma main que d'y employer une aultre, Montaigne, I, 293. …Mon cœur troublé de desirs inconstans Et d'espoirs enchanteurs qui m'ont fait si long-tans Battre l'air, peindre en l'onde et fonder sur le sable, Desportes, Œuvres chrestiennes, Sonnets, 10. Aucuns aussi sont mis pour apprendre trois ou quatre mots de latin, en attendant qu'ils soient grandelets pour faire le voyage d'Italie, afin que là on acheve de les leurrer, ou, comme dit le proverbe, qu'on acheve de les peindre, H. Estienne, Apol. d'Hérod. p. 91, dans LACURNE.

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Étymologie de « peindre »

Wallon, pôd, pond ; bourguig. poindre ; provenç. pegner, penher, pencher ; ital. pignere, pingere ; du lat. pingere ; sansc. piç, pinç, former, figurer.

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Du moyen français peindre, de l’ancien français peindre, du latin pĭngĕre (« peindre », « teindre », « enluminer », « orner », « décorer », « émailler », « représenter », « broder », « dépeindre par la parole », « figurer »).
Le verbe latin est apparenté à pigmentum qui a donné « pigment ».
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Phonétique du mot « peindre »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
peindre pɛ̃dr

Fréquence d'apparition du mot « peindre » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « peindre »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « peindre »

  • Peindre, peindre, Toujours peindre Encore peindre Le mieux possible, le vide et le plein Le léger et le dense Le vivant et le souffle.
  • Pour tout peindre, il faut tout sentir.
    Alphonse de Prât de Lamartine — Premières Méditations poétiques, l'Enthousiasme
  • Un amateur est un artiste qui travaille pour pouvoir peindre. Un professionnel est quelqu'un dont la femme travaille pour qu'il puisse peindre.
  • Un amateur est une personne qui trouve un travail pour pouvoir peindre. Un professionnel est une personne dont la femme travaille pour qu’il puisse peindre.
    Ben Shahn
  • L’art de peindre n’est que l’art d’exprimer l’invisible par le visible.
    Eugène Fromentin — Les Maîtres d’autrefois
  • Un écrivain devrait écrire avec ses yeux et un peintre peindre avec ses oreilles.
    Gertrude Stein
  • La vie, c’est peindre une image, et non faire une somme.
    Oliver Wendell Holmes
  • Quitte à laisser les murs sans tableaux et nus, autant les peindre comme il se doit. Il en va de l’esthétisme et du confort de chaque pièce de la maison. Vous devez bien évidemment engager des professionnels pour la réalisation des travaux afin d’en garantir la finition et la réussite.
    Nos idées pour peindre votre intérieur – BatiPresse
  • Qui peint la fleur n'en peut peindre l'odeur.
    Proverbe français
  • Et comment peindre avec des mots sans couleurs ?
    Joseph Marmette — Le chevalier de Mornac
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Traductions du mot « peindre »

Langue Traduction
Anglais to paint
Espagnol pintar
Italien pitturare
Allemand anstreichen
Chinois 作画
Arabe للصبغ
Portugais pintar
Russe рисовать
Japonais 塗る
Basque margotu
Corse pinta
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Synonymes de « peindre »

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Peindre

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