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Forger

Définitions de « forger »

Trésor de la Langue Française informatisé

FORGER, verbe trans.

A.− Dans le domaine technol.
1. [Le compl. désigne le matériau employé] Travailler (un métal) à la forge, à l'aide du marteau (et du feu). Le peuple des travailleurs ne peut acheter (...) les métaux qu'il forge (Proudhon, Propriété,1840, p. 272).Les ateliers de Nuremberg qui forgeaient le fer, martelaient le cuivre, polissaient le verre (Faure, Espr. formes,1927, p. 150).Mais, par derrière, c'est (...) New-Jersey qui lui forge l'acier de ses maisons (Morand, New-York,1930, p. 260).
Emploi abs. Là, pendant près de dix ans, il lima et forgea de toute la force de ses mains rudes (Zola, M. Férat,1868, p. 25).Un forgeron qui forge pour le village (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 364).
Proverbe, au fig. C'est en forgeant qu'on devient forgeron. L'habileté vient avec l'expérience. À force de forger on devient forgeron (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 73).C'est en forgeant qu'on devient forgeron, et c'est en optant que la volonté s'avère « automotive » (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 217).
P. anal. [Le compl. désigne un matériau autre que le métal] Mais moi je dis qu'il ne calculait point mais qu'il forgeait la pierre (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 561).
2. [Le compl. désigne l'objet produit] Façonner (un objet) grâce au travail de la forge. Forger une arme, un outil. C'est à moi que tu t'adresses pour forger ton épée (Flaub., Tentation,1849, p. 351).Pascal avait dû lui-même travailler pour eux, forger des fers pour leurs chevaux dans la forge paternelle (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 17).Jusqu'à une époque récente, les Azandé forgeaient des cimeterres en fer (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 234):
1. ... mon marteau remontait plus vite qu'il ne tombait sur l'enclume, le fer s'allongeait comme de la pâte. Je forgeai ma bêche d'abord à chaud, et puis à froid; je lui donnai une jolie forme carrée, un peu longue, légère, la ligne bien au milieu, le tranchant en queue d'aronde, le col tellement arrondi et bien soudé, que Valentin s'arrêtait de temps en temps pour admirer mon travail... Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 1, 1870, p. 163.
2. Et puis ils fichent en terre l'enclume, empoignent faux et marteau, et, à petits coups pressés, attentivement, ils forgent leur outil, ils redressent, durcissent et aiguisent à nouveau son fil. Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 78.
Emploi pronom. indir. Un grand nombre d'entre eux [les noirs du Morne-Rouge] avaient des arcs, des flèches et des sagaies, qu'ils s'étaient forgés (Hugo, Bug-Jargal,1826, p. 174).Il se forgea les armes qui lui permirent à la fois de vaincre ses ennemis et d'abattre le gibier (Metta, Pierres préc.,1960, p. 5).
P. métaph. Il [Maxence] était assez fort pour se laisser forger sur cette terrible enclume (Psichari, Voy. Centur.,1914, p. 29).Je forgeais pour mon âme une armure serrée avant qu'elle ne partît en guerre au milieu de l'humanité (Du Bos, Journal,1922, p. 84).
Emploi pronom. à valeur passive. Monsieur de Talleyrand, le seul homme qui eût une de ces têtes métalliques où se forgent à neuf les systèmes politiques (Balzac, Langeais,1834, p. 225).
P. métaph. et au fig., loc. Forger des chaînes (à qqn). Rendre esclave; créer des obligations. Mon corps est ma prison et ma pensée même me forge des chaînes (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 80).Emploi pronom. indir. S'il polit ses mœurs, il se forge des chaînes (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 118).
Forger un instrument. Préparer les moyens (d'une action). Emploi pronom. indir. La pensée ne dispose pas de l'instrument d'analyse qu'elle se forgera plus tard (Mounier, Traité caract.,1946, p. 615).
[P. allus. à la myth. gréco-lat.] Gamelin imaginait des Titans forgeant, avec les débris ardents des vieux mondes, Dicé, la cité d'airain (France, Dieux ont soif,1912, p. 43).
Au part. passé. Cette machine avait été forgée en France à l'usine de fer de Bercy (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 103).Toutes ces ferrures sont remarquablement forgées et ornées (Fillon, Serrurier,1942, p. 23).
[Avec un compl. de manière] Un loquet de porte forgé au marteau (Alain, Beaux-arts,1920, p. 338).Il ôte ses souliers à pointes de fer, belles, forgées à la main, et me les tend (Montherl., Bestiaires,1926, p. 265).
B.− Au fig.
1. [Avec l'idée d'une difficulté dans l'action et d'un résultat durable; p. réf. au travail pénible de la forge et à la solidité des objets qui y sont façonnés]
a) [Le suj. désigne une per.]
α) Forger qqc.Élaborer, créer (une chose durable), grâce à un effort particulier. Ils lui forgeaient là un amour, ils se la disputaient, à qui forgerait le mieux (Zola, Assommoir,1877, p. 534).Le nouveau monde qu'il forgera avec ses camarades (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 99).Jamais la vie ne nous avait paru plus magnifique, car nous la forgions selon notre volonté (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 79).
En partic. Forger un mot. S'il m'est permis de forger ce barbarisme (L. Schneider, Maîtres opérette fr.,1924, p. 244).La langue n'a pas forgé de mots pour exprimer cette nuance particulière de la mentalité des incurables (H. Bazin, Tête contre murs,1949, p. 394).
Au part. passé. Des mots forgés à plaisir (Bonald, Essai analyt.,1800, p. 233).
Emploi pronom. indir. Il a eu une histoire trop désordonnée pour se forger des dogmes solides (Barrès, Cahiers,t. 12, 1919-20, p. 287).Il est vrai que tout homme jalousement et puissamment personnel se forge un langage secret (Valéry, Variété II,1929, p. 100).Cette force que je m'étais forgée dans la solitude (Montherl., Pasiphaé,1936, p. 115):
3. J'en ai connu, d'une autre sorte encore, qui se forgent assidûment une consciente originalité, et dont le principal souci consiste, après avoir fait choix de quelques uns, à ne s'en jamais départir; qui demeurent sur le qui-vive et ne se permettent pas d'abandonner... Gide, Faux-monn.,1925, p. 1202.
β) Forger qqn.Modeler, former avec effort. C'est avec les caractères de cette trempe qu'on forge les meilleurs chrétiens (Gide, Faux-monn.,1925p. 1122).Il faut que je forge les hommes pour qu'ils servent (Saint-Exup., Vol nuit,1931, p. 110).
Emploi pronom. passif. Les chrétiens d'élite se forgent au feu de la contradiction et de la persécution même (Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 442).La nouvelle élite qui se forgeait dans le travail clandestin de la Résistance (Abellio, Pacifiques,1946, p. 388).
b) P. anal. [Le suj. désigne une chose] Façonner avec effort et durablement. La « discipline scientifique » (...) vous forge un cerveau neuf (Martin du G., J. Barois,1913, p. 239).J'ai lu ou j'ai forgé vingt « définitions » du Rythme, dont je n'adopte aucune (Valéry, Variété III,1936, p. 45).
Emploi pronom. passif. Me rencontre-t-on dans ces salons et sur ces théâtres où se forge la renommée? (Chateaubr., Martyrs,t. 1, 1810, p. 108).La certitude se forgeait en elle que tout cela concernait sa vie (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 46).Ainsi s'est forgé mon destin, au numéro un de la rue Le Goff (Sartre, Mots,1964, p. 134).
2. [Avec l'idée d'un produit artificiel, imaginaire ou trompeur; p. réf. au travail de la forge qui ne crée pas le matériau, mais lui donne seulement une forme extérieure, au gré de l'artisan]
a) [Le suj. désigne une pers.]
α) Forger qqc.Fabriquer pour les besoins de la cause. Forger de toutes pièces. Forger une histoire, un mensonge. On soupçonnait Calvisius et Plancus d'avoir forgé une bonne partie de ces accusations (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 320).Cette théorie biologique a été forgée après coup (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 221).Ce n'est qu'une hypothèse auxiliaire que l'on forge pour sauver le préjugé du monde objectif (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 12):
4. Toutes les puissances judiciaires de l'État étaient employées à flétrir quatre officiers sans reproche emprisonnés sur une accusation infâme dont on finit par reconnaître l'absolue vanité, car elle avait été forgée de toutes pièces au ministère de la Guerre par des criminels bien connus, mais restés impunis... Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 168.
Au part. passé. Des idées artificielles forgées par les besoins de la cause (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 86).Il y a incontestablement des diplômes forgés de toutes pièces, remaniés ou interpolés (M. Bloch, Apol. pour hist.,1944, p. 36).Ma profonde inutilité m'était d'autant plus manifeste que le rituel familial me paraît constamment d'une nécessité forgée (Sartre, Mots,1964, p. 78).
Emploi pronom. indir. Une citation à l'ordre du jour qu'Esterhazy s'était forgée de toutes pièces (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 383).Comme le criminel qui se forge d'instinct un alibi (Gracq, Beau tén.,1945, p. 67).Elle n'acceptait que les mensonges qu'elle se forgeait elle-même (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 284).
Fréq. Se forger des idées, des illusions, des chimères. − Des chimères, des chimères que vous vous forgez à plaisir (Goncourt, Journal,1882, p. 199).
β) Forger qqn.Fabriquer pour les besoins du moment. Me racontant de quelle manière, le 31 juillet, ils étaient allés forger − un roi (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 634).
Emploi pronom. indir. Son esprit se forge des ennemis qu'il n'a pas (Goncourt, Journal,1888, p. 891).
b) P. anal. [Le suj. désigne une chose] Fabriquer faussement. Des plaisirs enivrants (...) que seule sa jalousie forgeait de toutes pièces (Proust, Swann,1913, p. 303).
REM.
Forgeable, adj.Qui peut être travaillé à la forge. La fonte n'est pas forgeable (Ac.1932).
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀ ʒe], (il) forge [fɔ ʀ ʒ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1remoitié xiies. tu forjas l'albe et le soleil « créer » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, LXXII, 17); id. fig. « imaginer, inventer » (Psautier Cambridge, 49, 20 ds T.-L.); 1160 forgier « travailler un métal » (Eneas, 4303, ibid.). Du lat. class. fabricare « façonner, fabriquer » spéc. « forger » (propre et fig.). Fréq. abs. littér. : 380. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 492, b) 586; xxes. : a) 473, b) 595.

Wiktionnaire

Verbe - français

forger \fɔʁ.ʒe\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Façonner le fer, ou quelque autre métal, par le moyen du feu et du marteau.
    • On peut forger un fer à cheval, une barre de fer, une épée, des armes. - Je veux apprendre à forger.
  2. (Équitation) Trotter, en touchant les fers des pieds de devant avec les fers des pieds de derrière, en parlant d’un cheval.
    • Ma parole, ce cheval forge.
  3. (Figuré) Inventer, fabriquer (un mot, une expression, une histoire), faire.
    • Ils ont forgé de nouveaux mots, et ils ont donné droit de cité à des mots grecs. — (D. S. Blondheim, Les parlers judéo-romans et la Vetus Latina, 2013)
    • Si au contraire c’est une histoire forgée par quelque nouvel Auteur contenant des faits fabuleux, on ne doit plus faire aucun fond sur ces annales. — (Louis Ellies Dupin, L’Histoire profane, 1714)
    • Sa réputation n'a d'égale que celle qu'elle s'est forgée dans les forces de la Gendarmerie royale du Canada et du Service de police de Montréal. — (Marc De Foy, « Danièle Sauvageau aurait aimé avoir une chance », Le journal de Montréal, 28 novembre 2020)
  4. (Figuré) Controuver, falsifier, contrefaire.
    • Un fanatique, qui eût forgé un document pour authentifier une trahison de la réalité de laquelle il eût été convaincu, ne se fût pas tué. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

FORGER. v. tr.
Façonner le fer, ou quelque autre métal, par le moyen du feu et du marteau. Forger un fer de cheval. Forger une barre de fer. Forger une épée. Forger des armes. Fer forgé. Absolument, Apprendre à forger. Forger à froid, Travailler un métal avec le marteau, sur une enclume, sur un tas, etc., sans le faire chauffer. On dit, par opposition, Forger à chaud, lorsqu'on veut parler de la manière ordinaire de forger. En termes de Manège, Ce cheval forge, se dit d'un Cheval, qui, en marchant, touche les fers des pieds de devant avec les fers des pieds de derrière. Il signifie figurément Inventer, controuver. Forger un mensonge. Forger une calomnie. Forger une histoire. Forger des nouvelles. Se forger des chimères, S'imaginer des choses sans fondement. Un mot forgé, Un mot inventé, nouvellement formé. Il se prend souvent en mauvaise part.

Littré (1872-1877)

FORGER (for-jé. Le g prend un e devant a et o : je forgeais, nous forgeons) v. a.
  • 1Travailler le fer, l'argent, etc. au feu et au marteau. Forger un fer de cheval, une épée, des cuillers d'argent. Où Vulcain forge des foudres pour le père des dieux, Fénelon, Tél. XI.

    Se forger, forger pour soi. Chacun de ces peuples ensuite se forgea son Dieu, Sacy, Bible, Rois, IV, 17, 29.

    Absolument. Apprendre à forger.

    Forger à froid, travailler un métal au marteau sans le faire chauffer, par opposition à forger à chaud, qui est la manière ordinaire de forger.

    Forger le plomb, le frapper avec des masses.

    Fig. Forger ses fers, se forger des fers, être cause de sa propre servitude. [Le mondain] qui s'imagine être vraiment libre, parce qu'il est en effet trop libre à pécher, c'est-à-dire libre à se perdre, et qui ne s'aperçoit qu'il forge ses fers par l'usage de sa liberté prétendue, Bossuet, IV, Vêture, 1.

    Fig. Forger des vers, les faire péniblement et comme avec le marteau.

  • 2 Fig. Faire, produire. Chacun à son gré forgeant des potentats, Rotrou, Vencesl. I, 1. Ah ! Scapin, si tu pouvais trouver quelque invention, forger quelque machine, pour me tirer de la peine où je suis, Molière, Fourber. I, 2. Un dieu, sans doute, un dieu m'a forgé ces malheurs, Comme des instruments qui peuvent à ma vue Ouvrir du cœur humain les sombres profondeurs, Gilbert, le Poëte malheureux.

    Imaginer, inventer. Et sur un incident fortuit et véritable En forger un exprès de nature semblable, Mairet, Soliman, II, 6. Un inconnu peut bien nous forger une histoire, Scarron, D. Japhet d'Arm. I, 4. Ils dépeignent les académiciens comme des gens qui ne travaillent nuit et jour qu'à forger bizarrement des mots, ou bien à en supprimer d'autres plutôt par caprice que par raison, Pellisson, Hist. de l'Acad. franç. I. Votre feinte douceur forge un amusement Pour divertir l'effet de mon ressentiment, Molière, D. Garc. IV, 8. Je forgerai des systèmes, c'est-à-dire des erreurs, pour expliquer leur nature [des animaux], Voltaire, Trait. métaph. chap. 7.

    Se forger, forger à soi-même, s'imaginer, se figurer. De femmes et d'enfants dont la crédulité S'est forgée à plaisir une divinité [forgée se rapporte ici, par archaïsme, à divinité ; on mettrait aujourd'hui forgé], Rotrou, St Genest, V, 2. Le loup déjà se forge une félicité…, La Fontaine, Fabl. I, 5. Les images que l'imagination se forge au dedans, Bossuet, Lett. abb. 64.

    Se forger des chimères, s'imaginer des choses sans fondement. Il n'y a point d'accident pour ou contre que l'on n'imagine, point de chimère agréable ou fâcheuse qu'on ne se forge, Marivaux, Marianne, 6e part.

    Se forger des monstres pour les combattre, se former des difficultés soit par crainte et faiblesse d'esprit, soit par vanité et pour avoir l'air d'en triompher.

  • 3Supposer un écrit, l'attribuer à un auteur qui ne l'a pas écrit. Le faux Énoch, que cite saint Jude, est reconnu pour être forgé par un Juif, Voltaire, Mœurs, Introd. Il [ce peuple] se forgea une histoire…, Voltaire, Amabed, 2e lett. réponse.
  • 4 V. n. Terme d'hippiatrique. Frapper, dans les allures du pas et du trot, les pieds de devant avec la pince des fers des pieds postérieurs. Forger en voûte, atteindre la rive interne du fer fixé sous le pied antérieur ; on entend alors un bruit marqué résultant de la percussion.
  • 5Se forger, v. réfl. Être forgé. Du fer qui se forge facilement.

    Fig. C'est là [dans les cours] que se forgent ces traits de feu, selon les termes de l'apôtre, dont l'ennemi se sert pour allumer les passions dans ces âmes vaines qui sont les idoles du monde et dont le monde est lui-même l'idole, Fléchier, Marie-Thér.

HISTORIQUE

XIIe s. Dist li paiens : mauvesement vos va ; Qui fist t'espée, mauvese la forga, Bat. d'Aleschans, v. 1480. Tuens est li jurz, e tue est la nuiz ; tu forjas l'albe e le soleil, Liber psalm. p. 99. Car li fol conseil furent en Bretaigne forgié, Th. le mart. 165. Chascune des genz forjad et furmad sun Deu et sun ydle [idole], Rois, p. 404.

XIIIe s. Voire, sire ! car vous la feistes forgier [faire cette femme exprès pour vous], Berte, XXXVIII. …Diex qui de ses biens reput Le monde, quant il l'ot forgié, la Rose, 5263. [Venus] prise provée Es laz qu'il [Vulcain] ot d'airain forgiés, ib. 14049. Comme li martiaus est faiz por le fevre, quiore forge une espée, or un hiaume…, Latini, Trésor, p. 104. Pren ton tresor et ton avoir, Forge ton sens et ton savoir ; Là le tramet et là l'envoie ù [où] tu tous jors ieres [seras] en joie, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 86.

XIVe s. Un anel d'or, à un saphir, lequel seint Dunstan forga de ses mayns, De Laborde, Émaux, p. 479.

XVe s. Taisez-vous ; on forge en France les florins de quoi vous serez payés, Froissart, II, III, 36. Et se trouva un cordelier forgé, qui de luy mesme prit debat audit frere Hieronime, Commines, VIII, 19. Notre bonne mere avoit, le jour de devant, forgé [stylé] le medecin qui estoit tres bien averti de la reponse qu'il devoit faire, Louis XI, Nouv. X. Tout en forgeant devient on fevre, Perceforest, t. II, f° 71.

XVIe s. Elle se forge ainsin une prinse frivole, Montaigne, I, 21. Forger un conte, Montaigne, I, 205. J'aime mieulx forger mon ame que la meubler, Montaigne, III, 276. Alcibiades se forgeoit desja en son entendement les conquestes de Libye et de Carthage, Amyot, Alc. 30.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

* FORGER, v. act. c’est battre sur l’enclume un métal avec un marteau. On forge à froid & à chaud mais plus souvent à chaud. Ce mot varie d’acception. Voici, par exemple, un cas ou il est presque synonyme à planer ; c’est chez les Potiers-d’étain. Forger, c’est, après que la vaisselle est tournée, la battre, avec différens marteaux, sur le tas. Pour cet effet on a des morceaux de cuivre jaune en plaques de largeur, longueur & épaisseur convenables, bien écroüies ou serrées & polies au marteau ; on les nomme platines. Les platines sont planes pour les fonds des vaisselles, contournées pour les côtés. On commence par frotter legerement sa piece de vaisselle, avec un linge enduit de suif en-dedans & en-dehors : cela s’appelle ensuifer. On pose ensuite une platine sur l’enclume, qui est couverte d’une peau de castor gras. On fait tenir la platine sur la peau, avec une colle faite de poix-résine grasse & de suif ; on frappe là-dessus sa piece à coups de marteau, & on lui fait prendre une forme plus réguliere que celle qu’elle a reçue des moules ; on atteint les inégalités du tour ; on rend l’ouvrage compact, uni, brillant, & d’un meilleur service ; on le dégraisse & on le polit avec un linge & du blanc d’Espagne en poudre. Mais ce travail n’a lieu que sur l’étain fin. L’étain commun se forge autrement. On ensuife sa piece ; on la monte, c’est-à-dire qu’on la bat sur l’enclume nue. Les coups de marteau paroissent en-dedans & en-dehors ; ils s’étendent du milieu en ligne spirale, mais empiétant toûjours les uns sur les autres, jusqu’à la circonférence de l’ouvrage : c’est pourquoi à chaque coup de marteau que donne l’ouvrier d’une main, de l’autre il fait un peu tourner sa piece sur elle-même. Cette opération s’appelle monter. Après avoir monté une piece, on la renfonce ; la renfoncer, c’est avec le marteau frapper le fond à faux sur les genoux, afin de rendre à l’ouvrage sa concavité. On finit en couvrant l’enclume de peaux de castor gras, & en repassant le marteau sur tous les coups qui paroissent au-dedans & au-dehors de la piece. Cette opération les efface en-dedans, mais non en-dehors. C’est sur la différence du forger & du planer. On dégraisse de même : dans ce travail, l’ouvrier est assis devant son enclume, le billot de l’enclume est entre ses jambes, l’enclume n’est guere qu’à la hauteur de ses genoux ; il tient son marteau de la main droite, sa piece de la main gauche : cette main fait tourner la piece à mesure qu’elle est frappée ; elle est aidée dans cette action par le genou qui soûtient la piece toutes les fois que la main est obligée de la quitter pour la reprendre.

Forger un Fer, (Manége & Maréch.) action du maréchal qui donne à du fer quelconque la forme qu’il doit avoir, pour être placé sous le pié du cheval.

Le fer que les Maréchaux doivent employer, doit être doux & liant ; un fer aigre soûtiendroit avec peine les épreuves qu’ils lui font subir à la forge, & ne resisteroit point à celles auxquelles le met le travail de l’animal.

Ces ouvriers nomment loppin, un bout coupé d’une bande de fer, ou un paquet formé de morceaux de vieux fers de cheval. Celui qu’ils coupent à la bande en est séparé au moyen de la tranche.

Un compagnon prend un loppin de l’une ou de l’autre espece, proportionné aux dimensions qu’il prétend donner à son fer, & le chauffe jusqu’à blanc tout-au-plus, à moins que la qualité du fer dont il se sert lorsqu’il est question d’en souder les parties, n’exige qu’il pousse la chaude au-delà. Le fer ainsi chauffé, il le prend avec les tenailles les plus appropriées à la forme actuelle du loppin ; les tenailles dont sa forge doit être abondamment pourvue, devant être de différentes grandeurs & de différentes figures. Il le présente à plat sur la table de l’enclume. Un apprenti ou un autre compagnon armé du marteau à frapper devant, frappe toûjours de maniere à alonger & à élargir le loppin, & chacun de ses coups est suivi de celui du premier forgeur, dont la main droite saisie du ferretier ne frappe que sur l’épaisseur du fer. Pour cet effet, comme leurs coups se succedent sans interruption, celui-ci après avoir posé le loppin à plat pour l’exposer au marteau de l’apprenti, le retourne promptement de champ pour l’exposer à son ferretier ; & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une des branches soit suffisamment ébauchée : du reste les coups du ferretier tendent comme ceux du marteau au prolongement du loppin, mais ils le retrécissent en même tems, & lui donnent la courbure qui caractérise le fer du cheval ; c’est ce que les Maréchaux appellent dégorger. Pour la lui procurer plus promptement, le forgeur adresse quelques-uns de ses coups sur la pointe non-chauffée du loppin, tandis que l’autre porte sur l’enclume ; car il doit avoir eu l’attention de ne faire chauffer de ce même loppin qu’environ les deux tiers, afin que la partie saisie par la tenaille ait assez de solidité pour rejetter sur la partie chauffée tout l’effet des coups de ferretier qui sont diriges sur elle. Cette branche dans cet état, le forgeur quitte son ferretier & prend le refouloir, avec lequel il la refoule à son extrémité, pour commencer à en façonner l’éponge.

Il remet au feu ; & par une seconde chaude conduite comme la premiere, il ébauche au même point la seconde branche & la courbure, ou la tournure, pour me servir de l’expression du Maréchal ; après quoi lui seul façonne le dessus, le dessous, les côtés extérieurs & intérieurs des branches, en se servant au besoin de l’un & de l’autre bras de la bigorne, pour soûtenir le fer lors des coups de ferretier qu’il adresse sur l’extérieur, ce fer étant tenu de champ sur le bras rond, quand il s’agit de former l’arrondissement de sa partie antérieure, & sur le bras quarré, quand il est question d’en contourner les branches. Il employe de même que ci-devant le refouloir.

Il seroit à souhaiter que tous les Maréchaux s’en tinssent à ces opérations, jusqu’à ce que l’inspection du pié auquel le fer sera destiné, les eût déterminés sur le juste lieu des étampures. Ce n’est qu’alors qu’ils devroient passer à la troisieme chaude, & profiter des indications qu’ils auroient tirées. Cette chaude donnée, le forgeur, à l’effet d’étamper, pose le fer à plat sur l’enclume, ce fer étant retourné de maniere que sa face inférieure est en-dessus ; il tient l’étampe de la main gauche ; il en place successivement la pointe sur tous les endroits ou il veut percer, sans oublier que l’une de ses faces doit être toûjours parallele au bord du fer ; & le compagnon ou l’apprenti frappe sur la tête de cet outil, jusqu’à ce qu’il ait pénétré proportionnément à l’épaisseur de ce même fer. L’étampure faite, le forgeur le rapproche avec son ferretier de la forme que ce dernier travail a altéré ; & après l’avoir retourné, il applique la pointe du poinçon sur les petites élévations apparentes à la face supérieure ; & frappant du ferretier sur la tête de ce poinçon, il chasse en dedans & détache par les bords la feuille à laquelle le quarré de l’étampe a réduit l’épaisseur totale du fer. Cette action avec le poinçon se nomme contre-percer. Enfin il refoule & il rétablit dans ce premier contour, avec ce même ferretier, les bords que l’étampure a forcés, & il porte l’ajusture du fer à sa perfection.

Ces trois seules chaudes seroient insuffisantes dans le cas où il s’agiroit de forger un fer à crampons, & à plus forte raison dans celui où le fer seroit plus composé. Lorsque l’ouvrier se propose de former des crampons quarrés, il a soin de refouler plus fortement les éponges, & de tenir les branches plus longues de tout ce qui doit composer le crampon. La propreté de l’ouvrage exige encore deux chaudes, une pour chaque branche. Le forgeur doit commencer à couder celle qui est chauffée avec le ferretier sur la table de l’enclume, ou sur le bras rond de la bigorne ; sur la table de l’enclume, en portant un coup de son outil sur le dessous de l’éponge à quelques lignes de distance de sa pointe, qui seule repose sur la table, tandis que le reste de la branche est soûtenu par la tenaille dans une situation oblique, ou inclinée ; sur le bras rond, en posant cette même face inférieure de façon que le bout de l’éponge déborde la largeur de ce bras, & en adressant son coup sur l’extrémité saillante. Il s’aide ensuite du bras quarré de la bigorne pour façonner les côtés du crampon.

C’est par la différente maniere dont l’ouvrier présente son fer sur les différentes parties de la bigorne, & dont il dirige ses coups, qu’il parvient à former exactement un crampon quarré, ou un crampon à oreille de lievre ou de chat : celui-ci ne differe du premier, que parce qu’il diminue à mesure qu’il approche de son extrémité, & qu’il est tellement tordu dans sa longueur & des sa naissance, qu’il présente un de ses angles dans la direction de la longueur de la branche dont il émane. Il est encore des crampons postiches, terminés supérieurement en une vis, dont la longueur n’excede pas l’épaisseur de l’éponge. Cette partie du fer est percée d’un trou taraudé, qui comme écrou reçoit cette vis. Par ce moyen le crampon est assez fermement assemblé avec le fer, & facilement mis en place quand il est utile. On l’en sépare aussi sans peine en le dévissant : mais comme l’écrou qui resteroit vuide lorsqu’on jugeroit à-propos de supprimer le crampon, ne pourroit que se remplir de terre ou de gravier qui s’opposeroient à une nouvelle introduction de la vis du crampon, on substitue toûjours à cette vis une autre vis semblable, à cela près qu’elle ne déborde aucunement l’épaisseur du fer dans laquelle elle est noyée, & qu’elle est refendue pour recevoir le tourne-vis, au moyen duquel on la met en place ou on l’ôte avec aisance.

Quant aux pinçons, on les tire de la pince sur la pointe de la bigorne, au moyen de quelques coups de ferretier.

S’il est question d’appliquer aux fers quelques pieces par soudure, il faut de nouvelles chaudes. Les encoches se travaillent à la lime, &c.

Un ouvrier seul pourroit forger un fer ; mais ce travail coûteroit plus de peine, & demanderoit plus de tems.

Il est nombre de boutiques ou de forges où l’on en employe deux, & même quelquefois trois, à frapper devant, sur-tout quand les loppins font d’un volume énorme. (e)

Forger, (Manége & Maréch.) Cheval qui forge, cheval qui dans l’action du pas, & le plus souvent dans celle du trot, atteint ou frappe avec la pince des piés de derriere les éponges, le milieu, ou la voûte de ses fers de devant. Ce défaut que l’on distingue aisément à l’oüie d’une infinité de heurts répétés, est d’autant plus considérable, que communément il annonce la foiblesse de l’animal : aussi ne doit-on pas être étonné de rencontrer des poulains qui forgent. Il provient aussi de la ferrure, quelquefois de l’ignorance du cavalier, qui, bien loin de soûtenir son cheval, le précipite indiscretement en-avant & sur les épaules, & le met par conséquent dans l’impossibilité de lever les piés de devant assez tôt, pour qu’ils puissent faire place à ceux de derriere qui les suivent. La premiere de ces causes ne nous laisse l’espoir d’aucune ressource : l’art en effet ne nous en offre point, quand il s’agit d’un vice qui procede de la débilité naturelle de la machine. A l’égard de ceux que notre impéritie occasionne, il est aisé d’y remédier. Voyez Soûtenir & Ferrure. (e).

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Étymologie de « forger »

Wallon, fôrgî ; provenç. fargar ; espagn. et portug. forjar ; du latin fabricare, fabriquer (voy. FORGE).

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(XIIe siècle) Du latin fabricare qui donne aussi fabriquer.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « forger »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
forger fɔrʒe

Fréquence d'apparition du mot « forger » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « forger »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « forger »

  • Le proverbe empirique qui dit : "C'est en forgeant qu'on devient forgeron" est un proverbe de vérité, car il est plutôt rare, en effet, qu'en forgeant, un forgeron devienne petit télégraphiste ou mannequin de haute-couture.
    Pierre Dac
  • L’angoisse, l’alcool, la solitude, les traumatismes sont d’immenses atouts pour forger un écrivain.
    Frédéric Beigbeder — Oona & Salinger - 2014
  • Nous ne sommes qu'un maillon précieux d'une chaîne éternelle dont une extrémité se perd dans l'inconnaissable tandis que l'autre reste encore à forger.
    Robert Ardrey — African genesis
  • Les hommes passent la moitié de leur temps à se forger des chaînes et l'autre moitié à les porter.
    Octave Mirbeau
  • J’aime mieux forger mon âme que la meubler.
    Michel de Montaigne — Essais
  • Chaque individu doit se forger ses propres outils, ses propres valeurs, s'il ne veut pas se transformer en zombie.
    Claude Michelet — Entretien avec Catherine Argand - mai 1994
  • Il suffit de forger des noms nouveaux, de nouvelles appréciations et de nouvelles probabilités pour créer à la longue aussi des "choses" nouvelles.
    Friedrich Nietzsche — Le Gai Savoir
  • On rencontre beaucoup d'hommes parlant de libertés, mais on en voit très peu dont la vie n'ait pas été principalement consacrée à se forger des chaînes.
    Gustave Le Bon — Hier et Demain
  • Le travail rien d'autre que le travail ! Rien de mieux pour forger un caractère et un avenir solides.
    Louise Simard — Rythmes de femme
  • Mondial Radiale Machines à forger marché 2020 Rapport de recherche fournit une analyse clé sur létat du marché des fabricants Radiale Machines à forger avec les meilleurs faits et des chiffres, le sens, la définition, lanalyse SWOT, avis dexperts et les derniers développements à travers le monde. Le rapport calcule également la taille du marché, Radiale Machines à forger ventes, le prix, les revenus, la marge brute et part de marché, la structure des coûts et le taux de croissance. Le rapport estime que les revenus générés par les ventes de ce rapport et technologies par divers secteurs dapplication.
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Images d'illustration du mot « forger »

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Traductions du mot « forger »

Langue Traduction
Anglais forge
Espagnol para forjar
Italien forgiare
Allemand zu schmieden
Chinois 伪造
Arabe لتزوير
Portugais forjar
Russe ковать
Japonais 偽造する
Basque falsifikatzeko
Corse falsificà
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Synonymes de « forger »

Source : synonymes de forger sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « forger »

Combien de points fait le mot forger au Scrabble ?

Nombre de points du mot forger au scrabble : 10 points

Forger

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